La méthode ABC pour appliquer la gestion des risques à la préservation des biens culturels

Ce manuel offre une compréhension globale de la gestion des risques appliquée à la préservation des biens culturels, qu’il s’agisse de collections, de bâtiments ou de sites. Il propose une méthode étape par étape et une variété d’outils pour aider le professionnel du patrimoine à appliquer la méthode ABC à son propre contexte. On peut appliquer la méthode à une vaste gamme de situations, de l’analyse d’un seul risque à l’appréciation exhaustive de tous les risques auquel est exposé un bien patrimonial.

[Version PDF, 3 Mo]

Table des matières

Aperçu

Introduction

Fondamentalement, ces expériences nous ont appris qu’il est possible de concilier le savoir scientifique, la prise de décisions rationnelle et les valeurs publiques si l’on s’efforce sérieusement de les intégrer. La transformation de l’arène du risque en un discours collaboratif sur le semble être un pas essentiel, voire inévitable, à l’amélioration des politiques en matière de risque et de la gestion des risques. [Traduction]

Renn,
« The challenge of Integrating Deliberation and Expertise », dans Risk Analysis and Society, McDaniels et Small (directeurs de publication), 2004. p. 339.

Ce qui nous afflige, ce n’est pas de rater des éléments très subtils exigeant un savoir spécialisé. Ce qui nous afflige, c’est de passer à côté des choses évidentes. [Traduction]

Dörner,
The Logic of Failure: Recognizing and Avoiding Error in Complex Situations, 1996, p. 5.

Bienvenue à la gestion des risques pour le patrimoine culturel

Bien-fondé de la méthode

Si vous vous êtes déjà demandé comment procéder lorsque vous devez prendre une décision urgente et difficile en matière de préservation, la présente méthode peut vous aider.

Si vous vous êtes déjà demandé comment trouver l’équilibre entre, d’une part, la préservation et, d’autre part, la durabilité, les ressources décroissantes, les exigences des utilisateurs et la nécessité de rendre des comptes au public, la présente méthode peut vous aider.

Enfin, si vous vous êtes déjà demandé comment présenter tout cela aux décideurs, de manière à la fois succincte et transparente, la présente méthode peut vous aider.

Notre but

En termes simples, notre but est d’assurer la préservation optimale de la valeur du bien culturel avec les ressources disponibles.

En termes techniques, notre but est d’apprécier les risques et les processus de détérioration qui menacent notre bien culturel, puis d’intervenir en vue de les réduire aussi efficacement que possible, au moyen des ressources à notre disposition.

Qu’est-ce qu’une décision axée sur le risque?

C’est un processus qui consiste à se servir d’appréciations des risques pour prendre une décision. Ainsi, de nombreuses décisions utiles en matière de préservation peuvent être prises grâce à des appréciations très ciblées d’un ou de deux risques. Si, par contre, on veut « gérer » les risques pour un bien culturel, il faut alors procéder à l’appréciation de la plupart, sinon de la totalité des risques.

Structure du manuel

Aperçu

La section Aperçu résume le « qui », le « quoi », le « pourquoi » et le « comment » de la méthode. Plusieurs exemples de son utilisation sont fournis. Cette section invite à la réflexion non seulement sur la gestion exhaustive des risques, mais aussi sur les décisions de petite envergure qui concernent la préservation du patrimoine.

Les cinq étapes

Le manuel s’articule autour des cinq étapes du cycle de gestion, à savoir :

  1. Établir le contexte
  2. Identifier les risques
  3. Analyser les risques
  4. Évaluer les risques
  5. Traiter les risques

Pour chacune des étapes, le manuel contient une section de tâches et une section d’explications.

Tâches

Pour chacune des cinq étapes, trois tâches ou plus sont décrites. À chaque tâche correspond une liste d’activités détaillées.

Qui peut utiliser ce manuel?

Toute personne responsable de la préservation du patrimoine

Ce manuel présente les concepts de la gestion des risques pour les biens patrimoniaux, comme les collections, les bâtiments et les sites, et propose une méthode étape par étape. Dès que vous commencerez à voir les décisions de préservation sous cet angle, vous serez en fait en train de « faire » de la gestion des risques pour le patrimoine.

Un processus participatif

La gestion des risques implique de nombreux intervenants, de l’extérieur comme de l’intérieur de l’organisation. Le présent manuel peut servir à informer tous ces intervenants.

Vous voulez seulement une vision globale?

Pour les curieux ou pour ceux qui vont participer à un projet de gestion des risques, nous vous invitons à lire la section Aperçu.

Première utilisation?

Ce manuel a été élaboré comme une ressource didactique de formation. La meilleure façon de l’utiliser est dans un contexte de mentorat ou de formation.
Toutefois, si vous essayez d’appliquer la méthode pour la première fois, sans avoir accès à un formateur, nous vous suggérons de commencer par lire le manuel au complet. Choisissez ensuite l’une des nombreuses personnes ayant suivi le cours de l’ICCROM intitulé « Réduire les risques pour les collections » (consultez le site Web de l’ICCROM pour voir la liste des participants). Les Canadiens peuvent s’adresser à l’ICC pour obtenir de l’aide, et les gens d’autres pays sont invités à contacter l’ICCROM.

Papier ou base de données?

Papier

La méthode peut être utilisée avec des formulaires papier. Des calculs et des graphiques seront nécessaires. Vous pourrez utiliser une calculatrice ou un tableur électronique, comme MicroSoft Excel® ou OpenOffice.

Base de données

L’outil le plus utile est la base de données de l’ICC sur la gestion du risque, qui a été élaborée expressément pour la méthode. Elle informatise tous les calculs nécessaires aux appréciations exhaustives des risques et à l’évaluation des options pour la réduction des risques. Elle produit des rapports fondés sur vos données et vos saisies de texte.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la base de données, communiquez avec l’ICC.

Origine du manuel

Institutions partenaires

Entre 2006 et 2012, l’ICCROM, l’Institut canadien de conservation (ICC) et l’Agence du patrimoine culturel des Pays-Bas (RCE, à l’époque, l’Institut du patrimoine culturel) ont collaboré pour « créer un changement d’attitude au sein de la communauté professionnelle internationale à propos de la conservation préventive et promouvoir une approche inspirée par la gestion des risques ». Cette collaboration a mené à des activités de recherche, de formation et de dissémination, et notamment à la création de ressources didactiques dont la coordination a été confiée à l’ICC.

Contexte de l’élaboration du manuel

Ce manuel a été conçu dans le cadre de cette collaboration. Depuis, le texte a été substantiellement remanié et complété, notamment grâce à l’expérience que l’ICC a acquise en appliquant la méthode ABC dans différentes institutions canadiennes et à celle de l’ICCROM dans des projets menés en Amérique latine, en Asie et en Europe.

Remerciements

Les six cours internationaux organisés dans le cadre de la collaboration ICCROM-ICC-RCE ont été coordonnés par l’ICCROM.

Le contenu a été mis au point et enseigné par du personnel de l’ICCROM (Catherine Antomarchi, José Luiz Pedersoli et Isabelle Verger) : de l’ICC (Stefan Michalski, Irene Karsten, Julie Stevenson, Jean Tétreault, Tom Strang et Paul Marcon); du RCE (Agnes Brokerhof, Bart Ankersmit et Frank Ligterink). Les premiers développements ont bénéficié des idées et de l’expertise de Robert Waller qui était, à l’époque, chef de la section de conservation du Musée canadien de la nature. Parmi les autres collaborateurs, mentionnons : Veerle Meul, alors employée au Monumentenwacht Vlaanderen, Belgique; Jonathan Ashley-Smith, Royaume-Uni. Nous remercions en particulier Vesna Živković, chef de la section de conservation préventive à l’Institut central de conservation à Belgrade, en Serbie, qui a développé le glossaire du cours et de nombreuses ressources et outils didactiques.

Enfin, nous remercions Catherine Antomarchi pour son examen attentif et les nombreuses améliorations apportées aux versions anglaise et française.

Auteurs

L’auteur principal de ce manuel est Stefan Michalski de l’ICC (stefan.michalski@canada.ca). Le coauteur est José Luiz Pedersoli Jr pour l’ICCROM.

Exemples de prise de décision axée sur le risque

Introduction

Les exemples qui suivent montrent la variété des décisions axées sur le risque, de petites à grandes. Certains proviennent des dossiers étudiés par les participants au cours « Réduire les risques pour les collections » de l’ICCROM-ICC-RCE. Les autres découlent d’une réflexion sur la façon dont des décisions courantes en matière de préservation peuvent être prises à partir d’une approche axée sur le risque. Nous espérons que ces exemples amèneront les utilisateurs à adopter cette approche pour prendre un bon nombre de décisions en matière de préservation, pas nécessairement en suivant à la lettre la méthode énoncée dans le manuel, mais, au moins, en s’inspirant des idées fondamentales.

Décisions au sujet d’un seul risque

Documents conservés dans de « mauvaises » boîtes

Les employés des archives d’un petit musée n’ignorent pas que, selon des lignes directrices sur les « pratiques exemplaires », toutes les boîtes de carton ordinaires devraient être remplacées par des boîtes « de qualité archives ». Étant donné le coût des boîtes en question et le travail que supposerait une telle mesure, les employés se demandent : Quel risque réduirions-nous en remplaçant les boîtes?

Une analyse des risques, axée sur les données les plus récentes, a conclu que le risque sera le brunissement des feuilles de papier qui sont en contact direct avec la boîte. Cela veut dire deux feuilles sur les 200 à 400 feuilles contenues dans chaque boîte. Il est estimé que le brunissement maximal prendra au moins plusieurs décennies. L’archiviste estime que la perte de valeur attribuable au brunissement maximal des deux feuilles est très faible, étant donné qu’aucune information n’est compromise.

Lorsque le risque est analysé et quantifié, on constate que sa magnitude est négligeable.

Fluctuations du taux d’humidité pour une collection permanente de meubles

Un petit musée abrite une collection permanente de meubles depuis au moins 30 ans. Le directeur envisage d’améliorer le système de régulation des conditions ambiantes, étant donné qu’une telle mesure est toujours considérée comme souhaitable pour les meubles, mais il n’ignore pas qu’un système « de qualité muséale » suppose de grandes dépenses en capital en ce qui concerne le matériel et l’entretien ainsi qu’une hausse des frais énergétiques. La municipalité privilégie la durabilité dans la prise de décisions relatives à tout octroi de fonds.

Un examen visuel minutieux des meubles du musée datant du XIXe siècle ne révèle pas de dommages susceptibles d’être attribués aux fluctuations du taux d’humidité au cours des dernières décennies. (Par contre, on constate des dommages matériels attribuables aux déménagements effectués au cours des deux dernières décennies, ainsi que des éraflures faites par les visiteurs.)

L’analyse du risque, axée sur les connaissances locales et appuyée par les théories actuelles, conclut que, si l’immeuble n’est pas modifié, le risque posé par les fluctuations du taux d’humidité relative est très faible. En revanche, l’installation d’un système de conditionnement d’air créera de nouveaux risques, dus aux inévitables pannes mécaniques.

Décisions découlant de la comparaison de deux options

Spécifications de contrôle du climat pour une collection diversifiée

Situé dans une zone au climat continental tempéré, un musée abritant une collection historique diversifiée, constituée essentiellement de meubles et de peintures à l’huile, étudie deux propositions de système de contrôle climatique pour ses nouvelles installations :

  1. un système peu coûteux prévoyant des fluctuations modérées, des ajustements saisonniers et aucune déshumidification véritable pendant l’été;
  2. un système plus coûteux, plus énergivore et moins facile à réparer, mais prévoyant un mécanisme de déshumidification véritable pendant l’été.

Les deux systèmes prévoient un mécanisme d’humidification en hiver. Le service de la conservation est invité à faire un rapport sur les conséquences des fluctuations du taux d’humidité relative et de la température sur la collection.

Les fluctuations du taux d’humidité relative et de la température peuvent causer des craquelures aux meubles et aux peintures. L’appréciation considère le risque découlant des fluctuations quotidiennes, celui dû aux ajustements saisonniers et celui d’une panne totale du système pendant l’hiver ou l’été. Bien que les analyses aient comporté un degré considérable d’incertitude, l’appréciation des risques révèle que, globalement, le risque le plus important associé à l’un ou l’autre des systèmes, quand on se projette dans l’avenir, est la possibilité d’une panne du mécanisme d’humidification en hiver. Le système le plus simple prévoit des délais de réparation de l’humidificateur beaucoup plus courts, car le musée pourra faire appel aux entreprises d’entretien locales, tandis qu’avec l’autre système, il faudra recourir à des experts-conseils de l’extérieur de la ville.

De plus, au cours de l’analyse, il est clairement apparu que le risque le plus grand pourrait être réduit considérablement en concevant un système équipé de deux humidificateurs au lieu d’un seul, chacun pouvant fournir un rendement moyen si l’autre tombait en panne. Cette idée a été proposée comme la meilleure solution pour améliorer le système le plus simple.

Décisions découlant de la comparaison de plusieurs risques

Décisions pour le contrôle du climat pour des collections diversifiées

Un musée souhaite « améliorer » son système de contrôle climatique. Une appréciation des risques est effectuée en considérant les conditions ambiantes actuelles. La question d’une « humidité relative (HR) incorrecte » est un problème complexe, avec quatre types d’HR incorrects. Chacun de ces types d’HR provoque différentes formes de dommages. par exemple une humidité relative élevée entraîne des moisissures qui causent la décomposition et créent des taches localisées, surtout sur les matériaux organiques flexibles, comme les textiles, le papier et le cuir. Les fluctuations du taux d’HR, en revanche, entraînent des fractures pour des éléments rigides, comme les meubles et les peintures à l’huile. Une augmentation de l’HR au-dessus de 0 % entraîne une détérioration chimique croissante des documents d’archives et une corrosion croissante des métaux.

Le musée a découvert que les risques n’avaient pas la priorité qu’il croyait. Le risque d’une détérioration supplémentaire des meubles en raison des fluctuations continues est faible. Le risque d’une détérioration chimique rapide d’une partie des archives photographiques dans les conditions ambiantes actuelles est élevé. La possibilité d’une infestation de moisissure dans les archives est également élevée, étant donné la probabilité de petites inondations dans les installations actuelles et l’absence totale de ressources ou de planification pour nettoyer les dégâts rapidement, le cas échéant.

Décisions axées sur la comparaison des risques pour un bien composé d’immeubles et de collections

Musée hébergé dans une maison historique

Un musée est établi dans une maison historique; la collection et la maison forment un ensemble (centré sur un personnage historique national). Il y a des pressions pour améliorer le confort des visiteurs à l’intérieur du musée, de sorte qu’un système de contrôle climatique global est proposé (« amélioration »).

Une comparaison des risques entre les deux options (maintenir la situation actuelle ou installer le système de contrôle climatique) montre que les risques pour l’ensemble du bien augmenteront considérablement avec les « améliorations » proposées. En effet, si la tendance relevée au cours des 30 dernières années se maintient, le risque de détérioration prévue de la collection en raison des fluctuations du taux d’humidité relative et de la température est faible. En revanche, le risque de dommages que l’aménagement du système de climatisation provoquerait pour le bâtiment est élevé, et ce, pour deux aspects distincts :

  1. un endommagement immédiat de la structure du bâtiment à cause de l’installation du système, qui entraînera une perte infinie d’authenticité historique pour les visiteurs;
  2. des moisissures et un endommagement de la structure des murs au cours des 10 à 30 prochaines années, en raison de l’augmentation de l’humidité.

Il existe aussi un risque pour la santé publique et il faudra probablement fermer le musée, si les moisissures s’avèrent dangereuses pour les occupants. (Dans un climat chaud, la condensation causée par l’utilisation du climatiseur pendant l’été poserait un problème équivalent.)

On pourra objecter que les visiteurs continueront de se plaindre et qu’ils pourraient demander le remboursement des droits d’entrée. Un examen plus poussé des plaintes montre que le problème est l’inconfort des lieux pendant l’été et qu’il est aggravé par la politique consistant à garder les fenêtres fermées pour des raisons de sécurité. L’analyse des risques de vol permet de clarifier que, bien que les fenêtres fermées permettent de réduire le risque durant les heures de fermeture, elles ne peuvent pas le réduire durant les heures d’ouverture. En conclusion, le musée a décidé de faire l’expérience de la ventilation naturelle, dans les étages supérieurs, renforcée par ventilateurs dans certaines pièces et de demander aux experts-conseils en génie d’envisager d’autres options pour le contrôle climatique, écologiques et peu énergivores.

Décisions axées sur une appréciation exhaustive des risques

Planification des dix prochaines années dans un village historique : appréciation

Une municipalité demande à son écomusée de produire un plan à long terme comportant les budgets annuels. Le musée décide d’inclure, dans le processus de planification, une appréciation exhaustive des risques pour les collections et les bâtiments.

Contrairement à l’exemple précédent, qui établissait des comparaisons entre des risques prédéterminés, le musée tient à identifier tous les risques possibles, y compris des risques inhabituels, comme celui de l’écrasement d’un avion (il est près d’un aéroport important).

La démarche a fait ressortir un risque inattendu à savoir celui lié à la retraite imminente (et le décès attendu dans les 20 ans) d’un employé en particulier. Cet employé est la seule personne qui sait tout au sujet des bâtiments historiques qui ont été amenés sur le site au cours des 30 dernières années. Il n’a jamais eu le temps ni l’initiative de noter toutes ces informations. Si l’information n’est pas relevée avant son départ, une grande partie de la valeur des bâtiments sera perdue ou, à tout le moins, coûteuse à récupérer.

Planification des dix prochaines années dans l’écomusée

L’écomusée a été invité à établir un plan. Après avoir reçu le rapport d’appréciation exhaustive, les responsables ont commencé à envisager des options en vue de la réduction des risques les plus importants et inacceptables. Ils ont envisagé également des options qui peuvent réduire plusieurs risques en même temps. C’est cela que l’on appelle mener une démarche de gestion exhaustive des risques.

Gestion intégrée des risques

Planification des dix prochaines années dans l’écomusée : intégration

Le directeur réalise que l’organisation doit élaborer des plans de gestion de risques non seulement pour préserver le site et tous ses biens patrimoniaux, mais aussi pour respecter le nouveau code de sécurité incendie, assurer la sécurité du public et les problèmes de responsabilité, examiner le plan d’urgence et intégrer tout cela avec les contrats d’assurance du musée.

Le directeur doit composer avec toute une série de documents de planification sans lien les uns avec les autres et aussi avec différents services de l’administration municipale qui ne sont pas forcément liés. Il commence à rédiger le plan directeur du musée pour les dix prochaines années. Il trace un diagramme illustrant tous les programmes de gestion des risques déjà en place, à des fins de responsabilité, etc., et ceux qui sont maintenant envisagés en ce qui concerne les risques pour le bien patrimonial proprement dit. Au cours de réunions avec des cadres supérieurs et le conseiller en assurance, l’organisation commence à voir comment ces différents plans de gestion des risques s’intègrent les uns aux autres et où ils doivent être mieux coordonnés.

Méthodes décisionnelles axées sur le risque

Définir et mesurer le risque

Qu’est-ce qu’un risque?

En termes courants, le risque est « la possibilité de perte » (dictionnaire en ligne Merriam-Webster). L’ISO a récemment défini le risque comme étant « l’effet de l’incertitude sur les objectifs » [ISO 31000 (2009)/Guide ISO 73:2002]. Aux États-Unis, la Society of Risk Analysis a renoncé à établir une définition courte et universelle et adopté six variantes de définition, en fonction des besoins de diverses industries. Sa première définition, toutefois, se lit ainsi : « Le risque est la possibilité d’un incident fâcheux » (Society for Risk Analysis, 2015a). Pour cette méthode ABC, nous adopterons la définition suivante : « Le risque est possibilité de perte de valeur d’un bien patrimonial ».

Comment mesurer le risque

Les mesures sont les outils qui servent à déterminer si un risque est plus grand ou plus petit qu’un autre. Dans sa liste de mesures du risque utilisées dans divers domaines, la Society for Risk Analysis (2015a) énonce comme première mesure: « La combinaison de la probabilité et de la magnitude/gravité des conséquences. » Voir à la figure 1 le diagramme de ces combinaisons.

Pour les biens patrimoniaux, le risque signifie « la perte de valeur fractionnelle attendue du bien par unité de temps », par exemple la perte de valeur en pourcentage par siècle. Dans le cadre de la méthode ABC, le risque s’exprime selon une échelle logarithmique à 15 points (semblable à l’échelle de magnitude des séismes) et les mesures effectuées au moyen de cette échelle correspondent à « la magnitude du risque », ou MR.

Mise en parallèle des événements et des processus cumulatifs

Si les exemples de risque se rapportent le plus souvent à des événements rares, la notion de risque inclut aussi des événements fréquents et même des processus cumulatifs. Comme les autres risques, les processus cumulatifs se mesurent en fonction de la conséquence, c’est-à-dire de la perte de valeur, mais il faut choisir un stade particulier de détérioration ou un moment précis dans l’avenir pour apprécier une combinaison de la conséquence et du temps mis à y arriver. Ainsi, un processus cumulatif rapide est comparable à un événement fréquent, alors qu’un processus lent sera comparable à un événement rare.

Quand le risque et la détérioration sont intangibles

Il est facile de se laisser aller à penser que le risque et la détérioration ne servent qu’à mesurer des phénomènes tangibles, par exemple l’érosion graduelle d’un mur ou la possibilité que le mur s’effondre durant un séisme, mais dans le domaine du patrimoine comme dans celui de la santé publique, les phénomènes tangibles ne donnent que la moitié de l’analyse. Les conséquences dépendent de phénomènes intangibles, comme la perte de valeur.

Représentation graphique de la carte des risques

Le diagramme standard pour comparer les risques

Dans tous les domaines de l’appréciation des risques, la représentation graphique de la figure 1, utilisée pour comparer les risques, comporte deux axes. Un axe mesure la gravité de l’événement; on l’appelle souvent « conséquence » ou « impact ». Dans le cadre de la méthode ABC, on l’appelle « perte de valeur ». L’autre axe mesure la « vraisemblance » ou la « probabilité » de l’événement. Dans la méthode ABC, on l’appelle « fréquence » pour les événements et « taux » pour les processus cumulatifs.

Figure 1 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0002
Figure 1. Diagramme de comparaison de la perte de valeur par rapport à la fréquence ou au taux.

Description de la Figure 1.

Le diagramme comporte trois axes en forme d’étoiles représentant les risques. La taille de ces étoiles augmente lorsqu’on se déplace du coin inférieur gauche vers le coin supérieur droit.

Notes techniques concernant le diagramme des risques

Pour l’appréciation semi-quantitative des risques, ce diagramme se présente souvent comme un simple tableau à trois rangées et à trois colonnes, intitulées faible, moyen et élevé. Le coin supérieur droit (élevé + élevé) et le coin inférieur gauche (faible + faible) ne comportent pas d’ambiguïtés, puisqu’ils correspondent respectivement aux risques les plus importants et les plus faibles, mais il n’est pas aussi évident d’établir la « taille » des combinaisons qui se situent entre ces deux coins. C’est cela le but de l’analyse plus précise des risques comme celle que permet la méthode ABC.

Les lignes diagonales de diverses couleurs qui lient les risques de taille égale ne seront droites que si les axes x et y sont d’ordre géométrique ou logarithmique, par exemple 1, 5, 25, ou 1, 10, 100, plutôt que d’ordre linéaire, par exemple 1, 2, 3. Dans la plupart des domaines, ce type de diagramme de base des risques suppose d’importants sauts multiplicatifs d’un échelon à l’autre, et pas uniquement des augmentations uniformes.

Cycle de gestion des risques

Un cycle

Ce manuel s’articule autour d’un cycle de gestion des risques que nous avons d’abord trouvé dans la norme de gestion des risques de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (AS/NZS 4360:2004), et qui fait maintenant partie de la norme ISO 31000:2009, Management du risque. Le processus comporte cinq étapes successives et deux étapes permanentes, illustrées à la figure 2.

Figure 2 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0022
Figure 2. Cycle de gestion des risques et de la détérioration.

Description de la Figure 2.

La flèche rouge au trait épais, en forme de circuit de course, passe par chacune des cinq étapes, puis retourne au début du cycle. Étapes : Établir le contexte; Identifier; Analyser; Évaluer et Traiter (les causes). Activités en cours : Communiquer et consulter; Suivre et examiner.

Un point de départ

Toutes les méthodes de gestion des risques soulignent la nature cyclique de la gestion, mais elles doivent quand même avoir un point de départ. La première étape consiste à établir le contexte – particulièrement le cadre de l’appréciation initiale et ses objectifs pour l’organisation.

Appréciation : le processus de base

Les trois étapes centrales (identifier, analyser et évaluer) sont au cœur du processus. Ensemble, elles correspondent à l’appréciation des risques.

Traiter les causes, pas les effets

Normalement, dans le domaine de la conservation, nous considérons les mots « traiter/traitement » comme s’appliquant directement aux éléments patrimoniaux. Ici, il est question des risques, de leurs causes, et de leur réduction (par exemple traiter les causes).

Bonne gestion

Nous pouvons considérer les deux étapes permanentes (communiquer et consulter, suivre et examiner) comme communes à toute bonne gestion, particulièrement pour les personnes travaillant dans le domaine public. Ce manuel s’articule autour des cinq étapes successives qui sont propres à la gestion des risques :

  1. Établir le contexte
  2. Identifier
  3. Analyser
  4. Évaluer
  5. Traiter (causes)

Analyse d’un seul risque

Qu’est-ce qu’une analyse?

L’analyse est l’étape fondamentale faisant partie de toute méthode axée sur le risque. C’est la quantification des risques. Il s’agit de l’élément le plus technique du processus, mais il n’est pas uniquement scientifique. Le présent manuel privilégie le bon sens, une bonne énonciation des questions qui se posent et la capacité de savoir où chercher les réponses techniques.

Qu’est-ce que l’analyse d’un seul risque?

L’analyse d’un seul risque consiste à répondre à une question comme : « Quel risque découle de l’utilisation de boîtes inadéquates pour ranger les archives papier? » ou « Quel risque de vol posent les serrures de piètre qualité sur la porte? » ou « Quel risque pose l’altération atmosphérique pour la façade d’un bâtiment historique ou pour l’œuvre d’art rupestre d’un site archéologique? »

Utilisation du manuel pour l’analyse d’un seul risque

L’analyse d’un risque part du principe que vous connaissez déjà le contexte de la question que vous vous posez et que vous avez déjà identifié le risque, par exemple les boîtes inadéquates où sont conservées les archives papier entraîneront le brunissement et la fragilisation du contenu après un certain laps de temps.

Dans ce cas, vous devriez passer directement à l’étape 3 du manuel : Analyser les risques. Cependant, même dans le cas d’un seul risque, vous pourriez conclure que le risque doit être subdivisé en plusieurs éléments pour bien l’analyser.

Appréciation de risques du même genre

Qu’est-ce qu’une appréciation?

L’appréciation des risques est le processus institutionnel de base. Il inclut une étape avant l’analyse (identifier les risques) et une étape après l’analyse (évaluer les risques). Quant au cycle de gestion des risques, l’appréciation correspond aux étapes 2 à 4 :

  1. Identifier
  2. Analyser
  3. Évaluer
Qu’est-ce que l’appréciation de risques du même genre?

par exemple une appréciation du risque dû à l’éclairage pour une collection devrait considérer de nombreuses situations spécifiques – différentes parties de la collection dans différentes salles.

Comme vous le constaterez lorsque vous aurez acquis plus de pratique en matière d’analyses des risques, une appréciation de risques du même genre présente l’avantage de pouvoir adopter le même critère de dommage pour tous les risques considérés.

par exemple pour une appréciation des risques relatifs à la lumière, on pourra adopter le critère suivant : « détérioration à peine perceptible n’importe où sur chaque élément de la collection ». Quant aux risques de perte de détails sculptés sur de nombreuses sculptures en pierre dans différents parties du site, on pourrait adopter le critère de dommage « la perte totale de marques d’outils encore présentes». Dans les deux exemples, chaque risque diffère d’une situation à une autre seulement pour ce qui est du temps mis à atteindre le critère.

Utilisation du manuel pour l’appréciation des risques du même genre

Vous devrez appliquer les quatre premières étapes du cycle de gestion des risques :

  1. Établir le contexte
  2. Identifier
  3. Analyser
  4. Évaluer

Appréciation comparative des risques

Qu’est-ce que c’est?

Selon BusinessDictionary.com, il s’agit de la « comparaison de deux risques ou plus à l’aide d’une échelle commune ».

Bien que le mot « comparatif » puisse s’appliquer lorsque les risques mesurés sont du même genre, par exemple lorsqu’on compare le risque de détérioration atmosphérique dans une partie d’un site avec celui dans une autre partie de ce site, nous utilisons l’expression « appréciation comparative des risques », telle qu'elle a été définie à l’origine, pour la comparaison de types de risques très différents, par exemple la comparaison de risques dus aux radiations, à la pollution, aux accidents automobiles. (Kates et Kasperson, 1983) Ainsi, lorsque nous comparons les risques posés par les séismes, les vols, les actes de vandalisme et la pollution, entre autres, afin de déterminer la meilleure manière de préserver le bien patrimonial, nous procédons à une appréciation comparative des risques.

La difficulté de l’appréciation comparative des risques

Pour comparer des risques très différents, qui causent différents types de dommages, il faut adopter une échelle commune et convertir les dommages prévus en perte de valeur prévue. Voilà la difficulté de l’appréciation comparative des risques, et, en même temps, son essence. C’est ce qui fait le lien entre la science des matériaux et les valeurs culturelles. La conversion est décrite à l’étape Analyse.

Découvrir la faible magnitude de certains risques

L’appréciation comparative des risques a pour objectif principal de faire ressortir les risques qui sont grandement exagérés. Il s’agit de risques « importants aux yeux de tous », mais dont en fait on n’arrive pas à prouver le bien-fondé dans le cadre d’une appréciation comparative des risques. Citons, à titre d’exemple, l’idée que l’acidité des boîtes de carton ordinaires peut endommager gravement tous les éléments qu’elles contiennent ou encore l’idée que la détérioration due à des fluctuations du taux d’humidité identiques à celles recensées au cours des 30 dernières années pourra causer de nouveaux dommages considérables. L’exagération de tels risques est due à deux facteurs : le manque de mises en perspective dans la plupart des lignes directrices pour la préservation et aussi la facilité avec laquelle on peut trouver des solutions – dans les exemples qu’on vient de donner, l’achat de boîtes sans acide et l’achat d’un système de contrôle du climat CVCA. Le fait que de telles solutions puissent être extrêmement coûteuses pour un risque négligeable ou le fait que l’organisation doive peut-être faire face à des risques autrement plus importants avec des solutions moins coûteuses ne sont jamais appréciés.

Utilisation du manuel pour l’appréciation comparative des risques

On appliquera les quatre mêmes étapes que pour l’appréciation des risques du même genre :

  1. Établir le contexte
  2. Identifier
  3. Analyser
  4. Évaluer

Une appréciation comparative des risques n’est pas nécessairement exhaustive (voir la sous-section qui suit). De nombreuses raisons justifient qu’on limite l’identification des risques à une liste de contrôle spécifique, plutôt qu’à une liste de contrôle exhaustive. par exemple quelqu’un peut être appelé à apprécier uniquement les risques qui relèvent de la responsabilité traditionnelle du service de conservation ou uniquement les risques se rapportant à une décision de conception architecturale, comme le choix de systèmes de contrôle du climat, ou encore uniquement les (nombreux) risques dus aux visiteurs sur un site.

Appréciation exhaustive des risques

Qu’est-ce que c’est?

« L’objectif d’une appréciation exhaustive des risques est de veiller à ce que toutes les données pertinentes, qualitatives comme quantitatives, soient enregistrées, évaluées et présentées d’une façon que les décideurs puissent les comprendre. » [Traduction] Tardiff et Rodricks, 1988.

Les termes « exhaustif » et « pertinent » sont relatifs; ils dépendent des buts de l’appréciation. Dans le présent manuel, « exhaustive » renvoie au but qui consiste à réduire toutes les formes de perte du bien patrimonial, quelles qu’en soient les causes.

Pourquoi une appréciation exhaustive des risques?

Pour atteindre l’objectif consistant à réduire toutes les formes de perte de valeur du bien patrimonial, nous devons gérer tous les risques et processus de détérioration. Nous devons être exhaustifs au moment d’identifier les risques. Nous devons tout mettre en œuvre pour analyser et évaluer ces risques malgré de nombreuses incertitudes. Après quoi, nous devons concentrer notre attention sur le traitement des plus grands risques.

Découvrir les grands risques inconnus

L’appréciation exhaustive des risques aura rempli sa mission si elle permet de découvrir des risques importants qui n’étaient pas pris en compte. Les risques de ce genre ont tendance à ne pas être pris en compte parce qu’ils sont en dehors de la sphère de responsabilité traditionnelle. Parmi les exemples courants, mentionnons le vol à l’interne, la perte de mémoire institutionnelle (départ à la retraite), les risques d’infestation attribuables à la négligence du personnel, etc.

Comment être exhaustif

Le processus de gestion des risques offre deux types d’outils pour faciliter l’identification exhaustive des risques : des listes de contrôle et des cadres conceptuels. Les descriptions figurent à l’étape Identification.

Utilisation du manuel pour une appréciation exhaustive des risques

On appliquera les quatre étapes :

  1. Établir le contexte
  2. Identifier
  3. Analyser
  4. Évaluer

Dans l’appréciation exhaustive des risques, il faut utiliser les outils de l’étape de l’identification pour explorer le plus largement possible tous les risques, même ceux qui se trouvent à l’extérieur de notre « zone de confort ».

L’étape de la communication et de la consultation devient essentielle dans l’appréciation exhaustive des risques parce que l’évaluateur devra nécessairement sortir de son champ de compétence technique et, souvent, de son champ de responsabilités. C’est un processus qui concerne toute l’institution, et il repose sur toute l’information qu’il est possible d’obtenir auprès du plus grand nombre de sources.

Gestion exhaustive des risques

Qu’est-ce que c’est?

La gestion exhaustive des risques est l’établissement d’un lien entre l’appréciation exhaustive des risques et le plan de traitement des risques. C’est la concrétisation de tout le cycle de gestion de la figure 1.

Utilisation du manuel pour la gestion exhaustive des risques

On appliquera les mêmes étapes que pour l’appréciation exhaustive des risques, avec l’ajout de l’étape Traitement.

  1. Établir le contexte
  2. Relever
  3. Analyser
  4. Évaluer
  5. Traiter (causes)

Gestion intégrée des risques

Qu’est-ce que la gestion intégrée des risques?

Plusieurs systèmes de gestion des risques sont déjà en vigueur dans les organisations : la planification des mesures d’urgence, la gestion des risques pour le public, l’assurance-responsabilité, la gestion de la sécurité incendie et de la sécurité, la gestion des collections, les plans de reprise des activités, etc. La gestion intégrée des risques est la coordination efficace de tous ces systèmes pour répondre aux objectifs de l’institution.

Systèmes élargis de gestion des risques

Pour les cadres supérieurs, la gestion des risques signifie déjà le cadre et les processus en place pour aborder les risques qui se posent à l’organisation : plans de reprise des activités, sécurité du public, etc. Même pour les organisations de plus petite taille, la gestion des risques représente déjà l’approche adoptée à l’égard des assurances et de diverses formes de responsabilité.

La gestion du risque patrimonial sera intégrée aux systèmes de gestion des risques de l’organisation, lesquels englobent ses obligations juridiques et financières et ses obligations en matière de gouvernance. La gestion des incendies, par exemple est avant tout une question de protection des vies humaines et repose sur des codes juridiques. La gestion des risques en matière d’incendie pour les biens patrimoniaux vient après la sécurité des personnes, par exemple il n’est peut-être pas nécessaire pour sauver des vies de doter de gicleurs des immeubles publics à un étage dont l’accès est facile, mais ils peuvent sauver l’immeuble.

À l’échelle planétaire, le plus large de tous les systèmes, la gestion des risques a entraîné l’adoption de la durabilité en tant que critère primordial pour tous les systèmes secondaires contributifs.

Intégration horizontale et verticale

Il existe une hiérarchie des systèmes de gestion des risques parce qu’il existe une hiérarchie à l’intérieur des organisations et entre les organisations. Chaque niveau a ses propres objectifs, responsabilités et sphères d’intervention. À chaque niveau, comme dans notre cas, au niveau de la gestion du patrimoine culturel, le manuel indique qu’il faut gérer tous les risques qui concernent nos objectifs (et responsabilités) de manière exhaustive. C’est un type d’intégration : l’intégration horizontale.

Par ailleurs, les risques attribuables à des dangers qui existent depuis toujours comme le feu, la criminalité, les infestations et les dangers naturels ou ceux qui incombent à une fonction particulière de l’immeuble, comme le contrôle du climat, relèvent de bureaux, de spécialistes et de responsables bien définis. L’intégration, horizontale ou verticale, de ces éléments les uns aux autres n’est jamais facile. Elle peut prendre la forme d’échanges d’information sans caractère officiel ou de liens officiels, et peut même mener à la restructuration de l’organisation.

Tout le monde le fait

L’adoption d’une approche de gestion du risque pour le patrimoine culturel a notamment pour avantage le fait que, de plus en plus, tous les niveaux supérieurs (particulièrement au sein des pouvoirs publics) adoptent le cadre conceptuel de gestion des risques. Ainsi, la communication sera plus facile et la crédibilité ira de soi.

Idées de base pour un processus décisionnel axé sur le risque

Repenser la gestion des risques de catastrophe et les mesures d’urgence

La perception désuète et restreinte des risques pour le patrimoine

Dans les organisations, comme dans la vie de tous les jours, nous avons tendance à penser au risque en termes d’incendies, d’inondations, de tremblements de terre, de conflits armés, etc. On ne peut pas planifier la prévention de ce genre d’événements; on ne peut que planifier des mesures pour réduire les pertes pendant et après. Il s’agit d’un seul type de risque – rare et catastrophique – et d’un seul type de traitement des risques – les mesures d’urgence.

La vision nouvelle et élargie des risques pour le patrimoine

Prenons un exemple du domaine de la santé : les risques associés à la fumée de cigarette. Par risques on entend tout un éventail de processus, de la détérioration cumulative de la capacité pulmonaire qui commence dès le premier jour où l’on inhale du goudron jusqu’à l’effet croissant des substances cancérigènes qui amènent le corps humain à se détériorer rapidement. Pourtant, lorsque nous pensons aux risques pour la santé, nous songeons, certes, au risque de la fumée de cigarette, mais aussi aux risques causés par les tremblements de terre, les voitures si l’on traverse une rue à pied, les radiations ultraviolettes, etc. De la même façon que nous essayons de composer avec tous ces risques différents, nous devons faire de même avec tous les risques pour notre patrimoine.

Intégration du rare avec tout le reste

Dans le domaine du patrimoine, le professionnel qui est responsable des mesures d’urgence est celui-là même qui lancera une démarche de gestion des risques pour le patrimoine… vous. Pour vous, l’intégration ne vise pas des responsabilités ou des autorités distinctes; il s’agit de lier des concepts et des méthodes de planification qui visent le même objectif : la préservation du bien patrimonial. La planification de mesures d’urgence pour les biens patrimoniaux comprendra toujours des aspects spécifiques en termes de technique et d’expertise – les catastrophes entraînent des problèmes d’échelle et d’urgence bien distincts –, mais il ne s’agit que d’un groupe particulier de risques parmi tous les risques que court le bien. Le tri et la rédaction de guides de sauvetage des collections endommagées par l’eau font appel aux mêmes connaissances et aux mêmes spécialistes que la gestion des risques dus à des événements de petite envergure.

Du point de vue de la planification et de la gestion, il est recommandé d’intégrer la préparation aux situations d’urgence dans un système de gestion exhaustive des risques pour le bien patrimonial. À l’issue de la démarche, et à la lumière d’un seul objectif mesurable, il ne serait pas étonnant qu’il faille revoir la distribution des ressources entre celles affectées aux risques « courants », comme le contrôle du climat, et celles affectées à l’atténuation du risque d’inondations.

Intégration des collections avec les sites et à la lumière d’un seul objectif quantifiable

Approches intégrées

Les professionnels spécialisés des sites et immeubles patrimoniaux ont élaboré leurs propres méthodes et terminologies pour la gestion des risques. La plupart sont fondées sur des mesures d’urgence, ce qu’on appelle aussi « plan de prévention des sinistres ». Le présent manuel ne vise pas à remplacer les méthodes en question, pas plus qu’il ne prétend présenter une introduction substantielle de ces approches.

Les professionnels des sites et immeubles patrimoniaux ont également élaboré des méthodes pour l’estimation ou le classement de la valeur relative et ont rencontré les mêmes dilemmes et problèmes que ceux qui essaient ce genre de démarche.

Même si la méthode ABC a été conçue dans l’optique des collections, nous y avons incorporé des idées et des méthodes empruntées à bien des secteurs de la gestion des risques, y compris le secteur des sites et bâtiments.

Il faut espérer que les deux domaines du patrimoine mobilier et du patrimoine immobilier, qui chacun de leur côté continuent de chercher des méthodologies pratiques et efficaces pour des prises de décisions éclairées, puissent continuer à échanger notions et concepts, et peut-être, commencer à établir des méthodes cohérentes et intégrées.

L’exemple du musée hébergé dans une maison historique

Il existe un dilemme classique de la gestion des risques pour le patrimoine qui intègre déjà les collections et les bâtiments : le contrôle du climat pour une collection hébergée dans une maison historique. L’humidification dans les climats froids et la climatisation dans les climats chauds entraînent de la condensation sur les murs, puis des moisissures, et la détérioration de l’immeuble. Le tout peut se solder par des problèmes de santé pour le personnel, des risques pour la santé publique et des poursuites.

Il existe beaucoup d’études sur le problème, bien qu’elles ne s’insèrent pas, sinon depuis peu, dans le contexte de la gestion des risques, et de nombreuses rénovations effectuées dans des musées ont été confrontées à ce dilemme.

Dans une série novatrice de réunions parrainées par des organisations de conservation de collections (American Institute for Conservation) et de conservation de bâtiments (Association internationale pour la préservation et ses techniques) dans les années 1990, des lignes directrices déontologiques ont été élaborées pour la prise de décisions dans de telles situations; il s’agit de la New Orleans Charter for Joint Preservation of Historic Structures and Artifacts (Stovel et Taylor, 1996). En fait, cette charte ne fait qu’énoncer que les décideurs doivent prendre en considération la collection et l’immeuble, et trouver un compromis pour la préservation des deux. Mais elle n’offre pas de méthode pour ce faire. L’appréciation des risques est une méthode adéquate.

Incertitude et anxiété

L’anxiété causée par toute cette incertitude

L’incertitude inhérente à la méthode génère des moments d’anxiété pour tous ceux qui l’utilisent. L’incertitude est présente dans bien des aspects de la gestion des risques, non seulement l’incertitude de ne pas savoir exactement quand les événements aléatoires se produiront, mais aussi celle concernant le contexte futur, le taux des processus cumulatifs, les éléments touchés, les jugements de valeur, etc.

Cette anxiété est attribuable, en partie, à la nouveauté de la méthode dans notre domaine, et elle diminuera au fur et à mesure que nous serons plus nombreux à mettre en commun nos expériences et à mesure que les spécialistes de la préservation s’adapteront à cette approche.

Les spécialistes du risque dans d’autres domaines ont élaboré de nombreuses techniques pour composer avec l’incertitude. Certaines ont été adaptées et sont utilisées dans ce manuel.

À un moment donné, vous vous demanderez aussi si consacrer encore plus de temps à la collecte d’information ou attendre que les spécialistes apportent de meilleures réponses vous permettra vraiment de faire une bien meilleure analyse et de prendre une bien meilleure décision. C’est le problème de la « rationalité limitée »; autrement dit, nous prenons les décisions au meilleur de nos connaissances, selon les meilleures informations dont nous disposons. Nous ne pouvons pas attendre la décision parfaite – elle ne vient jamais.

La méthode guide les décisions, elle ne les automatise pas

Pendant la rédaction de rapports d’appréciations complexes, rappelez-vous que cette méthode ne vise pas à automatiser les décisions, mais bien à guider les décideurs le plus clairement et le plus utilement possible. Si une appréciation est difficile et teintée d’incertitude, il est utile d’inclure les raisons de cette incertitude dans le rapport. Les décideurs pourraient bien choisir de consacrer davantage de ressources à la réduction de cette incertitude afin qu’une décision plus éclairée puisse être prise plus tard. Quoi qu’il en soit, il est essentiel que l’appréciation des risques aborde de manière explicite l’incertitude qui existe et qu’elle la communique clairement aux décideurs.

À quoi bon?

Les autres façons de prendre des décisions (en se basant sur des règles générales, des habitudes ou des améliorations visibles dans les installations), bien qu’elles soient beaucoup moins porteuses d’anxiété, n’ont pas d’impact clair sur l’objectif de préservation. Si les règles génériques reposent sur des connaissances solides, les connaissances peuvent alors être utilisées beaucoup plus judicieusement dans une approche de gestion des risques. Si les améliorations visibles font partie des indicateurs connus pour l’atteinte de l’objectif de préservation, la même connaissance peut certainement servir à meilleur escient à la gestion des risques. Ainsi, la section Analyser du présent manuel cherche le plus possible à refondre, dans le cadre de gestion des risques, les connaissances établies dans le domaine de la préservation.

Objectif de la gestion des risques pour le patrimoine

Objectif de la conservation

Traditionnellement, notre objectif pourrait se définir comme suit : Préserver nos biens patrimoniaux le mieux possible, tout en garantissant le meilleur accès à ceux-ci, compte tenu des ressources limitées.

Définir un objectif mesurable

Le processus décisionnel axé sur le risque repose sur l’idée que l’on peut utiliser une notion de valeur pour définir l’objectif et procéder à une sorte de calcul rationnel pour quantifier tous les phénomènes qui compromettent l’objectif.

La perspective positive

La gestion des risques peut être considérée comme une forme particulière de gestion du rapport coûts/avantages. Du point de vue de l’analyse de ce rapport, et en prenant l’exemple d’un bien, quel qu’il soit, l’objectif est le suivant :

  • Optimiser les avantages du bien au fil du temps, tels qu’ils ont été évalués à un moment précis de l’avenir, et à un coût donné.

Un objectif similaire, quoique non identique, est le suivant :

  • Optimiser la valeur du bien, tel qu’il a été évalué à un moment précis de l’avenir, et à un coût donné.
La perspective négative

Du point de vue négatif de la gestion des risques, nous pouvons reformuler l’objectif en ces termes :

  • Réduire au minimum la perte de valeur de la ressource, telle qu’elle a été évaluée à un moment précis de l’avenir, et à un coût donné.
L’objectif pratique du manuel

Concrètement, et dans l’optique d’un bien patrimonial, nous pouvons reformuler l’objectif en ces termes :

  • Apprécier les risques qui se posent au patrimoine et intervenir pour les réduire le plus efficacement possible, compte tenu des ressources disponibles.

Bien qu’il existe des différences subtiles entre ces quatre objectifs énoncés (Michalski, 2008), aux fins de la méthode ABC, nous nous servirons des deux derniers pour nous guider.

Les limites de toute méthode

« Peu importe l’outil, il faut toujours qu’il y ait une évaluation et un réexamen de la part de la direction, qui voit au-delà des résultats de l’analyse et ajoute des considérations liées aux connaissances et au manque de connaissances sur lesquels se basent les appréciations, ainsi qu’aux enjeux que l’analyse n’a pas saisis. » [Traduction]

Society for Risk Analysis,
Risk Analysis Foundations, p. 6, 2015b

Tous les outils de gestion, notamment la méthode ABC, sont qualifiés d’outils de soutien à la décision plutôt que d’outils de prise de décisions parce qu’ils ont comme fonction de guider les décisions plutôt que de les automatiser. Par contre, il importe de tenir compte de l’énoncé suivant, fait par un auteur qui a étudié à fond les méthodes d’appréciation des risques qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas fonctionné pour la gestion de la santé publique :

« Seules quelques voix veulent limiter la contribution scientifique à la gestion des risques… même les intervenants non spécialisés étaient non seulement disposés à accepter que la meilleure estimation technique des risques à l’étude serve au processus décisionnel, mais ils l’ont également exigé. » [Traduction]

Renn, Risk Analysis and Society,
McDaniels et Small (directeurs de publication), 2004, p. 338.

Horizon temporel et taux d’actualisation public

Un objectif mesurable nous oblige à préciser un avenir donné
  • Réduire au minimum la perte de valeur du bien, telle qu’elle a été évaluée à un moment précis de l’avenir, et à un coût donné.

Pour les risques qui sont attribuables à des événements très rares ou à des processus cumulatifs très lents, le moment précis de l’avenir choisi pour évaluer l’objectif, que ce soit 3 ans, 10 ans, 100 ans, n’a guère d’importance, puisque la magnitude du risque sera la même. Pour les risques fréquents ou qui se matérialisent rapidement et complètement, toutefois, le moment choisi changera la magnitude du risque. Cela signifie que les priorités pourraient changer selon le type de risque.

par exemple si un élément coloré en parfait état risque la décoloration totale dans 10 ans à cause de l’éclairage dans une nouvelle exposition, du point de vue des visiteurs des 10 prochaines années, la décoloration pourrait alors s’avérer le risque le plus grave pour le bien patrimonial et constituer une priorité sur le plan du traitement, davantage que le risque de vol ou d’incendie. Du point de vue des visiteurs dans 30 ans ou 100 ans, cependant, les dommages découlant de la décoloration auront cessé il y a longtemps, tandis que le risque que l’élément soit volé ou brûlé augmente proportionnellement au fil du temps. De leur point de vue, la protection contre le feu et le vol pourrait être privilégiée.

Modélisation de la valeur totale au fil du temps

L’élément « à un moment précis de l’avenir », énoncé dans tous les objectifs, a son importance. Le fait d’évaluer l’objectif à différents moments de l’avenir peut donner un ordre de priorité différent au risque et entraîner des décisions différentes.

Dans les énoncés mathématiques de l’objectif, les avantages ou la valeur s’accumulent non pas à un moment précis de l’avenir, mais en utilisant un poids dégressif au fil du temps, exprimé par une courbe appelée le taux d’actualisation public. Cette courbe établit un équilibre entre, d’une part, un intérêt pour les avantages pour la génération actuelle et, d’autre part, un intérêt qui s’atténue lentement pour les avantages pour les générations futures. Dans le présent manuel, le taux d’actualisation public restera à l’arrière-plan, mais les méthodes présentées à l’étape Analyse et à l’étape Évaluation en tiennent compte, et il sera mentionné lorsqu’il influe sur les décisions axées sur le risque. Cependant, nous aurons tendance à évoquer le concept plus connu d’« horizon temporel » ou d’« objectifs à court terme par rapport aux objectifs à long terme », au lieu de « l’incidence d’un taux d’actualisation public variable ».

Pour en savoir davantage sur le taux d’actualisation public, voir S. Michalski, 2008.

L’équivalence entre une perte fractionnelle et la possibilité d’une perte totale

Perte fractionnelle déterminée et possibilité de perte totale

Prenez deux extrêmes de l’incertitude : la possibilité d’une perte totale en raison d’un événement rare et la perte tout à fait certaine, mais seulement partielle.

La figure 3 permet de saisir l’équivalence pour les décideurs entre une perte partielle déterminée et la possibilité d’une perte totale. Prenons, par exemple, un décideur qui a le choix entre a) 50 % de risque que le bien patrimonial brûle au cours des 75 ans à venir et b) des dommages déterminés qui entraîneront la perte de la moitié de la valeur du bien patrimonial dans 75 ans. Sous l’angle de l’appréciation des risques, ces deux scénarios s’accompagnent d’un risque de même magnitude; ils s’équivalent, ce que montre la ligne rouge à la figure 3. Un décideur qui a une « aversion pour le risque » a un tracé d’équivalence correspondant à la ligne bleue : il préfère choisir une perte certaine de 50 % plutôt que 50 % de possibilité de tout perdre. Un décideur qui recherche le risque (la ligne verte) préfère un risque de 50 % de perdre le bien patrimonial en entier, plutôt que de s’engager à accepter une perte certaine de la moitié de celui-ci.

Figure 3 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0024

Figure 3. Équivalence entre une perte partielle déterminée et la possibilité de perte totale. Ligne rouge : équivalence du risque. Ligne bleue : jugements fondés sur l’aversion au risque. Ligne verte : jugements fondés sur la recherche du risque.

Description de la Figure 3.

L’axe des X représente la possibilité de perte totale, de 0 à 1; l’axe des Y représente la perte partielle déterminée, également de 0 à 1. L’équivalence correspond au trait droit qui part en diagonale du coin inférieur gauche (0,0) jusqu’au coin supérieur droit (1,1). Les pointillés bleus, qui désignent les jugements fondés sur l’aversion au risque, débutent à 0,0 et se terminent à 1,1 et ils tracent une courbe au-dessus de la diagonale; en d’autres mots, on perçoit qu’une possibilité de perte totale de 50 % est équivalente à une perte partielle déterminée de 75 %. Inversement, les pointillés verts, qui désignent les jugements fondés sur la recherche du risque, tracent une courbe au-dessous de la diagonale; en d’autres mots, on perçoit qu’une possibilité de perte totale de 50 % est équivalente à une perte partielle déterminée de 25 %.

Les organisations patrimoniales ont-elles une aversion pour le risque ou le recherchent-elles?

Notre motivation à encourager les organisations patrimoniales à mener des appréciations des risques s’explique en partie par le fait que nous avons constaté qu’en matière de préservation, elles semblent « fermer les yeux » devant les risques comme les incendies et les désastres, alors qu’elles sont très attentives aux processus lents et cumulatifs, comme les boîtes qui produisent (ou non) de l’acidité. On pourrait faire valoir que cette façon de fermer les yeux devant le risque revient en fait à rechercher le risque. Cela semble peu probable. Il s’agit plus probablement du type d’aveuglement général que Dörner (1996) a décrit dans son ouvrage La logique de l’échec, quand les décideurs tentent de prendre des décisions à l’intérieur de systèmes complexes qui ont soit une rétroaction à très longue échéance (dans notre cas, une très lente détérioration) ou très peu fréquente (dans notre cas, des catastrophes rares).

Quand les événements rares deviennent des processus cumulatifs

La notion de rareté commence à s’effriter lorsqu’on l’examine du point de vue des agences nationales et internationales qui conseillent des milliers d’organisations patrimoniales. De ce point de vue, les incendies, les inondations, les vols importants, les infestations graves, les accidents « bizarres », etc., font partie de la « routine » et arrivent plusieurs fois par décennie, voire par année. Notre mandat en tant qu’agence, de fournir les avis les plus éclairés possible à chaque organisation patrimoniale est teintée par celui de fournir les avis les plus éclairés possible à toutes les organisations patrimoniales qui, ensemble, sont le détenteur de notre patrimoine à tous.

Liste récapitulative des tâches

1. Établir le contexte

  • Tâche 1 : Consulter les décideurs et définir la portée, les objectifs et les critères.
  • Tâche 2 : Réunir et comprendre les informations pertinentes.
  • Tâche 3 : Établir le diagramme des valeurs.

2. Identifier les risques

  • Tâche 1 : Réunir les outils et les stratégies appropriés.
  • Tâche 2 : Faire une inspection du bien patrimonial et établir un dossier photographique.
  • Tâche 3 : Identifier les risques, les nommer et les résumer en une phrase.

3. Analyser les risques

  • Tâche 1 : Quantifier chaque risque spécifique.
  • Tâche 2 : Diviser ou combiner les risques spécifiques, au besoin.
  • Tâche 3 : Revoir et peaufiner les analyses.

4. Évaluer les risques

  • Tâche 1 : Comparer les risques entre eux, en fonction des critères et en fonction des attentes.
  • Tâche 2 : Évaluer la sensibilité de l’ordre de priorité aux changements dans le diagramme des valeurs.
  • Tâche 3 : Évaluer l’incertitude, les contraintes et les occasions.

L’appréciation des risques est maintenant terminée. La tâche peut prendre fin ici.

5. Traiter les risques

  • Tâche 1 : Identifier les options de traitement des risques.
  • Tâche 2 : Quantifier les options de réduction des risques.
  • Tâche 3 : Évaluer les options de réduction des risques. La tâche des experts-conseils externes peut prendre fin ici.
  • Tâche 4 : Planifier et mettre en œuvre les options choisies.

Un cycle de gestion des risques est maintenant terminé.

Communiquer et consulter

Ces activités se poursuivent tout au long des cinq étapes consécutives ci-dessus.

  • Expliquer l’approche fondée sur le risque si elle est nouvelle.
  • Consulter les spécialistes et les intervenants, ainsi que les collègues.
  • Établir des rapports clairs, des diagrammes clairs. Documenter le processus en profondeur.

Suivre et réexaminer

Ces activités se poursuivent tout au long des cinq étapes consécutives ci-dessus.

  • À chaque étape, être prêt à revenir sur ses pas et à revoir une étape précédente.
  • Examiner les mesures de réduction des risques prises dans les démarches de traitement des risques précédentes.
  • Coordonner les cycles futurs avec les autres cycles de management de l’institution.

Étape 1 : Établir le contexte

Pour cette étape, les trois tâches sont les suivantes :

  1. Consulter les décideurs et définir la portée, les objectifs du projet et les critères
  2. Réunir et comprendre les informations pertinentes.
  3. Établir le diagramme des valeurs.

Tâches de l’étape de l’établissement du contexte

Tâche 1 : Consulter les décideurs et définir la portée, les objectifs et les critères

Obtenir le soutien de la direction

C’est une étape essentielle de tout projet organisationnel, particulièrement pour l’appréciation des risques, car c’est une méthode peu familière. Elle entraîne des questions difficiles et requiert la participation de nombreux secteurs de l’organisation.

Communiquer la méthode

Expliquez l’approche de gestion des risques. Donnez des exemples, fournissez du matériel documentaire et donnez des exposés. Illustrez à l’aide de graphiques et de tableaux provenant des études de cas. Prévoyez d’agir ainsi tout au long du processus d’appréciation.

Obtenir du soutien pour consulter le personnel

Pour apprécier les risques, il faut avoir accès aux connaissances du personnel. Certaines connaissances sont de nature délicate, car elles portent sur la sécurité (comme les discussions sur les procédures antivol) ou peuvent révéler les insuffisances de l’organisation pour protéger ses biens. Il est essentiel d’obtenir sans équivoque le soutien de la direction pour consulter le personnel. Différentes organisations peuvent avoir des cultures très diverses et des intentions très différentes en matière d’appréciation des risques.

Communication avant la visite

Les consultants externes peuvent recueillir bon nombre des points qui suivent en les demandant par correspondance avant la visite sur place. Utilisez un questionnaire écrit.

Définir la portée

En consultation avec les décideurs, déterminez les risques qui font partie de l’évaluation : un risque, une liste définie de risques ou une appréciation exhaustive de tous les risques.

Déterminez les biens ciblés par l’étude, qui peuvent comprendre des collections, des bâtiments historiques et des sections de sites.

Définir les objectifs du projet

Établissez les objectifs de l’organisation à l’égard de l’appréciation des risques. Vous pouvez fournir des propositions d’objectifs quand les personnes ne sont pas certaines des objectifs possibles.

Déterminer l’horizon temporel

Dans la plupart des situations, un horizon de 30 ans est approprié. Si la portée de votre tâche a d’autres cibles, comme un mandat de préservation de 100 ans ou un plan de gestion de 10 ans, déterminez l’horizon qui sera utilisé pour évaluer les risques et les options.

Définir des critères pour l’évaluation des risques

Une fois les risques identifiés et analysés, on devra décider quoi faire pour chacun d’entre eux. Hormis les critères évidents comme les réglementations et les coûts, d’autres critères spécifiques seront nécessaires pour déterminer la magnitude de risque « acceptable ». Pour cela, il est utile de savoir dès le début comment l’organisation équilibrera l’utilisation du bien et les risques encourus par cette utilisation.

Tâche 2 : Réunir et comprendre les informations pertinentes

Documents clés de l’organisation

Documents essentiels à avoir en main :

  • l’énoncé de mission de l’organisation (peut s’appeler « Raison d’être », « Objectifs » ou « Mandat », etc.);
  • les énoncés d’importance (ou la documentation équivalente) sur les éléments dans le cadre de l’appréciation;
  • la documentation sur la catégorisation fondée sur la valeur qui s’applique au bien patrimonial considéré.
En l’absence de documents clés

Constituez-les pendant l’appréciation des risques. Il est courant, pendant ce processus, d’explorer des idées sur la valeur du bien patrimonial qui auparavant n’étaient pas spécifiées.

Autres documents stratégiques

Documents utiles à avoir en main :

  • la description de la gouvernance;
  • les politiques relatives au public cible;
  • les politiques concernant l’utilisation du bien patrimonial;
  • les politiques concernant la préservation du bien patrimonial.
Documents sur les activités et les installations

Documents utiles à avoir en main :

  • l’organigramme;
  • les documents financiers;
  • les plans du bâtiment;
  • les plans en cas de sinistre;
  • les formulaires de prêts;
  • les registres des incidents;
  • les documents sur le contrôle du climat;
  • les documents sur les fournisseurs externes de services et de produits qui touchent le bien patrimonial;
  • les résultats des consultations précédentes.
Documents externes

Documents utiles à connaître :

  • les lois nationales et internationales et les autres instruments juridiques concernant l’utilisation, la protection, la propriété et le contrôle du patrimoine culturel;
  • les politiques et les orientations gouvernementales relatives au patrimoine culturel et à la gestion des risques.
Communiquer avant la visite

Le questionnaire envoyé avant la visite sur place devrait demander la liste de tous les documents clés susmentionnés.

Tâche 3 : Établir le diagramme des valeurs

Communiquer et consulter beaucoup

L’établissement du diagramme des valeurs exige de communiquer en profondeur l’idée et les objectifs qui le sous-tendent, ainsi que de procéder à d’amples consultations afin de quantifier la valeur relative des groupes et des sous-groupes d’éléments qui composent le bien patrimonial.

Déterminer les limites du bien patrimonial à l’étude

Clarifiez quelle partie du bien patrimonial de l’organisation se situe dans le cadre du plan de gestion des risques ou de cette appréciation en particulier.

Identifier les principaux « groupes » composant le bien

Dressez la liste des principales catégories ou groupes d’éléments qui constituent le bien, par exemple un site, un bâtiment ou une collection. Les groupes reflètent souvent la structure organisationnelle. Dans le cas d’une appréciation de petite envergure, il peut y avoir un seul groupe, par exemple les collections ou le site.

Identifier les « sous-groupes de valeur » au sein de chaque groupe

Divisez chaque groupe d’éléments en sous-groupes de même importance pour l’organisation et par rapport à son mandat, par exemple éléments A du bâtiment, éléments B du bâtiment, etc. Si l’organisation a déjà défini des catégories de valeur qui s’appliquent à son bien patrimonial, utilisez-les comme sous-groupes de valeur, par exemple « trésor », bien de valeur au-dessus de la moyenne, bien de valeur moyenne.

Établir une première version du tableau du diagramme des valeurs

Préparez une première version du tableau listant tous les groupes identifiés et leurs sous-groupes de valeur. Tenez compte de tous les éléments composant le bien patrimonial.

Définir les éléments et leur nombre

Définissez clairement chacun des éléments dans chaque sous-groupe de valeur de la façon la plus appropriée pour faciliter la communication et l’analyse. Comptez le nombre d’éléments dans chaque sous-groupe de valeur.

Attribuer des valeurs relatives

Établissez la valeur relative des groupes et des sous-groupes de valeur. L’objectif est d’obtenir la valeur fractionnelle de chaque élément par rapport à celle du bien en entier, par exemple chaque peinture de valeur moyenne correspond à 0,1 % de la valeur totale du bien.

Produire le diagramme des valeurs Note de bas de page 1 et vérifier sa cohérence

Outre la base de données de l’ICC sur la gestion du risque, des logiciels tableurs, comme Microsoft Excel® et OpenOffice Calc, peuvent servir à automatiser les calculs et à produire les diagrammes des valeurs correspondants. Vérifiez la cohérence des pourcentages de valeur alloués aux différents groupes et sous-groupes en les comparant avec les jugements de valeur fournis par l’organisation et les intervenants.

Documenter le processus

Documentez l’ensemble du processus de création du diagramme des valeurs, en particulier toutes les justifications et tous les arguments utilisés pour établir les valeurs relatives des groupes et des sous-groupes.

Explications sur l’étape de l’établissement du contexte

Portée de la tâche et horizon temporel

Cerner l’objectif de la tâche

Votre tâche peut simplement consister en l’analyse d’un seul risque pour soutenir une décision de conservation précise ou il peut s’agir de la gestion exhaustive des risques afin d’élaborer et de mettre en œuvre des mesures rentables qui permettront de traiter les risques les plus importants pour votre bien patrimonial pendant un certain nombre d’années.

Que signifie « portée »?

La portée, ce sont les limites dans lesquelles vous analysez, appréciez ou gérez les risques. La portée la plus vaste comprend tous les risques possibles pour l’ensemble des éléments du bien patrimonial, où qu’ils se trouvent ou quelle que soit la situation – sur place, en exposition, en entreposage sur place ou hors site, en prêt, pendant le transport, catalogués ou non, etc. Il faudra probablement faire appel à l’expertise de multiples spécialistes ainsi qu’aux responsabilités et aux pouvoirs de tous les niveaux de l’organisation. Très souvent, toutefois, la portée se limitera à un certain ensemble de risques ou à une partie précise du bien patrimonial, par exemple la gestion des risques de vol et de dommages mécaniques pendant une exposition itinérante d’objets de céramique ou les risques d’inondation dans un site archéologique au cours de l’année suivante. Les tâches de moindre portée nécessiteront probablement moins d’expertise, de participation organisationnelle, de temps et de ressources. Dans tous les cas, il est important de définir les rôles et les responsabilités des différentes personnes et des divers services de l’organisation qui participent à la tâche, et de s’entendre sur les résultats visés ou les produits.

Quel horizon temporel envisager?

Déterminez l’horizon temporel en fonction des risques qui seront analysés, appréciés et gérés. L’utilisation de différents horizons temporels (par exemple 3, 10, 100 ou 300 ans) changera la magnitude de certains risques et peut-être la priorité de traitement. En choisissant un horizon temporel donné, vous décidez de mesurer les risques en fonction de ce moment dans le temps où le bien sera « remis entre les mains » de futurs propriétaires.

Mission, politiques et procédures à suivre de l’organisation

Quelle est la mission de l’organisation?

La mission est un document officiel qui décrit la raison d’être et les principales responsabilités de l’organisation, et comprend des énoncés clairs sur le bien patrimonial à préserver et la façon de l’utiliser. Elle sert de référence au sein de l’organisation pour juger de l’importance des éléments du bien patrimonial – individuellement, entre eux et par rapport à ceux qui ne font pas partie du bien. Elle oriente aussi les décisions sur les acquisitions, l’accès, la police d’assurance, etc.

Trouver les politiques et les procédures qui peuvent orienter et appuyer votre tâche

Les politiques sont des énoncés écrits qui présentent l’intention de la direction, les objectifs, les exigences, les responsabilités et les normes relatives aux activités de l’organisation. Les procédures décrivent la manière dont chaque politique sera mise en œuvre. La présence ou l’absence de politiques et de procédures efficaces influera sur de nombreux risques que court votre bien patrimonial, par l’intermédiaire d’activités comme la gestion des collections (acquisitions, documentation, conservation, prêts, retrait d’inventaire), la gestion du bâtiment et du site, l’accès au bien, la sécurité publique, les mesures d’urgence en cas de sinistre et la police d’assurance.

Coordonner avec les autres systèmes de risques en usage

Il y a habituellement des systèmes établis à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation qui « gèrent » certains types de risques pour le bien patrimonial. Chaque tradition de « gestion des risques » ou de « sécurité » possédera un jargon technique différent et pourrait se méfier de la collaboration. Pourtant, ces traditions peuvent être une source d’information essentielle à l’appréciation des risques et faire partie d’un plan de gestion intégrée des risques.

Contexte juridique

Quel est le rôle du contexte juridique?

Le contexte juridique comprend les lois qui s’appliquent à votre organisation et à son fonctionnement, ainsi que les lois et les instruments nationaux et internationaux qui régissent l’utilisation, la protection, la propriété et le contrôle du patrimoine culturel. Redoublez de vigilance si la portée de votre tâche inclut des questions délicates sur le plan juridique, comme l’accès à l’information des organismes publics, le patrimoine autochtone ou des Premières Nations, le trafic illicite, le commerce ou les prêts internationaux, les droits de la personne et la propriété intellectuelle.

Une base de données internationale

La Base de données en ligne sur les législations en matière de patrimoine culturel de l’UNESCO donne accès aux lois nationales et internationales sur le patrimoine culturel.

Contexte financier

Questions
  • Votre organisation dispose-t-elle d’un budget pour la préservation?
  • Quelle est la taille et quelle est la souplesse du budget?
  • Comment se déroulent la mise en œuvre et la gestion du budget, et qui s’en occupe?
  • Quelle est la valeur financière de votre bien patrimonial?
  • Quelle est la situation financière du secteur patrimonial dans votre pays?
  • À quels changements, défis et possibilités vous attendez-vous à l’avenir?
Comprendre le cycle de planification

Comprendre la planification et le fonctionnement financier de l’organisation vous permettra d’apprécier les risques, d’élaborer les plans de traitement connexes et d’obtenir les fonds requis pour leur mise en œuvre.

En particulier, pour la mise en œuvre d’activités régulières ou de longue durée, il est important d’intégrer les respectives exigences budgétaires dans le plan financier global et à long terme de l’organisation. Si cela est nécessaire et possible, repérez des occasions de financement extrabudgétaire dans le contexte financier de votre tâche.

Contexte de gouvernance

Qu’est-ce que le contexte de gouvernance?

Enfin, il est important de savoir de quelle façon vos tâches fondées sur le risque s’inscrivent dans les politiques et l’orientation de votre gouvernement en matière de culture et de patrimoine, ainsi que dans celles relatives à l’utilisation de la gestion des risques en tant qu’outil pour améliorer le rendement des organisations gouvernementales. C’est particulièrement pertinent si votre organisation est une agence gouvernementale ou si elle en fait partie. Comprendre ce contexte et s’y adapter constitue une excellente façon d’obtenir de l’aide gouvernementale, de trouver des synergies et d’établir des collaborations.

Les contextes changent au fil du temps

Comme pour tous les éléments du contexte, les cadres contextuel, juridique, financier et gouvernemental sont dynamiques et changent au fil du temps. Gardez à l’esprit qu’il est nécessaire de continuer à surveiller et à revoir le contexte de votre tâche de gestion des risques afin que vous puissiez apporter les ajustements qui assureront le succès de sa mise en œuvre.

Intervenants

Qui sont-ils?

Toute personne ou tout organisme qui peut affecter ou être affecté (positivement ou négativement) par les activités de l’organisation et, en particulier, par votre activité de gestion des risques. On appelle ces personnes et organismes des intervenants. Ils peuvent être au sein de votre organisation ou à l’extérieur. Les intervenants internes comprennent, par exemple les directeurs, les employés et les gestionnaires appartenant à différents niveaux et services de l’organisation, le conseil d’administration et les actionnaires. L’organigramme est un outil utile pour identifier les intervenants internes et déterminer leur place dans la hiérarchie de l’organisation. Les intervenants externes englobent les collectivités publiques et locales liées au bien patrimonial, les touristes, les universitaires, les donateurs et les commanditaires, les fournisseurs de services et de produits externes, les organismes gouvernementaux, etc.

Comment affectent-ils votre tâche?

L’incidence qu’ont les intervenants sur votre tâche dépendra de leur niveau de pouvoir, d’influence, d’intérêt et de soutien à l’égard de la gestion des risques. Au moment de commencer à identifier les intervenants, il est utile de leur attribuer des priorités selon leur importance par rapport à la tâche à venir. Plusieurs techniques d’analyse et de schématisation des intervenants peuvent vous aider à faire cet exercice, par exemple, l’article sur l’analyse des détenteurs d’enjeux dans Wikipedia.

Comment les faire participer

Les intervenants liés à votre bien patrimonial pourraient percevoir les risques et leur magnitude différemment en raison de besoins, d’intérêts, de systèmes de valeurs, d’hypothèses et de concepts différents. Comme ils peuvent avoir une incidence considérable sur les décisions à prendre, il est important d’établir un esprit de collaboration entre les principaux intervenants et l’équipe responsable de l’appréciation des risques. Cela signifie comprendre, discuter et intégrer leur opinion dans le processus; gagner leur support et les intéresser aux stratégies de gestion des risques en leur indiquant les avantages pour eux, les coûts, etc. À défaut d’identifier les principaux intervenants et de les faire participer dès le début et jusqu’à la fin du processus, vous risquez de compromettre le succès de sa mise en œuvre.

Le diagramme des valeurs : introduction

Pourquoi recourir à un diagramme des valeurs?

La plupart d’entre nous et la plupart des organisations ont toujours porté plus de soin aux choses « de plus grande valeur ». Le diagramme des valeurs est un diagramme circulaire graphique qui ne fait que montrer la répartition de la valeur d’un bien culturel.

Pour assurer une affectation judicieuse des ressources, il faut que la gestion des risques tienne compte des différences de la valeur relative.

Quelles valeurs?

Aux fins de la présente méthode, la « valeur » est un paramètre unique qui correspond à une importance relative de l’élément par rapport aux autres éléments qui composent le bien. Elle tient compte de toutes les composantes de valeurs que l’organisme et les intervenants jugent pertinentes, comme la valeur esthétique, historique, spirituelle, etc. Le principal guide à utiliser pour déterminer la valeur relative des éléments aux fins de la gestion des risques sera la mission de l’organisme, de même que les opinions des intervenants.

Y a-t-il un intérêt à quantifier la valeur du bien patrimonial?

Le diagramme des valeurs n’est pas une mesure de la valeur absolue. Il ne contient pas de chiffres précis. Il sert plutôt à quantifier, le mieux possible, le sentiment partagé que certaines choses revêtent plus d’importance que d’autres, de sorte que les priorités établies lors de l’appréciation des risques reflètent ce sentiment. Souvent, il s’agit seulement de spécifier quels éléments ont des valeurs semblables : une boîte de 1 000 photographies dans un dépôt d’archives de 100 000 photographies a-t-elle une valeur semblable à une peinture provenant d’une collection de 100 peintures?

Les valeurs ne changent-elles pas avec le temps?

Oui. Le diagramme des valeurs n’est pas un jugement définitif. Il ne sert qu’aux fins du cycle de gestion des risques pour lequel il est établi. Il peut (et doit) être modifié pour tenir compte de l’évolution des valeurs appréciées au fil du temps.

Utiliser des outils pour automatiser les calculs

Le Manuel donne des exemples de tableaux de diagramme des valeurs et explique ensuite leur utilisation durant l’analyse, de sorte que le lecteur puisse comprendre les calculs et même les effectuer manuellement, au besoin. Il est toutefois recommandé de se servir d’un logiciel tableur comme Microsoft Excel®, OpenOffice Calc ou de la base de données de l’ICC sur la gestion du risque pour produire les tableaux et le diagramme des valeurs.

Utiliser le diagramme des valeurs comme un guide visuel

Le diagramme des valeurs est le fruit de l’expérimentation avec divers groupes d’étudiants et d’utilisateurs. Tous les diagrammes circulaires tirent profit de notre capacité de comprendre et d’estimer la taille relative des secteurs du diagramme entre eux et par rapport à l’ensemble. Pour la plupart des gens, ces diagrammes parlent beaucoup plus que les chiffres. Au moyen de feuilles de calcul automatisées ou d’une base de données, et d’un rétroprojecteur, on peut discuter et modifier le diagramme en collaboration avec l’institution et les intervenants, jusqu’à ce qu’on arrive à une représentation appropriée et collective de la valeur du bien patrimonial.

Le diagramme des valeurs : établir le tableau

Le bien

Le « bien » correspond au bien patrimonial dans son ensemble. L’exemple donné traite d’un bien qui comporte un site, un bâtiment et diverses collections d’artéfacts.

Groupes

Les groupes sont le premier niveau de division du bien. Dans l’exemple du tableau 1 et de la figure 4, il y a trois groupes : Bâtiment, Collections et Site. Des valeurs de 50 %, de 40 % et de 10 % respectivement leur ont été attribuées.

Sous-groupes de valeur et nombre d’éléments

Les sous-groupes de valeur contiennent des éléments de valeur égale ou presque égale. Dans l’exemple du tableau 1 et de la figure 4, le groupe Collections a été divisé en quatre groupes de valeur : « Tissus précieux » contient 6 éléments; « Trésors mixtes » – 4 éléments; « Tissus, moyen » – 1 200 éléments; et « Mixtes, moyen » – 10 000 éléments. On a attribué à ces groupes des parts égales du diagramme des valeurs du groupe Collections, soit 1/4 ou 25 % chacun. À noter que le nombre d’éléments contenus dans chaque sous-groupe de valeur n’est pas le même. Le groupe Bâtiment a été divisé en trois sous-groupes de valeur : 12 fenêtres de valeur égale (représentant ensemble 40 % de la valeur du groupe), un fini extérieur (30 %) et un fini intérieur (30 %). Les deux sous-groupes de valeur identifiés au sein du groupe Site sont les suivants : 14 sculptures de valeur égale (représentant chacune 20 % de la valeur du groupe du site) et un paysage (80 % du groupe du site). Au cours de l’analyse des risques, au besoin, il sera possible d’envisager diverses fractions du sous-groupe du « fini intérieur » ou du « fini extérieur » du bâtiment au moment d’analyser les divers risques (on peut faire de même pour le paysage ans le groupe Site).

Les éléments en pourcentage du bien

La dernière colonne du tableau du diagramme des valeurs est un paramètre clé de l’analyse des risques; il faut toujours en vérifier la cohérence afin de valider et, au besoin, d’ajuster les valeurs en pourcentage attribuées aux divers groupes et sous-groupes. Cette dernière colonne indique la valeur de chaque élément exprimée sous forme de fraction (%) du bien en entier.

Dans l’exemple, les collections comportent beaucoup plus d’éléments, mais comme on a attribué à ce groupe une valeur égale à celle du groupe Bâtiment, chacun des éléments contenus dans le groupe « Mixtes, moyen » ne correspond qu’à une très petite fraction de la valeur du bien en entier, soit environ 0,008 %. Par contre, chacune des fenêtres de l’immeuble représente environ 1,7 % de la valeur du bien en entier, c’est-à-dire que chaque fenêtre a une valeur équivalente à environ 200 éléments « Mixtes, moyen » du groupe Collections. Au début, une telle différence de proportion entre la valeur d’un élément et un autre peut porter à confusion, mais c’est simplement parce que des valeurs identiques par rapport à la valeur totale du bien ont été allouées à des groupes, alors que ces groupes contiennent des quantités très différentes d’éléments. Si les résultats ne vous semblent pas appropriés, jouez avec les proportions attribuées aux groupes et aux sous-groupes. Vérifiez la cohérence avec le mandat de l’organisation et les opinions des intervenants. Dans cet exemple, le ratio est juste, car les quelques fenêtres sont essentielles à l’immeuble, et l’immeuble est plus important que la collection.

Tableau 1. Exemple de tableau de diagramme des valeurs
Groupe Groupe en % du bien Sous-groupe Nombre d’éléments dans le sous-groupe de valeur Sous-groupe de valeur en % de son groupe Sous-groupe de valeur en % du bien Chaque élément en % du bien

Bâtiment

50 %

Fenêtres

12

40 %

20 %

1,7 %

Bâtiment

50 %

Fini extérieur

1

30 %

15 %

15 %

Bâtiment

50 %

Fini intérieur

1

30 %

15 %

15 %

Collections

40 %

Tissus précieux

6

25 %

10 %

1,7 %

Collections

40 %

Tissus, moyen

1 200

25 %

10 %

0,008 %

Collections

40 %

Trésors mixtes

4

25 %

10 %

2,5 %

Collections

40 %

Mixtes, moyen

10 000

25 %

10 %

0,001 %

Site

10 %

Paysage

1

80 %

8 %

8 %

Site

10 %

Sculptures

14

20 %

2 %

0,14 %

Figure 4 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0026
Figure 4. Diagrammes des valeurs d’un bien comportant trois groupes et plusieurs sous-groupes de valeur (tirés du tableau 1).

Description de la Figure 4.

La figure 4 comporte quatre diagrammes circulaires, un gros et trois petits. Le gros diagramme est constitué de trois secteurs : bâtiment (50 % de la valeur du bien), collection (40 % de la valeur du bien) et site (10 % de la valeur du bien). Les trois petits diagrammes présentent les sous-groupes de valeur contenus dans chacun de ces trois secteurs, assortis des mêmes pourcentages que ceux figurant au tableau 1, dans la colonne des sous-groupes de valeur.

Le diagramme des valeurs : utiliser les catégories de valeur

Lorsque des catégories de valeur existent déjà

Votre organisation ou votre pays a peut-être déjà un système de classement du patrimoine culturel divisé en différents niveaux de valeur, selon des critères prédéfinis. par exemple la Bibliothèque du Congrès des États-Unis a établi cinq niveaux de valeur pour ses collections, désignés par des métaux précieux :

  • Platine : irremplaçable, de la plus grande valeur intrinsèque
  • Or : importante culturelle, historique ou artéfactuelle considérable
  • Argent : exposition accrue au risque de vol ou de dommages en raison de la fragilité
  • Bronze : importance culturelle, historique ou artéfactuelle moindre ou nulle, généralement remplaçable
  • Cuivre : garde temporaire [Traduction]

(Hamburg, 2000, p. 68)

Si c’est votre cas, utilisez le système existant pour créer votre diagramme des valeurs. Selon notre expérience, toutefois, il est encore assez rare que de tels systèmes existent et il se pourrait que vous soyez la première personne à le proposer!

Lorsque des catégories de conservation peuvent s’appliquer

Si aucun système n’existe, il est utile d’étudier les catégories de conservation du bien patrimonial. En effet, il se peut que les groupes de valeur coïncident avec elles ou qu'ils puissent en être dérivés, par exemple selon la typologie, les sous-collections, etc. Dans l’exemple précédent, on utilise aussi bien les catégories de valeur (« trésors », « moyen ») que les catégories de conservation (« tissus », « collections mixtes »). C’est une manière courante de procéder, qui est relativement facile à adopter.

Lorsqu’il n’y a pas de catégories qui conviennent, le processus de consultation entre en jeu

S’il n’y a pas de catégories fondées sur la valeur du bien patrimonial, la meilleure façon de déterminer le nombre et l’importance relative des sous-groupes de valeur, c’est-à-dire le nombre et la taille des secteurs dans votre diagramme des valeurs, est d’engager un processus de consultation avec le personnel de l’organisation, les experts de l’extérieur et d’autres intervenants. La consultation devrait s’appuyer sur la mission et les politiques de l’organisation, ainsi que sur les énoncés d’importance.

Discutez au sein du groupe de consultation pour déterminer si tous les éléments du bien patrimonial sont de valeur égale, ce qui n’est généralement pas le cas, ou s’il y a des éléments ou des groupes d’éléments ayant différentes valeurs par exemple les trésors nationaux, les éléments particuliers, tous les autres éléments. Combien de niveaux ou de groupes de valeur différents pouvez-vous identifier dans le bien patrimonial? Comment se comparent-ils entre eux sur le plan de la contribution à la valeur du bien en entier? Discutez, établissez un consensus, présentez vos réponses de façon transparente et documentez-les. Il peut être utile d’examiner des situations hypothétiques comme celles-ci : s’il y avait un incendie, quels éléments ou groupes d’éléments devraient être sauvés en premier et pourquoi?

Optez pour la simplicité

Gardez votre diagramme des valeurs le plus simple possible en vous limitant au nombre minimal de catégories de valeur, tout en restant pertinent.

Le diagramme des valeurs : lorsqu’il n’est pas si facile de définir les éléments

Exemples d’éléments faciles à définir

Éléments d’art : par exemple, peintures, objets polychromes

Éléments précieux : une grande valeur confère une identité

Arts décoratifs : la fonctionnalité pratique confère une identité bien définie, par exemple les outils, les meubles, les ustensiles

Éléments distincts d’un bien patrimonial complexe : fenêtres, portes, etc., d’un bâtiment; sections d’une fouille

Exemples d’éléments ambigus

Cabinets, étagères ou boîtes d’éléments connexes : par exemple les collections d’archives, les ensembles de spécimens d’histoire naturelle, les fragments archéologiques liés

Cabinets ou boîtes comportant de nombreux petits éléments : par exemple des insignes, des os, des tessons, des boîtes qui n’ont jamais été catalogués

Biens mesurés par leur empreinte : par exemple des kilomètres de tablettes d’archives, des mètres carrés de site archéologique

Revenons à l’objectif pour être guidés

La gestion du risque pour le patrimoine a pour objectif de réduire la perte de valeur du bien patrimonial. Nous pouvons donc adopter une certaine souplesse dans la définition des éléments si cela permet d’atteindre cet objectif de la façon la plus simple et la plus fiable possible.

Pour la valeur du bien : simple et fiable

La définition d’« un élément » que vous choisissez aux fins d’appréciation des risques doit pouvoir distinguer les trésors des éléments communs. Dans le cas des « éléments de valeur égale », ceux-ci doivent vraiment représenter des éléments de valeur égale (plus ou moins!). par exemple si vous décidez de compter chaque négatif photographique comme un élément, sa valeur est-elle égale à celle d’un film complet ou à celle d’une épreuve photographique? Quelle que soit la valeur principale attribuée au bien, il doit être possible de la comparer de manière valable aux éléments sélectionnés.

Pour l’analyse : simple, mais fiable

Dans les collections mixtes composées de nombreuses boîtes de petits éléments, il faut toujours trouver l’équilibre entre la faisabilité de l’analyse des risques et la fiabilité : comptez-vous les boîtes dont le contenu donnera lieu à une analyse des risques très incertaine ou analysez-vous chaque élément dans un projet qui nécessitera des centaines d’années/personnes?

Certaines collections, surtout les archives, les collections d’histoire naturelle et les collections archéologiques, contiennent un grand nombre de petits éléments de valeur semblable, systématiquement ordonnés dans des boîtes sur chaque mètre carré de plancher ou chaque mètre d’étagère, qui peuvent être comptés selon ces unités de volume. Heureusement pour les évaluateurs de risques, dans le cas de telles collections, les organismes ont généralement déjà repéré leurs éléments les plus précieux.

Pour le traitement : simple, mais fiable

Il est beaucoup plus simple de concevoir des plans de traitement liés aux risques, notamment des améliorations aux installations ou aux aménagements, si les éléments ont déjà été quantifiés en unités pratiques, comme des mètres de tablettes, le nombre de boîtes, etc.

Le diagramme des valeurs : utiliser les valeurs directement comme éléments immatériels

Rappel du sens d’un « élément »

Dans le présent manuel, un « élément » renvoie simplement à la « plus petite composante pertinente » du bien patrimonial; la « pertinence » étant définie en termes de gestion des risques. Un élément n’est pas nécessairement un objet unique; il n’a même pas à être matériel, mais il doit constituer une entité suffisamment pertinente pour permettre de quantifier le risque et d’établir le traitement du risque.

Quand les éléments sont matériels

Pour les musées, les bibliothèques et les archives, il est habituellement évident d’identifier les éléments, car ce sont les objets proprement dits, même si, comme il a été mentionné précédemment, un élément peut être un mètre d’étagère ou un fonds d’archive.

Pour les bâtiments et les sites, les éléments peuvent également être des composantes physiques. Un groupe de valeur peut être un bâtiment, et ses éléments sont ce qui le compose, comme les fenêtres, les murs, les parties décoratives, etc. C’est particulièrement vrai chaque fois que le gestionnaire local a déjà l’habitude d’identifier les composantes qui possèdent la plus grande part de la valeur reconnue du bâtiment, notamment un type rare de fenêtre d’origine ou un détail décoratif complexe. Si, en plus, ces composantes ont des vulnérabilités spécifiques à des dangers particuliers (les fenêtres de bois sensibles à la pourriture, les décorations de plâtre à l’abrasion et au vandalisme), l’analyse des risques sera alors plus facile, plus significative et plus précise si l’on se sert de ces composantes physiques comme éléments pour le diagramme des valeurs. Le traitement des risques sera aussi mieux identifié et évalué.

Quand les éléments sont immatériels : valeurs et caractéristiques

De nos jours, bon nombre des directives officielles en matière de gestion des bâtiments et des sites reposent sur des valeurs ou des caractéristiques. L’utilisation de valeurs ou de caractéristiques comme éléments du diagramme des valeurs est de mise si elle a plus de sens pour les gestionnaires et les intervenants, s’il est plus facile d’établir des liens avec d’autres appréciations et si l’analyse des risques spécifiques est plus facile et plus fiable.

Manière de procéder

Envisagez d’utiliser les quatre valeurs proposées par l’organisme English Heritage : valeur probante, valeur historique, valeur esthétique et valeur communautaire (Drury et McPherson, 2008). Le tableau 2 contient le diagramme des valeurs préparé pour deux bâtiments. À noter qu’il n’y a qu’un « élément » dans chaque sous-groupe de valeur. Dans cet exemple, on a attribué une valeur égale aux quatre « éléments » pour le bâtiment B, mais une valeur différente pour le bâtiment A.

Tableau 2. Tableau du diagramme de valeur de deux bâtiments qui utilise des valeurs comme éléments
Groupe Groupe en % du bien Sous-groupe de valeur Nombre d’éléments du sous-groupe de valeur Sous-groupe en % du groupe Sous-groupe en % du bien Élément en % du bien

Bâtiment A

80 %

Valeur probante

1

20 %

16 %

16 %

Bâtiment A

80 %

Valeur historique

1

20 %

16 %

16 %

Bâtiment A

80 %

Valeur esthétique

1

20 %

16 %

16 %

Bâtiment A

80 %

Valeur communautaire

1

40 %

32 %

32 %

Bâtiment B

20 %

Valeur probante

1

25 %

5 %

5 %

Bâtiment B

20 %

Valeur historique

1

25 %

5 %

5 %

Bâtiment B

20 %

Valeur esthétique

1

25 %

5 %

5 %

Bâtiment B

20 %

Valeur communautaire

1

25 %

5 %

5 %

Figure 5 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0028
Figure 5. Diagrammes des valeurs de deux bâtiments qui utilisent des valeurs directement comme éléments immatériels (tirés du tableau 2).

Description de la Figure 5.

Le plus gros des trois diagrammes est constitué de deux secteurs qui représentent les groupes du tableau 2, à savoir le bâtiment A (80 % de la valeur du bien) et le bâtiment B (20 % de la valeur du bien). Deux petits diagrammes montrent les sous-groupes de ces bâtiments, lesquels sont associés aux mêmes pourcentages que ceux figurant au tableau 2.

Le diagramme des valeurs : plusieurs valeurs contributives attribuées à chaque élément

Valeurs contributives pondérées

Cet exemple suit la démarche générale de pondération des valeurs contributives. Vous êtes peut-être familier avec cette démarche utilisée aussi dans d’autres outils décisionnels qui font appel à la pondération de plusieurs facteurs.

Il ne s’agit pas d’utiliser des valeurs directement comme éléments immatériels dans le diagramme des valeurs (tel que nous en avons discuté précédemment), mais plutôt, comme cela est plus courant, de mesurer la valeur d’éléments matériels en fonction des différentes valeurs qu’ils portent, comme celles décrites en tant que critères fondamentaux dans l’annexe D du Guide de gestion des biens meubles patrimoniaux.

Dans cet exemple, nous n’étudions qu’un seul groupe, appelé Collections. Dans certaines situations, les collections constituent le bien patrimonial en entier.

Structurer le processus de consultation

Quand vous avez affaire à des situations difficiles mettant en jeu des biens patrimoniaux complexes de même que plusieurs intervenants et plusieurs gestionnaires dans divers secteurs de l’organisation, il est important d’adopter une démarche bien structurée et bien dirigée. L’exemple qui suit est une version simplifiée de plusieurs projets complexes élaborée par Pedersoli.

Étapes
  1. En équipe, relevez toutes les valeurs contributives (par exemple valeur esthétique, valeur historique, valeur spirituelle) qui déterminent l’importance du bien patrimonial et donnez une définition claire de chacune (tableau 3).
  2. En équipe, discutez de l’importance relative de ces valeurs contributives et quantifiez-les; attribuez-leur des coefficients de pondération qui tiennent compte de la mission de l’organisation (tableau 3).
  3. En équipe, définissez une échelle de rapport qui convient pour attribuer un score au « degré d’occurrence » de chacune des valeurs contributives des différents éléments du bien patrimonial. Dans l’exemple donné au tableau 4, six niveaux (x 3) ont été sélectionnés au terme d’une discussion.
  4. En équipe, désignez les sous-groupes de valeur contenant les éléments du bien patrimonial. Comme il a été proposé précédemment, vous pouvez utiliser des catégories et des sous-catégories de conservation ou typologiques déjà en usage dans l’organisation, par exemple ces catégories sont-elles perçues comme ayant des valeurs relatives différentes? En équipe, attribuez un score de « degré d’occurrence » à chacune des valeurs contributives de chaque sous-groupe d’éléments. Au besoin, divisez les sous-groupes si la valeur relative des éléments fluctue beaucoup. Si une grande collection comporte quelques éléments très importants, attribuez-leur un score individuel.
  5. Calculez la somme pondérée de chaque sous-groupe de valeur en multipliant les scores et les coefficients de pondération correspondants, puis additionnez les montants obtenus (tableau 5). Ces scores pondérés correspondent à la valeur relative de chaque sous-groupe qui compose le bien patrimonial.
  6. Calculez la valeur relative de chaque élément par rapport au groupe, puis par rapport au bien en entier.

Si l’équipe ne peut arriver à un consensus concernant un ou plusieurs points précis au cours du processus de consultation, on peut régler le problème en tranchant par vote majoritaire, mais dans de tels cas, il convient de présenter tous les arguments (les avantages et les inconvénients) et d’en discuter avant de passer au vote, puis de documenter et de joindre ce document, de façon permanente, au diagramme des valeurs établi, en guise d’explication et aux fins de transparence.

Éléments ayant plusieurs valeurs : un exemple pratique

Tableau 3. Les valeurs contributives, leur définition et leurs facteurs de pondération
Valeurs contributives Définition Facteur de pondération

Valeur historique

L’élément est directement associé à la compréhension et à l’appréciation de l’histoire du pays pendant une période donnée et dans une région donnée, et il y contribue de manière fondamentale.

15

Valeur scientifique

L’élément comporte de l’information ou des données qui contribuent (ou pourraient contribuer) de manière considérable à la recherche scientifique et aux études universitaires.

5

Valeur artistique

L’élément possède une qualité artistique/de conception et englobe des éléments représentatifs d’artistes, de styles ou de mouvements de conception reconnus.

1

Tableau 4. Échelle utilisée pour attribuer un score au « degré d’occurrence » de chaque valeur contributive
Points Définition du score

0

Les éléments ne possèdent pas cette valeur contributive.

1

Cette valeur contributive intervient très peu dans cet élément.

3

Cette valeur contributive intervient peu dans les éléments (3 fois plus souvent que pour le score « 1 »).

9

Cette valeur contributive intervient modérément dans les éléments (9 fois plus souvent que pour le score « 1 »).

27

Cette valeur contributive intervient beaucoup dans les éléments (27 fois plus souvent que pour le score « 1 »).

81

Cette valeur contributive intervient considérablement dans les éléments (81 fois plus souvent que pour le score « 1 »).

243

Cette valeur contributive intervient de manière exceptionnelle dans les éléments (243 fois plus souvent que pour le score « 1 »). Ce score correspond à l’intensité maximale de l’occurrence de cet aspect dans toutes les composantes du bien culturel.

Tableau 5. Valeur relative de chaque sous-groupe de valeur au sein du groupe Collections
Sous-groupe de valeur Points –valeur historique Points –valeur scientifique Points –valeur artistique Total des points Sous-groupe en % du groupe

Sous-groupe de valeur A

243 x 15

243 x 5

3 x 1

4 863

4 863/10 504 = 46,3 %

Sous-groupe de valeur B

243 x 15

81 x 5

27 x 1

4 077

4 077/10 504 = 38,9 %

Sous-groupe de valeur C

9 x 15

3 x 5

1 x 1

151

151/10 504 = 1,4 %

Sous-groupe de valeur D

81 x 15

9 x 5

3 x 1

1 263

1 263/10 504 = 12,0 %

Sous-groupe de valeur E

9 x 15

3 x 5

0 x 1

150

150/10 504 = 1,4 %

Totaux

- - -

10 504

100 %

Tableau 6. Valeur relative de chaque élément. Les sous-groupes de valeur ont été triés en fonction de leur valeur
Sous-groupe de valeur Sous-groupe en % du groupe Nombre d’éléments du sous-groupe Élément en % du groupe Collections (et du bien, étant donné qu’il n’y a qu’un groupe)

Sous-groupe de valeur A

46,3 %

2 220

46,3 %/2 220 = 0,021 %

Sous-groupe de valeur B

38,9 %

9 800

38,9 %/9 800 = 0,0040 %

Sous-groupe de valeur D

12,0 %

148

12,0 %/148 = 0,081 %

Sous-groupe de valeur C

1,4 %

120

1,4 %/120 = 0,012 %

Sous-groupe de valeur E

1,4 %

5 620

1,4 %/5 620 = 0,00025 %

Figure 6 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0030
Figure 6. Diagrammes des valeurs tirés du tableau 6.

Description de la Figure 6.

La figure 6 contient deux diagrammes circulaires, un gros et un petit. Le petit diagramme révèle que le bien ne comporte qu'un seul groupe, appelé Collections. Le gros diagramme contient les sous-groupes de valeur A, B, C, D et E tirés du tableau 6 adjacent. Ils figurent en ordre croissant de grandeur : A, B, D, C et E.

Le diagramme des valeurs : établir la valeur de l’ensemble

Qu’est-ce qu’un ensemble?

Un ensemble est un groupe d’éléments patrimoniaux qui acquièrent une valeur considérable en raison de l’existence du groupe. En termes poétiques, le tout est plus grand que la somme de ses parties.

On peut faire valoir que toutes les collections patrimoniales sont des ensembles, mais nous nous attarderons ici aux cas où la prise en compte de l’ensemble change radicalement l’analyse des risques. Les trois types d’ensembles, par ordre de complexité, sont les suivants :

  1. une série d’éléments identiques qui doit être complète, par exemple de la vaisselle, des cartes à jouer, les colonnes d’un temple;
  2. un assemblage d’éléments différents qui forment une entité fonctionnelle, par exemple les portes, les fenêtres, les murs qui forment un bâtiment;
  3. un groupe d’éléments qui ont un point en commun, par exemple les éléments qui se trouvaient à l’origine dans la chambre d’un personnage célèbre.
Qu’est-ce que la valeur d’ensemble?

Aux fins de l’analyse des risques, la valeur d’ensemble correspond à la valeur inhérente de l’ensemble en soi qui disparaît quand un des éléments de l’ensemble est perdu. La valeur d’un ensemble disparaît lorsque le premier élément du groupe est perdu; elle ne peut être perdue de nouveau lorsqu’un deuxième et un troisième élément sont perdus.

Deux méthodes pour l’analyse d’un ensemble

Il existe deux méthodes pour analyser des ensembles.

  • Voir l’ensemble comme un seul gros élément
  • Voir l’ensemble comme étant formé par les divers éléments de même que par un élément ajouté (immatériel)

Le choix de la méthode influera à la fois sur la manière de tracer le diagramme des valeurs et sur la manière de procéder à l’analyse des risques.

Un seul gros élément

C’est la méthode la plus simple. On voit l’ensemble comme un élément, par exemple un ensemble de vaisselle, un bâtiment, une pièce contenant du mobilier d’origine utilisé par le personnage célèbre. Cette méthode convient le mieux lorsqu’une ou plusieurs des situations suivantes s’appliquent :

  • Lorsque la valeur patrimoniale tient principalement à l’ensemble, c’est-à-dire que le groupe ne doit sa valeur qu’au fait d’être une série complète.
  • Lorsqu’il est impossible de faire une analyse correcte de la perte de valeur sans considérer l’ensemble comme un seul élément.
  • Lorsqu’il faut tenir compte de plusieurs ensembles. Cela signifie que ce sont les ensembles qui constituent les éléments pertinents pour l’organisation.
Un élément ajouté

Cette méthode permet de tenir compte à la fois de la valeur de chaque élément proprement dit et de la valeur de l’ensemble. Il faut prendre en compte les éléments individuels, mais ajouter aussi un nouvel élément qui représente la valeur immatérielle de l’ensemble en soi. Il faut alors créer un nouveau sous-groupe de valeur pour réunir ces éléments « ensemble ».

Tester la méthode choisie

Si vous avez un ensemble à analyser, faites un essai rapide de la méthode que vous choisissez pour tracer votre diagramme et faites l’analyse d’un risque qui touche l’ensemble pour voir si la méthode fonctionne bien et s’il est utile de recourir à des ensembles

Le diagramme des valeurs : l’appliquer seulement à certains éléments du bien patrimonial

Lorsque la tâche concerne seulement certains éléments du bien patrimonial

Selon les objectifs et la portée de votre tâche, il se peut que vous décidiez de tracer un diagramme des valeurs en utilisant une partie des éléments du bien patrimonial au lieu de la totalité. Dans ce cas, soyez conscient que la magnitude calculée des risques n’est valide que pour cette partie du bien et qu’elle ne s’applique pas au bien en entier!

Présentez deux diagrammes, au besoin

Du point de vue de la gestion générale des risques, il est conseillé d’apprécier les risques en tenant compte de la perte de valeur prévue pour le bien en entier, même si votre tâche ne porte que sur une partie du bien.

Dans cette situation, il sera utile de dresser deux diagrammes des valeurs : un pour le bien en entier et un autre pour la partie sélectionnée du bien.

Le diagramme des valeurs influence l’appréciation des risques

Façons de regrouper des éléments

Lorsqu’on procède à l’appréciation des risques, on peut grouper les éléments de différentes façons. Prenons, par exemple un musée qui a de nombreux dessins à l’encre de Chine et de nombreuses aquarelles présentés en exposition ou conservés dans les réserves. Un petit nombre de ces dessins et de ces aquarelles sont très précieux.

Pour l’analyse du taux de détérioration par la lumière, il vaut mieux grouper ces œuvres en fonction de leur sensibilité à la lumière, c’est-à-dire considérer les aquarelles séparément des dessins à l’encre de Chine. Pour le traitement du risque, il vaut mieux grouper ces œuvres en fonction de leur emplacement et, donc, considérer celles en exposition séparément de celles en réserve. Du point de vue du diagramme des valeurs, il vaut mieux former des groupes en fonction de l’importance des œuvres, par exemple considérer séparément les œuvres les plus précieuses de tout le reste.

Pour une désagrégation très précise du risque de détérioration par la lumière, il faudrait considérer toutes ces distinctions, mais cela signifierait calculer huit risques spécifiques (2 x 2 x 2). Si l’on veut faire une désagrégation de deux risques plutôt que de huit, c’est le diagramme des valeurs qui prime alors, parce que la perte de valeur est au cœur de la gestion des risques et que de larges différences dans la valeur des œuvres vont affecter substantiellement la hiérarchisation des risques. Pour une désagrégation optimale, il serait préférable de calculer trois risques : celui pour les aquarelles très précieuses en exposition, celui pour les aquarelles très précieuses conservées en réserve et celui pour tout le reste.

Étape 2 : Identifier les risques

L’identification des risques est le processus visant à déterminer les risques spécifiques à analyser.

Tâche 1 : Réunir les outils et les stratégies appropriés.

Tâche 2 : Faire une inspection du bien patrimonial et établir un dossier photographique.

Tâche 3 : Identifier les risques, les nommer et les résumer en une phrase.

Tâches de l’étape de l’identification des risques

Tâche 1 : Réunir les outils et les stratégies appropriés

Ajuster la portée de la tâche

Dans le cas d’une appréciation exhaustive, nous avons besoin d’outils systématiques, puisque nous essayons de découvrir ce qui a été oublié et ce qu’occultent les points de vue traditionnels.

Même si la portée de l’appréciation est limitée et clairement définie, par exemple l’appréciation des risques associés à l’éclairage dans les salles d’exposition d’un musée ou l’appréciation des dangers naturels dans un site extérieur, il vous faudra quand même identifier plusieurs risques spécifiques aux fins d’analyse. S’il s’agit par exemple de concentrer l’étude sur une seule question spécifique, comme la détérioration due à l’éclairage d’un élément spécifique précieux ou le risque de séisme pour une structure particulière, alors on peut passer directement à l’étape suivante : Analyser.

Utiliser des cadres de référence

Les cadres de référence suivants (qui seront décrits plus loin) servent à guider l’identification des risques lorsqu’on utilise la présente méthode :

  • Agents (10 agents de détérioration)
  • Types (3 types d’occurrence)
  • Étapes (5 étapes de contrôle)
  • Strates (6 strates autour du bien)
Utiliser le « tableau des dix agents et des trois types d’occurrence »

L’outil de base qui permet d’identifier les risques dans le cas d’une appréciation exhaustive est une combinaison des deux premiers cadres nommés ci-dessus. Il s’agit du tableau des dix agents et des trois types d’occurrence (que nous décrirons plus loin). Un imprimé d’une page vous permet de prendre des notes rapidement sur place et vous amène à vous pencher sur les cellules vides du tableau : quels genres de risques a-t-on oublié? Reportez-vous à la sous-section Explications pour obtenir des précisions.

Utiliser d’autres outils

Pour appliquer la présente méthode, il n’est pas obligatoire d’utiliser les cadres de référence mentionnés ici. Ce sont toutefois des outils qui se sont avérés extrêmement utiles et qui ont été testés lors de formations à cette méthode. Les utilisateurs qui sont plus familiers avec d’autres cadres de référence comme les types de dangers (séismes, inondations, régulation inadéquate des conditions ambiantes, etc.) peuvent les utiliser, au lieu des dix agents ou en association avec ceux-ci, pour classer les risques par catégories.

Utiliser les trois sources de savoir

Les trois sources de savoir utiles pour identifier (et analyser) les risques sont :

  • les statistiques régionales;
  • le savoir local;
  • le savoir scientifique et technique.

Les documents rassemblés à l’étape de l’établissement du contexte appartiennent généralement à la catégorie du savoir local.

Écrire au personnel avant la visite sur place, le cas échéant

Pour les évaluateurs externes et parfois au sein des organisations de grande taille, on pourrait envoyer un questionnaire avant la visite du bien patrimonial pour demander au personnel ce qu’il sait des incidents antérieurs touchant le bien et des « quasi-incidents », ainsi que son point de vue sur les risques actuels.

Tâche 2 : Faire une inspection du bien patrimonial et établir un dossier photographique

Les trois phases de l’inspection

Si le temps le permet, l’inspection des lieux comportera trois phases, idéalement distinctes :

  • la visite préliminaire guidée par le personnel responsable;
  • l’inspection et la documentation photographique systématique;
  • l’inspection et documentation photographique des détails importants.
Regarder de près et de loin

À toutes les phases de l’inspection, n’oubliez pas d’observer de loin comme de près. Chaque échelle fournit un contexte qui aidera à déterminer les risques et à éclairer l’analyse des risques.

Phase 1 : Communiquer avec le personnel et le consulter

La visite des lieux avec le personnel responsable aide à créer des rapports personnels essentiels. Elle donne à l’évaluateur le temps de comprendre le bien patrimonial et le site sur place en tant que réalité concrète. Écoutez. Prenez des notes. N’utilisez l’appareil photo que rarement, sinon jamais.

Phase 2 : Inspecter et établir systématiquement un dossier photographique

Il est essentiel d’adopter une démarche efficace et systématique pour l’inspection et la documentation photographique. La méthode proposée est décrite à la section Explications et s’intitule « Circuit d’inspection pour l’appréciation des risques du site d’un musée ».

Ne pas présumer que l’on sait de quelles photos on aura besoin pour analyser les risques

Même si vous avez une certaine compréhension des risques pendant l’inspection, il est important de savoir que les photographies serviront à deux fins distinctes :

  • la découverte par l’étude et l’observation des photos;
  • l’illustration aux fins de communication et de production de rapports
Utiliser un objectif grand angle

Les photos grand angle servent à situer le contexte d’une série de photos plus détaillées. Pour un site, commencez par des photos grand angle prises des quatre points cardinaux. Pour un bâtiment, commencez par des photos grand angle de l’ensemble du bâtiment prises de l’avant, de l’arrière et des côtés. Pour une pièce, commencez par des photos grand angle de chaque mur. Après les photos grand angle, commencez une série de photos plus détaillées.

Phase 3 : Les détails indicateurs

Au cours de la phase 2, vous verrez de nombreux détails qui enseignent quelque chose sur le plan des risques. Les photos de ces détails peuvent être prises en même temps que se fait l’inspection systématique ou après. On gagne souvent du temps en s’en occupant au cours d’une visite distincte parce qu’on utilise des moyens différents : peut-être des objectifs et un éclairage différents, un trépied, etc.

Vérifier les photos avant de partir

Si vous êtes un évaluateur externe, qu’il n’est pas facile pour vous de revenir sur place et que vous n’êtes pas un photographe expérimenté, vérifiez les photos sur un ordinateur à la fin de la journée et refaites les prises essentielles qui manquent ou qui sont ratées.

Archiver et organiser les photos peu après l’inspection

L’inspection d’un petit site peut donner lieu à plusieurs centaines d’images et celui de gros biens à encore plus d'images. De nombreux systèmes et logiciels de classement permettent de gérer les images; utilisez celui qui vous convient. Utilisez des arborescences ou des balises ou les deux pour organiser les images.

Tâche 3 : Identifier les risques, les nommer et les résumer en une phrase

Déterminer et nommer les risques

À l’aide des outils, des stratégies et des sources de savoir, identifiez et dressez la liste des risques. De courts énoncés suffisent. Ne vous préoccupez pas de préciser ces énoncés pour le moment.

Faire appel à son imagination et à son intuition

Pour une appréciation exhaustive, l’identification des risques est une question d’imagination et d’intuition autant que d’outils et de savoir. Ne rejetez pas de risques plausibles à cette étape; ils pourront être examinés plus tard.

Utiliser du papier dans un premier temps

Même si l’on utilise des outils comme la feuille de calcul ou la base de données, l’expérience nous a appris qu’il vaut mieux dans un premier temps faire la liste des risques sur une simple feuille de papier, soit sous forme de notes ou en remplissant un tableau. Cela facilite le travail sur le terrain et les discussions avec les collègues. Pour ceux qui n’ont pas l’habitude des appréciations exhaustives, il vaut mieux utiliser la copie papier du tableau des dix agents et trois types d’occurrence (tableau 9).

Rédiger les phrases résumant les risques

La rédaction de la phrase résumant le risque est l’un des éléments les plus importants de la méthode – la phrase de résumé est essentielle pour structurer votre analyse et communiquer des renseignements exacts.

Perte de valeur non essentielle (pour le moment)

Bien que la méthode du risque concerne une perte de valeur, il suffit que la phrase de résumé décrive le dommage (futur). La perte de valeur peut être ajoutée à l’étape de l’analyse.

Repérer les « Et alors? »

Si vous pouvez faire suivre la phrase de résumé par la question « Et alors? », c’est qu’elle ne décrit pas encore tout à fait le risque.

Réviser l’identification

Jusqu’à ce qu’une première ébauche des étapes de l’analyse et du traitement ait été faite, il est difficile de savoir si les risques ont été partitionnés de la meilleure façon. Soyez prêt à devoir combiner (« agréger ») ou à diviser (« désagréger ») les risques dans les phases successives de la procédure.

Réviser le nom des risques et les phrases qui les résument

Révisez le nom des risques et les phrases qui les résument à mesure que s’approfondit votre compréhension de chaque risque. Il n’est pas rare que l’on effectue les dernières modifications aux phrases résumant les risques à la fin du projet. Souvent, les échanges avec le personnel et les intervenants pendant le projet vont inspirer ces modifications.

Explications sur l’étape de l’identification

Identifier les risques spécifiques

Qu’est-ce qu’un risque spécifique?

Par risque spécifique, nous désignons une unité ou un ensemble qui peut être analysé et quantifié de manière utile. Dans certaines situations, il peut être opportun de considérer une possibilité très large, par exemple le risque qu’un criminel vole un élément quelconque parmi ceux qui sont exposés. Dans d’autres situations, il peut être opportun d’établir un scénario beaucoup plus limité, par exemple le risque qu’un voleur amateur s’empare d’éléments faciles à atteindre dans une zone d’exposition à l’air libre. Le choix repose essentiellement sur le niveau de détails que l’on peut analyser et non sur ce que l’on souhaiterait analyser. Avant d’avoir l’expérience des analyses, il n’est pas rare que l’on relève les risques de manière parfois trop large et parfois trop étroite.

Diviser et combiner les scénarios

Au début d’une appréciation, on ne sait pas toujours quel « degré » de spécificité adopter, de sorte qu’on peut s’attendre à ce que la liste initiale des risques spécifiques change à mesure que les informations s’accumulent. Pour le moment, ne vous acharnez pas à identifier chaque risque parfaitement. Aux étapes de l’identification et de l’analyse, il y aura de nombreuses occasions de diviser ou de combiner les risques spécifiques.

Identification au cours de l’analyse d’un seul risque

Par définition, l’analyse d’un risque suppose que l’on a identifié au préalable un seul risque spécifique, mais, dans la pratique, il s’agit souvent d’une illusion. Une demande portant sur « l’analyse du risque lié à l’éclairage dans un musée » est en fait une demande d’appréciation des nombreux risques spécifiques associés à l’éclairage (différents lieux et différents sous-ensembles des biens patrimoniaux). Une demande « d’analyse des risques pour le site par les visiteurs » est en réalité une demande d’appréciation de nombreux risques spécifiques, comme l’usure et la détérioration, les souillures, le vandalisme, etc.

Rédiger les phrases résumant le risque

Commencer par une liste de groupes de mots

Utilisez d’abord le formulaire sur les agents et les types d’occurrence, et faites une liste de tous les risques spécifiques en employant simplement une expression pour chacun d’eux. Normalement, il s’agira de brèves expressions comme : « lumière du jour altérant les costumes exposés » ou « les visiteurs qui touchent les murs les salissent », etc.

Selon l’ampleur de la tâche, si la liste commence à dépasser une page, vous pouvez essayer regrouper certains risques. Par contre, si la liste ne contient que quelques risques vaguement décrits, vous pouvez envisager de les diviser en risques plus précis.

Énoncer chaque expression en une phrase complète (rappel)

Le résumé du risque est une phrase complète et claire qui :

  • fait référence à l’avenir (il n’est pas question du passé ni du présent);
  • cerne le danger ou l’agent (c’est habituellement le sujet de la phrase);
  • détermine l’effet néfaste (c’est habituellement le verbe);
  • indique la partie du bien patrimonial qui sera touchée (c’est habituellement le complément de la phrase).
Exemples de résumés de risques

« La lumière du jour, dans les nouvelles salles d’exposition orientées vers le sud, altérera les couleurs hautement sensibles des costumes exposés dans ces salles. »

Il n’est pas toujours possible de rédiger une phrase aussi simple; la clarté de la phrase est plus importante que sa structure :

« Les visiteurs toucheront les murs du bâtiment à leur portée et ils y laisseront des traces de gras et de saleté, ce qui entraînera des salissures visibles sur les murs. »

L’effet néfaste (« altérer les couleurs », « sali » « volé ») est souvent exprimé clairement, mais pas la perte de valeur qui en résultera. Ce n’est habituellement pas un problème, puisque la perte de valeur peut être présumée dans une certaine mesure et sera expliquée plus tard, à l’étape de l’analyse.

Pourquoi cette importance accordée au résumé du risque?

Selon notre expérience, la capacité à formuler une phrase valable pour résumer le risque précède la capacité à élaborer un scénario et une analyse utiles concernant le risque. La transition entre la simple énumération des problèmes, comme « régulation déficiente de l’humidité », et la formulation concrète d’une phrase résumant le risque – « le taux d’humidité relative dans les réserves des meubles est susceptible de descendre sous le niveau acceptable à cause des changements opérationnels récents, ce qui pourrait causer de nouvelles fissures » – marque la transition entre une approche normative de la conservation préventive et une approche axée sur le risque.

Vulnérables et exposés = touchés

Parties vulnérables des biens patrimoniaux

À la figure 7, le rectangle gris représente le bien patrimonial. Pour chaque danger (ou agent de détérioration), il y a une partie du bien qui est vulnérable, représentée par le rectangle bleu (par exemple vulnérable aux mites ou aux dégâts causés par l’eau). Nous pouvons déterminer quels éléments dans nos collections sont vulnérables à agent de détérioration donné avant même de savoir s’ils y sont exposés. Cependant, il faut éviter de présumer que parce que les éléments sont vulnérables, ils seront touchés. Il faut qu’un élément soit exposé à un danger pour qu’il y ait un risque.

Parties exposées du bien patrimonial

Pour chaque danger (ou agent de détérioration), certaines parties du bien patrimonial peuvent être exposées (comme le montre le rectangle rouge de la figure 7) et d’autres non. par exemple une réserve hors site peut être fortement exposée aux insectes; les aires d’exposition sont généralement très exposées à la lumière; les éléments à l’extérieur sont souvent très exposés aux polluants. Si ces endroits ne contiennent que des éléments qui ne sont pas vulnérables aux organismes nuisibles, à la lumière ou aux polluants, alors il n’y a pas de risque.

À risque (touchés) = vulnérables et exposés

Lorsque des éléments sont à la fois vulnérables à un agent et exposés à cet agent (zone commune aux rectangles bleu et rouge sur la figure), ils constituent la partie à risque du bien (la partie qui sera touchée dans le scénario du risque spécifique).

Les différentes parties du bien patrimonial ne se trouvent pas nécessairement toutes au même endroit

La figure 7 est une abstraction. En réalité, les parties vulnérables, les parties exposées et les parties touchées peuvent être morcelées et réparties dans les diverses installations de l’organisation.

Figure 7 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0031
Figure 7. Les éléments touchés sont ceux qui sont vulnérables à un agent et exposés à cet agent.

Description de la Figure 7.

Un carré bleu portant la mention « Vulnérables » chevauche partiellement un carré rouge portant la mention « Exposés ». La zone de chevauchement de ces deux carrés porte la mention « Touchés ».

Listes de contrôle

Avantages et désavantages

Les listes de contrôle des risques sont pratiques et ne requièrent pas beaucoup de réflexion, mais elles deviennent lourdes quand on vise l’exhaustivité. Même exhaustives, elles peuvent ignorer un risque qu’avec un peu d’imagination et un œil attentif on aurait déduit facilement à l’aide d’une méthode de réflexion, tels que des cadres de référence.

Affiche du Plan de préservation de l’ICC

L’ICC a publié une liste de contrôle sous forme d’affiche ayant pour titre Plan de préservation des collections patrimoniales. Cette liste utilise deux des cadres de référence du présent manuel, les agents et les étapes, pour structurer les questions de détail concernant la gestion des risques. Ce n’est pas une liste de contrôle des risques, mais une liste de tous les détails qui réduiront les risques. Par conséquent, elle est surtout utile pour réfléchir à l’étape du traitement des risques. Ici, à l’étape de l’identification des risques, cette liste peut servir à identifier ce qui manque dans votre organisation patrimoniale.

Organisation du déroulement des tâches

La difficulté avec de nombreuses listes de contrôle, qu’elles fassent partie d’un cadre de référence ou non, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de rapport entre la séquence de la liste et la séquence réelle des activités de l’inspection. par exemple dans une liste de contrôle comportant une section sur l’« éclairage », il peut y avoir une question sur l’état des fenêtres (inspection à l’extérieur), puis une question sur les niveaux de rayons UV (inspection à l’intérieur), ensuite une question sur la politique en la matière (inspection des documents) et puis une question sur la durée d’exposition (entretien avec le personnel). Plus loin, dans les dernières sections de l’identification exhaustive des risques, nous proposons une séquence d’activités pour identifier les risques au cours d’une appréciation exhaustive.

L’erreur des listes de contrôle

Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses listes de contrôle ont été conçues pour les inspections liées à la préservation. Elles sont destinées aux musées, aux dépôts d’archives, aux bibliothèques, aux bâtiments et aux sites. Les études sur l’efficacité de longues listes de contrôle pour la sécurité des avions et de courtes listes de contrôle pour les services d’urgence des hôpitaux révèlent les avantages suivants :

  1. éviter un oubli si un grand nombre de choses peuvent chacune mener à un désastre;
  2. assurer l’application systématique d’une liste courte d’indicateurs statistiquement fiables pour un diagnostic donné.

Par contre, pour créer ce genre de listes de contrôle par contre, il a fallu quantité de travaux de recherche afin d’en déterminer le contenu, qu’elles soient longues ou courtes. Dans notre domaine, nous ne possédons pas ce savoir, de sorte que les listes de contrôle en matière de conservation fusionnent les grands enjeux et les petits, sans donner de priorité.

Les listes de contrôle peuvent aider à identifier les risques, mais il faut reconnaître que seule l’analyse peut permettre de déterminer lesquels sont importants et lesquels ne le sont pas. Dès lors que notre communauté commencera à cumuler et à mettre en commun des appréciations exhaustives des risques, des listes de contrôle fondées sur l’expérience pourront voir le jour.

Les cadres de référence et leur raison d’être

Cadres utilisés dans ce manuel

Pour le processus de gestion des risques :

  • Le cycle de gestion des risques (5 étapes + 2 activités permanentes)

Pour alimenter la réflexion aux étapes de l’identification, de l’analyse et du traitement :

  • Agents (10 agents de détérioration)
  • Types (événements rares ou courants, processus cumulatifs)
  • Étapes (5 étapes de contrôle)
  • Strates (6 strates autour du bien)
Autres cadres de référence pour la préservation

Gaël de Guichen a conçu un cadre concernant les « agresseurs du patrimoine culturel ». Ce cadre est organisé en fonction des causes humaines par opposition aux causes naturelles et contient des listes de risques. Il a été publié sous forme d’affiche par l’ICCROM. Dans le texte sur la restauration de Plenderleith et al. (1971), il y a un tableau portant sur les causes de détérioration qui les subdivise en catégories chimiques, biologiques et mécaniques. Ces cadres et tous les autres qui sont offerts peuvent faciliter l’identification des risques spécifiques.

Et s’il n’y a pas de cadre pour identifier les risques?

Les guides de gestion des risques destinés aux entreprises et au gouvernement fournissent toujours un cadre pour le processus lui-même (une variante du cycle de gestion des risques), mais beaucoup ne contiennent pas d’autres cadres pour les étapes de l’identification et de l’analyse. Ils proposent simplement d’examiner attentivement l’environnement et d’imaginer ce qui pourrait se produire. Ces méthodes dépendent de l’expérience et de l’expertise de l’évaluateur.

Quelle est la raison d’être des cadres de référence?

Un cadre offre une structure conceptuelle pour examiner en détail un problème, une tâche ou un rapport. Il sert à mieux accomplir le travail et à expliquer la tâche aux autres plus clairement. Ce n’est pas une théorie pour une théorie. Si, à un moment quelconque, le cadre commence à nuire au bon déroulement du travail ou à la communication, n’hésitez pas à l’adapter, à le mettre de côté ou à élaborer votre propre cadre correspondant à votre contexte particulier.

Complet, mais pas complexe

Pour faire une appréciation exhaustive des risques, il faut un cadre qui nous amène à examiner toutes les réponses possibles à la question essentielle : « À quels risques mon bien patrimonial est-il exposé? » Par ailleurs, pour se rappeler les cadres facilement et pour les expliquer clairement aux autres, il faut limiter le nombre de catégories dans le cadre de référence.

Les dix « agents » de détérioration

Établir le cadre en fonction des éléments

Les agents représentent un système de classification de tous les dangers possibles pour les biens patrimoniaux, qui est établi du point de vue de ces biens patrimoniaux. Ce cadre permet de réfléchir à la façon dont le danger se manifeste du point de vue du bien patrimonial. Les agents ont été élaborés en 1981 (Michalski 1990) et ont servi à structurer l’affiche de l’ICC publiée en 1994 sous le nom Plan de préservation des collections patrimoniales. Dans l’édition de 1994, seuls les neuf premiers agents sont énumérés. Dans la seconde édition, parue en 2014, les dix agents figurent sur la liste de même que des enjeux liés à la durabilité.

Utiliser les agents pour identifier les risques

Dans le présent manuel, les dix agents de détérioration servent de cadre principal (mais pas obligatoire) pour organiser les risques. À l’étape de l’identification, imaginez que vous êtes l’un des éléments et demandez-vous : Qu’est-ce qui, à l'avenir, pourrait m’endommager à l’endroit où je me trouve? Maintenant, utilisez chacun des agents pour préciser la question : Quelles forces physiques pourraient me frapper ici? Pourquoi? Quels criminels pourraient me voler ici ou m’endommager ici? Pourquoi? Des incendies pourraient-ils me toucher ici? Pourquoi? Et ainsi de suite pour les autres agents de la liste.

Un outil, pas un carcan

À un moment donné, tous les utilisateurs remarquent que les dix agents sont la simplification d’une réalité complexe. En effet, du point de vue du bien patrimonial, un incendie peut être classé dans « incendie », mais aussi dans « température inadéquate », « polluants », « humidité inadéquate » et, par la suite, dans « eau » et « dissociation ». Par contre, une violente inondation peut être mieux classée hors du cadre des agents, car il est moins efficace de la diviser en « eau », « forces physiques » et « humidité inadéquate ». À vous de voir. Comme pour n’importe quel outil conceptuel, s’il nuit plus qu’il n’aide, vous pouvez l’adapter ou le laisser de côté. Avec l’expérience, cependant, et la nécessité de se doter de stratégies efficaces, on revient à ces dix agents.

Se reporter à la page Web de l’ICC pour avoir des précisions

Chacun des dix agents de détérioration est expliqué dans le détail à la page Web de l’ICC.

Figure 8 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0033
Figure 8. Les dix agents de détérioration qui influent sur les éléments exposés.

Description de la Figure 8.

Les dix agents de détérioration : forces physiques; vol et vandalisme; incendie; eau; ravageurs; polluants; lumière, ultraviolet et infrarouge; température inadéquate; humidité relative inadéquate; et dissociation.

Chaîne causale, du danger à l’effet néfaste en passant par les dix agents

Causalité : notre modèle global

Les rectangles jaunes, rouges et blancs du diagramme ci-dessous contiennent quelques-uns des termes et expressions que les gens utilisent durant un exercice de groupe lorsqu’ils se demandent : « Quels risques menacent mes biens patrimoniaux? », puis « Quelles sont les causes de chacun de ces risques? » et « Quels sont les effets de chacun de ces risques? ». Les énoncés donnés peuvent toujours être organisés tel qu’il est indiqué, en ajoutant des flèches pour lier les énoncés. Les flèches de cause à effet partent toutes de la gauche pour aller vers la droite, depuis les dangers externes ou les dangers internes, jusqu’à l’effet néfaste sur le bien en passant par les lacunes sur le plan des ressources, les lacunes sur le plan des mesures d’atténuation et les agents de détérioration. Chaque parcours, depuis son origine à gauche jusqu’à son terme à droite, constitue un scénario de risque.

Figure 9 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0036
Figure 9. Chaînes de cause à effet qui se forment durant un exercice de groupe où l’on se pose les questions suivantes : « Quels risques menacent mes biens patrimoniaux? », puis « Quelles sont les causes de chacun de ces risques? » et « Quels sont les effets de chacun de ces risques? » Elles montrent que les nombreux énoncés découlant du terme « risque » forment des liens dans un réseau de cause à effet qui commence par les dangers et se terminent par les effets sur le bien.

Description de la Figure 9.

Exemples de parcours constituant un scénario de risque. Chaque scénario commence par des dangers internes et externes, combinés à un manque de ressources ou à des facteurs atténuants. Cela conduit à un agent de détérioration et se termine par un certain nombre d’effets négatifs sur un bien. Prenons un exemple : le manque d’argent provoque le manque de formation, entraînant ainsi le personnel à employer des méthodes inadéquates, ce qui contribue à l’apparition de ravageurs et qui a pour résultat des trous dans l’objet.

Les agents de détérioration : un ensemble complet pour la classification

Les agents de détérioration (rectangles rouges) servent d’intermédiaires pour organiser les parcours constituant un scénario. Ils se trouvent à la jonction des éléments eux-mêmes (rectangle gris).

Les trois « types » d’occurrence du risque

Sur le plan de l’occurrence (le moment où il a lieu), les risques peuvent se diviser en deux groupes principaux : les événements et les processus cumulatifs. Dans la pratique, les événements peuvent eux-mêmes se diviser en événements rares et en événements courants. Il y a donc trois types d’occurrence du risque : les événements rares, les événements courants et les processus cumulatifs. Les frontières entre ces trois catégories ne sont pas précises, chacune chevauchant la suivante. Le cadre de référence sur les « types d’occurrence » sert à orienter le processus de découverte des risques, à aider à repérer l’information à l’étape de l’analyse des risques et à guider la réflexion à l’étape du traitement des risques.

Ces trois types d’occurrence du risque ne supposent rien au sujet de la taille du risque – le risque le plus petit et le risque le plus grand, de même que tous les risques intermédiaires, peuvent être de l’un ou de l’autre de ces trois types d’occurrence.

Tableau 7. Les trois types d’occurrence du risque
Événements rares Événements courants Processus cumulatifs

Les événements « rares » se produisent moins souvent qu’environ une fois dans un siècle (du point de vue d’une organisation patrimoniale). La plupart des membres du personnel d’un organisme patrimonial ne font donc pas directement l’expérience des événements rares. Du point de vue de l’ensemble du patrimoine d’un pays, ces événements peuvent survenir tous les deux ou trois ans et, d’un point de vue mondial, ils peuvent être courants.

Les événements courants se produisent à maintes reprises au cours d’un siècle. Les membres du personnel de nombreuses organisations patrimoniales ou les gens qui gravitent autour de ces organismes en font directement l’expérience.

Les processus cumulatifs peuvent se produire sans interruption ou par intermittence. Au fil des années, la plupart des membres du personnel d’une organisation patrimoniale observeront l’effet cumulatif d’un ou de deux processus de ce type sur certains éléments, c’est-à-dire qu’ils auront vu l’élément « vieillir ». Les événements très fréquents (plus d’une fois par an) peuvent aussi être considérés comme des processus cumulatifs aux fins de l’analyse des risques.

Exemples :
Inondations
Séismes causant des dommages
Incendies importants
Vols
Visiteurs heurtant un objet particulier

Exemples :
Fuites d’eau
Séismes causant des dommages (certaines régions du globe)
Incendies mineurs
Effondrement de mobilier surchargé
Nombreux « accidents » de manipulation
« Petits » vols

Exemples :
Jaunissement du papier journal
Altération de certaines couleurs
Corrosion des métaux
Érosion de la pierre
Éraflures par les visiteurs

« Rare » en tant que terme défini de manière rigoureuse

« Rare » dépend de l’horizon temporel

Les événements rares peuvent être définis précisément comme des événements qui se produisent moins souvent que l’horizon temporel déterminé dans l’appréciation des risques. par exemple si l’on choisit un horizon temporel de 100 ans, les événements rares seront alors ceux qui se produiront à plus de 100 ans d’intervalle. Si l’on choisit 30 ans, les événements rares seront alors ceux qui se produiront à plus de 30 ans d’intervalle.

Incidence sur la notion de risque

Les événements rares ne sont pas « quelque chose de certain ». Nous y pensons comme à une chose « susceptible » d’arriver. Les événements courants et les processus cumulatifs sont quelque chose de certain. Il est à noter que cette distinction n’a de sens que si l’on précise l’horizon temporel et le bien patrimonial. Très peu de événements susceptibles de se produire sont considérés comme rares si l’on parle de toutes les organisations patrimoniales et de plusieurs siècles.

Cette distinction a déjà été signalée dans la discussion sur l’équivalence de la perte fractionnelle déterminée et de la probabilité de perte totale. Les décideurs peuvent avoir le sentiment instinctif qu’une probabilité de 5 % de perdre complètement un bien patrimonial et une perte certaine de 5 % du bien patrimonial, ce n’est pas équivalent, mais la méthode suppose que ça l’est. Bien sûr, la méthode indiquera toujours clairement aux décideurs quel risque est une probabilité et quel risque est « certain » du point de vue de leur cycle de planification, de leur organisation.

(Comme il en a déjà été question à la section sur l’incertitude, en réalité, même une chose « certaine » s’accompagne d’un certain élément d’incertitude.)

Incidence sur le calcul du risque

Si le temps moyen entre les événements est plus long que l’horizon temporel choisi, alors ce sont des événements qu’il faut exprimer en tant que probabilités plutôt qu’en tant que fréquence ou temps moyen entre les événements. La différence est subtile : la probabilité de ces événements à l’intérieur de l’horizon temporel n’est pas de 1, c’est-à-dire qu’elle n’est pas « garantie ». Elle est inférieure à 1. Selon l’hypothèse typique d’une répartition « normale » des probabilités, par exemple la probabilité qu’un événement séculaire se produise dans 100 ans n’est que de 0,6.

Problème secondaire

La précision nécessaire autant dans la conception que dans le calcul d’un risque rare dépasse le cadre de la méthode ABC et, heureusement, ce n’est pas important pour les types de distinctions entre les risques majeurs et mineurs que nous tentons d’établir pour les biens patrimoniaux. Tant qu’on exprime systématiquement tous les événements en termes de fréquence, même si cela semble étrange, alors le calcul du risque sera correct. par exemple des données régionales peuvent supposer que la probabilité d’un certain danger naturel est de « 1 % en 100 ans »; sur le plan de la fréquence, cette équation correspond à « une fois tous les 10 000 ans ».

Les cinq « étapes » de contrôle

1. Éviter

La première étape logique et la plus efficace… si c’est faisable. Éviter les attractifs est un aspect important de la réduction des risques associés aux ravageurs, mais éviter les désastres naturels que le destin garde en réserve, autrement qu’en déménageant le bien patrimonial, est une chose impossible.

2. Empêcher

Une barrière, quelque part entre la source de l’agent et l’élément, est probablement le moyen le plus efficace de réduire les risques représentés par cet agent.

3. Détecter

Les étapes de l’évitement et de l’empêchement se solderont éventuellement par un échec. Un degré approprié de détection s’impose donc pour chaque agent ou pour ses conséquences.

4. Réagir

Après la détection, il faut réagir. Une réaction planifiée est préférable, en particulier pour les événements d’envergure. Certains agents ne peuvent être maîtrisés que par une réaction continue, comme c’est le cas pour la température inadéquate contrôlée par des systèmes mécaniques.

5. Récupérer/traiter

Quand les étapes 1 à 4 échouent, il ne reste plus qu’à récupérer et, dans la mesure du possible, à traiter les éléments endommagés. Une partie importante de la récupération à long terme consiste cependant à tirer les enseignements de ces échecs et à améliorer les quatre étapes précédentes. De nombreux programmes de gestion des risques sont mis en place à la suite de tels échecs.

Figure 10 : Le texte descriptif détaillé suit
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0004

Figure 10. Les cinq étapes de contrôle (Michalski, 1990).

Description de la Figure 10.

Un gros cercle rouge, situé au haut du diagramme, représente la source de l’agent. La barre oblique blanche qui traverse le cercle correspond à l’étape « Éviter ». Une grosse flèche rouge part de la source et se dirige vers le bas. Une ligne blanche en pointillé la traverse; c’est l’étape « Empêcher ». En dessous, l’image d’un œil désigne l’étape « Détecter ». La flèche rouge aboutit à un ovale gris qui représente les éléments exposés.

Les six « strates » autour du bien patrimonial

Enceintes emboîtées

Peut-être que le plus ancien concept de gestion des risques pour les artéfacts précieux est celui de la boîte robuste à l’intérieur de la chambre forte, à l’intérieur du bâtiment solide, situé dans un endroit qui peut être facilement défendu. En combinant cela à la perspective plus large de la région dans laquelle se situe le bien patrimonial, on obtient le cadre des « strates » illustré ici.

Figure 11 : Le texte descriptif détaillé suit
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0006
Figure 11. Les six strates autour du bien patrimonial (éléments).
Description de la Figure 11.

Dans ce diagramme, les six strates de protection possibles sont représentées par six rectangles emboîtés les uns dans les autres. Au centre se trouve un ovale intitulé « Éléments ».

1. La région

La région est l’endroit où se manifestent les dangers qui ne peuvent être évités, mais qu’il faut comprendre, prédire et ensuite atténuer de manière appropriée.

2. Le site

Le site est l’endroit où se manifestent les dangers extérieurs, mais que nous pouvons maîtriser dans une certaine mesure : drainage, bonnes lignes visuelles, revêtement routier, barrières, etc. Dans de nombreux cas, le site fait partie du bien patrimonial.

3. Le bâtiment

Le bâtiment est l’enveloppe bâtie fondamentale autour de toute collection. Dans de nombreux cas, il fait aussi partie du bien patrimonial.

4. La pièce

La pièce est souvent l’endroit où des systèmes de régulation sont installés, mais aussi où de nouveaux dangers peuvent se manifester.

5. Les installations

Les installations représentent la première strate amovible. Elles sont en partie sous les responsabilités du gestionnaire des installations et celles du restaurateur.

6. L’emballage et le support

L’emballage et le support sont les strates en contact avec le bien patrimonial. Ils ont une fonction protectrice, mais sont parfois une source de nouveaux dangers.

Un bien patrimonial n’a pas toujours ces six strates

Même quand un bien patrimonial n’a pas les six strates décrites ci-dessus, ce cadre conceptuel peut être utile pour stimuler la réflexion sur les strates de protection autour du bien patrimonial.

Les strates en tant que dangers et structure de savoir

Les strates permettent non seulement de structurer la lutte préventive, mais aussi de structurer les sources possibles de dangers et d’agents de détérioration. par exemple une strate peut empêcher l’eau ou les polluants ou le feu qui viennent des strates supérieures, mais elle peut elle-même être la source de tous ces agents. par exemple un bâtiment peut empêcher l’effet des pluies qui tombent dans la région, mais être une source de fuites d’eau.

Les strates structurent aussi le savoir nécessaire à l’analyse : à chaque strate correspond un corpus de connaissances et d’expertise spécifiques.

Les trois sources de connaissances

Pour l’identification et l’analyse des risques, il y a trois sources de connaissances. Elles correspondent étroitement (mais pas parfaitement) aux trois types d’occurrence du risque, mentionnés dans la deuxième rangée du présent tableau 8.

Tableau 8. Trois sources de connaissances pour l’appréciation des risques
Statistiques régionales Connaissances locales Connaissances scientifiques et techniques

Ces statistiques sont la pierre angulaire pour comprendre les risques de catastrophes. Bon nombre d’organismes dans le monde ont élaboré de vastes ressources pour fournir aux utilisateurs non spécialisés des outils en ligne leur permettant de prédire ces risques.

Pour avoir accès à cette source de connaissances, vous devez rencontrer des gens, discuter, interroger et évaluer les installations, les collections, le site, etc. Il ne faut ni sous-estimer ni surestimer cette source par rapport aux deux autres. Elle comprend le savoir de sens commun et l’intuition, les vôtres et ceux de vos collègues.

La page Web de l’ICC sur les agents de détérioration présente les notions fondamentales sur chacun des agents. Au-delà de cela, il faut consulter la littérature spécialisée ou parler à des professionnels expérimentés (comme ceux des instituts responsables de ce manuel).

Source habituelle de connaissances sur la fréquence et l’intensité des événements rares.

Source habituelle de connaissances sur les événements courants et l’intensité des dangers cumulatifs. Source de connaissances sur les cinq étapes de contrôle et les strates locales.

Source habituelle de connaissances sur la vulnérabilité des biens patrimoniaux aux processus cumulatifs et source de la plupart des théories permettant d’analyser les risques.

Exemples :
Systèmes d’information géographique (SIG)
Tableaux climatiques
Données statistiques sur les désastres naturels
Données statistiques gouvernementales
Données partagées entre les organismes patrimoniaux

Exemples :
Évaluations des installations
Documentation sur un bâtiment
Mémoire institutionnelle
Connaissances du personnel
Souvenirs des résidants locaux
Observation de dommages antérieurs

Exemples :
Documentation technique
Documentation scientifique
Documents sur la conception des bâtiments
Spécialistes techniques et scientifiques

Identification exhaustive des risques : le tableau des dix agents et des trois types d’occurrence

{10 agents} x {3 types d’occurrence}

Si vous avez pour tâche d’effectuer une appréciation exhaustive des risques, nous vous suggérons de remplir le tableau 9. Il met en relation les dix agents et les trois types d’occurrence. Cela donne 30 combinaisons, mais, dans la pratique, quelques-unes ne s’appliquent pas en général.

Tableau 9. Le tableau des dix agents et des trois types d’occurrence. Avant de l’imprimer pour l’utiliser pendant l’inspection, élargir les rangées afin que le tableau remplisse la page
Événements rares Événements courants Processus cumulatifs

Forces physiques

- - -

Vol et vandalisme

- - -

Incendie

- -

Ne s’applique pas en général

Eau

- - -

Ravageurs

- - -

Polluants

- - -

Lumière, ultraviolet et infrarouge

Ne s’applique pas en général

- -

Température inadéquate

- - -

Humidité relative inadéquate

- - -

Dissociation

- - -
Au moins un risque par cellule

Le but du tableau n’est pas de limiter le nombre de risques de chaque type – il peut y avoir plusieurs risques dans une même cellule. Le but est d’inciter l’évaluateur à réfléchir autrement. Si la réaction initiale est de se dire : « je ne suis pas confronté à ce genre de risque » ou « cela n’a pas de sens pour moi », alors il faut imaginer quelque chose d’improbable ou d’étrange. Il sera toujours possible d’écarter ce risque plus tard si l’analyse démontre qu’il est très faible.

La liste pourra être écourtée ultérieurement

Pour l’appréciation, certains risques seront regroupés en un risque plus large, que ce soit à cette étape ou à celle de l’analyse. Une analyse préliminaire révélera que certains risques sont négligeables. Dans le rapport final, il sera toujours possible de mentionner ces corrections et d’expliquer ce qui les justifie. Assurez-vous de consigner toutes les idées qui surgissent à l’étape de l’identification.

Identification exhaustive des risques : établir un circuit efficace pour l’inspection

Introduction

Si vous avez un accès limité aux installations et aux collections pour des raisons de sécurité et de temps, il est essentiel que vous adoptiez une méthode efficace pour procéder aux inspections. Pour les collections et les bâtiments, nous proposons la méthode illustrée ci-dessous. Dans le cas des bâtiments de grandes dimensions, comprenant un grand nombre de fenêtres, de portes, de pièces, d’installations, d’emballages et d’éléments, axez vos efforts sur la documentation d’un exemple représentatif de chaque type et des cas spéciaux pertinents à l’appréciation des risques.

1. Faites le tour du site

Un circuit d’inspection autour du site: Observez la topographie, le drainage, l’éclairage, les bâtiments aux alentours, le périmètre de sécurité.

2. Faites le tour des bâtiments et des sculptures extérieures

Un circuit pour chaque bâtiment, chaque sculpture extérieure :

  • Regardez de loin (l’élément par rapport à l’ensemble du site et aux dangers externes).
  • Inspectez de près (état actuel, présence de dommages antérieurs).

Bâtiments fonctionnels :

  • Inspectez le toit (reculez pour voir).
  • Inspectez les murs (de près et de loin).
  • Inspectez les portes.
  • Inspectez les fenêtres.
Figure 12 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0007
Figure 12. Parcours suggéré pour effectuer l’inspection d’une collection au sein d’un bâtiment au sein d’un site.

Description de la Figure 12.

Les parcours 1 à 4 d’une évaluation systématique expliquée précédemment sont illustrés par des flèches en pointillé. Ces flèches montrent à quel point il est important d’observer de près et de loin un bâtiment au moment d’en faire l’évaluation.

3. Faites le tour des pièces abritant les collections

Un circuit pour chaque pièce :

  • Inspectez le plafond, les branchements aériens.
  • Inspectez les murs, externes et internes.
  • Inspectez les portes, externes et internes.
  • Inspectez les fenêtres.
  • Inspectez l’éclairage, les systèmes mécaniques.
4. Faites le tour des installations, des emballages, des supports et des éléments

Un circuit pour chaque pièce :

  • Inspectez les installations.
  • Inspectez les supports.
  • Inspectez les emballages.
  • Inspectez les éléments.
5. Faites le tour des espaces sans bien patrimonial

Un circuit pour les autres espaces :

  • Prenez des notes sur les locaux des installations mécaniques, les pièces équipées d’alimentation en eau, les occupants, les déchets, la facilité d’accès, etc.

Événements rares et données régionales

Commencer par les connaissances locales et de sens commun

La plupart des événements rares pour lesquels on a besoin de données régionales sont des « catastrophes naturelles » que l’on peut facilement imaginer, comme les inondations, les séismes et les actes graves de vandalisme. On peut commencer à relever ces risques simplement en se basant sur ce qui est plausible et sur ce que le personnel et les résidants peuvent nous apprendre sur les événements historiques. Les histoires d’horreur vécues par les organisations patrimoniales du monde entier sont une autre source d’inspiration : Est-ce que ce vol bizarre, ce bris, cet incendie criminel, cette explosion causée par une fuite de gaz, etc., pourraient nous arriver un jour? Si la réponse est non, il faut expliquer pourquoi.

Commencer à recueillir des données régionales

Les cartes et les données sur la fréquence et l’intensité des dangers naturels sont faciles à trouver. Elles facilitent l’identification des risques. La collecte minutieuse de données sur la probabilité et la gravité peut cependant attendre à l’étape de l’analyse (où les sources de ces données sont décrites en détail).

Se concentrer sur la façon dont les événements rares se produisent

Pour les événements rares, la tâche principale à l’étape de l’identification des risques consistera à essayer d’imaginer comment de tels événements se produiraient dans votre organisme en vous fondant sur les connaissances locales.

Événements qui commencent par un petit incident et qui prennent de l’expansion

Bon nombre des événements rares ou catastrophiques débutent par un événement qui n’est ni rare ni catastrophique, par exemple un petit court-circuit électrique, un visiteur qui trébuche et tombe. Les questions qui se posent alors sont les suivantes : L’incident aura-t-il des conséquences qui vont s’aggraver? Ce court-circuit causera-t-il un incendie mineur parce qu’un fabricant amateur de vitrines a négligé les mesures élémentaires de sécurité? Cet incendie se propagera-t-il parce que les vitrines et la pièce ne sont pas inflammables et qu’il n’y a pas de gicleurs? Le visiteur qui trébuchera, pourrait-il se trouver devant les artéfacts les plus précieux? Et ceux-ci, se renversent-ils, se fracassent-ils facilement? Ces détails sont ce qu’on appelle des « facteurs d’amplification ».

Événements qui sont majeurs dès le départ

D’autres événements rares et catastrophiques sont causés par des événements déclencheurs rares et catastrophiques, comme les inondations, les séismes, les incendies de forêt gigantesques, etc. Encore une fois, les questions qui se posent sont : Que va-t-il arriver ensuite? Les biens patrimoniaux se trouvent-ils au-dessus de la ligne de flottaison? Les supports sur lesquels ils sont posés peuvent-ils résister aux séismes? Les éléments transportables les plus précieux peuvent-ils être mis rapidement en lieu sûr? Ces détails sont ce qu’on appelle des « facteurs de réduction».

Recueillir les connaissances locales

Commencer par les connaissances locales

Nous suggérons de commencer l’appréciation des risques en acquérant tous les documents pertinents (à part ceux qui ont déjà été réunis à l’étape de l’établissement du contexte), notamment :

  • les plans du bâtiment;
  • les plans en cas de sinistre;
  • les formulaires de prêts;
  • les registres des incidents;
  • les enregistrements des conditions climatiques.
Se servir des documents locaux pour l’identification des risques

L’étude approfondie de ces documents peut attendre jusqu’à l’étape de l’analyse, mais une étude préliminaire fournira des indications utiles concernant :

  • les sources éventuelles de dangers;
  • les facteurs qui contribuent aux risques;
  • les problèmes associés aux risques qu’il faut aborder avec le personnel;
  • les endroits à examiner plus attentivement pendant l’évaluation des installations, des collections et du site.
Rassembler les connaissances du personnel

Le personnel est une source d’information essentielle sur les incidents antérieurs : incendies, vols, fuites, etc. Il peut fournir des renseignements sur les méthodes et procédures courantes qui ne sont décrites nulle part ailleurs et que l’on n’a pas nécessairement l’occasion d’observer pendant l’évaluation des installations.

Il est important de comprendre le rôle et les responsabilités du personnel et de savoir comment il conçoit les réalités de l’organisme. Souvent, l’information nécessaire pour apprécier les risques est considérée comme de nature délicate, et le personnel peut décider de ne pas la communiquer, à moins d’avoir été bien informé sur les objectifs de l’appréciation des risques, ainsi que des résultats et des avantages qui en découleront.

Identifier les risques à partir d’autres causes que les dix agents

Ambiguïtés liées aux agents

« De nombreux visiteurs toucheront les costumes qui sont à portée de main dans les aires d’exposition; les costumes seront donc salis. »

La question qui surgit immédiatement, c’est : Cela entre-t-il dans la catégorie des actes criminels (forme mineure de vandalisme) ou des polluants (salissure)? La réponse rapide, c’est que cela n’a pas d’importance, pourvu que ce soit mentionné quelque part. Cependant, au moment d’analyser et de traiter des risques ambigus comme celui-ci, nous aurons souvent besoin des méthodes d’analyse propres à ces deux agents. Nous pouvons utiliser les méthodes d’analyse des actes criminels (vol et vandalisme) pour réfléchir au risque (quantité de visiteurs, facilité d’accès) et les méthodes relatives aux polluants pour apprécier les conséquences (altération de la couleur, attaque chimique).

Différents agents pour le même risque spécifique

« De nombreux visiteurs toucheront les costumes qui sont à portée de main dans les aires d’exposition; les costumes seront donc salis ou usés par frottement, ou elles subiront de petites déchirures. »

Ce cas entre-t-il dans la catégorie des actes criminels, des polluants ou des forces physiques? Il y a deux options, toutes deux acceptables : classez-le sous l’agent qui, selon vous, aura la conséquence la plus grave (effets des polluants, effets des forces physiques) ou sous l’agent unificateur (voleurs et vandales). Bien que la dérogation aux règles de la part des visiteurs représente une forme très atténuée d’« acte criminel », cet agent nous aidera à analyser soigneusement et à traiter ce risque. La méthode servant à estimer la fréquence à laquelle les éléments accessibles sont touchés par les visiteurs est exactement la même que celle qui est utilisée pour estimer la fréquence des cas de vandalisme graves (actes criminels).

Différents agents pour un événement complexe

En d’autres mots, une catastrophe: désastres naturels, guerres.

Encore une fois, le principe directeur à l’étape de l’identification des risques, c’est de ne pas s’inquiéter, de classer le risque spécifique dans la catégorie qui nous convient et d’en rendre compte dans les termes qui semblent les plus appropriés. La plupart des événements d’envergure seront classés sous le principal agent : forces physiques, incendie ou eau.

Plus tard, aux étapes de l’analyse, de l’évaluation et du traitement, il apparaîtra clairement s’il est utile de décomposer les risques majeurs et complexes.

Étape 3: Analyser les risques

L’analyse des risques est le processus qui mène à une mesure de chacun des risques spécifiques identifiés.

Tâche 1: Quantifier chaque risque spécifique.

Tâche 2 : Diviser ou combiner les risques spécifiques, au besoin.

Tâche 3 : Revoir et peaufiner les analyses.

Tâches pour l’étape de l’analyse

Tâche 1 : Quantifier chaque risque spécifique

Élaborer le scénario de risque (facultatif)

Dans l’enseignement aux débutants, nous mettons l’accent sur la rédaction d’un « scénario de risque » d’une page avant de quantifier les trois composantes A, B et C. Dans le scénario, on ajoute des détails à la phrase de résumé pour en faire une histoire complète, mais concise, contenant toutes les données essentielles à l’analyse. Toutefois, avec l’expérience, une bonne phrase de résumé est suffisante pour procéder à la quantification des trois composantes du risque :

  • A. fréquence ou taux;
  • B. perte de valeur de chaque élément touché;
  • C. éléments touchés (selon le diagramme des valeurs).

Pendant l’analyse de chaque composante, prenez des notes sur l’argument exact et les données que vous utilisez pour justifier votre score.

Analyser A : Fréquence ou taux

S’il s’agit d’un événement individuel :

  • déterminez la fréquence, c’est-à-dire le temps moyen entre deux événements.

S’il s’agit d’une accumulation de dommages, choisissez, parmi les deux approches suivantes, celle qui fonctionne le mieux :

  • Sélectionnez un stade précis dans le processus de détérioration et analysez combien de temps est nécessaire pour arriver à ce stade.
  • Sélectionnez un temps précis dans le futur, comme 10 ans, 30 ans ou 100 ans, et procédez à l’analyse de B.

Attribuez un score A au risque.

Analyser B : Perte de valeur de chaque élément touché

Premièrement, analysez le dommage physique qui découle de l’événement individuel, du processus cumulatif ou de multiples événements courants.

Maintenant, analysez la perte de valeur résultant de ce dommage pour chaque élément touché.

Attribuez un score B au risque.

Analyser C : Éléments touchés selon le diagramme des valeurs

Le diagramme des valeurs donne la valeur fractionnelle de chaque élément relativement au bien en entier, de sorte que l’on peut attribuer à tout groupe d’éléments touchés la bonne fraction de la valeur du bien en entier.

Attribuez un score C au risque.

Analyser A, B et C dans l’ordre le plus utile

Parfois, l’analyse s’effectue de façon plus logique dans un ordre qui diffère de A, B et C. par exemple il est souvent préférable d’analyser en premier lieu les éléments touchés (C) avant de tenter une analyse de la perte associée à chaque élément (B).

Calculer la MR = A + B + C

Déterminez les scores A, B et C au moyen des échelles A, B et C à cinq points. Additionnez les trois scores et vous obtiendrez la magnitude du risque (MR).

Faire des estimations élevées et des estimations basses

Pour chacun des scores A, B et C, faites une estimation élevée et une estimation basse pour tenir compte de l’incertitude de l’estimation centrale. Il y aura donc trois estimations de la MR : probable, élevée et basse.

Figure 13 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0009
Figure 13. Exemple de formulaire pour l’analyse de chaque risque spécifique. Les scores sont entrés dans les petites cases à droite. Les explications et les notes peuvent nécessiter d’autres pages.

Description de la Figure 13.

Le formulaire doit comprendre l’agent de détérioration, le nom du risque, la phrase de résumé des risques et chacun des scores A, B et C, ainsi qu'une explication associée à chacun de ces éléments. Au bas du formulaire se trouve des cases que l’on peut cocher pour indiquer le score de la magnitude du risque.

Tâche 2 : Diviser ou combiner les risques spécifiques, au besoin

Être prêt à diviser ou à combiner les risques

Au cours de l’analyse et aussi pendant les étapes subséquentes de l’évaluation et du traitement, vous pourriez décider qu’il est nécessaire de revoir la division des risques. Cela est normal, et même les évaluateurs de grande expérience ont peu de chance d’obtenir la division adéquate des risques au moment de l’identification!

Diviser lorsque les estimations élevées entraînent de nouveaux scénarios

Prenons cet exemple : « Des voleurs voleront des artéfacts ». Si l’on se met à réfléchir à toutes sortes de scénarios de vol et aux données connexes, on constatera que l’estimation élevée de la fréquence tient au fait que les objets sont en présentation à l’air libre, donc facilement accessibles. Par contre, l’estimation élevée de la valeur des artéfacts touchés sera fonction des objets plus difficiles à atteindre, soit ceux qui se trouvent dans des vitrines ou même dans des réserves spéciales. Il est beaucoup plus précis et plus utile, au moment d’élaborer des options de traitement, de diviser de tels risques. Dans cet exemple, on pourrait faire une distinction entre « Des voleurs voleront des artéfacts de grande valeur dans les réserves aux heures de fermeture » et « Des voleurs opportunistes voleront de petits objets en exposition à l’air libre durant les heures d’ouverture ».

Diviser pour réduire l’incertitude

Il est souvent plus précis d’analyser plusieurs risques distincts plutôt qu’un seul risque ambigu. Il est aussi souvent plus facile et plus rapide de procéder ainsi.

Diviser lorsque les décideurs le requièrent

Les décideurs pourraient vouloir une appréciation détaillée afin de détecter des tendances de risque dans l’ensemble d’un site. Cela devrait avoir été clarifié au cours de l’étape de l’établissement du contexte.

Combiner pour simplifier

Il pourrait devenir évident, au cours de l’analyse, que plusieurs risques spécifiques peuvent être combinés sans que l’incertitude soit accrue.

Combiner si les connaissances sont limitées

De nombreux risques ne s’appuient tout simplement pas sur assez de faits ou de théories pour permettre l’élaboration de multiples scénarios détaillés, même si l’on peut les imaginer clairement.

Garder votre première liste de risques spécifiques

Lorsque vous divisez ou combinez les risques, ne jetez pas les anciens risques spécifiques. Vous pourriez décider, au cours des étapes de l’évaluation et du traitement, que l’ancienne division des risques était plus pratique.

Simplifier si les ressources sont limitées

Si, pour des questions de ressources, vous n’avez que quelques jours pour mener une appréciation exhaustive des risques, il ne sera pas possible de considérer plus d’une douzaine de risques et d’obtenir autre chose que des estimations approximatives.

Expliquez à l’organisation qu’il serait peut-être plus efficace d’avoir deux cycles de gestion des risques. La première appréciation peut cibler les risques de façon générale, avec peu de détails, pour dégager les priorités générales. Lorsque les ressources le permettent, une seconde appréciation peut être effectuée, orientée par la première. Un tel exercice à deux niveaux constitue une stratégie courante de gestion des risques.

Tâche 3 : Revoir et préciser les analyses

Conserver toutes les notes

Il est normal, au cours de l’analyse des risques, d’accumuler de nombreuses notes et ébauches de calculs qui n’apparaîtront pas dans le rapport final. Conservez tout.

Faire des estimations élevées et basses plausibles plutôt que « possibles »

Il est possible qu’un risque identifié ne se concrétise jamais. Il est possible que tout soit détruit demain. Mais ce genre d’estimation n’est pas utile pour des scores maximaux et minimaux. Les estimations maximales et minimales doivent être extrêmes, mais plausibles. Imaginez 20 variations plausibles du risque décrit dans la phrase de résumé; quelles seraient les variations maximales et minimales?

Expliquer l’analyse aux utilisateurs

Les explications qui figureront dans le rapport final doivent être compréhensibles pour les utilisateurs. Il est fréquent de devoir réviser ces explications tout au long de l’analyse.

Revoir les risques qui combinent une grande magnitude et une forte incertitude

Les risques qui combinent une grande magnitude et une forte incertitude sont ceux qui demandent en priorité plus de recherche afin d’être précisés.

S’il reste du temps, poussez l’analyse des risques ayant une forte incertitude, mais une petite magnitude.

Consulter les utilisateurs

Consultez les utilisateurs finaux du rapport ou leur personnel chaque fois que vous pensez que cela peut améliorer une analyse. C’est souvent vrai au moment de la conversion de « dommages » en « perte de valeur de l’élément touché », mais c’est aussi le cas pour des questions d’ordre technique ou historique. Selon notre expérience, les décideurs et le personnel apprécient la nature interactive de l’approche de gestion des risques et le fait qu’elle s’appuie sur leurs connaissances, qu’elles soient tacites ou explicites.

Ne pas se concentrer sur les risques connus

Nous avons tendance à nous concentrer sur l’analyse des risques que nous connaissons bien, mais ceux-ci ne sont pas nécessairement les plus importants pour l’appréciation. Le risque pour lequel l’évaluateur est un expert devrait être celui qui prend le moins de temps à analyser et non le contraire.

Revoir l’analyse des surprises

Souvent, un risque spécifique qu’une organisation ou que l’évaluateur prévoit être de grande magnitude ne l’est pas. Pour des raisons politiques et psychologiques, il pourrait être utile de bien étudier l’analyse de ces « surprises » et de les expliquer aussi clairement que possible.

Ne pas être trop confiant

L’erreur la plus commune dans l’analyse des risques dans tous les domaines est un excès de confiance dans notre quantification. N’ayez pas peur d’indiquer un large écart entre les estimations élevées et basses si cela représente bien le degré de compréhension actuel.

Accepter l’incertitude

L’analyse des risques signifie qu'il faudra accepter qu’une analyse honnête soit toujours incertaine dans une certaine mesure et, souvent, dans une large mesure. La plupart d’entre nous ne sont pas à l’aise avec cela.

Savoir vous arrêter!

Il faut savoir s’arrêter! Toute appréciation des risques est « incomplète » dans la mesure où plus de nouveaux travaux de recherche et de renseignements verront le jour une fois le rapport terminé.

Explications sur l’étape de l’analyse

Les trois composantes ABC de la quantification des risques

Deux composantes fondamentales deviennent trois composantes ABC

Comme il en a été question dans la section Aperçu, la quantification des risques commence par la quantification de deux composantes fondamentales :

  1. fréquence (pour les événements) ou taux (pour les processus);
  2. conséquence.

Pour les biens patrimoniaux, la conséquence se mesure comme « la perte de valeur fractionnelle du bien patrimonial attribuable à un événement ou à un processus ». Dans le cadre de la méthode ABC, la conséquence se divise en deux parties :

  • 2a. la perte de valeur fractionnelle attribuable à l’événement ou au processus pour chacun des éléments touchés;
  • 2b. la valeur de tous les éléments qui seront touchés par l’événement ou le processus cumulatif, exprimée sous forme de fraction de la valeur totale du bien patrimonial considéré.

Dans la méthode ABC, ces trois composantes – 1, 2a, 2b – se nomment A, B et C. La meilleure façon de les comprendre est de les exprimer sous forme de questions pour chacun des risques analysés, comme suit.

Score A : Fréquence ou taux

Événements : À quelle fréquence l’événement se produira-t-il?

Processus cumulatifs : Quand le processus causera-t-il la perte précisée?

Score B : Perte de valeur de chaque élément touché

Quelle sera l’importance de la perte de valeur pour chaque élément touché?

Score C : Élément touché

Quelle est la part du bien patrimonial qui est touchée (en pourcentage du diagramme des valeurs)?

Score MR : Magnitude du risque

Les trois composantes A, B et C sont combinées pour mesurer « la magnitude du risque » en faisant l’addition suivante :

  • MR = A + B + C

Les échelles ABC

Introduction

Les trois prochaines sections présentent les échelles de magnitude du risque sous forme de « 1/2 échelon ». Vous en aurez besoin comme référence lorsque vous utiliserez la méthode avec les formulaires papier. Elles rappellent aussi la signification des échelles lorsque vous utilisez la base de données ou une feuille de calcul. Vous pourrez copier-coller des parties dans vos rapports. Si c’est votre première utilisation, concentrez-vous sur les parties du tableau surlignées en jaune : les scores complets de 1 à 5 et leur signification principale.

Échelles du degré de magnitude du risque

Pour chacune des trois composantes A, B et C et pour la magnitude du risque, les échelles sont des échelles logarithmiques. Chaque unité représente un facteur de dix. Ce genre d’échelles est utilisé pour de nombreux phénomènes très variés, comme l’échelle de Richter pour les tremblements de terre ou l’échelle des décibels pour l’intensité sonore.

Additionner les scores pour obtenir la magnitude du risque

Le risque est mesuré en multipliant des composantes (fréquence x conséquence). Dans la méthode ABC, comme les échelles sont logarithmiques, la multiplication qui sous-tend cette méthode se fait par la simple addition des scores A, B et C, ce qui donne la magnitude du risque.

Définitions officielles de A, B et C

Il n’est pas essentiel de connaître la version longue de ces définitions; elles sont données pour ceux qui s’intéressent à l’arithmétique de la méthode ABC.

Score A : Pour les événements, l’inverse du temps moyen entre les événements; pour les processus, l’inverse du temps mis à causer la perte précisée, chacune convertie sous la forme de l’échelle logarithmique A à cinq échelons, où un score de 5 représente un an entre les événements ou un an pour causer la perte précisée, un score de 4 représente dix ans, et ainsi de suite.

Score B : La perte de valeur fractionnelle de chacun des éléments touchés par l’événement ou le processus, convertie sous la forme de l’échelle logarithmique B à cinq échelons, où un score de 5 représente une perte de valeur de 100 %, un score de 4, une perte de valeur de 10 %, et ainsi de suite.

Score C : La valeur de tous les éléments qui seront touchés par l’événement ou le processus cumulatif, exprimée sous la forme d’une fraction de la valeur totale du bien patrimonial actuel et convertie sous la forme de l’échelle logarithmique C à cinq échelons, où un score de 5 représente 100 % de la valeur du bien patrimonial actuel, un score de 4, 10 % de la valeur du bien patrimonial actuel, et ainsi de suite.

L’arithmétique des scores ABC

Pour ceux qui veulent créer leur propre feuille de calcul ou outil de base de données ou calculer les scores de manière précise (en décimales plutôt qu’à la moitié près), ou encore qui souhaitent tout simplement comprendre l’arithmétique des échelles, reportez-vous à la fin de la présente section Analyser les risques, intitulée « L’arithmétique des scores ABC ».

Échelle A : Fréquence ou taux

La question pour A

Événements : À quelle fréquence l’événement se produira-t-il?

Processus cumulatifs : Quand le processus causera-t-il la perte précisée?

Tableau 10. Échelle A simplifiée sous forme de demi-échelons
Score Temps moyen entre les événements ou période de temps pour les dommages cumulatifs appréciés à B Fréquence dans 100 ans

5

1 année (1 à 2)

100 événements (60 à 100)

3 années (2 à 6)

30 événements (20 à 60)

4

10 années (6 à 20)

10 événements (6 à 20)

30 années (20 à 60)

3 événements (2 à 6)

3

100 années (60 à 200)

1 événement (0,6 à 2)

300 années (200 à 600)

~0,3 (0,2 à 0,6)

2

1 000 années (600 à 2 000)

~0,1 (0,06 à 0,2)

3 000 années (2 000 à 6 000)

~0,03 (0,02 à 0,06)

1

10 000 années (6 000 à 20 000)

~0,01 (0,006 à 0,02)

½

30 000 années (20 000 à 60 000)

~0,003 (0,002 à 0,006)

Nouveaux utilisateurs

Commencez par étudier les scores A à nombre entier uniquement. L’échelle va du score maximal de « 5 » pour les événements ou les dommages qui surviendront dans environ un an à un score de « 1 » pour les événements ou les dommages qui surviendront dans environ 10 000 ans.

Remarques pour l’échelle A

Les événements qui surviennent plus d’une fois par année sont considérés comme des processus cumulatifs. En ce qui concerne les événements qui surviennent moins d’une fois par année, mais qui ont très peu de répercussions, considérez-les comme des processus cumulatifs sur une période assez longue pour que l’estimation de la perte de valeur (B) soit utile.

Pour les processus cumulatifs, sélectionnez le degré de dommages selon votre contexte et évaluez le temps requis pour que ces dommages s’accumulent. Il peut s’agir du maximum de dommages possibles découlant de ce risque ou des dommages tout juste visibles, ou alors un point entre les deux. Vous pouvez aussi fixer une période de temps qui est pertinente pour votre contexte (par exemple 10, 30 ou 100 ans) et passer directement à l’établissement du score B.

Échelle B : Perte de valeur de chaque élément touché

La question pour B

Quelle sera l’importance de la perte de valeur pour chaque élément touché?

Tableau 11. Échelle B simplifiée sous forme de demi-échelons
Score Fraction de la perte de valeur de chaque élément touché Échelle de pourcentage Lignes directrices pour la description
(Il s’agit de guides et non de définitions)
Nombre équivalent d’éléments perdus en entier

5

100 %

100 % à 60 %

Perte de valeur totale ou presque de chaque élément touché

~1

30 %

60 % à 20 %

-

~3

4

10 %

20 % à 6 %

Perte de valeur importante de chaque élément touché

~10

3 %

6 % à 2 %

-

~30

3

1 %

2 % à 0,6 %

Faible perte de valeur de chaque élément touché

~100

0,3 %

0,6 % à 0,2 %

-

~300

2

0,1 %

0,2 % à 0,06 %

Perte minime de valeur de chaque élément touché

~1 000

0,03 %

0,06 % à 0,02 %

-

~3 000

1

0,01 %

0,02 % à 0,006 %

Perte négligeable de valeur de chaque élément touché

~10 000

½

0,003 %

0,006 % à 0,002 %

- -
Nouveaux utilisateurs

Commencez par étudier les scores B à nombre entier uniquement. L’échelle de perte de valeur va du score maximal de « 5 » pour la perte de valeur totale de chaque élément touché à un score de « 1 », soit 0,01 %, pour la perte négligeable de valeur de chaque élément touché. Un score de 1 signifie aussi que l’organisation préférerait jusqu’à un maximum de 10 000 éléments ayant subi des dommages négligeables qu’un élément détruit.

Remarques pour l’échelle B

Imaginez la perte moyenne dans l’ensemble des éléments touchés.

Pour les risques cumulatifs et les événements courants multiples, assurez-vous d’évaluer le score B en fonction du moment choisi pour le score A. Servez-vous de l’état actuel des éléments comme point de référence pour évaluer la perte de valeur future.

Échelle C : Éléments touchés

La question pour C

Quelle est la part du bien patrimonial qui est touchée (en pourcentage du diagramme des valeurs)?

Tableau 12. Échelle C simplifiée sous forme de demi-échelons
Score Pourcentage du diagramme des valeurs Échelle de pourcentage Lignes directrices pour le texte
(Il s’agit de guides et non de définitions.)

5

100 %

100 % à 60 %

Toute ou presque toute la valeur du bien patrimonial est touchée.

30 %

60 % à 20 %

-

4

10 %

20 % à 6 %

Une grande fraction de la valeur du bien patrimonial est touchée.

3 %

6 % à 2 %

-

3

1 %

2 % à 0,6 %

Une petite fraction de la valeur du bien patrimonial est touchée.

0,3 %

0,6 % à 0,2 %

-

2

0,1 %

0,2 % à 0,06 %

Une fraction minime de la valeur du bien patrimonial est touchée.

0,03 %

0,06 % à 0,02 %

-

1

0,01 %

0,02 % à 0,006 %

Une fraction négligeable de la valeur du bien patrimonial est touchée.

½

0,003 %

0,006 % à 0,002 %

-
Nouveaux utilisateurs

Commencez par étudier les scores C à nombre entier uniquement. L’échelle C va du score maximal de « 5 » si le bien patrimonial est touché en entier au score de « 1 » si 0,01 %, une fraction négligeable du bien patrimonial est touchée.

Remarques pour C

Cette quantification se fait au moyen du « diagramme des valeurs » et pas simplement par le dénombrement des éléments. Si, toutefois, chaque élément est considéré de valeur égale, alors il s’agit d’une formule particulière du diagramme des valeurs, et il faut alors ajouter une note.

Méthode papier ou électronique?

Méthode papier – échelles de demi-échelons (1/2)

La méthode du risque peut être appliquée en utilisant des formulaires papier. Dans le cadre de cette méthode, on attribue un score aux trois composantes en arrondissant au demi-point le plus près au moyen des échelles de demi-échelons (1/2). Pour de nombreuses appréciations des risques, ce degré de précision est plus que suffisant pour établir des priorités claires.

Utilisation du score d’incertitude

La méthode suggère que l’évaluateur inscrive non seulement l’estimation vraisemblable d’une composante, mais aussi une estimation élevée et une basse. L’écart entre les estimations élevée et basse est ce qu’on appelle l’incertitude. La méthode papier traite l’incertitude seulement à titre de guide qualitatif à examiner plus tard durant l’évaluation. Une base de données ou une feuille de calculs peut traiter l’incertitude de façon mathématique et calculer un score moyen fondé sur les trois estimations (élevée, vraisemblable et basse).

Méthode de la base de données – échelles décimales

En plus d’automatiser la production de graphiques et de rapports, la base de données permet une plus grande précision que les échelles à demi-points. Elle fournit les scores ABC en décimales, par exemple 3,3, plutôt qu’à la demie près, ce serait . Elle permet d’entrer des données brutes, lorsque c’est possible, comme le temps moyen entre les événements (la fréquence) ou le nombre précis d’éléments touchés; la conversion aux échelles à cinq échelons est donc automatisée et l’on évite des erreurs arithmétiques. Si vous voulez comprendre l’arithmétique des échelles ou si vous souhaitez créer votre propre base de données ou feuille de calcul, reportez-vous à « L’arithmétique des scores ABC » qui se trouve à la fin de l’étape de l’analyse. Si vous voulez essayer la base de données de la gestion du risque de l’ICC, contactez l’ICC.

Le scénario du risque

Les scénarios sont de courtes histoires à propos de l’avenir

Le scénario d’un risque spécifique représente l’histoire complète qui se cache derrière la phrase de résumé. Puisqu’il est question d’un scénario de risque, il s’agit d’une histoire future, bien qu’on y invoque certainement des preuves provenant du passé et du présent. De façon générale, le scénario compte entre 100 et 500 mots, mais il peut être plus court ou plus long, selon la portée de l’appréciation des risques.

Significatif et sans ambiguïté

« Les scénarios de risques spécifiques doivent être décrits d’une façon significative et sans ambiguïté. Nous élaborons une description qui :

  • souligne le danger;
  • décrit les dommages qui pourraient s’ensuivre;
  • évalue la partie de la collection (bien patrimonial) qui sera touchée;
  • évalue la rapidité et la fréquence;
  • évalue la perte de valeur qui en découlerait. » [Traduction]

(Antomarchi et al., 2005)

Les scénarios traitent du « statu quo »

Le scénario ne décrit pas comment nous pouvons améliorer la situation pour notre bien patrimonial; cela fait partie de l’étape du traitement des risques. Le scénario décrit ce qui arrivera au bien si rien n’est fait pour en modifier l’état actuel.

Écrire le scénario complet avant ou après l’analyse des composantes du risque?

En pratique, l’évaluateur du risque expérimenté a tendance à écrire la phrase de résumé et à procéder ensuite à l’analyse de chaque composante en rédigeant de brèves explications pour cette composante au fur et à mesure que les données et les connaissances s’accumulent. À la fin de ce processus, l’évaluateur peut lier les trois explications dans un seul texte, ce qui forme le scénario.

Pour l’enseignement, il peut être utile d’élaborer une version provisoire du scénario avant de développer les explications des trois composantes. Même le plus expérimenté des évaluateurs rédigera des notes ou tracera un diagramme du scénario dans son ensemble pendant qu’il essaie de comprendre et rédigera les explications des trois composantes séparément.

Analyser A pour les événements rares

Qu’entend-on par rare?

Comme nous l’avons fait remarquer dans la section Aperçu, la définition du terme « rare » au sens strict est fonction de l’horizon temporaire sélectionné – elle s’applique aux événements qui ne sont pas susceptibles de survenir même une seule fois durant l’horizon temporel. Les horizons temporels peuvent varier de 10 ans, selon le point de vue d’un directeur, à 100 ans, selon le point de vue d’une organisation. Si nous adoptons 100 ans comme limite pratique, il y a peu de chance que les événements rares soient encore dans la mémoire de la communauté locale. Pour les événements rares, les sources d’information habituelles sont les faits historiques régionaux, souvent compilés en données statistiques, souvent à l’échelon national, parfois à l’échelon régional.

Le temps entre les événements

Le paramètre de base utilisé pour déterminer le score de la fréquence est le temps moyen entre les événements. Pour les données historiques régionales, comme les tremblements de terre et les inondations, les sources peuvent spécifier d’un événement qui survient « tous les 500 ans », donc A=2½, ou « tous les 100 ans », donc A=3. Pour ce qui est des faits historiques locaux, on parle de « quelque chose qui survient tous les 5 ans environ », donc A=4½, etc. Cela ne veut pas dire que l’événement survient, invariablement, à un intervalle précis de 5 ans ou de 500 ans, cela veut simplement dire « en moyenne ». Dans d’autres domaines de risque, on parle du temps moyen entre événements (TMEE).

Les événements qui surviennent au cours d’une période donnée

Parfois, on recueille des données du genre « cet événement s’est produit 3 fois depuis que je suis ici, soit depuis 25 ans ». Le temps entre les événements est donc 25 ans/3 = ~ 8 ans, donc A=4.

Probabilités

Les données sur les événements très rares se fonderont probablement davantage sur les probabilités, plutôt que sur le temps entre les événements. Les probabilités sont toujours liées à une période donnée. À titre d’exemple, les données sur les tremblements de terre signaleront qu’un tremblement de terre d’une certaine intensité surviendra « dans 50 ans, selon une probabilité de 10 % ». Pour convertir cette donnée à un temps entre les événements :

Période de temps précisée/probabilité = temps entre les événements
50 ans/10 % = 50 ans/0,1 = 500 ans, donc A=2½.

(Il ne s’agit pas d’un calcul exact de probabilité, mais l’approximation est largement suffisante pour notre tâche.)

Analyser A pour les événements courants

Qu’est-ce qu’un événement courant?

Aux fins pratiques de l’appréciation des risques pour le patrimoine, un événement courant survient plus souvent qu’une fois tous les 100 ans. Les sources d’information seront probablement des données et des souvenirs locaux.

Si l’événement survient plus souvent qu’une fois par année (A=5), considérez-le à titre de processus cumulatif.

Lorsque chaque événement est important

Si l’on s’attend à ce que chaque événement concernant un risque spécifique cause des dommages importants qui devraient être pris en compte pour établir le score sur l’échelle B (perte de valeur de chaque élément touché), donnez alors un score A (fréquence ou taux) pour l’événement unique de la même façon que vous le feriez pour un événement rare. par exemple l’histoire antérieure de l’organisation révèle que le transfert annuel d’une collection de tissus de la salle d’exposition aux réserves pour l’hiver cause des dommages visibles à un tissu tous les sept à dix ans, attribuez le score A=3. Procédez ensuite à l’analyse de B et de C.

Lorsque chaque événement est négligeable

Si l’on s’attend à ce que chaque événement concernant un risque spécifique n’entraîne que des dommages négligeables qu’on juge « trop petits » pour inclure dans le plus petit score B (perte de valeur de chaque élément touché) ou qu’il touche trop peu d’éléments pour être inclus dans le score C (éléments touchés), traitez alors le risque comme un processus cumulatif au fil du temps. Cela vous permet de sélectionner une période de temps qui donne un degré significatif de dommages en vue de l’attribution d’un score. À titre d’exemple, l’usure causée par le déplacement annuel de tissus d’une salle d’exposition à une salle de réserves pourrait être expliquée de la façon suivante : « Mène parfois, mais pas toujours, à quelques lacérations ou coutures défaites sur quelques éléments en raison de procédures inadéquates. » Dans cette situation, il convient davantage de choisir une période de temps qui donne une accumulation significative de dommages, par exemple si les registres et la mémoire locale révèlent que ce processus a causé des dommages matériels visibles et largement disperses sur la collection au cours des 30 dernières années, alors utilisez une période de 30 ans dans le futur pour analyser les risques (A=3½), puis analysez les scores B et C en fonction de cette période.

Analyser A pour les processus cumulatifs

Qu’est-ce qu’un processus cumulatif?

Les processus cumulatifs sont toutes les formes de détérioration qui s’accumulent de façon graduelle au fil du temps, comme l’altération par la lumière, la corrosion du métal, l’usure, etc. Par « cumulatif », on entend aussi tout processus intermittent ou qui fluctue, et tout événement qui survient plus d’une fois par année. Les méthodes utilisées ici s’appliquent aussi aux événements qui sont si négligeables individuellement qu’ils ne peuvent être évalués qu’en tenant compte de la détérioration cumulative produite à la suite de nombreux événements et après de nombreuses années.

Option 1 : Établir B, puis analyser A

Pour les risques découlant de processus cumulatifs, le score A (taux) et le score B (perte de valeur de chaque élément touché) sont liés. Vous devez être précis quant à l’état de détérioration que vous utilisez dans le scénario de risque avant de faire une estimation du temps requis pour arriver à cet état, c’est-à-dire avant d’attribuer le score A. Les choix courants sont : « le plus petit effet négatif observable » et « l’état final du processus ». Vous pouvez aussi recourir à des états de détérioration bien définis.

Analyser le plus petit effet négatif observable

Les décideurs veulent parfois savoir combien de temps est requis pour que la détérioration découlant d’un processus cumulatif devienne perceptible; par exemple le temps requis pour que le ternissement ou la décoloration d’un élément devienne tout juste perceptible.

Analyser l’état final de la détérioration

Les décideurs veulent parfois savoir combien de temps est requis pour arriver à l’aboutissement du processus de détérioration; par exemple le temps requis pour qu’un tissu ait perdu toutes ses couleurs. Le libellé d’un scénario portant sur les processus complexes de détérioration doit être judicieusement choisi; par exemple « la décoloration presque complète, en raison de la lumière, du rouge dans l’uniforme, qui est la couleur dominante de l’élément, mais qui n’est pas nécessairement la plus sensible ».

Fournir les deux analyses

Si vous effectuez l’une des deux analyses décrites ci-dessus, cela signifie habituellement que vous pouvez fournir l’autre analyse sans trop d’efforts supplémentaires. Il sera toujours pratique à l’étape de l’évaluation, et pour les décideurs, si le scénario comprend les « deux fins », soit le premier effet observable et l’état final de la détérioration.

Option 2 : Établir A, puis analyser B

Si cette option convient mieux à votre situation, sélectionnez un temps donné à l’avenir, comme 10 ans, 30 ans ou 100 ans, et procédez à l’analyse du degré de détérioration qui s’accumulera pour les éléments touchés entre aujourd’hui et le temps sélectionné.

À noter que, si le taux du processus de détérioration est (présumé) constant et que l’on suppose une proportionnalité directe entre le degré de détérioration et la perte de valeur correspondante, la somme des scores A + B devrait être la même, peu importe l’option retenue.

Analyser A en utilisant l’horizon temporel

Qu’est-ce que l’horizon temporel?

Comme nous en avons discuté dans les idées de base de la section Aperçu, l’horizon temporel est un moment dans le futur que vous choisissez pour mesurer le but de la gestion des risques, par exemple la réduction de la perte de valeur. Autrement dit, vous imaginez un moment où le bien est transmis à une prochaine génération en s’efforçant de le transmettre dans le meilleur état possible. (Nous ne tenons pas compte des effets liés aux acquisitions et au changement de goût.) Ce moment peut être dans 10 ans, ou dans 100 ans. Du point de vue de la gestion, avoir ce choix, c’est reconnaître que la planification à court terme et la planification à long terme pourraient donner lieu à des priorités différentes. (Pour voir une explication détaillée de ces différences, consultez Michalski, 2008.)

Pour la planification à long terme établir A en utilisant un horizon temporel distant

Si l’organisme et son bien ont subi peu de changements depuis des décennies ou si la direction souhaite se concentrer sur la planification à long terme, choisissez alors un horizon temporel de 100 ans par exemple. Pour les processus cumulatifs et les événements courants (au moins un événement survient durant l’horizon temporel), établissez A en fonction de cet horizon temporel, ce qui signifie que pour 100 ans, A=3. Procédez ensuite directement à l’analyse de B, perte de valeur de chaque élément touché, et de C, éléments touchés, pour les 100 prochaines années.

Quand utiliser un horizon temporel proche

Si l’organisme et son bien sont récents ou si l’emplacement ou les installations ont changé récemment, et si l’organisme veut s’assurer qu’aucun nouveau processus ne cause de dommages rapidement (par exemple des dommages causés par l’éclairage d’objets intacts exposés dans une vitrine, l’autodestruction de supports numériques, un site historique récemment ouvert avec un très grand nombre de visiteurs), choisissez un horizon temporel proche, par exemple 10 ans. Pour les processus cumulatifs et les événements courants (au moins un événement survient durant l’horizon temporel), établissez A en fonction de cet horizon temporel, c’est-à-dire A=4. Analysez ensuite B, perte de valeur de chaque élément touché, et C, éléments touchés, pour les 10 prochaines années.

Cela étant dit, pendant l’analyse de processus très lents ou d’événements courants très petits auxquels il est difficile d’attribuer un score B, perte de valeur de chaque élément touché, comme nous l’avons conseillé précédemment, choisissez une période plus longue pour A, par exemple 30 ans ou plus.

Est-ce que cela change mes priorités?

Prenons un risque pour lequel il faut dix ans avant d’atteindre l’état final de détérioration (décoloration, perte du fini d’origine d’un escalier historique nouvellement accessible). Les 90 prochaines années ne causeront pas beaucoup de perte de valeur supplémentaire (il est déjà trop tard!). Supposons que les scores pour ce dommage soient : B=3, C=4. Si l’on utilise un horizon temporel de 100 ans, A=3, alors MR=10. Si l’on utilise un horizon temporel de 10 ans, A=4, alors MR=11. Autrement dit, un horizon temporel distant réduit la priorité des risques liés aux processus rapides.

Les événements rares ne sont pas concernés

En ce qui concerne les événements rares, c’est-à-dire les événements qui se produisent moins d’une fois par horizon temporel, continuez d’utiliser le temps moyen entre événements, par exemple pour les précipitations de pluie ou les séismes ayant un intervalle de 500 ans, inscrivez A=2½; pour les incendies ayant un intervalle estimatif de 140 ans, inscrivez A=3; etc.

Analyser quels éléments inclure : vérifier le diagramme des valeurs à titre de référence

Que faire si les limites sont floues?

La figure 14 représente le bien patrimonial au moyen d’un carré gris. Les éléments touchés se trouvent à l’intérieur du point rouge flou. Il est normal que le périmètre du point soit trouble. (La figure est un schéma; en réalité, la zone rouge peut représenter un groupe de points éparpillés dans l’organisation.)

Pour donner un score B, perte de valeur, à chaque élément touché, vous devez choisir une ligne de démarcation, représentée par la boîte noire. Pour les scénarios où il n’est pas évident de choisir l’emplacement exact de cette ligne entre les éléments touchés et ceux qui ne le sont pas, envisagez l’effet moyen sur les éléments que vous considérez être bien à l’intérieur du périmètre, puis ajoutez les éléments qui auront au moins 1/3 de cet effet moyen.

Vérifier si le diagramme des valeurs aide à fixer cette démarcation

Avant de poursuivre l’analyse de B, perte de valeur de chaque élément touché, il est utile de considérer le diagramme des valeurs. par exemple si le scénario comprend des éléments de grande valeur représentant une bonne partie de la valeur totale des éléments touchés, il sera alors beaucoup plus simple, et beaucoup plus utile pour les décideurs, si la ligne de démarcation regroupe tous les éléments de grande valeur; ne vous préoccupez pas de l’incertitude relative aux éléments de faible valeur. La ligne de démarcation ayant été établie en fonction des éléments de grande valeur, vous pouvez continuer à estimer B, perte de valeur de chaque élément touché, selon cette même ligne de démarcation.

Regrouper ou diviser

L’analyse de la ligne de démarcation pourrait vous inciter à diviser le scénario en deux ou à le regrouper avec un autre. Consultez la sous-section plus loin consacrée au regroupement ou la division de risques spécifiques.

Figure 14 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0010
Figure 14. Contour flou de la ligne de démarcation entre les éléments touchés et ceux qui ne le sont pas.

Description de la Figure 14.

Dans ce diagramme, un rectangle gris représente le bien en entier. À l’intérieur de ce rectangle se trouve un disque rouge apparaissant en flou; le contour s’estompe graduellement pour devenir gris. Un carré est tracé au trait noir à l’intérieur du cercle rouge.

Analyser B quand la perte est totale

Fixer B=5

Pour les scénarios qui entraînent une perte totale et non ambiguë des éléments, comme l’incendie (combustion totale) et le vol, vous pouvez immédiatement attribuer à B le score de 5. Pour ces risques, l’analyse vise seulement à déterminer A, fréquence ou taux, et C, éléments touchés.

Il est possible de faire des comparaisons quantitatives très précises entre les risques qui causent la perte totale, étant donné que le score A, fréquence ou taux, est objectif, que le score B, perte de valeur de chaque élément touché, est aussi maintenant objectif et que le score C, éléments touchés, est partiellement objectif.

Ces types de risques, c’est-à-dire ceux qui entraînent une perte totale, sont les seuls pour lesquels le mot « risque » était traditionnellement utilisé dans les organisations patrimoniales.

Diviser les risques, où B=5

À l’étape de l’évaluation, il peut être utile de diviser les risques en fonction des deux types (perte totale et perte partielle) de sorte à pouvoir faire des comparaisons précises au sein de chaque groupe avant de comparer l’ensemble des risques.

Lorsque la perte est partielle : l’analyse de la détérioration

Les deux étapes de l’analyse de B, perte de valeur de chaque élément touché

L’analyse de B, perte de valeur de chaque élément touché, s’effectue en deux étapes très différentes :

  • l’analyse de la détérioration;
  • l’analyse de la perte de valeur conséquente.

La première étape est de nature technique. La seconde repose sur un jugement de valeur culturelle. Les deux réponses feront partie de votre scénario.

La première étape de la question

Quelle est la description, ou l’illustration, de la détérioration prévue, afin que les autres et moi-même puissions évaluer la perte de valeur?

Effectuer une ébauche rapide pour trouver la source de l’incertitude

Une stratégie utile consiste à inscrire votre « meilleure estimation » de la détérioration future dans vos notes, par exemple « la lumière causera une décoloration à peine perceptible du rouge dans environ 10 ans » ou « en raison de la pollution, les costumes en présentation libre deviendront gris et sales de façon perceptible dans environ 10 ans ».

Faites preuve de jugement ou ayez de courtes discussions avec vos collègues. Procédez à la partie subjective de la phase de l’analyse, soit la perte de valeur subséquente, et faites une première ébauche de la magnitude du risque, incluant les meilleurs et les pires scores. Cette ébauche rapide permettra de cibler les endroits où il faut préciser l’analyse. À titre d’exemple, il se peut que vous soyez beaucoup plus incertain quant à la perte de valeur due à la décoloration et à la pollution que vous ne l’êtes à propos du taux de décoloration lui-même.

Ne pas perdre de temps à atténuer une incertitude déjà faible

La seule façon d’améliorer l’analyse finale des risques est de préciser la partie la plus incertaine. Si vous ne pouvez améliorer cette partie, il y aura alors très peu d’avantages à améliorer les autres parties.

Si vous effectuez l’analyse de risques du même genre ou que vous utilisez un critère commun pour B, perte de valeur de chaque élément touché, comme un effet tout juste perceptible, vous avez alors évité l’incertitude pour la partie subjective (perte de valeur) et vous pouvez vous concentrer sur les améliorations techniques.

Lorsque la perte est partielle : de la détérioration à la perte de valeur

L’étape subjective de la question

Maintenant que vous avez prédit la détérioration, vous devez vous poser la question suivante :

Quelle sera l’importance de la perte de valeur conséquente à cette détérioration?

L’information du contexte entre maintenant en ligne de compte.

Consulter les documents

Rappelez-vous (et rappelez à ceux qui participent au jugement) l’énoncé de mission, le mandat, les diverses politiques en matière de conservation et les « énoncés d’importance » pour chaque élément.

Dans toutes les organisations patrimoniales, peu importe leur taille, il se peut que les énoncés d’importance n’existent pas. Dans les petites organisations, il se peut même qu’il n’y ait pas d’énoncé de mission. Un exercice d’appréciation des risques peut inciter à créer de tels documents, puisqu’on se pose nécessairement la question : Pourquoi préservons-nous ce bien patrimonial?

Utiliser des échantillons d’images pour étalonner les opinions

Essayez d’obtenir des images du genre de détérioration que vous prévoyez. Elles auront une valeur inestimable pour le processus d’attribution des scores et pour les décideurs plus tard. Nombre de personnes qui travaillent dans le domaine ont commencé à créer des séquences d’images de divers types de processus de détérioration, qui nous permettront d’étalonner B, la perte de valeur de chaque élément touché, au sein d’une organisation et entre les organisations ayant des missions semblables.

Obtenir des opinions sans parti pris

Des experts et des intervenants appropriés (il peut s’agir simplement de quelques collègues ou d’amis de l’organisation) peuvent jouer un rôle important pour l’établissement de B (perte de valeur de chaque élément touché). Pour transformer des jugements subjectifs, c’est-à-dire des opinions, en un « fait » pratique pour l’appréciation des risques, vous devez en recueillir le plus possible et le faire sans parti pris. Assurez-vous de demander aux gens de donner leurs opinions initiales sans qu’ils aient connaissance des opinions les uns des autres. Faites la compilation de leurs votes non biaisés et après seulement, rassemblez le groupe pour déterminer s’il y a lieu d’apporter ou non des ajustements.

En présentant le même scénario de risque à de nombreux groupes de participants et en leur permettant de voter de façon anonyme, on a constaté que la différence entre le score B (perte de valeur de chaque élément touché) le plus élevé et le plus bas peut souvent représenter jusqu’à trois échelons. Toutefois, s’ils ont l’occasion d’en discuter par la suite, les opinions ne diffèrent que d’un échelon.

Quatre façons de déterminer le score

Dans ce manuel, nous vous suggérons quatre façons de déterminer B (perte de valeur de chaque élément touché) en utilisant :

  • des fractions;
  • des graphiques;
  • des mots;
  • l’équivalence de la perte totale.

Seule la dernière façon, soit l’équivalence, donne une réponse quantitative rigoureuse qui peut être utilisée dans les évaluations de risque comparatives et exhaustives.

Nous aborderons ces quatre façons dans les sections qui suivent.

Lorsque la perte est partielle : utiliser des fractions

Les fractions comme éléments de base de l’échelle

La perte de valeur de chaque élément touché est simplement la mise au point d’énoncés du genre suivant : « Si l’élément est fendu de cette façon (ou écaillé, décoloré, grignoté par les souris, taché, usé, etc.), il perdra un tiers de sa valeur actuelle. »

Pour certains éléments dans certains biens patrimoniaux, la perte de valeur fractionnelle ou la perte « d’utilité » peut être évaluée de façon significative, par exemple 50 %, 10 % ou 1 %. Si votre organisation peut créer un schéma pour établir la perte fractionnelle de façon numérique, documentez-le et utilisez-le.

De telles estimations directes de la perte de valeur en tant que fractions numériques sont généralement utiles dans le cas de pertes importantes, de l’ordre de 10 à 100 %. Alors qu’il faut être précis avec de tels chiffres pour des risques financiers, par exemple faire la différence entre 50 % et 30 % de la valeur du marché, il est rarement nécessaire de l’être autant dans le cadre d’une appréciation des risques pour le patrimoine qui a pour but d’établir des priorités de préservation. Pour nous, les différences qui comptent sont en ordre de grandeur – par exemple le fait que l’élément soit écaillé, décoloré, grignoté par les souris, taché, usé, etc. causera-t-il une perte de valeur de 30 %, de 1 % ou de 100 fois moins, soit de 0,01 %?

Les très petites fractions sont difficiles à concevoir. Les trois prochaines sous-sections expliquent des façons différentes de déterminer B, perte de valeur de chaque élément touché.

Outils logiciels

Dans d’autres domaines du risque, la quantification d’échelles subjectives se fait au moyen de logiciels, qui traitent un ensemble important de comparaisons simples provenant des experts et des intervenants, en vérifient l’uniformité, demandent une réévaluation de jugements incompatibles et, enfin, calculent un espacement numérique qui convient à toutes les comparaisons.

Tableau 13. L’échelle B exprimée sous forme de fractions, c.-à-d. en pourcentage
Score B Fraction de la perte de valeur de chaque élément touché Échelle

5

100 %

100 % à 60 %

30 %

60 % à 20 %

4

10 %

20 % à 6 %

3 %

6 % à 2 %

3

1 %

2 % à 0,6 %

0,3 %

0,6 % à 0,2 %

2

0,1 %

0,2 % à 0,06 %

c0,03 %

0,06 % à 0,02 %

1

0,01 %

0,02 % à 0,006 %

½

0,003 %

0,006 % à 0,002 %

Lorsque la perte est partielle : utiliser des graphiques

La fraction comme graphique

Un des problèmes que posent les fractions numériques, surtout les très petites fractions, c’est que peu d’entre nous, même les scientifiques, peuvent les concevoir facilement. La représentation graphique des fractions fait appel à notre grande habileté visuelle à percevoir les échelles directement, sans l’abstraction des chiffres. De telles métaphores visuelles peuvent nous aider à mieux percevoir la taille, l’intensité ou l’importance de la perte de valeur fractionnelle, sans avoir recours à l’ambiguïté des mots.

Créer votre échelle graphique

Servez-vous d’une feuille de papier format A4 ou commercial par étape. Il vous faudra neuf pages. À l’aide d’un logiciel de traitement de texte ou de graphiques, tracez un carré gris de 20 cm sur 20 cm. Pour chaque score (chaque feuille A4), tracez le carré blanc correspondant à l’intérieur du carré gris, mais ni tout à fait au centre ni tout à fait dans un coin. Utilisez les dimensions données dans le tableau 14. À chaque fois, indiquez le score B, la fraction (facultatif) et l’échelle verbale (facultatif). Grâce aux moyens technologiques actuels, il est facile de produire et d’imprimer une échelle entière jusqu’à 0,003 % près avec suffisamment de précision.

Tableau 14. Taille des carrés pour créer une échelle graphique pour B
Score B Fraction Taille du carré blanc si le carré gris est de 20 cm

5

100 %

20 cm

30 %

11 cm

4

10 %

6,32 cm

3 %

3,46 cm

3

1 %

2 cm

0,3 %

1,1 cm

2

0,1 %

0,63 cm

0,03 %

0,35 cm

1

0,01 %

0,20 cm

½

0,003 %

0,11 cm

Figure 15 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-12
Figure 15. Exemple de l’échelle de zones pour une perte de 1 %, avec un score B de 3.

Description de la Figure 15.

Ce diagramme représente une feuille de papier standard, de format lettre ou A4. Un carré gris occupe la quasi-totalité de la feuille. Dans le coin supérieur droit apparaît un petit carré blanc. En bas de la figure, on peut lire : « B égale 3 » et « Perte de 1 % ».

Exercice métaphorique et non concret

Quand vous utilisez l’échelle graphique en groupe pour déterminer le score B, insistez sur le fait qu’il ne s’agit pas de la représentation concrète d’un trou dans l’élément; c’est une métaphore visuelle qui représente l’importance de la valeur perdue et de celle qui reste. Si les dommages sont concrets et représentent un morceau manquant de l’élément, l’échelle de zones pourrait être beaucoup plus grande ou plus petite, selon la valeur perdue.

Lorsque la perte est partielle : utiliser des mots

Échelles verbales

Les échelles verbales sont souvent utilisées dans l’appréciation des risques, particulièrement pour la communication avec les intervenants.

Le tableau 15 propose une échelle verbale pour le score B. Les mots de l’échelle B ont été choisis de façon judicieuse et peuvent être utilisés pour l’appréciation des risques pour le patrimoine.

L’expérience acquise par ceux qui ont utilisé cette échelle verbale démontre que, lorsqu’elle est combinée à l’utilisation quantitative des deux autres composantes, elle permet de séparer de façon fiable les risques très importants des risques petits et de donner une certaine orientation pour ce qui est des risques intermédiaires.

L’échelle verbale n’est pas quantitative. Si elle est utilisée pour l’analyse des risques, il faut le mentionner clairement dans le rapport final.

Tableau 15. Échelle B exprimée en mots
Score B Définition en mots

5

Perte de valeur totale ou presque de chaque élément touché

-

4

Perte de valeur importante de chaque élément touché

-

3

Faible perte de valeur de chaque élément touché

-

2

Très minime perte de valeur de chaque élément touché

-

1

Perte négligeable de valeur de chaque élément touché

½

-

Lorsque la perte est partielle : utiliser l’équivalence de la perte totale

L’équilibre de l’équivalence

La seule façon rigoureuse d’arriver à une estimation de la perte de valeur partielle est de reformuler la question pour B comme suit :

Combien d’éléments pourraient subir cette perte partielle de valeur avant que l’organisation ne préfère perdre totalement un seul élément?

par exemple si des papiers d’archives brunissent un peu en raison du contact avec le carton de boîtes de rangement ordinaires, on peut demander aux archivistes de donner une estimation de l’équivalence. Ils pourraient dire que compte tenu de la mission des archives, qui est de préserver l’information, ils préféreraient avoir 10 000 feuilles légèrement brunies plutôt que d’en voir une détruite complètement. D’après le tableau 16, cette équivalence donne un score B=1. Par contre, le conservateur d’une collection de 1 000 gravures d’art pourrait quant à lui estimer qu’il faudrait qu'environ 100 gravures soient un peu endommagées par ce type de brunissement avant que l’organisme ne préfère en voir une être volée. D’après le tableau 16, cette équivalence donne un score B=3.

Tableau 16. Échelle B exprimée sous la forme du nombre d’éléments qui équivaudraient à la perte totale d’un élément
Score B Nombre d’éléments dont la perte partielle équivaut à la perte totale d’un élément Échelle

5

~1

1 – 2

~3

2 – 6

4

~10

6 – 20

~30

20 – 60

3

~100

60 – 200

~300

200 – 600

2

~1 000

600 – 2 000

~3 000

2 000 – 6 000

1

~10 000

6 000 – 20 000

½

~30 000

20 000 – 60 000

Équivalence et perte fractionnelle de valeur

Dans le tableau 13, où l’échelle B est exprimée sous la forme de fractions (pourcentages), le score B=3 correspond à une perte de valeur de 1 %. Dans le tableau 16, le score B=3 est exprimé en tant que « 100 éléments » qui pourraient subir ce degré de dommages partiels avant que l’organisme préfère en perdre un au complet. Les deux expressions sont simplement l’inverse l’une de l’autre.

L’équivalence est la règle d’or pour le score B

L’équivalence de la perte totale n’est pas simplement une manière d’exprimer une perte partielle; c’est la seule façon d’étalonner la mesure de la perte partielle. Même si vous avez utilisé l’échelle verbale, l’échelle exprimée en fractions ou l’échelle graphique, à l’étape de l’évaluation des risques, vous utilisez en fait l’équivalence pour affirmer que le risque X est plus grand ou plus petit que le risque Y.

Lorsque la perte est partielle : les chaînes d’équivalences

Qu’est-ce qu’une chaîne d’équivalences?

Une chaîne d’équivalences est une série de jugements d’équivalence que l’on fait entre la perte totale (100 %) et la plus petite perte partielle dont on a besoin pour procéder à l’appréciation, perte qui pourrait être aussi faible que 0,01 %. Le rapport entre chaque maillon de la chaîne, par exemple 10:1, 30:1 ou 100:1, est beaucoup plus petit que le rapport énorme entre le début et la fin de la chaîne, 10 000:1.

Pourquoi utiliser une chaîne d’équivalences?

Deux problèmes surviennent lorsqu’on veut faire un jugement d’équivalence entre 10 000 et 1. Il y a tout d’abord notre incapacité à utiliser de grands nombres lorsque nous devons prendre des décisions de nature subjective. Il y a aussi des limites d’ordre pratique à utiliser de grands nombres pour poser des jugements sur de petites collections. par exemple demander à un organisme propriétaire de 500 peintures d’imaginer une perte de valeur équivalente basée sur 10 000 peintures est un exercice non seulement difficile, mais aussi dénué de sens.

Les chaînes d’équivalences permettent de résoudre ce problème. Elles aident les analystes, mais aussi les décideurs. En particulier, ceux qui rejettent de prime abord l’idée de quantifier une perte de valeur partielle peuvent finir par l’accepter si elle est présentée comme une chaîne d’équivalences entre des degrés divers de dommages.

Faire une chaîne d’équivalences

Imaginez 11 éléments similaires, 1 élément d’un côté et un groupe de 10 de l’autre. Imaginez que vous pouvez choisir entre deux futurs différents : la perte totale de l’élément isolé ou un dommage partiel à chacun des 10 éléments du groupe. Quel degré de dommage accepteriez-vous sur chacun des 10 éléments avant de préférer à cela la perte totale de l’élément isolé, due par exemple à un incendie? Le dommage partiel que vous avez imaginé représente une perte de valeur de 10 %, soit un score B de 4 et « une perte de valeur importante » sur l’échelle verbale.

Maintenant, répétez l’exercice, mais cette fois, en imaginant que l’élément isolé a subi un dommage équivalent à une perte de valeur de 10 % telle que vous l’avez établie. Quel degré de dommage partiel accepteriez-vous sur chacun des 10 éléments du groupe avant de préférer à cela la perte de valeur de 10 % de l’élément isolé? Ce dommage partiel sur chacun des 10 éléments représente une perte de valeur de 1 % pour chaque élément, soit un score B de 3 et « une perte de valeur faible » sur l’échelle verbale.

On peut répéter cet exercice, au besoin, pour représenter les scores B de 2 et de 1.

Si cet exercice vous semble peu réaliste, rappelez-vous que chaque fois que vous prenez une décision concernant les risques sur un bien patrimonial, vous choisissez en fait entre ces différents futurs.

Lorsque la perte est partielle : quand les jugements de valeur ne sont pas nécessaires

Les jugements de valeur ne sont pas nécessaires pour de nombreuses décisions axées sur le risque

Comme il a été noté dans l’Aperçu à propos des risques du même genre, vous pouvez utiliser l’appréciation des risques pour établir les priorités de façon rationnelle pour de nombreuses décisions classiques en matière de conservation, comme l’éclairage ou la régulation des conditions ambiantes, sans avoir à faire face à la difficile question de comment convertir différents genres de dommages partiels en perte de valeur.

Établir une perte de valeur commune à de nombreux risques

Comme il a été mentionné plus tôt dans la section traitant de l’échelle A, (fréquence ou taux), vous pouvez sélectionner un critère pour B, (perte de valeur de chaque élément touché), qui est sensiblement le même pour de nombreux types de détérioration, c’est-à-dire l’effet nuisible observable minimal (ENOM). Vous déterminez alors le score B pour l’ENOM, habituellement 1 (négligeable) ou 2 (faible). Vous pouvez ensuite effectuer des comparaisons quantitatives entre tous les risques qui se servent du même critère de la TMENO. Le classement du risque dépendra alors uniquement des scores A et C.

Analyser C si tous les éléments sont de valeur égale

Le diagramme des valeurs n’est pas nécessaire

Si tous les éléments qui forment le bien patrimonial sont de valeur égale, vous n’avez pas besoin du diagramme des valeurs. Plus précisément, nous nous servons alors d’une forme particulière du diagramme des valeurs, où chaque élément reçoit une valeur égale.

Calculer la fraction touchée

Comptez le nombre d’éléments touchés et divisez-le par le nombre total d’éléments dans le bien.

Dans cet exemple (tableau 17), il y a 36 éléments touchés par le scénario et un total de 11 239 éléments dans la collection. La fraction touchée est donc de 36/11 239 ≈ 0,0032 ou 0,32 %, pour un score C de .

Tableau 17. Calcul d’un score C lorsque tous les éléments du bien patrimonial sont de valeur égale
Nombre d’éléments touchés Nombre d’éléments dans le bien % de la valeur du bien touchée Score C

36

~11 239

36/11 239 = 0,32 %

Analyser C lorsque les éléments ont des valeurs diverses

Le diagramme des valeurs

Souvenez-vous du tableau et du graphique du premier diagramme des valeurs, présenté à l’étape de l’établissement du contexte. Ce tableau du diagramme des valeurs est reproduit dans le tableau 18.

Calculer C au moyen du diagramme des valeurs

L’exemple du tableau 18 montre le calcul pour un risque où deux tissus précieux et 30 tissus moyens sont touchés. Les deux tissus précieux représentent 3,4 % de la valeur du bien et les 30 tissus moyens, 0,24 %, pour un total de 3,64 %. Le score C est de selon l’échelle de demi-échelons. Notez que le fait de retirer les 30 « tissus moyens » du calcul ne changerait pas le score C, mais que le retrait de deux tissus précieux donnerait un score réduit de (selon l’échelle de demi-échelons).

Le score C est souvent celui qu’il faut établir avec le plus grand soin

Cet exemple montre qu’il est beaucoup plus important d’établir si les éléments touchés comptent des éléments précieux et d’en calculer le nombre exact plutôt que d’arriver à des chiffres très précis pour les deux autres scores, soit A ou B. Cela deviendra aussi important au moment d’élaborer et d’analyser les options de traitement des risques.

Bien entendu, les éléments précieux sont souvent ceux que les organisations aiment présenter.

Comparer avec des éléments de valeur égale

Comparez le score C pour la même situation, mais dans laquelle on a attribué la même valeur à tous les 11 239 éléments du bien patrimonial (sous-section précédente, tableau 17). Le score C n’était que de 2,5, soit une baisse de près de 1,5 point. Sur les échelles ABC, cela représente une énorme différence, soit un facteur de 30, car il s’agit là d’échelles d’ordre de magnitude.

Tableau 18. Tableau du diagramme des valeurs utilisé pour le calcul du score C du tableau 19 ci-dessous
Groupe Groupe en % du bien Sous-groupe de valeur Nombre d’éléments dans le sous-groupe de valeur Sous-groupe de valeur en % de son groupe Sous-groupe de valeur en % du bien Chaque élément en % du bien

Immeuble

50 %

Fenêtres

12

40 %

20 %

1,7 %

Immeuble

50 %

Fini extérieur

1

30 %

15 %

15 %

Immeuble

50 %

Fini intérieur

1

30 %

15 %

15 %

Collections

40 %

Tissus précieux

6

25 %

10 %

1,7 %

Collections

40 %

Tissus, moyens

1 200

25 %

10 %

0,008 %

Collections

40 %

Trésors mixtes

4

25 %

10 %

2,5 %

Collections

40 %

Mixtes, moyens

10 000

25 %

10 %

0,001 %

Site

10 %

Paysage

1

80 %

8 %

8 %

Site

10 %

Sculptures

14

20 %

2 %

0,14 %

- - -

Total du bien =
11 239

-

Total du bien =
100 %

-
Tableau 19. Scores C pour trois possibilités : seuls les tissus précieux en présentation, seuls les tissus moyens en présentation et mélange de tissus en présentation
Éléments touchés Chaque élément en % du bien Nombre d’éléments touchés par ce risque Fraction de la valeur du bien touchée Score C sur l’échelle de demi-étapes

Tissus précieux

1,7 %

2

1,7 % x 2 = 3,4 %

Tissus, moyens

0,008 %

30

0,008 % x 30 = 0,24 %

Tissus

-

32

3,4 % + 0,24 % = 3,6 %

Analyser un risque au moyen de la réaction probable des institutions

Pourquoi tenir compte de la réaction des institutions?

Dans le cas d’événements rares et catastrophiques, on comprend bien que l’analyse des risques repose en grande partie sur la prédiction que l’on fait de la réaction des institutions, par exemple y a-t-il des plans en place pour protéger les éléments avant une inondation imminente, y a-t-il des plans et de l’équipement en place pour assurer une intervention et une reprise efficaces après l’inondation? etc. La réaction des institutions peut aussi être essentielle à l’analyse de processus lents.

L’analyse initiale

Imaginez une institution dont la majorité des éléments sont en réserves (probablement dans un endroit accessible). Un risque typique survient lorsque de tels organismes placent quelques éléments, ayant souvent une valeur spéciale, en présentation publique à l’entrée d’un bâtiment pour attirer le regard des gens. Supposez que cet endroit représente un risque plus élevé de danger, comme l’intensité de l’éclairage, la probabilité de vol ou de vandalisme, etc. Présumons que l’ensemble ou qu’une partie de ces risques surviendront sous peu, disons dans 10 ans, donc A=4. Supposons maintenant que la « décoloration au point de rendre l’élément inutilisable » ou le « vandalisme au point de rendre l’élément inutilisable » soient qualifiés de perte presque totale, soit B=5. S’il s’agit d’un élément parmi 10 000 éléments de valeur égale, le score est C=1. La magnitude du risque est donc MR=4+5+1=10, ce qui représente un risque relativement élevé, puisque les scores A et B sont si élevés.

Ajouter la réaction des institutions

Supposons que vous ayez choisi un horizon temporel à long terme de 100 ans pour l’appréciation des risques et que vous choisissiez d’analyser tous les processus cumulatifs pour cet horizon temporel. Par conséquent, on établit que A=3. Seuls B, perte de valeur de chaque élément touché, et C, éléments touchés, sont incertains. La question est maintenant la suivante : Quelle est la réaction prévue de l’institution si l’élément présenté est perdu ou endommagé au point de devenir inutilisable dans 10 ans? L’institution remplacera-t-elle constamment l’élément en le considérant comme faisant partie du prix à payer pour attirer le regard du public ou traitera-t-elle du risque dans cette situation précise, en utilisant des reproductions par exemple? Si elle le remplace sans cesse, le score des éléments touchés (score C) grimpe alors à 2, puisque dix éléments sont perdus sur une période de 100 ans; le risque demeure donc MR=3+5+2=10. Si l’institution arrête le processus après avoir découvert que le premier élément a été perdu si rapidement, le score C des éléments touchés demeure à 1 et la magnitude du risque pour la période de 100 ans descend : MR=3+5+1=9.

Si les éléments présentés ont plus de valeur que la moyenne

Si l’on choisit les éléments à exposer en fonction de leur importance et qu’ils représentent une plus grande portion du diagramme des valeurs que le laissent supposer les chiffres, le score C, éléments touchés, augmentera bien entendu. par exemple si l’élément en présentation est dix fois plus précieux que la moyenne, alors la magnitude du risque pour tous les exemples monte d’un autre point.

Revoir la cohérence dans l’analyse des trois composantes

Cohérence

Si l’on analyse les trois scores, A, B et C l’un après l’autre, il arrive que l’on s’écarte du scénario que l’on avait défini. Peut-être revoit-on A, fréquence ou taux, afin de clarifier B, perte de valeur de chaque élément touché, sans toutefois ajuster C en conséquence. Peut-être revoit-on la ligne de démarcation de C, éléments touchés, afin de clarifier B, perte de valeur de chaque élément touché, sans toutefois ajuster A, fréquence ou taux. L’analyse des trois composantes est un processus itératif.

À l’issue de l’analyse, les scores A, B et C doivent être cohérents les uns par rapport aux autres.

Il est parfois utile de commencer par C avant A ou B

L’aspect le plus important de la cohérence qui est oublié par les nouveaux utilisateurs a trait au score C, c’est-à-dire la définition des éléments touchés. Si la ligne de démarcation autour des éléments touchés s’agrandit ou se rétrécit pendant la conceptualisation de A et B, il est essentiel de réviser C comme il se doit. On peut réduire l’erreur en commençant l’analyse par C, puis passer à B et à A.

Revoir, revoir

Il n’est pas possible d’éliminer toutes les incertitudes, mais des révisions et des précisions substantielles des scénarios sont plutôt fréquentes à mi-parcours.

Trouver l’information

Sources de savoir

À la sous-section des explications de l’étape de l’identification des risques, nous avons présenté les trois sources de savoir (tableau 8) et avons donné des exemples typiques de chacun :

  • les statistiques régionales;
  • le savoir local et de sens commun;
  • le savoir scientifique et technique.

Nous avons également présenté divers cadres de référence requis pour comprendre le risque : agents, types, étapes et strates.

À l’étape de l’identification des risques, nous avons également présenté une séquence pour la collecte de renseignements dans le cadre de l’appréciation exhaustive des risques : savoir local, inspection des installations et données régionales.

À l’étape de l’analyse, nous entreprenons la deuxième phase de collecte de renseignements à partir de ces mêmes sources et nous réfléchissons à ces mêmes cadres de référence, mais, cette fois-ci, les scores attribués aux scénarios préliminaires nous aident à identifier les éléments sur lesquels nous devons nous concentrer.

Phases liées au savoir pendant l’analyse des risques

Phase 1 – Ce que vous savez déjà

En fonction des renseignements que vous possédez déjà, rédigez une première ébauche du scénario vraisemblable. Ajoutez des ébauches du meilleur scénario et du pire scénario. Attribuez les scores (élevé, vraisemblable et bas).

Phase 2 – Renseignez-vous sur ce que vous ne savez pas

Trouvez de nouveaux renseignements pour réviser les scénarios et améliorer leur analyse. Concentrez-vous sur les pires scénarios qui ont une MR élevée et une forte incertitude, c’est-à-dire ceux pour lesquels le score du scénario vraisemblable est beaucoup plus bas que celui du pire scénario.

Phase 3 – Arrêtez-vous et consultez

L’expérience nous a appris que l’analyse d’un risque peut prendre entre un jour et un mois, en fonction de l’expérience de l’évaluateur avec ce risque spécifique. Pour des risques complexes, il vaut mieux consulter des collègues, des intervenants et même les décideurs, dès que vous avez une première appréciation des risques (mieux vaut plus tôt que plus tard!).

Phase 4 – Finalisez

Une autre phase de collecte pourrait suivre après l’étape de l’évaluation des risques, et ce, dans le but de préciser les scénarios, en fonction non seulement de l’incertitude, mais aussi d’autres questions (dont certaines peuvent émerger au cours le processus de consultation).

Regrouper et diviser les risques spécifiques

Être prêt à réviser l’identification des risques

Il n’existe pas de recette miracle pour déterminer le niveau de précision que vous donnerez à chaque risque. À l’étape de l’identification, nous vous avons fourni des outils pour diviser les risques en groupes, selon l’agent et le type. Au cours de l’analyse, vous pourriez découvrir qu’il est nécessaire de revoir ces scénarios afin de simplifier l’analyse ou de la rendre plus fiable.

Regrouper les scénarios pour faciliter l’analyse

Au cours de l’analyse, il peut devenir évident que certains scénarios peuvent être fusionnés sans accroître l’incertitude ou qu’ils doivent être fusionnés afin de tirer profit des faits et des théories existantes. De nombreux risques ne s’appuient tout simplement pas sur assez de faits ou de théories pour permettre d’élaborer de multiples scénarios détaillés, même si l’on peut les imaginer clairement.

Le fait de regrouper les risques peut aussi s’avérer utile dans le cadre de la prise d’une décision générale.

Diviser les scénarios pour faciliter l’analyse

Il peut souvent être plus rapide d’analyser deux scénarios clairs plutôt qu’un scénario ambigu. Cela est aussi plus utile pour prendre des décisions spécifiques.

Le processus de réflexion sur le pire scénario peut nous inciter à diviser un risque de sorte à pouvoir élaborer ce pire scénario séparément. par exemple en imaginant un risque d’incendie dans une salle de travail où les sources d’inflammation sont nombreuses, nous pouvons croire qu’il est vraisemblable que l’incendie sera restreint à la salle en question; toutefois, en réfléchissant au pire scénario, nous pouvons être portés à ajouter la possibilité que l’incendie puisse se propager à l’immeuble en entier. Il serait alors plus pratique de prendre en considération deux scénarios séparés – « un incendie dans la salle de préparation de l’exposition lorsque des éléments s’y trouvent » (qui est beaucoup plus vraisemblable, mais qui expose beaucoup moins d’éléments de la collection) et « un incendie dans la salle de préparation qui se propage à la salle de réserves des éléments de la collection adjacente ». Non seulement les deux scénarios possèdent-ils des scores très différents pour la fréquence ou le degré (A) et pour les éléments touchés (C), mais les options de traitement à envisager pour réduire chaque risque sont aussi très différentes.

Les faits plus les théories : la méthode générale d’analyse des scénarios

Une méthode générale

L’analyse d’un scénario ressemble à la résolution d’une histoire de détective : il faut lier les faits aux théories. Mais comme vous êtes également l’auteur de l’histoire, vous devez intégrer des théories et des faits adéquats dans votre scénario afin de pouvoir analyser l’histoire.

La version préliminaire d’une analyse des risques reposera d’abord sur les faits régionaux et historiques. Ensuite, la théorie actuelle pour cet agent permettra (ou non) d’ajuster l’analyse de votre scénario particulier (et, plus tard, vos options de traitement).

Faits

Les faits sont des faits. Cependant, ils ne sont pas seulement de nature scientifique. Pour les événements, il s’agit souvent de faits historiques : la fréquence des tremblements de terre, la fréquence des vols de biens patrimoniaux dans la région, le nombre d’éléments que l’on a laissés tomber et qui se sont brisés selon les souvenirs des membres du personnel, etc.

Dans le cas des processus cumulatifs de détérioration, les faits scientifiques sont plus nombreux, mais les processus cumulatifs reposent aussi sur les faits liés à notre propre expérience et à notre propre organisation – que certains tissus se soient décolorés, que les journaux aient jaunis, que l’émulsion de certains négatifs se soit craquelée, que certaines structures du site se soient usées avec le temps, que les escaliers d’une maison historique se sont érodés, etc.

Théories

Les théories représentent toutes les formes d’explications qui permettent de prédire, en quelque sorte, le risque; ces explications peuvent provenir de modèles scientifiques bien établis, comme ceux qui sont utilisés pour l’altération par la lumière, ou de corrélations dans de grands ensembles de faits qui permettent d’affirmer que certains facteurs font doubler le risque. Les théories n’ont pas seulement comme sources les ouvrages techniques et scientifiques, mais aussi notre bon sens, notre imagination et notre raisonnement.

Théorie : Exposition aux événements

Les événements suivent habituellement un modèle de probabilité, ce qui signifie que l’événement de départ, comme des précipitations extrêmes, a une certaine probabilité, par exemple 1 fois en 50 ans, mais que chaque maillon dans la chaîne d’événements qui aboutit au fait que les éléments patrimoniaux soient mouillés a aussi une probabilité.

Figure 16 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0014
Figure 16. Diagramme de la fréquence de la chaîne d’événements pour deux niveaux différents de contrôle d’un danger extrême, comme l’eau de précipitation.

Description de la Figure 16.

De haut en bas : quatre rectangles représentent 1) la probabilité que le toit fuit, 2) la probabilité que la pluie tombe sur un présentoir, 3) la probabilité que le présentoir fuit et 4) la fréquence à laquelle les éléments sont mouillés dans chacun des scénarios.

La probabilité qu’un toit bien conçu, en bon état, fuit à un moment donné en cas de précipitations extrêmes peut être de 1 sur 10. Si les présentoirs qui contiennent les éléments de la collection couvrent la moitié du plancher sous ce toit, la probabilité que de l’eau provenant de la fuite tombe sur un présentoir est alors de 1 sur 2. Si les présentoirs sont bien conçus pour ne pas laisser l’eau entrer, la probabilité qu’un présentoir laisse l’eau pénétrer à l’intérieur pourrait représenter seulement 1 présentoir sur 50.

La probabilité globale que des précipitations extrêmes fassent en sorte que les éléments d’un présentoir soient mouillés est simplement le résultat d’une chaîne de probabilités :

1/50 y x 1/10 x 1/2 x 1/50 = 1/50 000 y.

Dans un autre bâtiment, le toit est tellement mal conçu qu’il est assuré qu’une fuite surviendra durant une précipitation extrême et les présentoirs ne sont pas protégés contre l’eau; la probabilité qu’un présentoir devienne mouillé est donc 500 fois plus élevée :

1/50 y x 1 x 1/2 x 1 = 1/100 y.

Si l’on s’attend à ce que le toit fuie à dix endroits en même temps, le nombre d’éléments touchés est aussi dix fois plus élevé!

Si vous avez de la chance, vous pouvez éviter tous ces calculs et simplement utiliser le savoir local, par exemple « au cours des 20 dernières années, il y a eu au moins une petite fuite du toit dans la zone d’entreposage par saison des pluies… ».

Théorie : Exposition aux processus cumulatifs

Les agents des processus cumulatifs, et nombre d’agents des événements courants, suivent habituellement un modèle axé sur le flux, parfois appelé « modèle cinétique », « modèle d’enchaînement » ou « modèle de transmission ». On veut tout simplement dire que l’agent se déplace (gaz, lumière, chaleur, humidité, insectes, forces abrasives, etc.) de la source vers le bien patrimonial.

À la figure 17, on suit le déplacement de la lumière du jour en commençant par la moyenne extérieure connue de 30 000 lux au moyen de deux scénarios différents. Le flux final ou l’exposition résulte des facteurs intermédiaires. (« Facteur de la lumière du jour » égale le ratio de la zone de la fenêtre ou du puits de lumière par rapport à la grandeur de la pièce). Cette exposition, combinée à la nature délicate des éléments, peut être utilisée pour calculer un effet, comme la décoloration.

Dans l’exemple de la figure 17, le risque est analysé en choisissant un degré donné de dommages, en l’occurrence la décoloration totale de colorants sensibles (ISO 1 et 2). Cette dose est connue comme étant environ de 30 Mlxh (mégalux heures). En calculant la dose annuelle pour chaque scénario, on peut alors trouver le score A, à savoir le temps pour arriver au dommage sélectionné.

Au sein du cadre de référence des cinq étapes de contrôle, les modèles axés sur le flux nous permettent de quantifier l’étape « empêcher », mais aussi l’étape « éviter », dans la mesure où la réduction du temps d’exposition est une façon d’« éviter » la lumière du jour.

(Bien sûr, il est souvent plus simple de mesurer l’exposition à la lumière, les agents polluants ou les organismes nuisibles, etc., sur l’élément même.)

Figure 17 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0016
Figure 17. Modèle du flux appliqué au processus cumulatif de la décoloration par la lumière.

Description de la Figure 17.

De haut en bas : quatre rectangles représentent 1) la transmission par les fenêtres ou les puits de lumière; 2) le facteur de la lumière du jour dans la pièce; 3) le calendrier d'exposition, c'est-à-dire le taux d'exposition par année et 4) le calcul final du nombre d'années pour arriver à la dose requise pour causer le dommage sélectionné.

Analyser les risques avec les niveaux de contrôle

Parfois, les théories ne sont pas applicables…

Certains risques sont trop complexes pour être analysés par une théorie simple, comme les risques de décoloration par la lumière du jour ou ceux causés par les fuites de toiture (décrits dans les sections précédentes). Les théories peuvent exister, mais elles sont peu pratiques à utiliser, voire incomplètes.

Approche par niveau de contrôle

Pour cette approche, on a besoin d’une liste d’indicateurs qui correspondent aux différents niveaux de risque. Cela a été fait pour deux agents de détérioration : l’incendie (Tétreault, 2008) et les ravageurs (Strang et Kigawa, 2013). Plutôt que de les appeler des niveaux de risque, on a choisi de les appeler avec optimisme des niveaux de contrôle.

Tableau 20. Fréquence et étendue des incendies pour les différents niveaux de contrôle d’incendie dans les musées canadiens (Tétreault, 2008)
Niveaux de contrôle Exemples d’indicateurs (liste INCOMPLÈTE) Temps moyen entre événements Objet initial seulement Pièce seulement Étage seulement Tout le bâtiment

1

Détecteurs

140 ans

28 %

29 %

17 %

26 %

2

Murs ignifuges

140 ans

28 %

34 %

19 %

19 %

3

Portes coupe-feu

160 ans

42 %

56 %

2 %

0‚07 %

4

Gicleurs anti-incendie en réserve

720 ans

53 %

46 %

1 %

0‚01 %

5

Personnel spécialisé

1 500 ans

68 %

31 %

1 %

0‚006 %

6

Gicleurs anti-incendie partout

2 800 ans

99 %

2 %

0‚02 %

0‚001 %

Niveaux de contrôle des incendies

Le tableau 20 résume les niveaux de contrôle des incendies dans les musées canadiens. par exemple à un niveau de contrôle 1, un musée peut s’attendre à un incendie (en moyenne) tous les 140 ans, dont 26 % se propageront à l’ensemble du bâtiment (de sorte que la probabilité d’un incendie total du bâtiment est d’une fois tous les 540 ans). Le tableau a été élaboré en combinant dix ans de données historiques sur les incendies dans les musées canadiens avec les conseils d’experts en incendie. Pour voir les listes complètes des indicateurs, les données sur l’endroit et les raisons pour lesquelles un incendie se déclare dans un musée, et pour obtenir des comparaisons avec des données provenant d’autres pays, consultez l’article original, Fire Risk Assessment for Collections in Museums.

Niveaux de contrôle des ravageurs

Le tableau 21 résume les niveaux de contrôle pour les ravageurs. Il fournit une estimation pour le score A en termes de temps pour qu’un dommage soit visible en cas d’exposition constante aux ravageurs, ou le temps entre deux événements de ravageurs lorsque l’exposition diminue. Pour obtenir plus de détails sur les dommages causés par les différents ravageurs et sur les méthodes de réduction des risques à chaque strate autour du bien patrimonial, consultez l’article original, Agent de détérioration : Ravageurs.

Tableau 21. Temps nécessaire pour que des dommages soient visibles pour les différents niveaux de lutte antiparasitaire (Strang et Kigawa, 2013)
Niveaux de contrôle Type d’enceinte Temps pour qu’un dommage soit visible ou temps entre événements
(matériau robuste, tendre ou délicat)

0

Milieu extérieur

Robuste – des années; délicat – des jours

1

Toit ou bâche

Robuste – des décennies; tendre – des années; délicat – des mois

2

Toit, murs et portes mal assujetties

Robuste – un siècle; tendre – une décade; délicat – une année

3

Habitation élémentaire

Robuste – durée de vie du bâtiment; tendre – décades à un siècle; délicat – des années

4

Bâtiment commercial adapté

Robuste – durée de vie du bâtiment; tendre – un siècle; délicat – des décades

5

Bâtiment spécialisé

Robuste et tendre – durée de vie du bâtiment; délicat – un siècle

6

Bâtiment de conservation

Tout – minimal au-dessus de la durée de vie du bâtiment

N’ignorez pas complètement l’histoire locale

Le risque dû aux ravageurs varie beaucoup selon les strates autour du bien patrimonial, le type de collection et les pratiques courantes. Trente années de connaissances locales permettent d’affiner les estimations de fréquence et d’étendue des infestations. De même, la mémoire des petits incendies ou des événements « quasi-accidents » permet d’affiner l’analyse des risques d’incendie, mais seulement s’il s’agit d’augmenter les estimations données par la méthode de niveau de contrôle, et non de les diminuer, car les fréquences inférieures à une fois en 140 ans sont trop faibles pour émerger dans la mémoire ou l’histoire locale.

Pouvons-nous prédire l’avenir?

Oui et non

« Il est très difficile de prédire quoi que ce soit, surtout l’avenir. » [Traduction]
Niels Bohr, physicien spécialiste de la physique quantique

« Les conséquences de nos actions sont tellement compliquées, tellement diverses, que tenter de prédire l’avenir est en effet très difficile. » [Traduction]
J. K. Rowling, Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban

« En cas de doute, il faut prédire que la tendance présente se poursuivra. » [Traduction]
Maxime de Merkin

Raisonnement inductif

L’analyse des risques dépend de ce que l’on appelle le raisonnement inductif. Le bon sens nous dit que, si les dernières expositions itinérantes ont entraîné de légers dommages à au moins une peinture chaque fois, alors les prochaines expositions itinérantes entraîneront probablement des dommages semblables, sauf si l’on apporte un changement pertinent, par exemple si l’on traite le risque. Beaucoup a été écrit dans les domaines de la philosophie, de la science et de la comédie humaine relativement à cette forme imparfaite mais nécessaire et universelle de raisonnement.

Bon sens

En ce qui nous concerne, nous nous appuierons sur le raisonnement inductif de notre bon sens – la croyance selon laquelle nous pouvons prédire que la prochaine exposition itinérante entraînera vraisemblablement des dommages semblables aux précédents, à moins que nous effectuions un changement pertinent. Les mots clés sont « vraisemblablement » et « pertinent ».

En conclusion, l’analyse des risques se fonde sur la croyance que nous pouvons prédire l’avenir dans une mesure utile et pratique, et que de telles prévisions nous permettront de prendre de sages décisions.

L’avenir sera différent à certains égards

Cela ne signifie pas pour autant que nous présumons que l’avenir sera tout comme le passé. De nombreuses organisations axent la gestion des risques essentiellement sur l’établissement de scénarios de « choc du futur ». Les instituts de conservation du patrimoine commencent à envisager des changements dans les estimations des risques en raison du réchauffement planétaire, comme l’intensité maximale des précipitations, la fréquence des tornades violentes et la hausse du niveau de la mer.

Faire des déductions d’après des preuves d’effets négatifs passés

Que peut nous enseigner le bien patrimonial?

Il est évident que le bien patrimonial en soi constitue une source de données historiques locales sur les risques qui le menacent. par exemple s’il est couvert de poussière, peut-être avons-nous un problème de poussière. Dans notre profession, le danger est de présumer que le bien nous informe d’une façon simple des risques futurs en raison de son état actuel. par exemple le meuble est fissuré, donc le risque de variations du taux d’humidité est élevé; par conséquent, nous devons recourir à un traitement, tel le contrôle du climat. Un autre exemple : le bien ne présente aucun signe de dommages liés à un incendie ou à l’eau, donc il n’y a pas de risque d’incendie ou d’inondation. De telles déductions sont fausses.

Les biens faussent notre jugement sur les risques rares

Les risques rares et catastrophiques sont le fruit du hasard. Le seul fait de voir nos biens en bon état nous porte à croire que rien ne leur arrivera. Il est très facile d’oublier de changer le verrou en mauvais état qui n’a pas encore été brisé ou le tuyau qui n’a pas encore fuit ou de se préparer en cas d’un orage violent qui ne s’est pas produit depuis quelques décennies. Il est plus simple de s’attarder à la poussière et à l’humidité relative.

Les biens faussent notre jugement des pertes passées

La simple inspection d’un bien patrimonial ne nous rend pas conscients de tous les éléments qui ont été volés ou brisés, qui sont érodés ou qui ont été perdus dans le passé. Le bien d’aujourd’hui peut souvent donner l’illusion d’intégrité.

Pourquoi avons-nous l’impression que le bien nous dit tout?

Nous sommes attirés par ce qui est visible et concret, surtout si nous nous intéressons au patrimoine matériel et que nous sommes formés dans ce domaine. En effet, notre œil averti est si subtil que nous nous y fions sans retenue. Bien que l’interprétation du bien matériel restant est utile, nous ne devons pas oublier qu’il existe de nombreuses autres sources de savoir, certaines peut-être même plus importantes, qui peuvent nous aider. Nous ne pourrons savoir quels renseignements étaient les plus utiles avant d’avoir terminé l’appréciation et d’évaluer les risques relevés.

Séparer les questions techniques des questions subjectives au cours de l’étape de l’analyse

Études provenant d’autres domaines

Les études effectuées dans le cadre de projets réussis d’appréciation des risques dans d’autres domaines de mandat public nous révèlent la nécessité d’établir une distinction claire entre les composantes techniques de l’analyse des risques et les composantes subjectives, à savoir les jugements de valeur. Les intervenants et les décideurs ont confiance que les experts leur fourniront la meilleure analyse technique; en fait, ils l’exigent. Toutefois, ils veulent transformer l’analyse technique en analyse de la perte de valeur pour eux-mêmes. Autrement dit, lorsque vous appliquerez la méthode expliquée dans ce manuel, le score B, perte de valeur de chaque élément touché, nécessitera toujours la participation d’intervenants appropriés. À tout le moins, tout rapport d’appréciation doit donner une description claire des deux étapes à suivre pour établir le score B, perte de valeur de chaque élément touché – les dommages prévus en termes techniques, suivis de la perte de valeur qui en découle.

Cette distinction n’est pas toujours claire et il peut y avoir un chevauchement dans les rôles. Pour certains biens, il faut avoir des experts, comme des conservateurs, pour orienter les jugements techniques et les jugements sur la perte de valeur, puisqu’ils peuvent comprendre la nature physique de leurs biens, de même que leur utilité ou leur valeur, et ce, mieux que quiconque. Néanmoins, il est utile de bien comprendre où l’opinion des experts sur les dommages se termine et où l’opinion des experts quant à l’incidence sur la valeur commence, puisque l’examen de cette distinction à l’étape de l’évaluation des risques est inévitable.

L’arithmétique des scores ABC

Dois-je savoir ceci?

Non, vous pouvez mettre la méthode en application sans l’information contenue dans la présente section. Cette information est destinée à ceux qui souhaitent créer leur propre feuille de calcul ou base de données, ou qui veulent calculer les scores de manière précise (en nombres décimaux plutôt qu’à la demie près).

Calculs arithmétiques

Les échelles sont toutes des logarithmes de base 10 des composantes qui sous-tendent les scores A, B et C, adaptées pour donner un score de 5 points aux valeurs maximales sélectionnées. Dans les unités linéaires, le risque se calcule à partir du résultat de ces composantes sous-jacentes. Puisque les scores A, B et C sont des logarithmes de ces composantes, il suffit de les additionner pour obtenir l’expression logarithmique du risque, à savoir MR.

Échelle A

= 5 – logarithme de base 10 (nombre d’années entre événements ou nombre d’années pour que le processus cause la perte précisée).

Ainsi, un an entre événements obtient un score de 5, 100 ans un score de 3, 100 000 ans un score de 0. À noter que le score de 0 ne signifie pas que la fréquence est nulle, mais qu’elle est très faible.

Échelle B

= 5 + logarithme de base 10 (perte fractionnelle).

Ainsi, on attribue un score de 5 à une perte totale (100 %), un score de 3 à une perte de 1 %, ou de 1/100, un score de 0 à une perte de 1 sur 100 000, un score de -1 à une perte de 1 sur 1 000 000, et ainsi de suite. À noter que B se fonde sur la perte fractionnelle et non sur la fraction qui reste.

Échelle C

= 5 + logarithme de base 10 (fraction du bien patrimonial touchée).

Ainsi, on attribue un score de 5 à 100 % du bien touché, un score de 3 à 1 % du bien touché, un score de 0 à 1 sur 100 000, un score de -1 à 1 sur 1 000 000, et ainsi de suite.

Scores négatifs

Rappelez-vous que MR = A + B + C

En temps normal, si un des scores A, B ou C descend à 0 ou moins, il s’agit simplement de ne pas tenir compte du risque du tout. Si vous préférez, vous pouvez toutefois garder le score négatif et calculer la MR. La valeur de la MR peut alors descendre sous 10 même si deux des scores s’établissent déjà à 5 chacun. Cela peut être utile pour les gros musées qui possèdent plus d’un million d’éléments ou pour les événements extrêmement rares. Les risques dont la MR est inférieure à 10 seront rarement une priorité, mais il peut être important de les classer correctement par rapport à d’autres risques.

Risque sur une échelle linéaire

L’expression « échelle linéaire » renvoie au type d’échelle que nous connaissons tous bien, sans les logarithmes. Dans toute équation structurée, lorsque nous parlons de « risque » plutôt que de la « magnitude du risque », nous supposerons qu’il s’agit d’une échelle linéaire et nous inscrirons les unités : « fraction de la valeur du bien perdue par année ».

Risque = Fraction du bien perdue par année = 10 ^ (MR - 15).

MR = 15 + logarithme de base 10 (perte fractionnelle du bien par année).

Ainsi, le score le plus élevé, soit MR 15, signifie que le risque de perte du bien est de 100 % en un an. MR 13 correspond à un risque de perte du bien de 1 % (1/100) par année, MR 10, à un risque de perte du bien de 1/100 000 par année, et ainsi de suite. Vous pouvez choisir d’exprimer la perte par siècle ou selon tout autre horizon temporel.

Étape 4 : Évaluer les risques

L’évaluation des risques est le processus qui mène à une évaluation de chaque risque spécifique par rapport à d’autres risques ou à certains critères.

Tâche 1: Comparer les risques entre eux en fonction des critères et des attentes.

Tâche 2 : Évaluer la sensibilité de l’ordre de priorité aux changements dans le diagramme des valeurs.

Tâche 3 : Évaluer l’incertitude, les contraintes et les occasions.

Tâches pour l’étape de l’évaluation

Tâche 1 : Comparer les risques entre eux, aux critères et aux attentes

Comparer les risques entre eux selon leur magnitude

Triez les risques selon leur magnitude en commençant par le plus important. À l’aide de la base de données de l’ICC, d’un tableur électronique ou d’un logiciel graphique, créez un diagramme à barres dans lequel chaque risque est identifié et classé en fonction de sa magnitude. Les diagrammes à barres horizontales triés forment des graphiques que l’on appelle graphique tornade en raison de leur apparence. Les risques prioritaires sont représentés par les grandes barres au sommet de la tornade. Ce graphique de la MR est le plus important outil d’évaluation dans le cadre de cette méthode.

Un histogramme empilé vertical des scores A, B et C permet de voir à la fois la MR et le poids de chaque score. (Un exemple est donné dans la section Explications.)

Appliquer l’« échelle de la MR indiquant les répercussions » à chaque risque

L’échelle de la MR allant de à 15 est divisée en cinq sections de 1½ point chacune. Les couleurs des feux de circulation et les étiquettes « priorité catastrophique », « priorité extrême », « priorité élevée », « priorité modérée » et « priorité négligeable » ont été attribuées à ces sections d’après l’estimation des attentes qu’un grand organisme national ayant une mission de préservation de 100 ans ou plus aurait probablement envers lui-même.

Les évaluations de musées et d’archives menées par l’ICC (2010 et 2015) montrent que, sur les 25 à 40 risques spécifiques analysés pour chaque organisation, il y avait toujours quelques risques considérables qui méritaient une attention spéciale. Nous avons remarqué que cette courte liste de risques considérables s’établissait à une MR au-dessus de 10.

Utiliser un critère de risque « acceptable »

Il est très utile pour une organisation de décider que de réduire les risques en deçà d’une certaine magnitude ne vaut pas la peine, c’est-à-dire que de tels risques sont acceptables. En fait, le terme « acceptable » est trompeur; ce que l’organisation veut dire, c’est qu’elle accepte les petits risques parce qu’elle doit traiter en priorité les plus gros.

Comparer les pertes en fonction d’un critère technique

Les appréciations d’un seul risque, comme les dommages causés par la lumière ou le taux d’erreurs dans les documents numériques, peuvent avoir un critère prédéterminé – perte acceptable ou inacceptable – pour chaque élément touché. Les critères font partie du score B de l’analyse des risques – perte de valeur pour chaque élément touché. Dans certains cas, comme dans celui des documents numériques, de tels critères permettent de fixer ce qui constitue une perte totale de la valeur.

Comparer les risques en fonction des attentes

Un objectif important de l’appréciation des risques, comparativement à la conservation préventive traditionnelle, est de corriger les fausses attentes, notamment :

  • les risques considérables qui n’avaient pas été cernés;
  • les risques mineurs qui avaient été exagérés.

Repérez ces surprises et préparez des points de discussion à communiquer à l’organisation.

Tâche 2 : Évaluer la sensibilité de l’ordre de priorité aux changements dans le diagramme des valeurs

Être conscient de l’enjeu et en parler

Certains utilisateurs et évaluateurs craindront que le diagramme des valeurs serve à manipuler l’ordre de priorité des risques. En fait, ce diagramme est utilisé pour que l’on accorde la priorité aux éléments les plus précieux du bien patrimonial. Au besoin, expliquez le rôle du diagramme des valeurs et insistez sur le fait que l’organisation peut le modifier en tout temps.

Considérer la sensibilité comme une méthode utile d’évaluation plutôt que comme un problème

Pendant l’analyse de la sensibilité de l’ordre des priorités, on cherche les jugements spécifiques qui provoquent des changements importants dans l’ordre final des risques pour de petits changements de jugement de valeur relative uniquement. Bien entendu, il est parfois évident de déterminer quels jugements vont influencer quelles priorités (à sensibilité élevée), mais l’expérience acquise dans d’autres domaines de l’analyse des risques révèle que ce n’est pas toujours le cas.

Utiliser le diagramme des valeurs pour illustrer la sensibilité

Si les opinions divergent quant à la manière de diviser le diagramme des valeurs ou si certains aimeraient connaître le rôle de celui-ci dans ordre de priorité des risques, modifiez les proportions du diagramme des valeurs suivant les besoins et recalculez la magnitude de tous les risques (ce calcul est automatisé dans la base de données sur la gestion du risque de l’ICC). Générez le graphique tornade pour chaque changement dans le diagramme des valeurs et comparez.

Modifiez le diagramme des valeurs à l’extrême pour illustrer son rôle en général.

Être conscient que les risques les plus élevés sont généralement moins sensibles au diagramme des valeurs

En pratique, les plus grands risques sont moins sensibles aux paramètres du diagramme des valeurs, car un incendie total ou un grave séisme touchent tous les éléments du bien patrimonial de la même façon.

Découvrir où la sensibilité se manifeste dans le diagramme des valeurs

Si le degré de priorité d’un risque varie considérablement quand le diagramme des valeurs est modifié, déterminez le groupe d’éléments qui en est la cause et faites-le savoir à l’organisation. Vous aiderez ainsi à revoir et préciser le diagramme des valeurs.

Tâche 3 : Évaluer l’incertitude, les contraintes et les occasions

Tableau de comparaison de l’incertitude et de la MR

Classez les risques dans un tableau à deux colonnes et à deux rangées comme suit :

Tableau 22. Tableau de comparaison de l’incertitude et de la MR
Faible incertitude Forte incertitude

Grande MR

Traiter dès que possible

Étudier dès que possible

Petite MR

Aucune mesure

Étudier plus tard

Séparez la MR en deux catégories, grande MR et petite MR, au moyen d’un critère présélectionné, comme la MR=10 ou la MR=11, ou servez-vous d’un critère qui sépare tous les risques que vous avez analysés en deux groupes de même taille. Divisez l’incertitude de la même façon. La réaction appropriée pour chacun des quatre quadrants est indiquée.

Examiner les contraintes juridiques

Réexaminez le contexte juridique dont il a été question à l’étape de l’établissement du contexte.

Les risques qui demandent une décision dépassant l’autorité juridique de votre organisme peuvent être considérés comme moins prioritaires que d’autres risques de même magnitude pouvant être traités sans un lourd processus réglementaire ou juridique.

Examiner les contraintes financières

Réexaminez le contexte financier dont nous avons parlé à l’étape de l’établissement du contexte.

La capacité opérationnelle de l’organisation et les ressources financières à sa disposition limiteront probablement le nombre de risques pouvant être traités à un moment précis, même s’ils ont tous le même niveau élevé de priorité pour le traitement. Il se peut que des subventions externes ou des fonds internes soient offerts pour une durée limitée, et à des fins particulières seulement (comme l’entretien du bâtiment, la documentation, l’entreposage ou l’emballage d’une collection).

Ces priorités liées aux occasions de financement ne coïncideront pas nécessairement avec celles établies en fonction de la magnitude et de l’incertitude. Il est donc important de vérifier cela avant de décider quel risque traiter.

Examiner les perceptions des intervenants

La perception et la tolérance au risque du public et des autres intervenants peuvent devenir un facteur contextuel important et influencer l’ordre des priorités de traitements, surtout si des enjeux sociaux ou environnementaux entrent en ligne de compte.

Examiner le point de vue du personnel

Il est parfois utile de s’attaquer à un risque de moindre envergure, mais facile à traiter. Cela donnera un sentiment d’accomplissement à l’équipe chargée de l’appréciation des risques et la motivera dans la poursuite du projet de gestion des risques.

Chercher des liens entre les risques

Quand deux ou plusieurs risques ont une cause en commun, par exemple s’ils sont causés par le même danger, ou si la même « route » est suivie par les agents de détérioration, ou s’ils ont un même facteur en commun, par exemple l’absence d’une certaine procédure, alors ils peuvent être traités en priorité par rapport à d’autres risques de même magnitude qui n’ont pas de tels points en commun.

Explications de l’étape de l’évaluation des risques

Exemple de graphique de la magnitude

Figure 18 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0018
Figure 18. Exemple de « graphique tornade » tiré d’une appréciation exhaustive des risques. Les risques et les processus de détérioration sont triés en fonction de la magnitude du risque, du plus important ou moins important. Le score A est illustré en rouge, le score B, en jaune et le score C, en bleu.

Description de la Figure 18.

Chaque barre est accompagnée d'une légende indiquant un risque ou un processus de détérioration. L’axe des abscisses indique la magnitude du risque. On compte un total de 37 barres, classées de haut en bas par ordre de magnitude décroissante. Le diagramme possède un profil en forme de tornade ou d'entonnoir. Chaque barre est constituée d’une section rouge (score A), d’une section jaune (score B) et d’une section bleue (score C).

Échelle de la magnitude du risque indiquant les répercussions

Tableau 23. Échelle de la magnitude du risque indiquant les répercussions
Magnitude du risque Répercussions générales pour chaque intervalle Couleur

15 – 13½

Priorité catastrophique.
Un bien perdra probablement toute sa valeur ou la majorité de celle-ci dans quelques années ou moins. Ce risque n’est possible que si le bien a récemment été placé dans une zone à grand risque, par exemple un bâtiment très mal conçu à un mauvais endroit, ou si un bien est exposé à un désastre imminent, comme des hostilités ouvertes ou un ouragan.

rouge

13 – 11½

Priorité extrême.
Dommages considérables à tout le bien patrimonial ou perte totale d’une fraction considérable du bien patrimonial, probablement en 10 ans ou moins. Ces scores découlent généralement d’un risque d’incendie ou de vol à grande échelle ou des dommages très élevés causés par une lumière vive, les rayons ultraviolets ou l’humidité dans un nouveau bâtiment mal conçu.

ambre

11 – 9½

Priorité élevée.
Une perte considérable de la valeur d’une petite partie du bien patrimonial est possible d’ici une décennie, ou une perte considérable de la valeur de tout le bien patrimonial est possible d’ici un siècle. Ces scores sont fréquents dans les organisations où la conservation préventive n’a jamais été une priorité et où quelques éléments précieux pourraient facilement être volés.

jaune

9 – 7½

Priorité modérée.
Dommages ou probabilités de perte modérés d’ici plusieurs décennies, ou dégradation considérable de la majorité du bien patrimonial qui devrait prendre de nombreux millénaires. Ces scores désignent les améliorations continues que toute organisation, même la plus consciencieuse, doit apporter après avoir abordé tous les risques plus élevés.

vert

7 – 5½

Priorité négligeable.
Ce niveau de risque signifie que l’on prévoit des dommages infimes à une minuscule partie de la valeur de la collection au fil des siècles. Si ce risque est considéré comme une priorité élevée, la valeur relative des éléments concernés n’a peut-être pas été établie correctement.

bleu

Tableau de comparaison entre la magnitude du risque et l’incertitude

Figure 19 : Le texte descriptif détaillé suit

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 96638-0018
Figure 19. Exemple de tableau de MR et de l’Incertitude. Quadrant supérieur gauche, grande magnitude et faible incertitude : Traiter ces risques dès que possible. Quadrant supérieur droit, grande magnitude et forte incertitude : Examiner et améliorer les analyses de ces risques dès que possible. Quadrant inférieur droit, petite magnitude et forte incertitude : Examiner et améliorer les analyses de ces risques si et quand les risques de grande magnitude ont été réglés. Quadrant inférieur gauche, petite magnitude et faible incertitude : Aucun examen nécessaire, priorité la plus faible pour le traitement.

Description de la Figure 19.

Il y a quatre quadrants, chacun contenant un tableau de quatre à douze risques, assortis de leurs scores de magnitude et d'incertitude. La signification des tableaux est expliquée en détail dans la légende.

Discuter de l’influence du diagramme des valeurs sur l’ordre des priorités

La critique des jugements de valeur dans le cadre de cette méthode

Cette méthode d’analyse des risques comprend des éléments reposant uniquement sur des données techniques, comme la fréquence ou le taux des phénomènes et le degré des dommages, tandis que d’autres sont fondés sur des jugements de valeur. Les personnes qui commencent à apprivoiser cette démarche croient souvent que ces jugements de valeur sont arbitraires, voire sans intérêt, et qu’ils servent à manipuler l’ordre de priorité. C’est une réaction que l’on trouve aussi dans d’autres domaines de risques, par exemple dans celui de la santé humaine, où les jugements sur la « qualité de vie » sont sujets à débat.

Le jugement de valeur doit être élaboré en concertation

Nous ne suggérons pas que les assesseurs fassent les jugements de valeur nécessaires à cette méthode de façon isolée. Le diagramme des valeurs est un jugement concerté de l’ensemble de l’organisation. En général, l’opinion des conservateurs et la mission de l’organisation sont les facteurs qui influencent le plus ce jugement.

Le jugement de valeur est relatif et non absolu

Le diagramme des valeurs et le score B, perte de valeur de chaque élément touché, ne requièrent pas de jugement de valeur absolu de chaque bien patrimonial. Il s’agit de jugements de valeur relatifs, effectués au sein de l’organisme.

Recentrer le problème sur l’analyse de la sensibilité

Après l’analyse et au début de l’évaluation, il est possible de tester la sensibilité de l’ordre de priorité au diagramme des valeurs. Nous conseillons de vérifier d’abord la sensibilité des trois à cinq risques les plus élevés. En pratique, ces risques, comme un incendie ou un puissant séisme, sont rarement sensibles au diagramme des valeurs, parce qu’ils touchent presque tout le bien patrimonial de la même façon. La répartition de la valeur du bien patrimonial n’a donc aucune importance. Il est important de bien le mentionner à l’organisation chaque fois que les principales priorités ne sont pas affectées par les jugements de valeur relatifs du diagramme des valeurs.

Ensuite, observez comment change l’ordre des priorités des risques intermédiaires et faibles sur le graphique de la MR lorsque vous modifiez les ratios des jugements de valeur dans le diagramme. Certains verront leur ordre de priorité changer, d’autres non.

En conclusion

Commencez par examiner les risques qui ne sont pas sensibles afin d’atténuer les craintes concernant le diagramme des valeurs. Par ailleurs, indiquez et discutez des risques qui apparaissent sensibles au diagramme des valeurs, car cela sera utile pour guider le réexamen des jugements du diagramme des valeurs.

Travailler à rebours : de la MR au diagramme des valeurs

Le travail à rebours est une option valable

Dans les faits, on peut très bien réviser les jugements de valeur pour obtenir la hiérarchie « prévue » des risques. Ce type de travail à rebours n’est pas nécessairement une mauvaise chose. On peut considérer qu’il s’agit d’une manière indépendante de vérifier les jugements de valeur. Après tout, ces jugements visent seulement à mesurer les risques. Par conséquent, si l’évaluation finale des risques « ne semble pas juste » et que les données objectives sont pourtant exactes, cela remet les jugements de valeur en question.

Il faut cependant vérifier la cohérence du raisonnement

Toutefois, si les jugements révisés contredisent des jugements raisonnables portés par d’autres moyens, l’analyste doit aider l’organisation à être conséquente avec elle-même. Si une organisation est convaincue qu’un risque d’usure normale est tout aussi important qu’un risque d’incendie manifeste, elle devra accepter de considérer que 30 ans d’usure normale équivalent plus ou moins à une perte totale. Devant un tel parti pris, la gestion rationnelle des risques devient alors impossible.

Étape 5 : Traiter les risques

Le traitement des risques consiste à planifier et à mettre en œuvre des options pour réduire les risques.

Tâche 1 : Identifier les options de traitement des risques.

Tâche 2 : Quantifier les options de réduction des risques.

Tâche 3 : Évaluer les options de réduction des risques.

La tâche des experts-conseils externes peut prendre fin ici.

Tâche 4 : Planifier et mettre en œuvre les options choisies.

Un cycle de gestion des risques est maintenant terminé.

Tâches pour l’étape du traitement des risques

Tâche 1 : Identifier les options de traitement des risques

Choisir le type de traitement

Dans le domaine de la gestion des risques, on trouve trois types de traitement :

  • le transfert des risques;
  • l’acceptation des risques;
  • la réduction des risques.

Dans le contexte de cette méthode, nous portons notre attention sur les deux derniers : l’acceptation et la réduction des risques. Le transfert des risques, c’est-à-dire l’achat d’une assurance ou l’utilisation des programmes d’indemnisation offerts par les organismes gouvernementaux, n’entre pas dans le cadre de cette méthode, mais l’organisme doit le prendre en considération lorsqu’il étudie les répercussions financières de certains risques.

Choisir les risques à réduire

Les premiers risques à réduire ont été choisis à l’étape de l’évaluation des risques : des risques ont été comparés à un critère quelconque, puis classés parmi les risques acceptables ou inacceptables. L’étape du traitement des risques, cependant, fait intervenir deux critères supplémentaires qui influeront sur l’évaluation finale des risques à réduire :

  • le coût-efficacité des options;
  • le coût des options.

Pour les risques considérés comme acceptables, mais tout juste, il est utile de préparer et d’évaluer des options malgré tout, au cas où celles-ci seraient très rentables.

Créer ou découvrir les options de réduction des risques
  • Utiliser la matrice des strates et des étapes (tableau 24)
  • Consulter des experts
  • Échanger des idées avec des collègues
  • Chercher les facteurs d’amplification et de réduction de chaque risque spécifique
Rédiger un résumé des options

Résumez chaque option en une phrase ou deux seulement.

Estimer les coûts de l’option

Estimez les coûts de départ (capital) et les coûts annuels (fonctionnement et entretien) nécessaires pour mettre en œuvre chaque option. N’oubliez pas d’inclure la main-d’œuvre dans les coûts annuels. Si une option n’occasionne aucuns frais, mais repose sur le travail effectué, estimez le nombre d’heures à investir chaque année pour réaliser la tâche, y compris les tâches de gestion, comme la mise en place de l’option, puis estimez les frais annuels d’après un salaire approximatif.

Tâche 2 : Quantifier les options de réduction des risques

Quantifier le risque résiduel

On quantifie les avantages d’une option en quantifiant le risque qui restera si l’option est mise en œuvre. Il faut répéter l’étape de l’analyse des risques, mais en imaginant que l’option a été mise en œuvre.

Élaborer l’option

Décrivez l’option avec suffisamment de détails pour commencer à quantifier ses répercussions sur les risques. Il s’agit d’un processus itératif utilisé de concert avec l’analyse des risques résiduels, décrite ci-dessous.

Analyser le risque résiduel pour A, fréquence ou taux

Si le risque d’origine a été analysé selon une période fixe ou l’horizon temporel, les options ne modifieront pas ce score. La fréquence de la plupart des dangers naturels ne change pas non plus.

Sinon, estimez à quel point la mise en œuvre de l’option augmentera le temps moyen entre les événements ou la durée nécessaire pour obtenir le degré préalablement défini de dommages.

Analyser le risque résiduel pour B, perte de valeur de chaque élément touché

Si le risque d’origine a été analysé en fonction d’un degré de dommages précis, aucune option n’entraînera de changement quelconque.

Sinon, analysez les dommages matériels qui se produiront même si l’option est mise en œuvre, puis la perte de valeur de chaque élément touché qui découle de ce degré de dommages.

Analyser le risque résiduel pour C, éléments touchés selon le diagramme des valeurs

Déterminez les éléments qui seront touchés malgré la mise en œuvre de l’option.

Calculer la MR résiduelle

La nouvelle MR, calculée à partir de la somme des nouveaux scores A, B et C, est la MR du risque résiduel si l’option est mise en œuvre.

Si la réduction est parfaite

Si l’option élimine tout le risque, il n’est pas possible d’utiliser les scores A, B ou C, étant donné qu’ils ne sont pas conçus pour exprimer l’absence totale de risque. Attribuez simplement le score zéro, où MR=0.

Donner des estimations élevée et basse

En plus de l’estimation probable des scores A, B et C, estimez les valeurs élevée et basse de chaque score. En cas de doute, utilisez la même incertitude proportionnelle que pour le risque d’origine.

Faire connaître votre raisonnement et vos sources

Expliquez clairement comment vous avez établi votre estimation du risque résiduel et citez toutes vos sources, notamment les quantités utilisées dans votre raisonnement.

Tâche 3 : Évaluer les options de réduction des risques

Dans quelle mesure l’option réduit-elle le risque?

Quelle que soit l’option retenue, le premier critère à prendre en compte est qu’une grande partie, voire l’ensemble du risque visé, est réduite. Si vous ne disposez pas des ressources nécessaires pour procéder à une analyse complète du risque résiduel, comme il est précisé à la tâche 2 (section précédente), portez un jugement qualitatif, par exemple le risque est réduit « en entier, en grande partie ou en faible partie ».

L’option permet-elle de réduire d’autres risques?

Identifiez les options qui peuvent réduire plusieurs risques. Le remplacement d’un bâtiment représente l’exemple le plus extrême. Dans un tel cas, on pourrait évaluer l’effet de cette option sur chacun des risques spécifiques, mais il suffit d’évaluer son effet sur les quelques risques les plus grands seulement. Si l’option ne permet pas de réduire ces risques dominants, on ne peut pas la considérer comme une amélioration du point de vue de la préservation.

L’option est-elle réalisable?

Vérifiez si l’option respecte les lois et les règlements en vigueur auxquels le bien patrimonial et l’organisation sont assujettis.

Vérifiez aussi si elle tient compte de votre contexte socioculturel ou spirituel.

Respectez un budget réaliste ou trouvez de nouvelles sources de financement.

L’option est-elle durable?

Il y a de nombreux cas de musées qui obtiennent des subventions pour construire des bâtiments complexes, mais qui ne disposent pas des fonds de roulement nécessaires pour en assurer l’entretien. La durabilité comprend aussi la consommation énergétique, l’empreinte carbone et l’environnement. Envisagez les options qui peuvent profiter des subventions gouvernementales récompensant la durabilité.

Quel est son coût annuel?

Bien qu’il soit possible de recourir à des modèles commerciaux plus complexes, le calcul approximatif suivant est suffisant pour les besoins de notre méthode :

(coûts de fonctionnement et d’entretien annuels) + (dépenses en capital/horizon temporel).

Veuillez noter que le choix de l’horizon temporel a une grande incidence sur l’estimation des coûts annuels, car il modifie l’étalement des dépenses en capital.

Quel est son coût-efficacité?

Le coût-efficacité correspond à la quantité de risque réduit par unité de coût (par exemple par dollar). Comme les ressources sont limitées, il faut en faire le meilleur usage. Le coût-efficacité et la réduction de la MR sont les deux critères les plus importants dans l’évaluation des options. Deux méthodes sont proposées pour calculer le coût-efficacité (voir la sous-section des explications), l’une est simple, l’autre précise.

L’option crée-t-elle de nouveaux risques?

Les options s’accompagnent toujours d’effets secondaires, qui peuvent devenir des risques collatéraux. L’un des exemples les plus extrêmes et très courants est un nouveau bâtiment qui réduit les risques comme le feu et les vols, mais qui augmente la décoloration par l’éclairage, les polluants internes ou même les risques associés à l’eau. Un exemple plus subtil a trait aux sorties d’urgence qui permettent l’accès rapide des gens de même que l’évacuation rapide des collections, au besoin, mais qui créent un nouveau risque de vol.

Tâche 4 : Planifier et mettre en œuvre les options choisies

Gestion normale du projet

La planification et la mise en œuvre des options de réduction des risques ne sont qu’un autre aspect de la gestion de projet et n’entrent pas dans le cadre du présent manuel.

Contexte et communication

Certaines mesures sont simples à mettre en œuvre, mais d’autres exigeront probablement la participation de divers niveaux de direction au sein de l’organisme, et parfois à l’extérieur. La compréhension du contexte dans lequel les risques sont gérés est essentielle à la réussite du plan de traitement des risques.

Il est encore plus important que les plans de traitement soient tout à fait intégrés dans le plan global de gestion programmatique et budgétaire de l’organisation. La communication est particulièrement importante lors de la mise en œuvre des plans de traitement des risques pour que les changements concrets qu’ils vont apporter à l’organisation soient clairement compris et qu’ils bénéficient de soutien à tous les niveaux.

Explications sur l’étape du traitement des risques

Élaborer des options : types de traitement des risques

Le traitement vise à diminuer les risques pour votre organisation

Les options de traitement des risques consistent à prendre des mesures pour abaisser la magnitude des risques à des niveaux acceptables en diminuant la fréquence, le taux ou les conséquences de ces risques.

Le traitement peut signifier le transfert des risques

Quand une organisation prend une police d’assurance, elle transfère des risques spécifiques à la compagnie d’assurance, par exemple le coût de remplacement du bâtiment après un incendie. Un tel transfert suppose que les éléments sont remplaçables. Cela n’est habituellement pas le cas pour les éléments patrimoniaux et encore moins pour les éléments uniques d’un bien.

Le traitement peut signifier l’acceptation des risques

Certains risques seront acceptés par l’organisation. Cela arrive pour trois raisons :

  • les risques ont été appréciés et répondent au critère de risque acceptable établi par l’organisation;
  • les risques ont été appréciés et dépassent le critère de risque acceptable établi par l’organisme, mais il n’y a pas de moyens réalisables connus pour les réduire davantage;
  • les risques n’ont pas été identifiés et ont donc été acceptés sans être reconnus par l’organisme.

L’appréciation exhaustive des risques vise à garantir que lorsqu’ une organisation accepte un risque, c’est pour l’une des deux premières raisons, c’est-à-dire pour des risques connus, et non pour la troisième, risques inconnus.

Élaborer des options : comment faire

Communiquer et consulter

Élaborez les options en groupe. Profitez de la gamme d’expériences, d’expertises et de talents créatifs de vos collègues provenant de divers secteurs de votre organisation et de l’extérieur, par exemple des restaurateurs, des gestionnaires, des techniciens en mécanique du bâtiment, des scientifiques en conservation, des experts en sécurité, etc.

Lancer des idées

Les séances de remue-méninges réunissant jusqu’à dix personnes, dont l’équipe responsable de l’appréciation des risques, et d’autres participants clés, sont une manière productive d’élaborer des options de traitement des risques.

Élaborer des options : matrice des strates et des étapes

Tableau 24. Matrice des strates et des étapes. Élargir les rangées pour que le tableau remplisse la page si l’on utilise le formulaire en format papier pour une séance de remue-méninges
Étape Région Site Bâtiment Salle des collections Installations Emballage et support

Éviter

- - - - - -

Empêcher

- - - - - -

Détecter

- - - - - -

Réagir

- - - - - -

Récupérer

- - - - - -
Un outil pour guider l’élaboration des options

Les deux outils conceptuels utilisés pour identifier les risques (les étapes et les strates) peuvent être combinés pour aider à trouver des idées d’options de traitement. Le tableau 24 ci-dessus montre la structure de la matrice. Vous écrivez vos idées préliminaires dans les espaces vides. Rien n’est trop « déraisonnable » au cours du remue-méninges de cette matrice. Le but est de favoriser la réflexion latérale autant que la réflexion linéaire.

Les options comprennent les procédures

Bien que les strates soient géographiques et concrètes – des sites, des bâtiments, des salles, etc. – les cellules de la matrice peuvent comprendre des éléments abstraits, comme les procédures de l’organisation, la dotation en personnel, etc. Insérez les idées dans la cellule qui semble la plus appropriée à leur mise en œuvre.

par exemple l’idée d’accroître le personnel de sécurité à l’intérieur serait dans la case Détecter/Bâtiment. L’idée d’entrepreneurs chargés d’assurer la sécurité la nuit ou l’installation de caméras pour surveiller le périmètre du bâtiment pourraient être placés dans le cas Détecter/Bâtiment ou Détecter/Site. Il n’est pas nécessaire que votre idée soit dans la « bonne case » : la matrice vise à stimuler la recherche d’idées, pas à la restreindre.

Faire une matrice pour chaque risque

Pour chaque risque à traiter, pensez systématiquement, strate par strate, aux étapes de contrôle inexistantes qui pourraient être créées ou aux faibles qui pourraient être améliorées. Utilisez les connaissances existantes sur la conservation préventive et tous les renseignements pertinents que vous avez déjà recueillis au cours de l’analyse pour élaborer les options de traitement.

Chercher les points communs entre les diverses matrices

Après avoir rempli les différentes matrices, placez les feuilles les unes à côté des autres pour trouver les idées communes, les options complémentaires de même que les options redondantes et les options conflictuelles.

Faites une liste d’options

Développez une liste d’options plausibles. Mesurez le coût-efficacité, puis compilez toutes les données dans le tableau de récapitulation des options (tableau 26).

Options complexes

Plusieurs options pour un seul risque

Dans certains cas, deux options de traitement ou plus sont nécessaires pour diminuer le risque à un niveau acceptable. par exemple pour diminuer les risques relatifs aux ravageurs, serait efficace et durable de combiner les options : (i) l’élimination des substances attirantes pour les ravageurs (éviter), (ii) le blocage des points d’entrée (empêcher) des espaces où se situe la collection et (iii) la surveillance des ravageurs (détecter) afin de réagir rapidement, au besoin. Autrement dit, l’« option » est en fait l’adoption de la lutte intégrée contre les ravageurs.

Pour remplir le tableau récapitulatif des options (tableau 26) et calculer le coût-efficacité (CE), la meilleure façon de procéder sera de se pencher sur chaque option spécifique, ainsi que sur leur combinaison comme si c’était une option distincte. Il se peut bien que l’organisation décide de mettre en œuvre l’option combinée par étapes; elle devra alors choisir la séquence de mise en œuvre qui fonctionne le mieux.

Il se peut aussi que des composantes de l’option combinée profitent à d’autres risques, par exemple un emballage qui réduit les ravages d’insectes peut aussi réduire d’autres risques.

Calcul simple du coût-efficacité

Un calcul de l’ordre de magnitude

Cette méthode simple suppose que l’option est suffisamment efficace pour que la MR résiduelle soit au moins d’un point inférieur à la MR d’origine. Si ce n’est pas le cas, vous devez utiliser la méthode précise présentée à la sous-section suivante.

Coût annuel

Le coût annuel se calcule en étalant les dépenses initiales en capital sur l’ensemble de l’horizon temporel, puis en y ajoutant les frais d’entretien annuels :

Coût annuel = (dépenses en capital) / (horizon temporel) + frais d’entretien par année

Ce coût annuel est converti en magnitude de coût annuel en utilisant la table de conversion (tableau 25).

Coût-efficacité

La magnitude du coût-efficacité s’obtient en retranchant la magnitude du coût annuel de la magnitude du risque d’origine. Ainsi :

La magnitude du coût-efficacité du coût (MCE) est :

MCE ≈ MR (d’origine) – MCA

Les deux exemples pratiques suivants illustrent les calculs.

Examen des exemples pratiques

Dans ces exemples, nous comparons une option peu coûteuse (petites réparations) qui résout un faible risque avec une option coûteuse (nouvel immeuble) qui résout un grand risque. Pour l’option coûteuse, la magnitude du coût-efficacité correspond à MCE 7, ce qui est un point complet de plus que la MCE 6 de l’option peu coûteuse. Souvenez-vous qu’une unité, sur une échelle de magnitude, est un facteur de 10 en unités linéaires, ce qui signifie que le coût-efficacité de l’option du nouvel immeuble est dix fois meilleur que celui de l’option des petites réparations. C’est là un des dilemmes courants des décisions à prendre en matière de traitement des risques : choisir entre les options « réalisables », dont certaines ont un rapport coût-efficacité faible, et les options coûteuses, qui dépassent le budget, mais qui pourraient présenter un excellent rapport coût-efficacité.

Option peu coûteuse

Cette option vise un petit risque spécifique, mais elle exige peu de fonds et de main-d’œuvre. Les dépenses initiales en capital, soit 1 000 $, sont réparties sur 30 ans. Il y a aussi le coût annuel de la main-d’œuvre, 3 000 $, ce qui donne un coût annuel de 33 $ + 3 000 $ = 3 033 $

Magnitude du coût annuel, MCA 3½

Magnitude du risque avant l’option : MR 9½

Si l’on suppose que la MR résiduelle une fois l’option mise en œuvre sera d’au moins un point inférieur, soit MR<8½, alors on peut appliquer la méthode simple :

Magnitude du coût-efficacité,

MCE ≈ MR – MCA = 9½ – 3½ = 6

Option coûteuse

Les dépenses ponctuelles en capital de 30 M$ répartis sur 30 ans et les frais d’entretien ne changent pas, ce qui donne un coût annuel additionnel de 1 M$.

Magnitude du coût annuel : MCA 6

Risque initial avant l’option : MR 13

Si l’on suppose que la MR résiduelle une fois l’option mise en œuvre sera d’au moins un point inférieur, soit MR<12, alors on peut appliquer la méthode simple :

Magnitude du coût-efficacité :

MCE ≈ MR – ECA = 13 – 6 = 7

Tableau 25. Table de conversion en magnitude de coût annuel
Coût annuel en devises locales Étendue du coût annuel

10

1

30

100

2

300

1 000

3

3 000

10 000

4

30 000

100 000

5

300 000

1 000 000

6

3 000 000

10 000 000

7

30 000 000

100 000 000

8

300 000 000

1 000 000 000

9

3 000 000 000

10 000 000 000

10

Calcul précis du coût-efficacité

Uniquement pour ceux qui ont besoin de calculs précis

Cette section s’adresse à ceux qui souhaitent connaître l’arithmétique du calcul du coût-efficacité dans la présente méthode et qui pourraient souhaiter créer une base de données ou une feuille de calcul pour :

  • additionner et soustraire des risques;
  • calculer le coût-efficacité avec précision.

La méthode simplifiée présentée à la section précédente est correcte seulement dans le cas où l’option réduit le risque d’au moins un point sur l’échelle de MR. De nombreuses options, en particulier celles qui sont coûteuses et qui visent des risques difficiles à maîtriser, comme les incendies et les vols, exigent des calculs plus précis.

Additionner et soustraire des risques

L’addition de risques est utile si l’on veut calculer des risques combinés, par exemple tous les risques spécifiques d’incendie ou tous les risques liés à l’entretien du bâtiment. La soustraction de risques est nécessaire quand on veut calculer la réduction des risques. Une évaluation poussée d’une option qui réduit plusieurs risques peut nécessiter les deux.

Pour additionner ou soustraire des risques, vous devez utiliser les unités linéaires et non les scores logarithmiques. Si vous utilisez les expressions linéaires dès le départ, A correspond à la fréquence ou au taux de détérioration par année, B est la perte fractionnelle de valeur et C, la fraction de la valeur du bien, de sorte que le risque est le produit de ces trois composantes linéaires – perte fractionnelle de la valeur du bien par année.

Additionner des risques

Étant donné plusieurs risques spécifiques en unités linéaires :

Risque total = Risque 1 + Risque 2 + …

MR totale = 15 + log de base 10 (risque total)

Calculer la réduction d’un risque

Étant donné le risque en unités linéaires :

Réduction du risque = Risque d’origine – Risque résiduel

Calculer le coût-efficacité

En termes d’unités linéaires, le coût-efficacité (CE) est :

CE = Réduction du risque / Coût annuel

Unités pour CE= fraction de la valeur du bien sauvegardé par an / fonds dépensés par an

En termes de magnitude du coût-efficacité :

MCE = = 15+ Log base 10 (CE)

Une MCE de 15 signifie que vous réduisez le risque de perte totale sur une année à presque zéro pour 1 dollar par an! Une MCE de 6 signifie que vous réduisez une MR de 12 à moins d’une MR de 11 pour environ 1 million de dollars par an.

Dans le cadre des études de risques menées par l’ICC auprès d’institutions canadiennes, un musée avait entrepris une estimation de la valeur marchande de ses collections à la demande de sa compagnie d’assurances. Cela a été l’occasion d’examiner les MCE des options en termes de dollar épargné (valeur de la collection sauvée) par dollar dépensé. Certaines des options proposées permettaient d’épargner substantiellement plus de dollars que ce qu’elles pouvaient coûter.

Tableau récapitulatif des options

Tableau 26. Tableau pour énumérer les avantages, les inconvénients et les coûts des options de réduction des risques
Risque spécifique et option
(nommez-les)
MR du risque spécifique MR résiduelle si option mise en œuvre Réduction des autres risques Options en conflit Autres avantages Réalisable Durabilité Dépenses en argent
(estimation)
Autres coûts Cout-efficacité Crée de nouveaux risques?

Risque 1 Option 1

MR?

MR?

Lesquels?
Dans quelle mesure?

- - - - - - -

Lesquels?
De quelle magnitude?

Risque 1 Option 2

MR?

MR?

Lesquels?
Dans quelle mesure?

- - - - - - -

Lesquels?
De quelle magnitude?

Risque 2 Option 1

MR?

MR?

Lesquels?
Dans quelle mesure?

- - - - - - -

Lesquels?
De quelle magnitude?

Etc.

- - - - - - - - - - -
Tableau récapitulatif

Le tableau ci-dessus permet d’organiser toute l’information au sujet de toutes les options afin d’en faciliter l’évaluation. Les titres de colonnes correspondent aux questions présentées à la tâche 3. Dans la version définitive de vos rapports, vous pouvez diminuer le nombre de colonnes ou utiliser toute une page pour examiner en profondeur chacune des options.

Utiliser un tableur électronique

Ce tableau est le plus utile lorsqu’il est utilisé dans un logiciel tableur, comme Microsoft Excel® ou OpenOffice. Vous pouvez alors classer les données par la MR ou la MR résiduelle ou le coût-efficacité de l’option, ou tout simplement par le titre du risque.

Appréciation qualitative du risque résiduel

Si vous n’avez ni le temps ni les ressources pour effectuer une analyse complète du risque résiduel, utilisez une échelle qualitative, par exemple « Le risque est réduit en entier, aucun risque résiduel; le risque est réduit en grande partie, mais il subsiste encore; le risque est réduit en partie, mais il subsiste en bonne partie. » Vous pouvez toujours faire une estimation du coût-efficacité au moyen de la méthode simplifiée pour les options qui permettent de réduire la totalité ou la plupart du risque.

Le plan de traitement des risques

Introduction

Quand vous avez déterminé les options qui sont les plus efficaces et les plus pragmatiques pour traiter les risques, l’élaboration d’un plan de traitement vous permet de structurer les étapes et de documenter la future mise en œuvre de la stratégie de traitement des risques.

Éléments d’un plan

Les plans de traitement des risques devraient comprendre les éléments suivants :

  • une liste des mesures à prendre et des risques spécifiques qui seront ainsi réduits;
  • le nom du responsable de la mise en œuvre des mesures et de la supervision du projet;
  • une liste de toutes les ressources nécessaires pour prendre chaque mesure (l’argent, les ressources humaines, le matériel, l’équipement, les services, etc.);
  • l’affectation budgétaire, c’est-à-dire la façon dont les fonds accessibles seront distribués pour prendre les mesures;
  • l’échéancier de la mise en œuvre des mesures énumérées;
  • les mécanismes et la fréquence proposée des révisions et des rapports sur la mise en œuvre du plan.

Conclusions

Surveiller et réexaminer à long terme

Surveiller et réexaminer les risques

Il faut procéder à une appréciation des risques régulière. Si le cycle de risque initial a été bien documenté, les cycles subséquents demanderont beaucoup moins de travail.

Surveiller et revoir les sources d’information

De nouvelles connaissances pourraient modifier les analyses des risques et les coûts des options. Les calculs relatifs à certains risques seront revus à la hausse, et d’autres, à la baisse. Il en va de même pour les options de réduction. Les décisions pourraient changer en conséquence.

Surveiller et examiner le diagramme des valeurs

Le diagramme des valeurs n’est pas une estimation définitive. Il s’agit tout simplement du meilleur jugement offert sur l’importance relative des éléments du bien patrimonial considéré au moment de l’appréciation. Si la valeur des éléments ou les éléments eux-mêmes changent, il faudra peut-être modifier le diagramme des valeurs en conséquence. Si le diagramme des valeurs et l’appréciation des risques d’origine ont été bien documentés, surtout à l’aide d’un logiciel systématique, comme la base de données de l’ICC, les calculs pour l’ensemble de l’appréciation peuvent être modifiés rapidement et facilement.

Surveillez et réexaminez les options mises en œuvre pour vérifier si elles donnent le rendement voulu (ou non) et pour apporter les changements nécessaires (notamment adopter de nouvelles options) afin d’atteindre les objectifs visés en matière de réduction des risques.

L’objectif est-il atteint?

La question récapitulative ultime

Compte tenu de l’objectif de l’ensemble du processus de gestion des risques – réduire les risques encourus par les biens patrimoniaux avec une quantité donnée de ressources –, la question récapitulative ultime est la suivante : À quel point les risques pour le bien ont-ils été réduits?

La meilleure réponse restera incertaine

Si ceux qui participent à ce processus restent encore en poste pendant de nombreuses années, ils finiront par voir petit à petit des fragments de réponse, mais pour le moment, on ne peut que savoir que l’on a fait les meilleures prédictions possibles des anciens risques et les meilleures prédictions possibles des options de réduction, et qu’on a agi en conséquence. Il est facile de se laisser réconforter par les indicateurs superficiels, comme la présence de nouvel équipement d’entreposage bien organisé, la présence de nombreux employés ou un site bien entretenu, pour se sentir bien au sujet du soin apporté au bien patrimonial, mais ce sont là, au mieux, des indicateurs non éprouvés et, au pire, des indicateurs trompeurs.

Une mauvaise et une bonne nouvelle

Il n’est pas rare que, même après un traitement très efficace, un très grand risque demeure considérable. Les risques d’incendie, même s’ils sont traités pour être cinq fois moins importants qu’auparavant, demeureront souvent importants, sinon prépondérants pour le bien patrimonial considéré. L’impossibilité de réduire autant que nous le souhaiterions les grands risques… ça, c’est la mauvaise nouvelle.

La bonne nouvelle, c’est que la réduction du plus grand risque, bien qu’imparfaite, demeure la plus importante mesure que nous puissions prendre pour préserver le bien patrimonial. Il pourrait être plus réconfortant d’agir sur de nombreux petits risques sur lesquels nous pouvons avoir plus de contrôle, mais cela ne serait pas judicieux si nous négligeons, de ce fait, les plus gros risques.

Références

Antomarchi, C., A. Brokerhof, S. Michalski, I. Verger et R. R. Waller. « Teaching Risk Management of Collections Internationally », Collections: A Journal for Museum and Archives Professionals, vol. 2, no 2 (2005), p. 117-140.

De la Torre, M. (directrice de publication). Assessing the Values of Cultural Heritage: Research Report, Los Angeles (Californie), Getty Conservation Institute, 2002.

Dörner, D. The Logic of Failure: Recognizing and Avoiding Error in Complex Situations, traduit par Rita et Robert Kimber, New York (New York), Metropolitan Books, 1996.

Drury, P., et A. McPherson. Conservation Principles, Policies and Guidance for the Sustainable Management of the Historic Environment, Londres (Royaume-Uni), English Heritage, 2008.

Hamburg, D. « Chapter 7. Safeguarding Heritage Assets: The Library of Congress Planning Framework for Preservation », dans To Preserve and Protect: The Strategic Stewardship of Cultural Resources, Washington (D.C.), Library of Congress, 2002, p. 67-72.

Kates, R.W., et J. X. Kasperson. « Comparative Risk Analysis of Technological Hazards (a Review) », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 80, no 22 (1983), p. 7027-7038.

Merrill, A. T. The Strategic Stewardship of Cultural Resources: To Preserve and Protect, Oxford (Royaume-Uni), Haworth Information Press, 2003.

Michalski, S. « An Overall Framework for Preventive Conservation and Remedial Conservation », dans ICOM Committee for Conservation, 9th Triennial Meeting, Dresden, 26–31 August 1990 (sous la direction de K. Grimstad), Paris (France), ICOM Committee for Conservation, 1990, p. 589-591.

Michalski, S. « Social Discount Rate: Modelling Collection Value to Future Generations, and Understanding the Difference between Short-Term and Long-Term Preservation Actions », dans ICOM Committee for Conservation, 15th Triennial Conference, New Delhi, 22–26 September 2008: Preprints, New Delhi (Inde), Allied Publishers PVT, 2008, p. 751-758.

Organisation internationale de normalisation (ISO). ISO 31000 : 2009, Management du risque – Principes et lignes directrices, Genève (Suisse), ISO, 2009.

Organisation internationale de normalisation (ISO). ISO Guide 73 : 2009, Management du risque – Vocabulaire, Genève (Suisse), ISO, 2009.

Plenderleith, H. J., et A. E. Werner. The Conservation of Antiquities and Works of Art : Treatment, Repair and Restoration, Londres (Royaume-Uni), Oxford University Press, 1971.

Renn, O. « The Challenge of Integrating Deliberation and Expertise: Participation and Discourse in Risk Management », dans Risk Analysis and Society: An Interdisciplinary Characterization of the Field (sous la direction de T. McDaniels et M. Small), Cambridge (Royaume-Uni), Cambridge University Press, 2004, p. 289-366.

Russell, R., et K. Winkworth. Significance 2.0: A Guide to Assessing the Significance of Collections, Canberra (Australie), Collections Council of Australia, 2009.

Society for Risk Analysis. SRA Glossary, 2015a.

Society for Risk Analysis. Risk Analysis Foundations, 2015b.

Standards Australia and Standards New Zealand. AS/NZS 4360:2004 Risk Management , Sydney (Australie), Standards Australia International and Standards New Zealand, 2004.

Stovel, H., et T. H. Taylor. « The New Orleans Charter: Forging a Strategy to Preserve Historic Structures and Artifacts – Commentary », APT Bulletin, vol. 27, no 3 (1996), p. 57-60.

Strang, T., et R. Kigawa. La lutte contre les ravageurs des biens culturels, Bulletin technique 29, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2009.

Tardiff, R. G., et J. V. Rodricks. « Comprehensive Risk Assessment », dans Toxic Substances and Human Risk, New York (New York), Plenum Press, 1987, p. 391-434.

Tétreault, J. « Fire Risk Assessment for Collections in Museums », Journal de l’Association canadienne pour la conservation et la restauration, vol. 33 (2008), p. 3-21.

UNESCO. Base de données de l’UNESCO sur les législations nationales du patrimoine culturel, 2015.

WebFinance, Inc. BusinessDictionary.com, 2015.

Glossaire Note de bas de page 2

Voici un petit glossaire des termes et des expressions qui ont un sens particulier dans le cadre de la méthode ABC.

Analyse des risques
Processus qui mène à une mesure de chaque risque spécifique identifié.
Appréciation des risques
Processus combiné d’identification, d’analyse et d’évaluation des risques.
Bien patrimonial
Totalité de tous les éléments patrimoniaux dont un organisme a la responsabilité.
Conséquence
Pour le risque patrimonial, la perte de valeur fractionnelle du bien patrimonial, par exemple une perte de valeur de 5 %.
Danger (synonyme de menace)
Quelque chose qui présente le potentiel de causer des dommages ou une perte de valeur au bien patrimonial.
Diagramme des valeurs
Graphique à secteurs qui montre comment la valeur est répartie dans le bien patrimonial.
Élément
Composante du bien patrimonial qui peut servir de façon significative à l’appréciation des risques.
Évaluation des risques
Processus qui mène à une évaluation de chaque risque spécifique par rapport à d’autres risques ou en fonction de certains critères.
Gestion des risques
Processus dont se dote un organisme qui a pour but de réduire le plus possible le risque.
Identification des risques
Processus qui mène à l’identification de risques spécifiques qui peuvent ensuite être analysés.
Magnitude
La première échelle de magnitude a été créée par les Grecs anciens pour classer la luminosité de toutes les étoiles visibles en six étapes, et est encore utilisée aujourd’hui par les astronomes. Il s’agit d’une échelle logarithmique. Dans les années 1930, Richter a inventé une échelle logarithmique pour les tremblements de terre et l’a nommée « grandeur ». Bien que le mot « ampleur » puisse aussi signifier simplement la taille, la méthode ABC adopte le même usage que pour l’astronomie et les tremblements de terre : la magnitude du risque (ou le coût ou le coût-efficacité) renvoie à une mesure sur une échelle logarithmique définie.
Magnitude du risque (MR)
Dans la méthode ABC, le risque est exprimé en fonction de sa magnitude (MR) sur une échelle logarithmique de 15 points, où MR 15 correspond à une perte de valeur du bien de 100 % par année, MR 14 correspond à une perte de valeur du bien de 10 % par année, et ainsi de suite.
Processus cumulatif
Processus continu ou intermittent de détérioration qui entraîne la perte de valeur du bien.
Risque
1. Possibilité de perte de valeur du bien patrimonial. 2. Définition officielle de sa mesure : perte de valeur fractionnelle attendue du bien patrimonial par unité de temps, par exemple une perte de valeur de 1 % par siècle. Dans la méthode ABC, cette expression linéaire est convertie en magnitude du risque (MR) sur une échelle logarithmique de 15 points, où MR 15 correspond à une perte de valeur du bien de 100 % par année, MR 14 correspond à une perte de valeur du bien de 10 % par année, et ainsi de suite.
Score A
1. Fréquence de l’événement ou le taux de détérioration. 2. Formulé sous forme de questions durant l’analyse : Pour les événements, à quelle fréquence l’événement se produira-t-il? Pour les processus cumulatifs, quand le processus causera-t-il la perte précisée? 3. Définition officielle de sa mesure : pour les événements, réciproque du temps moyen entre les événements; pour les processus cumulatifs, réciproque du temps pour causer la perte précisée, chacune convertie sous la forme de l’échelle logarithmique A à cinq étapes, où un score de 5 représente un an entre les événements ou un an pour causer la perte précisée, un score de 4 représente 10 ans, et ainsi de suite.
Score B
1. Perte de valeur de chaque élément touché. 2. Formulé sous forme de question durant l’analyse : Quelle sera l’importance de la valeur perdue dans chaque élément touché? 3. Définition officielle de sa mesure : perte de valeur fractionnelle de chaque élément touché en raison de l’événement ou du processus, convertie sous la forme de l’échelle logarithmique B à cinq étapes, où un score de 5 représente une perte de valeur de 100 %, un score de 4, une perte de valeur de 10 %, ainsi de suite.
Score C
1. Éléments touchés (exprimés en pourcentage du diagramme des valeurs). 2. Formulé sous forme de questions durant l’analyse : Quelle est la part du bien patrimonial qui est touchée (en pourcentage du diagramme des valeurs)? 3. Définition officielle de sa mesure : valeur de tous les éléments qui seront touchés par l’événement ou le processus cumulatif, exprimée sous la forme d’une fraction du bien patrimonial actuel, et convertie sous la forme de l’échelle logarithmique C à cinq étapes, où un score de 5 représente 100 % de la valeur du bien patrimonial actuel, un score de 4 représente 10 % de la valeur du bien patrimonial actuel, ainsi de suite.
Traitement des risques
Planification et mise en œuvre de la réduction des risques.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2016
© ICCROM, 2016

Cette publication a été conçue en partenariat avec l’ICCROM (Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels). Toute reproduction, dans quelque format que ce soit, ou distribution par voie écrite ou électronique de cette publication, même partielle, est interdite sans l’autorisation écrite préalable de l’Institut canadien de conservation. Les demandes peuvent être présentées par courriel à pch.iccservices-cciservices.pch@canada.ca.

Publié par :

Institut canadien de conservation
1030, chemin Innes
Ottawa, Ontario K1B 4S7
Canada

Also available in English.

Stefan Michalski, CCI
José Luiz Pedersoli Jr., ICCROM


ISBN 978-0-660-04135-3
No de cat. CH44-157/2016F-PDF

Détails de la page

Date de modification :