3. Utilisation industrielle du bisphénol A

Le bisphénol A est un produit chimique fabriqué en grande quantité, sa production mondiale atteignant 4 milliards de kilogrammes (kg) en 2006. Aux États-Unis, les quantités produites sont passées de 736 millions de kg en 1995 à une quantité que l'on estime à 1 milliard de kg en 2007. En 2006, les quantités sur le marché canadien auraient été moins élevées que les quantités américaines, car la quantité de bisphénol A fabriquée au Canada n'aurait pas atteint 100 kg (ce qui représente le seuil de déclaration). Néanmoins, 25 entreprises ont déclaré avoir importé une quantité totale d'environ 500 000 kg de bisphénol A au Canada et 5 entreprises ont déclaré avoir utilisé de 100 000 à 1 000 000 kg de bisphénol A au Canada, que ce soit seul, dans un produit, dans un mélange ou dans un article manufacturé [6].

Voici les types de mélanges, de produits ou d'articles fabriqués que les répondants ont déclarés en 2006 en réponse à un avis publié par le ministre de l'Environnement à l'intention de l'industrie canadienne en vertu de l'article 71 de la LCPE 1999 : résines, agents de traitement, agents réactifs époxydes, durcisseurs, formulations de résines plastiques, monomères, cartons d'emballage, boîtes de conserve métalliques, résines phénoliques, revêtements industriels, plastifiants, adhésifs, adhésifs époxydes à deux composants, huiles pour chaîne, liquides pour freins, fluides caloporteurs et formulations de lubrifiants. Les renseignements communiqués volontairement en 2007 en réponse au questionnaire du Défi, en plus d'autres renseignements fournis par l'industrie, indiquent d'autres utilisations : revêtement de sol à base de polymères époxydes, adhésif de laminage, poudres de revêtement colorées sur mesure et produit de cure pour resurfaçage du béton.

Les publications scientifiques montrent que le polycarbonate est utilisé dans la fabrication de disques compacts, de contenants mis en contact avec des aliments et des boissons (p. ex. biberons, bouteilles d'eau réutilisables, cruches, bombonnes d'eau, articles de table et de conservation), de conduites d'eau, d'appareils médicaux et de produits de glaçage et de films. Les mélanges de polycarbonate ont des applications dans les industries de l'électricité et de l'électronique (les systèmes d'alarme, les boîtiers de téléphones portables, le matériel informatique, l'équipement ménager électrique, les appareils d'éclairage, les prises électriques) ainsi que dans l'industrie de l'automobile (réflecteurs pour phares avant et arrière, protège-phares, pare-chocs, grilles de radiateur et d'aération, vitrage de sécurité, éclairage intérieur, pare-brise de moto et casques protecteurs) [NTP, 2007; EFSA, 2006].

La fabrication de produits qui contiennent du bisphénol A peut provoquer des rejets de bisphénol A dans l'environnement. Au Canada, des rejets importants de bisphénol A ont été mesurés à partir d'effluents industriels et d'installations de traitement des eaux usées municipales. Les rejets industriels peuvent se produire directement dans l'eau ou par les réseaux municipaux de collecte des eaux usées [7].

Les rejets de bisphénol A dans l'eau de surface peuvent entraîner une exposition directe des organismes aquatiques à cette substance. Le bisphénol A qui est rejeté dans les systèmes municipaux d'eaux usées se mélange à des intrants provenant d'autres sources industrielles et aux eaux usées domestiques, formant l'influent qui entre dans les systèmes municipaux de traitement des eaux usées. Tel qu'il est mentionné dans le rapport final d'évaluation préalable, des quantités de bisphénol A supérieures aux concentrations avec effets nocifs ont été mesurées dans les effluents d'installations de traitement des eaux usées canadiennes.

Aucun renseignement contenu dans les réponses au questionnaire volontaire sur le Défi ne fait part d'éventuels substituts du bisphénol A.

Aucun renseignement contenu dans les réponses au questionnaire volontaire sur le Défi ne fait part d'éventuelles technologies de contrôle et de captage du bisphénol A. Cependant, des recherches parmi les publications scientifiques ont permis de trouver quelques méthodes utilisées pour réduire les rejets de bisphénol A à partir des effluents industriels. Toutes les techniques décrites ci-dessous peuvent retirer plus de 90 % du bisphénol A des eaux usées. Les coûts de lancement et les coûts d'utilisation dépendent de nombreux facteurs, y compris la quantité d'effluents, le coût du matériel et l'espace disponible pour l'installation nécessaire.

Ultrafiltration et osmose inversée

L'ultrafiltration et l'osmose inversée utilisent des filtres pour retirer le bisphénol A des effluents d'eau industriels en faisant traverser par ces derniers une membrane semi-perméable [8]. Les matières solides en suspension et les solutés présentant une masse moléculaire élevée sont retenus par le filtre tandis que l'eau et les solutés présentant une masse moléculaire faible traversent la membrane [9]. Les ultrafiltres sont actuellement utilisés dans la fabrication de produits chimiques et de produits pharmaceutiques, dans la transformation des aliments et des boissons ainsi que dans le traitement des eaux usées. Malheureusement, ce type de méthode demande des coûts de lancement importants et pourrait ne pas s'avérer économiquement réalisable pour les installations de petite taille ou de taille moyenne.

Catalyse du dioxyde de titane

Le dioxyde de titane (TiO2) est l'oxyde de titane naturellement présent dans l'environnement. Il peut être utilisé comme photocatalyseur, sous un rayonnement ultraviolet, pour dégrader le bisphénol A. Cette technologie nécessite environ 8 g de TiO2 pour un échantillon de 250 mL de bisphénol A à une concentration de 50 mg/L [10]. Cela entraînerait un coût de 1,78 $ par litre [11] d'eau traité si on utilisait du TiO2 pur. Toutefois, étant donné qu'il s'agit d'une réaction catalytique, il serait possible de réutiliser le TiO2, ce qui permettrait de réduire les coûts. Un coût de lancement serait également induit par l'installation de la lampe de photodégradation par rayonnement ultraviolet et du bassin dans lequel se produira la réaction.

Bactéries et bioréacteurs

L'utilisation de bactéries pour la dégradation du bisphénol A représente une technologie de contrôle potentielle. Cette méthode pourrait se combiner aux filtres actuels au charbon actif afin de réduire la concentration du bisphénol A rejeté dans l'eau [12]. En laboratoire, il s'est avéré que les bioréacteurs retiraient jusqu'à 90 % du bisphénol A de l'eau à un débit de 6 000 L/h [13].


[6] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/substances-chimiques/defi/deuxieme-lot.html

[7] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/substances-chimiques/defi/deuxieme-lot.html

[8] Bing-zhi, D., Lin, W. et Nai-yun, G. (2008). The removal of bisphenol A by ultrafiltration. Desalination, 221(1-3), p. 312-317.

[9] Industrial Applications, site Web de GEA filtration, consulté le 1er octobre 2009, disponible en anglais seulement.

[10] Hsien, K., Tsai, W. et Su, T. (2009). Preparation of diatomite-TiO2 composite for photodegradation of bisphenol-A in water. Journal of Sol-Gel Science and Technology, 51(1), p. 63-69.

[11] Titanium(IV) Oxide 98.0 - 100.5% TiO2, site Web de Fisher scientific (https://ecat.fishersci.ca/(0w5xssrordj3di552501xz55)/Coupon.aspx?cid=41247), consulté le 1er octobre 2009.

[12] Yamanaka, H., Moriyoshi, K., Ohmoto, T., Ohe, T., et Sakai, K. (2008). Efficient microbial degradation of bisphenol A in the presence of activated carbon. Journal of Bioscience and Bioengineering, 105(2), p. 157-160. Obtenu à partir du site www.scopus.com et DOI: http://dx.doi.org/10.1263/jbb.105.157 (disponible en anglais seulement)

[13] Wintgens, T. et al, Endocrine disrupter removal from wastewater using membrane bioreactor and nanofiltration technology, Desalination, I46 (2002) p. 387-391.

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