Chapitre 16 – Appels - Révision globale de la cour martiale - Ébauche du rapport interne
16.1 Introduction
Comme nous l’avons vu au chapitre 7, les mécanismes et le système d’appel du système de cours martiales sont et sont généralement perçus comme étant efficients, plutôt efficaces et plutôt légitimes. Toutefois, comme il a été mentionné dans ce chapitre, quelques aspects du système actuel pourraient néanmoins bénéficier de certaines améliorations.
Le présent chapitre traite de plusieurs changements susceptibles d’améliorer diverses caractéristiques du système d’appel des cours martiales sur le plan de l’efficacité, de l’efficience et de la légitimité. Les options représentatives décrites dans le présent chapitre mettent plus particulièrement l’accent sur la production de résultats justes et appropriés, l’obtention de résultats en temps opportun et l’intelligibilité.
Tout d’abord, plusieurs des changements qui pourraient être apportés à la façon dont les appels sont traités au sein du système de cours martiales sont communs aux deux options examinées cidessous.
Premièrement, une approche coordonnée visant à faciliter la tenue de séances de formation et de familiarisation avec les FAC pourrait être adoptée à l’égard des juges d’appel.1 Ces séances de formation et de familiarisation pourraient renforcer les connaissances militaires des juges civils, qui peuvent n’avoir aucune formation ou expérience militaire, et permettraient probablement d’améliorer la production de résultats justes et appropriés au sein du système de cours martiales.
Deuxièmement, la portée du droit d’appel du ministre (qu’il exerce par l’entremise du service des poursuites militaires) pourrait être modifiée afin de refléter le droit d’appel dont disposent les procureurs civils dans le système de justice pénale civil.2 À l’heure actuelle, le ministre peut interjeter appel d’un verdict de non-culpabilité sur une question de droit seulement ou encore sur une question mixte de droit et de fait,3 alors que les procureurs civils ne peuvent interjeter appel d’un tel verdict que sur une question de droit.4 L’harmonisation du droit d’appel du ministre avec celui des procureurs civils permettrait probablement d’améliorer l’intelligibilité du système de cours martiales.
De même, la portée du droit d’appel d’un contrevenant pourrait être modifiée afin d’harmoniser les appels interjetés à l’égard d’un verdict de culpabilité sur une question de fait et de refléter le droit d’appel des contrevenants au sein du système de justice civil.5 Ce changement permettrait probablement d’améliorer l’intelligibilité du système de cours martiales.
16.2 Option 1 : Changement progressif – changements mineurs à la structure actuelle des cours et des appels
Selon cette option, la cour d’appel et les structures existantes resteraient telles quelles et la CACM continuerait d’avoir compétence pour entendre les appels des décisions des cours martiales.6 Les juges de la CACM seraient uniquement des juges des cours supérieures et des cours d’appel provinciales et un juge de la Cour fédérale ou de la CAF siégerait en tant que juge en chef de la CACM.
Les juges de la CACM (y compris le juge en chef) continueraient d’être nommés par le gouverneur en conseil, et il n’y aurait aucune limite au nombre de juges pouvant être nommés à la CACM.
16.2.1 Évaluation de l’option 1
L’ERGCM estime que cette option pourrait améliorer la production de résultats justes et appropriés en temps opportun, puisqu’elle permettrait de s’assurer que tous les juges de la CACM possèdent une expertise en matière d’appel et de droit criminel.7 Tant les juges des cours supérieures que les juges des cours d’appel provinciales instruisent des appels en matière criminelle – les premiers agissent comme juges d’appel en matière de poursuites sommaires et entendent les appels interjetés à l’encontre des décisions rendues par les cours provinciales de juridiction inférieure relativement à des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité, alors que les seconds entendent les appels en matière criminelle relatifs à des infractions punissables par mise en accusation.
L’ERGCM estime que cette option pourrait également améliorer l’intelligibilité du système de cours martiales, puisqu’elle permettrait de s’assurer que des juges d’appel, qui sont régulièrement saisis d’appels en matière criminelle, instruisent les appels des décisions de la cour martiale à la place des juges des cours fédérales, qui ne possèdent pas nécessairement la même expertise à cet égard.
16.3 Option 2 : Abolition de la Cour d’appel de la cour martiale – les appels des décisions de la cour martiale sont interjetés devant les cours d’appel provinciales
Cette option prévoit l’abolition de la structure actuelle des cours et des appels. Selon cette option, la cour d’appel de la province dans laquelle la cour martiale a eu lieu entendrait les appels des décisions rendues par cette dernière.8
16.3.1 Évaluation de l’option 2
L’ERGCM estime que cette option permettrait d’améliorer l’obtention de résultats en temps opportun, ainsi que la production de résultats justes et appropriés, puisqu’elle permettrait de s’assurer que les juges d’appel possèdent une vaste expertise en matière d’appel et de droit criminel. Toutefois, étant donné que les appels liés à des infractions d’ordre militaire seraient désormais intégrés au système de justice civil général, il est également possible que cette option entraîne une diminution de l’obtention de résultats en temps opportun,9 dans la mesure où les appels des décisions rendues par les cours martiales seraient entendus dans le cadre du processus normal d’appel du système de justice civil plutôt que d’être traités en priorité.
L’ERGCM estime que cette option entraînerait une diminution de l’adaptabilité du système de cours martiales puisque ce dernier ne disposerait d’aucun mécanisme lui permettant de s’adapter rapidement aux changements importants dans le volume de dossiers traités. Il serait difficile d’augmenter, au besoin, le nombre de juges d’appel provinciaux, étant donné que ce nombre est fixé par la loi. Toutefois, il est important de noter que la CACM a rendu, en moyenne, 5,6 décisions d’appel par année au cours des 5 dernières années.
L’ERGCM estime que cette option pourrait améliorer l’intelligibilité du système de cours martiales, puisque tous les appels liés à des infractions commises par des militaires seraient instruits dans le système de justice civil, qui peut sembler plus familier et plus compréhensible pour les membres du grand public et des FAC. Il est possible que les membres du public ne comprennent pas bien tous les détails des structures et des processus d’appel du système de cours martiales actuel et du système de justice civil, mais il serait facile de leur faire comprendre que ce système permettrait à un militaire d’être traité de la même façon que le serait tout civil dans la même province, dans les mêmes circonstances.
Notes de bas de page
1 Par exemple, par l’entremise de l’Institut national de la magistrature. Voir également la section 4.4.5 (Lcol Perron [à la retraite]) du chapitre 4 (Consultations) ci-dessus.
2 Cela a été recommandé par Michel W. Drapeau et Gilles Létourneau dans Behind the times : Modernization of Canadian Military Criminal Justice, 2017, p. 63-64 [Drapeau et Létourneau] :
[traduction]
En vertu de l’article 230.1 de la LDN, la poursuite peut interjeter appel devant la CACM de la légalité d’un verdict de non-culpabilité [...] Dans les procès militaires, la poursuite peut interjeter appel sur une question mixte de droit et de fait. Dans un procès criminel instruit par un tribunal civil, la poursuite ne dispose pas de ce pouvoir. Elle peut faire appel sur une question de droit seulement [...] Par conséquent, le droit d’appel des procureurs militaires est plus étendu, ce qui signifie que les personnes accusées sont plus à risque d’être incriminées que les civils qui comparaissent devant un tribunal civil dans le cadre d’une poursuite criminelle.
3 Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5, al. 230.1b) [LDN].
4 Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, al. 676(1)a).
5 Cela a été recommandé dans Létourneau et Drapeau, précité, note 2, p. 64 :
[traduction]
En outre, le droit d’un accusé d’interjeter appel d’un verdict de culpabilité dans une affaire militaire est plus limité que celui dont peut se prévaloir un accusé reconnu coupable par un tribunal civil de juridiction criminelle. En fait, le sous-alinéa 675(1)a)(ii) du Code criminel autorise la personne déclarée coupable par un tribunal civil de juridiction criminelle à interjeter appel de sa déclaration de culpabilité sur une question de fait, avec l’autorisation de la cour d’appel ou sur certificat du juge de première instance attestant que la cause est susceptible d’appel. Un accusé traduit devant un tribunal militaire ne peut pas se prévaloir de ce droit, en vertu de la LDN.
Voir également la section 4.5.4.1.1 (Svc pers 2 Div CA – commandant) du chapitre 4 (Consultations) ci-dessus : [traduction] « Enfin, le commandant a laissé entendre que les contrevenants et le service des poursuites au sein du système de cours martiales devraient avoir les mêmes droits d’appel que ceux prévus dans le système de justice pénale canadien. »
6 LDN, précitée, note 3, paragr. 234(1).
7 Par exemple, en moyenne, la moitié des affaires entendues par la Cour d’appel de l’Ontario sont des affaires criminelles. En moyenne, le tiers des affaires entendues par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique sont des affaires criminelles.
8 Cette option permettrait de mettre en œuvre efficacement le modèle utilisé actuellement en Irlande, où la cour d’appel du pays a la responsabilité d’entendre les appels interjetés contre les décisions rendues en cour martiale. Voir la section 5.2.4 (Irlande) du chapitre 5 (Étude comparative) ci-dessus.
9 Par exemple, en Ontario et en Colombie-Britannique, plus d’un an peut s’écouler entre la date du dépôt de l’appel et la date de l’audience. Voir précité, note 7.