Plan de gestion du Méné d’herbe au Canada [finale] 2011 : Menaces
Le rapport de situation du COSEPAC (Holm et coll. in press) indique que le méné d’herbe a une aire de répartition limitée au Canada et est vulnérable à la turbidité accrue de l’eau résultant des pratiques agricoles et du développement urbain.
Actuellement, les menaces connues et présumées touchant le méné d’herbe sont la pollution d’origine agricole, la pollution urbaine et industrielle, la modification locale du régime d’écoulement naturel, incluant la canalisation, le drainage artificiel et le remblayage des milieux humides, la perte ou la destruction de la végétation riveraine, la perte ou la destruction de la végétation aquatique, la fluctuation des niveaux d’eau à grande échelle, les changements climatiques, la propagation d’espèces exotiques et de maladies ainsi que la pêche commerciale aux poissons-appâts.
Le Tableau 5 fait la synthèse des menaces connues et présumées qui pèsent sur le méné d’herbe au Canada. En général, les menaces y sont ordonnées en fonction de la perception de leurs répercussions. La sévérité des menaces et le degré de préoccupation qu’elles suscitent peuvent varier selon les différentes populations de l’espèce.
Les paramètres de classification des menaces sont les suivants :
Ampleur – l’ampleur spatiale de la menace dans le cours d’eau (étendue/localisée);
Occurrence – indique si la menace est présente ou attendue (actuelle/imminente);
Fréquence – la fréquence avec laquelle la menace survient (saisonnière/continue);
Certitude causale – le degré de certitude qu’il s’agit d’une menace contre l’espèce (élevée, modérée, faible);
Gravité – la gravité de la menace (élevée, modérée, faible); et,
Degré de préoccupation dans l’ensemble – le degré composé de préoccupation pour ce qui est de la menace envers l’espèce (élevée, modérée, faible).
Tableau 5. Menaces pesant sur les populations de méné d’herbe au Canada, classées en fonction du degré de préoccupation qu’elles suscitent dans l’ensemble, de la plus élevée à la plus faible, même s’il est possible que la gravité et le degré de préoccupation varient localement.
| Catégorie de menace | Ampleur (étendue/localisée) | Occurrence (actuelle/imminente) | Fréquence (saisonnière/continue) | Certitude causale (élevée, moyenne, faible) | Gravité (élevée, moyenne, faible) | Degré de préoccupation dans l’ensemble (élevé, moyen, faible) | Stress |
|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pollution agricole |
Étendue |
Actuelle |
Continue |
Élevée |
Élevée |
Élevé |
|
Pollution urbaine et industrielle |
Étendue |
Actuelle |
Continue |
Moyenne |
Élevée |
Élevé |
|
Perte ou destruction de la végétation riveraine |
Étendue |
Actuelle |
Continue |
Élevée |
Élevée |
Élevé |
|
Fluctuation des niveaux d’eau à grande échelle |
Étendue |
Actuelle / |
Continue |
Moyenne |
Élevée |
Élevé |
|
Changements climatiques |
Étendue |
Imminente |
Continue |
Moyenne |
Élevée |
Élevé |
|
Modification locale de régimes d’écoulement naturel |
Étendue |
Actuelle |
Continue |
Moyenne |
Moyenne |
Moyen |
|
Perte ou destruction de la végétation aquatique |
Localisée |
Actuelle |
Continue |
Élevée |
Élevée |
Moyen |
|
Propagation des espèces exotiques et des maladies |
Étendue |
Actuelle |
Continue |
Faible |
Moyenne/ |
Moyen |
|
Pêche commerciale aux poissons-appâts |
Localisée |
Actuelle |
Saisonnière |
Moyenne |
Moyenne/ |
Faible |
|
1. Pollution agricole : Comme ses congénères du genre Notropis, le méné d'herbe serait une espèce sensible aux changements environnementaux tels les habitats dégradés et la mauvaise qualité de l'eau, des conditions qui sont rencontrées dans des cours d'eau à proximité desquels se pratique l'agriculture intensive (Holm et coll. sous presse). Sa présence est donc un bon indice des conditions environnementales, surtout en milieu agricole. Le remblayage des marais, la canalisation, l'eutrophisation, l'apport de sédiments de même que l'augmentation de la turbidité seraient responsables du déclin de l'espèce dans son aire de répartition nord-américaine. Ces effets négatifs sont communément associés à des pratiques agricoles liées à la production de bétail et de cultures, particulièrement celle du maïs. Au Québec, la culture du maïs a connu un développement important depuis 1970 dans l'ensemble de l'aire de répartition du méné d'herbe. L'excès de fertilisants comme l'azote et le phosphore, la principale répercussion de cette industrie, affecte les poissons par l'eutrophisation des cours d'eau (FAPAQ 2002, Vachon 2003). À l'exception du fleuve Saint-Laurent, la plupart des cours d'eau où le méné d'herbe a déjà été observé sont en majorité caractérisés par de graves problèmes d'eutrophisation (Robitaille 2005, Holm et coll. sous presse). Les pratiques agricoles comprennent divers autres apports de contaminants auxquels le méné d'herbe peut être exposé.
L’augmentation de la turbidité, due principalement aux pratiques agricoles, pourrait empêcher le méné d’herbe de repérer sa nourriture et entrave la croissance des plantes aquatiques submergées dont dépend l’espèce (Holm et coll. sous presse). Les mauvaises pratiques liées à l’utilisation des terres contribuent à la turbidité à cause de l’augmentation de l’apport de fines particules qui demeurent en suspension dans la colonne d’eau. Le broutage et le piétinement de la végétation riveraine par le bétail diminuent sa capacité à jouer son rôle tampon et augmentent l’érosion des berges, la remise en suspension des sédiments et l’envasement des cours d’eau (FAPAQ 2002, Vachon 2003).
2. Pollution d’origine urbaine et industrielle : La mise en valeur et l’exploitation des ressources de même que l’urbanisation sont à l’origine de plusieurs sources de pollution dans l’ensemble de l’aire de répartition du méné d’herbe au Canada. La présence de polluants d’origine urbaine et industrielle dans des milieux aquatiques provoque une diminution de la qualité de l’eau et peut avoir un effet négatif sur différents stades du cycle biologique des poissons.
Les eaux usées des villes, des usines de textiles, des usines de pâtes et papiers et des mines contiennent plusieurs produits chimiques dont des métaux lourds, tels le plomb et le mercure, des hydrocarbures chlorés, tels le dichlorodiphenyltrichloroethane (DDT) et les biphényles polychlorés (BPC), et des hydrocarbures aromatiques polycycliques, tel le benzopyrène. Certains de ces produits chimiques peuvent avoir des effets létaux, perturber le système endocrinien des organismes exposés à ces eaux usées et causer des malformations, de même que des problèmes liés à la reproduction et au développement chez de nombreuses espèces de poisson qui cohabitent avec le méné d'herbe, tels le meunier noir (Catostomus commersonii), la queue à tache noire (Notropis hudsonius) et le chevalier cuivré (Moxostoma hubbsi) (de Lafontaine et coll. 2002, Jobling et Tyler 2003, Aravindakshan et coll. 2004). De plus, une augmentation de la turbidité ou de la température de l'eau qui pourraient affecter négativement le méné d'herbe, peut être associée à des décharges d'effluents.
3. Modification locale du régime d’écoulement naturel (canalisation, drainage artificiel et remblayage des milieux humides) : Au Québec, plus de 25 000 km de cours d’eau en milieu agricole ont été aménagés entre 1944 et 1986 (Roy 2002) pour accroître ou permettre la production agricole. Ces interventions ont provoqué la perte de nombreuses caractéristiques des habitats (p. ex., couvert de végétation immergée, berges naturelles), rendant ces cours d’eau uniformes et modifiant leur régime hydrologique. La pluie ou la fonte des neiges sature les sols en eau, ce qui augmente la vitesse d’écoulement. Cet effet est accru dans les cours d’eau qui ont été redressés, causant une plus grande turbidité, un affaissement des berges et une érosion du littoral (FAPAQ 2002, Robitaille 2005). Il est probable que les conséquences s’avèrent négatives pour les populations de méné d’herbe. En Ontario, les tributaires du lac Saint-François, qui historiquement abritaient le méné d’herbe, soit les ruisseaux Wood, Finney, Gunn et Fraser, sont situés en zone agricole. Des sections de ces tributaires sont aujourd’hui entretenues (draguées) à titre de drains agricoles, ce qui a négativement affecté le méné d’herbe (B. Jacobs, Raisin Region Conservation Authority, comm. pers. 2009).
En période d'étiage estival et hivernal, la faible infiltration d'eau causée par le ruissellement et le drainage diminue la réserve d'eau souterraine et les débits de base. Il en va de même de l'urbanisation plus importante et de l'augmentation connexe des surfaces imperméables à cause du plus grand nombre de zones bitumées. Dans certains cas, ceci peut provoquer l'assèchement des cours d'eau et affecter ainsi les populations de méné d'herbe (FAPAQ 2002, Robitaille 2005).
4. Perte ou destruction de la végétation riveraine : La perte ou la destruction de la végétation riveraine est plus particulièrement préoccupante au Québec et à l'extrémité est de l'aire de répartition ontarienne, dans le secteur de Cornwall. En 2007, le pourcentage de bande riveraine dans les cours d'eau suivants où le méné d'herbe a déjà été trouvé était de : 16,4% dans le ruisseau Finney; 25,8% dans le Fraser; 4,5% dans le Gunn; 3,5% dans le Wood; 12% dans le Sutherland (pas un site historique). Depuis 2007, ce pourcentage a probablement décrût puisque la tendance dans cette région est d'éliminer les aires riveraines au profit de l'agriculture dont les terrains sont extrêmement convoités (B. Jacobs, Raisin Region Conservation Authority, comm. pers. 2011).
Toute intervention humaine susceptible d'entraîner une augmentation de la turbidité risque d'être nuisible au méné d'herbe (Holm et coll. sous presse). Les bandes riveraines jouent un rôle important dans la protection de la qualité de l'eau. Ces bandes freinent et capturent les particules délogées par le ruissellement, retiennent le sol tout en protégeant les berges de l'érosion latérale. Le déboisement et la disparition de bandes riveraines au profit de l'augmentation des surfaces cultivables peuvent entraîner une augmentation du ruissellement, de la température de l'eau, de l'envasement et de la charge en sédiments et en éléments nutritifs dans les cours d'eau (FAPAQ 2002, Vachon 2003). L'envasement excessif peut étouffer les œufs déposés, réduire l'oxygène disponible dans le substrat et réduire l'abondance de nourriture (Holm et Mandrak 1996).
5. Perte ou destruction de la végétation aquatique : Comme pour la perte ou la destruction de la végétation riveraine, cette menace est plus particulièrement préoccupante au Québec et à l'extrémité est de l'aire de distribution ontarienne, soit dans le secteur de Cornwall. Que ce soit pour la reproduction ou pour l'alimentation, les sites occupés par le méné d'herbe sont habituellement caractérisés par une abondance de végétation immergée. La suppression physique ou chimique des macrophytes aquatiques, pour des raisons récréatives ou esthétiques ou pour nettoyer des canaux de drainage par exemple, est susceptible d'avoir des répercussions négatives sur le méné d'herbe (Holm et coll. sous presse). Les autres facteurs pouvant détruire la végétation aquatique ou en réduire la densité incluent notamment la fluctuation des niveaux d'eau (par exemple à cause des barrages), le batillage, la canalisation, le drainage agricole, le ruissellement, les polluants et les plantes exotiques, comme le myriophylle à épis (Robitaille 2005, Holm et coll. sous presse).
6. Fluctuations des niveaux d’eau à grande échelle : Les fluctuations des niveaux d’eau du Saint-Laurent sont attribuables, en partie, à des facteurs anthropiques comme le prélèvement d’eau et la présence de barrages hydroélectriques et de drains agricoles. Le niveau du fleuve est contrôlé pour réduire les crues printanières, faciliter la navigation commerciale et produire de l’énergie hydro-électrique. La construction de la voie maritime du Saint-Laurent a également amené des modifications considérables de débit, qui agissent de manière continue sur les niveaux d’eau. Le dragage du chenal maritime et des hauts-fonds concentre le débit dans le canal principal, réduit la vitesse des courants dans les parties peu profondes et accroît les dépôts sédimentaires. Cette situation conduit à un assèchement des habitats ainsi qu’à une perte de la végétation immergée.
7. Changements climatiques : Il est attendu que les changements climatiques globaux auront des effets importants sur les communautés aquatiques du bassin versant des Grands Lacs et du Saint-Laurent à cause de changements majeurs dans les cycles hydrologiques et dans le type et la disponibilité des écosystèmes aquatiques (Environnement Canada 2001, Lemmen et Warren 2004). Des modèles de prédiction du climat de plus en plus performants et précis convergent vers des changements importants du climat à l’échelle globale et locale, et ce, dès l’horizon 2020 (Bourque et Simonet 2008).
Dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, il est prévu que l’assèchement généralisé se traduise par la réduction de l’écoulement annuel des cours d’eau et du niveau des lacs, et par la disparition d’étangs et de milieux humides (Bourque et Simonet 2007, Environnement Canada 2001). Des modèles prévoient une baisse du débit des tributaires du Saint-Laurent (Croley 2003, Fagherazzi et coll. 2005). Lefaivre (2005) conclut que le niveau du Saint-Laurent, à la hauteur de Montréal, devrait être réduit de 0,2 à 1,2 m et prévoit une réduction des surfaces d’eau libre, particulièrement dans le secteur du lac Saint-Pierre où les eaux sont relativement peu profondes.
Dans l'aire où se trouve le méné d'herbe au Canada, Bourque et Simonet (2008) anticipent un adoucissement des hivers, une « tropicalisation » des étés, de même qu'une hausse de la fréquence, de l'intensité et de la durée des phénomènes climatiques extrêmes. Cet accroissement anticipé de la fréquence et de la magnitude des évènements climatiques extrêmes, comme les plus fortes précipitations, l'écoulement et la fonte des neiges accélérée, produira le lessivage et l'érosion accrus des sols, et l'augmentation du transport de polluants et de nutriments dans les cours d'eau (Environnement Canada 2001). De plus, la tendance au réchauffement pourrait favoriser la propagation d'espèces exotiques potentiellement nuisibles et qui pourraient actuellement être limitées par des températures plus froides (Environnement Canada 2001). Des prélèvements d'eau en réponse à une demande accrue pourraient modifier davantage les habitats (Environnement Canada 2001).
Bourque et Simonet (2008) estiment que les changements climatiques mettent plus à risque des espèces en péril aux habitats fragmentés, à faible capacité migratoire et déjà soumises à divers stress.
Doka et al. (2006) ont réalisé une évaluation de l’impact anticipé des changements climatiques sur les communautés de poissons des milieux humides littoraux des Grands Lacs inférieurs (le méné d’herbe n’était pas présent dans la zone d’étude). Ils ont trouvé que le méné camus, une espèce similaire au méné d’herbe qui peut cohabiter avec lui, était très sensible aux effets des changements dans les milieux humides côtiers et dans les habitats situés près de la rive. Le méné camus a été classé au sixième rang des espèces les plus vulnérables sur 99 espèces évaluées. Compte tenu de la similarité des deux espèces en matière d’habitat, il est raisonnable de penser que le méné d’herbe pourrait être tout aussi affecté que le méné camus par les changements climatiques. Par ailleurs, le dernier secteur où le méné d’herbe se trouve en abondance est le lac Saint-Pierre, et l’espèce est susceptible d’y être affectée par les diminutions attendues du niveau d’eau et de la superficie de la végétation aquatique qui se trouve typiquement en eaux peu profondes (Robitaille 2005).
8. Propagation des espèces exotiques et des maladies : Les espèces exotiques peuvent affecter le méné d'herbe de différentes manières, comme par la réorganisation du réseau trophique aquatique et par la compétition pour l'espace, l'habitat et la nourriture. Il y a au moins 185 espèces exotiques établies dans les Grands Lacs et 88 dans le Saint-Laurent fluvial (Y. De Lafontaine, Environnement Canada – Centre Saint-Laurent, comm. pers. 2009, NCRAIS 2009), certaines affectant les espèces indigènes, notamment les espèces en péril. Selon Dextrase et Mandrak (2006), alors que la perte et la dégradation des habitats constituent la menace première pour les espèces en péril, les espèces exotiques sont la deuxième menace en importance. À ce moment, les espèces exotiques affectaient 26 des 41 espèces de poissons d'eau douce qui figurent sur la liste des espèces en péril au Canada.
La carpe (Cyprinus carpio), le gobie à taches noires (Neogobius melanostomus) et la moule zébrée sont des espèces exotiques qui affectent des espèces aquatiques indigènes et qui continueront de modifier les écosystèmes et leurs fonctions écologiques. Les conséquences de l'introduction d'espèces comme la carpe commune et le gobie à taches noires sur le méné d'herbe sont inconnues. La carpe commune pourrait avoir un effet négatif sur le méné d'herbe par la voie de son habitude à déraciner les macrophytes aquatiques essentiels à sa survie. Elle pourrait aussi augmenter les niveaux de turbidité par bioturbation. Dans des secteurs où le gobie à taches noires est devenu abondant, l'abondance de poissons indigènes a décliné (p.ex. les dards [Percina spp., Eteostoma spp.]). Toutefois, la façon dont le gobie peut affecter le méné d'herbe demeure imprécise. Il est possible que la moule zébrée ait un effet positif sur le méné d'herbe, étant donné que sa présence se traduit par une eau plus limpide, ce qui permettrait à une plus grande quantité de lumière de pénétrer l'eau, favorisant ainsi la croissance des macrophytes.
Les espèces végétales exotiques posent aussi un problème dans les milieux humides côtiers, puisqu’elles peuvent modifier de manière importante les communautés végétales. Par exemple, l’introduction dans les années 1940 du myriophylle à épis, une espèce exotique envahissante, pourrait avoir un effet négatif sur le méné d’herbe. Contrairement aux espèces indigènes de myriophylle, le myriophylle à épis forme une canopée dense à la surface de l’eau, éliminant l’habitat préféré du méné d’herbe pendant la fraie. Cette espèce introduite suscite des craintes d’autant plus qu’elle a déjà été associée au déclin d’espèces similaires au méné d’herbe, soit le menton noir, le museau noir, le méné camus et le méné à nageoires rouges (Luxinus cornutus) (Lyons 1989, Holm et coll. sous presse). Conséquemment, son impact sur les populations canadiennes de méné d’herbe est appréhendé (Auger 2006, Holm et coll. sous presse). Les effets potentiels des autres espèces végétales exotiques, telle la châtaigne d’eau (Trapa natans), sur le méné d’herbe n’ont pas fait l’objet d’études.
Les maladies telles la septicémie hémorragique virale (SHV) sont une préoccupation. Il n'y a actuellement aucun cas connu de SHV chez le méné d'herbe et l'impact de la maladie chez cette espèce n'a pas été étudié. Cependant, la présence de la SHV a été confirmée après un épisode de mortalité massive d'une autre espèce de poisson au havre de Hamilton (Ontario), en mai 2007 (ACIA 2010). Il est aussi connu que le virus de la SHV est présent dans le bassin versant du lac Ontario. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) considère que la partie lacustre du Saint-Laurent, à l'est du barrage Moses-Saunders et directement reliée au lac Ontario, est un bassin à risque élevé d'infection (ACIA 2010). En 2007, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a mis en place un programme afin de surveiller la présence du virus chez les poissons sauvages au Canada, en collaboration avec sa Division de la santé des animaux aquatiques, le ministère des Pêches et des Océans du Canada (MPO), l'Animal and Plant Health Inspection Service du département de l'Agriculture des États-Unis, le U.S. Fish and Wildlife Service et le Comité sur la salubrité du poisson des Grands Lacs (ACIA 2010).
9. Pêche commerciale aux poissons-appâts : Au Québec, une étude portant sur l'évaluation de l'impact de la pêche commerciale aux poissons-appâts sur cinq espèces de poissons en péril a été effectuée à l'automne 2005. Plus de 60 spécimens de méné d'herbe ont été trouvés sur plus de 41 500 poissons échantillonnés dans les viviers des pêcheurs commerciaux ainsi que chez les détaillants. La majorité des ménés d'herbe provenait de la récolte des pêcheurs commerciaux de poissons-appâts du lac Saint-Pierre, ce qui semble corroborer que l'espèce est commune dans ce secteur (Boucher et coll. 2006). Toutefois, la faible pression exercée par la pêche dans ce secteur et les quelques spécimens recueillis par les pêcheurs de poissons-appâts pendant l'étude indiquent que les populations de méné d'herbe ne sont pas touchées de manière importante. En outre, lors d'un échantillonnage similaire à l'été 2007, le méné d'herbe n'a pas été trouvé. Les résultats de cette étude laissent aussi supposer que l'impact de cette pêche sur le méné d'herbe est très faible (Garceau et coll. sous presse). De plus, des mesures d'atténuation font partie du permis de pêche aux poissons-appâts et pourraient être adaptées à la gestion du méné d'herbe. Il s'agit notamment de périodes et de zones d'exclusion pour la pêche commerciale.
En Ontario, l’ampleur de l’impact de la pêche aux poissons-appâts sur le méné d’herbe demeure inconnue. Toutefois, la pêche aux poissons-appâts est réglementée en Ontario, où le méné d’herbe n’est pas un appât autorisé (Cudmore et Mandrak 2005, OMNR 2008). Quoi qu’il en soit, il peut faire l’objet de prises accidentelles si la pêche aux poissons-appâts a lieu dans des secteurs occupés par l’espèce.
Québec –
Inventaires : En 2006, un inventaire ichtyologique d’espèces en péril dans les régions de la Montérégie et de l’Outaouais a été entrepris dans le but de préciser la répartition du dard de sable (Ammocrypta pellucida), du fouille-roche gris (Percina copelandi) et du méné d’herbe. Cet inventaire ciblait plus précisément les bassins versants de la rivière Châteauguay en Montérégie (Garceau et coll. 2007) et de la rivière des Outaouais en Outaouais (Pariseau et coll. 2007). L’étude a été menée par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) en collaboration avec le MPO et la Société Provancher d'histoire naturelle du Canada.
En 2002, un inventaire ichtyologique d’espèces rares, soit le dard de sable, le fouille-roche gris et le méné d’herbe, a été effectué dans la partie sud du bassin versant de la rivière l’Assomption, dans la région de Lanaudière L’échantillonnage ciblait plus particulièrement les rivières l’Assomption, Ouareau et l’Achigan. Ce projet a été réalisé par la CARA avec la collaboration du MRNF et du comité ZIP (Zone d’intervention prioritaire) Des Seigneuries (CARA 2002).
Le RSI poursuit un échantillonnage systématique des communautés de poissons présentes dans six secteurs du fleuve Saint-Laurent situés en amont de Québec depuis 1995 : le lac Saint-François, le lac Saint-Louis, le tronçon Montréal-Sorel (à partir de 2001), le lac Saint-Pierre et son archipel, le tronçon Bécancour-Batiscan et le tronçon Grondines–Saint-Nicolas (La Violette et coll. 2003). Les sites ont été échantillonnés lors d’une première campagne en 1995-1997. Une deuxième ronde d’échantillonnage a été menée en 2001-2006 et une troisième a débuté en 2007.
Études sur les poissons-appâts : En 2005, une étude a été menée avec la collaboration des pêcheurs de poissons-appâts, afin d’évaluer l’impact de cette pêche commerciale automnale sur cinq espèces de poissons en péril en vertu de la LEP, soit le chevalier cuivré, le brochet vermiculé[Esox americanus vermiculatus],le méné d’herbe, le dard de sable et le fouille-roche gris. Un rapport a été présenté au MPO par le MRNF en collaboration avec la Société Provancher d'histoire naturelle du Canada (Boucher et coll. 2006). À l’été 2007, une autre campagne a permis de poursuivre le projet amorcé en 2005 (Garceau et coll. sous presse). Cette étude a été effectuée par le MRNF en collaboration avec le Comité de concertation et de valorisation du bassin de la rivière Richelieu (COVABAR) et avec l’aide du MPO (soutien financier).
Travaux de restauration : Au Québec, des travaux de restauration dans les cours d’eau agricoles sont planifiés ou ont été réalisés avec succès par des organisations locales sans but lucratif. Des fonds du Programme d’intendance de l’habitat pour les espèces en péril du gouvernement fédéral sont utilisés pour financer ces mesures.
Ontario –
Étude sur les poissons-appâts : Un étudiant gradué de l’Université de Toronto dirige une étude initiée en 2007 et portant sur l’impact de la pêche aux poissons-appâts sur les espèces en péril et sur la répartition et la propagation des espèces exotiques. Cette étude est menée avec la collaboration du MPO.
Inventaires récents : Le tableau 6 présente la synthèse des inventaires récents (depuis 2000) menés par plusieurs organismes dans l'aire de répartition du méné d'herbe en Ontario. Ces inventaires ne visaient pas précisément l'espèce, sauf dans le cas du canal Rideau, où quatre espèces en péril étaient visées, dont le méné d'herbe. La Raisin River Conservation Authority a procédé à des inventaires ciblant spécifiquement les méné d'herbe en 2008, 2009 et 2010, à un certain nombre d'endroits où le méné d'herbe avait déjà été trouvé. Le MPO a également fait des inventaires de méné d'herbe dans le Système du canal Rideau, et dans la baie de Quinte en 2009 et 2010.
Tableau 6 : Synthèse des inventaires de poisson récents (depuis 2000) dans l’aire de répartition du méné d’herbe en Ontario.
| Cours d’eau / Secteur | Type d’inventaire (année de l’échantillonnage) |
|---|---|
Fleuve Saint-Laurent – Parc national du Canada des Îles-du-Saint-Laurent |
|
Fleuve Saint-Laurent |
|
Lac Saint-François |
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Canal Rideau |
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Ruisseaux Gunn, Wood, Fraser, Finney, Sutherland et rivière Raisin |
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Système du canal Rideau |
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Baie de Quinte |
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a – pêche électrique par bateau; b – seine; c – verveux; d – bourolle; e – épuisette; f – filet-trappe; g – pêche électrique portative
L’acquisition de connaissances sur la répartition, l’abondance et les tendances des populations du méné d’herbe au Canada demeure primordiale. Le méné d’herbe n’a jamais fait l’objet d’études approfondies et les informations disponibles sur cette espèce sont fragmentaires. Il est particulièrement important de mesurer les paramètres démographiques de la population dans la section du Saint-Laurent où elle est encore abondante. De plus, puisque le méné d’herbe peut facilement être confondu avec le museau noir et d’autres espèces de Notropis rayés, un nouvel examen des spécimens conservés dans les collections des gouvernements et des musées aiderait à clarifier les patrons de distribution historique.
Les connaissances actuelles sur la biologie de l’espèce proviennent essentiellement d’études menées en Nouvelle-Angleterre dans les années 1940 par Harrington (1947, 1948a, b). Des données de base supplémentaires concernant les besoins liés à l’habitat et au cycle vital, de même que sur les menaces qui pèsent sur les populations canadiennes de méné d’herbe sont nécessaires afin de pouvoir prioriser les activités de restauration de l’habitat de l’espèce. L’expansion de la distribution du myriophylle à épis, une plante exotique envahissante, de même que son impact sur les populations de méné d’herbe devraient être davantage documentés. La fragmentation de l’habitat par les barrages, les traverses ou les ponceaux devrait également être considérée comme une menace pour le méné d’herbe et son impact, mieux documenté.
Des recherches sur la génétique du méné d’herbe pourraient aider à distinguer des populations ou à estimer la taille de celles-ci. À ce jour, il n’existe aucune information sur la génétique de l’espèce.
Canada – En plus de la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur les pêches et les règlements qui en découlent s’appliquent directement ou indirectement à la gestion du méné d’herbe et de son habitat. Des dispositions de la Loi sur les pêches (a) rendent obligatoire le passage du poisson et permettent d’exiger la construction d’une passe ou d’une échelle à poisson (lorsque jugé approprié par le ministre) (article 20); (b) interdisent de causer la mort du poisson par d’autres moyens que la pêche, sauf en cas d’autorisation (article 32); (c) interdisent de détériorer, détruire ou perturber l’habitat du poisson, sauf en cas d’autorisation (article 35); et (d) interdisent, sous réserve de règlements spécifiques, de rejeter des substances nocives dans des eaux où vivent les poissons (article 36). Les dispositions de la Loi sur les pêches et ses règlements sont pour la plupart administrés par Pêches et Océans Canada. Environnement Canada administre l’article 36 de la Loi qui réfère au rejet de substances nocives dans les cours d’eau. Pour sa part, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) requière l’évaluation des effets environnementaux de projets proposés. Les effets environnementaux sont entre autres, « les changements que la réalisation d’un projet risque de causer à l’environnement notamment à une espèce sauvage inscrite, à son habitat essentiel ou à la résidence des individus de cette espèce, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les espèces en péril ». De plus, selon l’article 79 de la Loi, au cours de l’examen d’un projet effectué en vertu de la LCEE, il faut déterminer tous les effets qu’aurait le projet sur une espèce inscrite. Si le projet est réalisé, il faut prendre des mesures conformes aux programmes de rétablissement ou aux plans d’action applicables pour éviter ou atténuer ces effets (mesures d’atténuation) et pour effectuer un suivi à cet égard. Finalement, l’habitat du méné d’herbe situé dans le Parc national du Canada des Îles-du-Saint-Laurent est protégé en vertu de la Loi sur les Parcs nationaux du Canada et les règlements qui en découlent, et cette loi est administrée par l’Agence Parcs Canada. Dans le canal Rideau, l’habitat est protégé par l’application du Règlement sur les canaux historiques de la Loi sur le ministère des Transports.
Québec – L’habitat du méné d’herbe est protégé par deux lois québécoises. Le chapitre IV.1 sur les habitats fauniquesde la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune protège l’habitat du poisson sur les terres publiques du Québec. Toute activité pouvant modifier un élément biologique, physique ou chimique de l’habitat du poisson est interdite, sauf dans le cas des exceptions mentionnées dans les règlements.
D’autre part, la Loi sur la qualité de l’environnement(LQE) protège l’habitat du poisson en interdisant le rejet ou l’émission dans l’environnement de tout contaminant susceptible de porter préjudice à la faune, au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par les règlements, que ce soit sur des terres privées ou publiques. La LQE régit aussi l’élaboration et la mise en œuvre de la Politique de protection des rives du littoral et des plaines inondables qui vise la protection des lacs et des cours d’eau. Cette politique établit des normes minimales qui doivent, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, être adaptées dans les schémas d’aménagement et de développement des municipalités régionales. Par ailleurs, selon les termes du Règlement sur les exploitations agricoles de la LQE, à l’exception des passages à gué, il est interdit depuis le 1er avril 2005 de laisser les animaux accéder librement aux cours d’eau et aux littoraux.
Ontario – En Ontario, le paragraphe 3(5) de la Loi sur l'aménagement du territoire demande que les décisions prises par différentes entités soient conformes à la déclaration de principes provinciale énoncée en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi. L'alinéa 2.1.3(a) de la Déclaration de principes de 2005 interdit le développement et la modification d'un site se trouvant « dans les habitats d'importance des espèces en voie de disparition et des espèces menacées ». Cette obligation bénéficiera indirectement aux espèces jugées préoccupantes et qui cohabitent avec des espèces menacées ou en voie de disparition. Le paragraphe 2.1.5 de la Déclaration de principes provinciale de 2005 interdit le développement et la modification de l'habitat dans l'habitat du poisson, sauf en conformité avec les exigences provinciales et fédérales qui offrent une certaine protection à l'habitat du méné d'herbe. En Ontario, le développement riverain est géré par des règlements sur les plaines inondables qui sont appliqués par les offices de protection de la nature locaux. Bien que la majorité des terres bordant les rivières où se trouve le méné d'herbe soit constituée de propriétés privées, le fond des rivières appartient généralement à la Couronne. Sous réserve d'une autorisation accordée par la Raisin River Conservation Authority, les habitats aquatiques dans les affluents Ontariens du lac Saint-François et où se trouvent des populations de méné d'herbe, sont protégés contre le remblayage par le règlement suivant: Regulation of Development, Interference with Wetlands and Alterations to Shorelines and Watercourses (O.Reg. 175/06), qui est administré par la Raisin River Conservation Authority. L'habitat du méné d'herbe est aussi protégé indirectement par la Loi sur les évaluations environnementales, la Loi sur la protection de l'environnement et la Loi sur les ressources en eau.