Huiles moteur usées - rapport de suivi pour la liste des substances d'intérêt prioritaire : chapitre 3

3. Caractérisation de l'exposition

3.1 Devenir dans l'environnement

Le devenir des huiles moteur usées (HMU) dans l'environnement dépend de la façon dont elles sont gérées et réutilisées. Par exemple, lorsque les HMU sont régénérées, les voies potentielles d'exposition ambiante sont l'air, les eaux réceptrices et les déchets solides des usines de re-raffinage. De même, pour la combustion, les voies d'exposition sont l'air et les cendres. Lorsque les HMU sont utilisées comme dépoussiérant et rejetées dans le sol, les principales voies d'exposition sont le sol et le ruissellement vers l'eau. Seulement 1% de la quantité calculée d'huiles moteur minérales usées épandues sur 2 routes rurales du New Jersey pour abattre la poussière est demeuré dans les 2,5 cm de la couche supérieure du matériau de revêtement routier (Freestone, 1979). La plus grande partie du ruissellement d'huile provenant des revêtements routiers a eu lieu pendant les premières chutes de pluie qui ont suivi l'épandage d'huile. Pendant les périodes sèches, les principales formes de transport étaient la volatilisation et la poussière. Les particules de poussière peuvent être transportées par le vent et contaminer les cultures situées au voisinage des routes où de l'huile a été épandue (Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR), 1997). En général, la biodégradation sur les revêtements routiers est très faible comparativement aux pertes dues à la volatilisation et au ruissellement (ATSDR, 1997). Dans les régions rurales, la façon la plus courante de se débarrasser de l'huile consistait à la déverser sur les routes et les allées en gravier (ATSDR, 1997).

Les types d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) présents dans les HMU peuvent fournir une indication quant à la source de combustion (c'est-à-dire les véhicules routiers par opposition à d'autres sources comme l'huile à chauffage domestique, le charbon et le bois) (O'Malley et al., 1996; Barrie et al., 1997). En raison des progrès réalisés en chimie analytique, il est possible d'identifier certains HAP afin de mieux connaître les sources des hydrocarbures pétroliers présents dans les eaux de ruissellement urbaines et, plus précisément, de savoir si les HAP présents dans les échantillons du milieu sont attribuables aux HMU. Latimer et al. (1990) ont analysé des échantillons de produits pétroliers et de matériaux source probables (par exemple, le sol et la végétation en bordure des routes, la poussière des rues et les dépôts atmosphériques) afin d'y doser les hydrocarbures et les métaux à l'état de traces, et ils les ont comparés à des échantillons d'eaux de ruissellement urbaines provenant de quatre types de terrains utilisés à des fins différentes: des emplacements commerciaux, des emplacements résidentiels, des autoroutes inter-États et des emplacements industriels, dans diverses villes du Rhode Island aux États-Unis. Les distributions chromatographiques des hydrocarbures saturés et aromatiques ont indiqué que les HAP présents dans les eaux de ruissellement urbaines des quatre types de terrain provenaient des HMU. Ces HAP étaient des composés aromatiques contenant de deux à six anneaux et comprenant environ 36 % de fluoranthène, 38 % de pyrène et de plus faibles quantités (12 à 14 % environ) de benzopyrènes.

Les HAP présents dans l'eau pluviale, où environ 95 % des composés aromatiques totaux ont été associés aux particules, peuvent être principalement attribués aux HMU (MacKenzie et Hunter, 1979; Carr et al., 2000). Dans une étude réalisée par O'Malley et al. (1996), les principales sources d'apport de HAP dans les sédiments de surface marins du port de St. John's, à Terre-Neuve, ont été quantitativement évaluées en mesurant l'abondance moléculaire et les isotopes du carbone de chacun des HAP (contenant quatre et cinq anneaux). Le calcul du bilan massique à l'aide d'un modèle de combinaison à deux composantes a indiqué qu'environ 20 à 50% des HAP à quatre et cinq anneaux décelés dans les sédiments provenaient des HMU du carter des véhicules et avaient pénétré dans le port à la suite d'un écoulement direct de surface (O'Malley et al., 1996).

3.2 Concentrations dans l'environnement

Divers constituants des HMU figurent à l'annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (LCPE 1999), et leurs concentrations (en µg/g de poids humide) étaient les suivantes: arsenic, <6,67; benzène, 28; cadmium, 0,479-0,93; chrome, 1-21; HAP, y compris le pyrène, <0,128-326, le phénanthrène, <0,224 et le fluoranthène, <0,19-109); nickel, <2 et plomb, 8,5.Note de bas de page 2 Les substances de l'annexe 1 qui peuvent contaminer les HMU comprennent le trichloroéthylène (84), le tétrachloroéthylène (453), le 1,1,1-trichloroéthane (445) et les biphényles polychlorés (BPC) (0-38 000) (Conseil canadien des ministres de l'environnement (CCME), 1989b; Environnement Canada, 1993).

3.2.1 Utilisation comme dépoussiérant et rejet dans le sol

Aucune nouvelle donnée de surveillance n'a été relevée au sujet des scénarios d'utilisation comme dépoussiérant ou de rejet dans le sol. Toutefois, les données de Maltby et al. (1995a), O'Malley et al. (1996), Marsalek et al. (1997) et Abrajano (2000) sur les concentrations de HMU dans les eaux de ruissellement des routes provenant des véhicules qui perdent de l'huile moteur usée peuvent être substituées aux concentrations de HMU utilisées comme dépoussiérant et rejetées dans le sol qui se retrouvent dans l'environnement, ce qui est possible puisque la voie de pénétration des HMU qui s'échappent des véhicules est la même que celle des huiles moteur usées utilisées comme dépoussiérant et rejetées dans le sol, sauf que les quantités en jeu dans les deux derniers scénarios sont probablement beaucoup plus considérables que dans le cas des eaux de ruissellement des routes.

Dans une étude en cours sur les apports d'origine de HAP dans le fleuve Saint-Laurent, Abrajano (2000) a calculé les concentrations de pyrène, de fluoranthène et de phénanthrène dans les sédiments. En utilisant la méthode moléculaire d'identification des apports d'origine des HAP conjointement avec les signatures (13C/12C) des isotopes du carbone spécifiques aux composés, il est possible d'obtenir une évaluation plus quantitative des sources de HAP dans les sédiments naturels (O'Malley, 1994; O'Malley et al., 1994). Le tableau 1 énumère les points d'échantillonnage dans le fleuve Saint-Laurent où des HAP dérivés du pétrole ont été retrouvés. À l'aide du modèle de répartition des isotopes du carbone, le pourcentage de HAP dans ces échantillons dont on a déterminé qu'ils provenaient des HMU est indiqué. En multipliant la quantité totale de HAP dérivés du pétrole par le pourcentage de HAP provenant des HMU, on obtient la contribution absolue des HMU aux HAP présents dans les sédiments. Le pourcentage de HAP provenant des HMU a été calculé en faisant le bilan massique des isotopes du carbone. Par exemple, dans un échantillon prélevé près de Cornwall, la concentration totale de pyrène, un HAP dérivé du pétrole, était de 1,558 µg/g de poids sec, et le pourcentage de HAP provenant des HMU était de 56; par conséquent, la concentration de HAP provenant des HMU à cet endroit était de 1,558 × 0,56, soit 0,872 µg/g de poids sec. La source probable des HMU présentes dans les sédiments est l'eau de ruissellement des routes. On n'a pas jugé que la lixiviation des HAP présents dans l'asphalte était un facteur important. Il est possible que le rejet dans le sol, le dépoussiérage et les effluents des égouts contribuent à la présence de HMU dans les sédiments, mais on ne sait pas dans quelle mesure (Abrajano, 2000).

Tableau 1: Concentrations de trois HAP dérivés du pétrole retrouvés dans des sédiments du fleuve Saint-Laurent, et pourcentage attribuable aux HMU

Tableau 1a : Concentration de trois HAP dérivés du pétrole retrouvés dans des sédiments du fleuve Saint-Laurent
Endroit Phénanthrène Fluoranthène Pyrène
Au large de Kingston 0,975 1,055 0,892
Cornwall 1,822 2,211 1,558
Maitland 1,239 1,186 1,054
Tableau 1b : Concentration de HAP provenant des HMU retrouvés dans des sédiments du fleuve Saint-Laurent et pourcentage attribuable aux HMU
Endroit % de HMU Phénanthrène Fluoranthène Pyrène
Au large de Kingston 12 0,117 0,127 0,107
Cornwall 56 1,020 1,238 0,872
Maitland 34 0,421 0,403 0,358

Dans une étude sur les eaux de ruissellement des routes provenant du James N. Allen Skyway Bridge à Burlington, Ontario, Marsalek et al. (1997) ont calculé que les concentrations moyennes maximales épisodiques de pyrène, de fluoranthène et de phénanthrène dans les sédiments étaient respectivement de 3,00, 4,03 et 3,88 µg/g de poids sec. La concentration moyenne épisodique dans les sédiments est un constituant de la concentration qui est calculée comme la concentration massique dans l'épisode d'écoulement d'averses divisée par le volume de l'écoulement épisodique. Dans cette étude, des échantillons composites proportionnels au débit ont été prélevés, et leur analyse a permis de déterminer directement la concentration moyenne épisodique dans les sédiments. Les concentrations moyennes épisodiques dans ces sédiments représentent les moyennes des concentrations « instantanées » (Marsalek, 2000).

Dans une étude britannique réalisée par Maltby et al. (1995a), les concentrations de pyrène, de fluoranthène et de phénanthrène dans des échantillons de sédiments prélevés à Pigeon Bridge Brook, en aval d'une importante autoroute, étaient respectivement de 10,16, 3,2 et 5,62 µg/g de poids humide. Ces mêmes sédiments contenaient aussi des métaux dont la concentration médiane (en µg/g de poids sec) était assez élevée comparativement aux échantillons prélevés en amont de l'autoroute : zinc, 137 en amont et 338 en aval; cadmium, 0,93 en amont et 2,28 en aval; plomb, 86 en amont et 133 en aval; chrome, 21 en amont et 76 en aval. Il y avait aussi des composés carbonylés dans les sédiments contaminés, mais les sédiments non contaminés n'en contenaient pas.

Latimer et al. (1990) ont mentionné que les concentrations moyennes (en µg/g de poids sec) d'hydrocarbures totaux pondérés (comprenant les HAP) dans les particules provenant des eaux de ruissellement urbaines de quatre types de terrain au Rhode Island étaient les suivantes : emplacements industriels, 211 000; emplacements commerciaux, 248 000; autoroutes inter-États, 248 000; emplacements résidentiels, 42 000. Latimer et al. (1990) ont aussi mesuré les concentrations d'hydrocarbures et de métaux provenant des HMU présentes dans quatre matériaux source : la poussière des rues, le sol en bordure des routes, la végétation et les dépôts atmosphériques. Vingt pour cent des particules présentes dans les eaux de ruissellement urbaines provenaient de la poussière des rues, du sol en bordure des routes, de la végétation et des dépôts atmosphériques, mais les concentrations de HMU et de HAP dans les eaux s'écoulant à la surface des différents types de terrain étaient plus élevées que dans les matériaux source. On s'attendait à ce que la différence entre les concentrations d'hydrocarbures (incluant les HAP) dans les eaux de ruissellement urbaines et les matériaux source soit due au déversement direct d'huile dans les égouts pluviaux par les bricoleurs (Latimer et al., 1990). La même explication pour la différence entre les concentrations d'hydrocarbures a aussi été proposée dans une étude réalisée dans la même région géographique par Hoffman et al. (1980). La distribution des HAP dans les matériaux source était la même pour les quatre types de terrain. Le phénanthrène, le fluoranthène et le pyrène étaient les composés dominants, et 20 % de tous les HAP étaient des benzopyrènes (Latimer et al., 1990).

La concentration des métaux dans les eaux de ruissellement urbaines a aussi été mesurée; leur concentration et leur distribution chimique dans les eaux de ruissellement et les matériaux source étaient les mêmes. Dans les matériaux source en bordure des routes, les concentrations, en µg/g de particules sèches, variaient entre 0,02 et 3,40 pour le cadmium, 10,4 et 228 pour le cuivre, 123 et 1 410 pour le plomb et 47,8 et 655 pour le zinc (Latimer et al., 1990).

3.2.2 Re-raffinage

Aucune nouvelle donnée de surveillance n'a été relevée pour ce scénario.

3.2.3 Utilisation comme combustible

Aucune nouvelle donnée de surveillance n'a été relevée pour ce scénario.

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