Le soin des plumes, des piquants de porc-épic, de la corne et d’autres matières kératiniques

Carole Dignard et Janet Mason

Le soin des plumes, des piquants de porc-épic, de la corne et d’autres matières kératiniques fait partie de la ressource Web Lignes directrices relatives à la conservation préventive des collections. Cette section présente les principaux aspects dont il faut tenir compte pour prendre soin des matières kératiniques dans les collections patrimoniales, en fonction des principes de la conservation préventive et de la gestion des risques.

Table des matières

Liste des abréviations et des symboles

Abréviations

HR
humidité relative
ICC
Institut canadien de conservation
ISO
Organisation internationale de normalisation
PDF
format de document portable
UV
ultraviolet

Symboles

µW/lm
microwatt par lumen
cm
centimètre
m
mètre
Mlx∙h
mégalux heure
nm
nanomètre

Comprendre la nature des plumes, des piquants de porc-épic, de la corne et des autres matières kératiniques

La présente ressource décrit la nature et l’utilisation des plumes, des piquants de porc‑épic, de la corne et d’autres matières kératiniques dans les collections patrimoniales. Bien que la fourrure et la laine soient aussi des matières kératiniques, elles sont plutôt traitées, respectivement, dans Le soin des cuirs, des peaux et des fourrures et Le soin des textiles et des costumes.

Matières kératiniques

Les plumes, les poils, les piquants de porc‑épic, la corne, le fanon de baleine, les griffes, les onglons et l’écaille de tortue sont visuellement et morphologiquement très différents, même s’ils sont de nature semblable : tous sont des matières kératiniques trouvant leur origine dans l’épiderme (la couche superficielle de la peau) des animaux (figure 1). La kératine est une matière cornée qui forme une couche extérieure robuste mais souple, protégeant ainsi l’animal de son environnement.

Exemples de matières kératiniques (un fanon de baleine, des poils, une écaille de tortue, des piquants de porc épic, une corne, une plume et un onglon de cerf).

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0055
Figure 1. Exemples de matières kératiniques. En sens horaire à partir du haut : un fanon de baleine, des poils, une écaille de tortue, des piquants de porc‑épic, une corne et une plume. Au centre : un onglon de cerf.

Les matières kératiniques ne sont, généralement, pas très sensibles à la dégradation chimique. Elles sont d’ailleurs connues pour leur résistance à l’eau, aux solvants, aux acides, aux alcalis et aux enzymes. Elles sont souples, de sorte qu’elles peuvent fléchir jusqu’à un certain point sans se briser. En pratique, bon nombre de matières kératiniques sont relativement malléables et peuvent être moulées ou formées par la chaleur.

Plumes

Il y a deux grands types de plumes : les pennes et les tectrices. Les pennes (ou plumes de contour) désignent de longues plumes recouvrant le corps de l’oiseau, la queue et les ailes. Une penne est constituée d’une tige creuse à sa base (le calamus) qui devient, en se prolongeant, une tige avec un cœur spongieux (le rachis) ayant, de chaque côté, deux séries de barbes. Les barbes supportent à leur tour deux séries de barbules fixées les unes aux autres au moyen de barbicelles (genre de petits crochets). Cet enchevêtrement assure la cohésion de toute la structure, formant ainsi le vexille (ou l’étendard) de la plume. Cette structure est déperlante et offre une portance qui permet aux oiseaux de voler.

Parmi les plumes tectrices (ou plumes de couverture), le duvet est le plus courant. Le duvet a des barbes et des barbules qui ne s’enchevêtrent pas; elles ne peuvent donc pas former de vexille. Les barbes forment des touffes denses et légères qui piègent l’air; c’est pourquoi le duvet est un excellent isolant.

Les plumes de paon peuvent être considérées comme un type spécial de plumes, car elles ont une morphologie particulière unique en son genre. La figure 2 montre des exemples de plumes.

Six plumes de différentes couleurs naturelles.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0054
Figure 2. Six plumes de différentes couleurs naturelles. La troisième (à partir de la gauche) est une plume blanche courante qui comporte une partie pennée au sommet (avec des barbules enchevêtrées) et une partie plus duveteuse (barbules non enchevêtrées) à la base. Les couleurs des deux plumes à gauche ainsi que de la plume de paon (deuxième à partir de la droite) sont des exemples de couleurs structurales bleue et verte.

Coiffe du Brésil en plumes, probablement faite de plumes de perroquet ou d’ara.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0056
Figure 3. Coiffe du Brésil en plumes, probablement faite de plumes de perroquet ou d’ara. La couleur bleue des longues plumes est une coloration structurale.

Les couleurs d’une plume peuvent provenir d’une pigmentation naturelle ou de couleurs structurales (figures 2 et 3). Celles-ci peuvent être iridescentes, comme les couleurs d’une plume de paon, et sont le résultat d’effets d’interférence de la lumière lorsqu’elle interagit avec de minces microstructures spéciales se trouvant sur ces plumes. Une plume blanche n’a aucune pigmentation. Les plumes peuvent aussi être teintes.

Les plumes ont été utilisées dans de nombreuses cultures pour décorer des objets, comme des chapeaux et des coiffes (figures 3, 4 et 5), des vêtements, des instruments de musique (hochets, tambours), des éventails et des sacs. Dans les cultures amérindiennes d’Amérique du Nord, certains objets garnis de plumes peuvent être culturellement sensibles et, donc, nécessiter des soins particuliers (consulter Le soin des objets sacrés ou culturellement sensibles). Traditionnellement, les plumes servaient d’instrument d’écriture à l’encre. On les emploie aussi dans la confection de flèches et de volants et comme isolant dans la confection de vêtements, d’oreillers, d’édredons et de matelas.

Coiffe micmaque en plumes.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 79409-0015
Figure 4. Coiffe micmaque en plumes. Cet objet appartient au Musée McCord (numéro d’acquisition : M122).

Bicorne de militaire en fourrure noire avec bordure blanche en plumes d’autruche.

© Catherine Mathias, Ph. D.
Figure 5. Bicorne de militaire en fourrure noire avec bordure blanche en plumes d’autruche. Ce chapeau a été porté par Sir Samuel Hughes, ministre canadien de la Milice et de la Défense pendant la Première Guerre mondiale.

Piquants de porc-épic, poils et crins

Les cheveux, poils et crins sont constitués d’une racine et d’une tige caractéristiques. Leur couleur vient de pigments de mélanine.

Les piquants de porc-épic sont essentiellement des poils spécialisés. On estime qu’un porc‑épic adulte possède environ 30 000 piquants, dont la longueur varie de 1 à 15 cm. Ils peuvent être de couleur crème ou brune, ou d’un mélange des deux couleurs (figure 6). Ils sont parfois utilisés au naturel (figure 7), mais, le plus souvent, ils sont teints à l’aide de colorants naturels ou synthétiques.

Piquants de porc-épic et poils d’orignal.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0033
Figure 6. Les piquants de porc-épic (en haut, à gauche), comparativement aux poils d’orignal (au bas), sont généralement plus courts et plus épais. Les quatre premiers piquants à partir de la gauche ne sont pas teints; on peut voir leur couleur crème naturelle avec des pointes brun foncé. Les huit autres piquants et les poils d’orignal sont teints.

Les piquants de porc‑épic ornent énormément d’articles autochtones de nature vestimentaire ou domestique, comme des paniers, des contenants en écorce de bouleau (figure 7), des sacs, des vestes, des blousons (figure 8), des mocassins, des ceintures et des coiffes. La broderie en piquants de porc‑épic est un ouvrage effectué suivant un motif avec des piquants aplatis et repliés qui sont cousus à l’intérieur ou à la surface d’une base en peau ou en écorce de bouleau (comme sur le dos et les épaules du blouson de la figure 8). Les piquants de porc‑épic peuvent aussi être simplement entortillés autour d’une base, par exemple autour de brins d’une vannerie ou autour de franges en peau de daim (comme on peut le voir à la base des franges de la figure 8).

Vue rapprochée d’un contenant en écorce de bouleau et en foin d’odeur, orné de piquants de porc-épic non teints.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. CCI 125773-0030
Figure 7. Vue rapprochée d’un contenant en écorce de bouleau et en foin d’odeur, orné de piquants de porc-épic non teints.

Vue rapprochée d’une broderie de piquants de porc-épic sur un blouson en peau.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96557-0048
Figure 8. Vue rapprochée d’une broderie de piquants de porc-épic sur un blouson en peau. Le blouson avait été offert à James Anderson, en 1847, par un groupe des Premières Nations, probablement les Cris, alors qu’il travaillait à la Compagnie de la Baie d’Hudson, à un poste du lac Nipigon.

On se sert des poils d’orignal de la même façon que les piquants de porc‑épic pour créer des broderies ornant divers objets, comme des contenants en écorce de bouleau et des articles vestimentaires en peau de daim (figure 9). Le poil d’orignal est généralement reconnaissable du fait qu’il est plus mince que le piquant de porc‑épic (figure 6); ce type de broderie est donc habituellement plus fine et plus délicate qu’une broderie en piquants de porc‑épic. Les poils d’orignal se distinguent aussi par leurs caractéristiques morphologiques. Les poils d’orignal ainsi que ceux d’autres membres de la famille des cervidés, comme le caribou, ont aussi été brodés sous forme de touffetage. De plus, on peut utiliser des touffes de poils d’orignal, de poils de caribou ou de crins de cheval pour former des glands décoratifs, habituellement teints et parfois insérés à l’intérieur de petits cônes métalliques (figure 9).

Broderie et glands décoratifs en poils d’orignal sur un étui de couteau.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2003901-0002
Figure 9. Broderie et glands décoratifs en poils d’orignal sur un étui de couteau. Cet objet appartient au Musée canadien de l’histoire (numéro d’acquisition : III-H-13).

Les poils et les crins animaux peuvent servir d’ornements sur des masques, des coiffes ou d’autres articles semblables (figure 10). Ils ont également été utilisés pour imiter des cheveux humains sur des poupées. On peut aussi retrouver des cheveux humains dans des collections muséales, car ils étaient employés dans la confection de perruques ainsi que de couronnes et de joaillerie capillaires de l’époque victorienne. Le crin de cheval a largement servi comme garnissage en ameublement, par exemple pour garnir des divans, des chaises et des sièges de véhicules.

Une coiffe faite d’un masque de bois et d’une fourrure qui recouvre la tête.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 98010-0008
Figure 10. Des moustaches de lion de mer décorent le haut de cet ornement frontal Yaxwiwe’ (c’est‑à‑dire une coiffe faite d’un masque de bois et d’une fourrure qui recouvre la tête) appartenant au Centre culturel U’mista à Alert Bay, en Colombie‑Britannique. Les moustaches de lion de mer sont utilisées comme éléments décoratifs par les Kwakwa̱ka̱’wakw, les Namgis, les Haida, les Tlingit et d’autres peuples autochtones d’Amérique du Nord.

Consulter Le soin des cuirs, des peaux et des fourrures pour en savoir davantage sur la fourrure, et Le soin des textiles et des costumes pour en savoir davantage sur la laine.

Corne

Les moutons, les chèvres, les antilopes, les bœufs et autres bovidés possèdent des cornes, qui consistent en une matière kératinique poussant par-dessus deux excroissances osseuses du crâne de l’animal. Des tissus s’ajoutent périodiquement à la base de la corne et lui donnent son aspect ridé caractéristique. La corne ne devrait pas être confondue avec les bois des cervidés, qui sont une matière osseuse présente chez les cervidés.

Divers objets partiellement ou entièrement fabriqués en corne se trouvent dans les musées. La corne peut être utilisée à l’état presque naturel comme récipient et comme cornet avertisseur; on peut la sculpter et la façonner pour créer, par exemple, des cuillères (figure 11), des louches, des éventails, des bijoux, des boutons, des montures de lunettes, des peignes et des épingles à cheveux; on peut la tourner pour faire des pièces de jeu et des poignées; et l’on peut également l’utiliser en feuilles pour créer de la marqueterie sur le mobilier, généralement teinte ou colorée pour imiter l’écaille de tortue. Très tôt dans l’histoire, la corne a été façonnée et moulée en diverses formes à l’aide de la chaleur, souvent par immersion dans l’eau bouillante, ce qui l’assouplit suffisamment pour permettre de lui donner des formes assez complexes. Elle peut être coupée sur la longueur, ouverte et pressée dans des moules ou entre des plaques de fer chauffées pour former des feuillets plats et minces. Ces feuillets peuvent être ensuite séparés en lamelles, étant donné la tendance naturelle de la corne à se séparer en couches.

Au XIXe siècle, on a mis au point des méthodes pour créer des formes relativement compliquées en corne à partir de poudre de corne moulue qui, combinée avec des alcalis forts, était placée dans des moules et soumise à de la chaleur et de la pression. La forme des objets ainsi produits, comme les tabatières de la figure 12 ou des poignées de couteau, ne ressemblent plus du tout à la forme originale de la corne, mais l’aspect lisse et brillant de la surface reste semblable.

Une corne polie, trois cuillères en corne de taille différente et un collier en corne.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0053
Figure 11. La couleur de la corne peut varier du jaune au noir, en passant par le brun. De droite à gauche : une corne polie, trois cuillères en corne de taille différente et un collier en corne.

Tabatières en corne moulée.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0045
Figure 12. Tabatières en corne moulée.

Écaille de tortue

L’écaille de tortue provient des plaques kératiniques (ou scutelles) recouvrant la carapace osseuse de certaines espèces de tortues marines et terrestres, dont la tortue imbriquée (dite « tortue à écailles »), aujourd’hui en voie de disparition. Durant leur croissance, ces plaques se forment en de fines couches de 1,5 à 3,5 mm d’épaisseur. Les plaques peuvent être détachées de la carapace par chauffage. L’écaille de tortue a un aspect chatoyant distinctif et prisé qui allie des tons rouges, jaunes et bruns, la couleur variant selon les espèces.

L’écaille de tortue est plus homogène que la corne; elle n’est pas fibreuse et ne se sépare pas en couches aussi facilement. Ce matériau est souvent utilisé sans plus de préparation; il est simplement séché, nettoyé par grattage et poli. Comme c’est le cas pour la corne, l’écaille de tortue peut prendre des formes assez complexes sous l’action de la chaleur. Elle devient malléable lorsqu’elle est chauffée dans l’eau bouillante et peut alors être pressée, moulée et soudée. Par le passé, l’écaille de tortue a beaucoup été utilisée en combinaison avec du laiton pour créer de la marqueterie sur le mobilier et les horloges (figure 13). Tout comme la corne, l’écaille de tortue a aussi servi à confectionner des peignes, des montures de lunettes, de petites boîtes et d’autres objets similaires.

Vue de côté d’une horloge illustrant de la marqueterie constituée de laiton et d’écaille de tortue, connue sous le nom « marqueterie Boulle ».

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC2005059-0002
Figure 13. Vue de côté d’une horloge illustrant de la marqueterie constituée de laiton et d’écaille de tortue, connue sous le nom « marqueterie Boulle ».

Le prix élevé de l’écaille de tortue en a favorisé l’imitation, d’abord avec la corne, puis plus tard avec du celluloïd (nitrate de cellulose) et, plus récemment, avec d’autres plastiques plus stables. Les collections des musées contiennent souvent des objets en plastique anciens imitant l’écaille de tortue (figure 14). Consulter Le soin des plastiques et des caoutchoucs pour obtenir des renseignements sur les imitations en plastique se trouvant dans les collections patrimoniales.

Écaille de tortue naturelle non polie, comparée à deux exemples d’imitation en plastique : un échantillon de marqueterie et un peigne et son étui.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0058
Figure 14. Écaille de tortue naturelle non polie (au bas, à gauche), comparée à deux exemples d’imitation en plastique : un échantillon de marqueterie (au haut) et un peigne et son étui (au bas, à droite).

Griffes, becs et onglons

Les griffes, les becs et les onglons (sabots) sont parfois utilisés comme éléments décoratifs sur des objets, comme des bijoux et des ornements, ou font partie intégrante d’instruments de musique, comme les hochets. Les griffes, les becs et les onglons sont, comme la corne, des excroissances kératiniques dures produites par l’épiderme et continuellement remplacées. Les onglons de bovins sont habituellement plus minces et plus souples que la corne.

Fanon de baleine

Le fanon de baleine consiste en des lames cornées se terminant par des soies, lesquelles fonctionnent comme un filtre dans la bouche de certaines espèces de baleine (les cétacés à fanons). Cette matière est blanc cassé, brune, bleue ou noire et mesure de 50 cm à 3 m de longueur (figure 15). Elle est constituée de deux plaques cornées avec au centre des tubes kératiniques entourés d’une substance agglutinante. Cette structure complexe est usée sur les bords par l’action de la langue de la baleine, ce qui produit une frange de tubes (les soies) agissant comme un filtre pour le plancton.

Les peuples autochtones d’Amérique du Nord utilisent le fanon de baleine pour fabriquer des ornements, des outils ou des contenants (notamment les vanneries tissées en fanon de baleine, originaires de l’Alaska). Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, le fanon a été utilisé en Europe comme élément de corsets féminins, tiges (appelées « baleines ») de parapluie, ressorts d’instruments de musique et tiges de fouets de cocher. Le fanon, comme la corne, sert aussi à fabriquer de petites boîtes ou des boutons.

Morceau de fanon non travaillé et, dans l’encadré, boucle d’oreille faite de fanon noir poli.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0051 et 125773-0052 (encadré)
Figure 15. Morceau de fanon non travaillé et, dans l’encadré, boucle d’oreille faite de fanon noir poli.

Mise en garde : risque de résidus de pesticides

Puisque les plumes, les poils et la fourrure, les piquants de porc‑épic et les autres matières kératiniques sont susceptibles d’être infestés par des insectes, dans certains musées, des insecticides toxiques peuvent avoir été appliqués par le passé sur des objets faits de ce genre de matériaux.

Des résidus de ces pesticides peuvent être présents sur la surface des objets (figure 16) ou sur des surfaces adjacentes (par exemple, à l’intérieur des armoires). Les résidus peuvent être visibles ou non. On doit porter des gants et l’équipement de protection individuelle courant (par exemple, blouse de laboratoire, lunettes de protection) pour manipuler des objets faits de matières kératiniques.

Dépôts blancs sur des plumes.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0112
Figure 16. Ce type de dépôts blancs sur des plumes, des poils ou des fourrures devrait être traité comme des résidus de pesticides, à moins qu’on sache qu’il s’agit d’autre chose.

Causes des dommages aux matières kératiniques et stratégies de conservation préventive

De manière générale, les matières kératiniques dures et épaisses, comme la corne, le fanon, les becs, les griffes, les onglons et l’écaille de tortue, sont plus résistantes et durables, et moins sensibles aux agents de détérioration que les matières kératiniques plus fines, légères et délicates, comme les plumes, les poils, et les piquants de porc‑épic. Les agents de détérioration suivants devraient faire l’objet d’une attention particulière dans le cas d’objets comportant des matières kératiniques.

Forces physiques

Les dommages causés par diverses forces physiques posent habituellement un risque de moyen à élevé pour l’ensemble des matières kératiniques.

Même si la corne, l’écaille de tortue, les griffes, les onglons et le fanon ne sont pas extrêmement fragiles, des dommages physiques, comme des ébréchures, des fissures et des cassures, peuvent se produire si ces matières sont soumises à des tensions ou à des impacts (figure 17). De plus, les dommages causés par l’abrasion sont assez courants, particulièrement lorsque des objets contenant des matières kératiniques possèdent des surfaces planes.

Louche en corne cassée en deux et fissurée.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004388-0001)
Figure 17. Louche en corne cassée en deux et fissurée. Ces dommages sont probablement survenus à la suite d’un impact accidentel pendant sa manipulation.

La corne, l’écaille de tortue et le fanon sont faits de couches qui ont tendance à se séparer. Ils peuvent aussi avoir des bords rugueux. Dans les deux cas, il peut y avoir un risque d’accrochage sur les chiffons d’époussetage ou les gants en coton pendant la manipulation.

Les broderies en piquants de porc‑épic et en poils d’orignal sont habituellement exposées à un risque de moyen à élevé d’être endommagées physiquement. Par exemple, ils peuvent comporter des surfaces inégales et des surfaces en saillie qui posent un risque d’accrochage s’ils sont manipulés de manière inappropriée. Les piquants de porc‑épic et les poils d’original qui sont pliés au sein d’une broderie ou ceux qui sont entortillés autour d’un autre élément sont soumis à des tensions, ce qui les rend plus à risque de se fendre pendant l’époussetage ou la manipulation lorsque ces opérations ajoutent des tensions. Les piquants et les poils partiellement brisés et qui se soulèvent sont particulièrement à risque d’être endommagés physiquement (figures 18 et 19), de même que ceux qui sont détériorés ou qui sont devenus cassants.

Des piquants de porc-épic, qui ornent des bandes de peau sur une ceinture, sont très endommagés et s’effilochent.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0113
Figure 18. Ces piquants de porc‑épic, qui ornent des bandes de peau sur une ceinture, sont très endommagés et s’effilochent. Ces dommages risquent fort d’empirer pendant la manipulation. De plus, des conditions ambiantes instables (humidité relative [HR] et température) accéléreront l’effilochage.

Vue rapprochée de l’épaule d’un blouson.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96557-0009
Figure 19. Il n’est pas rare de trouver quelques piquants de porc-épic ébréchés, rongés ou soulevés sur un ouvrage qui, à première vue, semble en bon état (cette photo montre une vue rapprochée de l’épaule du blouson de la figure 8). Il y a un risque d’accrochage à ces endroits pendant la manipulation.

En raison de leur structure délicate et du volume qu’elles occupent, les plumes peuvent être accidentellement comprimées, déformées, pliées ou brisées si elles sont manipulées de façon inadéquate ou rangées dans une réserve encombrée (figures 20a à 20e). L’abrasion à la surface de plumes dotées de couleurs structurales peut causer la perte de ces couleurs.

Bouclier fait de cuir de buffle et de laine rouge, décoré avec des cônes métalliques et des plumes.

© Gouvernement of Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2005304-0001
Figure 20a. Bouclier fait de cuir de buffle et de laine rouge, décoré avec des cônes métalliques et des plumes.

Vues rapprochées de plumes montrant des tiges cassées.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2005304-0002

Vues rapprochées de plumes montrant des tiges cassées.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. 2005304-0003

Figures 20b et 20c. Vues rapprochées de plumes montrant des tiges cassées.

Une plateforme rectangulaire a été conçue pour protéger physiquement les trois plumes attachées au périmètre du bouclier.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2005304-0004
Figure 20d. Une plateforme rectangulaire a été conçue pour protéger physiquement les trois plumes attachées au périmètre du bouclier pendant les manipulations et la mise en réserve. Des supports individuels pour la partie centrale en peau ainsi que pour les trois plumes sont fixés à la plateforme.

Vue latérale du bouclier sur son support.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2005304-0005
Figure 20e. Vue latérale du bouclier sur son support. Chaque plume est retenue sur son support, qui consiste en un coussinet de mousse recouvert de tricot jersey.

Les griffes, les becs et les onglons peuvent servir à la confection de colliers ou d’ornements attachés ou fixés à un objet avec du fil, de la cordelette, des lanières de peau ou de la babiche (figures 21a et 21b). Des touffes de poils et des plumes sont aussi utilisées de cette manière sur les masques ou d’autres objets de parure, parfois sertis à l’intérieur de petits cônes métalliques (figure 9). Ces éléments décoratifs pourraient se détacher et être perdus pendant la manipulation, le transport et les déplacements si le fil, la cordelette, la lanière en peau ou la babiche qui les rattache à l’objet est usé ou endommagé (figure 21a). Ils peuvent aussi être accidentellement arrachés de l’objet s’ils sont laissés sans support (s’ils pendent) pendant la manipulation.

Un collier sarsi décoré de griffes d’ours avant traitement.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2005278-0001
Figure 21a. Un collier sarsi décoré de griffes d’ours. La chaîne faite d’une lanière en peau s’est rompue, ce qui a entraîné le détachement de certaines perles et griffes ainsi que des pertes.

Un collier sarsi en griffes d’ours après traitement.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2005278-0002
Figure 21b. Le collier sarsi en griffes d’ours après traitement, avant d’être fixé avec des attaches sur un support rembourré. Cet objet appartient au Musée McCord (numéro d’acquisition : 1045.1).

Recommandations

  • Fabriquer des supports pour l’exposition et la mise en réserve qui soutiendront les objets à long terme et les protègeront contre une déformation lente causée par la force de la gravité.
  • Prévoir suffisamment d’espace dans la réserve pour les objets ornés de plumes ou de moustaches de lions de mer afin d’éviter qu’ils ne soient comprimés ou pliés (figures 20d, 20e et 22).
  • Prévoir de la matelassure, des boîtes et des attaches de sécurité pour les objets fragiles rangés sur des étagères ou à l’intérieur de tiroirs (figures 22, 23, 24a et 24b).
  • S’assurer que les franges, les cônes métalliques et autres éléments décoratifs semblables ne pendent pas des étagères de rangement. Utiliser des supports, des plateaux ou des boîtes pour manipuler et ranger les objets comportant des cônes métalliques, des franges et d’autres pièces rattachées (figures 23, 24a et 24b). Inspecter tous les objets comportant des franges et des éléments décoratifs suspendus pour voir si les fils, les ficelles ou les autres types d’attaches sont faibles ou endommagés et s’ils risquent de se briser pendant la manipulation ou les déplacements. Au besoin, les soutenir pour réduire leur mouvement, par exemple en les immobilisant ou en les enveloppant dans un ruban sergé.
  • Repérer les objets endommagés et les protéger à l’aide d’un support coussiné.
  • Comme règle générale, utiliser des boîtes ou des bases pour déplacer les objets de manière à éviter un contact direct avec l’objet.
  • Manipuler les objets à mains nues (s’assurer qu’elles sont propres) ou porter des gants de coton, mais seulement si l’on a la certitude que les objets sont exempts de pesticides. Compte tenu du risque élevé de contamination par les pesticides, porter des gants de nitrile et une tenue de laboratoire de protection jusqu’à preuve du contraire.
Chapeau de plumes protégé contre la poussière et les risques de dommages physiques grâce à un cadre recouvert de plastique.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004113-0001
Figure 22. Chapeau de plumes protégé contre la poussière et les risques de dommages physiques grâce à un cadre recouvert de plastique. Un support intérieur en mousse soulève le chapeau à la base et lui permet de garder sa forme.

Étui à couteau avec de longues franges décorées de piquants de porc-épic, posé sur un support de rangement qui protège les franges.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004476-0001
Figure 23. Étui à couteau avec de longues franges décorées de piquants de porc-épic, posé sur un support de rangement qui protège les franges. Autrement, elles risqueraient d’être accrochées et endommagées pendant la manipulation et la mise en réserve.

Un sac décoré d’onglons d’orignal.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004257-0001
Figure 24a. Un sac décoré d’onglons d’orignal. Les onglons sont lourds et doivent être soutenus pour prévenir les dommages. Cet objet appartient au Musée canadien de l’histoire (numéro d’acquisition : III-H-466).

Le sac est soutenu et posé dans un nid fait de mousse qui épouse sa forme, et des attaches en ruban sergé fixent tous les éléments en place.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004257-0002
Figure 24b. Le sac est soutenu et posé dans un nid fait de mousse qui épouse sa forme, et des attaches en ruban sergé fixent tous les éléments en place.

Eau

Bien que les matières kératiniques intactes, comme les plumes, les poils et les piquants de porc‑épic, soient naturellement résistantes à l’eau, lorsqu’elles ornent des objets, elles sont habituellement retenues (collées, attachées, cousues) ou physiquement modifiées (rainurées, serties, pliées ou perforées) pour former un motif ou des points de fixation sur un textile, de l’écorce ou une base de vannerie. Par conséquent, l’objet composite qui en résulte est habituellement vulnérable aux dommages causés par l’eau. La marqueterie en écaille de tortue collée est un bon exemple de ce genre de matériau à risque élevé. Des matières endommagées en raison d’une usure causée par l’utilisation ou d’une attaque d’insectes sont encore plus vulnérables aux dommages. Si les matières kératiniques sont colorées, il y a aussi un risque que l’eau provoque des taches et que les couleurs déteignent sur les parties adjacentes.

Pour obtenir davantage de renseignements sur les risques de dommages causés par l’eau et la prévention de tels dommages, consulter Agent de détérioration : eau ainsi que la section Humidité relative inadéquate.

Ravageurs

Tous les objets constitués en totalité ou en partie de matières kératiniques devraient être considérés comme présentant un risque très élevé d’infestations d’insectes. Les plumes, les broderies en piquants de porc‑épic, les fourrures et les poils y sont particulièrement vulnérables (figures 25, 26a et 26b), tout comme la laine, qui est aussi une matière kératinique (consulter Le soin des textiles et des costumes). De manière générale, plus les matières kératiniques sont épaisses et dures, moins elles courent de risque, mais elles peuvent aussi être attaquées.

Vue rapprochée des plumes d’une coiffe qui ont été endommagées par les insectes.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 79409-0003
Figure 25. Vue rapprochée des plumes d’une coiffe qui ont été endommagées par les insectes.

Vue rapprochée d’un mocassin dont les piquants de porc-épic décoratifs et certaines touffes de poils de caribou ont été endommagés par des insectes.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0114
Figure 26a. Vue rapprochée d’un mocassin dont les piquants de porc‑épic décoratifs et certaines touffes de poils de caribou ont été endommagés par des insectes.

Vue rapprochée d’un mocassin montrant des marques caractéristiques de morsures d’insectes sur des piquants de porc-épic bleus.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0115
Figure 26b. Vue rapprochée de la figure 26a montrant des marques caractéristiques de morsures d’insectes sur des piquants de porc‑épic bleus. Souvent, les insectes préféreront les piquants teints d’une couleur particulière.

Les dermestidés (notamment les anthrènes des tapis) et les teignes (teignes des vêtements et teignes porte-case) sont les principaux responsables des infestations d’insectes des matières kératiniques. Le risque peut être plus élevé lorsque les objets sont tachés ou sales. La forme de l’objet ou la façon dont il est rangé peut aussi augmenter le risque en fournissant une cachette aux insectes qui aiment se dissimuler dans les trous ou sous les couches où il y a moins de lumière. Les objets rangés pendant de longues périodes sans que personne ne les vérifie sont aussi des cibles de choix.

Puisque les matières kératiniques sont très sensibles aux infestations d’insectes, elles ont souvent été traitées aux pesticides par le passé. Il est plus prudent de traiter ces objets comme étant potentiellement contaminés et de porter un équipement de protection individuelle, comme des gants, pour les manipuler (consulter Mise en garde : risque de résidus de pesticides).

Les matières kératiniques peuvent aussi être attaquées par les moisissures. Il en sera question plus loin sous Humidité relative inadéquate.

Recommandations

  • Repérer, examiner et documenter les objets les plus vulnérables (c’est-à-dire les objets contenant de la fourrure, des poils, des piquants de porc‑épic et des plumes) de façon à avoir un point de référence pour leur inspection périodique.
  • Mettre en place un programme de lutte intégrée.
  • Inspecter deux fois par année (au printemps et à l’automne) des objets vulnérables choisis aléatoirement pour déterminer s’ils sont infestés.
  • Envisager la possibilité d’avoir des réserves froides ou des réserves en milieu anoxique pour les objets en fourrure et les objets garnis de plumes de façon à les protéger contre une infestation d’insectes. Si la mise en réserve au froid est utilisée, s’assurer que des stratégies sont en place pour réagir rapidement en cas de panne d’électricité ou de défaillance de l’équipement qui pourrait entraîner une hausse de l’HR et un risque de formation de moisissures.

Polluants

La poussière, les saletés et les dépôts huileux sont des contaminants particulièrement problématiques lorsqu’il s’agit d’objets ornés de piquants de porc‑épic, de poils et de plumes, car ces matériaux comportent une topographie complexe qui peut emprisonner les particules et les résidus huileux. Leur nettoyage devient alors difficile, d’où le risque de briser les fines structures qui les composent (figures 27 et 28). Les particules de poussière combinées aux fluctuations de l’HR peuvent être abrasives, causant ainsi des dommages physiques, comme la fragilisation, particulièrement lorsqu’il s’agit de matières kératiniques plus minces ou plus délicates, comme des poils et des plumes.

Exemple de plumes blanches tachées sur une aile d’oiseau utilisée pour faire un éventail.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0096
Figure 27. Exemple de plumes blanches tachées sur une aile d’oiseau utilisée pour faire un éventail. La teinte brune et les taches sur les plumes sont de la poussière, des saletés et des dépôts huileux.

Vue rapprochée de piquants de porc-épic souillés.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96557-0018
Figure 28. Vue rapprochée de piquants de porc-épic souillés. Le nettoyage nécessitera un traitement par un professionnel qualifié.

Recommandations

  • Protéger les objets de la poussière en les enveloppant, en les plaçant dans des boîtes, en les recouvrant de housses ou en les plaçant dans des unités de rangement et des vitrines d’exposition fermées.
  • Pour certains objets qui sont plus à risque, envisager d’avoir recours à des méthodes plus efficaces de protection contre la poussière en utilisant la mise en pression positive dans des armoires de rangement et des vitrines d’exposition fermées.

Lumière et ultraviolet

Les pigments naturels, tels ceux qui sont présents dans les matières kératiniques, comme la corne, l’écaille de tortue, les plumes, les piquants de porc‑épic et d’autres poils, sont généralement de moyennement à très sensibles à la lumière, alors que les colorants naturels et synthétiques utilisés pour teindre ces matières sont habituellement très sensibles à la lumière (figures 29a, 29b et 30; tableau 1). Les poils d’animaux de teinte foncée peuvent se décolorer à la lumière pour prendre une teinte plus pâle, voire blonde; les rouges brillants des plumes risquent de pâlir pour devenir des roses, des orangés ou des jaunes pâles, perdant ainsi leur éclat. Les couleurs structurales des plumes peuvent aussi être altérées par la lumière, puisque certaines sont attribuables à des effets d’interférence associés à des granules pigmentaires naturels de mélanine (Hudon, 2005).

Broderie en piquants de porc épic colorés sur un objet en fourrure présentant une décoloration prononcée causée par la lumière.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0095
Figure 29a. Broderie en piquants de porc‑épic colorés sur un objet en fourrure présentant une décoloration prononcée causée par la lumière.

En écartant les poils qui couvraient les bords de la broderie en piquants de porc épic, on révèle les couleurs vives d’origine.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0094
Figure 29b. En écartant les poils qui couvraient les bords de la broderie en piquants de porc‑épic, on révèle les couleurs vives d’origine que les poils protégeaient de la lumière.

Tableau 1 : Degrés de sensibilité à la lumière visible, avec ou sans ultraviolet (UV), des matières kératiniques colorées (plumes, fourrures, piquants de porc‑épic, poils d’orignal, etc.) et durée d’exposition nécessaire pour qu’il y ait décoloration, selon divers scénarios d’éclairage
Sensibilité des couleurs qu’on retrouve sur les matières kératiniques

Intensité de la lumière visible

DuréePied de tableau 1 d’exposition causant une décoloration tout juste perceptible (seuil différentiel)Pied de tableau 2
Avec UVPied de tableau 3 Sans UVPied de tableau 4

Sensibilité élevée :
certaines couleurs vives naturelles (certains rouges, orangés, verts et bleus), de même que la plupart des couleurs obtenues à l’aide de colorants synthétiques et naturels

30 000 lux (lumière du jour moyenne) 0,8 à 7 jours 1 à 14 jours
5 000 lux (lumière provenant d’une fenêtre ou d’une lampe de travail) 4 jours à 1 mois 5 jours à 2 mois
500 lux (éclairage de bureau) 5 semaines à 1 an 7 semaines à
2 ans
150 lux 20 semaines à
3,5 ans
6 mois à 7 ans
50 lux 1 à 10 ans 1,5 à 20 ans

Sensibilité moyenne :
couleurs naturelles dans les tons de brun

30 000 lux (lumière du jour moyenne) 5 jours à 10 semaines 2 semaines à 1 an
5 000 lux (lumière provenant d’une fenêtre ou d’une lampe de travail) 3 semaines à 17 mois 2 mois à 7 ans
500 lux (éclairage de bureau) 8 mois à 14 ans 2 à 70 ans
150 lux 2 à 40 ans 7 à 200 ans
50 lux 7 à 140 ans 20 à 700 ans

Remarque : les données du tableau 1 sont fondées sur celles des tableaux 3 et 4 dans Agent de détérioration : lumière, ultraviolet et infrarouge.

Le tableau 1 résume les degrés de sensibilité à la lumière visible, avec ou sans UV, des matières kératiniques colorées et fournit des estimations du nombre de jours, de mois ou d’années nécessaires pour causer une décoloration selon divers scénarios d’éclairage. Comme on peut le voir dans le tableau 1, si l’on diminue l’intensité lumineuse, en passant par exemple de 5 000 lux à 150 lux, et mieux encore à 50 lux, l’éclat des couleurs durera 100 fois plus longtemps. Si, plutôt, on ne fait que filtrer les UV (comparer la 3e colonne « Avec UV » avec la 4e colonne « Sans UV »), l’effet est bénéfique mais bien plus limité. Prendre note cependant que toute exposition à lumière compte, c’est-à-dire que chaque exposition cause une certaine décoloration qui s’accumule au fil du temps. C’est pourquoi les couleurs très sensibles qui sont continuellement exposées à aussi peu que 50 lux de lumière risquent de pâlir visiblement quand même en quelques années et celles moyennement sensibles, en quelques décennies. Il est donc très important de limiter les périodes d’exposition pour préserver ces couleurs sensibles aussi longtemps que possible.

De plus, le rayonnement UV peut causer la photodégradation de la kératine et, surtout, des matières kératiniques fines, comme les plumes, les poils d’orignal et les piquants de porc-épic, ce qui peut mener à leur affaiblissement et à leur fragilisation. Les dommages apparaîtront plus vite lorsque ces matières comprennent des colorants ou des composants photosensibilisateurs. Le tableau 2 permet de comparer les effets d’une exposition à beaucoup ou à peu d’UV. Si l’on fait les bons choix en matière d’éclairage, il est possible de réduire énormément les dommages et de faire en sorte que leur apparition puisse prendre des siècles, voire des millénaires.

Tableau 2 : Sensibilité aux UV des matières kératiniquesPied de tableau 1 et estimationsPied de tableau 2 de la durée d’exposition nécessaire pour que ces matières se fragilisent et se fragmentent, selon différents scénarios d’éclairage

Éclairage

Teneur en UVPied de tableau 3

Lumière visiblePied de tableau 3

Sensibilité moyenne Sensibilité élevée
Fragilisation et fragmentation éventuelle de la matière Fragilisation et fragmentation éventuelle de la matière comprenant des colorants ou composants photosensibilisateurs
Lumière du jour provenant d’une fenêtre ~400 à 500 μW/lm plein jour : 30 000 lux ~3 ans ou plus ~2 moìs ou plus
50 lux ~2 000 ans ou plus ~100 ans ou plus
Lumière du jour provenant d’une fenêtre munie d’un bon filtre anti UV  ~75 μ/lm ou moins plein jour : 30 000 lux ~30 ans ou plus ~2 ans ou plus
50 lux ~de nombreux millénaires (vieillissement thermiquePied de tableau 4 probablement en 100 à 1 000 ans à 20 °C) ~de nombreux millénaires (vieillissement thermiquePied de tableau 4 probablement en 100 à 1 000 ans à 20 °C)
Obscurité aucun UV aucune lumière (vieillissement thermiquePied de tableau 4 probablement en 100 à 1 000 ans à 20 °C) (vieillissement thermiquePied de tableau 4 probablement en 100 à 1 000 ans à 20 °C)

Remarque : les données du tableau 2 sont fondées sur celles du tableau 5 dans Agent de détérioration : lumière, ultraviolet et infrarouge.

Recommandations

  • Repérer les objets sensibles et limiter leur exposition et la durée de l’exposition. Tous les articles ornés de piquants de porc‑épic et de plumes de couleurs autres que les bruns naturels (mélanine) doivent être classés dans la gamme d’objets à sensibilité élevée.
  • Utiliser une intensité lumineuse faible (50 lux) pour toutes les matières teintes ou vivement colorées. Comme il est indiqué dans le tableau 1, la décoloration sera ainsi grandement retardée, comparativement à ce qui se produira si l’on emploie une intensité lumineuse plus forte. Éviter les expositions à de fortes intensités lumineuses (par exemple, éclairage de bureau, lampe de travail et surtout les fenêtres et la lumière du jour), car elles causeront une décoloration rapide en quelques semaines ou même en quelques jours (tableau 1).
  • Utiliser un éclairage de 150 lux pour les matières non teintes naturellement et colorées dans des tons de brun (ou toute autre matière considérée comme étant de sensibilité moyenne).
  • Filtrer les rayons UV émanant des sources de lumière à moins de 75 mW/lm. Comme l’indique le tableau 2, les avantages peuvent être immenses. Par exemple, même à 50 lux, si les UV ne sont pas filtrés, les dommages physiques peuvent survenir en quelques années plutôt qu’en des millénaires. L’éclat des couleurs durera aussi plus longtemps, comme l’indique le tableau 1.
  • Exposer les articles sensibles pendant de courtes périodes seulement. Puisque les dommages causés par la lumière sont cumulatifs, il faut doser le temps total d’exposition. Certains objets représentatifs ne devraient pas être exposés pour s’assurer qu’ils demeurent intacts indéfiniment aux fins de recherches futures et pour en faire des reproductions.
  • Parce que chaque exposition à la lumière est un pas de plus vers la décoloration (c’est-à-dire que les dommages causés par la lumière sont cumulatifs), il est utile de calculer et de documenter les doses d’exposition à la lumière pour les objets sensibles devant être exposés. Pour ce faire, documenter la durée totale de l’exposition à la lumière ainsi que l’intensité lumineuse (en lux) et le taux d’UV. En calculant la dose d’exposition cumulative et en comparant le résultat avec la « dose d’exposition cumulative maximale » (consulter le tableau 3), on peut évaluer à long terme les choix d’exposition en regard des risques cumulatifs qu’ils posent. Consulter Agent de détérioration : lumière, ultraviolet et infrarouge – Mesures permettant de réduire les effets de la lumière visible et des rayonnements UV et IR pour en savoir davantage.
  • Utiliser des minuteries et des dispositifs semblables pour permettre d’éclairer pendant de brèves périodes, selon les besoins.
Vue rapprochée d’un couvercle en écorce de bouleau décoré de piquants de porc-épic.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0116
Figure 30. Vue rapprochée d’un couvercle en écorce de bouleau décoré de piquants de porc-épic. Les piquants dans le losange, au centre, étaient rouges à l’origine, mais ils ont été décolorés par la lumière et sont maintenant rose pâle ou crème.

Tableau 3 : Dose d’exposition cumulativePied de tableau 1 maximale pour les couleurs sensibles qu’on trouve sur des matières kératiniques (piquants de porc-épic, poils d’orignal, plumes, etc.)

Dose d’exposition cumulativePied de tableau 1 maximale
Sensibilité moyennePied de tableau * Sensibilité élevéePied de tableau **
Dose qui cause une décoloration tout juste perceptible dose en présence d’UV 3,5 à 20 Mlx∙h 0,22 à 1,5 Mlx∙h
dose en absence d’UV 10 à 100 Mlx∙h 0,3 à 3 Mlx∙h

Remarque : les données du tableau 3 sont fondées sur celles du tableau 4 dans Agent de détérioration : lumière, ultraviolet et infrarouge.

Humidité relative inadéquate

Même si, à l’état neuf, les matières kératiniques sont habituellement résistantes aux fluctuations de l’HR ainsi qu’aux taux extrêmes d’HR, ces conditions devraient être évitées, de manière générale, dans les collections muséales, car elles peuvent entraîner des problèmes pour certains types d’objets. Plus particulièrement, les matières kératiniques fixées à d’autres matières peuvent présenter un risque de dommages de niveau moyen à élevé à leurs points d’attache ou de contrainte (figure 31). Les placages en écaille de tortue ou en corne qui sont collés sur une base pour former de la marqueterie (figure 13) sont un exemple de matière kératinique fixée. Les matières kératiniques peuvent aussi être retenues par des liens, cousues, entortillées, enroulées en spirales ou brodées sur un matériau de base. Si l’objet est exposé à l’humidité ou soumis à de grandes fluctuations de l’HR, le matériau de base ou les fils d’attache peuvent gonfler ou rétrécir à un rythme différent de celui des matières kératiniques, ce qui causerait des tensions pouvant mener à des fissures ou à des fractures. Les matières kératiniques minces, ainsi que celles qui ont subi de l’usure ou qui sont autrement endommagées ou détériorées, sont plus à risque. Des piquants de porc‑épic et des poils d’orignal faisant partie de broderies peuvent ainsi se fendre, se briser ou se soulever (figure 31); la marqueterie en corne ou en écaille de tortue peut se décoller, se soulever ou se fissurer; et les tiges des plumes peuvent devenir endommagés à leur point d’attache au substrat.

Vue rapprochée d’une ceinture ornée de piquants de porc épic.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 125773-0097
Figure 31. Vue rapprochée d’une ceinture ornée de piquants de porc‑épic. On peut voir que certains piquants ont subi des dommages physiques, comme des fissures et des distortions. Les fluctuations des conditions ambiantes risquent de provoquer encore plus de dommages.

Lorsque le taux d’HR est au-dessus de 65 %, des moisissures peuvent se former. Consulter Agent de détérioration : humidité relative inadéquate, qui présente un tableau indiquant le taux de croissance des moisissures selon le taux d'humidité. Il y a généralement peu de risques que des matières kératiniques soient attaquées par les moisissures. Cependant, le risque lié aux attaques de moisissures est de moyen à élevé dans le cas d’un bon nombre d’autres matières qui composent habituellement les objets sur lesquels sont fixées des matières kératiniques, comme les peaux, le cuir, les textiles, les fils et les ficelles en coton ainsi que les fibres végétales sur les ouvrages de vannerie. Lorsqu’il se produit des pannes d’électricité ou des défaillances d’équipement, la formation de moisissures est un risque pour les fourrures et les plumes qui sont entreposées dans des réserves froides. Il faut tenir compte de ce risque à long terme au moment d’évaluer la possibilité de recourir à des réserves froides (consulter Le soin des cuirs, des peaux et des fourrures – Fourrures : mise en réserve au froid ou en milieu anoxique qui présente un exemple d’évaluation de la mise en réserve au froid).

Recommandations

  • Mettre en œuvre des stratégies pour empêcher la pénétration d’eau ou d’humidité dans le musée et toute exposition à l’eau ou à l’humidité.
  • Mettre en œuvre des stratégies de régulation des conditions ambiantes de manière à éviter les taux d’HR élevés (65 % ou plus) ou les grandes fluctuations de l’humidité.
  • Envelopper ou recouvrir les objets sensibles mis en réserve avec des matériaux tampons, comme du coton ou du papier de soie sans acide, en prenant soin de ne pas créer de risques d’accrochage si l’objet comporte des piquants de porc-épic brisés et qui se soulèvent, ou d’autres éléments semblablement endommagés. Placer les objets enveloppés dans des contenants, comme des sacs de plastique de polyéthylène, des boîtes de plastique cannelé ou de carton, ou encore dans des armoires closes pour aider à ralentir et à atténuer les fluctuations de l’HR. Plus on ajoute de couches et de contenants clos, plus la protection des articles est efficace.
  • Dans le cas de la mise en réserve au froid (parfois envisagée pour prévenir les infestations, notamment dans le cas des objets en fourrure et en plumes), s’assurer que tous les objets sont placés dans des sacs ou des boîtes hermétiques et que des stratégies sont en place pour compenser rapidement lorsqu’il y a des pannes d’électricité ou des défaillances d’équipement qui pourraient entraîner une hausse du taux d’HR.

Exemples de pratiques de conservation préventive

Support et structure de protection pour une coiffe en plumes

Le support pour le rangement de la coiffe en plumes d’aigle (figure 32) est constitué d’un morceau de mousse de polyéthylène sculpté recouvert d’une matelassure en fibres de polyester et d’un tricot jersey en coton (figure 33). Une boîte de rangement faite d’une charpente en bois recouverte de feuilles de plastique permet de voir l’objet, tout en le protégeant de la poussière et du danger d’un accrochage accidentel pendant la mise en réserve.

La coiffe en plumes d’aigle sans aucun support, couchée sur le côté.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004409-0001
Figure 32. Une coiffe en plumes d’aigle sans aucun support, couchée sur le côté.

Support de rangement et boîte de protection contre la poussière pour une coiffe en plumes d’aigle.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004409-0002
Figure 33. Support de rangement et boîte de protection contre la poussière pour une coiffe en plumes d’aigle.

Protection d’une paire de mocassins ornés mise en réserve

Problème :
Une paire de mocassins (figure 34a) décorés de perles de verre, de broderie en piquants de porc‑épic et de franges garnies de tels piquants était exposée à des risques de dommages physiques et de pertes de petites pièces pendant la manipulation et les déplacements. Certains des petits éléments décoratifs étaient lâches ou endommagés (figures 34b, 34c et 34d).

Vue globale d’une paire de mocassins décorée des Indiens des Plaines.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 72913-0002
Figure 34a. Vue globale d’une paire de mocassins décorée des Indiens des Plaines. Cet objet appartient au Musée McCord (numéro d’acquisition : 12609.1-2).

Vue rapprochée d’un des mocassins, montrant des piquants de porc épic enroulés autour de franges, qui sont en partie lâches et manquants.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 72913-0005
Figure 34b. Vue rapprochée d’un des mocassins, montrant des piquants de porc‑épic enroulés autour de franges, qui sont en partie lâches et manquants.

Vue rapprochée d’un mocassin, montrant des dommages aux piquants de porc épic causés par une infestation d’insectes.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 72913-0004
Figure 34c. Vue rapprochée d’un mocassin, montrant des dommages aux piquants de porc‑épic causés par une infestation d’insectes.

Vue rapprochée d’un mocassin, montrant des dommages à la broderie en perles de verre autour du talon.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 72913-0003
Figure 34d. Vue rapprochée d’un mocassin, montrant des dommages à la broderie en perles de verre autour du talon.

Solution :
La consolidation des perles et des piquants de porc‑épic endommagés a fait partie du traitement exécuté à l’ICC. Les mocassins ont été mis en forme à l’aide de supports internes, installés sur une base matelassée et placés à l’intérieur d’une boîte de rangement ayant un couvercle à fenêtre (figure 34e). La boîte fournit une protection contre les forces physiques et toute perte accidentelle de petites pièces pendant la manipulation. Elle permet aussi de protéger les mocassins contre la poussière, l’eau et les souillures et, dans une certaine mesure, contre les variations subites de l’HR. La boîte a été fabriquée à l’aide de feuilles de plastique cannelé fixées au moyen de ruban sergé. Le couvercle est doté d’une fenêtre transparente faite en feuille de plastique (Mélinex) permettant d’identifier et de voir facilement le contenu.

Mocassins dans leur boîte de rangement.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 72913-0001
Figure 34e. Mocassins dans leur boîte de rangement.

Bibliographie

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National Park Service. Storage Mounts for Feathered Headdresses And Soft-Sided Hats and Caps (format PDF) (en anglais seulement), Conserv O Gram 5/2, Washington (D.C.), National Park Service, juillet 1993.

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Stone, T. Entretien des objets en ivoire, en os, en corne et en bois de cervidé, version révisée, Notes de l’ICC 6/1, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 1988.

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Storch, P. S. « Quills, Horn, Hair, Feathers, Claws, and Baleen », dans Caring for American Indian Objects (sous la direction de S. Ogden), St. Paul (Minnesota), Minnesota Historical Society Press, 2004, p. 119-125.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2018

Publié par :
Institut canadien de conservation
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No de catalogue : CH57-4/6-5-2018F-PDF
ISBN 978-0-660-27976-3

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