Le soin des collections archéologiques

Charlotte Newton et Clifford Cook

Le soin des collections archéologiques fait partie de la ressource Web Lignes directrices relatives à la conservation préventive des collections. Cette section présente les principaux aspects dont il faut tenir compte pour prendre soin des objets archéologiques présents dans les collections patrimoniales, en fonction des principes de la conservation préventive et de la gestion des risques.

Table des matières

Liste des abréviations

3D
trois dimensions
CD
disque compact
CVC
chauffage, ventilation et climatisation
DVD
disque numérique polyvalent
HR
humidité relative
ICC
Institut canadien de conservation
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format de document portable

Comprendre la nature des collections archéologiques

Les collections archéologiques sont aussi variées que les époques et les cultures dont elles sont issues, mais elles présentent des caractéristiques et des problèmes particuliers qui les distinguent des autres collections muséales. Les collections archéologiques, qui contiennent des objets ayant passé une longue période sous l'eau ou sous terre avant d'avoir été mis au jour au cours de fouilles archéologiques, comprennent souvent un vaste éventail de matériaux et un grand nombre d'objets ou de fragments d'objets. Ces objets ont généralement été altérés autant par l'usage que par leurs conditions d'enfouissement. Outre les objets mêmes, une collection archéologique peut comprendre une variété de matières connexes, comme des échantillons de sol ou de pollen, et comporte presque toujours des archives pouvant être composées de divers types de documents. Les soins apportés aux objets archéologiques s'amorcent dès les décisions prises sur le terrain et se poursuivent sur des décennies ou des siècles après que les objets eurent intégré la collection d'un musée ou d'un dépôt archéologique.

Problèmes propres aux collections archéologiques

Diversité des collections

La variété des matériaux présents dans une collection dépend de la technologie dont disposait la culture de laquelle sont issus les objets. Au Canada, les sites des époques préeuropéennes (précontact) comprennent des matériaux tels que la céramique cuite à basse température, le bois, la peau, la pierre, les textiles, la vannerie, l'os, l'ivoire, la corne, les bois des cervidés, le fanon de baleine et certains métaux (cuivre natif, fer météoritique), tandis que les sites des époques historiques (postcontact) recèlent non seulement de ces matériaux mais aussi du verre, des céramiques cuite à de hautes températures et des métaux produits par fusion, notamment beaucoup de fer sous forme de clous, d'outils et de quincaillerie de bâtiment, ainsi que des alliages de plomb et de cuivre. Sur les sites plus récents, des matériaux modernes, comme du plastique, du caoutchouc vulcanisé et de l'aluminium, peuvent aussi être trouvés. L'exposition et la mise en réserve d'une telle variété de matériaux exigent des conditions ambiantes différentes selon les matériaux.

Les objets ne sont qu'une partie d'une collection archéologique, qui peut aussi comprendre des échantillons prélevés sur place (sol, pollen, insectes), des matériaux liés à l'activité humaine sans être de fabrication humaine (vestiges fauniques), des moules, des empreintes et des reproductions de certains éléments du site (coupe de sol, etc.) (figure 1) ou des reproductions d'objets. De plus, la documentation archéologique, qu'elle soit en format papier ou électronique (il peut s'agir, par exemple, de carnets de fouilles, de photographies, de résultats d'analyse et du rapport final), doit aussi être préservée en tant que partie intégrante de la collection. En effet, les données que contient cette documentation sont essentielles pour établir la signification de chaque objet par rapport au reste du site et à son contexte historique.

Reproduction d'un four de Red Bay, au Labrador.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 129980-0001
Figure 1. Reproduction d'un four de Red Bay, au Labrador. Le four, qui était un élément même du site archéologique, a été moulé à l'aide de caoutchouc aux polysulfures et soutenu par des contre-moules en plâtre de Paris. La reproduction a ensuite été coulée en résine époxyde et peinte. En raison de la diversité des matériaux et de la taille de la reproduction, la mise en réserve de la reproduction est un défi.

Taille et gestion de la collection

Même les sites relativement petits recèlent souvent des milliers d'objets, tandis que les grands sites où les fouilles se déroulent sur plusieurs années peuvent renfermer des centaines de milliers ou des millions d'objets. Selon les modalités prévues au permis de fouilles archéologiques, il peut être nécessaire de documenter, de numéroter, de préserver et de mettre en réserve tous ces objets ou fragments. La planification de la préservation commence donc habituellement avant les fouilles et certainement avant l'arrivée des objets au musée ou au dépôt archéologique.

Effets de l'utilisation et de l'enfouissement

La manière dont un objet a été utilisé a une incidence sur sa préservation pendant l'enfouissement. L'utilisation qu'on en a faite peut avoir causé de l'usure, des détériorations ou des contaminations, ce qui le rend vulnérable à de nouveaux dommages. Certains types de sites, comme les sites subaquatiques, les sites arctiques en pergélisol ou les sites situés dans des tourbières, présentent des conditions favorables à la bonne préservation de plusieurs matières, ce qui fait qu'une multitude d'objets peuvent souvent y être mis au jour en bon état. Toutefois, la plupart des autres types de lieux d'enfouissement favorisent la détérioration. Pendant l'enfouissement, les objets archéologiques peuvent être entourés d'agents qui les dégradent lentement : de l'oxygène, des microorganismes, de l'humidité, ainsi que des sels et d'autres contaminants présents dans l'environnement. L'état des objets peut varier selon le type de sol où ils sont enfouis (l'argile, le sable, le gravier ou les tourbières) et le degré d'humidité du sol (par exemple, sec, humide ou détrempé). Tous les types de matériaux se détériorent, mais ce sont habituellement les matériaux organiques qui se dégradent le plus.

Cependant, lorsque les objets sont enfouis dans le pergélisol ou sous l'eau, ils se trouvent dans des conditions qui favorisent la préservation de presque tous les matériaux, particulièrement les matériaux organiques, comme le bois, le cuir et les textiles. Au moment de l'enfouissement, la plupart des objets connaissent une période initiale de dégradation rapide ou importante, suivie d'une période plus longue où ils atteignent presque un point d'équilibre avec leur milieu. Leur détérioration ralentit graduellement jusqu'au moment où ils sont déterrés, quand leur exposition à de nouvelles conditions accélère de nouveau le processus (figure 2). Certaines mesures peuvent être prises sur le site pour minimiser cette nouvelle vague de détérioration, dont les suivantes : éviter que les objets subissent un changement brusque de leur teneur en humidité; soutenir les objets fragiles au moment de les prélever du sol, par exemple en les levant en bloc; et les transporter dans un laboratoire de conservation dès que possible.

Graphique illustrant de manière générale le taux de détérioration des objets à partir du moment de leur enfouissement initial jusqu'après leur mise au jour.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 129980-0004
Figure 2. Graphique illustrant de manière générale le taux de détérioration des objets à partir du moment de leur enfouissement initial jusqu'après leur mise au jour.

Le potentiel des objets en tant que preuves scientifiques

Les objets et les échantillons archéologiques servent souvent à des études scientifiques menées à diverses fins : datation; identification de matériaux, de processus ou d'espèces; recherche en santé et nutrition; analyse génétique; etc. Pour que les objets ou les échantillons soient utiles à des fins d'analyse scientifique, il est essentiel que, pendant et après les fouilles, ces objets ne soient pas contaminés par des corps étrangers qui risqueraient de causer des interférences.

Causes des dommages aux collections archéologiques et stratégies de conservation préventive

Après les fouilles, les objets archéologiques dans les collections sont vulnérables à chacun des dix agents de détérioration, à divers degrés selon les matériaux qui les composent et leur état. Les principaux agents qui menacent ces types de collections, en raison de leur caractère archéologique, sont les forces physiques, le vol et le vandalisme, la dissociation, ainsi que la température et l'humidité relative (HR) inadéquates. Les matériaux archéologiques nécessitent aussi des interventions particulières liées à leur milieu d'enfouissement et aux conditions dans lesquelles ils se trouvent immédiatement après avoir été mis au jour. Pour en savoir davantage sur l'atténuation des risques de nature générale, consulter Agents de détérioration.

Détérioration pendant l'enfouissement

Dans certaines conditions d'enfouissement, les objets peuvent rester dans un état de préservation exceptionnel. Les matériaux organiques (par exemple, bois, peau et cuir, plumes, os, ivoire, textiles, corne, bois des cervidés, fanon de baleine) se préservent mieux dans un lieu d'enfouissement détrempé, très sec, gelé ou à faible concentration d'oxygène. Dans ces conditions, les matériaux sont protégés de l'activité biologique (par exemple, bactéries, moisissures, insectes, animaux).

Les matériaux organiques souffrent dans un milieu qui subit des cycles de gel et de dégel saisonniers ou une variation du niveau de l'eau, ou là où le sol est bien drainé et oxygéné. Dans de tels milieux, il est rare de trouver des vestiges d'origine organique, et ceux qui sont mis au jour pendant la fouille sont souvent en piètre état (affaiblis et fragmentaires). Dans les cas extrêmes, il n'en reste que des traces.

Le pH du lieu d'enfouissement joue aussi un rôle dans la préservation des matériaux organiques. Les matériaux protéiniques, comme la laine et le cuir, se préservent bien dans un milieu légèrement acide (par exemple, une tourbière), tandis que les matériaux cellulosiques, comme le coton, le lin et même le bois se préservent mieux dans les sols légèrement basiques et se détériorent en milieu acide. Les insectes et l'infiltration de racines de plantes peuvent aussi endommager les vestiges enfouis.

Divers matériaux, par exemple certains types de pierres et de céramiques, sont à peu près insensibles aux conditions d'enfouissement et restent en bon état dans la plupart des milieux. Cependant, la plupart des matériaux inorganiques (par exemple, métal, pierre, céramique, verre) se détériorent au contact des sels présents dans le lieu d'enfouissement, qui infiltrent ces matières et les altèrent. Le fer se corrode rapidement sous l'effet des sels chlorés, de l'eau et de l'oxygène. La pierre et la céramique risquent d'être endommagées par les sels au cours de cycles d'humidité et de sécheresse, car les sels migrent alors à l'intérieur de ces matières et, pendant les périodes sèches, se cristallisent, ce qui peut causer des ruptures physiques. L'eau dans les sols ou les sites submergés est capable de dissoudre peu à peu les composants du verre, particulièrement si le verre est de piètre qualité; le matériau devient alors fragile et se détériore.

Détérioration au moment de la mise au jour

Au moment de leur mise au jour, les objets se trouvent soudainement exposés à de nouvelles conditions ambiantes qui risquent de les détériorer rapidement. Les objets peuvent subir des altérations physiques, chimiques et biologiques à la suite du changement brusque d'humidité et de l'exposition soudaine à la lumière et à l'oxygène. De plus, beaucoup d'objets fragilisés s'effondreront s'ils sont simplement extraits du sol, car ils perdront ainsi l'appui physique du sol qui les entoure. Il importe tout spécialement de prévoir ces changements d'environnement et leurs conséquences potentiellement dévastatrices sur les objets au moment de leur mise au jour, et de planifier le travail en conséquence avant le début des fouilles sur le site. Il s'agira peut-être de munir les objets de supports physiques au cours des fouilles et de leur fournir un lieu de rangement temporaire qui reproduit le plus fidèlement possible les conditions du milieu d'enfouissement. Il convient de recourir aux services d'un restaurateur qui pourra fournir des conseils avant les fouilles ou être sur place, au besoin.

Si le sol recèle des vestiges d'origine organique (par exemple, bois, peau et cuir, os, ivoire, textiles, corne, bois des cervidés, fanon de baleine, vannerie), c'est que les conditions y sont exceptionnelles. Quand les objets sont mis au jour, ils passent soudainement dans des conditions très différentes susceptibles d'entraîner des dommages irréparables. C'est pourquoi il faut les maintenir dans des conditions qui ressemblent à celles du site : les objets retirés mouillés seront maintenus mouillés, les objets trouvés dans le pergélisol seront conservés gelés, et ainsi de suite. Les matériaux organiques mouillés paraissent peut-être intacts, mais ils ne sont jamais totalement inaltérés par l'enfouissement. Souvent, s'ils sont laissés à sécher librement, ils rétréciront, se déformeront, fendilleront ou s'affaisseront de façon irréversible. De plus, au moment de leur mise au jour, ils deviennent vulnérables aux infestations biologiques, particulièrement aux moisissures, car ils sont alors exposés à une température plus élevée, ainsi qu'à la lumière et à l'oxygène. Les gros objets ainsi que les objets fragiles risqueront de s'effondrer s'ils sont simplement déterrés et manipulés sans l'aide d'un support. Dans les sites nordiques, on peut utiliser de la mousse de sphaigne pour emballer les objets mouillés qui viennent d'être mis au jour; ils sont ainsi soutenus et restent dans le même état, ce qui réduit la probabilité qu'ils développent des moisissures (figures 3 et 4).

Des objets de bois mouillés et fragiles sont placés sur de la mousse de sphaigne humide, puis déposés sur un panneau de plastique cannelé.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 0000609-0001
Figure 3. La mousse de sphaigne se trouve facilement dans de nombreuses régions nordiques du Canada; c'est donc un matériau d'emballage pratique sur les sites éloignés. Les objets de bois mouillés et fragiles sont placés sur de la mousse de sphaigne humide, puis déposés sur un panneau de plastique cannelé. La mousse de sphaigne absorbe les chocs, soutient les objets et les garde humides pendant le rangement et le transport.

Des objets de bois mouillés et fragiles sont recouverts d'une couche de mousse de sphaigne et enveloppés dans une pellicule plastique.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 0000609-0002
Figure 4. À la suite des étapes décrites à la figure 3, les objets ont été recouverts d'une couche de mousse de sphaigne et enveloppés dans une pellicule plastique puis dans du papier d'aluminium, ce qui évite qu'ils se dessèchent. La mousse humide autour des objets aide à conserver l'humidité du bois et contient, en outre, un biocide naturel qui réduit les risques de formation de moisissures.

Les objets faits de matériaux inorganiques, comme le métal, le verre et la céramique, peuvent aussi subir des modifications chimiques une fois retirés de la terre. Les métaux couverts de concrétions ou contaminés par les sels ne doivent pas être mis à sécher avant d'avoir fait l'objet d'un traitement de conservation. Le séchage et l'exposition à un milieu plus riche en oxygène font en sorte que, sous l'effet de l'oxydation, le produit de la corrosion durcit et devient plus difficile à enlever; il sera aussi plus difficile, voire impossible, d'éliminer les sels contaminant les objets. Le verre gravement détérioré peut sembler en bon état quand il est mouillé, mais s'opacifier et même se désintégrer quand l'eau s'évapore du substrat vitreux. C'est pourquoi il faut s'assurer de ne pas laisser le verre se dessécher lorsqu'il est mis au jour. Même le verre archéologique trouvé dans des sites désertiques et secs peut subir cette transformation.

Souvent, les vestiges archéologiques sont rangés dans une réserve après avoir été nettoyés en surface et étudiés par l'équipe de la fouille. La majorité des objets faisant partie de collections muséales n'ont pas reçu de traitement visant à en éliminer les sels ou à stabiliser leur état. Ils sont donc particulièrement vulnérables si les conditions de la réserve ne sont pas à la hauteur des normes. Par exemple, les objets métalliques placés dans une réserve très humide se corroderont habituellement plus vite. Si une réserve connaît soudainement une chute d'HR, les objets de céramique, de verre et de pierre contaminés par des sels risquent de présenter des dépôts cristallins en surface ou de s'écailler.

Après la fouille (en réserve) : vulnérabilités et stratégies de conservation préventive

Forces physiques

Les objets archéologiques sont souvent plus fragiles qu'ils ne le paraissent et peuvent s'endommager facilement s'ils sont manipulés sans que des précautions soient prises ou s'ils ne bénéficient pas d'un soutien adéquat. Les objets cassants, ceux en verre et en céramique par exemple, présentent un fort risque de bris, auquel cas leur apparence en souffrirait gravement et irréversiblement. Les objets en céramique, en verre et en métal s'éraflent facilement. Les matériaux organiques peuvent se déformer, se déchirer ou se froisser s'ils ne sont pas suffisamment soutenus de façon à contrecarrer les effets de la gravité. Les zones qui ont été anciennement réparées demeurent souvent des points faibles et peuvent être difficiles à repérer. Voilà quelques raisons pour lesquelles il faut manipuler les objets archéologiques avec soin, indépendamment de leur apparence.

Le bris accidentel est la forme de dommage la plus courante et crée de nouveaux problèmes puisque, par la suite, les petites pièces brisées peuvent se dissocier du reste de l'objet. Déposer les objets dans un contenant ouvert pour les déplacer (figure 5) ou, mieux encore, sur un chariot (figure 6), car cela réduit les risques de bris. Il est recommandé de ranger tous les types d'objets archéologiques dans des boîtes, des sacs, des tiroirs, et ainsi de suite en vue de les protéger de la poussière (figures 7 et 8); cela limite le besoin de les nettoyer et, par conséquent, de les manipuler, ce qui réduit donc aussi les risques de bris accidentel. Les collections composées de nombreux objets doivent être rangées d'une façon bien organisée dans la réserve. Chaque objet doit avoir suffisamment d'espace et il faut que tous les objets soient répertoriés. Ainsi, la fonctionnalité de la réserve permettra d'éviter de devoir manipuler constamment les objets lorsque, par exemple, il faut en déplacer certains pour avoir accès à d'autres (figure 9). La plupart du temps, les objets archéologiques qui sont exposés nécessitent, quant à eux, un soutien sur mesure (figure 10).

Un objet est dans un contenant ouvert matelassé. Un support en forme d'anneau sur lequel est placé l'objet l'empêche de rouler.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 129980-0007
Figure 5. Objet déposé dans un contenant ouvert matelassé permettant d'éviter les manipulations directes. Le support en forme d'anneau sur lequel est placé l'objet l'empêche de rouler, alors que le matelassage le protège des chocs.

Un contenant ouvert dans lequel des objets ont été placés est transporté au moyen d'un chariot.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 129980-0008
Figure 6. Les objets sont particulièrement vulnérables lorsqu'ils sont manipulés et transportés. L'utilisation d'un chariot réduit les risques. Il faut planifier à l'avance tout déplacement et ainsi s'assurer que l'objet est soutenu et protégé, que la voie est libre le long du trajet prévu et qu'un espace est aménagé pour recevoir l'objet.

Des tiroirs ouverts dans lesquels il y a des objets.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 129980-0009
Figure 7. Ranger les objets dans des tiroirs en facilite l'examen (par exemple, afin de déterminer s'ils se détériorent activement) et l'accès, au besoin. De plus, cela les protège de la poussière et des risques d'abrasion.

Objets rangés dans une boîte à cloisons.

© Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Centre du patrimoine septentrional du Prince-de-Galles, R. Scott
Figure 8. Objets rangés dans une boîte à cloisons. Les boîtes protègent les objets de la lumière et de la poussière et simplifient les manipulations, l'accès aux objets ainsi que les contrôles d'inventaire. Les cloisons, qui servent à éviter que les objets ne s'entrechoquent pendant les manipulations, sont mobiles et s'adaptent donc à différents types d'objets ou de collections.

Un système de rangement compact à rayonnages ajustables où l'on peut déposer des boîtes.

© Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Centre du patrimoine septentrional du Prince-de-Galles, R. Scott
Figure 9. Un système de rangement compact à rayonnages ajustables où déposer les boîtes permet l'usage maximal de l'espace accessible.

Une cruche en céramique est placée sur un présentoir fait sur mesure.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 69345-0017
Figure 10. Présentoir fait sur mesure pour une cruche en céramique.

Recommandations
  • Ne pas empiler les objets, car ils pourraient être écrasés sous un poids excessif.
  • Pour éviter que les objets s'éraflent au contact d'autres surfaces, les envelopper ou les ranger individuellement (par exemple, dans des contenants ou des sachets) de façon à les isoler des autres surfaces dures.
  • Soutenir les objets à l'endroit de leur base au moment de les manipuler, de les mettre en réserve et de les exposer, car l'enfouissement les a peut-être affaiblis et fragilisés. Un support rigide pourrait être nécessaire pour déplacer les gros objets souples, comme les textiles.
  • Ne jamais saisir les objets par la poignée, le bec verseur ou toute autre pièce en saillie, puisqu'ils pourraient se briser.
  • Toujours soulever un objet à l'aide des deux mains.
  • Ranger les objets sur des rayonnages matelassés pourvus de supports adéquats afin de les empêcher de bouger ou de se déformer et pour éviter, notamment, que les objets ne s'affaissent ou ne développent de faux plis à cause de leur poids.
  • Dans le cas du rangement dans des tiroirs, intercaler de la matelassure entre les petits objets pour éviter qu'ils roulent ou s'entrechoquent lorsqu'on ouvre et que l'on ferme le tiroir.
  • Couvrir les étagères ouvertes. En prévenant l'accumulation de poussière, on réduit le besoin de nettoyer les objets et, du coup, les risques liés aux manipulations.
  • Dans les réserves, plutôt qu'un sol en béton, envisager d'installer un couvre-plancher ayant une surface moins dure.
  • Pour déplacer un objet, utiliser un chariot à larges roues au lieu de le porter soi-même.

Pour obtenir davantage de conseils sur la prévention des dommages dus à la manipulation, consulter La manipulation des objets patrimoniaux, et pour en savoir davantage sur les façons de protéger les collections des forces physiques, consulter Agent de détérioration : forces physiques.

Vol et vandalisme

Certains petits objets archéologiques (par exemple, les pièces de monnaie, les bijoux, les sculptures d'ivoire, certaines pièces en céramique et certaines pièces en verre) sont attrayants et prisés en tant que pièces de collection. Les voleurs de métier pourraient en faire leur cible, mais le risque plus fréquent est le vol opportuniste commis par quelqu'un qui ne peut résister à la tentation de dérober un de ces objets exposé ou rangé sans protection.

Recommandations
  • Veiller à ce que les petits objets de grande valeur soient sous haute sécurité; par exemple, les exposer sous verre ou les immobiliser au présentoir à l'aide d'attaches.
  • Lorsque l'objet est requis pour une consultation ou un prêt, ou lorsqu'il est choisi pour une exposition, s'assurer que des contrôles sont en place afin de limiter l'accès direct à l'objet et de bien documenter tous les déplacements de l'objet. De plus, consigner les renseignements sur l'identité des chercheurs en visite qui consultent les objets de la collection.

Pour en savoir davantage sur les mesures de sécurité à prendre afin de protéger les collections contre le vol et le vandalisme, consulter Agent de détérioration : vol et vandalisme.

Dissociation

Il est facile de déplacer les petits objets, de ne pas les remettre au bon endroit et de les égarer. Les grosses collections comportant de nombreux objets fragmentaires présentent un risque de perte involontaire pendant les manipulations et les déplacements quotidiens si les protocoles d'inventaire ne sont pas suivis. On a vu des cas où une partie sous-utilisée d'une collection a été accidentellement mise au rebut (comme l'illustre le second exemple de la Vignette 1 : élimination accidentelle, sous Agent de détérioration : dissociation). De nos jours, les collections archéologiques sont de plus en plus souvent conservées au sein de musées ou de dépôts centraux désignés, ce qui les rend plus accessibles et les protègent mieux que si elles étaient négligées en se retrouvant dans des entrepôts, des sous-sols ou des garages où les conditions sont inadéquates.

La présence et l'intégrité des numéros d'acquisition inscrits sur les objets sont indispensables. En ce qui concerne le matériel archéologique, la pratique courante dans les musées (inscrire le numéro sur la surface de l'objet) peut poser problème. La surface peut être rugueuse, poudreuse, poreuse ou fragile, ce qui rend difficile l'inscription d'un numéro lisible. Au fil du temps et des manipulations, certains numéros peuvent devenir illisibles ou s'effacer complètement et, dans un tel cas, la valeur de la collection archéologique est amoindrie.

Toute collection archéologique se compose non seulement d'objets et d'échantillons, mais aussi des dossiers qui les accompagnent. Ces dossiers peuvent comprendre des étiquettes, des notes de terrain, des dessins, des cartes, de la correspondance, des fiches de catalogage, des rapports de traitements de conservation, des photographies, des diapositives, des radiographies, des images numériques, des rapports d'analyse, des bandes vidéo, des bandes audio ou des CD. Ces documents sont d'une importance vitale pour l'intégrité de la collection. Ils présentent toutefois des défis : non seulement occupent-ils parfois beaucoup d'espace, ce dont il faut tenir compte dans la planification de l'espace à consacrer à la collection, mais leur préservation exige aussi des mesures spéciales, un peu comme les collections archivistiques composées de papiers et de photographies (consulter Le soin des objets de papier et Le soin des documents photographiques). Quant aux dossiers électroniques, les changements technologiques risquent de rendre nombre d'entre eux illisibles à mesure que l'ancien équipement de lecture tombera en panne et deviendra irréparable, et que les logiciels deviendront désuets.

Les archives archéologiques accompagnant une collection peuvent comprendre les éléments suivants :

  • documents papier (par exemple, cahiers de notes, journaux de bord, carnets de données, correspondance, fiches de catalogage, plans de sites, dessins, photocopies, calques, imprimés d'ordinateur);
  • microfilms ou microfiches;
  • supports magnétiques (par exemple, bandes audio et vidéo, bandes pour ordinateur, disquettes);
  • documents photographiques (par exemple, diapositives en couleurs, tirages couleur, tirages en noir et blanc, négatifs, radiographies);
  • photographies numériques;
  • renseignements de catalogage inscrits dans une base de données informatique;
  • disques optiques (par exemple, CD et DVD);
  • étiquettes faites d'une variété de matériaux (par exemple, en papier, en non-tissé de polyéthylène [Tyvek] ou en ruban plastique Dymo).
Recommandations
  • Employer de bonnes pratiques de documentation en maintenant à jour la base de données.
  • Protéger les objets étudiés, exposés et prêtés en s'assurant qu'ils sont tous étiquetés et en conservant ensemble, en tout temps, toutes les pièces d'un objet donné.
  • Faire une copie de sauvegarde des dossiers électroniques et suivre de bonnes pratiques d'archivage des collections.
  • Appliquer des méthodes d'inscription des numéros d'acquisition adaptées aux objets et aux surfaces. Dans la mesure du possible, fixer une étiquette numérotée à l'objet ou étiqueter le sac ou la boîte qui le contient.

Pour prendre connaissance d'autres recommandations sur la façon de documenter les collections et d'en assurer le suivi, consulter Agent de détérioration : dissociation.

Température et humidité relative inadéquates

Température inadéquate

S'il faut tenir compte de la température, c'est surtout en raison de son incidence importante sur l'HR : une brusque augmentation ou diminution de la température produit des conditions ambiantes excessivement sèches ou humides. Certains objets archéologiques sont sensibles à la sécheresse. C'est notamment le cas des matériaux organiques qui ont été fragilisés par leurs conditions d'enfouissement et qui sont alors susceptibles de s'assécher, de devenir cassants, de se fissurer ou de se fendre. À seulement quelques degrés de plus que la température ambiante normale d'un musée, il y a un risque que les peaux et le cuir détériorés s'assèchent.

Les températures élevées accélèrent aussi le vieillissement des matériaux utilisés pour les réparations. Certains types d'adhésifs ramollissent à plus de 30 °C, ce qui affaiblit les joints; c'est alors que, sous l'effet de la gravité, des pièces collées ensemble peuvent se désaligner, et dans les cas extrêmes, l'adhésif peut même céder quand l'objet est manipulé.

Recommandations
  • Garder les objets sensibles hors de l'ensoleillement direct. Si l'on doit utiliser la lumière naturelle, choisir celle provenant de fenêtres qui donnent sur le nord.
  • Protéger les objets sensibles de toute source de chaleur et éviter de les éclairer avec des lampes incandescentes.

Pour obtenir davantage de conseils sur les niveaux de température recommandés pour les collections patrimoniales, consulter Agent de détérioration : température inadéquate.

Humidité relative inadéquate

Si les collections archéologiques sont exposées à une HR élevée :

  • des moisissures peuvent se développer à un taux d’HR se situant au-dessus de 65 %. Consulter Agent de détérioration : humidité relative inadéquate, qui présente un tableau indiquant le taux de croissance des moisissures selon le taux d'humidité;
  • la corrosion s'intensifie sur les métaux. En général, plus l'HR est faible, mieux les métaux se conservent. La corrosion progressera très rapidement lorsque l'HR dépasse les 75 %. Les métaux archéologiques figurent parmi les plus vulnérables, car ils sont souvent contaminés par les sels présents dans le lieu d'enfouissement, ce qui cause la corrosion même à de faibles taux d'HR. Dans le cas du fer contaminé par des sels, la corrosion peut se produire dès que le taux d'HR est supérieur à 12 %; la corrosion s'accélère proportionnellement à mesure que le taux s'élève et devient très rapide quand le taux dépasse 50 % (Rimmer et coll., 2013; figures 11 et 12). Contaminés par des sels, le cuivre et ses alliages présentent un risque de corrosion moyen si l'HR franchit le seuil des 42 %; le risque augmente avec l'accroissement du degré d'HR et devient très élevé au-dessus de 68 % (Rimmer et coll., 2013, p. 11);
  • le verre instable peut suinter à un taux d’HR au-dessus de 42 %, ce qui l’endommage.

Si les collections archéologiques sont exposées à une faible HR :

  • les matériaux organiques peuvent se dessécher, devenir cassants et rétrécir;
  • le verre instable peut subir une altération chimique provoquant l’instabilité structurale, voire un réseau de craquelures (appelées « gerçures »), et ce, à un taux d’HR en dessous de 30 %.

Si les collections archéologiques sont exposées à des variations de l'HR :

  • les matériaux organiques détériorés y étant particulièrement sensibles, les objets risquent de se fissurer, de se déformer et de s'autodétruire. Plus particulièrement, si le taux d'HR passe de modéré à faible puis de nouveau à modéré, les matériaux risquent de se fracturer, de subir des soulèvements en couches et de se désintégrer sous l'effet combiné d'une plus grande friabilité et des contraintes de rétrécissement accrues;
  • la céramique risque de s’écailler en surface. L’HR qui fluctue au-dessus ou en deçà du seuil d’HR critique de solubilité des sels présents dans l’objet peut faire migrer et cristalliser les sels; des écailles risquent donc de se détacher de la surface. C’est ce qui arrive souvent quand les objets archéologiques en céramique proviennent de milieux salins. Un exemple est donné à la figure 13 dans Le soin des objets en céramique ou en verre;
  • le verre instable risque de suinter et de développer des gerçures. Sa stabilité est maximale à un taux d’HR se situant entre 30 % et 42 %; par contre, il devient instable si l’HR connaît de grands écarts en dehors des limites de cet intervalle, car il se met alors à suinter et à gercer en alternance. Pour en savoir davantage, consulter Humidité relative inadéquate, sous « Le verre », dans Le soin des objets en céramique ou en verre.
Fer corrodé.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87306-0099
Figure 11. Fer corrodé. Le fer archéologique contaminé par des sels est particulièrement vulnérable à un taux d'humidité élevé ou variable.

Un objet en alliage de cuivre corrodé.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0064
Figure 12. Alliage de cuivre corrodé. Un objet en alliage de cuivre contaminé par les sels fait l'objet d'une corrosion active quand il est exposé à une forte humidité.

Recommandations
  • Maintenir les matériaux organiques à un taux d'HR inférieur à 65 % pour éviter la formation de moisissures.
  • Garder au sec les objets en fer instables, toujours à un taux d’HR inférieur à 75 %, de préférence à un taux inférieur à 50 % et idéalement à un taux inférieur à12 %.
  • Maintenir la céramique contaminée par des sels à un taux d’HR inférieur à 50 %.
  • Le verre instable à risque de suinter et de gercer doit être gardé entre 30 % et 42 % d’HR; on doit aussi limiter au minimum les variations.
  • D’ordinaire, le système de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC) maintient pour tout le musée des conditions ambiantes générales correspondant aux normes muséales en vigueur. Par contre, certaines collections peuvent nécessiter des conditions plus sèches. Ainsi, pour les métaux archéologiques (et surtout pour le fer contaminé par des sels), on peut utiliser du gel de silice déshydraté de manière à les tenir au sec et mettre en œuvre un programme pour s’assurer que le gel de silice est redéshydraté lorsque le taux d’HR dépasse le seuil désiré. En ce qui concerne les autres collections qui exigent des conditions spéciales (par exemple, le verre instable et la céramique contaminée par des sels requièrent une HR entre 30 % et 42 %), il y a deux options : se doter d’une réserve avec un climat conçu spécialement pour ces objets ou créer un microclimat, c’est-à-dire un espace clos où l’HR est strictement régulée au sein du local où il y a déjà une régulation générale de l’HR. Ainsi, le microclimat peut être créé dans une « pièce au sein d’une (plus grande) pièce » ou dans une enceinte, comme une vitrine ou une armoire de réserve.

Pour en savoir davantage sur la régulation de l’HR adaptée aux collections patrimoniales, consulter Agent de détérioration : humidité relative inadéquate.

Exemples de pratiques de conservation préventive

Cette section présente des exemples pratiques relatifs au soin des objets dans les collections archéologiques.

Rangement au sec des objets en fer corrodés

Pendant les fouilles effectuées en milieu marin ou en sol salin, on découvre souvent des objets archéologiques en fer corrodés et contaminés par des chlorures issus du milieu. Si ces objets ne sont pas conservés et mis en réserve dans des conditions adéquates, la corrosion peut se poursuivre et ainsi risquer de les ronger jusqu'à causer ultimement leur perte totale. Il est possible de prévenir la désintégration d'objets en fer qui se corrodent activement en les gardant dans un milieu sec.

Il est facile de mettre les petits objets à l'abri de l'humidité. Il faut commencer par trouver un contenant pour aliments en polyéthylène relativement transparent, doté d'un couvercle étanche bien ajusté et qui se ferme solidement. Le contenant doit fermer hermétiquement, car c'est par le joint de l'ouverture que le plus gros de l'humidité s'infiltre. Pour conserver l'intérieur au sec, passer au four des sachets de gel de silice de façon à les conditionner à 0 % d'HR. En utiliser à raison d'au moins 20 grammes par litre d'espace intérieur. Plus la quantité de gel est grande (jusqu'à 100 grammes par litre), plus l'intérieur du contenant restera au sec longtemps. Pour assécher (déshydrater) le gel de silice à utiliser dans les contenants, le passer au four réglé aux environs de 100 °C pendant 8 à 10 heures. On peut confectionner des sachets à partir de coton non blanchi de façon qu'ils puissent contenir la bonne quantité de gel de silice selon la taille du contenant. Il existe toute une gamme de gels de silice : il faut s'informer de leurs spécifications et choisir le produit qui offre la meilleure efficacité à un faible taux d'HR.

Pour prévenir les dommages physiques, tapisser le contenant d'une couche de mousse de polyéthylène qui absorbera les chocs, puis ajouter les objets métalliques emballés individuellement dans des sacs de polyéthylène. Il est possible de placer ensemble, dans un seul et même contenant, de nombreux objets ensachés dans des sacs en polyéthylène à glissière étiquetés, pourvu qu'il y ait suffisamment d'espace pour y ajouter du gel de silice déshydraté (figure 13). Les plus gros objets peuvent, quant à eux, être séparés les uns des autres à l'aide de morceaux de mousse de polyéthylène. Des nids taillés sur mesure dans de la mousse de polyéthylène sont utiles pour protéger physiquement les objets fragiles (figure 14).

Objets en fer emballés au sec dans un contenant pour aliments où se trouvent du gel de silice et une carte indicatrice du taux d'humidité.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 126258-0005
Figure 13. Ces objets en fer sont emballés au sec dans un contenant pour aliments où se trouvent du gel de silice et une carte indicatrice du taux d'humidité.

Objet fragile protégé dans un nid qui en épouse la forme. On a creusé de la mousse de polyéthylène pour créer ce nid sur mesure.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125330-0032
Figure 14. Objet fragile protégé dans un nid qui en épouse la forme. On a creusé de la mousse de polyéthylène pour créer ce nid sur mesure.

S'assurer de placer une carte indicatrice du taux d'humidité qu'il sera possible de voir à travers le contenant transparent. C'est une méthode simple permettant de vérifier plus tard si le taux d'HR est encore faible à l'intérieur. Ces cartes sont offertes en différentes versions, et nombre d'entre elles peuvent mesurer et indiquer des taux d'HR aussi faibles que 10 %, ce qui convient à la plupart des métaux. Au fil du temps, la vapeur d'eau s'infiltrera lentement dans le contenant, et la carte indiquera une hausse graduelle de l'HR. Lorsque l'HR dépassera le seuil de 10 %, il sera alors temps de redéshydrater le gel de silice en le chauffant ou de le remplacer par du gel déjà déshydraté. Vérifier le contenant périodiquement dans le but de déterminer la fréquence à laquelle il faudra reconditionner le gel. Si l'on trouve qu'il est nécessaire de le reconditionner trop fréquemment, on peut augmenter la quantité de gel déshydraté dans le contenant. L'utilisation de gel de silice déshydraté pour protéger les métaux archéologiques doit toujours s'accompagner d'un plan de surveillance des conditions ambiantes, lesquelles doivent être maintenues à un niveau sec grâce à la redéshydration ou au remplacement périodique du gel.

Préserver la croix de Ferryland en milieu anoxique

La croix de Ferryland est un objet archéologique composé de plusieurs types de métaux (fer, laiton et or) découverte dans la colonie anglaise d’Avalon, établie au XVIIe siècle à Ferryland, à Terre-Neuve-et-Labrador. Cette croix de forme inhabituelle a été trouvée dans les vestiges d’une forge datant du milieu du XVIIe siècle. La forme générale d’une croix était apparente, mais les détails de sa composition et de sa surface étaient dissimulés sous une épaisse couche de corrosion où se mêlaient du sable et du gravier provenant du sol environnant (figure 15). Une radiographie a révélé une croix d’une structure complexe, entièrement recouverte de corrosion inégale (figure 16).

L’analyse a montré la présence de fer, mais aussi d’or (visible sous forme de fines écailles dans la corrosion) et de laiton (visible dans l’une des sphères endommagées). La croix est un exemple d’objet qui pose une variété de problèmes : différents métaux en contact, dommages physiques résultant de fissures causées par la corrosion sous contrainte et présence de sels provenant du sol des fouilles. Le traitement de la croix a consisté à effectuer un nettoyage mécanique (figure 17), à extraire les sels et à stabiliser l’objet.

La croix de Ferryland. Les détails de sa composition et de sa surface sont dissimulés sous une épaisse couche de corrosion.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004909-0001
Figure 15. La croix avant son traitement.

Radiographie de la croix de Ferryland montrant les détails de fabrication et l'état de l'objet.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0044
Figure 16. Radiographie de la croix montrant les détails de fabrication et l’état de l’objet.

La croix de Ferryland après le nettoyage mécanique.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004909-0003
Figure 17. Après le nettoyage mécanique.

Après ce traitement, la corrosion active qui se poursuivait a nécessité un traitement de consolidation suivi de la mise en réserve de la croix dans une boîte avec du gel de silice déshydraté. Toutefois, la croix a continué de se corroder et il s’en est suivi de nouveaux dommages (figure 18), puisque le contenant de protection ne suffisait pas à maintenir un taux d’HR suffisamment bas. Il devenait urgent de documenter l’état de la croix pour évaluer toute détérioration future. Il était aussi devenu clair que, pour sauver la croix de Ferryland, des conditions exceptionnelles de mise en réserve et d’exposition étaient requises. Le défi était de créer une enceinte de protection pouvant être à la fois sèche, anoxique, acceptable sur le plan esthétique, facile d’entretien et munie d’un support moulé sur mesure pour l’exposition et la mise en réserve de la croix à Ferryland.

Vue rapprochée de microfissures sur la crois de Ferryland.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004909-0002
Figure 18. Vue rapprochée des microfissures dues à de la corrosion active après la mise au jour.

Conception du support et du présentoir

Avant de commencer à fabriquer l’enceinte de protection, la croix a été numérisée au laser 3D (figure 19) et reproduite à partir de l’image obtenue à l’aide de la technologie d’impression 3D.

Un support sur mesure a ensuite été créé. La reproduction 3D a servi de modèle pour couler un moule en silicone. Pour ce faire, on a versé la silicone dans une forme faite à l’aide de blocs LEGO (figure 20). Une fois le support terminé, il a été recouvert d’un présentoir en Plexiglas (figures 21 et 22).

La croix de Ferryland numérisée au laser 3D.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0048
Figure 19. Image de la croix de Ferryland numérisée au laser 3D.

Reproduction de la croix de Ferryland obtenue par impression 3D.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0045
Figure 20. Reproduction de la croix de Ferryland obtenue par impression 3D à partir de l’image numérisée au laser qui a servi à fabriquer le support en silicone.

Le support moulé de la croix de Ferryland, vide, et le présentoir en Plexiglas.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0046
Figure 21. Le support moulé de la croix de Ferryland, vide, et le présentoir en Plexiglas.

La croix de Ferryland déposée sur son support, dans le présentoir en Plexiglas.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0039
Figure 22. La croix de Ferryland déposée sur son support, dans le présentoir en Plexiglas.

Création du milieu anoxique sec

Pour retarder sa corrosion, la croix a dû être scellée dans un contenant étanche à l’air duquel ont été éliminés l’oxygène et la vapeur d’eau. On a procédé comme suit afin de créer cet environnement anoxique sec : la croix a été déposée sur son support, le présentoir en Plexiglas a été refermé et le tout a été inséré dans un sac pare-vapeur fait de pellicule de marque Escal (figure 23). Ensuite, des sachets de sorbant d’oxygène et d’humidité (sachets RP-A) ont été ajoutés dans le sac autour du présentoir. Tandis que le sorbant absorbe l’oxygène et l’humidité, le volume d’air diminue dans le sac. Le présentoir en Plexiglas est donc essentiel pour protéger la croix (sinon elle risquerait d’être écrasée par la pression du vide qui se forme). De plus, le présentoir permet une meilleure visibilité, car il offre une surface plane créant moins de reflets. Le sac a été thermoscellé de façon à être hermétiquement clos. En vue de l’exposition de la croix au Colony of Avalon Interpretation Centre (centre d’interprétation de la colonie d’Avalon), à Ferryland, le pourtour du sac a été caché par un couvercle gris pourvu d’une fenêtre et posé sur l’enceinte de protection (figure 24).

Le support vide et le présentoir en Plexiglas sont mis à l'essai dans le sac (sac Escal) créant l'enceinte pour vérifier l'étanchéité à la vapeur d'eau.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0047
Figure 23. Le support vide et le présentoir en Plexiglas sont mis à l’essai dans le sac (sac Escal) créant l’enceinte pour vérifier l’étanchéité à la vapeur d’eau. L’enceinte contient aussi des sachets de sorbant d’oxygène et d’humidité pour désoxygéner et déshumidifier ce qui y est contenu. Une fois la croix à l’intérieur, le sac a été thermoscellé.

La croix de Ferryland dans son présentoir anoxique sec au Colony of Avalon Interpretation Centre.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0049
Figure 24. La croix de Ferryland dans son présentoir anoxique sec au Colony of Avalon Interpretation Centre.

Cette étude de cas illustre certaines solutions possibles pour préserver un objet en cours de détérioration. Fournir un bon support a été, dans ce cas-ci, une mesure importante, étant donné que le métal était faible et fissuré. La régulation des conditions ambiantes était essentielle pour assurer la longévité de la croix, et a été rendue possible par la création d'un microclimat dans une enceinte de protection scellée.

La fabrication d’une reproduction exacte de la croix (figure 25) était utile pour deux raisons : la reproduction documente l’état actuel de la croix, ce qui permettra de comparer cet état avec celui de l’original dans les années à venir; la reproduction sert aussi aux fins d’interprétation car, comme elle peut être exposée à l’air ambiant, cela permet d’examiner les détails de la croix de plus près.

Plâtre de la croix de Ferryland réalisé par impression 3D, peint à la main de la couleur de l'original.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 87826-0002
Figure 25. Plâtre réalisé par impression 3D, peint à la main de la couleur de l’original.

Pour obtenir davantage de renseignements sur le traitement de la croix de Ferryland, consulter les ressources suivantes :

  • Judith A. Logan, Robert L. Barclay, Charlotte Newton et Lyndsie Selwyn. « La croix de Ferryland revisitée », Bulletin de l'ICC, no 36 (automne 2005).
  • Judith A. Logan, Robert L. Barclay, Paul Bloskie, Charlotte Newton et Lyndsie Selwyn. « Saving the Ferryland Cross: 3D scanning, replication, and anoxic storage », The Conservation of Archaeological Materials: Current trends and future.

Vêtements de Red Bay, au Labrador

De nombreux fragments de lainage et de cuir ont été découverts pendant les fouilles d’une station de baleiniers basques, datant du XVIe siècle, aménagée sur la côte du Labrador (figures 26, 27a et 27b). Ils étaient préservés dans les conditions humides et légèrement acides d’une tourbière. Comme le lieu d’enfouissement était peu profond, maints objets avaient toutefois été affaiblis par les cycles répétés de gel et de dégel, ainsi que par la présence d’insectes, d’oxygène et de radicelles invasives. Les textiles avaient tendance à s’émietter et à s’abîmer facilement sous l’effet de la manipulation, tandis que le cuir avait perdu sa souplesse.

Un ensemble vestimentaire qui comprend un chapeau, une veste, des pantalons, une chemise, des chaussettes et des chaussures.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 126081-0001
Figure 26. Ensemble vestimentaire mis au jour pendant des fouilles archéologiques, après un premier nettoyage sur place. L'ensemble comprend un chapeau, une veste, des pantalons, une chemise, des chaussettes et des chaussures.

Vue rapprochée du haut de la chaussette et de la chaussure droites.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 0000666-0002
Figure 27a. Vue rapprochée du haut de la chaussette et de la chaussure droites mises au jour lors de fouilles archéologiques menées sur la côte du Labrador.

Vue rapprochée de l'arrière de la chaussette et de la chaussure gauches.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 0000666-0003
Figure 27b. Vue rapprochée de l'arrière de la chaussette et de la chaussure gauches.

Comme il y a peu d’exemples de vêtements portés par les travailleurs de l’époque, il importait tout particulièrement de pouvoir étudier et analyser les objets. Ils ont été nettoyés et séchés, puis remis en forme afin que les chercheurs soient en mesure de les étudier (figures 27c et 28). À l’aide de renseignements sur les fibres et la fabrication des vêtements, des reproductions exactes ont été faites, qui sont maintenant exposées avec les originaux. Les articles en lainage et en cuir ont été montés sur des supports rigides matelassés qui peuvent servir tant à l’exposition qu’à la mise en réserve et permettre aux chercheurs d’accéder aux objets, au besoin (figure 29).

Les chaussures après le traitement et sur leur support.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 0000666-0004
Figure 27c. Les chaussures après le traitement. Elles sont supportées au moyen de blocs de mousse de polyéthylène rigide taillés sur mesure et recouverts de couches de bourre de polyester, puis d'un jersey de coton et de polyester. Les chaussures sont ainsi prêtes, tant pour l'exposition que la mise en réserve.

La veste issue des fouilles après le traitement et sur son support.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 0000666-0001
Figure 28. La veste issue des fouilles après le traitement. Le support se compose d'un carton alvéolaire rigide, recouvert de bourre de polyester, puis d'un jersey de coton et de polyester. Une enveloppe matelassée de coton non blanchi a aussi été préparée pour chaque pièce aux fins du transport et de la mise en réserve du textile.

L'ensemble vestimentaire issu des fouilles, exposé à Red Bay.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 0000666-0005
Figure 29. L'ensemble vestimentaire issu des fouilles, exposé à Red Bay.

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© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2018

Publié par :
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No de catalogue : CH57-4/6-1-2018F-PDF
ISBN 978-0-660-27960-2

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