Chapitre trois : Le système de justice militaire canadien : Structure et analyse des statistiques

Ce chapitre porte sur la structure du système de justice militaire canadien et l’analyse des renseignements statistiques essentiels à l’administration de la justice militaire pour la période de référence2.

Le système de justice militaire au Canada

Le système de justice militaire au Canada est un système de justice distinct et parallèle qui fait partie intégrante de la mosaïque juridique canadienne. Il partage de nombreux principes sous-jacents avec l’appareil civil de justice criminel et est assujetti au même cadre constitutionnel, notamment la Charte. À plus d’une occasion, la Cour suprême du Canada a directement traité de la nécessité d’un système de justice militaire distinct afin de satisfaire les besoins spécifiques des FAC.3

Le système de justice militaire n’est pas asservi à l’appareil civil de justice criminel, mais est son égal. Ses objectifs, néanmoins, diffèrent de ceux de sa contrepartie civile. En plus de veiller à ce que la justice soit administrée équitablement et à ce que la primauté du droit soit respectée, le système de justice militaire est également conçu pour favoriser l’efficacité opérationnelle des FAC en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral. Ces objectifs sont à l’origine de multiples distinctions procédurales et substantives qui différencient le système militaire du système civil.

La capacité des FAC de mener efficacement des opérations est directement liée à la capacité de sa chaîne de commandement d’inculquer et de maintenir la discipline. La nécessité particulière de la discipline dans les FAC est la raison d’être du système de justice militaire. Bien que l’entraînement et l’art du commandement soient essentiels au maintien de la discipline, la chaîne de commandement doit également disposer d’un mécanisme juridique lui permettant d’enquêter et de sanctionner les manquements disciplinaires nécessitant une réponse officielle, juste et rapide. Tel que constaté par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Généreux : « Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. […] Il est donc nécessaire d’établir des tribunaux distincts chargés de faire respecter les normes spéciales de la discipline militaire » . Le système de justice militaire vise à répondre à ces besoins uniques qui ont été énoncés par la plus haute cour du Canada et qui ont été réitérés récemment dans l’affaire R. c. Moriarity.

La structure du système de justice militaire

Le Code de discipline militaire

Le Code de discipline militaire, énoncé à la partie III de la LDN, est la pierre angulaire du système de justice militaire canadien. Il énonce la compétence en matière disciplinaire ainsi que les infractions d’ordre militaire qui sont essentielles au maintien de la discipline et de l’efficacité opérationnelle des FAC. De plus, il énonce les peines et les pouvoirs d’arrestation ainsi que l’organisation et la procédure des tribunaux militaires, des appels et des révisions après procès.

L’expression « infraction d’ordre militaire » est définie dans la LDN comme étant une « infraction — à la présente loi, au Code criminel ou à une autre loi fédérale — passible de la discipline militaire » . Ainsi, les infractions d’ordre militaire incluent de nombreuses infractions disciplinaires qui sont uniques à la profession des armes, telles que la désobéissance à un ordre légitime, l’absence sans permission et la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en plus des infractions classiques édictées par le Code criminel ou toutes les autres lois fédérales. L’étendue des infractions d’ordre militaire prévue au Code de discipline militaire permet au système de justice militaire de favoriser la discipline, la bonne organisation et le moral tout en assurant une justice équitable au sein des FAC.

Les membres de la Force régulière des FAC sont assujettis au Code de discipline militaire en tout temps peu importe où ils se trouvent, tandis que les membres de la Force de réserve y sont assujettis uniquement dans les circonstances précisées à la LDN. Les civils peuvent être justiciables du Code de discipline militaire dans certaines circonstances, notamment lorsqu’ils accompagnent une unité ou un autre élément des FAC lors d’une opération.

La procédure relative aux enquêtes et au dépôt d’une accusation

S’il y a des raisons de croire qu’une infraction d’ordre militaire a été commise, une enquête est effectuée en vue de déterminer s’il existe des motifs suffisants pour porter une accusation. Si la plainte est grave ou de nature délicate, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes l’examinera et fera enquête au besoin. Autrement, les enquêtes sont menées par la police militaire ou, si l’infraction alléguée est mineure, par le personnel de l’unité.

Les compétences et pouvoirs investis aux policiers militaires, tels que ceux qui sont conférés à un agent de la paix, le sont par la LDN, le Code criminel et les ORFC. Parmi l’ensemble de leurs fonctions, les policiers militaires mènent des enquêtes et rédigent des rapports sur les infractions d’ordre militaire qui ont été commises ou auraient été commises par des personnes assujetties au Code de discipline militaire. Afin de préserver et de garantir l’intégrité de toutes les enquêtes, les policiers militaires conservent leur indépendance professionnelle dans l’exercice de leurs fonctions de nature policière et, à ce titre, ne sont pas soumis à l’influence de la chaîne de commandement.

Si une accusation doit être portée, un officier ou un militaire du rang ayant le pouvoir de porter des accusations doit obtenir un avis juridique avant de porter une accusation dans les circonstances prévues à l’article 107.03 des ORFC. Il faut obtenir un avis juridique lorsqu’une infraction non autorisée à être jugée par voie de procès sommaire a été commise par un officier ou un militaire du rang ayant un grade supérieur à celui de sergent ou si une accusation était portée, l’accusé aurait le droit de choisir d’être jugé devant une cour martiale. L’avis juridique doit porter sur la suffisance des éléments de preuve, sur la question de savoir si une accusation devrait ou non être portée dans les circonstances et lorsqu’il faudrait porter une accusation, sur le choix de l’accusation appropriée.

Les deux paliers du système de justice militaire

Le système de justice militaire est composé de deux types de tribunaux militaires : les procès sommaires et la cour martiale. Les ORFC énoncent les procédures relatives au traitement des accusations pour ces deux types de tribunaux militaires.

Les procès sommaires

Le procès sommaire est le tribunal militaire le plus communément utilisé. Il permet que les infractions d’ordre militaire moins graves soient jugées et traitées promptement, et ce, au niveau de l’unité. Les procès sommaires sont présidés par des membres de la chaîne de commandement formés et certifiés par le JAG comme étant qualifiés à appliquer les dispositions du Code de discipline militaire en tant qu’officier président. Tous les accusés ont le droit de recevoir l’aide d’un officier désigné nommé par le commandant pour les aider à préparer leur défense avant et pendant le procès.

Lorsqu’une accusation est portée par une personne autorisée à porter des accusations, s’il est établi que l’accusé peut être jugé par procès sommaire, ce dernier a le droit de choisir d’être jugé devant une cour martiale sauf dans certaines circonstances4. Ce processus est conçu pour fournir à l’accusé la possibilité de faire un choix éclairé à l’égard du type de procès à venir, en ayant à l’esprit qu’un accusé qui choisit de ne pas être jugé devant la cour martiale renonce, dans les faits, au droit d’être jugé par ce type de tribunal en toute connaissance de cause.

Il existe de multiples distinctions entre les procès sommaires et la cour martiale. La cour martiale a un caractère plus officiel et offre à l’accusé un plus grand nombre de garanties procédurales qu’au procès sommaire, notamment le droit d’être représenté par un conseiller juridique. Le processus de choix offre à l’accusé une possibilité raisonnable d’être informé sur les deux types de procès et d’exercer ou non son droit d’être jugé par la cour martiale, puis de communiquer et consigner ce choix.

La compétence liée à un procès sommaire est limitée par des facteurs tels que le grade de l’accusé, le type d’infraction en cause et le fait que l’accusé ait choisi d’être jugé devant une cour martiale. Lorsque les causes ne peuvent pas être jugées par procès sommaire, le dossier est renvoyé au directeur - DPM qui décide ensuite si l’affaire sera poursuivie devant la cour martiale.

La procédure de traitement des accusations par procès sommaire est conçu pour se dérouler avec célérité. Ainsi, à l’exception de deux infractions civiles pour lesquelles le délai de prescription est de six mois5, un officier présidant ne peut juger sommairement l’accusé à moins que le procès sommaire ne commence dans l’année suivant la perpétration présumée de l’infraction.

Les procédures au procès sommaire sont simples et les pouvoirs d’imposer une peine sont limités. Cette condition reflète la nature moins grave des infractions commises et l’intention d’imposer des peines qui sont principalement de nature corrective.

La révision d’un verdict ou d’une peine imposée au procès sommaire

Tous les contrevenants reconnus coupables au procès sommaire sont en droit de présenter à une autorité de révision, une demande de révision du verdict, de la peine imposée, ou des deux. Les verdicts rendus et les peines imposées au procès sommaire peuvent également faire l’objet d’une révision sur l’initiative indépendante d’une autorité de révision. Une autorité de révision est un officier dans la chaîne de commandement qui est supérieur en matière de discipline à celui de l’officier ayant présidé le procès et qui est ainsi désigné en vertu des ORFC. Une autorité de révision peut annuler le verdict du procès sommaire, substituer le verdict ou la peine ou mitiger, commuer ou effectuer la remise d’une peine imposée au procès sommaire. Avant de prendre une décision, une autorité de révision doit obtenir un avis juridique.

La cour martiale

La cour martiale est un tribunal militaire officiel présidé par un juge militaire, qui a pour mandat de juger les infractions plus graves. Les cours martiales se déroulent selon des règles et procédures semblables à celles des cours criminelles civiles et bénéficient des mêmes attributions qu’une cour supérieure de juridiction criminelle relativement à « toutes questions relevant de leur compétence6 » .

La LDN prévoit deux types de cour martiale : générale et permanente. Ces cours martiales peuvent être convoquées n’importe où au Canada et à l’étranger. La cour martiale générale est composée d’un juge militaire et d’un comité de cinq membres des FAC. Le comité est sélectionné au hasard par l’administrateur de la cour martiale et il est soumis à des règles qui renforcent son rôle militaire. Lors d’une cour martiale générale, le comité agit à titre de juge des faits tandis que le juge militaire statue sur les questions de droit et décide de la peine. Les décisions du comité relatives à un verdict de culpabilité se prennent à l’unanimité. Dans une cour martiale permanente, le juge militaire siège seul, décide de tous les verdicts, et détermine la peine dans le cas d’un verdict de culpabilité.

En cour martiale, la poursuite est menée par un procureur militaire relevant du DPM. L’accusé a le droit d’être représenté sans frais par un avocat de la défense de l’organisation du directeur - Service d’avocats de la défense ou par un avocat civil à ses frais. L’accusé peut aussi choisir de ne pas être représenté par un avocat.

Un appel d’une décision de la cour martiale

Les décisions rendues à la cour martiale peuvent être portées en appel devant la Cour d’appel de la cour martiale par la personne assujettie au Code de discipline militaire, le ministre ou un avocat mandaté par le ministre7. La Cour d’appel de la cour martiale est composée de juges civils de la Cour fédérale du Canada, de la Cour d’appel fédérale ou des cours supérieures et des cours d’appel des provinces et des territoires.

Les décisions de la Cour d’appel de la cour martiale peuvent être portées en appel devant la Cour suprême du Canada sur toute question de droit pour laquelle il y a une dissidence d’un des juges de la Cour d’appel de la cour martiale ou sur toute question de droit pour laquelle la permission d’en appeler est accordée par la Cour suprême du Canada8.

Analyse des questions importantes

Diminution du nombre d’accusations jugées par procès sommaire

Le procès sommaire reste la voie la plus fréquemment utilisée pour juger les infractions prévues au Code de discipline militaire. Pour la période de référence, 721 procès sommaires ont eu lieu comparativement à 47 procès en cour martiale. Par conséquent, presque 94 p. 100 de toutes les affaires ont été jugées par procès sommaire. La figure 3-1 présente un résumé du nombre de tribunaux militaires, séparant les cours martiales et les procès sommaires pour les périodes visées par les deux derniers rapports.

Figure 3-1 : Répartition des tribunaux militaires

2014-2015 2015-2016
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
Nombre de cours martiales 70 7.55 47 6.12
Nombre de procès sommaires 857 92.45 721 93.88
Total 927 100 768 100

Au cours de la période de référence, un nombre total de 1 078 accusations ont donné lieu à 721 procès sommaires. Il s’agit d’une diminution de 147 accusations et de 136 procès sommaires comparativement à la période du dernier rapport. Cette tendance à la baisse du nombre d’accusations jugées par procès sommaire et du nombre total de ces procès est caractéristique des dernières périodes analysées. Par exemple, le nombre total d’accusations jugées par procès sommaire dans les rapports de 2013-2014 et 2014-2015 était de 1 806 et 1 225, respectivement, et le nombre total de procès sommaires pour les mêmes périodes était de 1 162 et 857, respectivement. La figure 3-2 indique le nombre de procès sommaires tenus par année depuis 2011-2012, et la figure 3-3 indique le nombre d’accusations ayant été jugées par procès sommaire par année depuis 2011-2012.

Figure 3-2 : Nombre de procès sommaires

Voir le tableau ci-dessous pour la structure de répartition du diagramme.

Année 11-12 Année 12-13 Année 13-14 Année 14-15 Année 15-16
Nombre de procès sommaires 1438 1248 1162 857 721

Figure 3-3 : Nombre d’accusations jugées au procès sommaire

Voir le tableau ci-dessous pour la structure de répartition du diagramme.

Année 11-12 Année 12-13 Année 13-14 Année 14-15 Année 15-16
Nombre d'accusations jugées 1984 1721 1806 1225 1078

En examinant cette tendance d’après le nombre de procès sommaires ventilés par commandement, il appert que le nombre de procès tenus par l’Armée canadienne a considérablement baissé. Au cours de la période visée par le présent rapport, le nombre total de procès sommaires instruits par l’Armée canadienne a été de 334, ce qui est une diminution comparativement aux périodes de 2013-2014 et 2014-2015 au cours desquelles 567 et 477 procès ont eu lieu respectivement. Un examen plus approfondi, axé sur des régions précises révèle que la Base de soutien de la 5e Division du Canada Gagetown et la garnison Petawawa ont toutes deux rapporté une baisse du nombre de procès sommaires pour les dernières périodes analysées, ce qui constitue à peu près la moitié de la réduction observée. Par exemple, pour la période visée par le présent rapport, 84 procès sommaires ont eu lieu sur la base de soutien de la 5e Division du Canada Gagetown, contre 111 et 121 pour les périodes de 2014-2015 et 2013-2014, respectivement. De même, 63 procès sommaires ont eu lieu à la garnison Petawawa au cours de la période visée par le présent rapport, contre 136 et 119 en pour les périodes de 2014-2015 et 2013-2014, respectivement.

En revanche, la Marine royale canadienne a connu une légère augmentation du nombre de ses procès sommaires comparativement à la période précédente. Au cours de la période de référence, 184 procès sommaires ont été menés par la Marine royale canadienne, contre 130 au cours de la période précédente. Le nombre de procès sommaires menés par l’Aviation royale canadienne est resté relativement stable pour les périodes suivantes : 78 en 2015-2016, 75 en 2014-2015, et 78 en 2013-2014. Enfin, le chef du personnel militaire rapporte avoir procédé à 74 procès sommaires cette année, contre 84 en 2014-2015 et 187 en 2013-2014.

La figure 3-4 présente un tableau du nombre de procès sommaires par commandement et par année pour les trois dernières périodes de rapport.

Figure 3-4 : Nombre de procès sommaires par commandement

Commandement 2014-2015 2015-2016
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
Vice-chef d’état-major de la défense 13 1.52 6 0.84
Commandement des opérations interarmées du Canada (COIC) 60 7.00 28 3.88

Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada

11 1.28 6 0.84
Marine royale canadienne 130 15.17 184 25.52
Armée canadienne 477 55.66 334 46.32
Aviation royale du Canada 75 8.75 78 10.82
Chef du personnel militaire 84 9.80 74 10.26
Sous-ministre adjoint (Gestion de l’information) 1 0.12 6 0.83
Sous-ministre adjoint (Matériel) 1 0.12 1 0.14
Sous-ministre adjoint (Affaires publiques) 1 0.12 1 0.14
Sous-ministre adjoint (Infrastructure et environnement) 0 0 1 0.14
Commandement du renseignement des Forces canadiennes (COMRENSFC / RD) 4 0.12 2 0.27
Total 1162 100 827 100

Un examen du nombre d’accusations jugées par procès sommaire révèle une diminution du nombre d’accusations portant sur des infractions spécifiques telles que l’absence sans permission, en vertu de l’article 90 de la LDN, et la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en vertu de l’article 129 de la LDN.

Le nombre d’accusations portées pour absence sans permission pour la période visée par le présent rapport s’élève à 446. Il s’agit d’une diminution par comparaison à 667 et 475 en 2013-2014 et 2014-2015, respectivement. Cependant, le pourcentage des accusations portées pour absence sans permission comparé au nombre total d’accusations est resté relativement constant au cours des dernières périodes examinées (41,4 p. 100 en 2015-2016, 38,7 p. 100 en 2014-2015, et 36,9 p. 100 en 2013-2014).

Le nombre d’accusations portées pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline au cours de la période visée par le présent rapport s’élève à 2949. Encore une fois, la tendance à la baisse du nombre d’accusations relatives à cette infraction est manifeste alors que ce nombre, qui exclut les accusations pour tirs négligents, s’élevait à 498 en 2013-2014 et à 297 en 2014-2015. Pourtant, le pourcentage d’accusations portées pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, comparativement au nombre total des accusations portées, est aussi resté relativement stable au cours des dernières périodes de rapport (27,3 p. 100 en 2015-2016, 24,2 p. 100 en 2014-2015, et 27,6 p. 100 en 2013-2014). Un résumé complet de toutes les accusations jugées par procès sommaire pour la période visée par le présent rapport figure à l’annexe A.

La raison exacte de cette tendance est inconnue et fera l’objet d’une recherche plus approfondie. Tel que mentionné au chapitre 2, l’organisation du Directeur général - Justice militaire au Cabinet du JAG élaborera un procédé pour la conduite de vérifications concernant la justice militaire à l’échelle des unités, ce qui devrait permettre d’élucider la baisse du nombre d’accusations jugées par procès sommaire et du nombre total de ces procès. En visitant diverses unités des FAC et en s’entretenant avec les joueurs clés du système de justice militaire à l’échelle des unités, les membres de la division de la justice militaire du Cabinet du JAG seront plus en mesure de déterminer la raison de cette diminution globale du nombre de procès sommaires.

Une fois que l’initiative aura été entreprise, le nombre d’accusations portées qui sont jugées par procès sommaire ainsi que le nombre total desdits procès seront surveillés de près afin d’établir si ces vérifications ont une incidence sur l’administration du Code de discipline militaire à l’échelle des unités.

Choix d’un procès en cour martiale

Aux termes de l’article 108.17 des ORFC, l’accusé a le droit d’être jugé devant une cour martiale à certaines conditions : l’accusation se rapporte à l’une des cinq infractions militaires mineures énoncées et les circonstances entourant la commission de l’infraction sont de nature suffisamment mineure pour que l’officier qui exerce sa compétence de juger sommairement l’accusé détermine que si l’accusé était déclaré coupable de l’infraction, une peine de détention, de rétrogradation ou une amende dépassant 25 p. 100 de la solde mensuelle de base ne serait pas justifiée. Ces cinq infractions mineures sont les actes d’insubordination, les querelles et désordres, l’absence sans permission, l’ivresse et la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline lorsque l’infraction se rapporte à l’entraînement militaire, à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail ou à la tenue et la conduite10.

Au cours de la période de référence, les membres accusés auxquels un choix a été offert ont opté pour la cour martiale 51 fois sur 250, ce qui représente un peu plus de 20 p. 100 des accusés optant pour un procès devant une cour martiale lorsque le choix leur était offert. Le pourcentage des membres accusés qui choisissent le procès en cour martiale a augmenté durant les dernières périodes de rapport examinées, passant de 18 p. 100 (55 affaires sur 311 dans lesquelles un choix a été proposé) en 2014-2015, à un peu plus de 15 p. 100 (65 affaires sur 421 dans lesquelles ce choix a été proposé) en 2013-2014. La figure 3-5 offre un sommaire du nombre de choix de procès sommaires et de cours martiales pour les périodes couvertes par les deux derniers rapports.

Figure 3-5 : Choix d’une cour martiale offerts aux accusés

2014-2015 2015-2016
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
Cas où l’accusé à choisi d’être jugé par procès par voies sommaires 256* 82.3 199 79.6
Cas où l’accusé à choisi d’être jugé par une cour martiale 55 17.7 51 20.4
Total 311 100 250 100

* Inclus une cause où l’accusé a choisi un procès sommaire mais où l’affaire a été subséquemment transmise à la cour martiale en conformité avec l’article 108.16(1)a.iii des ORFC.

Demandes de révision

Au cours de la période visée par le présent rapport, suite à la demande de militaires ayant été déclaré coupables par procès sommaire ou sur l’initiative d’une autorité de révision, des révisions ont été effectuées 11 fois relativement au verdict, 11 fois relativement à la peine, et six fois relativement au verdict et à la peine. Le résultat de ces révisions est le suivant : douze décisions initiales ont été confirmées, sept verdicts ont été annulés, trois verdicts ont été substitués; deux peines ont été substituées et cinq peines ont fait l’objet de mitigation, commutation ou remise. Le nombre total des révisions effectuées au cours de la période de référence (28) est nettement inférieur comparativement au nombre de la période visée par le rapport précédent (52). Cependant, le pourcentage de révision est tout juste inférieur à 4 p. 100, alors qu’il était d’environ 6 p. 100 l’année dernière. La figure 3-6 illustre le nombre et le type de demandes de révision des deux dernières périodes de rapport. La figure 3-7 présente un résumé des décisions rendues par les autorités de révision au cours des périodes couvertes par les deux derniers rapports.

Figure 3-6 : Révisions

2014-2015 2015-2016
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
Révisions du verdict 20 38.46 11 39.29
Révisions de la peine 17 32.69 11 39.29
Révisons du verdict et de la peine 15 28.85 6 21.42
Total 52 100 28 100

Figure 3-7 : Décisions des autorités de révision

Types de décisions 2014-2015 2015-2016
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
Confirme la décision 16 30.77 12 41.38
Annule le verdict 25 48.08 7 24.14
Substitue la peine 3 5.77 2 6.90
Substitue le verdict 0 0 3 10.34
Mitige / commue / remet la peine 8 15.38 5 17.24
Total 52 100 2911 100

Cours martiales

En tout, 47 procès se sont déroulés en cour martiale au cours de la période visée par le présent rapport – 40 en cour martiale permanente et sept en cour martiale générale – ce qui représente à peine plus de 6 p. 100 des tribunaux militaires. Ces chiffres représentent une diminution importante de 23 procès en cour martiale, ou environ 33 p. 100 de moins, comparativement au dernier rapport, affichant 61 cours martiales permanentes et neuf cours martiales générales. Cette diminution semble liée au fait que seulement trois juges militaires siégeaient au cours de la période de référence, alors que quatre siégeaient la plupart du temps lors de la période précédente12. La figure 3-8 présente le nombre annuel de procès jugés en cour martiale depuis 2011-2012.

Figure 3-8 : Nombre de cours martiales par année

Voir le tableau ci-dessous pour la structure de répartition du diagramme.

Année 11-12 Année 12-13 Année 13-14 Année 14-15 Année 15-16
Nombre de cours martiales 62 64 67 70 47

Au cours de la période visée par le présent rapport, le nombre moyen de journées passées au tribunal sur des procès contestés a doublé, passant d’une moyenne d’environ cinq jours par procès contesté pour la période du rapport précédent à une moyenne d’un peu plus de dix jours pour la période de ce rapport. Cependant, il est peu probable que cette situation ait contribué à la diminution du nombre de procès en cour martiale puisqu’il y a eu moins de procès par cour martiale contestés au cours de la période visée par le présent rapport comparativement aux périodes précédentes. Au cours de la période de référence, seulement 11 des 47 procès en cour martiale étaient contestés, ce qui représente 23 p. 100 de tous les procès en cour martiale. Pour la période du rapport 2014-2015, 48 p. 100 de tous les procès en cour martiale était contesté (34 sur 71), contre 36 p. cent (24 sur 67) en 2013-2014. Par conséquent, le nombre de procès en cour martiale contestés pour la période visée par le présent rapport est nettement inférieur à celui des années précédentes.

Au cours de la période du présent rapport, le nombre moyen de jours écoulés entre la transmission d’une demande au DPM et la mise en accusation est resté relativement stable comparativement à la période précédente. En 2014-2015, la moyenne était de près de 54 jours écoulés entre la transmission d’une demande au DPM et la mise en accusation. Pour la période visée par le présent rapport, ce chiffre est passé à environ 63 jours.

Cependant, le délai moyen pour mener à terme un procès en cour martiale après la mise en accusation a nettement diminué. Au cours de la période du présent rapport, ce délai était d’environ 138 jours. En 2014-2015, le délai entre le dépôt des accusations et la fin du procès en cour martiale était d’environ 185 jours.

Dans le cadre des 47 procès jugés en cour martiale pour la période de référence, 41 accusés ont été déclarés coupables ou ont plaidé coupables à au moins une accusation, tandis que six ont été déclarés non coupables de toutes les accusations pesant contre eux. La figure 3-9 illustre la conclusion de toutes les affaires instruites en cour martiale au cours des périodes couvertes par les deux derniers rapports.

Figure 3-9 : Verdicts

Types de verdict 2014-2015 2015-2016
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
Reconnu/a plaidé coupable à au moins une accusation 55 77.46 41 87.23
Non coupable de toutes les accusations 12 16.90 6 12.77
Suspension de toutes les accusations 2 2.82 0 0
Retrait de toutes les accusations 2 2.92 0 0
Total 71 100 47 100

Une cour martiale ne peut prononcer qu’une seule sentence à l’égard d’un contrevenant, mais une sentence peut prévoir plusieurs peines. Les 41 sentences prononcées par les cours martiales pour la période visée comportaient 69 peines. La peine la plus fréquente était l’amende : 32 ont été imposées. Les tribunaux ont également prononcé cinq peines d’emprisonnement et quatre peines de détention. Sur ces neuf peines d’incarcération, deux ont été suspendues ce qui signifie, dans le contexte du Code de discipline militaire, que le contrevenant n’a pas à purger de peine d’emprisonnement ou de détention pour autant qu’il ait une bonne conduite au cours de la période visée par la sentence. La figure 3-10 résume les peines imposées en cour martiale pour les périodes couvertes par les deux derniers rapports.

Figure 3-10 : Sentences à la cour martiale

Types de sentences 2014-2015
Nombre
2015-2016
Nombre
Destitution 1 2
Emprisonnement 6 3
Emprisonnement (suspended) 2 2
Détention 4 4
Détention (suspended) 4 0
Rétrogradation 1 3
Perte de l’ancienneté 0 0
Blâme 18 10
Réprimande 13 13
Amende 39 32
Peine mineure : consigne au navire ou au quartier 0 0
Total 88 69

Nota : Une sentence peut inclure plusieurs peines.

Au cours de la période de référence, les accusés ont présenté 12 demandes fondées sur la Charte, dans huit affaires distinctes, en invoquant une violation de leurs droits garantis par la Charte13. Cela signifie qu’au moins une demande de ce type a été présentée dans près de 17 p. 100 de toutes les causes entendues en cour martiale. Parmi ces 12 demandes, neuf ont été rejetées par le juge militaire, une a été retirée par l’accusé, et deux accusés ont réussi à démontrer une violation de la Charte14. Au cours de la période visée par le rapport précédent, au total 16 demandes fondées sur la Charte ont été présentées dans le cadre de 15 causes distinctes, ce qui représente au moins une demande de ce type dans environ 21 p. 100 de toutes les causes instruites en cour martiale.

Appels interjetés devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada

Au cours de la période du présent rapport, deux nouveaux avis d’appel ont été déposés devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada par les personnes condamnées15. En outre, un troisième militaire a déposé une requête en prorogation du délai pour présenter son avis d’appel.

Au cours de la période de référence, la Cour d’appel de la cour martiale a statué sur deux affaires, soit un appel et une requête en annulation. L’appel était dans l’affaire R. c. Cawthorne et la requête en annulation se rapportait à l’affaire R. c. Gagnon et Thibault. Ces deux arrêts ont été portés en appel devant la Cour suprême du Canada et sont analysés en détail au chapitre 4.

Appels interjetés devant la Cour suprême du Canada

Au cours de la période visée par le présent rapport, une demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada a été présentée par le ministre dans l’affaire R. c. Gagnon et Thibault, et un appel de plein droit a été présenté par le ministre dans l’affaire R. c. Cawthorne. Ces affaires sont analysées en détail au chapitre 4.

Langue des procédures

Puisqu’un accusé peut opter pour que son procès sommaire se déroule dans la langue officielle de son choix, l’officier qui exerce sa compétence de juger sommairement doit être en mesure de comprendre la langue du procès sans avoir recours à un interprète. S’il détermine qu’il n’a pas la compétence linguistique requise, l’officier président devrait alors renvoyer l’accusation à un autre officier président qui dispose de cette compétence.

Dans le rapport annuel de 2014-2015, il est fait état de 13 cas de disparité entre la langue des procédures choisie par l’accusé et celle dans laquelle les détails de l’infraction ont été consignés dans le procès verbal de procédure disciplinaire. Néanmoins, aucun cas dans lequel un membre des FAC accusé a été jugé par un tribunal militaire dans une autre langue que celle de son choix n’a été signalé, ce qui indique que la disparité ne concernait que la langue employée pour décrire les détails de l’infraction et la langue des procédures voulue par l’accusé, tel que ce choix est indiqué dans le procès-verbal de procédure disciplinaire, sans influer sur la langue du procès choisie par l’accusé.

Un cas où les détails d’une accusation ont été consignés dans le procès-verbal de procédure disciplinaire dans une langue autre que celle choisie par l’accusé a été répertorié au cours de la période de 2015-2016. Cependant, malgré cette disparité, le membre des FAC en question a été jugé dans la langue de son choix.

Inconduite sexuelle

Le rapport annuel de 2014-2015 signalait que les statistiques sur les procès sommaires se rapportant à des « infractions de nature sexuelle » aux termes de l’article 129 de la LDN n’étaient pas expressément comprises dans la répartition des infractions relatives à cette disposition. Même s’il n’est pas toujours facile de déterminer si une accusation précise est d’ordre sexuel ou pas, une interprétation subjective des détails de l’accusation pouvant entrer en jeu, les améliorations apportées à la base de données sur les procès sommaires permettent maintenant de rapporter et de suivre plus efficacement ces infractions.

Aux fins d’un suivi dans la base de données sur les procès sommaires, toutes les infractions de nature sexuelle sont qualifiées d’inconduite sexuelle, ce qui renvoie à des infractions liées au harcèlement sexuel ou de relations personnelles inappropriées. Au cours de la prochaine période de rapport, d’autres études seront menées pour déterminer si cette méthode de suivi des infractions de nature sexuelle atteint l’objectif voulu et s’il est possible de trouver d’autres moyens d’améliorer les signalements dans ce domaine.

Au cours de la période visée par le présent rapport, 12 accusations liées au harcèlement sexuel et 12 accusations concernant des relations personnelles inappropriées ont été jugées par voie sommaire. Quatre accusations d’agression sexuelle, neuf accusations de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline pour harcèlement sexuel, une accusation de possession de pornographie juvénile et une accusation d’accès à de la pornographie juvénile ont été portées en cour martiale.


Notes en bas de page

2 Les statistiques indiquées à l’annexe A et dont il est question dans le rapport ont été mises à jour le 18 mai 2016.

3 R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259; Mackay c. R., [1980] 2 R.C.S. 370 à 399; R. c. Moriarity, [2015] 3 R.C.S. 485.

4 Un accusé n’a pas le droit de choisir le mode d’instruction dans deux instances. Premièrement, lorsque le prévenu a été accusé d’une des cinq infractions mineures d’ordre militaire et que les circonstances entourant la perpétration de l’infraction est de nature suffisamment mineure pour que l’officier ayant compétence de juger sommairement l’accusé détermine que, si l’accusé était déclaré coupable de l’infraction, une peine de détention, de rétrogradation ou une amende dépassant 25 p. 100 de la solde de base mensuelle ne serait pas justifiée.

5 Voir la note (B) à l’article 108.05 des ORFC.

6 Voir l’article 179 de la LDN.

7 Le ministre a chargé le DPM d’agir en son nom pour interjeter appel devant la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada.

8 Ainsi qu’il sera expliqué au chapitre quatre, le droit d’appel du ministre devant la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada a été contesté dans les causes de R. c. Gagnon et Thibault et R. c. Cawthorne. Dans ces causes, le conseiller juridique des accusés a demandé que les appels soient rejetés au motif que le droit d’appel doit être attribué à un poursuivant indépendant et qu’il va à l’encontre de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la Charte d’accorder le droit d’appel au ministre. Les causes ont été entendues conjointement par la Cour suprême du Canada le 25 avril 2016, et le jugement a été pris en délibéré.

9 Ce chiffre n’inclut pas les accusations de tirs négligents portées en vertu de l’article 129. Pour faire suite aux décisions rendues en cour martiale dans les affaires de R. c. Nauss, 2013 CM 3008 et R. c. Brideau, 2014 CM 1005, le nombre d’accusations pour tirs négligents en vertu de l’article 129 de la LDN a diminué considérablement au cours des périodes de référence suivantes. Par conséquent, afin de donner une idée exacte de la diminution du nombre d’accusations de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, il a été décidé qu’il faudrait exclure les accusations pour tirs négligents dans le but de rendre compte adéquatement de la tendance à la baisse pour les autres accusations en vertu de l’article 129 de la LDN.

10 L’accusé ne pourra pas non plus choisir entre la cour martiale et le procès par voie sommaire lorsque les accusations sont de nature plus grave et qu’elles nécessitent un renvoi direct en cour martiale. Durant la période visée par le présent rapport, il y a eu 28 renvois directs en cour martiale sans que l’accusé n’ait pu se prévaloir de ce choix.

11 Dans une demande de révision présentée par un militaire qui avait été reconnu coupable au procès sommaire, l’autorité de révision a pris deux décisions distinctes à l’égard de deux accusations pour lesquelles le militaire avait été déclaré coupable.

12 Le colonel Michael Gibson a été nommé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 5 février 2015.

13 Cette statistique ne tient compte que du nombre de demandes fondées sur la Charte ayant été présentées dans les affaires où le procès en cour martiale était terminé à la fin de la période examinée.

14 Dans R. c. Korolyk, l’accusée a fait valoir avec succès que le paragraphe 129(2) de la LDN était inconstitutionnel parce qu’il portait atteinte à son droit d’être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie, tel que garanti par l’alinéa 11d) de la Charte. Dans R. c. Levi-Gould, l’accusé a fait valoir avec succès que le paragraphe 157(1) de la LDN portait atteinte à ses droits protégés par les articles 7 et 8 de la Charte, soit son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, son droit de ne pas en être privée sauf si cette atteinte est conforme aux principes de justice fondamentale, ainsi que son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Ces deux affaires sont analysées en détail au chapitre 4.

15 Les demandes ont été déposées par le maître de 2e classe Blackman et le sous-lieutenant Soudri qui contestaient tous deux la légalité du verdict rendu en cour martiale.

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