Sels d’aluminium, contenu final : chapitre 2.4

2. Résumé des informations nécessaires à l'évaluation du caractère toxique au sens de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999)

2.4 Caractérisation des effets

2.4.1 Écotoxicologie

Les résultats des études relatives aux effets de l’aluminium sur les organismes terrestres et aquatiques les plus vulnérables sont présentés brièvement ci-dessous. Plusieurs études fournissent des descriptions plus complètes des effets environnementaux de l’aluminium (Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR), 2006; Bélanger et al., 1999; Roy, 1999a).

Au contact de l’eau, les sels d’aluminium s’hydrolysent pouvant conduire à la formation d’aluminium monomère dans la fraction dissoute. C’est celui-ci, et non les sels, qui peut avoir un effet nocif sur les organismes (Driscoll et al., 1980; Parker et al., 1989; Baker et al., 1990). Le résumé suivant porte donc essentiellement sur les effets des formes dissoutes (surtout monomères) de l’aluminium produites lors de la dissociation des sels d’aluminium.

2.4.1.1 Organismes aquatiques

La plupart des études relatives aux effets de l’aluminium sur la vie aquatique concernent l’impact des précipitations acides. Dans ce rapport, l’emphase a été mise sur les effets toxiques potentiels de l’aluminium dans des eaux neutres ou presque neutres, puisque les données disponibles indiquent que les rejets associés aux trois sels d’aluminium étudiés se produisent principalement dans des eaux à potentiel d'hydrogène (pH) neutre (Roy, 1999b; Germain et al., 2000). Les données relevées les plus pertinentes concernaient donc les poissons. Ce rapport d’évaluation ne présente aucun examen détaillé des effets potentiels de l’exposition à l’aluminium polymérique, ce dernier ayant plus de risque de se former et de causer un effet toxique durant la neutralisation des eaux acides riches en aluminium, ce qui n’est pas le cas des scénarios décrits ici (Roy, 1999b).

Les branchies constituent les principaux organes cibles de l’aluminium chez les poissons (Dussault et al., 2001). Celui-ci se lie à la surface des branchies, provoquant un épaississement et une fusion des lamelles ainsi qu’une augmentation de la distance de diffusion dans les échanges gazeux (Karlsson-Norrgren et al., 1986; Tietge et al., 1988). Les dommages qui en résultent conduisent à une perte de perméabilité de la membrane, à une réduction de l’absorption ionique, à une perte d’ions plasmatiques et à des changements de paramètres sanguins liés à la respiration. La mort peut s’ensuivre, due à des perturbations au niveau de l’ionorégulation, à une insuffisance respiratoire ou à une combinaison des deux, selon le pH de l’eau et la concentration de l’aluminium hydrique (Neville, 1985; Booth et al., 1988; Gensemer et Playle, 1999). Les perturbations au niveau de l’ionorégulation l’emportent à pH bas (inférieur à 4,5) et sont associées à une réduction des concentrations plasmatiques des ions Na+ et Cl¯ (Neville, 1985; Gensemer et Playle, 1999). À des pH supérieurs à 5,5, les espèces d’aluminium chargées positivement se lient aux sites de charge négative de la surface des branchies, entraînant une polymérisation de l’aluminium. Ceci conduit à une sécrétion de mucus, à l’obstruction des espaces interlamellaires et à l’hypoxie (Neville, 1985; Poléo, 1995; Poléo et al., 1995; Gensemer et Playle, 1999).

L’exposition à l’aluminium peut aussi dérégler l’équilibre ionique et l’osmorégulation chez les invertébrés aquatiques (Otto et Svensson, 1983). Une réduction de l’absorption des ions Na+ et/ou Ca2+, en réponse à l’exposition à l’aluminium, a été observée chez les écrevisses (Appleberg, 1985; Malley et Chang, 1985), les nymphes d’éphémères (Herrmann, 1987) et les corises (Corixa sp) (Witters et al., 1984). Chez Daphnia magna, l’aluminium réduit le flux entrant de Na+ et, dans une moindre mesure, accroît le flux sortant, affectant ainsi l’osmorégulation (Havas et Likens, 1985). L’aluminium peut affecter les organes respiratoires de certains invertébrés tels que les papilles anales du moucheron-fantôme, Chaoborus sp (Havas, 1986). Des impacts respiratoires peuvent se manifester lorsque des eaux acides sont neutralisées rapidement, par exemple quand un affluent acide débouche dans un cours d’eau neutre plus large, conduisant à la formation d’espèces mononucléaires et polynucléaires d’aluminium à partir des ions dissous (Gensemer et Playle, 1999). Ces espèces d’aluminium peuvent se lier ou précipiter sur le corps des invertébrés, créant une barrière physique à la respiration. L’effet altérant de l’aluminium sur la reproduction a été observé chez Daphnia magna (Beisinger et Christensen, 1972), bien que des travaux récents sur Daphnia pulex aient montré que des stratégies d’adaptation rehaussant le potentiel de survie et de fécondité peuvent se développer à la suite d’une exposition à long terme à des niveaux sublétaux (Wold et al., 2005). Hall et al. (1985) ont déclaré que l’aluminium pouvait réduire la tension de surface de l’eau, affectant le dépôt d’œufs, la sortie, l’alimentation et le comportement d’accouplement de certains invertébrés des cours d’eau.

2.4.1.1.1 Organismes pélagiques

L’importance des effets du pH de l’eau sur la toxicité de l’aluminium dissous est connue. En milieux acides, l’aluminium est le plus toxique lorsque le pH est compris entre 5,0 et 5,5. Dans des milieux plus acides, bien que le pH soit bas, sa toxicité diminue et l’aluminium peut même offrir une protection transitoire contre la toxicité de H+ (Muniz et Leivestad, 1980; Baker, 1982; van Coillie et al., 1983; Roy et Campbell, 1995). Les concentrations élevées des cations Ca2+ et Mg2+ réduisent la toxicité des métaux (Pagenkopf, 1983; Campbell, 1995), mais les données concernant les effets d’une teneur élevée en calcium sur la toxicité de l’aluminium sont relativement rares. Chez les poissons exposés à l’aluminium dans des milieux de pH bas, il a été démontré qu’une teneur élevée en calcium améliorait les chances de survie (Booth et al., 1988; Mount et al., 1988; Sadler et Lynam, 1988), réduisait les pertes d’ions plasmatiques (Brown, 1981; Sadler et Lynam, 1988; McDonald et al., 1989) et l’accumulation d’aluminium sur les branchies (Wood et al., 1988a,b). Cependant, Duis et Oberemm (2001) ont constaté un faible taux d’éclosion et une mortalité élevée des embryons chez le corégone Coregonus albula exposé à des concentrations élevées d’aluminium de 2,1 et 2,4 mg/L dans des milieux de pH bas (4,75, 5,00) et en présence de 111 à 117 mg/L de calcium. L’augmentation des concentrations de calcium à des valeurs comprises entre 233 et 256 mg/L n’a eu aucun effet sur les pourcentages d’éclosion et de survie, indiquant que l’effet toxique des concentrations élevées d’aluminium peut l’emporter sur l’effet protecteur du calcium à teneur élevée.

La toxicité de l’aluminium dissous est réduite en présence de ligands inorganiques comme les fluorures, les sulfates et les silicates, et de ligands organiques tels que les acides fulvique et humique (Roy, 1999a). Il a été prouvé que la MOD influe particulièrement sur la spéciation et l’absorption de l’aluminium. Des études réalisées en laboratoire sur des poissons ont démontré que la toxicité de l’aluminium est réduite en présence d’acides organiques comme l’acide citrique (Driscoll et al., 1980; Baker, 1982), les acides salicylique ou oxalique (Peterson et al., 1989), l’acide humique (van Coillie et al., 1983; Parkhurst et al., 1990) et l’acide fulvique (Neville, 1985; Lydersen et al., 1990a; Witters et al., 1990; Roy et Campbell, 1997). D’autres études de laboratoire sur des amphibiens (œufs de grenouilles et têtards) ont mis en évidence une augmentation des CL50 d’aluminium (donc une baisse de toxicité) en présence de matière organique dissoute (MOD). Toutefois, sur le terrain, les effets atténuants de la MOD sur la toxicité de l’aluminium sont difficiles à discerner de ceux du pH et de la concentration d’aluminium (Clark et Hall, 1985; Freda, 1991).

La plupart des études de toxicité de l’aluminium sur les organismes aquatiques ont été réalisées dans des milieux de pH bas et plusieurs d’entre elles ont tenu compte de la solubilité du métal dans le plan expérimental. Ces études concluent toutes, de manière générale, que la toxicité de l’aluminium est liée à la concentration d’aluminium monomère inorganique dissous (Roy, 1999a).

À des pH inférieurs à 6,0, les poissons, notamment les salmonidés, sont parmi les organismes les plus sensibles à l’aluminium dissous. Dans les eaux douces acides, la CL50 peut être aussi basse que 54 µg/L (pour le saumon de l’Atlantique, à un pH de 5,2), alors que des études de toxicité chronique ont donné une valeur de la concentration minimale avec effet observé (CMEO) de 27 µg/L pour la croissance (chez la truite brune Salmo trutta à un pH de 5,0). Certaines espèces d’algues montrent une sensibilité comparable. Parent et Campbell (1994) ont calculé une CMEO de 150 µg/L (avec l’aluminium monomère inorganique) à un pH de 5,0 dans le cas de l’algue Chlorella pyrenoidosa. Même si un grand nombre d’invertébrés tolèrent des concentrations élevées d’aluminium, Havens (1990) a observé qu’une exposition à 200 µg/L et à un pH de 5,0 était extrêmement toxique pour les daphnies Daphnia galeata mendotae et Daphnia retrocurva. France et Stokes (1987) ont conclu que le stress causé par l’exposition à l’aluminium et affectant la survie de Hyalella azteca était secondaire par rapport à celui causé par l’acidité du milieu. D’autres études montrent aussi que les invertébrés sont plus sensibles au pH faible qu’à l’aluminium. Les amphibiens ont une sensibilité analogue. Freda (1991) a résumé son travail en concluant que l’aluminium pouvait être létal pour les amphibiens vivant dans des habitats légèrement acides (pH de 4 à 5) si la concentration d’aluminium inorganique était supérieure à 200 µg/L.

Il existe peu d’études donnant des estimations des effets de l’aluminium monomère inorganique à des pH compris entre 6,0 et 6,5. Au pH de 6,0, Parent et Campbell (1994) ont estimé une CMEO de 8 µg/L (aluminium monomère inorganique) pour la croissance de l’algue C. pyrenoidosa. Dans un milieu sans phosphate, la croissance de l’algue a été réduite par l’exposition à cette concentration unique. Toutefois, cette CMEO se situe bien dans l’intervalle vraisemblable des concentrations naturelles d’aluminium monomère inorganique dans les eaux de surface. À titre de comparaison, Neville (1985) a observé qu’une concentration de 75 µg/L d’aluminium monomère inorganique causait des troubles physiologiques chez la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) à un pH de 6,1, mais non à un pH de 6,5.

Peu de données existent sur les effets de l’aluminium à des valeurs de pH comprises entre 6,5 et 8,0. En milieux neutres ou presque neutres, l’aluminium a tendance à précipiter et les réactions chimiques des solutions sont difficiles à contrôler. La toxicité de l’alun dans les eaux neutres a fait l’objet de nombreuses études, mais les résultats sont peu fiables à cause des variations extrêmes observées entre les expositions répétées aux mêmes concentrations d’une part et entre les expériences répétées dans des conditions identiques d’autre part (Lamb et Bailey, 1981; Dave, 1985; George et al., 1995; Mackie et Kilgour, 1995). Toutefois, Neville (1985) a mesuré une concentration sans effet observé (CSEO) de l’aluminium monomère inorganique sur l’activité respiratoire de la truite arc-en-ciel de 75 µg/L à un pH de 6,5. Wold et al. (2005) ont observé une CMEO de 0,05 mg/L d’aluminium sous forme de sulfate d’aluminium pour une réduction des taux de survie et de reproduction chez Daphnia pulex exposée durant 21 jours à des concentrations variant de 0,05 à 0,50 mg Al/L. L’eau témoin était maintenue à un pH de 7 ± 1, indiquant que les effets observés étaient dus à la présence d’hydroxyde d’aluminium plutôt qu’à celle de l’aluminium monomère inorganique dissous généralement associé à la toxicité. L’étude a aussi révélé que des populations clonales de D. pulex, provenant d’un lac exposé à l’alun en permanence, montraient un plus grand taux de survie par âge, une plus grande fécondité et un taux de croissance plus rapide que celles provenant des eaux n’ayant jamais ou pas récemment été exposées à l’alun. Les chercheurs ont émis l’hypothèse que la daphnie pouvait, sous l’effet d’exposition à des stress chimiques sublétaux, montrer des stratégies d’adaptation lui permettant d’augmenter son taux de survie et de fécondité

Gopalakrishnan et al. (2007) ont indiqué que la CE50 la plus faible pour une période de 24 heures était de 0,210 mg/L pour le développement des larves trochophores chez le polychète marin Hydroides elegans. L’étude a été réalisée à un pH de 8,1 et les concentrations d’aluminium (mesurées par spectrophotométrie d’absorption atomique) étaient maintenues entre 2 % et 15 % des valeurs nominales. Des sensibilités différentielles ont été observées durant l’embryogénèse et le développement larvaire, avec la toxicité visible la plus faible au stade de la membrane de fécondation et une toxicité de plus en plus grande aux stades blastula puis trochophore.

À un pH supérieur à 8,0, les CMEO pour l’aluminium total sont supérieures ou égales à 1,5 mg/L pour la survie de la truite arc-en-ciel (Freeman et Everhart, 1971). Dans une étude plus récente, Gundersen et al. (1994) ont fourni les valeurs de la CL50 pour des expositions de la truite arc-en-ciel à des pH compris entre 8,0 et 8,6. À tous les pH, les CL50 avaient à peu près la même valeur, soit environ 0,6 mg/L (intervalle de 0,36 à 0,79 mg/L) d’aluminium dissous (filtrable dans un filtre de 0,4 µm); elles étaient comparables dans les cas d’exposition aiguë (96 heures) et à long terme (16 jours), à des degrés de dureté variant de 20 à 100 mg/L (carbonate de calcium). Pour la mortalité, une concentration sans effet observé (CSEO) de 0,06 mg d’aluminium dissous par litre peut être déterminée à partir des données correspondant à l’une des expositions de 16 jours, réalisée à une dureté de 20 mg/L et à un pH de 8,0. Même si ces concentrations mesurées sont celles de l’aluminium dissous, il est probable que l’ion aluminate monomère AlOH4- prédomine à ce pH.

En revanche, Poléo et Hytterød (2003) ont déclaré que les saumons atlantiques juvéniles Salmo salar, exposés à des concentrations d’aluminium d’environ 0,35 mg/L (ion aluminate essentiellement) dans des conditions de pH alcalin (9,5), n’ont montré aucun effet toxique aigu. Les chercheurs ont noté que les concentrations d’aluminium utilisées dans leur étude étaient inférieures à celles de Freeman et Everhart (1971) et de Gundersen et al. (1994); ils ont émis l’hypothèse que les concentrations d’aluminium présentes dans l’environnement n’ont aucun effet aigu sur les salmonidés dans des conditions de pH alcalin, alors que des concentrations élevées pourraient en avoir. Quoique des effets aigus n’aient pas été observés, des réponses physiologiques telles que des taux de glucose et d’hématocrite élevés dans le sang et une baisse des ions plasmatiques Clˉ, révélatrices d’un stress chez les poissons, étaient visibles après une exposition de trois semaines. Les auteurs ont conclu que la combinaison d’un pH élevé et de l’aluminium pourrait causer un certain stress mais ne deviendrait un problème sérieux que si l’exposition se prolongeait. Des conditions d’alcalinité élevée, comme celles employées dans l’étude, peuvent se produire dans des plans d’eau où l’activité photosynthétique est intense durant les mois d’été. Durant cette saison, les concentrations d’aluminium dans l’eau augmentent probablement avec la hausse de la solubilité de la substance qui est liée au pH.

Quoique la toxicité soit le plus souvent associée aux espèces d’aluminium monomère inorganique, il a été démontré que l’aluminium qui subit des transitions d’une espèce à une autre est également biodisponible et peut avoir des effets nocifs sur les organismes. De telles conditions de transition peuvent exister dans les zones de mélange (quand des eaux acides entrent dans un milieu récepteur plus large et plus neutre, ou durant le chaulage des eaux acides, p. ex.). Berkowitz et al. (2005) ont constaté que l’ajout d’alun à des échantillons d’eau provenant de lacs (pH de 8,22 à 9,08) provoquait une baisse initiale rapide du pH puis le retour à l’alcalinité se faisait progressivement sur plusieurs semaines. Les concentrations d’aluminium dissous ont augmenté après le traitement et ensuite diminué au bout de 150 jours. Soucek (2006) a déterminé que l’aluminium fraîchement neutralisé (soit l’aluminium qui passe des espèces ioniques dans les eaux acides à des polymères, ou des hydroxydes en phase de précipitation après une élévation rapide du pH) perturbait la consommation d’oxygène chez Daphnia magna et les perlides Perlesta lagoi et Acroneuria abnormis (la CMEO la plus basse dans l’étude -- 0,5 mg/L -- était aussi la plus basse concentration testée). Alexopoulos et al. (2003) ont indiqué que l’aluminium fraîchement neutralisé, à une concentration de 0,5 mg/L, se liait particulièrement aux branchies de l’écrevisse d’eau douce Pacifastacus leniusculus, créant une barrière physique durant la précipitation et conduisant à des problèmes respiratoires et à l’asphyxie. Selon Kádár et al. (2002), l’aluminium particulaire entraîne une baisse de l’alimentation par filtration des bivalves d’eau douce Anodonta cygnea, ceci étant probablement leur façon d’éviter le contaminant. Poléo et Hytterød (2003) ont examiné la toxicité dans des conditions d’équilibre (pH maintenu à 9,5) et de non-équilibre (pH passant de 9,5 à 7,5) afin d’évaluer l’impact possible de la chimie de l’aluminium transitoire sur le saumon de l’Atlantique Salmo salar. Aucun accroissement de la toxicité ne s’est produit dans les conditions de non-équilibre (soit quand la solubilité de l’aluminium diminuait en même temps que le pH) et les perturbations physiologiques observées à des pH élevés étaient limitées. Les résultats vont à l’encontre de ceux obtenus dans des études où la solubilité de l’aluminium était abaissée en augmentant le pH des eaux riches en aluminium. En pareils cas, la toxicité chez les poissons s’est accrue avec la réduction de la solubilité de l’aluminium, et l’aluminium a précipité à la surface des branchies (Poléo et al., 1994; Poléo et Bjerkely, 2000).

Verbost et al. (1995) ont noté un accroissement de la toxicité dans une zone mélangée d’eau de rivière acide contenant de l’aluminium (pH de 5,1 et 345 μg/L d’aluminium) avec de l’eau de lac neutre (pH de 7,0 et 73 μg/L d’aluminium). L’eau résultante (pH de 6,4 et 235 μg/L d’aluminium) était supposée présenter une faible toxicité; cependant, l’eau fraîchement mélangée s’est avérée hautement toxique pour la truite brune Salmo trutta, causant une nécrose et une apoptose évidentes sur les branchies des poissons exposés. On observe un gradient des effets délétères en fonction de la distance par rapport à la zone de mélange : les poissons les plus éloignés n’ont montré que des effets légers. Les chercheurs ont conclu que le mélange récent d’eaux acides et neutres contient des composants toxiques durant les toutes premières secondes à minutes après le mélange et que même une exposition brève à ce mélange toxique a un effet nuisible sur les truites migratoires. Farag et al. (2007) ont émis l’hypothèse que les colloïdes formés dans les zones de mélange pourraient contribuer à la toxicité de l’aluminium chez les poissons en favorisant le cheminement direct du métal vers les branchies.

Enfin, une étude réalisée avec de la boue provenant de stations de traitement de l’eau de Calgary et d’Edmonton, en Alberta, a permis à l’AEC (1987) de conclure à l’absence de toxicité des boues testées à l’aide d’essais microbiens, et à l’absence de toxicité aiguë et subaiguë sur la truite arc-en-ciel. Néanmoins, chez les cladocères d’eau douce Ceriodaphnia dubia exposées pendant 7 jours à des boues résiduelles à base d’aluminium non diluées issues d’une station de traitement de l’eau américaine (Hall et Hall, 1989), les premières couvées étaient tardives et la reproduction était considérablement réduite. Les chercheurs ont supposé que ces effets étaient probablement dus à une combinaison de facteurs tels que les réductions du pH et des concentrations d’oxygène dissous, le stress physique causé par les teneurs élevées en solides en suspension et vraisemblablement la présence d’aluminium aqueux. L’aluminium aqueux n’était probablement pas le seul facteur responsable de la toxicité sublétale dans le cas de l’utilisation des boues non diluées, puisque des concentrations similaires d’aluminium aqueux ont été observées dans les boues diluées à 50 % et que des retards et d’importantes réductions concernant la reproduction n’ont pas été observés. Cette même étude a montré une importante mortalité chez la tête-de-boule Pimephales promelas exposée à des boues non diluées ainsi qu’à la plus basse concentration testée (6,3 %). La mortalité associée aux concentrations intermédiaires de 12,5, 25 et 50 % n’étaient pas statistiquement différente de celle observée dans les expériences témoins. Dans le cas des boues non diluées, la mortalité a été attribuée au stress physique résultant des concentrations élevées des solides en suspension. Quant à la mortalité observée à la concentration de 6,3 %, aucune cause n’a pu être identifiée, mais les chercheurs ont constaté que cette concentration avait la teneur la plus élevée en aluminium aqueux, pouvant aller jusqu’à 0,43 mg/L, alors que les autres concentrations testées avaient des teneurs d’aluminium aqueux allant de 0,05 à 0,31 mg/L. Aucun effet sublétal n’a été démontré chez le poisson.

2.4.1.1.2 Organismes benthiques

L’alun peut être utilisé dans le traitement des lacs eutrophes pour réduire leur teneur en phosphore ou empêcher le rejet de celui-ci à partir des sédiments. Lamb et Bailey (1981) ont conclu qu’un traitement à l’alun bien planifié et contrôlé n’entraînerait pas de mortalité importante chez les populations d’insectes benthiques. Connor et Martin (1989) n’ont observé aucun effet nuisible du traitement des sédiments du lac Kezar, au New Hampshire, sur les larves de moucherons et de sialidés, et les effets à long terme de ce traitement sur les invertébrés benthiques étaient minimes. Narf (1990) a indiqué que la diversité et le nombre des populations benthiques ont augmenté ou sont restés les mêmes après le traitement d’un lac à l’alun. Smeltzer (1990) a observé un impact temporaire du traitement du lac Morey, au Vermont, avec un mélange d’alun et d’aluminate de sodium sur le benthos. Sa richesse et sa densité -- déjà faible l’année précédant le traitement -- ont été réduites par celui-ci. Toutefois, les changements observés n’étaient pas importants, la communauté benthique s’est rétablie et deux nouvelles espèces de chironomes sont apparues l’année suivante.

Un comité d’étude sur l’élimination des boues a examiné l’impact des rejets de boues d’alun dans le milieu aquatique et a conclu que les résidus ont tendance à se déposer près du point de rejet si la vitesse du courant est faible (Cornwell et al., 1987) et qu’ils pourraient avoir des effets nocifs, dont le développement de conditions anaérobies. Roberts et Diaz (1985) ont associé la baisse de productivité du phytoplancton, observée à la suite d’un rejet d’alun dans un courant de marée de Newport News, en Virginie, à la réduction de l’intensité lumineuse. Lin et al. (1984) et Lin (1989) n’ont observé aucune accumulation de boues dans les bassins de la rivière Vermillion et du fleuve Mississippi, à la suite du nettoyage du bassin de décantation d’une station de traitement de l’eau à St. Louis dans le Missouri. On n’a observé aucune différence importante des types et densités de macroinvertébrés dans les sédiments de fond, et certains sites avaient même une densité et une diversité d’organismes plus élevées.

George et al. (1991; 1995) ont indiqué que les macroinvertébrés vivant en aval de quatre stations de traitement de l’eau semblaient subir un stress dû aux rejets d’alun. Dans la rivière Ohio, les effets semblaient temporaires et limités dans l’espace. De plus, les échantillons d’organismes provenant des sites en amont ont révélé que des facteurs environnementaux autres que les rejets de boues à base d’aluminium ont pu également affecter le système. L’étude d’un microcosme eau-sédiment, réalisée avec des sédiments de fond des rivières réceptrices sur une période de 72 jours, a montré une baisse notable de la densité des oligochètes dans les sédiments traités avec des boues d’alun. Des tests effectués avec de la bentonite ont donné les mêmes résultats, et les chercheurs ont conclu que les dépôts de boues à base d’aluminium dans les sédiments pourraient avoir un effet nuisible sur les populations de macroinvertébrés benthiques en limitant leur accès à l’oxygène ou à la nourriture; par conséquent, l’effet d’étouffement par la boue pourrait jouer un rôle plus important sur les organismes aquatiques que la teneur en aluminium. Cependant, dans des expériences de laboratoire, les filtrats obtenus à partir des boues d’aluminium se sont révélés toxiques pour l’algue d’eau douce Selenastrum capricornutum dans des conditions de pH bas ou de dureté de l’eau inférieure à 35 mg/L de CaCO3, indiquant que les constituants solubles de la boue pourraient affecter la croissance de l’algue. L’étude a recommandé des expériences de toxicité supplémentaires pour mieux évaluer les effets toxiques potentiels et de ne pas rejeter de boues à base d’aluminium dans des eaux de surface douces (soit de dureté inférieure à 50 mg CaCO3/L) ou dont le pH est inférieur à 6.

Une étude a été menée afin d’examiner l’impact environnemental sur la rivière des Outaouais des boues diluées provenant du lavage à contre-courant des filtres et du nettoyage du bassin de décantation des stations de traitement de l’eau de Britannia et de l’île Lemieux à Ottawa (MROC, 2000; ville d’Ottawa, 2002). Dans cette étude, les caractéristiques des cours d’eau en aval du site de Britannia se sont avérées être favorables à l’échantillonnage des invertébrés benthiques grâce aux faibles courants existant dans la baie. Contrairement au site de Britannia, la rivière des Outaouais près du site de l’île Lemieux était caractérisée par des courants forts et l’absence d’habitat benthique naturel. Dans le but d’évaluer l’impact des effluents provenant de la station de l’île Lemieux, des habitats artificiels pour organismes benthiques ont été créés en amont et en aval des sites de rejet. Les résultats de l’échantillonnage ont révélé un plus grand déclin de l’abondance et de la diversité des espèces dans les deux sites en aval des rejets que dans ceux localisés en amont. Dans les sites situés entre 150 et 6000 m en amont du déversoir de la station de Britannia, environ 160 à 250 organismes ont été recensés; dans les sites en aval situés à 0, 300, 500 et 1500 m (site le plus éloigné), on a recensé entre 3 ( à 0 m) et environ 100 organismes (à 1500 m) -- la diversité des organismes n’a pas été fournie pour le site de Britannia. Aux sites artificiels situés à 30 et 110 m en aval de la station de traitement de l’eau de l’île Lemieux, on a compté entre 250 et 1000 organismes, représentant 17 et 21 genres respectivement. À 90 m en amont de la station de Lemieux, environ 1800 organismes ont été comptés et représentaient 24 genres.

La toxicité des sédiments provenant des bassins de décantation de chacune des stations de traitement de l’eau de Britannia et de l’île Lemieux a également été examinée. Les études ont révélé une mortalité totale des larves de moucherons (Chironomus riparius) dans les 10 jours suivant l’exposition expérimentale, alors que dans le cas des Hyalella azteca soumis à une exposition de 14 jours, le taux de survie ne montrait pas de différence importante avec celui des organismes témoins. L’étude n’a pas pu déterminer si la mortalité était attribuable aux caractéristiques physiques des boues (la taille des particules, p. ex.) ou à la présence de contaminants chimiques. Les boues issues de la station de traitement de l’eau de l’île Lemieux ont inhibé la croissance de Hyalella azteca durant la période d’exposition de 14 jours, mais celles provenant de la station de Britannia n’ont montré aucun effet notable. L’étude n’a pas expliqué pourquoi un type de boues avait des effets sur la croissance et l’autre non (la méthodologie et les conditions expérimentales n’ont pas été précisées).

En fin de compte, la cause du déclin de l’abondance des organismes vivant dans la rivière des Outaouais, en aval des stations de traitement de l’eau de Britannia et de l’île Lemieux, n’est pas imputée qu’à un seul facteur, mais est plutôt le résultat d’un ensemble de caractéristiques incluant : la composition physique des sédiments et leur capacité à assurer la vie; l’étouffement (blanketing) constant de la région à cause de nouveaux rejets; et la toxicité de l’aluminium dissous dans la colonne d’eau provenant du lessivage des sédiments (ville d’Ottawa, 2002).

Dans les études relatives aux rejets provenant des stations de traitement de l’eau, l’AEC (1984) a indiqué qu’il y avait des risques potentiels d’étouffement des organismes benthiques, dus au dépôt de boues sur les sédiments, à la suite de leur rejet dans les rivières en Alberta. Plusieurs autres impacts négatifs possibles, provenant du rejet de boues contenant de l’aluminium dans les milieux récepteurs, ont été déterminés : la formation de dépôts de boues dans les zones tranquilles des cours d’eau; les effets toxiques sur les organismes aquatiques d’autres contaminants présents dans la boue; des demandes élevées en oxygène de façon périodique si la boue est rejetée sous forme très concentrée sur une courte période de temps, ou si de vieilles boues déposées sont périodiquement remises en suspension à cause d’une augmentation du courant; des concentrations élevées d’aluminium dans l’approvisionnement en eau en aval; et des questions d’esthétique qui font que l’écoulement du cours d’eau, sa turbidité et/ou la dilution de la boue sont bas. Les chercheurs ont conclu que les boues à base d’aluminium présentent un large éventail d’attributs qui dépend des caractéristiques de l’eau brute (turbidité, etc.) et d’autres facteurs; par conséquent, même si l’on soupçonne les rejets de boues d’alun de causer des effets nocifs potentiels dans les milieux récepteurs, il semble qu’il y ait un manque de preuves scientifiques pour soutenir ces hypothèses. Le rapport recommande l’acquisition de données de base issues d’essais biologiques et d’autres études ainsi que la prise en compte de solutions autres que le rejet direct dans les cours d’eau, telles que : la réduction des quantités de boues d’alun produites par leur substitution avec d’autres coagulants; le rejet à des taux contrôlés vers des égouts sanitaires; le lagunage avec déshydratation des boues à l’aide du gel-dégel naturel; l’épaississement et la déshydratation des boues suivis par l’enfouissement et l’épandage agricole.

Une étude subséquente examinant l’agglomération, l’absorption et la toxicité des boues d’aluminium issues de trois systèmes de traitement de l’eau à Edmonton et Calgary a précisé que l’aluminium était effectivement lié aux boues pour les pH compris entre 4,5 et 10,0, avec plus de 99,98 % de l’aluminium total présent sous forme de boue (AEC, 1987). Les boues prélevées à partir de ces trois stations se sont révélées non toxiques pour la truite arc-en-ciel, les rats Long-Evans et les organismes du système Microtox.

2.4.1.2 Organismes terrestres

Les études de recherche relatives aux effets de l’aluminium sur les organismes du sol se sont surtout intéressées à la sélection de souches de bactéries des nodosités et de champignons mycorhiziens résistantes à l’aluminium, à cause de l’importance de ces espèces dans l’amélioration de la production des cultures agricoles (Bélanger et al., 1999). En général, les valeurs seuils de toxicité pour les espèces de bactéries varient entre 0,01 et 0,05 mM (à un pH compris entre 4,5 et 5,5). Quant aux valeurs seuils pour les champignons mycorhiziens, elles sont comprises entre 0,1 et 20 mM (pH compris entre 3,4 et 4,5) dans les cas d’inhibition de la croissance de l’hyphe, et entre 30 et 157 mg/kg de sol (pH compris entre 4,5 et 5,0) dans les cas de réduction de la germination des spores. Pour les macroinvertébrés du sol, la croissance des vers de terre nouvellement nés Dendrodrilus rubidus est considérablement réduite à une concentration de 10 mg Al/kg de sol (pH du sol compris entre 4,2 et 4,9; Rundgren et Nilsson, 1997). Chez le ver de terre Eisenia andrei, une inhibition importante de la croissance et de la production de cocons a été signalée lors de concentrations variant de 320 à 1000 mg/kg de sol sec, la toxicité diminuant avec l’augmentation du pH du sol de 3,4 à 7,3 (van Gestel et Hoogerwerf, 2001). Une étude plus complète des impacts potentiels sur les microorganismes du sol, les champignons et les invertébrés se trouve dans Bélanger et al. (1999).

Le reste de cette section porte principalement sur les effets de l’aluminium sur les espèces végétales vulnérables. Il est important de noter que le problème des boues d’alun est probablement associé aussi bien aux effets toxiques directs de l’aluminium sur les plantes, qu’aux effets indirects causés par la carence en phosphore (Jonasson, 1996; Cox et al., 1997; Quartin et al., 2001). La capacité de l’aluminium à fixer le phosphore labile par la formation de complexes aluminium-phosphore stables en le rendant ainsi inaccessible aux plantes, pourrait expliquer les effets observés. De plus, les substances toxiques capturées par le floc durant le traitement de l’eau pourraient être biodisponibles pour les espèces du sol et avoir des effets nocifs.

La présence de l’aluminium à différentes concentrations en solution, dans le sol ou dans les solutions de sol provoque un ralentissement de la croissance, de l’allongement ou du branchement des racines des feuillus ou des conifères (Horst et al., 1990; Bertrand et al., 1995; McCanny et al., 1995; Schier, 1996). L’espèce la plus vulnérable s’est avérée être le févier épineux (Gleditsia triacanthos) (Thornton et al., 1986a, 1986b). Toutes les mesures de croissance, à l’exception de l’élongation des racines, ont montré une diminution constante avec l’augmentation de la concentration d’aluminium en solution, 0,05 mM ou 1,35 mg/L étant la valeur critique correspondant à une baisse générale de 50 % (pH = 4,0). Comme le févier épineux n’est pas une espèce importante des forêts canadiennes et que les résultats de Thornton et al. (1986b) contredisent ceux obtenus par d’autres chercheurs pour la même espèce, les deux mesures suivantes de concentration minimale avec effet nocif observé (CMENO) ont été retenues. Le peuplier hybride (Populus hybrid) (Steiner et al., 1984) et le chêne rouge (Quercus rubra) (DeWald et al., 1990) ont montré une réduction de 50 % dans l’élongation des racines à la suite de l’exposition à une solution d’aluminium de 0,11 mM (2,97 mg/L). L’espèce de conifère la plus vulnérable est le pin rigide (Pinus rigida) (Cumming et Weinstein, 1990). Les semis inoculés avec la mycorhize Pisolithus tinctorius ont révélé une tolérance accrue à l’aluminium, alors que des semis témoins non inoculés et exposés à 0,1 mM (2,7 mg/L) d’aluminium (pH 4,0) ont montré un ralentissement de la croissance des racines et des tiges.

Dans une expérience réalisée sur des pins sylvestres (Pinus sylvestris), Ilvesniemi (1992) a découvert que dans des conditions de nutrition optimales, les pins toléraient des concentrations élevées d’aluminium, mais lorsque ces conditions étaient pauvres, leur tolérance à l’aluminium était dix fois moindre. Hutchinson et al. (1986) et McCormick et Steiner (1978) ont, eux aussi, constaté que les pins toléraient de fortes concentrations d’aluminium dans des conditions de nutrition optimales.

Les cultures céréalières et fourragères sont aussi affectées par les différentes concentrations d’aluminium (Bélanger et al., 1999). Wheeler et al. (1992) ont observé que deux cultivars d’orge (Hordeum vulgare) et huit cultivars de blé commun (Triticum aestivum) étaient particulièrement vulnérables, leur croissance diminuant de plus de 50 % quand ils étaient exposés à des concentrations d’aluminium d’à peine 0,005 mM (0,135 mg/L) (pH 4,5). Wheeler et Dodd (1995) ont également observé une réduction de 50 % de la croissance des espèces de trèfles Trifolium repens, Trifolium subterraneum et Trifolium pratense, à des concentrations d’aluminium de 0,005 mM (0,135 mg/L) (pH 4,7). Dans une étude de culture en solution, Pintro et al. (1996) ont découvert que la vitesse d’élongation des racines du maïs (Zea maize, génotype HS777) était réduite à des concentrations d’aluminium de 0,005 mM (0,135 mg/L) (pH 4,4). Dans une étude réalisée sur l’orge, Hammond et al. (1995) ont remarqué qu’ils pouvaient considérablement réduire l’effet toxique de l’aluminium sur la croissance des racines et des tiges en ajoutant du silicium à la solution. L’effet bénéfique du silicium sur la toxicité de l’aluminium chez le maïs a également été observé par d’autres chercheurs (Barcelo et al., 1993; Corrales et al., 1997). En présence de silicium, l’absorption de l’aluminium semble diminuer à cause de la formation de complexes aluminium-silicium qui réduisent sa biodisponibilité. De plus, les complexes formés avec les anions organiques, le sulfate et le phosphate se sont avérés être non toxiques pour les plantes (Kinraide, 1997; Takita et al., 1999; Matsumoto, 2000), alors que les espèces d’hydroxyde d’aluminium ont été considérées comme phytotoxiques dans des études antérieures (Alva et al., 1986; Wright et al., 1987; Noble et al., 1988a), mais pas dans des études plus récentes (Kinraide, 1997). Il a été démontré que la complexation avec le fluorure améliorait les effets phytotoxiques de l’aluminium dans les solutions nutritives (Cameron et al., 1986; Tanaka et al., 1987; MacLean et al., 1992); cependant, le complexe aluminium-fluorure peut aussi devenir toxique à des concentrations élevées, cette toxicité étant liée à la proportion et à la concentration des différents types d’espèces d’aluminium-fluorure présents en solution (Kinraide, 1997; Stevens et al., 1997). Manoharan et al. (2007) ont signalé une sévère limitation de la croissance des racines chez l’orge exposée à du fluorure et à de l’aluminium dans les sols acides (pH compris entre 4,25 et 5,48). Cette toxicité a été attribuée aux activités des complexes AlF2+ et AlF2+ formés dans le sol. Le fluorure peut entrer dans le sol par l’application de fertilisants au phosphate contenant généralement 1 % à 4 % de fluorure (impuretés) (Loganathan et al., 2003). Les suppléments de calcium ont montré un atténuation de la toxicité de l’aluminium chez l’orge, probablement à cause de la diminution de l’absorption cellulaire du métal et de l’amélioration de la protection grâce à une activité antioxydante élévée des enzymes (Guo et al., 2006).

Wheeler et Dodd (1995) ont étudié les effets de l’aluminium sur le rendement et l’absorption des matières nutritives de légumineuses et de plantes fourragères des régions tempérées à l’aide d’une solution à faible force ionique. Les concentrations d’aluminium en solution conduisant à une réduction de 50 % du rendement des parties supérieures et des racines de 58 cultivars de trèfle blanc variaient d’environ 0,005 à 0,02 mM (0,135 à 0,540 mg/L) (pH compris entre 4,5 et 4,7).

Même si les formes monomères inorganiques de l’aluminium dissous (Al3+, Al(OH)2+ et Al(OH)2+) sont considérées comme les plus biodisponibles et responsables des effets les plus toxiques (Alva et al., 1986; Noble et al., 1988b), les études examinées ne fournissent aucun renseignement sur les concentrations des différents complexes d’aluminium dissous. Cependant, comme toutes les études faisant état d’une sensibilité particulière ont été réalisées en laboratoire avec des solutions artificielles, il est probable que la majeure partie de l’aluminium présent dans ces études clés existait sous forme monomère inorganique. Étant donné que les expériences sur des cultures en solution ont donné des valeurs de CMEO inférieures à celles obtenues avec des cultures sur sable dans des études réalisées sur des espèces forestières, les données sur les effets examinées sont considérées comme des estimations prudentes des concentrations avec effet observé sur les végétaux cultivés en sols naturels.

2.4.2 Études sur des mammifères de laboratoire

La littérature scientifique traitant des effets de l’exposition à l’aluminium chez les mammifères de laboratoire est vaste, comprenant des études aux voies d’administration variées (orale, par inhalation, cutanée, intrapéritonéale, intraveineuse et intracisternale). La caractérisation des effets présentés ci-après comprend des études sur l’exposition par voie orale, par inhalation et par voie cutanée; l’accent est mis sur les études d’exposition par voie orale, ce qui témoigne de l’importance de cette voie par rapport à l’inhalation ou à la voie cutanée dans les expositions environnementales de la population canadienne générale, et dans la recherche au sein de la communauté scientifique. Pour obtenir une analyse plus détaillée d’autres voies d’exposition, le lecteur peut consulter les études complètes mentionnées, plus particulièrement celle de Krewski et al. (2007).

Santé Canada considère la neurotoxicité et la toxicité pour la reproduction et le développement comme les catégories d’effets les plus potentiellement préoccupants pour la population générale, compte tenu de ce qui a été démontré par les études de cas et les enquêtes épidémiologiques examinées à la section 2.4.3. De récentes analyses complètes confirment ensemble cette conclusion (InVS-Afssa-Afssaps, 2003; ATSDR, 2006; JECFA, 2006; Krewski et al., 2007). La majorité des études présentées dans cette section se concentre donc sur la neurotoxicité ou la toxicité pour la reproduction et le développement d’animaux de laboratoire à qui de l’aluminium a été administré dans la nourriture, l’eau potable ou par gavage.

Divers sels d’aluminium incluant le chlorure, le nitrate, le sulfate, le lactate, le citrate, le maltolate, le fluorure et l’hydroxyde ont été utilisés dans des études sur des animaux de laboratoire pour examiner les effets du Al3+ absorbé dans le courant sanguin et distribué à des organes cibles. La spéciation de l’aluminium (soit les ligands qui y sont associés) et la composition générale de l’alimentation peuvent influer sur la toxicocinétique et, par conséquent, sur la toxicité subséquente du Al3+ (voir section 2.3.3.1.1). Toutefois, en ce qui a trait à l’absorption, aucun des sels d’aluminium n’est représentatif du mélange de composés d’aluminium présent dans l’alimentation humaine. Dans le but de caractériser les effets de l’aluminium total, toutes les études par voie orale ont donc étaient examinées, quel que soit le sel d’aluminium administré. La biodisponibilité relative des sels est ensuite prise en compte dans l’analyse de la relation exposition-réponse de la section 3.2.3.

Un certain nombre d’études sur des animaux de laboratoire sont conçues pour examiner l’influence de facteurs susceptibles d’exacerber les effets toxiques de l’aluminium (les contraintes, p. ex.) ou de protéger (p. ex, des substances thérapeutiques comme le ginkgo). Toutefois, les résultats de cette section se concentrent sur les différences entre les animaux exposés à l’aluminium et le groupe témoin, plutôt que sur l’influence de ces autres facteurs.

La plupart des études qui ont été consultées manquent de données sur la concentration d’aluminium dans l’alimentation de base. Des études portant sur différentes marques de nourriture commerciale pour animaux de laboratoire démontrent que l’aluminium peut être plus important dans la nourriture que dans les doses administrées et varie aussi sensiblement d’une marque à l’autre (même entre différents lots d’une même marque) (ATSDR, 2006). Des concentrations typiques variant de 250 à 350 ppm d’aluminium dans la nourriture pour rongeurs (ATSDR, 2006) produisent environ 13 à 18 mg Al/kg/jour chez les rats et 33 à 46 mg Al/kg/jour chez les souris, en se fondant sur les valeurs de référence par défaut proposées par Santé Canada (1994) pour la dose et le poids corporel des animaux. Il existe peu de preuve expérimentale appuyant l’hypothèse voulant que l’absorption de l’aluminium dans l’alimentation de base puisse différer de (et même être sensiblement inférieure à) celle de l’aluminium administré (voir section 2.3.3). Le manque de données portant sur l’aluminium dans l’alimentation de base de plusieurs études de toxicité doit être considéré comme une importante incertitude pour l’ensemble de la base de données lorsque ces études sont prises en compte lors de l’analyse de la relation exposition-réponse et la caractérisation des risques.

En dépit de l’importance de quantifier l’exposition à l’aluminium total dans les études animales, toutes les études ont été évaluées afin de produire un résumé qualitatif visant à identifier les dangers, que la concentration d’aluminium dans l’alimentation de base ait été indiquée ou non. Néanmoins, lors de l’analyse de la relation exposition-réponse (section 3.2.3), on distingue la dose administrée de la dose combinée et l’influence de ce facteur est prise en compte.

La description des études de cette section se concentre sur la nature des effets étudiés et observés, plutôt que sur la relation dose-réponse. La base de données est vaste (138 études) et les conditions expérimentales (p. ex., les sels administrés et le régime posologique) varient. De plus, une seule dose a été testée dans la plupart des études. Des comparaisons directes des données dose-effet peuvent être trompeuses. Bien que des informations sur la dose minimale avec effet observé et la dose maximale sans effet observé soient fourniesNote de bas de page 14, une analyse plus détaillée de la relation dose-réponse est présentée à la section 3.2.3. Les détails des études prises en compte dans cette analyse sont résumés dans les Tableaux C1 et C2 (Annexe C). Les tableaux résumant l’ensemble des données peuvent être consultés dans le document complémentaire de Santé Canada préparé dans le cadre de cette évaluation (Santé Canada, 2008a).

2.4.2.1 Toxicité aiguë
Exposition orale

La DL50 orale (dose létale, mort de 50 % des animaux de laboratoire, une seule administration) pour différents sels d’aluminium varie en fonction du sel d’aluminium administré ainsi que des espèces d’animaux de laboratoire, comme l’ont montré les mesures prises chez différentes souches de souris, de rats, de cobayes et de lapins. Une étude précédente a signalé une DL50 de 6200 mg Al/kg pc pour le Al2(SO4)3 et de 3850 mg Al/kg pc pour le Al(Cl)3 administrés à des souris (Sorenson et al., 1974), bien qu’il ne soit pas clairement précisé dans l’article si ces valeurs font référence à la dose sous forme d’aluminium ou de sels. Sorenson et al. (1974) ont aussi indiqué des valeurs de DL50 variant de 260 à 4280 mg/kg pc pour le Al(NO3)3•9H2O dans deux différentes études sur des rats. La valeur la plus faible de 260 mg/kg sous-estime nettement la DL50 (elle surestime la toxicité), comme l’ont démontré Colomina et al. (2002), Colomina et al. (2005) et Domingo et al. (1996). Ces groupes de recherche ont testé les doses administrées allant de 50 à 100 mg Al/kg pc/jour, équivalentes à environ 700 à 1400 mg Al(NO3)3•9H2O/kg pc/jour; seuls une altération du poids et des effets imperceptibles ont été observés (voir sections 2.4.2.2 à 2.4.2.4 et section 3.3 pour une analyse plus détaillée de ces études).

Dans une étude comparant les administrations orale et intrapéritonéale pendant 14 jours, Llobet et al. (1987) ont estimé la toxicité aiguë orale du chlorure, du nitrate et du sulfate d’aluminium chez des rats Sprague-Dawley et des souris Swiss. Le chlorure et le nitrate d’aluminium ont provoqué des toxicités aiguës de la même ampleur (DL50 de 222 à 370 mg Al/kg) chez les souris et les rats, tandis que la toxicité du sulfate d’aluminium était sensiblement inférieure (DL50 > 730 mg Al/kg) pour les deux espèces.

Exposition par inhalation

Chez des hamsters syriens dorés et des lapins de Nouvelle-Zélande exposés brièvement (trois à cinq jours pendant quatre à six heures par jour, à des concentrations variant entre 7 et 200 mg/m3) à du chlorhydrate d’aluminium par inhalation, les effets observés sont ceux généralement associés à l’inhalation de particules en suspension, incluant un épaississement de la paroi alvéolaire, un nombre accru de macrophages et une augmentation du poids pulmonaire (ATSDR, 2006). Une analyse plus détaillée des effets pulmonaires de l’exposition par inhalation à la poussière d’oxyde d’aluminium et aux fibres d’alumine réfractaire ainsi qu’à l’hydroxyde d’aluminium chez les animaux de laboratoire est fournie par Krewski et al. (2007). Les réponses observées à diverses espèces d’aluminium sont décrites comme étant des « réactions typiques à un corps étranger », incluant une protéinose pulmonaire alvéolaire, un épaississement de la paroi alvéolaire et une formation de nodules.

Exposition cutanée

Les effets cutanés des composés d’aluminium (chlorure, nitrate, chlorhydrate, sulfate et hydroxyde à 10 % M/V) appliqués sur la peau de souris, de lapins et de porcs durant cinq jours (une fois par jour) comprenaient des dommages cutanés, une hyperkératose, une hyperacanthose et des micro-abcès (ATSDR, 2006; Krewski et al., 2007).

2.4.2.2 Toxicité à court terme (durée d’exposition inférieure à 90 jours)
Exposition orale

Les résultats de 40 études à court terme chez des souris, des rats et des lapins adultes (durée d’exposition allant de 3 à 13 semaines) sont résumés ci-dessous. Dans toutes ces études, l’aluminium a été administré par voie orale dans l’eau potable, la nourriture ou par gavage. Les sels d’aluminium comprenaient le lactate, le chlorure, le sulfate, le nitrate et l’hydroxyde. Dans certaines études, du citrate a été administré avec le sel d’aluminium pour accroître l’absorption.

Tel qu’abordé à la section 2.4.2, plusieurs études à court-terme n’ont pas quantifié la concentration d’aluminium dans l’alimentation de base. En pareil cas, la valeur de la dose réelle combinée est très incertaine, particulièrement dans les études où la dose administrée était sensiblement inférieure à la dose de base possible dans l’alimentation (par exemple, Basu et al., 2000; El-Demerdash, 2004; Kaizer et al., 2005; Kaur et Gill, 2005, 2006; Jyoti et Sharma, 2006; Sparks et al., 2006; Kaur et al., 2006). Dans trois études (Thorne et al., 1986; Shakoor et al., 2003; Campbell et al., 2004), les ambiguïtés dans les doses déclarées n’ont pas permis de prendre en compte la relation dose-réponse; toutefois, les observations qualitatives issues de ces études sont comprises dans le résumé qui suit sur les effets.

Les effets neuro-comportementaux chez les rats et les souris adultes 21 à 90 jours après l’administration par voie orale comprenaient une baisse de la performance dans le test de la tige tournante (Bowdler et al., 1979; Shakoor et al., 2003; Kaur et al., 2006) et de celle dans les tests d’évitement passif et actif (Commissaris et al., 1982; Connor et al., 1988; Connor et al., 1989; Kaur et al., 2006), une diminution de l’activité motrice (Commissaris et al., 1982; Golub et al., 1989; Shakoor et al., 2003) et de la force de préhension des membres antérieurs et postérieurs (Oteiza et al., 1993), une sensibilité accrue au papillotement (Bowdler et al., 1979), une augmentation du réflexe de sursaut déclenché par une bouffée d’air (Oteiza et al., 1993) et une baisse du rétablissement de la fonction neurologique après une blessure médullaire (Al Moutaery et al., 2000).

Parmi les études ci-dessus, c’est celle de Kaur et al. (2006) où des rats mâles Wistar ont reçu 10 mg Al/kg pc/jour sous forme de lactate d’aluminium durant un maximum de 12 semaines avec des tests réalisés à 0, 4, 8 et 12 semaines, qui a observé la dose minimale provoquant des effets. Une importante baisse de la performance, qui s’est accentuée après huit semaines d’exposition, a été observée après quatre semaines entre les rats exposés et le groupe témoin. Une baisse de la performance dans les tests de mémoire (réactions d’évitement passif et actif) a aussi été observée chez les animaux exposés testés après 12 semaines.

En revanche, aucun changement n’a été signalé dans les résultats des tests d’évitement passif ou actif des rats mâles Sprague-Dawley exposés à l’aluminium administré par gavage pendant 28 jours sous forme de doses de chlorure d’aluminium de 67 mg Al/kg pc/jour (Bowdler et al., 1979) et des souris mâles CD exposés pendant 14 jours à l’aluminium dans l’eau potable pendant 14 sous forme de doses de nitrate d’aluminium de 600 mg Al/kg pc/jour à (Colomina, 1999).

Une baisse du poids corporel a été observée par Bataineh et al. (1998) chez des rats Sprague-Dawley exposés à une dose de 15 mg Al/kg pc/jour de chlorure d’aluminium dans l’eau potable pendant 12 semaines. Colomina et al. (1999) n’ont observé cette baisse de poids corporel qu’après l’administration de 600 mg Al/kg pc/jour de nitrate d’aluminium et aucun effet n’a été observé à 300 mg Al/kg pc/jour chez des souris à qui l’aluminium a été administré dans l’eau potable pendant 14 jours. Dans d’autres études à court terme, soit les auteurs n’ont pas observé cet effet à une dose de 100 mg Al/kg pc/jour administrée dans l’alimentation de souris Swiss-Webster, (Donald et al., 1989; Golub et Germann, 1998), soit ils n’ont signalé aucune différence entre le poids corporel des animaux exposés et celui du groupe témoin.

Les changements histo-pathologiques les plus importants se trouvant dans les études à court terme ont été signalés par Roy et al. (1991a) -- des rats mâles ont reçu par gavage des doses variant entre 17 et 172 mg Al/kg pc/jour sous forme de sulfate d’aluminium. La concentration d’aluminium dans l’alimentation de base n’a pas été quantifiée. Une dégénérescence neuronale multifocale, des neurones anormaux et endommagés ainsi qu’une diminution de la densité neuronale ont été observés dans certaines régions du cerveau (par exemple, le cortex cérébral, la région subcorticale et la base du cerveau) à une dose de 29 mg Al/kg pc/jour. Dans le foie, Roy et al. (1991a) ont observé une dégénérescence cytoplasmique à la périphérie du lobule hépatique à toutes les doses. Avec des doses accrues, une dégénérescence multifocale de tout le tissu hépatique a été observée, suivie de la prolifération du tissu fibreux. Les effets sur les reins observés dans cette étude à 22 mg Al/kg pc/jour incluaient la tuméfaction et la dégénérescence des tubules du cortex.

D’autres effets histo-pathologiques signalés chez différentes souches de rats incluaient des changements semblables à ceux d’une nécrose dans les cellules de la région CA1 de l’hippocampe et une accumulation de vésicules synaptiques au niveau des terminaisons présynaptiques (Jyoti et Sharma, 2006), une congestion cérébrale et méningée, une dégénérescence neuronale multifocale, une dégénérescence neurofibrillaire et un foyer de démyélinisation (El-Rahman, 2003), une augmentation de la fluidité des membranes et une diminution du ratio phospholipides/cholestérol au niveau des synaptosomes (Silva et al., 2002), une vacuolisation au niveau de la matrice du cortex cérébral (Basu et al., 2000), une baisse des neurones positifs à la NADPH-diaphorase dans le cortex cérébral (Rodella et al., 2001) et une augmentation des récepteurs muscariniques au niveau de l’hippocampe (Connor et al., 1988). Les doses minimales administrées provoquant de tels changements sont celles des études de Jyoti et Sharma (2006) dans lesquelles des rats mâles Wistar exposés ont reçu une dose de 10 mg Al/kg pc/jour sous forme de chlorure d’aluminium dans l’eau potable durant cinq semaines, et celles des études de Basu et al. (2000) dans lesquelles des rats mâles Sprague-Dawley ont reçu 10 mg Al/kg pc/jour sous forme de chlorure d’aluminium par gavage durant 40 jours.

Les changements biochimiques se produisant dans les cerveaux de rongeurs adultes suite à l’administration par voie orale de sels d’aluminium pendant un maximum de 90 jours comprenaient des effets sur la neurotransmission cholinergique (Kumar, 1998; Shakoor et al., 2003; El-Demerdash, 2004; Kaizer et al., 2005; Kaur et Gill, 2006) ainsi que des changements dans le nombre d’autres neurotransmetteurs et de protéines de signalisation (Flora et al., 1991; Tsunoda et Sharma, 1999b; Kumar, 2002; El-Rahman, 2003; Becaria et al., 2006), des altérations du transfert, de la liaison et de la signalisation du calcium dans le cerveau (Kaur et al., 2006; Kaur et Gill, 2005), la présence de stress oxydatif dans différentes régions du cerveau (Fraga et al., 1990; Katyal et al., 1997; Abd el-Fattah et al., 1998; El-Demerdash, 2004; Nehru et Anand, 2005; Becaria et al., 2006; Jyoti et Sharma, 2006), des changements dans l’activité ATPase (Katyal et al., 1997), des altérations du système de l’AMP cyclique (second messager) (Johnson et Jope, 1987), une augmentation de la protéine précurseur amyloïde (Becaria et al., 2006) et une augmentation de l'expression de l'ARNm du TNF-µ (facteur de nécrose tumorale alpha) dans le cerveau (Tsunoda et Sharma, 1999a; Campbell et al., 2004). La dose minimale provoquant de tels effets était de 10 mg Al/kg pc/jour, administrée à des rats sous forme de lactate d’aluminium par gavage ou de chlorure d’aluminium dans l’eau potable dans les études de Kaur et Gill (2006) et de Basu et al. (2000).

Exposition par inhalation

La littérature toxicologique concernant les études à court terme de l’exposition par inhalation est plus limitée que celles par voie orale. Les dernières analyses détaillées de cette littérature se trouvent dans ATSDR (2006) et Krewski et al. (2007). Les effets perceptibles les mieux documentés touchent le système respiratoire. Les effets observés sont ceux généralement associés à l’exposition par inhalation aux particules (> 7 mg/m3), dont un épaississement de la paroi alvéolaire, une augmentation des macrophages alvéolaires, des polynucléaires neutrophiles, des nodules et des lésions granulomateux, et une augmentation du poids pulmonaire (ATSDR, 2006).

2.4.2.3 Toxicité subchronique et chronique (durée d’exposition supérieure à 90 jours, effets non cancérogènes
Exposition orale

Les résultats de 49 études de toxicité subchronique et chronique (durée d’exposition supérieure à 90 jours) chez des souris, des rats, des lapins, des singes et des chiens adultes sont résumés ci-après. Dans toutes ces études, l’aluminium a été administré par voie orale dans l’eau potable, l’alimentation ou par gavage. Les sels d’aluminium comprenaient le lactate, le chlorure, le sulfate, le nitrate, l’hydroxyde, le citrate, le maltolate, le fluorure et le KASAL (phosphate alcalin double d’aluminium et de sodium).

Comme les études à court terme, de nombreuses études de toxicité subchronique et chronique n’ont pas quantifié la concentration d’aluminium dans l’alimentation de base. Dans les études où la dose administrée était sensiblement inférieure à la dose de base possible dans l’alimentation, l’incertitude associée à la dose réelle combinée a augmenté -- se référer à Krasovskii et al. (1979); Fleming et Joshi (1987); Bilkei-Gorzo (1993); Varner et al. (1993); Varner et al. (1994); Varner et al. (1998); Sahin et al. (1995); Somova et al. (1997); Jia et al. (2001a); Pratico et al. (2002); Abd-Elghaffar et al. (2005); Hu et al. (2005); Becaria et al. (2006); et Li et al. (2006).

Les effets neuro-comportementaux chez les souris et les rats adultes suite à une exposition orale d’au moins 90 jours incluaient une baisse de l’activité motrice spontanée (Commissaris et al., 1982; Lal et al., 1993; Jia et al., 2001a; Jia et al., 2001b; Hu et al., 2005). La dose administrée la plus faible associée à cet effet était de 1 mg Al/kg pc/jour, comme l’ont observé Huh et al. (2005) chez des rats mâles Sprague-Dawley à qui cette dose a été administrée sous forme de maltolate d’aluminium dans l’eau potable durant un anNote de bas de page 15. En revanche, Domingo et al. (1996) et Colomina et al. (2002) n’ont constaté aucune différence dans l’activité en enceinte expérimentale des rats Sprague-Dawley à qui une dose de nitrate d’aluminium (avec du citrate) de 100 mg Al/kg pc/jour a été administrée dans l’eau potable durant quatre à six mois. Une baisse de la coordination motrice mesurée par le test de la tige tournante (Sahin et al., 1995), une diminution de la force de préhension, et des effets sur la sensibilité à la température et la géotaxie négative (Golub et al., 1992a) ont aussi été observés.

D’autres effets neuro-comportementaux observés par Bilkei-Gorzo (1993), Lal et al. (1993), Gong et al. (2005), Gong et al. (2006) et Li et al. (2006) incluaient des troubles d'apprentissage et une perte de mémoire (tests du labyrinthe et d'évitement passif). La dose la plus faible associée à de tels effets était de 6 mg Al/kg pc/jour, administrée par gavage durant 90 jour sous forme de chlorure d’aluminium (avec du citrate) à des rats Long-Evans dans l’étude de Bilkei-Gorzo (1993); une certaine ambiguïté existait tout de même dans les doses indiquées. En revanche, aucun effet n’a été observé par Varner et al. (1994), Domingo et al. (1996), Colomina et al. (2002) et von Linstow Roloff et al. (2002) lors de tests similaires d’apprentissage et de mémoire. Dans cette dernière étude, une dose de 140 mg Al/kg pc/jour a été administrée à des rats mâles Lister Hooded sous forme de sulfate d’aluminium dans l’eau potable.

En ce qui a trait au poids corporel, Pettersen et al. (1990), Gupta et Shukla (1995), Colomina et al. (2002) et Kaneko et al. (2004) ont observé une baisse du poids corporel chez les animaux exposés à l’aluminium (rongeurs et chiens) à des doses variant de 25 mg Al/kg pc/jour de maltolate d’aluminium administré dans l’eau potable à des souris pendant un maximum de 120 jours (Kaneko et al., 2004) à 94 mg Al/kg pc/jour de nitrate d’aluminium administré dans l’eau potable à des rats pendant 114 jours (Colomina et al., 2002). Dans l’étude de Kaneko et al. (2004), du chlorure d’aluminium a été administré à une dose similaire à celle du maltolate d’aluminium à un autre groupe exposé, et aucune différence dans le poids corporel n’a été observée entre les animaux exposés à l’aluminium et le groupe témoin. Les auteurs ont attribué ces observations divergentes à la plus grande biodisponibilité du maltolate d’aluminium par rapport au chlorure, confirmée par la plus grande accumulation d’aluminium dans le cerveau, les reins et la rate de souris exposées au maltolate d’aluminium.

Les effets histo-pathologiques signalés chez les rats et les souris incluaient un nombre accru de neurones endommagés ou anormaux dans certaines régions du cerveau (par exemple, le cortex cérébral et l’hippocampe) (Varner et al., 1993; Varner et al., 1998; Abd-Elghaffar et al, 2005), une dégénérescence neurofibrillaire et une vacuolisation des noyaux (Somova et al., 1997), et une vacuolisation des astrocytes et du cytoplasme neuronal (Florence et al., 1994). La dose minimale administrée provoquant de tels effets était inférieure à 1 mg Al/kg pc/jour, observée dans les études de Varner et al. (1998) et de Varner et al. (1993) dans lesquelles du nitrate d’aluminium et du fluorure de sodium (formant du fluorure d’aluminium) ont été administrés dans l’eau potable à des rats Long-Evans durant 45 à 52 semainesNote de bas de page 16.

Petterson et al. (1990) ont observé des effets histo-pathologiques légers à modérés sur les testicules, le foie et les reins, incluant une vacuolisation des hépatocytes, une dégénérescence des cellules germinales épithéliales dans les tubes séminifères et une glomérulonéphrite tubulaire chez les chiens Beagle recevant une dose de 75 mg Al/kg pc/jour de phosphate double d'aluminium et de sodium. Dans cette même étude, aucune différence importante entre le groupe exposé et le groupe témoin n’a été observée à de plus faibles doses variant de 4 à 27 mg Al/kg pc/jour.

Les effets biochimiques examinés dans les études expérimentales subchroniques et chroniques sont aussi nombreux que les méthodologies employées pour les étudier. Ils incluaient une baisse des neurones nitrergiques dans le cortex somatosensoriel (Rodella et al., 2006), des perturbations au niveau de l’activité ATPase dans le cerveau (Lal et al., 1993; Sarin et al,. 1997; Swegert et al., 1999; Silva et Goncalves, 2003; Kohila et al., 2004; Silva et al., 2005), une apoptose induite dans le cerveau (Huh et al., 2005), des effets sur les activités enzymatiques cholinergiques (Bilkei-Gorzo, 1993; Zheng et Liang, 1998; Dave et al., 2002; Zatta et al., 2002; Kohila et al., 2004), une augmentation des niveaux de cytokine (Becaria et al,. 2006), une efficacité catalytique accrue des monoamines oxydases A et B (Huh et al. 2005), une augmentation de l’activité des caspases 3 et 12 (Gong et al., 2005; Huh et al., 2005), une coloration accrue pour les niveaux du précurseur de la protéine bêta-amyloïde (Gong et al., 2005) et de la protéine bêta-amyloïde (Pratico et al., 2002), une baisse de la potentialisation à long terme observée sur des tranches d’hippocampe (Shi-Lei et al., 2005) ainsi que des altérations des niveaux de phospholipide et de cholestérol dans la myéline, les synaptosomes ou le cerveau (Sarin et al., 1997; Swegert et al., 1999; Pandya et al., 2001; Silva et al., 2002; Pandya et al., 2004). La dose minimale provoquant d’importants effets biochimiques était de 1 mg Al/kg pc/jour, administrée sous forme de maltolate d’aluminium dans l’eau potable pendant un an (Huh et al., 2005)Note de bas de page 17.

D’autres effets biochimiques et biophysiques observés dans les cerveaux de rongeurs exposés à l’aluminium incluaient des perturbations au niveau du métabolisme des métaux en traces (Cu, Zn et Mn) dans le cerveau (Sanchez et al., 1997; Yang et Wong, 2001; Jia et al., 2001a; Fattoretti et al., 2003; Fattoretti et al., 2004), des perturbations au niveau des synapses dans l’hippocampe et le cortex frontal (Jing et al., 2004), une zone plus vaste occupée par les fibres moussues dans le sous-champ CA3 de l’hippocampe (Fattoretti et al., 2003; Fattoretti et al., 2004), une augmentation (Flora et al., 2003) et une diminution (Jia et al., 2001a) de l’activité de la glutathion-peroxydase et une augmentation de l’activité de la catalase (Flora et al., 2003). Une peroxydation lipidique accrue a aussi été signalée par Lal et al. (1993), Gupta et Shukla (1995), Sarin et al. (1997), Pratico et al. (2002), Flora et al. (2003) et Kaneko et al. (2004). Jia (2001a), Gupta Shukla (1995) et Abd-Elghaffar (2005) ont signalé une baisse de la superoxyde dismutase, tandis que Jia et al. (2001a) ont observé une augmentation de la malondialdéhyde. Johnson et al. (1992) ont observé une baisse des protéines cytosquelette (la protéine-2 associée aux microtubules et la spectrine) dans l’hippocampe et le tronc cérébral.

Exposition par inhalation

La littérature toxicologique concernant les études d’exposition subchronique et chronique par inhalation est limitée. L’ATSDR (2006) et Krewski et al. (2007) ont fait un compte-rendu de plusieurs études d’une durée de six mois (5 jours par semaine, 6 heures par jour). Les effets les plus sensibles et les mieux documentés concernent le système respiratoire. Les effets observés sont ceux généralement associés à l’exposition par inhalation aux particules (> 600 mg/m3), dont un épaississement de la paroi alvéolaire et une augmentation des macrophages alvéolaires, des lésions granulomateuses et du poids relatif des poumons (ATSDR, 2006).

2.4.2.4 Toxicité pour la reproduction et le développement
Exposition orale

Les résultats de 49 études analysant l’exposition aux sels d’aluminium dans l’alimentation, l’eau potable ou par gavage pendant la gestation, la lactation et/ou le postsevrage de rats, de souris et de cobayes sont résumés ci-après. Les sels d’aluminium administrés comprenaient le chlorure, le nitrate, le sulfate, le lactate et l’hydroxyde. Dans certaines études, du citrate ou de l’acide ascorbique a été ajouté pour accroître l’absorption de l’aluminium.

Tel que discuté dans les sections 2.4.2.2 et 2.4.2.3, le manque d’information sur l’alimentation de base de certaines études est une source majeure d’incertitude par rapport à la dose potentielle combinée, particulièrement lorsque la dose administrée est inférieure à celle possiblement comprise dans l’alimentation de base (par exemple, Clayton et al., 1992; Ravi et al., 2000). Il existe aussi une incertitude associée aux DMEO signalées qui sont du même ordre de grandeur que la DL50 signalée pour le sel administré (Johnson et al., 1992; Misawa et Shigeta, 1993; Poulos et al., 1996; Llansola et al., 1999).

Les effets neuro-comportementaux les plus couramment observés dans les études sur le développement incluaient une diminution de la force de préhension (Golub et al., 1992b; Golub et al., 1995; Colomina et al., 2005), une sensibilité réduite à la température (Donald et al., 1989; Golub et al., 1992b), une baisse ou un retard du réflexe de sursaut auditif (Misawa and Shigeta, 1993; Golub et al., 1994) et une altération de la géotaxie négative (Bernuzzi et al., 1986; Bernuzzi et al., 1989a; Muller et al., 1990; Golub et al., 1992b). Une diminution des niveaux d’activité (Cherroret et al., 1992; Misawa et Shigeta, 1993), de la coordination locomotrice (Golub et al., 1987; Bernuzzi et al., 1989a; Bernuzzi et al., 1989b; Muller et al., 1990; Golub et Germann, 2001b) et du réflexe de redressement (Bernuzzi et al., 1986; Bernuzzi et al., 1989b) a aussi été observée, mais pas systématiquement -- se référer à Thorne et al. (1987), Golub et al. (1992b) et Misawa et Shigeta (1993). La dose minimale provoquant de tels effets était de 100 mg Al/kg pc/jour, observée chez des rats Wistar à qui du lactate d’aluminium avait été administré dans l’alimentation maternelle durant la gestation (Bernuzzi et al., 1989b) ainsi que chez des souris Swiss-Webster à qui du lactate d’aluminium avait été administré dans l’alimentation maternelle durant la gestation et la lactation, puis dans l’alimentation de leur progéniture tout au long de leur vie (Golub et al., 2000).

Les observations portant sur les effets de l’exposition aux sels d’aluminium sur l’apprentissage et la mémoire durant le développement sont très variées. Par exemple, certaines études ont observé une meilleure performance au test du labyrinthe (Golub et al., 2000; Golub et Germann, 2001a; Colomina et al., 2005), tandis que d’autres n’ont observé qu’une piètre performance (Golub et Germann, 2001b; Jing et al., 2004) ou pas changement (Thorne et al., 1987). Golub et Germann (2001b) ont observé une baisse de la capacité d’apprentissage en labyrinthe chez les petits de souris Swiss-Webster lorsque les mères avaient été exposées au lactate d’aluminium dans l’alimentation à une dose combinée de 50 mg Al/kg pc/jour, mais pas à 10 mg Al/kg pc/jour, durant la gestation et la lactation; les petits avaient aussi été exposés par l’alimentation durant deux semaines après le sevrage. Dans cette expérience, les animaux (le groupe témoin et les animaux exposés) avaient reçu une mauvaise alimentation conçue pour simuler celle des femmes américaines en ce qui concerne les apports recommandés d’oligoéléments.

Roig et al. (2006) ont observé un effet biphasique sur l’apprentissage des rats exposés au nitrate d’aluminium durant la gestation, la lactation et le postsevrage; dans le cadre d’une étude comportant deux doses, le groupe à faible dose (50 mg Al/kg pc/jour de nitrate d’aluminium avec citrate dans l’eau potable) a réalisé une meilleure performance dans le test du labyrinthe aquatique que le groupe à dose élevée (100 mg Al/kg pc/jour), mais aucune différence importante n’a été observée entre le groupe à dose élevée et le groupe témoin. En ce qui a trait aux tests d’évitement passif, ce même groupe de chercheurs a aussi signalé une meilleure performance chez les animaux exposés à l’aluminium à une dose de 100 mg Al/kg pc/jour (Colomina et al., 2005).

L’exposition de souris et de rats aux sels d’aluminium durant le développement a aussi démontré l’existence de perturbations au niveau de la biochimie du cerveau, notamment des altérations de la teneur lipidique et une augmentation (Verstraeten et al., 1998; Verstraeten et al., 2002; Nehru et Anand, 2005; Sharma et Mishra, 2006) ou une baisse de la peroxydation lipidique (Golub et Germann, 2000), une baisse de la superoxyde dismutase (Nehru et Anand, 2005), une expression retardée de la protéine neurofilament phosphorylée (Poulos et al., 1996), des effets différentiels sur l’activité de la choline acétyltransférase dans certaines régions du cerveau (Clayton et al., 1992; Rajasekaran, 2000; Ravi et al,. 2000), une baisse de la sérotonine et de la noradrénaline dans certaines régions du cerveau (Ravi et al., 2000), une baisse des concentrations de manganèse dans le cerveau (Golub et al., 1992b; Golub et al., 1993), des altérations des voies de transduction du signal associées aux récepteurs de glutamate et une expression réduite des protéines de la voie neuronale glutamate-oxyde nitrique-GMPc (Llansola et al., 1999; Kim, 2003) et des altérations des systèmes de seconds messagers (Johnson et al., 1992). En ce qui a trait aux effets biochimiques, la dose minimale pour laquelle des effets ont été mesurés était d’environ 20 mg Al/kg pc/jour, observée par Kim (2003) -- des rats mâles et femelles ont reçu cette dose de chlorure d’aluminium dans l’eau potable pendant les 12 semaines précédant l’accouplement, et les mères ont continué à recevoir cette même dose durant la gestation et la lactation.

Chen et al. (2002), Wang et al. (2002a) et Wang et al. (2002b) ont signalé une altération de la plasticité synaptique mesurée par les potentiels de champ dans le gyrus dentelé de l’hippocampe. Johnson et al. (1992) ont signalé une baisse de la protéine-2 associée aux microtubules dans le cerveau de petits de rats exposés durant huit semaine après le sevrage, bien qu’aucun autre changement n’ait été observé dans les autres protéines cytosquelette. Une baisse marquée de la largeur de la gaine de myéline a été observée chez les petits de souris exposés durant la gestation, la lactation et ensuite par l’alimentation après le sevrage (Golub et Tarara, 1999), et chez les petits de cobayes exposés avant la naissance -- du 30e jour de la gestation jusqu’à la naissance (Golub et al., 2002). Ces effets ont été observés à des doses de chlorure d’aluminium supérieures à 85 mg Al/kg pc/jour administrées dans l’eau potable de mères rats Wistar (Wang et al., 2002a; Wang et al., 2002b; Chen et al., 2002) et de 100 mg Al/kg pc/jour dans l’alimentation de mères souris Swiss-Webster (Golub et Tarara, 1999).

Bien que la majorité des études sur l’exposition prénatale se concentre sur la toxicité pour le développement neurologique, les effets sur certains paramètres de la reproduction ont aussi été signalés. Golub et al. (1987), Bernuzzi et al. (1989b), Gomez et al. (1991), Colomina et al. (1992), Belles et al. (1999), Sharma et Mishra (2006) et Paternain et al. (1988) ont signalé une réduction du gain de poids chez la mère, bien que ce paramètre soit demeuré inchangé chez Donald et al. (1989), Golub et al. (1993), Golub et al. (1995) et Golub et al. (1996a) ou dans d’autres études. En ce qui a trait au poids corporel des petits, Sharma et Mishra (2006), Wang et al. (2002a), Llansola et al. (1999), Cherroret et al. (1995), Misawa et Shigeta (1993), Gomez et al. (1991), Paternain et al. (1988), Domingo et al. (1987), Thorne et al. (1987), Golub et Germann (2001a), Colomina et al. (1992), Bernuzzi et al. (1989a) et Bernuzzi et al. (1989b) ont constaté des réductions chez les groupes exposés à l’aluminium, tandis que d’autres études n’ont signalé aucun effet (Donald et al., 1989; Clayton et al,. 1992; Golub et al., 1992b; Golub et al., 1993; Golub et al., 1995; Golub et al., 1996a; Colomina et al., 1994; Verstraeten et al., 1998). La dose minimale pour laquelle des effets ont été observés sur les paramètres de la reproduction, incluant la croissance fœtale, était de 13 mg Al/kg pc/jour (Paternain et al., 1988; Domingo et al., 1987a) chez des rats mères Sprague-Dawley ayant reçu cette dose sous forme de nitrate d’aluminium par gavage.

Cherroret et al. (1995) ont indiqué une diminution des concentrations plasmatiques de protéines et d’albumine totales et une augmentation des alpha-globulines, que les auteurs ont d’ailleurs attribué à un processus d’inflammation chez les jeunes rats exposés à des doses variant entre 100 et 200 mg Al/kg pc/jour administrées par gavage avant la naissance. Ce même groupe de recherche a aussi observé des effets sur les entérocytes du duodénum, avec une réduction de la largeur des microvillosités et une variation importante des concentrations de K, Ca, S et Fe (Durand et al. 1993).

D’autres effets observés sur la reproduction et le développement incluaient un nombre réduit de corps jaunes et de sites d’implantation (Sharma et Mishra, 2006) ainsi que des malformations squelettiques (Paternain et al., 1988; Colomina et al., 1992; Sharma et Mishra, 2006). Colomina et al. (2005) ont signalé un retard dans la maturation sexuelle des mâles et des femelles, bien que cet effet se soit produit à des doses différentes chez les deux sexes (50 mg Al/kg pc/jour chez les femelles et 100 mg Al/kg pc/jour chez les mâles). Misawa et Shigeta (1993) ont observé un retard dans le détachement du pavillon de l’oreille et de l’ouverture des yeux chez les petits femelles.

Aucune toxicité importante pour la mère ou le développement n’a été observée par McCormack et al. (1979) à une dose alimentaire combinée de chlorure d’aluminium de 50 mg Al/kg pc/jour, comme le montrent le gain de poids fœtal, les paramètres de la reproduction ou les malformations fœtales, ou par Gomez et al. (1990) qui ont administré 265 mg Al/kg pc/jour d’hydroxyde d’aluminium par gavage à des mères durant la gestation.

Expositions par inhalation et cutanée

Aucune étude traitant des effets de l’exposition par inhalation ou cutanée aux sels d’aluminium n’a pu être trouvée.

2.4.2.5 Cancérogénicité

La littérature concernant les essais biologiques d’exposition orale est très limitée. Un nombre accru de tumeurs visibles ont été signalées chez des rats mâles et des souris femelles dans le cadre d’une étude à dose unique, mais très peu de détails sont disponibles (Schroeder et Mitchener, 1975a, 1975b, dans ATSDR, 2006). Deux autres études n’ont signalé aucune incidence accrue de tumeurs chez des rats et des souris exposés oralement à des composés d’aluminium (Hackenberg, 1972; Oneda et al., 1994).

Aucune incidence accrue de tumeurs n’a été observée chez les rats à la suite d’une inhalation de fibres d’alumine à des concentrations pouvant atteindre 2,45 mg/m3 (Krewski et al., 2007).

Le Centre international de Recherche sur le Cancer n’a classé aucun composé d’aluminium en fonction de sa cancérogénicité, mais a classé les circonstances d’exposition de la production d’aluminium comme cancérogènes pour les êtres humains (groupe 1) (CIRC, 1987).

2.4.2.6 Génotoxicité

La génotoxicité de divers composés d’aluminium est décrite en détail par Krewski et al. (2007) et l’ATSDR (2006). En bref, les composés d’aluminium ont produit des résultats négatifs dans la plupart des essais de mutagénicité in vitro à court terme, incluant l’essai rec avec Bacillus subtilis, sur les souches TA92, TA98, TA102, TA104 et TA1000 de Salmonella typhimurium (avec et sans activation métabolique S9), et sur l’Escherichia coli (voir Krewski et al., 2007).

Des études in vitro sur des cellules d'hépatome ascitique de rats ont indiqué que le chlorure d’aluminium pouvait servir de stimulateur à la réticulation de protéines chromosomales (Wedrychowski et al, 1986a, 1986b, dans Krewski et al., 2007; ATSDR, 2006). Des études sur des lymphocytes de sang humain ont démontré que le chlorure d’aluminium pouvait induire des réponses positives au niveau de la formation de micronuclei et de l’échange de chromatides sœurs (Krewski et al., 2007).

Plus récemment, Lima et al. (2007) ont étudié les effets génotoxiques du chlorure d’aluminium sur les lymphocytes humains cultivés. Le test des comètes et l’analyse des aberrations chromosomiques ont été utilisés pour évaluer la détérioration de l’ADN et les effets clastogènes du chlorure d’aluminium à différentes phases du cycle cellulaire. Toutes les concentrations testées (5 à 25 mM de chlorure d’aluminium) étaient cytotoxiques, ont causé une baisse de l’index mitotique et une détérioration de l’ADN, et étaient clastogènes pour toutes les phases.

Roy (et al. 1991) ont administré des doses de sulfate d’aluminium et de sulfate double d'aluminium et de potassium dans l’eau potable à des rats mâles, à des doses variant entre 17 et 171 mg Al/kg pc/jour, pendant un maximum de 21 jours. La fréquence de cellules anormales a augmenté en proportion directe de la dose et de la durée d’exposition aux sels d’aluminium. La plupart des aberrations étaient constituées de cassures chromosomiques, avec des translocations enregistrées à des doses plus élevées.

Lors de l’analyse récente de l’innocuité de l’aluminium de source alimentaire, l’EFSA (2008) a résumé les mécanismes indirects pouvant expliquer les effets génotoxiques observés dans les systèmes expérimentaux. Ces mécanismes comprenaient la réticulation ADN-protéines chromosomiques, l’interaction avec l’assemblage des microtubules et le fonctionnement du fuseau achromatique, l’induction de stress oxydatif et une détérioration des membranes des lysosomes avec libération de DNase pour expliquer l’induction d’aberrations chromosomiques structurales, l’échange de chromatides sœurs, la perte de chromosomes et la formation de bases oxydées dans les systèmes expérimentaux. L’EFSA (2008) a indiqué que ces mécanismes indirects de génotoxicité se produisant à des niveaux d’exposition relativement élevés n’avaient probablement aucune influence sur les êtres humains exposés à l’aluminium par l’alimentation.

2.4.3 Études humaines

Cette section résume brièvement l’information concernant les effets potentiels sur la santé humaine associés à l’exposition à l’aluminium, tout en présentant un éventail de ces effets. Plusieurs voies d’exposition sont donc examinées afin de déterminer les organes cibles possibles. Cette information comprend des données provenant : d’études de cas; d’enquêtes épidémiologiques sur les effets potentiels sur la santé de l’exposition à l’aluminium dans l’eau potable; d’enquêtes professionnelles sur l’exposition à la poussière d’aluminium et aux fumées de soudage; et de l’exposition à l’aluminium par les vaccins et l’application cutanée d’antisudorifiques contenant de l’aluminium.

La section 3.2.2 présente une évaluation de ces effets sur la santé pour déterminer : a) ceux qui sont critiques; et b) les études humaines permettant d’évaluer la relation dose-réponse qui est d’ailleurs fondée sur la puissance de la preuve disponible et la pertinence des études par rapport à l’exposition environnementale de la population canadienne générale.

2.4.3.1 Études de cas humains portant sur l’exposition à l’aluminium

Les études de cas humains portant sur la toxicité de l’aluminium ont été bien documentées pour les conditions médicales touchant particulièrement les patients ayant une insuffisance rénale, subissant une dialyse dont le dialysat est contaminé par l’aluminium ou recevant des médicaments ayant une forte concentration d’aluminium. Un petit nombre d’études de cas ou d’enquêtes se sont concentrées sur les enfants et les nourrissons prématurés recevant une alimentation parentérale. Bien qu’ils ne soient pas représentatifs des conditions d’exposition de la population générale, les effets chez des sous-groupes particuliers de personnes vulnérables sont présentés afin d’identifier les organes cibles de l’exposition à l’aluminium. Une analyse plus détaillée de ces études de cas humains est présentée par l’InVS-Afssa-Afssaps (2003) et Krewski et al. (2007). Une étude de cas dans laquelle l’exposition à l’aluminium provenait d’un rejet accidentel d’aluminium dans l’approvisionnement en eau des villes est également décrite ci-après.

Toxicité de l’aluminium chez des patients atteints d’insuffisance rénale

Les patients suivant un traitement de dialyse ont depuis toujours être exposés à l’aluminium par l’eau utilisée pour préparer les solutions de dialyse et par les composés d’aluminium dans les chélateurs du phosphore (Krewski et al., 2007). Aujourd’hui, cette exposition est sévèrement contrôléeNote de bas de page 18. Toutefois, auparavant, plusieurs cas d’encéphalopathie induite par l’aluminium entraînant des altérations du comportement et de la mémoire, des troubles du langage, des convulsions et des secousses musculaires se sont produits chez des patients subissant une dialyse (Foley et al., 1981; Alfrey, 1993). Lors d’intoxication, l’aluminium a pénétré dans la grande circulation par la membrane dialysante (dans le cas de l’hémodialyse) ou par l’abdomen (dans le cas d’une dialyse péritonéale), contournant ainsi la barrière gastro-intestinale et se rendant totalement disponible au niveau cellulaire. Les effets d’une forte exposition à l’aluminium chez les patients subissant une dialyse a clairement démontré sa neurotoxicité chez les êtres humains.

Des chercheurs ont aussi rencontré des cas où des personnes souffrant d’insuffisance rénale ont aussi été atteintes d’encéphalopathie en raison de leur capacité réduite à éliminer l’aluminium et de leur forte exposition chronique à des médicaments contenant de l’aluminium, bien qu’elles n’aient pas subi de dialyse (Foley et al., 1981; Sedman et al., 1984; Sherrard et al., 1988; Moreno et al., 1991). Un décès dû à l’encéphalopathie induite par l’aluminium est survenu chez un patient souffrant d’insuffisance rénale chronique et ne suivant pas de traitement de dialyse, mais ayant absorbé d’importantes doses d’antiacides contenant de l’aluminium (Zatta et al., 2004).

Des effets hématologiques tels que l’anémie (Bia et al., 1989; Yuan et al., 1989; Shah et al., 1990; Caramelo et al., 1995) et la toxicité squelettique (l’ostéomalacie et l’ostéite fibreuse) (Mathias et al., 1993; Jeffery et al., 1996; Ng et al., 2004) sont d’autres effets toxiques de l’aluminium observés chez des patients subissant une dialyse.

Exposition à l’aluminium par l’alimentation par voie intraveineuse

Klein (2005) a passé en revue les données humaines concernant les effets sur les os (l’ostéomalacie) et le système nerveux central de l’exposition à l’aluminium par des solutions utilisées pour l’alimentation par voie intraveineuse. En ce qui a trait à la nutrition parentérale, les nourrissons peuvent être un sous-groupe particulièrement vulnérable en raison de l’immaturité de la barrière hémato-encéphalique et des mécanismes d’excrétion rénale. Bishop et al. (1997) ont analysé les troubles cognitifs liés à la nutrition parentérale chez des nourrissons prématurés. Lors d’un essai randomisé, des chercheurs ont constaté que la performance aux tests servant à mesurer le développement neurologique menés à 18 mois était sensiblement meilleure chez 92 nourrissons prématurés ayant reçu une solution alimentaire faible en aluminium que chez 90 nourrissons prématurés ayant reçu une solution standard à plus forte concentration d’aluminium. Aucun test de suivi permettant d’évaluer la performance cognitive chez les enfants de cette cohorte durant leur croissance n’a été réalisé.

Étude sur l’exposition à l’aluminium associée à l’incident de contamination à Camelford, au Royaume-Uni

Exley et Esiri (2006) ont signalé un cas inhabituel de démence mortelle chez une femme âgée de 58 ans, résidente de Camelford, Cornwall, au Royaume-Uni. Une quinzaine d’années plus tôt, à l’âge de 44 ans, cette personne a été exposée à de fortes concentrations de sulfate d’aluminium dans l’eau potable, déversé accidentellement dans l’alimentation en eau potable de la région. Lors de cet incident, près de 20 000 personnes ont été exposées à des concentrations d’aluminium dans l’eau potable allant de 100 à 600 mg/L. L’autopsie de cette femme a révélé la survenue précoce d’une forme rare d’angiopathie amyloïde atypique dans les vaisseaux corticaux et leptoméningés du cerveau ainsi que dans les vaisseaux leptoméningés au niveau du cervelet. Des concentrations élevées d’aluminium ont aussi été décelées dans les régions corticales gravement affectées. Il s’agit, jusqu’à présent, du seul cas documenté. Exley et Esiri qui ont signalé ce cas affirment que le rôle de l’aluminium demeure incertain, mais pourrait être précisé par des recherches sur des populations exposées de façon similaire et des populations non exposées (groupes témoins).

2.4.3.2 Études épidémiologiques sur l’exposition à l’aluminium dans l’eau potable

À la fin des années 80, quatre études épidémiologiques de type écologique (utilisant des taux d’exposition et de maladie de groupes) ont indiqué une association positive entre la concentration d’aluminium dans l’eau potable et la survenue de la maladie d’Alzheimer (MA) ou de démence (Vogt, 1986; Martyn et al., 1989; Flaten, 1990; Frecker, 1991). Ces observations ont entraîné d’autres recherches portant sur la relation entre l’aluminium dans l’eau potable et divers syndromes de démence, notamment la maladie d’Alzheimer (MA).

Des études épidémiologiques fondées sur des observations de personnes ont été réalisées dans les années 90 pour étudier le lien entre la MA ou un autre dysfonctionnement cognitif et l’exposition à l’aluminium dans l’eau potable. Santé Canada a publié une analyse détaillée des études épidémiologiques dans Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada -- Documents techniques : Aluminium (Santé Canada, 1998b) et dans son rapport sur l’état de la science de 2000. L’analyse présentée ci-après résume l’information des études précédentes et introduit les résultats plus récemment publiés d’un suivi effectué huit ans plus tard d’une grande cohorte du sud de la France (Rondeau et al., 2000; Rondeau et al.,2001). Le tableau B1 (Annexe B) présente les plans d’étude et les résultats des études épidémiologiques pertinentes. Ces données ont aussi été décrites en détail dans Krewski et al. (2007) et InVS-Afssa-Afssaps (2003). L’analyse de la base de données épidémiologique et son applicabilité dans le cadre d’une évaluation quantitative des risques sont présentées dans la caractérisation des risques de cette évaluation (section 3.2.2.1).

Douze études sont présentées dans le tableau B1, fondées sur des études cas-témoins, transversales et longitudinales. Les observations de deux études cas-témoins ontariennes proviennent de la même population étudiée -- l’étude longitudinale sur le vieillissement (ELV) de l’Ontario -- et toutes les études françaises sont fondées sur les observations de la routinisation et du déclin cognitif d’une cohorte française de personnes âgées (Principal lifetime occupation and cognitive impairment in a French elderly cohort) ou cohorte de ersonnes âgées QUID (PAQUID). Toutefois, les populations ELV et PAQUID étudiées diffèrent du point de vue de la définition des cas et de la méthode de diagnostic de la maladie. Les études PAQUID précédentes utilisaient une méthode cas-témoins, alors que les études plus récentes de Rondeau et al. (2000) et de Rondeau et al. (2001) utilisent une analyse de l’incidence par cohorte.

Des résultats positifs statistiquement significatifs (p < 0,05) ont été obtenus pour l’association entre l’exposition à l’aluminium et la MA ou d’autres dysfonctionnements neurologiques dans sept des douze études réalisées, bien que la force et l’importance de ces associations dépendaient de la méthode employée pour analyser les donnée (voir Annexe B). Ces sept études ont été réalisées en Ontario (Neri et Hewitt, 1991; Forbes et al., 1992; Forbes et al., 1994; Forbes et al., 1995a; Forbes et al., 1995b; Neri et al., 1992; Forbes et Agwani, 1994; Forbes et McLachlan, 1996; McLachlan et al., 1996), au Québec (Gauthier et al., 2000) et en France (Michel et al., 1991; Jacqmin et al., 1994; Jacqmin-Gadda et al., 1996; Rondeau et al., 2000; Rondeau et al., 2001).

En Ontario, une série d’analyses a été effectuée sur la cohorte ELV à l’aide d’entrevues et de questionnaires afin d’étudier le lien entre la concentration d’aluminium dans l’eau potable et les troubles cognitifs (Forbes et al., 1992; Forbes et al., 1994, Forbes et al., 1995a; Forbes et Agwani, 1994;). Ces auteurs n’ont observé des associations statistiquement significatives que lorsqu’ils contrôlaient leurs analyses en fonction de certains paramètres physico-chimiques de l’eau tels que le fluorure, le pH et la silice. Comme les méthodes faisant appel aux entrevues et aux questionnaires pour caractériser les fonctions cognitives n’ont pas été jugées suffisamment précises pour déceler les troubles neurologiques, Forbes et al. (1995b) ainsi que Forbes et McLachlan (1996) ont consulté les certificats de décès des personnes de la cohorte ELV et examiné l’association entre l’aluminium dans l’eau potable et la MA ou une démence présénile classifiée selon les codes de la CIMNote de bas de page 19. Des liens positifs ont été signalés entre l’aluminium et la MA ainsi que la démence présénile avec et sans ajustement des paramètres de qualité de l’eau. Par exemple, les risques de développer la MA étaient plus élevés lorsque de fortes concentrations d’aluminium (≥ 336 µg Al/L) étaient combinées à un pH élevé (≥ 7,95), à de faibles concentrations de fluorure (< 300 µg/L) ou de silice (< 1,5 mg/L).

Neri et Hewitt (1991) ainsi que Neri et al. (1992) ont observé une relation dose-réponse significative entre la MA ou la démence présénile et l’aluminium en utilisant des dossiers ontariens de sortie de l’hôpital et en faisant correspondre les cas et les groupes-témoins selon l’âge et le sexe. Une autre étude cas-témoins ontarienne provenant de la Canadian Brain Tissue Bank a confirmé la MA grâce à des critères histo-pathologiques (McLachlan et al., 1996).

Bien que toutes les études ontariennes aient évalué l’exposition à l’aluminium à partir des données du Programme de surveillance de la qualité de l'eau du ministère ontarien de l’Environnement, seuls McLachlan et al. (1996) ont évalué l’exposition antérieure à l’aluminiumNote de bas de page 20. Toutefois, l’analyse de l’étude de McLachlan et al. (1996) n’a pas pris en compte les facteurs potentiels de confusion et de modification (l’âge, le sexe, le niveau d’éducation et la profession, par exemple), et les associations positives significatives n’ont pas été ajustées en fonction d’autres paramètres physico-chimiques de l’eau.

La seule étude québécoise était une analyse cas-témoins de la MA et de l’exposition à différentes espèces d’aluminium dans l’eau potable destinée aux habitants (Gauthier et al., 2000). Le diagnostic de la MA a été réalisé selon une procédure en trois étapes permettant de distinguer la MA d’autres troubles nerveux. En plus de prendre en compte un certain nombre de facteurs de confusion ainsi que la spéciation de l’aluminium, ces auteurs ont aussi pris en considération l’exposition historique à l’aluminium dans l’eau potable. Gauthier et al. (2000) ont signalé 16 rapports de cote (RC), mais n’ont observé qu’une seule association positive significative (soit RC > 1) se rapportant à la concentration d’aluminium monomère organique dans l’eau potable. Cette association significative n’a toutefois été observée que lorsque l’exposition actuelle et non à long terme (plus biologiquement pertinente) a été prise en compte.

Les trois études réalisées sur des populations du Royaume-Uni n’ont démontré aucune association significative entre la concentration d’aluminium dans l’eau potable et les troubles neurologiques après ajustements en fonction du sexe et de l’âge (Wood et al., 1988; Forster et al., 1995; Martyn et al., 1997); mais leurs tests statistiques n’ont pas été ajustés en fonction des propriétés physico-chimiques de l’eau potable. Le résultat clinique des deux études cas-témoins était la MA, diagnostiquée soit par une procédure en trois étapes permettant d’inclure les cas de démence présénile (Forster et al., 1995), soit par un diagnostic clinique utilisant des critères non précisés (Martyn et al., 1997). Cette dernière étude prenant en compte l’exposition antérieure n’a également pas constaté de différences entre les cas et les groupes témoins lorsque les analyses se limitaient à des sujets exposés à de faibles concentrations de silice dans l’eau potable (< 6 mg/L). L’étude transversale de Wood et al. (1988) s’est basée sur les données recueillies auprès de patients d’Angleterre septentrionale souffrant de fractures de la hanche et de démence (aucune information disponible sur les examens paracliniques).

L’étude suisse réalisée (Wettstein et al., 1991), qui consistait en un examen transversal des capacités mnésiques d’octogénaires zurichois et de l’aluminium dans l’eau potable, n’a également constaté aucune association significative après avoir pris en compte le statut socio-économique, l’âge et le niveau d’éducation. Il est à noter qu’une concentration moyenne d’aluminium de 98 mg/L a été observée dans cette étude dans le quartier à forte exposition. L’analyse a donc été effectuée pour une alimentation en eau potable généralement plus faible en aluminium que toutes celles examinées dans d’autres études.

Toutes les études françaises se sont basées sur la cohorte PAQUID. Les études de Michel et al. (1991) ainsi que de Rondeau et al. (2001) ont signalé des associations positives significatives entre l’exposition à l’aluminium dans l’eau potable et la survenue de la MA ou de démence diagnostiquée par une procédure en deux étapes, tandis que celles signalées par Jacqmin et al. (1994) et par Jacqmin-Gadda et al. (1996) ont reposé sur les scores du mini-examen de l'état mental (Mini-Mental State Examination ou MMSE). Les résultats de l’étude de Michel et al. (1991) ont toutefois été écartés en raison de leur utilisation d’informations historiques possiblement peu fiables sur les concentrations dans l’eau potable (Jacqmin et al., 1994; Smith, 1995; OMS, 1997).

Jacqmin et al. (1994) ainsi que Jacqmin-Gadda et al. (1996) ont analysé de différentes façons la même base de données recueillie auprès de la cohorte PAQUID et ont obtenu des résultats peu concluants. La première étude comprenait un rapport préliminaire concernant l’effet du pH sur l’association entre l’aluminium et les troubles cognitifs (Jacqmin et al., 1994). Ces auteurs ont signalé une association positive entre l’aluminium et les troubles cognitifs sans la prise en compte de l’interaction pH-aluminium, alors que cette prise en compte a produit des résultats négatifs. Ces résultats ne sont demeurés statistiquement significatifs que lors de la prise en compte de la profession dans la régression logistique. Jacqmin-Gadda et al. (1996) ont étendu leurs analyses aux concentrations de silice dans l’eau potable. Bien que leurs résultats aient révélé un effet protecteur de l’aluminium vis-à-vis du déficit cognitif avec des concentrations de silice (≥ 10,4 mg/L) et un pH élevés (≥ 7,5), la prise en compte de l’interaction entre l’aluminium et la silice dans leur régression logistique a indiqué un effet nocif de l’aluminium sur les fonctions neurologiques.

Rondeau et al. (2000) ont conservé les sujets non atteints des études de Jacqmin et al. (1994) ainsi que de Jacqmin-Gadda et al. (1996) et évalué l’incidence de démence et de la MA, un, trois, cinq et huit ans après le premier examen MMSE. Cette analyse de suivi a signalé une association positive entre l’aluminium et la MA ou la démence après ajustement en fonction de l’âge, du sexe, du niveau d’éducation, du lieu de résidence ainsi que de la consommation de vin et d’eau minérale embouteillée. Cette étude a abordé les limitations des enquêtes épidémiologiques précédentes en effectuant des ajustements en fonction des facteurs de confusion potentiels, et bien que les niveaux d’exposition n’aient pas été pondérés en fonction des antécédents résidentiels, ceux-ci ont tout de même été pris en compte. À la base, 91 % des sujets ont vécu plus de dix dans la même commune, avec une durée moyenne de résidence de 41 ans. L’étude préliminaire comptait 3401 participants, bien que seuls 2,6 % des sujets aient été exposés à une concentration d’aluminium supérieure à 100 mg/L. Les associations entre l’aluminium dans l’eau potable et la démence et la MA ont néanmoins été significatives. Seuls deux groupes d’exposition (< 100 mg/L ou > 100 mg/L) ont été définis dans l’analyse principale et aucune relation dose-réponse n’a pu être établie lorsque les catégories d’exposition ont été subdivisées.

Plusieurs études épidémiologiques ayant examiné l’association entre l’aluminium dans l’eau potable et le développement de déficit cognitif ou de la MA n’ont pas pris en compte d’importants facteurs de confusion ou de modification potentiels, ou encore n’ont pas caractérisé correctement l’exposition antérieure. L’étude de Rondeau (2000) a abordé certaines limitations. Toutefois, les sujets de la cohorte n’ont pas été exposés, en général, à de fortes concentrations d’aluminium (97 % des sujets ont été exposés à moins de 100 mg/L) et aucune relation dose-réponse n’a pu être observée pour cette plage d’exposition restreinte.

2.4.3.3 Enquêtes épidémiologiques sur l’exposition à l’aluminium dans les antiacides, les antisudorifiques ou les aliments

Des associations variant de très faibles à inexistantes ont pu être établies dans des études épidémiologiques analytiques (Heyman et al., 1984; Graves et al., 1990; Flaten et al., 1991; Étude canadienne sur la santé et le vieillissement (ECSV), 1994; Forster et al., 1995; Lindsay et al., 2002) entre les expositions répétées à l’aluminium dans les antiacides et la MA. Des associations positives entre la MA et l’utilisation d’antisudorifiques contenant de l’aluminium ont été constatées dans deux études cas-témoins, mais l’interprétation des résultats est difficile en raison des lacunes méthodologiques de ces études (données manquantes et erreur de classification due à différents marques et types d’antisudorifiques ayant des concentrations variables d’aluminium, p. ex.) (Graves et al.,1990; ECSV, 1994). L’étude prospective de la cohorte ECSVNote de bas de page 21 (Lindsay et al., 2002) n’a toutefois pas confirmé cette observation; les résultats démontrent que l’utilisation régulière d’antisudorifique n’augmente pas le risque de développer la maladie d’Alzheimer.

Rogers et Simon (1999) ont réalisé une étude pilote afin d’examiner les différences alimentaires entre des personnes atteintes de la MA et les témoins correspondants (n = 46 : 23 sujets et 23 témoins). L’évaluation de l’exposition reposait sur des questionnaires permettant de déterminer les habitudes alimentaires antérieures. D’après les auteurs, il existerait une association entre la MA et la consommation d’aliments contenant des additifs alimentaires ayant une forte concentration d’aluminium. Toutefois, l’échantillon était de très petite taille et l’association n’était statistiquement significative que pour une seule catégorie d’aliments (les crêpes, les gaufres et les petits pains).

2.4.3.4 Enquêtes épidémiologiques sur l’exposition à l’aluminium dans les vaccins

Les adjuvants à base d’aluminium sont intégrés à certains vaccins pour accroître et prolonger la réponse immunitaire de certains antigènes. Les sels d’hydroxyde et de phosphate d’aluminium ainsi que le sulfate d’aluminium peuvent être utilisés comme adjuvants (Eickhoff et Myers, 2002).

Les liens possibles entre la MA et l’exposition antérieure aux vaccins ont été étudiés dans la cohorte ECSV (Verreault et al., 2001). L’exposition aux vaccins conventionnels semble réduire le risque de développer la MA. Après ajustement en fonction de l’âge, du sexe et du niveau d’éducation, les RC étaient de 0,41 (IC de 95 % : 0,27 à 0,62) pour les vaccins contre la diphtérie ou le tétanos, de 0,60 (IC de 95 % : 0,37 à 0,99) pour les vaccins contre la poliomyélite et de 0,75 (IC de 95 % : 0,54 à 1,04) pour les vaccins contre la grippe. Tous les vaccins à l’exception de ceux contre la grippe contiennent des adjuvants à base d’aluminium (Eickhoff et Myers, 2002).

Les liens possibles entre le vaccin contre l’hépatite B, qui contient des adjuvants à base d’aluminium, et le risque de développer des maladies démyélinisantes telles que la sclérose en plaques (SP) ont été étudiés en France (Touze et al., 2000; Touze et al., 2002), en Angleterre (Sturkenboom et al., 2000; Hernan et al., 2004), aux États-Unis (Zipp et al., 1999; Ascherio et al., 2001), au Canada (Sadovnick et Scheifele, 2000) et en Europe (Confavreux et al., 2001). Seule l’étude de Hernan et al. (2004) a observé une association positive significative entre la SP et le vaccin contre l’hépatite B, mais pas entre la SP et les vaccins contre le tétanos et la grippe qui contiennent eux aussi des adjuvants à base d’aluminium.

2.4.3.5 Enquêtes épidémiologiques sur l’exposition professionnelle à l’aluminium

Des effets neurologiques subcliniques ont été observés dans un certain nombre d’études portant sur des travailleurs exposés à l’aluminium de façon chronique (les travailleurs dans les salles de cuves et la fonderie, les soudeurs et les mineurs). Plusieurs de ces études portaient sur un petit nombre de travailleurs et évaluaient l’exposition en fonction de la profession au lieu des concentrations atmosphériques d’aluminium mesurées, en plus de comporter des expositions à divers poussières et produits chimiques. Les effets différaient d’une étude à l’autre et lorsqu’ils étaient similaires, les résultats n’étaient pas toujours homogènes. Les types d’effets neurologiques observés comprenaient une altération de la fonction motrice (Hosovski et al., 1990; Sjogren et al., 1996; Kilburn, 1998), une baisse de la performance dans les tests cognitifs (attention, mémoire, perception visuelle spatiale) (Hosovski et al., 1990; Rifat et al., 1990; Bast-Pettersen et al., 1994; Kilburn, 1998; Akila et al., 1999), des symptômes neuropsychiatriques subjectifs (Sjogren et al., 1990; White et al., 1992; Sim et al., 1997) et des changements électroencéphalographiques quantitatifs (Hanninen et al., 1994).

La relation entre la survenue de la MA et l’exposition professionnelle à l’aluminium a été étudiée dans une étude cas-témoins réalisée en Angleterre (Salib et Hillier, 1996) et deux réalisées aux États-Unis (Gun et al., 1997; Graves et al., 1998). Dans chaque étude, l’état pathologique a été déterminé à l’aide de critères normalisés (National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke/Alzheimer's Disease and Related Disorders Association (NINCDS-ADRDA et/ou Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (American Psychiatric Association) (DSM), par exemple)Note de bas de page 22 et l’exposition à l’aluminium atmosphérique (les fumées de soudage, les poussières et les paillettes, par exemple) évaluée à l’aide de questionnaires sur les antécédents professionnels. Aucune de ces études n’a observé d’association significative entre l’exposition professionnelle à l’aluminium atmosphérique et la MA.

Une étude longitudinale de quatre ans a analysé la performance neuro-comportementale de 47 soudeurs d’aluminium et d’un groupe témoin composé de travailleurs à la chaîne, tous travaillant dans l’industrie de la fabrication de trains et de camions (Kieswetter et al., 2007). L’exposition à l’aluminium dans la poussière a été évaluée en prélevant toute la poussière des échantillons de filtres fixés sur les casques des soudeurs ainsi qu’en effectuant un contrôle biologique (aluminium plasmatique et urinaire) au moment du test neuro-comportemental (en début d’étude, deux ans plus tard et quatre ans plus tard). La batterie de tests neuro-comportementaux comprenait une évaluation des aptitudes cognitives, de la performance psychomotrice, de l’attention et de la mémoire. Cette étude, constituée d’un petit nombre de participants, examinait l’utilisation potentielle de différentes mesures de contrôle biologique, de teneurs en poussières et de la durée d’exposition pour prédire la performance aux tests neuro-comportementaux. Elle n’était pas conçue pour trouver un lien possible, mais plutôt pour examiner l’utilisation de différentes mesures d’exposition. Bien que l’exposition à l’aluminium chez les soudeurs ait été jugée élevée par rapport à d’autres études professionnelles sur l’aluminium (88 à 140 mg Al/g de créatinine dans l’urine ou environ 103 à 164 mg Al/L)Note de bas de page 23, aucun lien n’a été trouvé entre l’exposition et les performances neuro-comportementales.

Une méta-analyse comportant un total de 449 sujets exposés ayant des concentrations moyennes d’aluminium dans l’urine variant de 13 à 133 mg Al/L (Meyer-Baron et al., 2007) a été réalisée pour neuf enquêtes sur l’exposition professionnelle à l’aluminium et la performance neuro-comportementale. Bien que l’ampleur de presque tous les effets indiquait une performance neuro-comportementale inférieure pour le groupe exposé à l’aluminium, seule une variable de performance sur dix, le Digit Symbol Test, était statistiquement significative. Toutefois, la signification statistique du lien entre les résultats du Digit Symbol et l’exposition à l’aluminium a été réduite lorsqu’une étude dans laquelle la mesure du contrôle biologique a été estimée selon un facteur de conversion indéterminé a été exclue de l’analyse. Les auteurs ont conclu qu’il existait un impact sur la performance cognitive en ce qui a trait à l’exposition professionnelle (concentrations dans l’urine de moins de 135 mg Al/L) et reconnu la nécessité d’une standardisation internationale de l’exposition.

2.4.4 Mode d’action des effets toxiques de l’aluminium

L’information liée aux modes d’action possibles de l’aluminium sur le système nerveux, analysés dans les études animales et humaines, a été abordée dans un certain nombre d’études récentes (Strong et al., 1996; Savory, 2000; Kawahara, 2005; ATSDR, 2006; Savory et al., 2006; Krewski et al., 2007; Shcherbatykh et Carpenter, 2007; et Gonçalves et Silva, 2007). Jeffery et al. (1996) ainsi que Krewski et al. (2007) ont aussi examiné le mode d’action sur les os et les tissus hématopoïétiques.

Le mécanisme de neurotoxicité de l’aluminium fait l’objet de recherche soutenue et de plusieurs études. Cette analyse a pour but de résumer brièvement les domaines de recherche concernant le mode d’action de la toxicité de l’aluminium, pour lequel la plupart des tests ont été réalisés sur des rongeurs de laboratoire ou dans le cadre d’études in vitro, et de présenter les opinions variées sur la pertinence de ces données à la neurodégénérescence humaine, plus particulièrement le développement de la MA.

Effets neurotoxiques

Des études sur des animaux de laboratoire et des êtres humains ont démontré que l’aluminium absorbé se distribue au cerveau, plus particulièrement au cortex cérébral et à l’hippocampe. Par exemple, l’accumulation d’aluminium dans le cerveau de souris, de rats et de singes adultes exposés a été signalée dans 23 études portant sur les effets neurologiques de l’aluminium administré oralement (décrits à la section 2.4.2)Note de bas de page 24. Des concentrations plus élevées d’aluminium ont été observées dans le cerveau de chiots exposés durant la gestation par Sharma et Mishra (2006), mais pas par d’autres (Colomina et al., 2005; Golub et al., 1992b). D’autres études sur l’exposition prénatale pour lesquelles l’exposition s’est poursuivie durant la période de lactation ont aussi signalé des concentrations plus élevées d’aluminium dans le cerveau (Wang et al., 2002a; Chen et al, 2002; Golub et al., 1993). Par contre, Golub et al. (2000) ont observé une baisse des concentrations d’aluminium dans le cerveau de souris exposées durant la gestation, la lactation et leur vie entière.

Une autre recherche décrivant la distribution de l’aluminium au cerveau est présentée à la section 2.3.3.2.

En général, la recherche sur la neurotoxicité de l’aluminium chez les animaux de laboratoire s’est concentrée sur les catégories interdépendantes d’effets biochimiques et cellulaires suivantes :

Des efforts ont été déployés afin d’intégrer les données portant sur les effets biochimiques ci-dessus à un mécanisme courant, ou du moins à un groupe de mécanismes d’action lié à la neurotoxicité de l’aluminium (voir Kawahara (2005) et Shcherbatykh et Carpenter (2007), p. ex.). Strong et al. (1996) ont soutenu qu’« un seul mécanisme de neurotoxicité de l’aluminium englobant ses actions potentielles au niveau cellulaire n’existe probablement pas ». Toutefois, ces auteurs ont proposé les catégories générales suivantes pour caractériser la neurotoxicité de l’aluminium et concentrer les recherches futures sur ses mécanismes d’action :

Le lien entre le mécanisme de neurotoxicité de l’aluminium chez les animaux et le mécanisme potentiel de la MA demeure un important sujet de discussion. Il s’agit d’un débat complexe, le principal mécanisme cellulaire de la MA n’étant pas clair. La présence de plaques séniles composées de peptides bêta-amyloïde dans le cerveau de personnes atteintes de la MA est bien documentée, mais on ne connaît pas encore comment ces peptides provoquent une neurotoxicité (Marchesi, 2005). À la discussion sur les mécanismes de la MA se superpose la controverse sur la question de savoir si l’exposition environnementale à l’aluminium contribue au développement de la MA. La littérature récente comprend un éventail d’arguments allant de la conclusion sur l’absence de preuve convaincante à l’« hypothèse sur l’aluminium » aujourd’hui (Becking et Priest, 1997; Wisniewski et Lidsky, 1997) au point de vue que des preuves animales et épidémiologiques suggèrent que l’aluminium dans l’environnement contribue de façon importante à la MA et qu’il est prématuré de rejeter cette hypothèse (Yokel, 2000; Gupta et al., 2005; Kawahara, 2005; Exley, 2006; Miu et Benga, 2006; Savory et al., 2006). Les partisans d’une étude plus approfondie sur le rôle de l’aluminium dans le développement de la MA citent les éléments de preuve suivants, en plus des preuves épidémiologiques décrites à la section 2.4.3.2 . P our chacun des éléments, les contre-arguments avancés sont également donnés :

Toxicité osseuse

Dans le cas de l’ostéomalacie associée à l’exposition à l’aluminium, deux différents mécanismes d’action sont connus (ATSDR, 2006) : l’exposition par voie orale à de fortes concentrations d’aluminium peut entraîner la formation d’un complexe avec le phosphore alimentaire réduisant ainsi l’absorption gastro-intestinale de cet élément nécessaire à la minéralisation osseuse; l’ostéomalacie liée à des concentrations accrues d’aluminium dans les os, principalement dans le front de minéralisation, est associée à un délai accru de minéralisation, à une augmentation de la surface ostéoïde, à une faible concentration de parathormone et à une concentration élevée de calcium sérique (ATSDR, 2006).

Tissu hématopoïétique

Certains patients qui souffrent d’insuffisance rénale et suivent un traitement de dialyse développent une anémie hypochrome microcytaire dont la gravité est en corrélation avec la concentration d’aluminium dans le plasma et les globules rouges, qui peut être traitée en mettant fin à l’exposition à l’aluminium ou par chélation de l'aluminium par desferrioxamine (Jeffery et al., 1996). Bien que le mécanisme de cet effet chez les patients subissant une dialyse ne soit pas connu, Jeffery et al. (1996) ont indiqué que l’aluminium perturbait le métabolisme du fer, possiblement en intervenant dans le transfert cellulaire du fer en ferritine puis en hème.

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