Plan de gestion de la dryoptéride côtière au Canada [proposition] 2011 : Information sur l’espèce
La dryoptéride côtière est une fougère d’une hauteur de 20 à 60 cm dont les frondes persistantes poussent à partir d’un court rhizome rampant épais et forment des touffes en forme de vase (figure 1). Les frondes de forme oblongue-lancéolée sont doublement divisées, soit en pennes (segments primaire de part et d’autre de l’axe central de la fronde) profondément découpées et en pinnules (segments secondaires) bordées de petites dents pointues. Les rhizomes, les stipes et les surfaces inférieures des pennes portent des écailles lancéolées de couleur châtain (Douglas et al., 2000).
Figure 1. Illustration de la dryoptéride côtière. Reproduite avec la permission de University of Washington Press (Hitchcock et al., 1969. Illustrations de Jeanne R. Janish).
La dryoptéride côtière est présente le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord, en Colombie-Britannique (C.-B.), dans l’État de Washington, en Oregon et en Californie, ainsi qu’à l’intérieur du continent au Montana et en Arizona (NatureServe, 2006). Le rapport de situation (COSEPAC, 1998) ne mentionnait pas les populations du Montana. Les populations de la C.-B. sont isolées, se trouvant à environ 250 km des populations les plus proches, situées dans le comté de Snohomish (État de Washington). La figure 2 montre l’aire de répartition de l’espèce en Amérique du Nord.
Figure 2. Aire de répartition de la dryoptéride côtière en Amérique du Nord (tirée de COSEPAC, 1998).
En C.-B., l’aire de répartition de la dryoptéride côtière se restreint à l’est de l’île de Vancouver et à certaines îles Gulf nordiques, notamment les îles Denman et Hornby et plusieurs îles plus petites de l’archipel Ballenas/Winchelsea au large de la baie Nanoose (figure 3) (COSEPAC, 1998; B.C. CDC Element Occurrence Records, 2006). Les populations se trouvent dans un rectangle étroit d’environ 6 km sur 50 km, soit à peu près 300 km2, qui comprend de grandes étendues d’eau entre les populations. D’après les données du Conservation Data Centre (CDC) et de récents relevés, la zone d’occupation de la dryoptéride côtière est d’environ 1,9 ha.
La C.-B. abrite moins de 1 % de l’effectif mondial de l’espèce. En 2007, on estimait à quelque 7 500 individus son abondance totale en C.-B. (B.C. CDC Element Occurrence Data, 2006; Maslovat, obs. pers., 2007).
Figure 3. Répartition de la dryoptéride côtière en C.-B. et au Canada. Les numéros des populations sur les îles Denman et Hornby correspondent aux noms des populations énumérées au tableau 1.
Treize populations ont été signalées en C.-B., (tableau 1), et non pas 18 comme indiqué dans le rapport de situation (COSEPAC, 1998). La présence d’une population au mont Finlayson, dans le parc provincial Goldstream, n’est pas confirmée et n’est donc pas abordée dans le présent plan de gestion. On considère donc que la Colombie-Britannique compte 12 populations de dryoptérides côtières.
Bien qu’on ait trouvé deux autres populations après la rédaction du rapport de situation (B.C. CDC Element Occurrence Data, 2006), certaines des populations énumérées dans ce rapport sont maintenant considérées comme des sous-populations puisqu’elles se trouvent à moins d’un kilomètre d’une autre (un critère utilisé par le CDC pour distinguer les populations). Dans le présent rapport, les sous-populations se trouvant à moins d’un kilomètre les unes des autres sont regroupées en une seule population, sauf pour les occurrences des îles Amelia et Gerald, lesquelles sont traitées comme des populations distinctes parce qu’elles sont géographiquement isolées par la mer.
(Nota : À l’exception de Henry (1915), les références présentées dans ce tableau représentent le nom de la personne qui a recueilli les spécimens d’herbier et la date de collecte, et non pas des publications.)
Résumé de la propriété des terres abritant les populations connues
- 6 terrains privés
- 1 terrain privé + parc provincial
- 1 terrain privé + MDN
- 1 terrain privé + coopérative de camping et organisme de conservation
- 2 parcs provinciaux + population historique non confirmée au parc Goldstream (mont Finlayson)
- 1 terre de la Couronne provinciale
Au Canada, la dryoptéride côtière n’est présente que dans la sous-zone maritime humide de la zone biogéoclimatique côtière à douglas taxifolié (B.C. CDC, 2006). On la trouve sur des pentes côtières dans des forêts claires de douglas taxifoliés (Pseudotsuga menziesii), de chênes de Garry (Quercus garryana) ou d’arbousiers d’Amérique (Arbutus menziesii), ainsi que sur des escarpements et affleurements rocheux littoraux où poussent des chênes de Garry rabougris et des holodisques discolores (Holodiscus discolor) (COSEPAC, 1998; B.C. CDC Element Occurrence Records, 2006). Les individus occupant des escarpements rocheux et des falaises littorales présentent plus de signes de stress, comme des frondes plus petites ou chlorosées, que ceux occupant des milieux côtiers boisés (COSEPAC, 1998). On a également observé que les individus vivants en milieu exposé survivent moins bien l’hiver (Martin, comm. pers., 2007).
En général, l’orientation des stations varie du sud-ouest au sud-est, et une sous-population occupe une station orientée à l’est. On trouve l’espèce sur des pentes de 0 à 80 %, à des altitudes de 0 à 120 m. La plupart des populations occupent des pentes abruptes. Elle pousse sur des sols pour la plupart modérément à très secs, à drainage rapide, qui contiennent des concentrations modérées d’azote (COSEPAC, 1998; B.C. CDC Element Occurrence Records, 2006).
On en sait peu sur la biologie et l’écologie de la dryoptéride côtière. Elle atteint la maturité en un à cinq ans, et chaque fronde fertile peut produire jusqu’à 13,5-15 millions de spores dispersées par le vent. Un certain nombre de spores restent sur les frondes l’hiver et sont libérées le printemps suivant. La viabilité moyenne des spores est de trois ans ou plus chez d’autres espèces de Dryopteris. Chez d’autres espèces de fougères, la germination des spores, le début du développement des gamétophytes et la fusion des gamètes se produisent lorsque les sols sont humides au début du printemps (COSEPAC, 1998). En Californie, on ne trouve les jeunes sporophytes de la dryoptéride côtière qu’en milieu ombragé au sol minéral nu (Veilleux, comm. pers., 2007). Aucun prothalle (structure semblable à une feuille qui porte les organes sexuels) de dryoptéride côtière n’a été observé durant des relevés récemment effectués en C.-B. l’hiver, peut-être pas le meilleur moment de l’année pour observer des prothalles (Maslovat, obs. pers., 2007).
La dryoptéride côtière se reproduit aussi par élongation du rhizome. Cette reproduction végétative semble être plus courante dans les stations sèches à drainage rapide qui ne sont pas très favorables à la germination des spores et à la fertilisation des gamètes (COSEPAC, 1998).
Il est difficile de multiplier la dryoptéride côtière ex situ à partir de spores (Fraser, comm. pers., 2007; Furman, comm. pers., 2007; Wilson, comm. pers., 2007). Les horticulteurs la multiplient par division du rhizome au printemps ou à l’automne (Leigh, 1999; Furman, comm. pers., 2007; Wilson, comm. pers., 2007).
Effondrement démographique. La reproduction sexuée, dont on ignore l’importance chez la dryoptéride côtière au Canada, pourrait constituer un facteur limitatif. Dans des relevés des populations des îles Denman et Hornby effectués l’hiver, pas aux meilleurs moments pour trouver des prothalles, aucun signe de reproduction sexuée n’a été trouvé (Maslovat, obs. pers., 2007). L’absence de reproduction sexuée pourrait nuire à la capacité des populations de dryoptérides côtières de se rétablir après une perturbation ou une disparition locale. Il est peu probable que cette situation influe sur le potentiel de rétablissement ou de gestion de l’espèce.
Les menaces sont définies comme les activités humaines ou les processus qui ont causé, causent ou pourraient causer la destruction ou la dégradation de la biodiversité et de processus naturels. Les menaces ne comprennent pas les caractéristiques biologiques intrinsèques d’une espèce ou d’une population comme la dépression de consanguinité, un petit effectif de population et l’isolement génétique, qui sont considérés comme des facteurs limitatifs.
La classification des menaces présentée dans le tableau suivant se fonde sur le système unifié de classification des menaces de l’Union internationale pour la conservation de la nature et du Partenariat pour les mesures de conservation (Conservation Measures Partnership, ou CMP) et elle est compatible avec les méthodes utilisées par le Conservation Data Centre de la Colombie-Britannique et le Cadre de conservation de la province. On peut consulter une description du système de classification dans le site Web IUCN-CMP (en anglais seulement) (IUCN et CMP, 2006) et Master et al. (2009). Les menaces qui pèsent sur la dryoptéride côtière ont été évaluées pour toute la province (tableau 2).
Numéro de la menace | Description de la menace | Stress | Portée[1] | Gravité[2] | Quand?[3] | Impact[4] | Sites |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | Développement résidentiel et commercial | Petite | Élevée | Menace constante | Faible | ||
1.1 | Zones résidentielles et urbaines | Taille et viabilité réduites des populations, disparition locale | Petite | Élevée | Menace constante | Faible | Pointe Dorcas; 1 sous-population à Hornby no 1 |
6 | Empiètement et perturbation par les humains | Petite | Modérée | Menace constante | Faible | ||
6.1 | Activités récréatives | Nombre réduit d’individus, mortalité directe | Petite | Modérée | Menace constante | Faible | 1 sous-population à Denman no 1; 2 sous-populations à Hornby no 1; peut-être d’autres. |
8 | Espèces envahissantes et autres espèces et gènes problématiques | Restreinte | Faible à modérée | Menace constante | Faible à moyen | ||
8.1 | Espèces envahissantes non indigènes |
|
Restreinte | Faible à modérée | Menace constante | Faible à moyen |
|
11 | Changement climatique et phénomènes météorologiques violents | Inconnue | Inconnue | À long terme | S/O | ||
11.4 | Tempêtes et inondations | Viabilité réduite, mortalité directe | Inconnue | Inconnue | À long terme | S/O | La plupart des sites sont menacés par l’érosion et les dommages causés par des tempêtes : plusieurs sous-populations à Hornby no 1; 1 sous-population à Denman no 1; îles Gerald et Ballenas. |
1 Portée – Proportion de l’effectif de l’espèce au Canada qui sera vraisemblablement touchée par la menace d’ici dix ans. (Très grande = 71-100 %; grande = 31-70 %; restreinte = 11-30 %; petite = 1-10 %)
1 Gravité – Au sein de la portée, niveau de dommage (habituellement mesuré comme l’ampleur de la réduction de la population) que causera vraisemblablement la menace d’ici une période de dix ans ou de trois générations. (Extrême = 71-100 %; grave = 31-70 %; modérée = 11-30 %; faible = 1-10 %)
3 Quand? – Constante = menace toujours présente; à court terme = menace pouvant se réaliser dans moins de dix ans ou de trois générations; à long terme = menace pouvant se réaliser dans plus de dix ans ou de trois générations); négligeable = menace qui s’est réalisée dans le passé, mais qui est peut susceptible de revenir, ou menace qui n’aurait aucun effet direct, mais qui peut être limitative.
4 Impact – Mesure dans laquelle on observe, infère ou soupçonne que l’espèce est directement ou indirectement menacée. L’impact de chaque stress est déterminé selon les cotes de portée et de gravité en ne tenant compte que des menaces actuelles et futures. L’impact d’une menace correspond à la réduction de la population d’une espèce ou à la réduction de la superficie ou dégradation d’un écosystème. Le taux médian de déclin de la population ou de la superficie de l’habitat pour chaque combinaison de portée et de gravité se range dans les classes d’impact suivantes : très élevé (déclin de 75 %), élevé (40 %), moyen (15 %) et faible (3 %).
Les activités de développement immobilier menacent la dryoptéride côtière par la conversion directe de l’habitat et l’accroissement du potentiel d’érosion dans l’habitat. La population de la pointe Dorcas occupe un terrain qui a récemment été divisé en deux lots. L’évaluation environnementale de ce terrain recommande d’établir des parcelles clôturées faisant l’objet d’une convention de conservation et totalisant 1 090 m2 afin de protéger la population de dryoptérides côtières (Toth et Robert, 2006). La construction d’une résidence pourrait nuire à une sous-population de l’île Hornby (Hornby no 1). Bien que plusieurs des populations des îles Denman et Hornby se trouvent sur des terrains privés, elles occupent des pentes abruptes qui ne font habituellement pas l’objet de développement immobilier.
Il est peu probable qu’il y ait du développement immobilier sur les îles Gerald et Mistaken, car elles sont isolées et dépourvues de sources d’eau douce (Bartemucci, comm. pers., 2005). Les menaces associées à la conversion de l’habitat sont minimes dans les parcs provinciaux sur les îles Denman et Hornby, sur l’île Amelia qui appartient au gouvernement provincial et sur les îles Ballenas qui appartiennent au gouvernement fédéral et qui ne servent actuellement pas aux opérations du ministère de la Défense nationale (COSEPAC 1998; Cornforth, comm. pers., 2007).
La dryoptéride côtière est actuellement menacée par le piétinement des randonneurs pédestres et la construction de sentier (COSEPAC, 1998). Les sentiers de randonnée sur les pentes abruptes peuvent aussi accroître le potentiel d’érosion.
Une sous-population dans le parc provincial Boyle Point situé sur l’île Denman (Denman no 1) occupe un escarpement situé à environ 10 m sous un sentier. La forte pente empêche l’accès de la plupart des visiteurs du parc, mais par le passé des gens ont lancé des canettes de bière et des mégots de cigarettes en bas du sentier, ce qui accroît le risque d’incendie (Williston, comm. pers., 2006). On ignore cependant si le feu favoriserait ou non la gestion de l’espèce.
Sur l’île Hornby, les milieux occupés par les sous-populations qui se trouvent sur les terrains de la coopérative de camping Heron Rocks et du Heron Rocks Friendship Centre (Hornby no 1) sont très utilisés par les campeurs et leurs animaux de compagnie l’été (Mogensen, comm. pers., 2007). Les campeurs peuvent installer leur tente ou construire des abris en bois sur des dryoptérides côtières ou à proximité et ainsi les endommager. Les terrains de camping sont entretenus à la tondeuse à fil, ce qui peut endommager des fougères.
Des plantes non indigènes comme la ronce discolore (Rubus armeniacus), le daphné lauréole (Daphne laureola), la pervenche (Vinca major) et des graminées exotiques (p. ex. Dactylis glomerata) sont présentes à côté de certaines populations de dryoptérides côtières. Les plantes envahissantes peuvent avoir le dessus sur les espèces indigènes dans la compétition pour l’humidité et la lumière, et des graminées exotiques peuvent former un épais feutrage racinaire qui empêche toute germination. Un certain nombre des individus d’une sous-population de l’île Hornby (Hornby no 1) ont été étouffés par des arbustes envahissants, et d’autres sous-populations de l’île Hornby sont menacées par l’empiètement d’arbustes envahissants.
UICN no 8. Espèces envahissantes et autres espèces et gènes problématiques (8.1 Espèces non indigènes envahissantes)
La dryoptéride côtière est un hôte du champignon responsable de l’encre des chênes rouges (Phytophthora ramorum) aux États-Unis. Le champignon s’est attaqué à des dryoptérides côtières, causant des dommages aux frondes, leur dépérissement ou la mortalité d’individus (Garbelotto et Rizzo, 2005; CDFA, 2006). Bien qu’on ait trouvé l’encre des chênes rouges en C.-B., on ne l’a pas observée dans l’habitat de la dryoptéride côtière dans la province (ACIA, 2005).
UICN no 11. Changement climatique et phénomènes météorologiques violents (11.4 Tempêtes et inondations)
Les tempêtes menacent la dryoptéride côtière en causant de l’érosion du sol qui peut déloger ou ensevelir des individus. Les grosses tempêtes de vent de l’hiver 2006-2007 ont renversé de nombreux arbres sur les îles Denman et Hornby, accroissant le potentiel d’érosion du sol et d’exposition des fougères au soleil et au vent. Les populations occupant des affleurements rocheux exposés et des pentes très abruptes, notamment plusieurs sous-populations de l’île Hornby (Hornby no 1), une sous-population au parc provincial Boyle Point (Denman no 1) et d’autres sur l’île Gerald et l’île Ballenas sud, sont les plus menacées par l’érosion et les tempêtes (COSEPAC, 1998; Maslovat, obs. pers., 2007). On ignore les effets des changements dans le régime des feux (c.-à-d. la suppression des feux) sur l’habitat de l’espèce.
Le but à long terme de la gestion de la dryoptéride côtière est d’en maintenir toutes les populations connues à au moins leur taille actuelle et de maintenir la répartition et la zone d’occupation actuelles de l’espèce en Colombie-Britannique.
Il existe actuellement 12 populations de dryoptérides côtières en Colombie-Britannique. La répartition de l’espèce est restreinte, mais on ne connaît aucune population disparue qui indiquerait que l’espèce était plus abondante par le passé. Le but à long terme consistant à maintenir toutes les populations existantes a été fixé pour prévenir tout déclin supplémentaire, réduction de l’aire de répartition ou autre détérioration de la situation de l’espèce (Groupe de travail national sur le rétablissement, 2005).
Voici les objectifs de gestion de la dryoptéride côtière :
- Protéger l’habitat[1] de toutes les populations connues
- Évaluer l’ampleur des principales menaces (développement résidentiel/conversion de l’habitat, activités récréatives et espèces végétales envahissantes) qui pèsent sur les populations.
- Préciser la répartition de la dryoptéride côtière en Colombie-Britannique.
- Sensibiliser davantage le public à l’existence et à la valeur de conservation de la dryoptéride côtière.
- Combler les lacunes dans nos connaissances sur la dryoptéride côtière, lacunes qui empêchent sa gestion efficace (p. ex. déterminer les tendances des populations, la zone d’occurrence, les attributs de l’habitat, le type de reproduction, les capacités de dispersion, la composition génétique et l’importance des menaces et des perturbations naturelles) afin de s’assurer que ses populations restent autosuffisantes.
1 La protection peut être réalisée au moyen de divers mécanismes, y compris des accords volontaires d'intendance, des conventions de conservation, la vente de terres privées par des propriétaires consentants, les désignations relatives à l'utilisation des terres et la désignation d'aires protégées.
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