Évaluation du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral)

Sommaire

Objectif de l’évaluation

L’évaluation du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) [PTQF], qui s’est appuyée sur une série de thèmes et de questions concernant la pertinence, la conception, la mise en œuvre et les résultats du Programme, couvre la période de 2002 à 2008, soit la période comprise entre l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et de son règlement d’application, et la mise en œuvre des instructions ministérielles (en 2008). L’évaluation visait plus précisément à vérifier :

  • la conception et la mise en œuvre du Programme, y compris l’efficacité, l’uniformité et la transparence du processus de sélection;
  • les retombées du Programme à ce jour par rapport aux niveaux de résultats immédiats et intermédiaires, y compris l’établissement économique des travailleurs qualifiés. 

Compte tenu de la complexité du PTQF, plusieurs méthodes et sources de données ont été utilisées aux fins de l’évaluation. Les données qui ont été recueillies et analysées dans le cadre de cet exercice proviennent de différentes sources primaires (p. ex. entrevues, sondages et groupes de discussion) et secondaires (examen de documents, recension des écrits et analyse des bases de données du gouvernement fédéral – Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration [STIDI], Système de soutien des opérations des bureaux locaux [SSOBL] et Banque de données longitudinales sur les immigrants [BDIM]).

Programme des travailleurs qualifiés (fédéral)

Le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) s’inscrit dans la stratégie d’immigration du Canada, qui prévoit la sélection des résidents permanents en fonction de leur capacité à s’établir économiquement au Canada. Par suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), le 28 juin 2002, le système de sélection des travailleurs qualifiés a été modifié de façon à répondre aux besoins d’un marché du travail dynamique dans une économie mondiale axée sur le savoir. S’appuyant sur un système de pointage objectif et transparent, le nouveau Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) sélectionne plus efficacement des immigrants ayant la capacité de réussir leur établissement économique au Canada. Le Programme a été modifié dans le but1 :

  • d’améliorer le taux de réussite économique des travailleurs qualifiés immigrants;
  • de maintenir la quantité de travailleurs qualifiés immigrants;
  • d’améliorer la transparence du processus de sélection.

Les étrangers qui souhaitent venir au Canada à titre de travailleurs qualifiés (fédéral) doivent satisfaire aux exigences minimales du Programme2. Les demandes satisfaisant aux exigences minimales sont ensuite examinées au regard de six facteurs de sélection : (i) expérience professionnelle; (ii) études; (iii) compétence dans les langues officielles; (iv) âge; (v) emploi réservé; (vi) capacité d’adaptation; ce dernier facteur englobe divers critères (offre d’emploi réservé, études de l’époux ou du conjoint de fait, parenté au Canada, études postsecondaires et travail antérieurs au Canada). Un visa de résident permanent est délivré en vertu du PTQF au demandeur qui obtient le « nombre minimum de points » ou la « note de passage » établie par le ministre. La note de passage, actuellement de 67 points3, a été modifiée pour la dernière fois le 18 septembre 2003.

Principaux résultats et conclusions

Suivent les principaux résultats et conclusions découlant de l’évaluation.

A. Tous les groupes d’intervenants reconnaissent un besoin fort et continu envers le Programme des travailleurs qualifiés (fédéral).

Les personnes interviewées ont attribué le besoin envers ce programme à l’importance des travailleurs qualifiés pour l’économie, et à la présence d’une pénurie de main-d’œuvre spécialisée engendrée par la croissance économique et le taux accru de départs à la retraite attribuable au vieillissement de la population (même si les données économiques ne révèlent pas de pénurie généralisée). Les répondants estiment que le PTQF correspond aux priorités du Ministère et du gouvernement en ce sens qu’il aide à stimuler l’économie et le marché du travail du Canada, à maintenir une main-d’œuvre stable et à rendre le pays plus fort et plus concurrentiel. Ils croient également que le Programme cible les besoins en travailleurs hautement qualifiés à court et à long termes en plus de contribuer aux objectifs généraux du Canada en matière d’immigration. Les intervenants suggèrent que, du fait qu’ils ciblent des groupes de travailleurs différents et répondent à des besoins économiques différents, le Programme des candidats des provinces (PCP) et la catégorie de l’expérience canadienne (CEC) complémentent, plutôt que dupliquent le PTQF.

B. Les résultats de l’analyse des données de la BDIM et des sondages auprès des TQF montrent que les TQF sélectionnés en vertu de la LIPR s’établissent économiquement et répondent aux besoins des employeurs.

Par rapport aux indicateurs économiques, l’analyse de la BDIM révèle que 89 % des TQF étaient employés ou travailleurs autonomes trois ans après l’arrivée. De plus, le revenu d’emploi pour ce groupe augmente avec le temps.

Quatre-vingt-quinze pour cent des employeurs ayant répondu au sondage aux fins de l’évaluation ont indiqué que les travailleurs qualifiés (fédéral) répondent à leurs attentes ou les surpassent. Par ailleurs, la plupart (63 %) ont dit avoir eu de la difficulté à doter le poste pour lequel ils ont finalement embauché un travailleur qualifié immigrant. 

C. L’adoption en 2002 de nouveaux facteurs de sélection pour le PTQF a amélioré la performance économique des TQF et est appuyée par les interviewés en général.

Selon les données de la BDIM, le revenu moyen d’emploi des travailleurs qualifiés (fédéral) sélectionnés en vertu de la LIPR est supérieur à celui de leurs homologues sélectionnés sous l’ancien régime (Loi sur l’immigration). Pour la cohorte de 2004 par exemple, le revenu d’emploi du premier groupe est passé de 40 100 $ pour la première année suivant l’établissement à 47 500 $ un an plus tard, tandis que celui des TQF sélectionnés sous l’ancien régime a augmenté de 24 300 à 31 300 $ pendant la même période. De plus, le pourcentage de travailleurs qualifiés immigrants déclarant un montant de prestations d’assurance-emploi ou d’aide sociale a diminué depuis l’entrée en vigueur de la LIPR. L’analyse de régression sur les revenus des TQF confirme l’incidence marquée du régime de sélection sur le niveau de revenu. Comparativement à ceux de l’ancien régime, les TQF sélectionnés en vertu de la LIPR gagnent un revenu significativement plus élevé.

D. Les travailleurs qualifiés ayant un emploi réservé gagnent significativement plus que leurs homologues sans offre d’emploi réservé (OER). L’intégrité des OER dans leur forme actuelle suscite toutefois des préoccupations dans certains bureaux canadiens des visas à l’étranger.

Les données de la BDIM montrent que les travailleurs qualifiés détenant une OER gagnaient en moyenne 79 200 $ trois ans après l’arrivée, un revenu beaucoup plus élevé que celui gagné par les travailleurs qualifiés sans emploi réservé (44 200 $). Les résultats du sondage auprès des clients appuient ce constat. Par ailleurs, le sondage révèle que les TQF sélectionnés en vertu de la LIPR qui ont une OER sont plus susceptibles de travailler toujours pour le premier employeur au Canada.

Dans les études de cas, certains agents des bureaux canadiens des visas à l’étranger (BCVE) ont exprimé de sérieuses préoccupations quant au niveau de fraude associé aux OER et à l’effort requis pour vérifier la validité des offres d’emploi. Les fraudes les plus courantes seraient des offres d’emploi provenant d’employeurs inexistants, des postes fictifs incompatibles avec la nature de l’entreprise ou des activités commerciales, des offres de complaisance faites par des amis ou des membres de la famille et des offres authentiques s’accompagnant d’une description de tâches exagérée.

E. D’après les données sur les délais de traitement, la LIPR aide à réduire le délai associé à la décision de sélection et à la décision finale. Ce gain est cependant en grande partie annulé par l’augmentation du temps requis pour effectuer la présélection, le volume de nouvelles demandes surpassant la capacité de traitement. Le système modifié est néanmoins plus transparent, plus objectif et plus facile à comprendre.

Bien que les règles régissant le PTQF visent à accroître l’objectivité, la transparence et l’efficacité du processus de sélection des travailleurs qualifiés, le délai de traitement est toujours long et l’arriéré a augmenté. Le délai de traitement moyen a augmenté de trois mois (passant de 20 mois sous l’ancien régime à 23 mois sous la LIPR, en moyenne). La diminution du temps requis pour la sélection et la décision finale a été presque entièrement annulée par l’augmentation du temps nécessaire pour la présélection (l’examen initial des demandes a été retardé par le grand nombre de dossiers en attente et par des priorités concurrentes).

L’augmentation de l’arriéré est attribuable à divers facteurs, les principaux étant énumérés ci-dessous :

  • Litiges. L’évaluation hybride d’un certain nombre de demandes après l’entrée en vigueur de la LIPR a causé des retards dans le traitement des demandes (le délai de traitement moyen est passé de 20 mois sous l’ancien régime à 55 mois sous le régime d’évaluation hybride).
  • Priorités concurrentes et réduction du nombre de visas à délivrer. De 2002 à 2008, l’objectif minimum établi pour le PTQF a diminué de quelque 116 000 à 67 000 visas à délivrer. Les demandes reçues en vertu du PCP, du programme des travailleurs qualifiés du Québec et des instructions ministérielles sont traitées en priorité dans la catégorie économique, ce qui limite souvent la capacité de traiter les demandes reçues avant l’entrée en vigueur des instructions ministérielles. La réduction du nombre de visas à délivrer dans le cadre du PTQF limite la capacité des bureaux des visas à l’étranger de réduire l’arriéré. 
  • Risque de fraude. La fraude est courante dans les bureaux canadiens des visas à l’étranger qui ont été visités, et il s’agit d’une grande préoccupation pour les agents des visas. Certaines régions sont particulièrement touchées par la fraude, comme en témoigne, notamment, la variation du taux d’approbation entre les différents bureaux des visas. Dans certains cas, il peut falloir plus de temps pour traiter une demande.
  • Accès limité à des ressources et outils efficaces. Vu le manque d’outils uniformisés pour appuyer l’évaluation de la compétence linguistique, des études et de l’expérience de travail, il est très difficile d’assurer un traitement uniforme, fiable et rapide des demandes.
  • Volume élevé de nouvelles demandes. Le volume de demandes a fait un bond en 2001, avant l’entrée en vigueur de la LIPR, puis à nouveau en 2004, lorsque la note de passage a été abaissée de 75 à 67.
  • Rajustement de la note de passage. Alors que la conception du Programme prévoyait un réajustement périodique de la note de passage en fonction du volume de demandes, aucun changement n’y a été apporté depuis 2003. Le volume de nouvelles demandes est donc demeuré élevé puisqu’un grand nombre de demandeurs sont devenus admissibles avec la note de passage de 67 points. 

F. La plupart des interviewés considèrent que les facteurs de sélection actuels correspondent aux objectifs du Programme, mais beaucoup ont suggéré des améliorations à l’égard du processus d’évaluation et du nombre de points alloués sous certains facteurs.

Les données de la BDIM montrent que les facteurs de sélection constituent un outil efficace pour prédire la performance économique. En particulier, les résultats économiques des TQF seraient étroitement liés au fait d’avoir une OER, à la compétence en langues officielles ainsi qu’à l’expérience de travail acquise au Canada avant l’obtention du statut de résident permanent. L’âge, les études, l’expérience de travail, et les études du conjoint, entre autres, ont un effet positif sur le revenu d’emploi. La présence de parents au Canada et le fait d’avoir étudié au Canada pendant au moins deux ans sont les deux seuls facteurs de sélection à avoir un effet négatif sur le revenu.

Les participants aux entrevues, le personnel des bureaux canadiens des visas à l’étranger ainsi que des études menées sur des programmes similaires suggèrent de considérer les aspects suivants afin d’améliorer le PTQF : imposer un test linguistique obligatoire et accorder davantage d’importance à la maîtrise entière d’au moins une des deux langues officielles; privilégier les travailleurs qualifiés qui sont jeunes; établir des équivalences scolaires et exiger la reconnaissance des titres de compétences dans les professions réglementées; examiner les critères d’adaptabilité, surtout en ce qui concerne l’attribution de points pour une OER sous deux facteurs différents, les études du conjoint et la définition de « parenté au Canada ».

G. La plupart des gouvernements provinciaux préfèrent le PCP en raison de sa capacité perçue à répondre aux besoins et aux priorités des provinces. Vu la croissance que connaît le PCP ces dernières années, les niveaux du PTQF ont été réduits pour que CIC puisse respecter son plan d’immigration annuel.

La plupart des gouvernements provinciaux préfèrent le PCP, auquel ils attribuent des avantages tels qu’une plus grande capacité à répondre aux besoins immédiats en main-d’œuvre et aux priorités provinciales, la capacité d’attirer des travailleurs souhaitant s’établir en dehors des grands centres urbains et des délais de traitement plus courts.

Fort du soutien dont jouit le PCP à l’échelle provinciale, le niveau cible de visas à délivrer sous ce programme est passé de 1 500 en 2002 à 20 000 en 2008. Selon des documents officiels et les données disponibles, le niveau minimum pour le PTQF a été réduit de 116 000 à 67 000 visas durant la même période. 

H. Le profil des travailleurs qualifiés (fédéral) a changé et s’est diversifié depuis l’entrée en vigueur de la LIPR.  

Sous l’effet des modifications apportées au règlement d’application et aux facteurs de sélection, les caractéristiques des TQF ont quelque peu changé sous la LIPR : les travailleurs qualifiés sélectionnés sous le nouveau régime sont plus scolarisés et ont une meilleure connaissance des langues officielles. Les pays sources des demandeurs ont également changé, comme en témoigne la chute du taux d’admission de ressortissants d’Asie.

Même si la Chine demeure le premier pays source de demandeurs principaux au Canada, la proportion de travailleurs qualifiés originaires de ce pays a reculé de 28 % sous l’ancien régime à 16 % sous la LIPR. La répartition par profession s’est également diversifiée depuis l’entrée en vigueur de la LIPR. Sous l’ancien régime, les travailleurs qualifiés souhaitaient en majorité (60 %) occuper un emploi professionnel en sciences naturelles et appliquées (CNP 21); depuis l’entrée en vigueur de la LIPR, leur proportion n’est plus que de 33 %. Une autre conséquence de la LIPR est donc la diversification du profil des TQF sélectionnés sous le nouveau régime.

I. L’information sur les points attribués n’est pas conservée dans le STIDI pour les demandeurs dispensés d’entrevue.

Étant donné que le STIDI a été conçu à une époque où la plupart des demandeurs étaient convoqués à une entrevue, la base de données ne contient pas les décisions de sélection pour les personnes qui n’ont pas subi d’entrevue. Aux termes du nouveau Règlement, la majorité des demandeurs n’ont pas à subir d’entrevue dans le cadre du processus de sélection, de sorte que l’information concernant la décision de sélection est perdue dans le STIDI. Il est donc difficile d’évaluer l’incidence des facteurs de sélection.

Lorsque le Système mondial de gestion des cas (SMGC) sera opérationnel, il faudrait prévoir une façon de garder cette information pour analyse ultérieure.


Notes

1 Gazette du Canada, Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, vol. 135, no 50 — 15 décembre 2001

2 Sous le régime de la LIPR, le demandeur doit satisfaire aux exigences minimales suivantes : avoir accumulé au moins une année continue d’expérience de travail rémunérée à temps plein, ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la demande, dans une profession appartenant au genre de compétence 0 ou aux niveaux de compétences A ou B de la Classification nationale des professions. Le demandeur doit également avoir accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession (ou les professions) dans les descriptions de cette classification; avoir exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles [R75(2)].

3 Entre le 28 juin 2002 et le 18 septembre 2003, la note de passage était fixée à 75 points.

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