Le soin des cuirs bruts et semi-tannés – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 8/4

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La Note de l'ICC 8/4 fait partie de la huitième série des Notes de l'ICC (Cuir, peau et fourrure)

Introduction

Les collections d'objets amérindiens et inuits des musées comportent souvent des articles en cuir brut ou en cuir semi-tanné. Or, il n'est pas rare que, lors de leur utilisation originale, ces articles aient été salis et usés, et que, ayant vieilli, privés de leur fonction utilitaire, ils aient perdu leur souplesse. Quoi qu'il en soit, de tels articles peuvent être conservés en assez bon état s'ils font l'objet de soins réguliers.

Le cuir brut

Le cuir brut, comme le terme l'indique, désigne tout simplement une peau d'animal qui, séparée de la chair, a été mise à sécher. Souvent, la peau a aussi été débarrassée de son poil. Le matériau ainsi obtenu est généralement très rigide et résistant. Les peaux de tambour, les parflèches et les boucliers comptent parmi les articles des collections en cuir brut les plus caractéristiques. En raison de sa résistance naturelle, le cuir brut des objets de musée est souvent en bon état.

Le cuir semi-tanné

Communément appelé « daim », le cuir semi-tanné est fabriqué suivant diverses techniques. Selon la plus commune, la peau est d'abord entièrement séparée de la chair, pour être ensuite étirée et enduite d'une émulsion d'huile et de gras, provenant habituellement du cerveau de l'animal, que l'on fait pénétrer. Puis elle est travaillée ou « palissonnée » jusqu'à ce qu'elle sèche et devienne douce et souple. Souvent, elle est ensuite fumée, ce qui lui confère une couleur ambre tirant sur le brun et une odeur caractéristique. Il arrive que des cuirs soient industriellement tannés pour obtenir l'apparence du daim; ces cuirs industriels se caractérisent par une surface veloutée uniforme et ils ne dégagent habituellement aucune odeur de fumée.

Lorsqu'il est neuf, le cuir semi-tanné a, la plupart du temps, un velouté semblable à celui du suède; il est en outre extrêmement souple et souvent volumineux, contrairement aux autres genres de cuir. Il sert fréquemment à fabriquer des vestes, des manteaux, des sacs, des mocassins, des guêtres et d'autres objets du même genre. Comme il n'est que partiellement tanné, sa résistance à l'eau est limitée. L'état des objets de musée faits de ce matériau peut donc varier considérablement : dans certains cas, le cuir aura conservé une apparence « presque neuve », tandis que, dans d'autres, devenu raide et déformé, il aura perdu sa souplesse et son volume, et pris une teinte de brun grisâtre.

L'humidité relative et la température

Les fluctuations de l'humidité relative demeurent la première cause des dommages aux cuirs brut et semi-tanné. Les dimensions d'une pièce de cuir peuvent ainsi varier considérablement suivant qu'elle absorbe de l'humidité ou qu'elle en libère. Ce problème se pose avec le plus d'acuité lorsque, comme dans le cas des tambours et des kayaks, la peau est assujettie à un cadre qui entrave ses mouvements naturels : si l'air devient trop sec, ou bien la peau se fendra ou bien le cadre cédera. Pour éviter que de tels dommages ne se produisent, on recommande de maintenir le taux d'humidité relative constant, situé idéalement entre 45 et 55 %. Il faut empêcher que le cuir ne devienne trop humide, ce qui favoriserait la croissance fongique; des moisissures risquent en effet de faire leur apparition si l'humidité relative dépasse les 65 %. Il est, par ailleurs, préférable de maintenir la température au-dessous de 25 °C et de veiller à ce que la chaleur des projecteurs qui éclairent les objets exposés ne les dessèche et ne les endommage.

L'éclairement

Le cuir brut et le cuir semi-tanné sont moyennement sensibles à la lumière. Aussi recommande-t-on, pour les aires où ils sont exposés ou mis en réserve, un éclairement de 150 lux au maximum et un rayonnement ultraviolet ne dépassant pas 75 W/µm. On trouvera des renseignements sur les méthodes de mesure des conditions ambiantes dans le nº 2/4 des Notes de l'ICC : Les instruments de mesure des conditions ambiantes et le nº 2/5 : La mesure de l'éclairement au moyen d'un appareil photo.

La manipulation

Lorsqu'on manipule des objets en cuir brut ou semi-tanné, il est primordial de bien les soutenir, surtout s'ils ont perdu leur souplesse. On devra redoubler de prudence s'il s'agit d'articles longs et minces — de fouets ou de cravaches, par exemple — car, même s'ils sont durs et résistants, de tels objets peuvent être très cassants et se fendre si on les courbe trop. Dans les collections de musée, certains objets en cuir brut, comme des parflèches ou des flotteurs en peau de phoque, se trouvent parfois pliés ou aplatis; si ces objets sont raides, on ne doit pas essayer de leur redonner leur forme originale, car, ce faisant, on pourrait leur causer des dommages irréparables. Un restaurateur professionnel sera en mesure de fournir des conseils au sujet de la remise en forme de tels objets.

La mise en réserve

On doit, si possible, ranger à plat sur des étagères les objets en cuir semi-tanné, en prenant soin d'atténuer les plis en insérant du papier de soie sans acide et sans réserve alcaline (à pH neutre). S'il est nécessaire du suspendre certains objets comme des robes et des vestes, on veillera à ce que les cintres soient bien rembourrés; de la bourre de coton ou de polyester, recouverte de coton écru, conviendra fort bien. On évitera d'utiliser des cintres en métal, qui soutiennent mal les vêtements et qui risquent de rouiller. On s'assurera en outre que le poids du vêtement ou de ses ornements ne risque pas, avec les années, de provoquer des déchirures ou d'étirer le vêtement; s'il y a effectivement un tel risque, on le rangera plutôt à plat (le nº 13/2 des Notes de l'ICC : Rangement à plat des textiles et le nº 13/5 : Suspension des costumes en réserve).

Les objets de musée faits en cuir brut ou semi-tanné peuvent, à l'instar de tous les cuirs, être attaqués par des moisissures et par des insectes. Il faut veiller à ce qu'ils soient rangés dans des endroits pas trop humides, pourvus d'une bonne circulation d'air. Il demeure aussi extrêmement important de les examiner au moins deux fois l'an, et plus souvent si possible, pour déceler les signes précoces d'activité d'insectes ou de détérioration (le nº 3/1 des Notes de l'ICC : Examen de dépistage des insectes nuisibles).

Le nettoyage

Les objets de musée en cuir brut ou semi-tanné sont souvent très sales; il est possible d'améliorer leur aspect en les nettoyant avec précaution. On dépoussièrera la surface à l'aide d'une brosse à soies moyennement souples, en dirigeant la poussière vers le bec d'un aspirateur recouvert d'une gaze. Avant de procéder au nettoyage, on devra toutefois s'assurer que la surface de l'objet ne comporte pas d'ornements qui soient mal assujettis; ou, si elle est peinte, que la peinture ne soit pas écaillée ou pulvérulente. On réussira souvent à enlever des taches plus persistantes en les frottant avec une poudre à effacer comme le Dandy Rub^® ou le Skum-X^®, ou même avec de la farine de maïs légèrement chauffée. On prendra alors bien soin, au terme de l'opération, d'enlever à la brosse toute trace de poudre à effacer ou de farine de maïs. Si des taches tenaces subsistent, on ne s'acharnera pas à les faire disparaître. L'application d'une solution nettoyante — de l'eau savonneuse, par exemple — n'aurait pour effet que d'agrandir la tache, et de durcir et comprimer le cuir.

La détérioration

Il ne faut pas essayer d'assouplir ou de redonner leur forme aux objets en cuir brut ou en cuir semi-tanné qui sont rigides et déformés, car on risquerait alors de leur causer des dommages irréparables. On ne devra jamais, non plus, appliquer des apprêts pour cuir sur des objets en cuir semi-tanné, car, conçus pour le cuir industriel, de tels produits peuvent les altérer complètement.

On ne doit pas réparer les fissures qui se sont formées dans les objets en cuir tendu sans consulter d'abord un restaurateur. Ces fissures permettent en effet à l'objet de réagir en fonction des fluctuations de l'humidité relative; si l'on essaie de les réparer ou de les retenir, toute fluctuation ultérieure de l'humidité relative risquera d'aggraver les dommages. On n'essaiera pas non plus de rapprocher les lèvres d'une fissure ou de doubler la partie déchirée au moyen d'un renfort.

Pour obtenir des conseils sur le soin des objets en cuir brut ou semi-tanné très endommagés ou très sales, on pourra s'adresser à la Section d' ethnologie de l'Institut canadien de conservation.

Les fournisseurs de produits

Le papier de soie sans acide et sans réserve alcaline (à pH neutre)

• Les fournisseurs de produits de conservation et de matériel d'archives, par exemple,

  Bibliofiche
  9620, route Transcanadienne
  MONTRÉAL (Québec) H4S 1V9
  Téléphone : 514-336-4340

  ou

  Carr McLean
  461, avenue Horner
  TORONTO (Ontario) M8W 4X2
  Téléphone : 416-252-3371

La poudre à effacer (Skum-X^® ou Dandy Rub^®)

• Les magasins de fournitures de bureau ou de matériel d'artistes

La bourre de polyester ou de coton et le coton écru

• Les grands magasins, les magasins de tissus et les magasins de matériel d'artisanat

Bibliographie

1. Guldbeck, Per E., Le cuir : sa nature, son entretien, Brochure technique, nº 1, Ottawa, Association des musées canadiens. Traduction de Leather: Its Understanding and Care, Technical Leaflet, nº 1, Nashville, American Association for State and Local History (1969).

2. Institut canadien de conservation, Examen de dépistage des insectes nuisibles, Notes de l'ICC, nº 3/1, Ottawa, Institut canadien de conservation (1986).

3. Institut canadien de conservation, Les instruments de mesure des conditions ambiantes, Notes de l'ICC, nº 2/4 (retirée), Ottawa, Institut canadien de conservation (1992).

4. Institut canadien de conservation, La mesure de l'éclairement au moyen d'un appareil photo, Notes de l'ICC, nº 2/5, Ottawa, Institut canadien de conservation (1992).

5. Institut canadien de conservation, Rangement à plat des textiles, Notes de l'ICC, nº 13/2, Ottawa, Institut canadien de conservation (1986).

6. Institut canadien de conservation, Le soin des cuirs de tannage végétal et minéral, Notes de l'ICC, nº 8/2, Ottawa, Institut canadien de conservation (1992).

7. Institut canadien de conservation, Suspension des costumes en réserve, Notes de l'ICC, nº 13/5, Ottawa, Institut canadien de conservation (1983).

8. Schneider, R.C., Crafts of the North American Indians: A Craftsman's Manual, New York, Van Nostrand Reinhold, 1972.

Texte également publié en version anglaise.
Copies are also available in English.

© Communications Canada, 1992
Nº de cat. NM 95-57/8-4-1992F
ISSN : 0714-6221