Chapitre 4 – Consultations

4.1 Introduction

Selon les termes établis, l’ERGCM s’est vu chargé de mener de vastes consultations, notamment auprès de la population canadienne, de ministères, de spécialistes internationaux et de hauts dirigeants des FAC. Les consultations menées par l’ERGCM auprès des spécialistes internationaux et l’analyse comparative qui en a résulté sont présentées plus loin au chapitre 5. Dans le présent chapitre, on décrit les autres consultations menées par l’ERGCM, dont les consultations réalisées auprès de la population canadienne et des intervenants internes des FAC et les consultations ciblées effectuées auprès d’experts et d’intervenants connus. On y résume ensuite ce que l’ERGCM a appris à l’issue de ces dernières.

Il est important de souligner que dans le présent chapitre, on ne fait que présenter l’information communiquée par des tiers à l’ERGCM. L’ERGCM ne cherche pas ici à faire siens, à soutenir, à justifier, à critiquer ou à remettre en cause les différents points de vue exprimés par les intervenants1.

Lors de certaines consultations, des commentaires ont été recueillis sur des sujets débordant le cadre de la tâche confiée à l’ERGCM (p. ex., les enquêtes, la police militaire et les procès sommaires). Au besoin, l’ERGCM a transmis ces commentaires à la direction concernée au sein du Quartier général de la Défense nationale (QGDN). Toutefois, comme ces commentaires débordaient le cadre de son mandat, l’ERGCM a pris soin d’indiquer dans son rapport que de tels commentaires ont été recueillis, mais sans reproduire l’essentiel de leur contenu. Lorsque des aspects des commentaires reçus étaient pertinents, l’ERGCM a fait mention de ces commentaires dans son rapport et les a examinés aux seules fins prévues aux termes de son mandat.

4.2 Rapports entretenus avec le ministère de la Justice

À plusieurs reprises au cours de la dernière année, les membres de l’ERGCM se sont entretenus en personne ou par courriel avec le directeur général du Groupe de révision des systèmes de justice pénale du ministère de la Justice, de même qu’avec d’autres conseillers de la Section de la politique en matière de droit pénal de l’organisation, afin d’échanger avec eux des renseignements concernant leurs travaux respectifs et de cibler tout secteur où ceux-ci se chevauchent.

À la suite de ces consultations, l’ERGCM en est venue à la conclusion que globalement, ses membres et les représentants du ministère de la Justice travaillent à l’atteinte d’objectifs communs visant à améliorer les systèmes de justice relatifs aux infractions criminelles et pénales. Toutefois, sur un plan plus concret, force est de constater que l’ERGCM et le ministère de la Justice réalisent des analyses et des initiatives distinctes, qui respectent des cadres de référence et des calendriers d’exécution différents. Par conséquent, les consultations tenues avec le ministère de la Justice ont uniquement et principalement donné lieu, en définitive, à un échange mutuel d’information.

La liaison a été assurée avec d’autres groupes d’intervenants, au sein du ministère de la Justice, concernant des questions juridiques et stratégiques particulières. Par exemple, le 26 avril 2017, l’ERGCM a participé à une réunion sur la Stratégie fédérale d’aide aux victimes, animée par le Centre de la politique concernant les victimes du ministère de la Justice, une organisation avec laquelle la Division de la justice militaire du CJAG a entretenu ces dernières années une relation fructueuse et soutenue.

Enfin, lorsque des avis juridiques particuliers concernant la révision globale de la cour martiale ont été émis par l’ERGCM, ces avis ont été communiqués aux experts en la matière concernés, au sein du ministère de la Justice, en vue de recueillir leurs commentaires. L’ERGCM a tiré profit des échanges d’expertise dans les domaines militaire et juridique ayant résulté de ces consultations sur des sujets précis avec le ministère de la Justice.

4.3 Consultations publiques

Dans le rapport annuel du JAG au ministre de la Défense nationale sur l’administration de la justice militaire (2015-2016)2, le JAG a signalé son intention de procéder à la révision globale de la cour martiale au cours de l’exercice 2016-20173. Le 22 juillet 2016, les FAC ont publié un communiqué informant les Canadiens au sujet de la révision globale de la cour martiale. Dans ce communiqué, il était également précisé que diverses consultations seraient organisées dans le cadre de cette révision4.

Le 12 septembre 2016, le Col Rob Holman, JAGA JM et DG ERGCM, a accordé une entrevue à Lee Berthiaume de La Presse canadienne concernant la révision de la cour martiale, laquelle a été publiée le 9 octobre 2016 dans plusieurs médias francophones et anglophones5.

Le 11 octobre 2016, l’ERGCM a publié un communiqué, en anglais et en français, annonçant le lancement des consultations publiques à cet égard. Ce communiqué a été publié dans la section « Nouvelles » du site Web du gouvernement du Canada6.

L’effort de consultation publique réalisé à l’égard de la révision globale de la cour martiale comprenait une campagne active dans les médias sociaux, dans le cadre de laquelle une vidéo (largement diffusée en ligne) montrait le Col Holman s’adressant aux Canadiens, en anglais et en français, pour les inviter à exprimer leur opinion.

Des résumés graphiques, des renseignements et des vidéos ont été publiés à maintes reprises sur les sites de médias sociaux du MDN et des FAC sur Facebook et Twitter. On retrouvait cinq publications au total, dont deux utilisaient la vidéo mentionnée précédemment. Chaque publication a généré, en moyenne, environ 30 000 impressions, et les publications vidéo en ont généré encore davantage (une moyenne de 40 000). Les publications de médias sociaux faites sur Facebook ont généré au total 198 495 impressions, 578 « J’aime », 52 commentaires, 109 « partages » et 285 clics sur les liens fournis. Celles faites sur Twitter ont généré 42 167 impressions, 613 engagements, 62 « J’aime », 67 gazouillis partagés et 82 clics sur les liens fournis.

Afin de permettre une contribution éclairée à l’examen effectué, une page Web spéciale, en anglais et en français, a été utilisée dans le cadre de la révision globale pour fournir des renseignements et des ressources et offrir un accès en ligne aux textes reçus durant la période de consultations publiques7. Les Canadiens ont été informés des différents moyens de communication qu’ils pouvaient utiliser pour transmettre leurs commentaires à l’ERGCM; ils pouvaient, notamment, remplir un formulaire en ligne, envoyer un courriel ou poster une lettre. Ces trois méthodes ont été utilisées par les intervenants. La page Web comprenait un « babillard », où les commentaires reçus dans le cadre des consultations publiques étaient publiés, sans en modifier le libellé8, pour que tous y aient accès.

Étant pleinement consciente des problèmes que les membres des FAC qui souhaitent exprimer leur opinion personnelle sur des sujets touchant les FAC peuvent rencontrer sur les plans juridique et pratique, l’ERGCM a déterminé que la façon la plus rapide et la plus commode d’obtenir leurs commentaires individuels consistait à tirer profit des consultations publiques déjà en cours, ce qui lui permettrait de maximiser l’efficacité de ses propres ressources.

Le 14 octobre 2016, le CEMD a publié le CANFORGEN 186/16 – ORIENTATION DU CHEF DE LA DÉFENSE – CONSULTATION SUR LA RÉVISION GLOBALE DE LA COUR MARTIALE, dans lequel il autorisait et encourageait les membres individuels des FAC à exprimer leurs points de vue en tant que simples citoyens, dans le cadre du processus de consultations publiques, concernant le système de cours martiales. Le CEMD leur a imposé seulement deux conditions mineures : 1) ils ne pouvaient pas prétendre s’exprimer au nom des FAC proprement dites et 2) ils ne pouvaient pas laisser entendre que le gouvernement du Canada, le MDN ou les FAC souscrivaient aux opinions personnelles exprimées. Cette approche était essentiellement la même que celle adoptée pour faciliter la contribution des membres des FAC dans le cadre de l’examen de la politique de défense, qui avait commencé plus tôt en 2016.

Des articles ont également été publiés dans les journaux des FAC et dans le Canadian Military Family Magazine afin d’informer un maximum de personnes de la possibilité de participer aux consultations.

L’ERGCM a reçu les commentaires de 11 personnes qui disaient faire actuellement partie des forces armées ou en avoir fait partie par le passé, ce qui représente le tiers de tous les commentaires reçus de particuliers durant la période de consultations publiques. La contribution de ces personnes a été incorporée dans le résumé des consultations publiques présenté ci-après.

Les Canadiens se sont également vu offrir la possibilité de soumettre des commentaires à la condition que ceux-ci ne soient pas rendus publics. Plusieurs intervenants ont choisi cette option. Bien que leurs commentaires n’aient pas été publiés sur le babillard, ils ont tout de même reçu la même attention de la part de l’ERGCM.

4.3.1 Consultations publiques – résumé des résultats

Pendant les consultations publiques, l’ERGCM a reçu au total 33 textes, soit 32 de particuliers et 1 d’une intervenante institutionnelle (l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels). Une fois la période de consultations publiques terminée, d’autres intervenants ont fait parvenir des textes à l’ERGCM. Ces textes sont examinés ci-dessous, sous la rubrique « Consultations ciblées ».

Sans grande surprise, sans doute, aucun consensus ne s’est dégagé sur l’une ou l’autre des questions soulevées dans le cadre des consultations publiques. Une fois la période de consultations terminée, l’ERGCM a rendu public un résumé des commentaires reçus9, qui est reproduit dans les paragraphes qui suivent.

Dans les textes reçus du grand public, certaines personnes ont exprimé des doutes quant à la possibilité que « des infractions criminelles ordinaires » – ou des infractions civiles – puissent être de la compétence du système de cours martiales, tandis que d’autres ont laissé entendre que seuls ces tribunaux devraient avoir compétence à l’égard de ces infractions lorsque les faits reprochés ont un lien avec le service militaire.

Certains étaient d’avis que les infractions de nature sexuelle ne devraient pas être du ressort du système de cours martiales, notamment lorsque ces infractions concernent les familles des membres des FAC ou des jeunes, y compris des « cadets ». D’autres ont fait observer qu’en cas de comportement sexuel inapproprié, de voies de fait ou de harcèlement, le système doit permettre que l’acte commis soit pris au sérieux et que l’on fasse preuve d’une juste sévérité à l’endroit de l’auteur.

Toujours sur la question de la compétence, certaines personnes ont insisté sur le fait que les forces armées doivent être en mesure de punir les militaires d’une quelconque façon, compte tenu de l’importance de la discipline dans les FAC et des tâches particulières que les FAC sont appelées à accomplir. D’autres ont laissé entendre que compte tenu de cette marque de confiance, les militaires doivent être assujettis à une norme plus élevée que les citoyens ordinaires, et que cette norme plus élevée doit être consacrée par la loi. Selon certaines personnes, puisque le service militaire au Canada est entièrement volontaire, les militaires ont consenti à être assujettis à une norme plus élevée lorsqu’ils se sont enrôlés.

Par ailleurs, d’autres personnes ont fait remarquer que le système de cours martiales actuel ne valorise ni ne renforce la discipline militaire, en partie parce que la procédure de la cour martiale est trop longue et que les résultats ne reflètent souvent pas la perspective de la chaîne de commandement. Certains ont laissé entendre que, dans les faits, le système actuel nuit à la discipline et ont affirmé qu’il existe une perception, largement répandue parmi les jeunes membres des FAC, que les accusés qui choisissent d’être jugés par une cour martiale sont beaucoup plus susceptibles 1) de voir le procureur militaire abandonner les poursuites; 2) d’être déclarés non coupables en raison d’une « technicalité » ou 3) s’ils sont reconnus coupables, de recevoir une peine beaucoup plus clémente que celles qui sont infligées habituellement à l’issue d’un procès sommaire pour une conduite similaire dans les mêmes circonstances. D’autres ont aussi laissé entendre que les cours martiales nécessitent la mise à contribution d’énormément de ressources de la part des unités (personnes, temps et dépenses), compte tenu de l’impact qu’elles ont en définitive sur la discipline dans l’unité, et qu’au bout du compte, les responsables de la discipline vont finir par intervenir autrement lorsqu’il y a des écarts de conduite, notamment en prenant des mesures informelles ou administratives, ou vont décider de « porter des accusations moindres » pour régler l’affaire par procès sommaire, sans recourir au système de cours martiales.

Sur le sujet précis des cours martiales, certains intervenants estimaient que les juges « militaires » sont les mieux placés pour remplir la fonction de juge dans un système militaire. Ils doutaient qu’un juge civil soit en mesure de comprendre la situation particulière d’un accusé militaire. D’autres estimaient que les juges civils inspireraient davantage confiance au public, d’un point de vue objectif, parce qu’ils sont perçus comme plus indépendants et plus transparents. Il a été suggéré que, dans des cas rares et très techniques, les juges civils puissent faire appel à des témoins militaires experts pour combler un manque de connaissances spécialisées.

Des intervenants ont fait remarquer qu’il est absolument nécessaire que les cours martiales puissent siéger là où les FAC sont en mission pour que les militaires en déploiement et la population locale puissent voir comment la discipline est mise en application. D’autres ont mentionné que le fait de garder un accusé dans le théâtre des opérations en attendant son procès était susceptible d’être une source dangereuse de distraction pour la mission et de nuire à la discipline. Ils ont indiqué qu’il vaudrait mieux renvoyer l’accusé au Canada pour qu’il y soit jugé.

Certains ont suggéré qu’un civil devrait être à la tête du service de poursuites militaire parce qu’une telle nomination pourrait inspirer davantage confiance au public pour ce qui est de l’objectivité et de la transparence du service des poursuites. D’autres avaient l’impression que des procureurs militaires pourraient être affectés comme avocats au procès, mais qu’ils devraient s’être spécialisés en cours de carrière.

Certaines personnes ont avancé que l’éventail des peines pouvant être infligées par une cour martiale devrait être élargi de façon à inclure les peines disponibles dans le système de justice pénale civil – par exemple, les ordonnances d’absolution ou de restitution. D’autres étaient d’avis que si les principes et les objectifs de la détermination de la peine devant les cours martiales doivent être différents de ceux du système de justice pénale civil, ils doivent alors être codifiés dans des dispositions législatives.

Il a également été suggéré que si les membres du comité de la cour martiale doivent continuer à jouer le rôle de juges des faits, le comité devrait être autorisé à faire des recommandations au juge lorsqu’il prononce la sentence. Quelqu’un a aussi laissé entendre que les déclarations au nom d’une collectivité ou de la communauté militaire devraient être admissibles lors de la détermination de la peine devant des cours martiales.

Certains ont affirmé que les RMP sont désuètes et qu’elles ne servent plus aux fins auxquelles elles étaient destinées à l’origine. Par conséquent, un intervenant a laissé entendre que les RMP pourraient être abrogées et que la LPC et la common law pourraient constituer le droit de la preuve en cour martiale.

Plusieurs personnes ont fait des observations concernant les victimes d’infractions militaires et les droits de celles-ci au sein du système de justice militaire. Tous ces intervenants estimaient que dans un système de cours martiales, les victimes devraient avoir des droits équivalant, à tout le moins, à ceux conférés aux victimes dans le système de justice pénale civil au Canada et avoir accès à des ressources semblables à celles qui leur sont offertes. D’autres ont émis le souhait que dans le système des cours martiales les victimes bénéficient de ressources qui ne sont généralement pas offertes dans les systèmes civils – par exemple, une représentation légale gratuite dans certaines circonstances.

Enfin, certains ont laissé entendre qu’un système de mesure du rendement pourrait être avantageux pour le système de cours martiales parce qu’il serait utilisé pour effectuer les évaluations futures de l’efficacité du système à contribuer à la discipline, à l’efficience et au moral des membres des FAC, de même que les évaluations futures visant à déterminer quels aspects du système devraient être rationalisés, en tenant compte de ce niveau d’efficacité.

À des fins de transparence, le babillard est demeuré accessible en ligne, une fois la période de consultations publiques terminée, afin que le public puisse continuer à prendre connaissance des commentaires originaux reçus dans le cadre de ces consultations10. Le contenu du babillard a été reproduit à l’annexe C.

4.4 Consultations ciblées

Afin de remplir son mandat et de veiller à tirer le maximum des consultations, l’ERGCM a envoyé des invitations ciblées à divers intervenants, notamment à des universitaires et à des commentateurs des médias, pour connaître leur opinion sur les questions touchant au droit militaire et au droit criminel. Au total, 71 personnes ont été invitées à formuler des commentaires, et certaines d’entre elles ont également été invitées à répondre au nom des diverses organisations qu’elles représentent ou en collaboration avec ces dernières.

On comptait parmi les personnes éminentes retenues à cette fin et ayant été invitées à apporter leur contribution le professeur Eugene Fidel de la faculté de droit de l’Université Yale, Gilles Létourneau (un juge de la CACM à la retraite) et Michel Drapeau (un ancien colonel des FAC à la retraite, qui est aujourd’hui un avocat et un commentateur prolifique dans le domaine de la justice militaire au Canada).

L’ERGCM a également invité 42 experts étrangers spécialisés en justice militaire, à savoir les personnes consultées dans le cadre de l’étude comparative décrite ci-dessous au chapitre 5, à formuler, à titre personnel, tout commentaire qu’ils pourraient avoir à faire concernant le système de cours martiales du Canada.

La liste complète des personnes et des organisations invitées à soumettre des commentaires à l’ERGCM, dans le cadre des consultations ciblées, est présentée à l’annexe D.

Sur les 135 demandes de commentaires présentées au total dans le cadre des consultations ciblées, l’ERGCM a reçu finalement 6 réponses : un mémoire du professeur Eugene Fidel de la faculté de droit de l’Université Yale (qui a été publié sur le babillard des consultations publiques et reproduit à l’annexe C); un mémoire de l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels; un mémoire de l’Association du Barreau canadien (ABC) – Section nationale du droit militaire (SNDM); une consultation en personne du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle (CIIS) du MDN et un mémoire rédigé par celui-ci; une consultation en personne avec le juge militaire Jean-Guy Perron (à la retraite) et le Capc Pascal Levesque (à la retraite); un mémoire du groupe de défense des victimes It’s Just 700 (IJ 700).

4.4.1 Mémoire de l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels

L’ERGCM a reçu un mémoire de Sue O’Sullivan, l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels. Le mémoire (reproduit ci-après à l’annexe E) a été reçu en anglais et en français; l’ERGCM l’a publié sur le babillard des consultations publiques11, et l’ombudsman l’a, quant à elle, ajouté sur sa propre page Web12. Dans son mémoire, l’ombudsman formule deux recommandations.

La première recommandation est la suivante : « Harmoniser les droits des victimes prévus dans la [LDN] et dans la [CCDV]. »

La deuxième recommandation est la suivante : « Les [FAC] doivent veiller à ce que leurs politiques, procédures et pratiques internes ― dans la mesure où celles-ci touchent, ou peuvent toucher, les victimes d’actes criminels ― répondent aux besoins et aux préoccupations des victimes. »

En vertu du mandat qui lui est conféré dans les termes de référence, l’ERGCM peut formuler des recommandations concernant les politiques, les procédures et les pratiques des cours martiales et recommander, plus précisément, que les besoins des victimes soient pris en considération. L’ERGCM est sensible au fait que l’ombudsman ait décrit les avantages que cela pourrait apporter :

En plus des avantages que pourraient tirer les victimes elles-mêmes, le fait pour les victimes d’actes criminels dans le contexte militaire de bénéficier d’un milieu équitable qui leur est favorable les aiderait à faire davantage confiance au système canadien de justice militaire et pourrait les inciter à y participer. Ces mesures sont importantes non seulement pour assurer un meilleur traitement aux victimes, mais aussi pour accroître l’efficacité du système dans son ensemble. L’expérience vécue par les membres des FAC qui ont été victimes d’actes criminels, ou qui ont vu d’autres personnes l’être, joue un rôle dans leur décision de dénoncer ou non un acte criminel. Si l’expérience des victimes au sein du système de justice militaire est telle que celles-ci se sentent marginalisées ou moins protégées que le Canadien moyen, elles peuvent hésiter à dénoncer. Une telle hésitation peut contribuer à instaurer une culture de non-dénonciation d’actes criminels et risque de continuer de faire un grand nombre de victimes. Un système équitable et respectueux des besoins et des préoccupations des victimes peut les inciter à dénoncer : les FAC peuvent ainsi être informées des actes de violence et des actes criminels perpétrés au sein de leurs rangs, et avoir la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin. Si les FAC ne sont pas mises au courant de ces actes criminels, et des conséquences de ces actes sur ses membres, elles seront privées des occasions importantes de modifier leurs façons de faire qui permettront à tous leurs membres de bénéficier d’un milieu sain et sécuritaire.

4.4.2 Mémoire de l’Association du Barreau canadien – Section nationale du droit militaire

L’ERGCM a communiqué avec plusieurs membres de l’ABC-SNDM dans le cadre de ses efforts de consultations ciblées. Les représentants de la SNDM ont eux-mêmes communiqué par courriel avec l’ERGCM le 12 décembre 2016 (Annexe F).

Bien que la date limite des consultations publiques fût dépassée, l’ABC a indiqué dans sa lettre qu’elle souhaitait [traduction] « apporter une contribution utile au processus de révision globale » et [traduction] « prendre en considération les nombreux domaines visés ». L’ERGCM souhaitait donc grandement recevoir les commentaires de l’ABC et a accepté que celle-ci lui fournisse son mémoire au plus tard le 31 mars 2017, comme elle l’a suggéré.

Le 31 mars 2017, l’ABC-SNDM a transmis par courriel un mémoire de cinq pages à l’ERGCM, lequel est reproduit à l’annexe G.

Dans son mémoire, l’ABC formule de multiples critiques à l’égard de la révision globale proprement dite13. L’ERGCM a informé le JAG des critiques formulées pour qu’il les examine, mais a constaté que ce dernier n’avait lui-même pas le pouvoir d’y répondre14. Le mémoire de l’ABC ne comprenait aucune recommandation quant aux façons d’accroître l’efficacité, l’efficience ou la légitimité du système de cours martiales et ne faisait état d’aucun problème particulier concernant l’un ou l’autre des éléments visés dans les termes de référence de l’ERGCM.

4.4.3 Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle

Le 13 mars 2017, l’ERGCM a demandé au CIIS du MDN de lui soumettre ses commentaires. Le CIIS, qui a été créé le 1er septembre 2015 suivant la recommandation formulée dans le rapport intitulé Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les FAC15, est un organisme indépendant des FAC et de la chaîne de commandement. Sa mission consiste à « soutenir les militaires des FAC affectés par les comportements sexuels inappropriés en les aidant à faire des choix éclairés quant aux options et aux ressources disponibles pour répondre à leurs besoins individuels ». Le CIIS offre aux militaires une aide personnelle et confidentielle, dans les deux langues officielles et il leur fournit des renseignements, les rassure, les soutient et les dirige vers les divers services offerts aux membres des FAC.

Deux membres de l’ERGCM se sont rendus au CIIS le 29 mars 2017 pour y rencontrer la directrice par intérim de l’organisation, de même que la plupart des conseillers qui y travaillent. Le CIIS a présenté son mémoire le 18 avril 2017.

Le CIIS a fourni à l’ERGCM de précieuses [traduction] « données qualitatives et quantitatives concernant l’expérience qu’ont les militaires du système de justice pénale militaire ». Le CIIS ait indiqué que [traduction] « les données constituent essentiellement une description subjective de l’expérience qu’ont vécue les personnes en question au sein du système de justice pénale militaire dans son ensemble, puisque très peu d’entre celles qui ont contacté le CIIS faisaient la distinction entre les différentes composantes du système, qu’il s’agisse de la chaîne de commandement, du Service national des enquêtes (SNE) de la PM, du JAG ou de la cour martiale ». Nonobstant ce qui précède, l’ERGCM est demeurée encline à utiliser les renseignements disponibles, en gardant à l’esprit les réserves formulées par le CIIS.

En plus des données ainsi fournies, le CIIS a formulé des recommandations générales à l’ERGCM. D’abord, le CIIS a conseillé à l’ERGCM d’examiner les répercussions que la structure même d’un système peut avoir sur les victimes, sur les plans individuel et systémique. À titre d’exemple, la structure d’un système peut avoir des répercussions négatives sur une victime en particulier, mais elle peut également dissuader un grand nombre d’entre elles de s’engager dans le processus en place ou même de signaler un incident. En utilisant comme exemple les cas d’agressions sexuelles traités dans le système actuel, le CIIS a recommandé ce qui suit à l’ERGCM :

[traduction] Compte tenu de ce qu’elles ont vécu, les victimes d’agression sexuelle doivent composer avec de nombreux services relevant du système de justice militaire (p. ex., chaîne de commandement, SNE de la PM, JAG, police civile). Cela signifie qu’à tout moment, selon l’expérience qu’elles ont eue avec l’un ou l’autre de ces points de contact, elles peuvent décider d’abandonner la procédure. Par exemple, une victime pourrait avoir une expérience très positive avec un officier du SNE, mais décider d’abandonner après s’être sentie rejetée par un JAG. Une victime pourrait également décider d’abandonner immédiatement après avoir eu le sentiment d’être de nouveau victimisée lors d’une entrevue avec le SNE. Par conséquent, lors de l’examen du processus des cours martiales et de son incidence sur les victimes, il est important de considérer le système dans son ensemble et la façon dont les différentes composantes de ce dernier interagissent afin de mieux soutenir les militaires16.

Le CIIS a ensuite dressé la liste des points particuliers qui pourraient être améliorés dans le système de cours martiales, toujours dans le contexte des infractions sexuelles, motifs à l’appui :

[traduction] Pour améliorer l’intégrité du système de cours martiales actuel il faudrait, entre autres, nommer des défenseurs des droits des victimes, donner accès aux victimes à des conseils juridiques indépendants du JAG pour les aider à régler des questions juridiques particulières, de nature procédurale ou autre, renforcer la transparence et l’adaptabilité de toutes les composantes du processus de justice pénale militaire par la réduction des cloisonnements entre les systèmes et enfin, accroître le niveau global d’éducation et de sensibilisation quant au comportement des victimes au regard de la neurobiologie des traumatismes et des enquêtes médicolégales lors de traumatismes expérientiels17.

Le CIIS a présenté un mémoire détaillé concernant la défense des droits des victimes18 dans le système de cours martiales. Selon le CIIS, les victimes d’une infraction de nature sexuelle sont désavantagées dans le système de cours martiales par rapport à la majorité des membres de la société canadienne, dans la mesure où au sein de cette dernière [traduction] « la plupart des victimes ont accès à des services de représentation fournis par les centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle19 ». Le CIIS a fait référence aux réformes dont les systèmes de justice militaire de l’Australie et des États-Unis ont récemment fait l’objet20 et a décrit à l’intention de l’ERGCM les avantages potentiels de tels services21.

Le CIIS a pris soin d’indiquer que l’amélioration du soutien offert aux victimes, notamment de certains services mentionnés ci-dessus, est actuellement envisagée par l’Équipe d’intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l’inconduite sexuelle (EISF-IS), de même que par d’autres intervenants clés des FAC, ce dont l’ERGCM était également au fait. Par conséquent, l’ERGCM a aussi assuré une coordination avec l’EISF-IS, tel qu’il est expliqué ci-dessous, dans le cadre des consultations internes.

Le mémoire du CIIS est reproduit à l’annexe H.

4.4.4 It’s Just 700

Le 26 juin 2017, en réponse à sa demande de commentaires, l’ERGCM a reçu un mémoire d’IJ 700, une organisation qui a été créée spécialement pour aider à soutenir les Canadiens qui ont survécu à un traumatisme sexuel en milieu militaire. La version intégrale de ce mémoire est présentée à l’annexe I.

Ce mémoire fait état du fait que les militaires survivants de traumatismes sexuels ont l’impression que le système de justice pénale civil dispose d’une plus grande expertise en ce qui a trait à la gestion des cas d’agressions sexuelles que celle dont disposent les intervenants du système de cours martiales, surtout en raison du fait que le nombre de dossiers traités dans le système civil est beaucoup plus élevé. Toutefois, IJ 700 souscrit à l’idée que « même lorsqu’un dossier d’agression sexuelle est transféré aux autorités civiles, les FAC devraient effectuer leur propre évaluation afin de déterminer si des mesures administratives devraient être prises ».

IJ 700 recommande de prendre exemple sur les procédures civiles, plus particulièrement un modèle utilisé en France. L’organisation critique également les délais rencontrés dans le système et précise [traduction] qu’« il est difficile de se remettre d’un traumatisme tant que des procédures sont en cours. Accélérer le processus judiciaire permettra un rétablissement plus rapide, tout en aidant à éviter que des militaires soient libérés inutilement pour des raisons médicales. »

Dans son mémoire, IJ 700 indique que plus de mesures devraient être prises pour soutenir les victimes dans le cadre des différentes procédures et que ces dernières devraient avoir droit aux services d’un avocat pour les aider à se préparer, entre autres, aux interrogatoires.

L’organisation propose que des sanctions plus sévères soient infligées à ceux qui commettent une inconduite sexuelle et réitère une observation formulée précédemment selon laquelle « [s]eules des sanctions sévères, imposées grâce aux moyens dont dispose le système de justice militaire ou par des mesures administratives et disciplinaires, permettront d’éviter d’autres agressions ». Cette observation a amené IJ 700 à recommander également que des peines et des sanctions minimales soient établies pour les infractions sexuelles afin qu’il soit évident que les auteurs de ces délits ne recevront pas seulement une « tape sur les doigts ». En outre, l’organisation a recommandé que les délinquants ne puissent pas invoquer la bonne réputation dont ils bénéficiaient auparavant ou le sentiment de remords qu’ils éprouvent comme facteur atténuant lors de la détermination de la peine.

Dans son mémoire, IJ 700 exprime certaines préoccupations concernant les risques de représailles à l’endroit des personnes qui dénoncent des cas d’inconduite sexuelle et recommande que des gestes aussi inappropriés soient criminalisés afin de protéger les personnes qui osent dénoncer de tels actes.

IJ 700 recommande d’offrir aux intervenants du système de cours martiales une meilleure formation concernant les infractions sexuelles et suggère d’établir de meilleures mesures de l’efficacité ou de l’assurance de la qualité en ce qui a trait aux plaintes pour inconduite sexuelle.

Enfin, l’organisation recommande d’imposer des quotas ou d’établir un autre mécanisme semblable afin de favoriser l’égalité entre les sexes et les autres formes d’égalité au sein de la profession juridique dans le domaine militaire, de la magistrature militaire et des groupes professionnels de la PM.

4.4.5 Le Lcol Perron (à la retraite), ancien juge militaire

Le 12 juin 2017, trois membres de l’ERGCM ont engagé une consultation ciblée en personne auprès du Lcol à la retraite Jean-Guy Perron, un ancien juge militaire et officier d’infanterie des FAC. Un résumé complet des échanges entre l’ERGCM et M. Perron est présenté à l’annexe J, et son contenu a été vérifié et confirmé par M. Perron en vue d’en assurer l’exactitude.

M. Perron a affirmé que toute discussion portant sur la justice militaire doit d’abord mettre l’accent sur la notion de discipline. La justice militaire est le mécanisme utilisé en dernier recours pour faire régner la discipline.

M. Perron a exprimé des doutes quant à l’opportunité que des crimes de droit commun non liés à la discipline militaire (p. ex., les infractions relatives à la violence familiale) relèvent du système de cours martiales, mais du même souffle que l’existence d’une compétence à l’égard d’un large éventail d’infractions permet au système de cours martiales de prévenir l’impunité lorsque les intervenants du système de justice civil sont incapables d’engager des poursuites dans une affaire particulière ou hésitent à le faire. M. Perron a ajouté que dans la mesure où le système de cours martiales fonctionne correctement, il devrait permettre de traiter les cas d’inconduite relativement mineurs, mais quand même criminels, plus rapidement qu’un tribunal civil.

M. Perron a laissé entendre qu’il comprenait pourquoi les membres de la chaîne de commandement peuvent se sentir désengagés à l’égard du système de cours martiales. Selon lui, ce désengagement est attribuable aux réformes du droit réalisées en 1998, à l’issue desquelles un contrôle beaucoup plus grand sur le système de cours martiales a été confié, en somme, aux avocats militaires. Il s’est dit d’avis qu’au moment où les changements ont été apportés, ces derniers ont eu une incidence négative sur la participation de la chaîne de commandement dans le système de justice militaire et qu’il en est encore de même aujourd’hui. Il a indiqué que, selon lui, pour que la chaîne de commandement y participe, il faudrait accélérer le processus et veiller à ce que le système ne constitue plus un fardeau administratif.

Concernant la question des différences entre les systèmes de justice militaire et civil, M. Perron a affirmé que le premier est utilisé à des fins éducatives, ce qui n’est pas forcément le cas du second. Il a indiqué que les décisions qu’il a rendues par écrit, en tant que juge militaire, étaient structurées de manière à permettre au petit nombre de personnes dans la plupart des cas présentes devant les cours martiales et aux lecteurs de ces décisions, une fois celles-ci publiées en ligne, de comprendre certaines réalités de base concernant le droit canadien et le système de justice militaire. Il a laissé entendre que cela explique pourquoi un juge militaire met souvent plus de temps qu’un juge d’une cour civile de juridiction criminelle à rendre une décision.

En ce qui concerne les délais observés dans le système de cours martiales, M. Perron a affirmé que selon lui, il n’y a pratiquement aucun avantage, sur le plan disciplinaire, à ce qu’une cour martiale juge une infraction un an ou plus après sa perpétration. Il a laissé entendre que pour répondre aux besoins des FAC en matière disciplinaire, des mesures doivent être prises immédiatement, et non au cours des années qui suivent.

En ce qui concerne le Service des poursuites et le SAD, M. Perron a fait remarquer qu’il est important que ces services possèdent une expertise militaire, mais qu’il est également essentiel qu’ils soient perçus comme étant indépendants. Selon lui, le fait qu’il est publiquement établi que le DPM et le DSAD font partie de « l’équipe de commandement du JAG » est extrêmement problématique. Il a indiqué que pour améliorer la structure, il faudrait placer l’organisation du DSAD sous la responsabilité du ministre de la Défense nationale, mais à titre d’organisme indépendant de ce dernier sur le plan fonctionnel, comme c’est le cas, entre autres, du Cabinet du juge militaire en chef.

L’ERGCM a demandé à M. Perron de lui expliquer les répercussions négatives que peuvent avoir les différences de grade (p. ex., entre un juge et un accusé ou entre un procureur et un témoin de la défense) dans le système de cours martiales. M. Perron a indiqué qu’il a présidé au moins un procès où l’accusé, le procureur et l’avocat de la défense avaient tous un grade supérieur à lui en tant que juge militaire, et qu’il n’a eu aucune difficulté à exercer ses fonctions de manière impartiale, sans se laisser influencer par ces grades. Il a souligné n’avoir jamais été témoin d’un problème entre les avocats et les témoins lié aux grades.

La discussion a ensuite porté sur le concept des cours martiales à l’étranger. M. Perron a laissé entendre que l’article 132 de la LDN (en vertu duquel pratiquement toutes les infractions au droit d’un pays étranger où se trouve une personne sont considérées comme des infractions d’ordre militaire, qui peuvent être jugées par une cour martiale) est extrêmement utile pour démontrer aux pays hôtes que les FAC peuvent gérer efficacement toute inconduite de leurs membres. Il a souligné que cet article devrait être conservé. Il était également d’avis que la cour martiale devrait siéger à l’endroit qui favorisera le plus l’envoi d’un message clair en matière de discipline. (Il a en outre souligné, en passant, qu’il serait utile d’instaurer un tribunal militaire permanent pour régler des questions préliminaires telles que le lieu, et réitérer cette recommandation – visant la création d’un tribunal permanent – dans ses observations finales.)

Lorsque l’ERGCM a souligné que la plupart des missions des FAC durent six mois et a demandé à M. Perron s’il pensait qu’il serait possible que les cours martiales rendent une décision dans un délai de six mois suivant la perpétration d’une infraction – de sorte qu’il serait logique qu’elles aient lieu dans le théâtre des opérations –, M. Perron a donné une réponse très mitigée. Il a affirmé croire que les procédures devant les cours martiales pourraient se dérouler sur une période de six mois dans le cas d’une affaire mineure ou relativement simple, et si toutes les personnes concernées reconnaissent la nécessité de traiter ce dossier particulier plus rapidement qu’à l’accoutumée et de se conformer à des délais beaucoup plus courts que les délais habituels. Toutefois, il a émis de sérieux doutes quant à la possibilité de concevoir un système qui permettrait de s’assurer que les cours martiales rendent leurs décisions dans un délai de six mois dans la majorité des cas.

L’ERGCM a fait remarquer que pour qu’il soit en tout temps possible de faire siéger une cour martiale dans un théâtre d’hostilités, les juges militaires seraient forcés de maintenir un très haut niveau de préparation sur le plan opérationnel. L’ERGCM a demandé à M. Perron si l’obligation qu’ont tous les membres des FAC de participer régulièrement à l’instruction préparatoire au déploiement et aux vérifications de l’état de préparation (consistant notamment à renouveler leur qualification pour une arme individuelle, à se soumettre à un test d’aptitude physique pour les opérations ou à suivre une formation de mise à niveau sur la guerre chimique, biologique, radiologique et nucléaire) nuit à la capacité des juges militaires d’exercer leurs fonctions et si la nécessité pour eux de maintenir personnellement un haut niveau de préparation opérationnelle représenterait un fardeau impossible à gérer. M. Perron a souligné avec force que de telles obligations ne pourraient pas être imposées aux membres de la magistrature militaire, étant donné que leur indépendance judiciaire serait compromise si un membre de l’organe exécutif du gouvernement, comme le commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, pouvait dire à un juge militaire ce qu’il doit faire avant qu’il soit autorisé à aller en mission en Afghanistan ou dans un autre théâtre d’opérations en vue d’y instruire un procès ou, pire encore, s’il pouvait dans ces circonstances refuser que la cour se déplace. Il a laissé entendre que cette même mesure d’indépendance s’applique aux membres d’un comité de la CMG, une fois qu’ils ont été nommés, puisqu’à ce stade, ils font partie de la cour et que la cour est indépendante. M. Perron a indiqué que lorsque le ministre de la Défense nationale ou les sénateurs canadiens visitent les troupes des FAC dans un théâtre d’opérations, ils ne sont pas tenus de suivre au préalable une formation sur la guerre chimique ni d’utiliser une arme; il est donc clair qu’il ne s’agit pas là, non plus, d’une obligation absolue pour les juges militaires.

L’ERGCM a ensuite demandé à M. Perron si le fait que les juges militaires soient des militaires était un avantage distinct pour le système de cours martiales ou si les juges civils (p. ex., les officiers qui ont récemment pris leur retraite, qui comptent 10 ans d’expérience comme avocats et qui possèdent une expérience militaire suffisante) pourraient être aussi efficaces. M. Perron a admis qu’il s’agissait d’une option susceptible d’améliorer la perception d’indépendance.

L’ERGCM a demandé à M. Perron de lui parler du nombre de jours où les juges militaires siègent au cours d’une année donnée. M. Perron a affirmé que le nombre de jours de séance n’est pas un facteur pertinent en ce qui concerne les calendriers judiciaires, puisqu’un juge peut siéger une journée, puis ajourner la séance pendant trois jours pour délibérer et rédiger ses motifs, et siéger de nouveau la cinquième journée afin de présenter ces derniers. Dans ce cas particulier, il n’y a eu que deux jours de séance, mais le juge a travaillé pendant cinq jours. M. Perron a admis que des moyens technologiques, comme la vidéoconférence, pourraient être utilisés dans les cas les plus simples, notamment pour les plaidoyers de culpabilité avec recommandations conjointes en matière de peine, afin de régler ces instances sans qu’aucun déplacement soit nécessaire, mais il était d’avis que dans les cas plus complexes, un procès en personne était plus approprié.

L’ERGCM a demandé à M. Perron au nom de qui les juges militaires s’expriment lorsqu’ils présentent leurs motifs et plus précisément, s’ils sont censés parler au nom de la chaîne de commandement militaire. M. Perron a affirmé catégoriquement que les juges militaires ne s’expriment pas au nom de la chaîne de commandement, mais bien au nom de la justice, plus précisément de la justice militaire. Il en va de même en ce qui concerne les sentences, puisqu’elles aussi prennent en compte les intérêts généraux de la justice plutôt que ceux des chefs militaires, sous réserve du fait qu’elles peuvent aussi comporter un volet disciplinaire, dans la mesure où le juge militaire s’exprime sur les mesures disciplinaires requises dans un cas particulier.

M. Perron a également fait observer que si l’on examine le libellé de la LDN et les instructions données par le juge aux membres du comité, il est clair que le comité d’une cour martiale est seulement habilité à tirer des conclusions de fait, et non à représenter les intérêts de la chaîne de commandement militaire.

En terminant, M. Perron a mentionné que la CACM devrait bénéficier de l’aide d’un conseiller juridique, qu’il s’agisse d’un ami de la cour ou d’un tiers expérimenté et compétent qui offrirait ses services à la CACM ou d’une personne désignée par tout autre mécanisme transparent, qui pourrait attirer l’attention de la Cour sur les questions d’ordre militaire particulières soulevées en appel et susceptibles de dépasser les connaissances habituelles de la cour. En outre, il a souligné le fait qu’il est extrêmement problématique que le CJAG participe directement à l’organisation ou à la coordination de la formation des juges de la CACM, puisque ce lien risque de compromettre l’indépendance de la cour. Il a suggéré que cette formation soit plutôt coordonnée par l’entremise de l’Institut national de la magistrature.

En tant que juge militaire à la retraite, M. Perron a pris part à des discussions approfondies en personne avec l’ERGCM; l’équipe a donc accordé beaucoup de poids aux observations qu’il a faites, en particulier à celles relatives aux questions touchant la magistrature militaire.

4.4.6 Le Capc Levesque (à la retraite), Ph. D. (droit militaire)

Le 12 juin 2017, trois membres de l’ERGCM ont engagé une consultation ciblée en personne avec le Capc à la retraite Pascal Levesque, un ancien avocat militaire des FAC possédant une vaste expérience du rôle d’avocat de la défense à la cour martiale ainsi que de l’élaboration de politiques en matière de justice militaire. Un résumé complet des discussions que l’ERGCM a entretenues avec M. Levesque est présenté à l’annexe K, et le contenu de ce dernier a été vérifié et confirmé par M. Levesque en vue d’en assurer l’exactitude. M. Levesque a donné suite à cette consultation en fournissant à l’ERGCM un mémoire (joint à l’annexe L) dans lequel il explique plus en détail les points qu’il a soulevés.

M. Levesque a d’abord souligné que le système de cours martiales doit, en tout temps, être prêt en cas de conflit armé d’envergure et être en mesure de fonctionner efficacement dans une telle situation. Il a également indiqué que le système de justice militaire sert deux objectifs, à savoir l’ordre et le bien-être publics et le respect de la discipline, tandis que le système de justice pénale civil ne sert que le premier.

En ce qui concerne la structure du Service des poursuites et du SAD, M. Levesque était d’avis qu’il y a autant de raisons de civilariser ces services que de les garder en l’état et que la balance devrait pencher en faveur du statu quo. Toutefois, il a proposé un certain nombre de changements en vue de les améliorer, dont les suivants :

M. Levesque a également fait remarquer que la multiplicité des fonctions confiées au JAG sous le régime de la LDN, a clairement donné lieu à des conflits dans certains cas. Plus précisément, ses fonctions de conseiller juridique du gouvernement sur les questions touchant la justice militaire, de responsable de la supervision de l’administration de la justice militaire et de superviseur du DPM et du DSAD ont donné lieu à la création d’un réseau de relations qui s’avère problématique en soi. M. Levesque a comparé cette situation à un jeu d’échecs, où le JAG établit toutes les règles et contrôle ensuite les déplacements de l’équipe des Noirs, puis ceux de l’équipe des Blancs. M. Levesque estimait qu’il serait davantage dans l’ordre des choses que l’organisation du DSAD soit placée sous la supervision du ministre de la Défense nationale, et qu’un conseil d’administration indépendant soit nommé pour superviser le fonctionnement de l’organisation.

L’ERGCM a demandé à M. Levesque de lui expliquer les répercussions négatives que peuvent avoir les différences de grade (p. ex., entre un juge et un accusé ou entre un procureur et un témoin de la défense) dans le système de cours martiales. En définitive, M. Levesque était d’avis qu’au Canada le fait que les personnes qui participent à une instance devant une cour martiale possèdent des grades différents n’est pas un facteur susceptible d’avoir une incidence sur la fiabilité des témoignages et l’impartialité de la procédure. Toutefois, il a reconnu que cela pourrait être le cas dans d’autres systèmes où les grades appellent une plus grande déférence et où les distinctions entre les classes sociales sont plus marquées.

En ce qui concerne la possibilité que des cours martiales siègent dans des théâtres d’opérations lors d’un déploiement, M. Levesque a souligné qu’au bout du compte, les commandants militaires opérationnels devraient avoir la responsabilité de décider si les FAC ont besoin que les cours martiales puissent siéger dans le contexte d’opérations de déploiement; toutefois, M. Levesque semblait d’avis que cela devrait être le cas. De façon plus précise, il a fait remarquer qu’en cas de guerre totale, il serait essentiel qu’un système siège sur place pour prévenir et gérer les cas d’inconduite afin d’éviter que les soldats ne soient incités à mal agir pour pouvoir revenir au Canada et y retrouver la sécurité.

M. Levesque a proposé l’idée d’instaurer des districts judiciaires militaires régionalisés d’un bout à l’autre du Canada, où des cours martiales siégeraient, et d’établir un district « expéditionnaire », qui serait le district compétent pour juger les infractions commises à l’extérieur du Canada.

Lorsque l’ERGCM a souligné que la plupart des déploiements des FAC durent six mois et a demandé M. Levesque s’il pensait qu’il serait possible que les cours martiales rendent une décision dans un délai de six mois, suivant une infraction – de sorte qu’il serait logique qu’elles siègent dans un théâtre d’opérations – M. Levesque a répondu sans équivoque que cela serait impossible dans le cadre du système de cours martiales actuel. Toutefois, il a laissé entendre que cela pourrait être possible si des changements suffisants étaient apportés au système, par exemple, en éliminant les étapes inutiles entre le dépôt de l’acte d’accusation et la réception de ce dernier par le DPM.

M. Levesque a également formulé un certain nombre d’observations concernant les réformes touchant les procès sommaires, hors de la portée de la présente révision.

4.4.7 Président de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre

Le 10 novembre 2017, deux membres de l’ERGCM ont engagé une consultation ciblée en personne avec le Bgén à la retraite Jan Peter Spijk, l’ancien chef des services juridiques militaires des forces armées des Pays-Bas et le président actuel de la Société internationale de droit militaire et de droit de la guerre (SIDMDG) – un groupe d’experts spécialisé dans le domaine du droit militaire, qui jouit d’un « statut consultatif » auprès des Nations Unies depuis 199722. M. Spijk est également président de plusieurs conseils consultatifs au nom du ministre de la Défense des Pays-Bas. Il est le président du comité de rédaction de la Military Law Review des Pays-Bas et un collaborateur émérite de la Netherlands Defence Academy. Le contenu du résumé des discussions que l’ERGCM a entretenues avec M. Spijk, présenté ci-dessous, a été vérifié par ce dernier en vue d’en confirmer l’exactitude.

M. Spijk a entamé la discussion en expliquant de façon générale l’évolution des systèmes de justice militaire en Europe pendant les années 1980 et 1990, en mettant plus particulièrement l’accent sur les changements survenus au sein du système néerlandais. Il a souligné qu’au cours de ces deux décennies, diverses sociétés européennes ont subi des changements dès lors que les citoyens ont commencé à remettre en question la structure des institutions nationales de longue date, tout comme les hypothèses avancées à leur égard, en vue de favoriser une plus grande liberté individuelle. En ce qui concerne les systèmes de justice militaire nationaux, il a indiqué que ceux-ci demeurent en place à l’instar des hymnes nationaux : chacun est différent et doit s’intégrer de manière acceptable dans l’armature du pays et faire partie de son identité. Il a ensuite décrit les changements qui ont été apportés au fil du temps au système semblable à celui des cours martiales des Pays-Bas et qui ont mené à l’établissement du système actuel.

M. Spijk a indiqué qu’un des éléments les plus importants de la réforme a été l’établissement d’une distinction suffisamment claire, fondée sur des principes, entre les inconduites militaires de nature disciplinaire (qui sont gérées par les commandants à l’extérieur du processus judiciaire) et celles qui sont de nature criminelle (qui sont jugées par les tribunaux). Il a précisé que ce changement a transformé ce qui constituait auparavant une grande « zone grise » entre ces deux types d’inconduite pour ne laisser qu’une « mince ligne grise », qui continue d’exister dans des cas où il est possible de soutenir que l’inconduite est de nature disciplinaire ou criminelle, selon le point de vue.

M. Spijk a également indiqué qu’il est important de préciser clairement le but de tout système de justice militaire distinct. À son avis, de tels systèmes existent pour promouvoir trois éléments importants : la discipline, la responsabilisation et la protection du public.

En ce qui concerne le service des poursuites, M. Spijk a indiqué que les poursuites intentées à l’égard d’infractions assimilables à des infractions criminelles sont susceptibles d’être suspectes, s’il y a un risque que la chaîne de commandement militaire ou la direction générale des services juridiques des forces armées puissent influer sur celles-ci. Il a laissé entendre qu’un cas de ce genre créerait une sorte de double suspicion : soit que le service des poursuites use de son autorité et de son pouvoir discrétionnaire pour protéger les militaires afin qu’ils ne soient pas tenus responsables de leur inconduite (ce qui sera plus souvent le cas lors d’une inconduite des cadres dirigeants) ou qu’il use de son autorité et de son pouvoir discrétionnaire pour cibler injustement des militaires subalternes qui commettent une inconduite, en entamant une procédure qui prévoit des protections moindres ou différentes en comparaison de celles offertes par un système entièrement civil. Toutefois, M. Spijk a indiqué qu’à son avis, le service des poursuites peut éviter que de faire planer de tels doutes si le chef du service est réellement indépendant et qu’il ne subit aucune influence de la part des forces armées. Dans un tel cas, il ne serait pas inapproprié, selon lui, qu’il y ait des procureurs militaires en uniforme au sein du service des poursuites.

Cette discussion a amené M. Spijk à faire remarquer qu’avec l’abolition de la conscription aux Pays-Bas au milieu des années 1990, le pays a observé une diminution générale du niveau de connaissance et d’expertise militaires au sein de la population; des efforts ont donc délibérément été entrepris pour s’assurer qu’un mécanisme soit mis en place au sein de l’appareil judiciaire et du service des poursuites néerlandais afin d’avoir accès à ce savoir.

En ce qui concerne les avocats militaires de la défense, M. Spijk était d’avis qu’un avocat en uniforme sera toujours soupçonné de ne pas être en mesure d’offrir des conseils d’une manière totalement indépendante, compte tenu de la relation professionnelle (à long terme, en principe) qu’il entretient avec le ministère de la Défense. Par conséquent, il a recommandé de ne pas avoir recours aux avocats militaires pour assumer le rôle d’avocats de la défense dans un système de cour martiale. En ce qui concerne le financement des services des avocats de la défense, M. Spijk a souligné qu’aux Pays-Bas, un accusé qui se voit acquitter à l’issue d’un procès reçoit un certain montant prélevé sur les fonds publics afin de le dédommager pour les frais de justice engagés. En outre, l’État paye les services des avocats fournis aux accusés qui gagnent de faibles revenus.

Sur la question de la compétence à l’égard des infractions civiles, M. Spijk a d’abord attiré l’attention sur les grandes variantes que présentent les systèmes nationaux à cet égard. Il a indiqué qu’aucune raison évidente ne justifie qu’un tribunal militaire juge de telles infractions commises dans le pays d’origine de la personne, dans les cas où il n’y a absolument aucun « lien » avec le service militaire (au sens le plus large). Toutefois, M. Spijk a ajouté que tout débat sur la question perd en pertinence dans les cas où le système des tribunaux militaires en vient, sur le plan de l’indépendance et des garanties procédurales, à ressembler de plus en plus au système de justice pénale civil ordinaire, où de telles infractions seraient autrement jugées.

4.5 Consultations internes

Au moment d’entreprendre la présente révision, il était particulièrement important pour l’ERGCM de comprendre les points de vue des « utilisateurs » du système de cours martiales : les dirigeants au sein de la chaîne de commandement des FAC.

L’ERGCM a donc entamé de vastes consultations internes au sein des FAC.

L’ERGCM a constaté que dans le cadre de presque toutes les consultations menées, les personnes qui ont présenté des observations à l’équipe étaient sérieuses et bien informées. Il était clair pour l’ERGCM que ces différents « utilisateurs » du système de cours martiales comprenaient très bien le système proprement dit, de même que les enjeux sociétaux plus généraux se rapportant à la justice et à la discipline.

4.5.1 Équipe d’intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l’inconduite sexuelle

Le 11 mai 2017, trois membres de l’ERGCM ont rencontré la directrice générale (DG) de l’EISF-IS, la Cam Jennifer Bennett23, et les membres de son personnel. L’EISF-IS dirige l’intervention des FAC, sur le plan stratégique, en réponse au rapport du responsable de l’examen externe et s’efforce d’éliminer les comportements sexuels nuisibles et inappropriés au sein des FAC. L’EISF-IS concentre ses efforts sur les politiques, la formation, la sensibilisation et la mesure du rendement.

Conscientes que l’ERGCM et l’EISF-IS ont des mandats différents, mais complémentaires24, les deux équipes ont discuté du système de cours martiales et de la façon dont il pourrait être amélioré pour mieux traiter les infractions de nature sexuelle25. L’EISF-IS a d’abord fait observer que d’après les commentaires qu’elle a reçus de divers experts et intervenants, il serait grandement profitable pour les victimes d’infractions de nature sexuelle d’assurer une meilleure cohérence dans les services de soutien aux victimes, au lieu que leur dossier soit transféré de main en main à mesure que leur plainte passe par différents processus (c.-à-d. soins médicaux, justice militaire, justice pénale civile, processus administratifs internes des FAC).

L’EISF-IS a ensuite proposé d’accroître la transparence des résultats pour les membres des FAC et le public, mais plus particulièrement pour les victimes. D’après elle, il est difficile d’avoir un impact, à la suite des mesures prises en réponse à un comportement sexuel inapproprié, si les personnes touchées ne sont pas informées de ces mesures. Par exemple, le résultat des processus administratifs internes des FAC (p. ex., les avertissements écrits, la mise en garde et surveillance, la destitution d’un poste de commandement ou même la libération des forces armées) ne sont pas rendus publics ni les raisons qui justifient les mesures prises (ou l’absence de mesures). Si une affaire se rend à procès, les résultats du procès tenu devant la cour martiale sont rendus publics, mais dans le cas contraire, les raisons sous-jacentes ne sont généralement pas communiquées aux membres des FAC ou au public (même si ces raisons sont légitimes). Il arrive encore plus souvent que les victimes n’en soient pas informées26.

L’EISF-IS a grandement souligné l’importance de la « rapidité d’exécution ». Selon elle, il n’y a pas de « procès rapide » dans le système de cours martiales actuel, et cela a une incidence très négative sur les victimes d’infractions sexuelles et mine la confiance du public dans la capacité des FAC à traiter ce genre de cas.

L’EISF-IS a également souligné qu’il existe, de façon générale, un manque de connaissance en ce qui a trait à l’indépendance des différents intervenants au sein du système de justice militaire (p. ex., le grand prévôt, le DPM, le JAG) et aux raisons pour lesquelles cette indépendance est importante dans un système pénal (comme celui des cours martiales). Les participants se sont demandé si le fait que différents intervenants dans le système de cours martiales soient « en uniforme » aide à ce que ces derniers soient perçus comme des acteurs indépendants et responsables occupant une place légitime dans le système, aux yeux des personnes aux prises avec le système, ou si, au contraire, cela altère cette perception (le port de l’uniforme rend-il légitime la présence de l’intervenant?). Il n’y a pas eu consensus sur ce sujet.

Certains membres de l’EISF-IS ont indiqué qu’un processus judiciaire formel, que ce soit devant une cour martiale ou d’un tribunal civil de juridiction criminelle, devrait être disponible dans tous les cas où une infraction présumée est signalée. À la lumière des renseignements qu’ils ont recueillis, ils se sont dits d’avis que les intérêts des victimes d’infractions seraient mieux servis si un tel processus formel était toujours accessible sous une forme ou une autre qu’une victime décide ou non d’intenter des poursuites. Par exemple, si un membre des FAC est agressé sexuellement par un autre militaire à l’extérieur du Canada, la victime devrait toujours avoir accès à un processus judiciaire canadien formel, peu importe que les tribunaux étrangers ou les tribunaux nationaux aient normalement compétence. À l’heure actuelle, la seule voie qui est toujours disponible dans une telle situation est le recours au système de cours martiales.

Cependant, l’EISF-IS a ensuite précisé que la distinction entre un comportement qui constitue une infraction, en vertu de la loi, et un comportement qui n’est pas considéré comme tel, mais qui est jugé inacceptable de la part des membres de la profession des armes, n’est pas bien comprise. La discussion a ensuite porté sur le projet de loi C-71, qui a été déposé au cours de la législature précédente, mais qui est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections fédérales de 2015; ce projet de loi aurait pu être interprété comme établissant plus clairement cette distinction, dans la mesure où il aurait transformé le système de procès sommaires en un processus non pénal (plus semblable aux audiences disciplinaires professionnelles) et rendu obligatoire l’instruction de toutes les affaires pénales devant la cour martiale.

L’EISF-IS a indiqué que le dépôt d’un tel projet de loi dans l’avenir aiderait à pallier une lacune importante dans le système actuel, où aucun processus public et transparent n’est accessible lorsqu’une inconduite particulière ne constitue pas une infraction ou lorsque les éléments de preuve disponibles ne laissent pas entrevoir une possibilité raisonnable de condamnation, suivant l’application de règles strictes en matière de preuve et du principe de la preuve hors de tout doute raisonnable. Si cette lacune pouvait être comblée, les principaux problèmes qu’il resterait alors à régler seraient la rapidité d’exécution et la transparence des procédures en cour martiale.

Lorsqu’a été évoquée la possibilité d’instaurer à l’avenir un système de cours martiales faisant appel aux tribunaux civils ordinaires, comme l’ont fait certains alliés européens du Canada, la DG de l’EISF-IS a fait observer qu’un tel changement pourrait être envisagé, à condition que la chaîne de commandement, la population canadienne, les victimes et les accusés conservent la capacité de s’assurer que le tribunal est informé des circonstances particulières de la vie militaire et du contexte opérationnel. Toutefois, elle a clairement précisé qu’à défaut de pouvoir le faire, un tel changement ne servirait pas l’intérêt public ni l’objectif de la discipline et qu’il ne permettrait pas de répondre aux besoins des victimes.

4.5.2 Consultation de la chaîne de commandement – introduction

Le 20 septembre 2016, le JAG a informé le Conseil des Forces armées (CFA) de la période de consultations publiques (alors) à venir concernant la révision globale de la cour martiale. Par la suite, dans une lettre datée du 6 octobre 2016 (reproduite à l’annexe M), le JAG a demandé à ce que tous les membres du CFA désignent des membres de la chaîne de commandement, au sein de leur organisation respective, chargés d’émettre les commentaires de la direction concernant cette révision. Cette initiative a également été présentée dans le CANFORGEN 186/16, dans lequel le CEMD a expressément indiqué que les commentaires de dirigeants désignés des FAC, à l’échelle stratégique, opérationnelle et tactique, étaient sollicités, en plus de la tenue du processus de consultations publiques.

Dans sa lettre datée du 6 octobre, le JAG a demandé à ce que les commentaires de la chaîne de commandement soient transmis au plus tard le 25 novembre 2016. Il a également offert la possibilité que des membres de l’ERGCM donnent un breffage personnalisé à toute équipe de commandement dont le personnel en ferait la demande. Deux breffages du genre ont été demandés et donnés.

Les commentaires que l’ERGCM a reçus des membres de la chaîne de commandement sont résumés ci-dessous. Dans les cas où les commentaires formulés par ces derniers concernaient les enquêtes ou le système de procès sommaires, l’ERGCM a pris en note les recommandations faites, mais a insisté sur le fait que ces aspects du système de justice militaire étaient hors de la portée de son mandat. Les commentaires du genre, qui ont été recueillis, sont indiqués ci-dessous, mais comme ils outrepassaient le mandat de l’équipe, ils n’ont pas été expliqués en détail.

4.5.3 Commandement – Forces d’opérations spéciales du Canada (Force régulière et Force de réserve)

Le 27 octobre 2016, deux membres de l’ERGCM ont rencontré en personne le commandant du Commandement – Forces d’opérations spéciales du Canada (COMFOSCAN), qui avait demandé un breffage personnalisé. Le contenu du résumé des discussions que l’ERGCM a entretenues avec le commandant du COMFOSCAN, présenté ci-dessous, a été vérifié par ce dernier et par son sergent-major de commandement en vue d’en confirmer l’exactitude.

Le commandant a qualifié d’intolérable la lenteur des procédures dans le système de cours martiales actuel. Il a décrit un cas récent, survenu en septembre 2014, où un membre de son commandement a involontairement tiré sur un autre militaire pendant un exercice d’entraînement sur un champ de tir27. Le procès n’a commencé qu’à l’été 2016, et l’affaire a été réglée de façon définitive le 21 juin 2016, ce qui représente 21 mois au total.

Pendant toute cette période, il a voulu, en tant que commandant, ordonner la tenue d’une enquête administrative interne concernant l’incident afin de trouver des façons d’empêcher d’autres cas du genre. Il a indiqué avoir senti que différents participants du système de justice militaire (peut-être soucieux de préserver l’admissibilité des éléments de preuve devant une éventuelle cour martiale) l’avaient, de fait, empêché de le faire. Pour lui, cette situation était inacceptable puisqu’au fond, il s’est senti forcé de continuer d’avoir recours, pendant plus d’un an, à des pratiques potentiellement dangereuses lors de l’entraînement, jusqu’à ce que le procureur lui donne le « feu vert » pour qu’il réalise une enquête administrative.

Au cours de la période où ce même cas a été traité, il a également dû prendre des décisions de commandement concernant les besoins opérationnels du COMFOSCAN (p. ex., le militaire accusé pouvait-il partir en mission? Pouvait-il continuer de faire partie du COMFOSCAN?). Étant donné que tous les renseignements concernant l’incident étaient contrôlés par la PM et le SCPM, le commandant estimait ne pas avoir suffisamment d’information pour prendre bon nombre de décisions de commandement fondamentales.

Le commandant n’a pas jugé acceptables les motifs qui lui ont été donnés pour justifier la longueur du processus. D’après ce qu’il en a compris, le service des poursuites était très occupé en raison des nombreux dossiers à traiter et avait besoin de temps pour effectuer une évaluation indépendante afin de déterminer si des poursuites devaient être engagées.

Lorsqu’il a été invité à décrire la célérité avec laquelle un système de cours martiales devrait traiter les dossiers (dans les cas graves) afin de continuer d’aider la chaîne de commandement à renforcer la discipline et à accroître l’efficacité et le moral des troupes, le commandant du COMFOSCAN a répondu que de façon générale, un délai de 6 mois serait acceptable. Dans les cas moins graves pouvant faire l’objet d’un procès sommaire, il a affirmé catégoriquement qu’un laps de temps de 7 à 14 jours constitue la période de temps maximale qui peut s’écouler entre un incident et le règlement de ce dernier, après quoi l’efficacité du processus diminue de façon significative.

Le commandant du COMFOSCAN, ayant lui-même été récemment accusé devant la cour martiale28, avait d’autres observations à formuler concernant le système actuel. Tout d’abord, bien qu’à son avis, les faits entourant sa cause fussent extrêmement simples (il a également affirmé avoir immédiatement admis l’incident et avoir collaboré avec les autorités des FAC), 10 mois se sont quand même écoulés avant de parvenir à un règlement. Selon lui, aucune excuse ne peut justifier ce délai, qui était clairement inacceptable. Cette situation a été une source de distraction pour lui, et forcément pour toute l’équipe sous son commandement, pendant un laps de temps beaucoup plus long que raisonnable.

Le commandant et les membres de son état-major ont également formulé des commentaires concernant les répercussions particulières qu’ont eues, dans la pratique, les événements entourant le procès. L’ERGCM a été particulièrement frappée par les commentaires qu’ont formulés les subordonnés du commandant, qui se sont adressés aux membres de l’équipe de leur propre chef, en dehors de la réunion tenue avec le commandant. Ces subordonnés ont utilisé des termes très durs pour décrire le procès. Ils ont indiqué avoir été choqués de constater que même si leur commandant avait plaidé coupable et avait présenté un exposé conjoint des faits, le procureur militaire a appelé l’adjudant-chef faisant partie de l’état-major du commandant à témoigner contre ce dernier. Ils ont de nouveau été désabusés lorsque le juge militaire a autorisé le témoignage, après que l’avocat de la défense plaidant en faveur du commandant eut élevé une objection. À leurs yeux, dans la mesure où le commandant avait déjà admis sa culpabilité (comme un vrai officier se doit de le faire, selon eux), il était totalement inutile, déplorable et irrévérencieux que l’adjudant-chef soit appelé à témoigner contre son propre commandant. Ils ne comprenaient pas comment un procureur et un juge militaires pouvaient prendre une mesure allant autant à l’encontre de ce qu’ils considéraient comme des valeurs militaires importantes.

Les subordonnés du commandant ont indiqué que lors de l’audience pour la détermination de la peine, ils ont une fois de plus été déçus lorsque le juge militaire, un officier qui, à leur connaissance, n’avait aucune expérience de combat ou autre expérience opérationnelle, a commencé, selon eux, à réprimander publiquement leur commandant, un ancien combattant, et à le sermonner concernant l’importance de la discipline et de l’utilisation sécuritaire des armes dans le cadre des opérations. Ils ont entendu le juge militaire se demander si le commandant referait ou non la même erreur et dire qu’il espérait que cela ne se reproduirait pas. De l’avis des membres du COMFOSCAN présents, le juge militaire s’est adressé au major-général, devant ses subordonnés, comme s’il parlait à un soldat ou à un caporal et qu’il s’agissait là d’une affaire « disciplinaire » dont le commandant a reconnu depuis le début29. Ils ont indiqué que dorénavant, le système de cours martiales n’est, à leurs yeux, ni crédible ni légitime. Selon eux, il n’est pas légitime qu’un procureur et un juge sans aucune expérience de combat « jugent » la norme de discipline militaire attendue d’un commandant de combat.

En outre, le commandant a partagé ses réflexions concernant la possibilité de faire œuvrer des procureurs, de façon permanente ou temporaire, au sein du service des poursuites pénales civil, où un volume plus élevé de dossiers est traité, afin d’améliorer leurs connaissances, leurs aptitudes et leurs compétences. Il a présenté une analogie tirée de sa propre expérience : des médecins spécialistes de la Force régulière travaillent actuellement à temps plein dans des hôpitaux civils, mais lorsque les FAC ont besoin d’eux, ils sont aptes à travailler et peuvent partir en mission en pleine possession de leurs moyens. Selon lui, cela fonctionne très bien, puisque ce dont le COMFOSCAN et les FAC ont réellement besoin, ce sont de bons médecins qui peuvent partir en mission; or, la seule façon de veiller à ce qu’ils maintiennent les compétences nécessaires est de faire en sorte qu’ils traitent un grand nombre de cas et qu’ils se tiennent à jour. Il croit que « combiner » l’expérience civile et militaire pour favoriser l’efficience et acquérir une expertise [traduction] « ne peut être que profitable ».

De façon générale, dans son évaluation du système actuel du point de vue d’un commandant militaire, le commandant du COMFOSCAN a émis l’opinion que les FAC [traduction] « ont perdu de vue qui est responsable de la discipline : cette responsabilité incombe à la chaîne de commandement [et non aux avocats] ». Il a exprimé son mécontentement à l’idée que les commandants puissent se sentir obligés de laisser le soin aux avocats militaires de prendre de facto les décisions disciplinaires. À son avis, il s’agit peut-être de l’un des effets à plus long terme de l’affaire somalienne et des réformes auxquelles celle-ci a donné lieu (c.-à-d. une tendance à croire ou à sentir que la justice militaire est « hors du contrôle » [du commandant]). Il s’est dit d’accord avec l’idée que si la chaîne de commandement était de nouveau responsable du système, tout en respectant la loi et toutes les exigences juridiques, cela créerait la situation idéale pour favoriser l’efficacité opérationnelle, et plus important encore, pour accroître la crédibilité et la légitimité du système aux yeux des membres des FAC.

Le commandant a présenté d’autres observations et recommandations concernant la vitesse d’exécution et la qualité des enquêtes menées actuellement au sein du système de justice militaire.

4.5.4 Armée canadienne

L’ERGCM a reçu un nombre élevé de commentaires sérieux et soigneusement rédigés de la part des membres de l’AC. Les points de vue recueillis étaient ceux des officiers supérieurs et des militaires du rang supérieurs, tant à l’échelle des unités que des formations, au sein de la Force régulière et de la Force de réserve. L’importance et l’efficacité du système de cours martiales est à l’évidence un enjeu important pour ces intervenants et l’ERGCM remercie chacun d’eux pour le temps et l’énergie consacrés afin de lui communiquer leurs points de vue.

4.5.4.1 2e Division du Canada

4.5.4.1.1 Services au personnel de la 2e Division du Canada – commandant (Force régulière)

Le commandant des Services au personnel de la 2e Division du Canada (Svc pers 2 Div CA) a formulé ses observations par écrit dans un courriel envoyé à l’ERGCM. La version intégrale de ses observations est présentée à l’annexe N.

En ce qui concerne les tribunaux, le commandant n’était pas convaincu de la nécessité de nommer des juges militaires et a indiqué que selon lui ces derniers ont beaucoup moins d’expérience que les juristes civils. En outre, il a laissé entendre que tout juge civil affecté au système de cours martiales devrait être choisi en fonction de sa grande expérience des procès en droit criminel et de son intérêt marqué pour les affaires militaires.

Bien que le commandant croie que la dynamique au sein d’un environnement opérationnel ou tactique est une réalité importante que tout juge doit être en mesure de comprendre, il n’était pas convaincu que cela représenterait un défi insurmontable pour un juge civil expérimenté correctement informé par des avocats professionnels et des officiers supérieurs. Il était d’avis qu’un juge civil serait perçu, à juste titre ou non, comme plus impartial.

Quoi qu’il en soit, il n’était pas convaincu que les juges militaires possèdent la même connaissance ou expérience du monde militaire ou la même culture que les militaires qui passent la majeure partie de leur carrière sur une base ou un navire.

Le commandant a affirmé que pour toute infraction militaire qui constitue également un crime de droit commun, le tribunal doit être en mesure de comprendre qu’une infraction de droit commun peut être plus grave dans un contexte opérationnel et qu’il peut ne pas être approprié de traiter le contrevenant exactement de la même façon que s’il était jugé devant une cour ordinaire.

En ce qui concerne le comité de la cour martiale, le commandant était favorable à l’idée qu’il continue d’agir comme juge des faits, mais il s’est dit d’avis qu’une expérience du commandement devrait être obligatoire pour pouvoir en faire partie. Il a précisé que les anciens commandants et commandants de formation auraient le jugement et l’expérience nécessaires pour apprécier les subtilités d’une accusation et comprendre l’incidence d’une inconduite sur la discipline au sein d’une unité et la sécurité des opérations.

Le commandant était d’avis que les cours martiales devraient continuer de pouvoir siéger à l’étranger. Bien qu’il croie que dans le contexte opérationnel actuel, aucun procès ne sera tenu dans le cadre d’un déploiement (les personnes accusées seront immédiatement rapatriées et quand le procès commencera, le reste des effectifs alors en mission seront également revenus au Canada), il était d’avis que si le Canada en venait à entreprendre des missions plus importantes et plus longues, les cours martiales à l’étranger seraient nécessaires.

En ce qui concerne les poursuites, le commandant a indiqué que l’expertise, le jugement éclairé et les connaissances militaires des intervenants du système constituent les facteurs les plus importants pour maintenir la confiance des gens à l’égard du système de justice militaire. À son avis, il en irait ainsi que les procureurs soient des militaires ou des civils. Il s’est montré très critique à l’égard des délais observés dans le système actuel et il a condamné le fait qu’une grande importance semble être accordée à des points de droit techniques, qui l’emportent sur les intérêts de la justice militaire et de la discipline. Selon lui, le recours à des procureurs civils de carrière possédant une expertise approfondie en matière de poursuites militaires – plutôt que des procureurs militaires n’assumant ce rôle que durant une très courte période – pourrait sans aucun doute aider à accroître la crédibilité de l’institution. Le commandant a suggéré que l’établissement d’un bureau mixte composé de procureurs civils et militaires pourrait également être une avenue à retenir, tout comme jumeler des procureurs civils à des conseillers militaires.

Le commandant a formulé des commentaires positifs concernant les avocats militaires de la défense. Il était d’avis que dans la mesure où les infractions d’ordre militaire sont punies plus sévèrement que les infractions de droit commun (et d’après lui, elles devraient l’être), le soutien juridique financé par l’État, offert aux accusés membres des FAC, devrait être plus important que celui fourni dans le cadre du système civil. Le fait que les militaires (plus particulièrement les commandants, à son avis) sont plus susceptibles que les civils de voir leurs décisions « remises en question » et que, contrairement aux civils, ils risquent de se voir inculper à la suite de ces décisions n’est pas sans susciter des préoccupations sur le plan moral. Le commandant a recommandé que tout système d’aide financière tienne compte de ces deux réalités.

Le commandant était très favorable à l’idée de maintenir en place les avocats militaires de la défense en uniforme, puisque selon lui, ils jouent un rôle important pour ce qui est de s’assurer que les connaissances en matière militaire sont prises en compte dans la défense du militaire. Le commandant était d’avis qu’il est essentiel que les avocats militaires de la défense possèdent une expérience tactique à l’égard des opérations (en particulier des opérations de déploiement). Toutefois, la présence d’un directeur civil (DSAD) est susceptible d’aider à préserver la notion d’équité aux yeux des militaires qui peuvent avoir le sentiment que les avocats militaires de la défense sont, en quelque sorte, des professionnels « de second ordre ».

En ce qui concerne les infractions, le commandant était d’avis qu’il pourrait être avantageux de maintenir la compétence des cours martiales à l’égard des infractions criminelles ordinaires, si les cours martiales sont en mesure d’intervenir plus rapidement que les cours criminelles ordinaires et si les peines peuvent être infligées par l’entremise de la chaîne de commandement. Par ailleurs, il était également d’avis que de telles infractions devraient nécessairement être jugées devant une cour martiale plutôt qu’une cour ordinaire, si un militaire était en uniforme ou en service lors de la perpétration de l’infraction ou si elle a été commise dans le cadre d’une opération de déploiement.

Le commandant s’est montré très critique à l’égard de l’« échelle » des sanctions militaires, car elle peut faire en sorte qu’il soit légalement impossible d’infliger la peine la plus appropriée, pour le contrevenant et aux yeux du public, du fait qu’elle soit considérée comme « trop sévère » ou « trop clémente ». Selon lui, la peine la plus appropriée devrait pouvoir être infligée dans tous les cas.

4.5.4.1.2 Services au personnel de la 2e Division du Canada – adjudant-chef de l’unité (Force régulière)

En plus des observations recueillies auprès du commandant de l’unité, l’ERGCM a également reçu des observations écrites de l’adjudant-chef de l’unité, lesquelles sont présentées à l’annexe O.

L’adjudant-chef n’était pas convaincu de la nécessité de nommer des juges militaires et a indiqué que selon lui, ces derniers ont beaucoup moins d’expérience que les juristes civils. À son avis, si des juges civils instruisaient les causes, cela inspirerait peut-être davantage confiance au public quant à la transparence de la cour martiale. L’adjudant-chef a laissé entendre que dans les cas d’infractions exclusivement militaires, les juges civils pourraient entendre le témoignage d’experts sur les questions d’ordre militaire.

L’adjudant-chef ne croyait pas que les cours martiales devraient encore aujourd’hui pouvoir siéger sur les lieux d’une mission. Il a indiqué qu’il vaudrait mieux renvoyer l’accusé au Canada pour qu’il y soit jugé. Selon lui, tenter de garder l’accusé dans le théâtre d’opérations en attendant son procès pourrait le distraire dangereusement de la mission.

L’adjudant-chef a suggéré que le chef du SCPM pourrait être un civil, puisque cela inspirerait peut-être davantage confiance au public quant à la transparence de ce service. Il a donné l’exemple du personnel qui soutient le directeur général – Autorité des griefs des FC (DGAGFC), qui sont des civils qui comprennent le « contexte militaire30 ».

L’adjudant-chef était très favorable à l’idée de maintenir en place les avocats militaires de la défense en uniforme, puisque selon lui, ils jouent un rôle important pour ce qui est de s’assurer que les connaissances en matière militaire sont prises en compte dans la défense du militaire. Il estimait nécessaire qu’ils comprennent le contexte et les défis auxquels se heurtent les unités. Toutefois, il était d’avis que les membres des FAC devraient être tenus de contribuer financièrement à leur défense (comme c’est le cas dans le système d’aide juridique civil).

En ce qui concerne les infractions, l’adjudant-chef était d’avis qu’il serait avantageux de maintenir la compétence des cours martiales à l’égard des infractions criminelles de droit commun, d’autant que les tribunaux criminels ordinaires sont surchargés. Toutefois, il a fait remarquer que les dossiers des militaires devraient être traités rapidement afin de maintenir la discipline.

L’adjudant-chef estimait que les peines infligées dans le système de justice militaire devraient être les mêmes que celles infligées dans le système civil. Il était contre l’idée de conserver les sanctions « militaires » puisqu’il jugeait ces dernières injustes pour les contrevenants militaires. Il a fait remarquer que les changements proposés dans le projet de loi C-15, lorsqu’ils entreront en vigueur, rendront les sanctions militaires davantage conformes à celles disponibles dans le système civil.

En ce qui concerne les appels, l’adjudant-chef a indiqué que la CACM pourrait être composée de juges des tribunaux civils et d’un juge militaire, qui apporterait une expertise militaire à la cour.

Il était d’avis qu’il ne devrait pas y avoir de disposition spéciale pour des groupes particuliers, comme les jeunes. Il pensait plutôt que ces dossiers particuliers devraient être pris en charge dans le système civil, en particulier dans les cas de violence familiale (femmes) et dans ceux impliquant des jeunes (cadets).

4.5.4.1.3 5e Régiment du génie de combat – commandant (Force régulière)

Le commandant du 5e Régiment du génie de combat (5 RGC) a fait quelques observations particulières concernant la procédure de renvoi devant la cour martiale. Ses observations écrites sont présentées à l’annexe P.

Son principal point portait sur le rôle du commandant dans la procédure de renvoi devant la cour martiale. À son avis, lorsque des accusations sont portées directement par un membre du SNE des FC31 (ce qui est pratiquement toujours effectué sans la participation de l’unité du militaire), il n’est pas logique d’obliger le commandant et l’unité du militaire à remplir la documentation et à la transmettre au DPM. Étant donné que dans un tel cas, la chaîne de commandement du militaire n’aurait pas vu le dossier et n’aurait pas pris part à la décision de porter des accusations, il lui semble déraisonnable que la chaîne de commandement soit appelée à participer à la procédure pour aucune autre raison pratique que le seul fait de rassembler la documentation et de la transmettre.

Il a donné d’autres exemples de la façon dont le grand nombre de décideurs dans le système actuel32 peut souvent causer des problèmes de communication et de la confusion quant au rôle de chacun, plus particulièrement entre les commandants et les procureurs. Il s’est dit insatisfait de la qualité et du degré de transparence des explications fournies par les procureurs militaires lorsqu’ils prennent la décision d’intenter ou non des poursuites.

4.5.4.1.4 Quartier général du 35e Groupe-brigade du Canada – adjudant-chef (Force de réserve)

L’adjudant-chef de la brigade, au Quartier général du 35e Groupe-brigade du Canada, a indiqué dans ses observations écrites (jointes à l’annexe Q) que dans tout système de cours martiales, un militaire accusé doit être jugé de façon équitable. Il a également précisé que les victimes doivent pouvoir obtenir de l’aide auprès d’avocats ou de conseillers civils.

Il était ouvert à l’idée que des juges civils procèdent à l’instruction, sauf dans les cas où l’infraction à l’origine de l’inculpation est de nature exclusivement militaire; selon lui, les juges militaires seraient alors plus en mesure d’instruire l’affaire. Il a suggéré que si les juges civils étaient chargés de procéder à l’instruction, ils devraient avoir accès aux conseils d’experts sur les questions d’ordre militaire.

Toutefois, l’adjudant-chef était d’avis que certains types d’inconduite militaire devraient toujours être jugés par d’autres militaires, et ce, le plus rapidement possible afin de produire un effet dissuasif général et de renforcer la notion de respect des lois chez les autres militaires.

L’adjudant-chef était également d’avis que dans certains cas, il devrait y avoir un mécanisme d’appel.

4.5.4.2 4e Division du Canada

4.5.4.2.1 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada et Groupe de soutien de la 4e Division du Canada – toutes les équipes de commandement (Force régulière)

Le 22 novembre 2016, deux membres de l’ERGCM se sont rendus à la Base de soutien de la 4e Division du Canada Petawawa pour y rencontrer tous les hauts gradés33 du Groupe de soutien de la 4e Division du Canada (GS 4 Div CA) et du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada (2 GBMC), ce dernier ayant demandé un breffage personnalisé. Le contenu du résumé des discussions que l’ERGCM a entretenues avec ces hauts dirigeants, présenté ci-dessous, a été vérifié par les commandants respectifs du 2 GBMC et du GS 4 Div CA et leur personnel en vue d’en confirmer l’exactitude.

Après avoir reçu un compte rendu de la situation actuelle en matière de justice militaire, les équipes de commandement ont discuté de la réforme des procès sommaires et ont exprimé des préoccupations concernant certains aspects du système actuel, en particulier en ce qui a trait au nombre de cas d’inconduite susceptibles d’être jugés devant une cour martiale. À leur avis, la majorité de ces cas devraient être traités rapidement en tant qu’affaire disciplinaire mineure. Les délais observés dans les procès sommaires soulevaient également des préoccupations. Les équipes de commandement ont convenu que pour maximiser l’efficacité du système de procès sommaires, les causes doivent être traitées dans un délai de 7 à 14 jours suivant l’incident.

Examinant ensuite la question des cours martiales, tous les membres des équipes de commandement du 2 GBMC et du GS 4 Div CA étaient d’accord : le système actuel est « défaillant ».

La grande question, selon les membres des équipes de commandement, est la suivante : à qui le système de cours martiales profite-t-il exactement? Ils ne voient pas du tout l’utilité d’avoir un tribunal « militaire » si la chaîne de commandement ne peut pas, comme c’est le cas actuellement : 1) contribuer de façon significative au processus, notamment le processus préalable au procès; 2) s’assurer que les principaux faits ou questions d’ordre militaire sont présentés en preuve et pris en considération; 3) avoir une incidence importante sur les observations et les résultats lors de la détermination de la peine (en particulier lors du dépôt d’observations conjointes).

À leur avis, si la chaîne de commandement continue à ne jouer qu’un rôle accessoire, les affaires graves (p. ex., celles s’apparentant à des affaires criminelles) pourraient être jugées tout aussi efficacement par les cours provinciales locales de juridiction criminelle34; les unités pourraient facilement avoir un officier désigné qui transmettrait les dates prévues pour l’audience, et veiller à ce que des membres de l’unité y assistent.

Les membres des équipes de commandement du 2 GBMC et du GS 4 Div CA n’ont exprimé aucune préférence pour la nomination de juges « militaires » de la Force régulière ou de celle de réserve et étaient à l’aise avec l’idée que des juges civils jugent les infractions d’ordre militaire. Ils ont indiqué qu’il importerait peu que le tribunal ou le juge soit un tribunal ou un juge civil, si des règles de droit étaient instaurées pour veiller à ce que le point de vue de la chaîne de commandement soit toujours présenté en preuve et examiné soigneusement (particulièrement lors de la détermination de la peine) et que des preuves des répercussions de l’inconduite d’un militaire sur l’unité soient produites. Une « déclaration sur les répercussions militaires » est un des exemples qui ont été donnés, mais la règle à privilégier consisterait à obliger le tribunal à entendre le témoignage du commandant du militaire lors de la détermination de la peine. Les équipes de commandement ne pensaient pas que de telles règles seraient moins efficaces pour ce qui est d’assurer la discipline au sein de l’unité, si elles étaient appliquées par les tribunaux civils de juridiction criminelle plutôt que par les tribunaux militaires.

Certains membres des équipes de commandement ont indiqué qu’il serait préférable d’appliquer de telles règles de droit devant un tribunal civil, que de recourir au système « défaillant » actuellement en place. D’autres sont allés encore plus loin et ont précisé qu’un tribunal civil pourrait effectivement être plus enclin à prendre en considération le témoignage des membres de la chaîne de commandement et se sont dits déçus de la façon dont les procureurs et les juges militaires considèrent leurs points de vue dans le système actuel.

Toutes les équipes de commandement se sont montrées très critiques envers le système de cours martiales actuel. Elles ont exprimé leur frustration à l’égard de ce qu’elles considèrent comme une pratique assez courante : après avoir obtenu un avis juridique35, les commandants et les autorités de renvoi décident si les accusations portées doivent être jugées en cour martiale et renvoient ces dernières au DPM, le cas échéant. Cependant, une fois que les accusations ont été examinées par un procureur militaire, cette décision de la chaîne de commandement est cassée et invalidée, en général par un major ou un capitaine qui travaille loin de l’endroit où l’inconduite a été commise (et où se trouvent les gens affectés par cette dernière). Du point de vue de ces commandants, cette pratique jugée courante mine la crédibilité de la chaîne de commandement et nuit grandement à la discipline.

Les chefs de commandement doutaient également que les procureurs soient mieux placés qu’eux pour évaluer l’« intérêt du public » de poursuivre la procédure. Ils comprenaient que les décisions prises en matière de poursuites devaient être fondées sur des évaluations juridiques indépendantes. Ce qu’ils n’admettaient pas, toutefois, est qu’il semblait nécessaire qu’un autre intervenant militaire soit en mesure de prendre des décisions qui, selon eux, portent atteinte à leur crédibilité et à leur pouvoir de commandement, alors qu’ils avaient eux-mêmes reçu l’avis juridique indépendant du conseiller de leur unité spécialisé en la matière, leur recommandant de poursuivre la procédure. En outre, les membres des équipes de commandement ont vivement critiqué les cas où ils disent n’avoir été informés des décisions de ne pas donner suite aux accusations ou de réduire la gravité de ces dernières qu’après que la décision eut été rendue et qu’une lettre eut été envoyée à l’accusé, et s’entendaient, dans l’ensemble, pour dire que les décisions proprement dites manquaient de transparence.

La majorité d’entre eux s’entendaient pour dire que s’il est impossible de reconnaître comme valables les décisions prises par la chaîne de commandement en matière de justice militaire, il serait probablement préférable dans ce cas, pour maintenir la discipline de l’unité, que les véritables décideurs ne soient pas des militaires – ils ont indiqué que de cette façon, au moins, l’autorité et le jugement du commandant ne pourraient pas être compromis et le système proprement dit ne nuirait pas à la discipline.

Toujours en ce qui concerne la question des accusations réduites ou la décision du service de poursuites militaire de ne pas poursuivre une procédure, les équipes de commandement ont affirmé que les FAC devraient faire preuve d’une plus grande transparence quant à la fréquence à laquelle de tels cas se produisent et aux raisons qui justifient de telles décisions. Elles ont suggéré que le rapport annuel du DPM fasse état du nombre d’accusations qui ont été réduites ou pour lesquelles aucune poursuite n’a été intentée et fournisse une description de ces accusations et des raisons pour lesquelles ces décisions ont été prises dans chaque cas36.

Dans le même ordre d’idées, les membres des équipes de commandement ont exprimé leur insatisfaction à l’égard des peines infligées en cour martiale. En règle générale, ils étaient d’avis qu’elles étaient beaucoup trop clémentes pour inculquer la discipline, et ils se sont montrés particulièrement critiques en ce qui concerne les peines infligées dans les cas où l’affaire a été renvoyée devant la cour martiale uniquement parce que d’après les faits de l’espèce et l’avis juridique indépendant obtenu, le commandant ayant la compétence de juger sommairement ne croyait pas que la peine maximale qu’il pouvait infliger (c.-à-d. une détention de 30 jours), en vertu des pouvoirs qui lui étaient conférés, était suffisante. Ils ont de nouveau indiqué que les cas du genre portent grandement atteinte à la crédibilité de la chaîne de commandement, dans la mesure où il est courant que les peines infligées par les cours martiales se limitent à des réprimandes ou à des amendes minimes, souvent avec l’approbation du procureur militaire.

Contrairement aux points de vue exprimés précédemment concernant les procureurs et les juges militaires, certains commandants se sont montrés plus réticents à l’idée que tous les intervenants soient des civils. Toutefois, ils ont indiqué qu’après avoir passé suffisamment de temps sans participer aux opérations, tous les membres des FAC, et plus particulièrement ceux occupant un poste de soutien, pouvaient progressivement en venir à être plus « civilarisés ». Ils appuyaient fortement la « remilitarisation » régulière et courante de tous les intervenants du domaine de la justice militaire, y compris des juges, en les replongeant dans la culture et les opérations des forces armées, afin qu’ils restent conscients des réalités propres à la vie et aux opérations militaires.

En ce qui concerne les avocats de la défense, les membres des équipes de commandement ont laissé entendre que le modèle actuel du SAD, qui est entièrement financé et pour ainsi dire assujetti à aucune restriction, est injuste et non viable, mais ils étaient inquiets de ce qui pourrait arriver, à la suite d’une réforme, aux membres des FAC accusés d’une infraction d’ordre militaire ou relative aux opérations. À leur avis, si le Canada veut que des membres des FAC participent à des opérations dangereuses, l’État a le devoir d’aider ces derniers, s’ils sont accusés d’actes répréhensibles dans le cadre de ces opérations. Par contre, dans le cas d’infractions non liées aux opérations (p. ex., un vol ou une agression sexuelle), les chefs de commandement étaient contre l’idée que les forces armées payent des services d’« aide juridique ». Quant aux infractions d’ordre militaire ou relatives aux opérations qui auraient été commises dans le cadre d’une mission militaire, ils ont dit approuver l’adoption d’une politique privilégiant une représentation juridique entièrement financée, semblable à la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du Conseil du Trésor actuellement en vigueur37.

En ce qui concerne les opérations, les membres des équipes de commandement du 2 GBMC et du GS 4 Div CA étaient préoccupés par le fait que la réforme des cours martiales était envisagée « en temps de paix » et qu’on n’accordait pas suffisamment d’importance à ce dont le système de cours martiales pourrait avoir besoin pour maintenir la discipline si, à l’avenir, le Canada en venait à participer à un conflit armé d’envergure. Ils voulaient s’assurer que l’ERGCM envisage un tel scénario. Ce point a suscité de vives discussions entre les équipes de commandement proprement dites, de même qu’avec l’ERGCM. Finalement, les participants sont presque parvenus à un consensus : si le Canada devait se retrouver dans un tel scénario de « guerre totale », aucun des commandants ne voudrait qu’une cour martiale siège dans le théâtre des opérations, et certainement pas à proximité des lignes de front. Les membres des équipes de commandement ont convenu que les cours martiales exigent tout simplement trop de ressources de la part des unités tactiques pour être jugées utiles au front, et quoi qu’il en soit, elles détourneraient l’attention de la mission. Ils en sont venus à la conclusion que dans le cadre d’un conflit armé d’envergure, ils auraient probablement besoin, en fait, de pouvoirs plus étendus pour l’instruction des procès sommaires.

En ce qui concerne les infractions et la compétence, les membres des équipes de commandement s’entendaient tous pour dire qu’ils voulaient voir éliminer la « double incrimination » entre les procédures disciplinaires militaires et les procédures pénales ou criminelles. Ils ne voulaient pas avoir à attendre qu’une cour martiale ou un tribunal civil ait jugé un militaire avant de pouvoir entamer une procédure disciplinaire ou prendre des mesures administratives à l’endroit de leur personnel, et ils ne voulaient pas, non plus, que les décisions prises en matière de poursuites ou les résultats du procès fassent obstacle à la décision de la chaîne de commandement d’entamer une procédure disciplinaire, que ce soit avant ou après le procès. Ils ont vivement critiqué le fait que des cas d’inconduite très banals puissent être jugés en cour martiale et ont fait remarquer que les délais des procédures en cour martiale, combinés à l’effet préjudiciable des décisions rendues à l’issue de celles-ci en ce qui a trait à la discipline, ont miné la crédibilité de la chaîne de commandement et même de la justice militaire.

Enfin, les membres des équipes de commandement du 2 GBMC et du GS 4 Div CA ont convenu qu’un processus de révision ou d’appel devait absolument être en place, tant pour les processus disciplinaires sommaires que pour les cours martiales. Selon eux, dans le cas des affaires sommaires, il s’agit là de la seule façon fiable qu’ils ont, en tant que commandants et responsables de la discipline de l’unité, de prendre conscience des erreurs commises. Dans le cas des cours martiales, ils estimaient qu’en mettant une solide procédure d’appel à la disposition du contrevenant et des FAC le droit militaire deviendrait un meilleur outil et pourrait mieux remplir son objectif, à savoir renforcer la discipline, améliorer le moral des troupes et accroître l’efficacité opérationnelle. Ils n’étaient pas certains que cela fut le cas actuellement.

Les équipes de commandement ont formulé d’autres recommandations en vue d’améliorer le système de procès sommaires.

Dans la correspondance entretenue avec la direction du 2 GBMC, après que l’ERGCM lui eut fourni une copie du résumé écrit ci-dessus des discussions tenues lors de la consultation du 22 novembre 2016, le personnel du 2 GBMC a confirmé par courriel à l’ERGCM que [traduction] « les équipes de commandement de notre unité estiment que le système est déficient sur toute la ligne, et je crois que cela se reflète dans le rapport ».

En outre, au nom du 2 GBMC, le sergent-major de la brigade a transmis un courriel à l’ERGCM, le 27 juin 2017, pour réitérer quelques-uns des principaux points que le 2 GBMC juge essentiels dans tout système de cours martiales amélioré (ceux-ci sont reproduits ci-dessous dans leur intégralité) :

  1. Le système doit permettre une intervention en temps opportun;
  2. Le système doit respecter le principe de la transparence, sans compromettre l’autorité du commandement, et doit permettre de renforcer la discipline, d’améliorer le moral des troupes (du fait que la discipline est perçue comme étant appliquée en temps opportun) et de favoriser, au bout du compte, l’efficacité opérationnelle;
  3. Une infraction est ou bien « disciplinaire » (le commandant entend l’affaire) ou bien « pénale » (un juge entend l’affaire). Il revient à l’ERGCM de déterminer quelles infractions entreront dans chaque catégorie et qui aura compétence pour les juger;
  4. Il a été convenu que les cours martiales semblent être jugées trop clémentes en matière de détermination de la peine;
  5. Il a été convenu que les soldats ne devraient pas être autorisés à choisir la procédure qui s’appliquera, dans les cas où l’inconduite est perçue comme un problème de discipline mineur. Les cas du genre ne font que bloquer le système de cours martiales ou en sont complètement écartés;
  6. Il a été convenu que les équipes de commandement de l’unité doivent pouvoir exprimer leurs points de vue et présenter des déclarations sur les répercussions, par écrit ou en personne;
  7. En ce qui concerne les activités criminelles, nous sommes tous d’accord pour dire que de telles infractions doivent être jugées par des juges (civils ou militaires), puisque ces derniers ont reçu la formation et fait les études nécessaires. Nous croyons, toutefois, qu’en ce qui concerne les affaires disciplinaires moins graves, le commandant de l’unité peut s’en charger – il suffirait de réduire ses pouvoirs de punition (pour qu’il ne puisse pas, entre autres, ordonner l’incarcération). Seuls les juges devraient pouvoir infliger une peine d’emprisonnement.

L’ERGCM attire l’attention sur le fait que les consultations avec le GS 4 Div CA et le 2 GBMC représentent, en réalité, l’équivalent d’environ 15 consultations individuelles avec une équipe de commandement de 2 personnes, qui auraient autrement été menées avec des équipes de commandement, à l’échelle des unités et des formations, au sein de l’AC. De plus, ces consultations ont été tenues en personne, et le personnel de l’ERGCM a pu poser des questions complémentaires pour obtenir des précisions et ainsi bien comprendre l’essence de tous les points qui ont été soulevés par le personnel des équipes de commandement. Enfin, l’essentiel des questions qui ont été abordées lors de ces consultations reflète clairement le fait que les équipes de commandement connaissaient très bien le système de cours martiales actuel et les enjeux juridiques et stratégiques plus généraux pertinents dans le cadre des consultations. Par conséquent, dans les chapitres qui suivent, l’ERGCM a accordé beaucoup de poids aux renseignements obtenus lors de ces consultations.

4.5.4.2.2 Royal Highland Fusiliers of Canada – commandant (Force de réserve)

L’ERGCM a reçu par courriel un mémoire détaillé du commandant des Royal Highland Fusiliers of Canada (RHFC), qui est présenté à l’annexe R. Le commandant, qui est lui-même réserviste, occupe en tant que civil le poste de procureur de la Couronne pour la région de Waterloo et supervise une équipe de 23 procureurs civils. En plus de ses nombreuses années de service dans la Réserve, où il a exercé diverses professions militaires liées aux opérations, le commandant a également déjà travaillé comme avocat militaire de la Réserve, tant en qualité de conseiller juridique de l’unité que de membre du SAD. Son mémoire portait sur tous les points énumérés dans les termes de référence de l’ERGCM.

De façon générale, le commandant a recommandé ce qui suit : [traduction] « des efforts devraient être faits pour que les cours martiales demeurent des cours militaires ». Toutefois, il a attiré l’attention sur plusieurs points qui, selon lui, exigent une réforme.

Tout d’abord, selon son évaluation, [traduction] « le niveau d’expérience de la magistrature de la cour est préoccupant ». Il a indiqué que le niveau d’expérience des membres de la magistrature militaire [traduction] « pourrait être sensiblement amélioré en permettant le recours aux dispositions de la LDN portant sur les officiers de justice de la Réserve ».

Il a précisé ce qui suit : [traduction] « Le niveau d’expérience nécessaire pour exercer cette fonction est difficile à atteindre dans la mesure où les personnes nommées à la magistrature militaire proviennent, en grande partie, d’un service de poursuites ou de défense qui gèrent seulement ±70 dossiers par année. Franchement, cette charge de travail équivaut à celle d’un seul avocat (ou de deux, tout au plus) au sein du système de justice civil. »

Pour accroître le niveau d’expérience des juges militaires, le commandant a également proposé d’autoriser la nomination de juges ou d’avocats civils, qui possèdent une expérience suffisante en tant qu’officiers militaires, et d’envisager la possibilité de procéder à la nomination conjointe des juges militaires à des tribunaux civils qui instruisent des procès criminels afin de veiller à ce que les militaires nommés continuent d’acquérir de l’expérience en matière judiciaire. Le commandant n’était pas convaincu de la nécessité, pour les juges militaires, de détenir un grade et a laissé entendre qu’ils pourraient plutôt se voir attribuer un simple titre judiciaire (p. ex., celui de juge).

En dehors de la magistrature militaire, le commandant a suggéré de faire davantage appel aux militaires de la Force de réserve pour assurer le SCPM et le SAD, notamment à ceux qui, dans leur vie civile, sont des avocats en droit criminel expérimentés exerçant la profession. Selon lui, cela permettrait de s’assurer que des avocats possédant suffisamment d’expérience représentent nos soldats et engagent des poursuites au nom de Sa Majesté.

En ce qui concerne le SAD, le commandant était d’avis que les frais juridiques devraient être payés par les militaires, en fonction de leur [traduction] « capacité de payer ». Selon lui, demander dès le départ à un soldat de verser une contribution financière pour assurer sa défense peut avoir un effet positif puisque cela limitera ou réduira le nombre de demandes non fondées ou reposant sur de simples suppositions.

En outre, le commandant était d’avis que les décisions budgétaires concernant la direction du SAD devraient être prises par un organisme non lié au JAG. Il a également laissé entendre que le directeur ne devrait pas faire partie de la chaîne de commandement du JAG.

Quant au tribunal utilisé en cour martiale, le commandant était d’avis qu’un tribunal permanent équivalant en tous points aux cours supérieures des provinces devrait être établi. Bien qu’il soit favorable à l’idée de maintenir les procès présidés par un juge seul et ceux où un comité aide le juge président à rendre son jugement, il a proposé que la composition du comité soit modifiée pour permettre la participation de militaires de tous grades, notamment des caporaux et des soldats.

Le commandant était contre l’idée de convoquer des cours martiales à l’étranger. Selon lui, bien que théoriquement, la nécessité de tenir des cours martiales à l’extérieur du Canada se fasse encore sentir, ces dernières ne devraient être convoquées à l’étranger que dans les cas où des raisons très particulières le justifient, surtout si l’on tient compte du fait que les affectations du personnel militaire à des opérations à l’extérieur du Canada ont plutôt tendance à être de courte durée.

En ce qui concerne les compétences ratione materiae et ratione personae, le commandant était d’avis que les cours martiales devraient continuer à juger les infractions d’ordre militaire et celles qui relèvent des lois d’application générale du Canada.

Pour ce qui est de la détermination de la peine, le commandant était d’avis que les peines imposées en cour martiale devraient être déterminées selon l’approche utilisée par les tribunaux civils et que seuls les juges devraient être autorisés à rendre une décision à cet égard.

Quant aux règles de la preuve qu’il convient d’appliquer en cour martiale, le commandant estimait que les règles de preuve en common law sont de loin supérieures aux RMP, dans la mesure où elles évoluent et s’enrichissent pour tenir compte des nouvelles réalités, tandis que les RMP, qui sont rédigées dans un style trop guindé, sont désuètes et beaucoup trop rigides.

Pour ce qui est du processus d’appel dans le système de cours martiales, le commandant était d’avis qu’un changement s’impose en ce qui a trait à la façon dont les membres de la cour d’appel sont choisis. Selon lui, les juges de la CACM devraient posséder une vaste expérience en droit criminel. Il estimait que le recours aux juges de la Cour fédérale n’était pas la meilleure solution, compte tenu de leur inexpérience dans ce domaine. En outre, il a proposé qu’en ce qui concerne la CACM on prenne modèle sur les cours d’appel des Territoires du Nord-Ouest38. Selon lui, les juges d’appel ne devraient pas forcément posséder une expérience militaire antérieure, bien que ce type d’expérience puisse être utile à la cour, qui bénéficierait ainsi des services d’un « interprète » juridique, qui connaît le contexte militaire entourant les infractions jugées.

Enfin, le commandant a suggéré que les victimes vulnérables aient droit aux protections prévues dans le Code criminel, notamment aux interdictions de publication, et aient la possibilité d’obtenir de l’aide pour témoigner, par ex. en ayant accès à un système de télévision en circuit fermé et au soutien de personnes de confiance.

Le commandant a formulé d’autres recommandations, qui visaient à simplifier le processus utilisé par les personnes chargées de porter les accusations et les commandants tactiques pour obtenir des conseils juridiques.

L’ERGCM attire l’attention sur le fait que le mémoire du commandant reflète le point de vue éclairé d’un commandant qui possède une vaste expérience en tant qu’intervenant clé dans le système de justice pénale civil du Canada, de même qu’en tant que dirigeant des FAC ayant détenu différents grades. Il est clair pour l’ERGCM que le commandant a dûment pris en considération un large éventail de questions importantes et complexes, avant de rédiger ce mémoire. Par conséquent, dans les chapitres qui suivent, l’ERGCM a accordé beaucoup de poids aux renseignements contenus qui y figurent.

4.5.4.2.3 Le Royal Regiment of Canada – équipe de commandement (Force de réserve)

Le Royal Regiment of Canada (R Regt C) a transmis un mémoire par courriel à l’ERGCM (présenté à l’annexe S). Ce mémoire portait sur plusieurs points importants : les règles militaires ou le caractère militaire du tribunal et la nature du service des poursuites et du SAD.

En ce qui concerne le caractère militaire des cours martiales, l’équipe de commandement du Régiment a déclaré ce qui suit : [traduction] « Les attentes envers les militaires sont plus grandes que celles nourries à l’égard des citoyens ordinaires. Le personnel militaire devrait continuer d’avoir la possibilité de participer au processus judiciaire ou à l’instruction pour faire appliquer les normes les plus strictes attendues des militaires accusés, qui ne seraient pas pleinement comprises par des membres du personnel non militaires ». L’équipe de commandement du Régiment a également fait valoir ce qui suit : [traduction] « Comme les attentes sont plus élevées à l’égard des militaires, il faudrait veiller à ce que la perspective militaire soit prise en compte dans le cadre de la procédure judiciaire, si les infractions en venaient à être jugées par des civils. De cette façon, le militaire serait tenu de se conformer aux normes de conduite les plus strictes, si le bien-fondé des allégations est prouvé. L’incidence qu’aura le résultat de la procédure sur la discipline au sein de l’unité est également un facteur important à considérer dans le processus. »

En ce qui concerne le service des poursuites en cour martiale, les membres de l’équipe de commandement étaient d’avis qu’[traduction] « on pourrait considérer que seuls des militaires peuvent intenter une action devant une cour martiale. Comme les militaires sont tenus de se conformer aux normes les plus strictes, le procureur militaire serait mieux placé que son homologue civil pour le faire puisqu’il aurait une compréhension beaucoup plus approfondie des répercussions des allégations qui pèsent sur l’accusé ainsi que des répercussions de la procédure sur la victime, l’accusé, l’unité d’appartenance et l’institution proprement dite. »

Quant à la question des avocats de la défense, ils ont affirmé qu’[traduction] « il faudrait envisager la possibilité qu’un avocat civil, chargé de représenter un militaire devant la cour martiale, ait l’occasion d’être officiellement informé des aspects particuliers des procédures d’un tribunal militaire, avant le début de ces dernières. Cela éviterait qu’un militaire qui choisit d’être représenté par un avocat civil soit désavantagé du fait que ce dernier ne connaît pas bien les formalités supplémentaires applicables en cour martiale et les caractéristiques propres à celle-ci. »

4.5.4.3 5e Division du Canada – adjudant-chef de la Division (Force régulière)

La 5e Division du Canada (5 Div CA) a choisi l’adjudant-chef de la Division pour communiquer ses observations à l’ERGCM. Ces observations, qui sont présentées à l’annexe T, ont été communiquées par écrit. La principale préoccupation soulevée par l’adjudant-chef était que [traduction] « trop de temps s’écoule entre le moment où les accusations sont portées et celui où la cour martiale entend l’affaire ». L’adjudant-chef a indiqué que s’il se fie à son expérience, ce délai a parfois été [traduction] « aussi long que 18 à 24 mois ». Il a également affirmé avoir souvent vu certaines accusations abandonnées en raison des délais.

L’adjudant-chef a également fait valoir que [traduction] « les peines imposées en cour martiale sont jugées plus clémentes que celles infligées à l’issue d’un procès sommaire. Un bon exemple de cela serait le cas d’un soldat qui s’est vu imposer une peine de détention de 18 jours, à l’issue d’un procès sommaire, pour avoir volé l’équipement personnel d’un autre soldat, alors qu’environ 6 mois plus tard, un soldat s’est vu infliger en cour martiale une amende de 650 $ pour avoir volé des explosifs plastiques C4 dans un champ de tir de démolition. Bien que l’on comprenne que de nombreux facteurs entrent en jeu au moment de déterminer la peine, le sentiment général est que les peines imposées par les cours martiales sont beaucoup plus clémentes. »

En outre, l’adjudant-chef de la 5 Div CA a laissé entendre que [traduction] « l’administration de la justice et le droit militaire à l’échelle de l’unité sont mal compris et sont souvent confondus » et a suggéré d’accroître la formation dans le cadre des cours de formation professionnelle habituels portant sur la distinction entre le droit administratif militaire et les mesures administratives militaires (p. ex., les mesures correctives et la libération pour des motifs d’ordre administratif) d’une part et la justice militaire d’autre part.

L’adjudant-chef a formulé d’autres observations et recommandations concernant les enquêtes, tant celles menées à l’échelle de l’unité que celles entreprises par la PM et le SNE, mais celles-ci étaient hors du cadre de référence de la révision globale de la cour martiale.

4.5.5 Marine royale canadienne

4.5.5.1 Forces maritimes du Pacifique (Force régulière et Force de réserve)

Le commandant de la MRC a choisi l’unité des Forces maritimes du Pacifique [FMAR(P)] pour fournir des commentaires à l’ERGCM au nom de la MRC. Le commandant des FMAR(P) a demandé à toutes les équipes de commandement de sa formation de lui soumettre leurs commentaires et a présenté par écrit à l’ERGCM une réponse collective (jointe à l’annexe U). Les membres des FMAR(P) ont relevé plusieurs points qui nécessitent, selon eux, des améliorations dans le système de cours martiales et ont formulé des commentaires concernant le système de procès sommaires.

Les délais constituent le premier élément du système de cours martiales qu’il faut améliorer, selon le commandant des FMAR(P), qui a déclaré ce qui suit :

[traduction] Le système de cours martiales est perçu comme un processus qui demande beaucoup de temps; les délais entre le dépôt des accusations et la fin proprement dite du processus sont très longs. On craint, de façon générale, que le système soit surchargé, et plus de deux ans sont nécessaires avant la mise au rôle d’une audience devant la cour martiale. Tout le monde est d’avis que ce délai est beaucoup trop long et que cela ne répond pas aux besoins de la population. Au cours des dernières années, la capacité en apparence limitée des juges militaires a mené à des temps d’attente très longs et inacceptables, lesquels vont à l’encontre du droit fondamental de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable. De plus, exercer la justice en temps opportun, de façon rapide et équilibrée, a un effet dissuasif efficace, favorise le bon ordre et la discipline et contrecarre de nombreux aspects de la discipline ayant une incidence négative sur le moral et le bien-être des troupes.

Le deuxième point soulevé concernait l’effet dissuasif général et la façon dont le système de cours martiales est perçu par les membres des FAC :

[traduction] Les marins subalternes sont très nombreux à croire qu’un militaire, qui choisit d’aller en cour martiale plutôt que de subir un procès sommaire, a beaucoup plus de chances de se voir acquitter, en particulier s’il retient les services d’un avocat civil, qui est considéré comme ayant une meilleure compréhension du droit procédural et qui sait mieux l’appliquer que les avocats militaires. Bon nombre des acquittements prononcés, au cours de la dernière décennie, sont perçus comme étant attribuables à des « questions de forme », et les membres des FAC considèrent alors que l’accusé s’est vu accorder une impunité pour les infractions commises [...] Très nombreux sont ceux qui considèrent, à l’heure actuelle, que la décision de porter l’affaire en cour martiale est une tactique utilisée pour retarder la procédure jusqu’à ce que le militaire soit libéré ou une tactique employée dans l’espoir que les accusations seront abandonnées ou rejetées en raison du volume de dossiers non encore traités.

Le commandant des FMAR(P) a également constaté des divergences en ce qui concerne les peines et les attentes :

[traduction] À l’étape de la détermination de la peine, dans le cadre des procès sommaires et des cours martiales, le pouvoir discrétionnaire des juges à l’égard de la peine à imposer peut donner lieu à des incohérences au sein de la formation, de la MRC et des FAC. Certaines unités ont proposé qu’une nouvelle fourchette de peines ou de nouvelles lignes directrices en la matière soient examinées et prises en considération. Certains marins estiment que les amendes imposées ne sont pas suffisamment élevées, compte tenu des taux de salaire actuels, et tous s’entendent pour dire que le montant des amendes doit être considérablement augmenté pour que celles-ci aient une incidence.

Toujours dans le même ordre d’idées, le commandant des FMAR(P) a indiqué à l’ERGCM que [traduction] « toutes les unités ont attiré l’attention sur le fait qu’il faut revoir les types d’infractions [...] qui offrent ou non à l’accusé la possibilité de choisir la procédure, de façon à réduire le nombre d’infractions à l’égard desquelles un tel choix est offert ».

Le commandant des FMAR(P) a formulé des commentaires positifs concernant le caractère militaire des procédures en matière de justice militaire et le fait que celles-ci se déroulent à l’échelle locale, plus particulièrement pour ce qui est des procès sommaires, mais également des cours martiales :

[traduction] Un des points forts du système de justice militaire est que les FAC favorisent la participation, tant en encourageant leurs membres à assister à la procédure qu’en rendant publics les résultats de cette dernière, de même que les peines imposées. L’information ainsi rendue publique, même lorsqu’il s’agit d’infractions mineures, permet de s’assurer que les membres du personnel comprennent bien les conséquences de leurs actes, ce qui n’est pas fait de façon aussi efficace dans le système judiciaire civil. Cela a un effet dissuasif qui aide à maintenir l’ordre et la discipline et rappelle à tous les membres du personnel qu’ils sont tenus de satisfaire à certaines normes. Le caractère formel des procès sommaires et des procédures devant les cours martiales ainsi que la tradition militaire qui s’y rattache rappellent également à tous que les FAC ont des normes plus strictes à respecter pour des raisons essentielles. Toutes les unités doivent continuer à s’assurer que leurs dirigeants assistent aux audiences devant la cour martiale afin d’en arriver à mieux comprendre le processus et les résultats.

4.5.5.2 L’équipage du Navire canadien de Sa Majesté Ottawa (Force régulière)

Aux commentaires des membres de la direction reçus par l’entremise des FMAR(P), viennent s’ajouter ceux que le commandant du Navire canadien de Sa Majesté Ottawa (NCSM Ottawa) a obtenus après avoir invité les membres de son équipage à s’exprimer sur la question, en lui faisant part de leurs commentaires. Cela a permis de faire connaître l’opinion des membres de l’équipage du NCSM Ottawa en tant que « membres des FAC », ce qui a poussé d’un cran le processus dont ces derniers pouvaient déjà se prévaloir en tant que simples citoyens, en vertu du CANFORGEN 186/16. L’identité des militaires qui ont formulé des commentaires particuliers n’a pas été révélée à l’ERGCM, mis à part le fait qu’ils font partie de l’équipage du NCSM Ottawa et non de la chaîne de commandement de la frégate. Les commentaires non censurés ont été communiqués par écrit, dans leur version intégrale, aux FMAR(P) par le commandant de la frégate pour qu’ils soient ensuite transmis à l’ERGCM. Ces commentaires, qui ont été regroupés, sont présentés à l’annexe V.

Les membres de l’équipage du NCSM Ottawa ont formulé plusieurs commentaires concernant le système de justice militaire dans son ensemble, ainsi qu’en ce qui a trait aux procès sommaires, plus particulièrement. Dans l’ensemble, leurs commentaires montrent que tout le système fonctionne bien, et même si des améliorations s’imposent dans certains domaines, ils estiment que les forces armées doivent instaurer une forme de mécanisme interne pour renforcer la discipline. Dans un des commentaires formulés sur ce point, on laisse entendre que [traduction] « le système de justice proprement dit ne permet pas vraiment de maintenir le bon ordre et la discipline; cette responsabilité incombe à la chaîne de commandement ».

Un autre militaire a également fait remarquer que [traduction] « le système de justice militaire fonctionne mieux lorsqu’il s’inscrit dans un système global utilisé pour gérer les comportements qui représentent une menace pour le bon ordre et la discipline dans les FAC. Toutefois, il me semble qu’actuellement la chaîne de commandement omet parfois d’utiliser à leur pleine mesure d’autres moyens de modifier le comportement d’un militaire, tels que l’encadrement, le mentorat ou l’identification de problèmes personnels plus profonds. »

Certains membres de l’équipage du NCSM Ottawa ont laissé entendre que la décision de saisir la cour martiale d’une affaire est de nos jours considérée comme une façon d’éviter de subir les conséquences d’une inconduite. L’un d’entre eux a précisé ce qui suit : [traduction] « Certains croient que les accusations qui pèsent contre les militaires qui choisissent de comparaître devant la cour martiale sont réduites de façon à donner l’impression qu’ils doivent satisfaire à des critères de preuve plus stricts ». Par exemple, dans une affaire jugée récemment par la cour martiale, le procès a porté sur des accusations d’ivresse alors que l’accusé avait initialement fait l’objet d’accusations d’agression sexuelle. »

En ce qui concerne le processus des cours martiales, célérité et délais sont source de grandes préoccupations pour de nombreux membres de l’équipage du NCSM Ottawa. Un des militaires s’est longuement exprimé sur ce point en partant de la prémisse que le système de cours martiales manque de ressources39 :

[traduction] Il est arrivé souvent récemment qu’un laps de temps déraisonnable se soit écoulé entre le moment où une infraction a été commise et les accusations déposées et celui où le militaire a été traduit en cour martiale. Le délai écoulé entre le dépôt des accusations et la tenue du procès a été reconnu comme un élément clé de l’équité procédurale, tant dans le système de justice civil que militaire, comme le démontrent les limites que la loi impose dans le système civil quant au moment où une affaire doit se rendre à procès [...] Ce qui est clair est que le prolongement du délai entre le moment où une infraction au CDM est commise et celui où la cour martiale entend l’affaire nuit grandement à l’équité procédurale à laquelle a droit le militaire, ce qui compromet l’équité du système et a une incidence négative sur le respect que les militaires démontrent envers ce dernier.

Plusieurs commentaires ont également été formulés concernant les peines imposées dans le système de justice militaire, notamment lors des procès sommaires et des cours martiales. Bien que certains militaires fussent d’avis que les pouvoirs de punition, à tout le moins, sont justes et transparents, d’autres ont indiqué qu’ils voulaient la parité avec le système de justice pénale civil. Certains membres de l’équipage ont affirmé que [traduction] « les amendes ne sont pas suffisamment élevées, compte tenu du salaire des militaires. Tous s’entendent pour dire que si les militaires se voyaient imposer des amendes allant de 800 $ à 900 $ plutôt que de 150 $ à 200 $, il y aurait moins de récidivistes. » Un des militaires a laissé entendre que [traduction] « les pouvoirs de punition sont un domaine où les FAC pourraient bénéficier d’une réforme. Il arrive souvent que les peines imposées semblent insuffisantes [...] Pour illustrer le premier point soulevé, si une amende de 200 $ représente le “taux courant” exigé d’un militaire pour une infraction mineure, disons pour s’être absenté pendant une heure sans permission, cette amende de 200 $ n’aura pas le même impact sur ce militaire 10 ans plus tard, lorsque son salaire aura considérablement augmenté. De même, la plupart des militaires ne comprennent pas le but des sanctions imposées sous forme d’“avertissement”, de “réprimande” et de “blâme”, qui sont toutes perçues, par la plupart d’entre eux, comme une simple “tape sur les doigts”. »

En ce qui concerne la compétence ratione materiae, au moins un des membres de l’équipage du NCSM Ottawa a suggéré que [traduction] « les crimes sexuels ne devraient jamais être jugés dans le système de justice militaire. Tel qu’il a été indiqué dans les médias, la justice militaire ne peut pas raisonnablement juger les crimes de cette nature [...] Devant un tribunal où tous sont vos collègues ou vos pairs, ou pire, où siège votre superviseur, défendre l’accusé peut s’avérer un défi de taille. Devant un tribunal civil, les pressions qui résultent des différences de grade et des formalités militaires n’existent plus, ce qui crée une atmosphère plus adéquate pour la victime. »

En ce qui concerne la nature et la composition des cours martiales, deux membres de l’équipage ont exprimé leurs préoccupations à l’idée d’avoir recours à des juges civils, du fait qu’ils craignaient que les civils refusent de se rendre dans un théâtre d’hostilités ou ne seraient pas autorisés à le faire, si cela venait qu’à être nécessaire dans l’avenir, et que de moins en moins de civils ont été personnellement appelés à composer avec les réalités du service militaire.

D’autres recommandations ont été formulées par l’équipage, soit améliorer la formation offerte aux enquêteurs, mieux informer tous les membres des FAC concernant le fonctionnement du système et accroître la transparence de toute mesure administrative prise en parallèle avec les procédures judiciaires militaires.

4.5.6 Aviation royale canadienne

L’ERGCM n’a reçu aucun commentaire de la part de l’ARC.

4.5.7 Chef du personnel militaire

4.5.7.1 Le commandant du 1er Groupe des Services de santé (Force régulière)

Le commandant du 1er Groupe des Services de santé a présenté un mémoire à l’ERGCM, lequel est reproduit à l’annexe W. La principale préoccupation du commandant avait trait au temps écoulé avant le début de la procédure en cour martiale, une fois que la décision de procéder a été prise. Le commandant a indiqué ce qui suit :

[traduction] Les délais ont manifestement des répercussions négatives sur les présumées victimes et l’accusé. Ils ont un effet néfaste sur leur vie et leur santé, et ils créent des problèmes importants pour les unités qui les emploient. Cette situation s’avère encore plus problématique pour les membres de notre personnel clinique, puisque la plupart du temps, ils ne peuvent pas continuer d’exercer leur rôle, compte tenu de la nature des accusations qui pèsent contre eux.

Le commandant a fait remarquer que parfois, les délais sont tellement longs que l’accusé finit par [traduction] « prendre sa retraite avant que la procédure suive son cours. Cela crée des problèmes supplémentaires pour ce qui est de gérer ce à quoi ces militaires ont droit à l’échelle de l’unité. De tels délais sont également contraires à l’approche adoptée dans le cadre des procès sommaires, qui repose sur le principe selon lequel plus la procédure est rapide, plus elle est efficace. » En terminant, le commandant du 1er Groupe des Services de santé a ajouté ce commentaire général : [traduction] « Je crois qu’assurer une mise au rôle plus rapide des audiences devant la cour martiale donnerait de meilleurs résultats. »

4.5.8 Le directeur du Service d’avocats de la défense

Le DSAD a présenté deux mémoires à l’ERGCM dans le cadre des consultations internes des FAC. Le premier a été présenté dans une lettre datée du 3 novembre 2016 (reproduite à l’annexe X), qui a coïncidé avec la période de consultations publiques. Le deuxième a été présenté dans une lettre datée du 13 février 2017 (reproduite à l’annexe Y), qui a coïncidé avec l’analyse quantitative du système de cours martiales entreprise par le SMA(Svcs Ex) du MDN (décrite plus en détail au chapitre 7 ci-dessous).

Le DSAD a indiqué ce qui suit :

[traduction] Je suis d’avis que l’un des principaux problèmes auquel on se heurte actuellement dans le système de justice militaire est celui des délais. Ce problème a une incidence sur l’efficacité, le coût, l’objet et la constitutionnalité du système. Il touche tous les accusés et tous les plaignants, ainsi que de nombreux autres membres des FAC. Cependant, il ne s’agit pas là d’un problème qui peut être réglé simplement en tentant de réduire la durée des procès ou de diminuer le soutien offert aux accusés. Le problème est plus complexe que cela et des mesures sont nécessaires à chaque étape du processus.

Le DSAD a examiné les « étapes » du processus des cours martiales actuel qui, selon lui, ont conduit aux délais observés actuellement. Il a souligné que le processus de vérification des accusations « à deux volets » fait en sorte que ce qu’il considère comme des causes futiles (en ce sens qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable qu’un verdict de culpabilité soit rendu) d’« entrer » dans le système de cours martiales, et les avocats de la défense aussi bien que ceux de la poursuite doivent alors y consacrer beaucoup d’énergie.

Le DSAD s’est montré critique à l’égard de la façon dont les processus actuels permettent que des accusations et des renseignements soient modifiés à différentes étapes, de même qu’à l’égard des modifications législatives qui ont supprimé toute obligation légale de faire enquête avec célérité.

Le DSAD a formulé une recommandation concernant les processus de vérification préalable et de révision postérieure à l’accusation. Selon lui, à la lumière de la jurisprudence récente de la CSC, les fonctions de chacun lors de l’inculpation ou de la mise en accusation ne sont pas rigides, et il a proposé de revoir la pratique actuelle qui consiste à conférer des rôles distincts aux juges-avocats adjoints et aux PMR.

En ce qui concerne sa propre organisation, le DSAD a indiqué certains domaines dans lesquels une réforme pourrait être profitable. Il a fait remarquer que la structure de gouvernance actuelle est problématique pour lui, [traduction] « étant donné que les avocats de la défense relèvent toujours du commandement du JAG, qui est membre de l’équipe de l’exécutif, et que ce dernier contrôle leur paye, leur affectation et leur évaluation annuelle, malgré le fait que leurs clients plaident contre l’organisation ».

À titre d’exemple, récemment, le DSAD a été dans l’incapacité de maintenir le niveau d’expertise en matière de litiges au sein de son organisation. Comme il n’a aucun contrôle sur les mouvements de personnel au sein et à l’extérieur de son équipe et qu’il ne sait pas quels avocats militaires ont exprimé le désir de faire partie du SAD, il s’estime incapable de remplacer plusieurs avocats expérimentés partis à la retraite par des avocats possédant une expérience comparable.

En ce qui concerne l’efficience et la charge de travail, le DSAD a indiqué que la charge de travail représente un problème uniquement dans la mesure où les délais excessifs entraînent du travail supplémentaire. Il a précisé que le plus grand nombre de dossiers traités par un même avocat de la défense au sein de son équipe était de 23 cas.

4.5.9 Le directeur des poursuites militaires

Le DPM a présenté un mémoire à l’ERGCM, en son nom, qui a été examiné dans le cadre du processus de consultations publiques et qui a été publié sur le babillard40; le contenu de ce mémoire est présenté dans le résumé des consultations publiques fourni ci-dessus, dans le présent chapitre.

Le DPM a également présenté un autre mémoire à l’ERGCM, par l’entremise du SMA(Svcs Ex), en réponse à la demande de commentaires de ce dernier dans le cadre de l’analyse quantitative du système de cours martiales réalisée par son organisation (décrite plus en détail au chapitre 7 ci-dessous). Ce mémoire est présenté à l’annexe Z.

Ce mémoire contenait une très grande quantité de données quantitatives relatives au niveau d’expérience des procureurs militaires, au temps consacré aux différentes étapes du processus des cours martiales au cours des cinq dernières années et au volume de dossiers traités chaque année par le service des poursuites.

Ce mémoire contenait également des observations qualitatives formulées par les procureurs militaires de la Force régulière et de la Force de réserve concernant diverses sources de délais dans le système de cours martiales, les différences entre les systèmes de justice civil et militaire, ainsi que la structure et les politiques du service des poursuites.

Il ressort de plusieurs des commentaires présentés dans ce mémoire, tant par le DPM que par d’autres procureurs militaires, que le temps nécessaire à la tenue des enquêtes et le manque de ressources judiciaires appropriées sont les principales causes des délais observés dans le système de cours martiales. Le DPM a souligné que [traduction] « le plus gros problème, de mon point de vue, est l’incapacité d’instruire un nombre suffisant de procès pour éviter que les dossiers s’accumulent. Le seul facteur qui pourrait améliorer la situation serait d’accroître les ressources judiciaires, un enjeu auquel le système civil est aussi confronté. » Toutefois, le DPM a également fait remarquer que [traduction] « l’accès à un plus grand nombre de procureurs et à des procureurs plus expérimentés aiderait également, en toute logique, à améliorer le fonctionnement du système de cours martiales, notamment en ce qui concerne les délais ».

Le DPM estime qu’il faut se garder d’accorder une trop grande importance aux délais dans le système de cours martiales comme mesure de l’efficacité ou de l’efficience du système :

[traduction] Il est important de se rappeler que la vitesse n’est pas le seul facteur à considérer pour évaluer l’efficacité, l’efficience et la légitimité du système et peut même ne pas être le facteur le plus important. Il est vrai que le temps a l’avantage d’être facile à mesurer (tout comme l’argent), plus que « le niveau de discipline, l’efficacité et le moral des troupes », par exemple. Cela pourrait facilement nous amener à accorder trop d’importance à cet aspect au détriment d’autres facteurs, pouvant être plus difficiles à mesurer, mais malgré tout essentiels.

En outre, le DPM a laissé entendre qu’un [traduction] « des aspects importants de la légitimité du système de cours martiales est la mesure dans laquelle le public connaît et comprend le système, de même que les décisions qui y sont rendues ». Il a indiqué que l’idéal serait de créer un mécanisme permettant de mesurer la confiance du public envers le système de cours martiales. Toutefois, il a fait remarquer ce qui suit :

[traduction] Même sans avoir une idée claire fondée sur des données probantes du niveau de soutien et de connaissances du public à l’égard du système de cours martiales, il est évident, d’un point de vue empirique, que ce système est mal compris et largement critiqué. Cette seule constatation justifierait l’amélioration des communications publiques concernant le système de cours martiales en vue d’en accroître la légitimité.

Le DPM et les autres procureurs militaires ayant formulé des commentaires dans ce mémoire se sont dits fortement en désaccord avec la proposition faite dans le rapport Bronson (DPM)41 selon laquelle les délais dans le système de cours martiales étaient si importants que cela compromettait l’objectif même d’un système de justice militaire distinct. Ils estimaient que les délais n’étaient qu’un facteur parmi tant d’autres à prendre en considération afin de déterminer la nécessité de maintenir un système distinct et ont indiqué que les délais n’étaient pas excessifs au point de menacer la viabilité du système.

4.6 Principales observations tirées des consultations

Les consultations ont permis de cerner la façon dont les intervenants perçoivent le système de cours martiales.

L’ERGCM attire l’attention sur le fait que certains éléments soulevés dans les observations présentées reposaient sur un portrait inexact du système de cours martiales actuel et de son fonctionnement. Ainsi, le présent chapitre ne fournit pas une description exacte et objective du système, mais reflète plutôt la façon dont il est perçu par un groupe de personnes et d’organisations très vaste et très diversifié.

Dans la mesure où les différentes perceptions du système de cours martiales sont exactes d’un point de vue objectif, elles peuvent être des indicateurs très importants de l’efficacité, de l’efficience et de la légitimité de ce système. Toutefois, même les perceptions dans une certaine mesure illusoires ou fondées sur des informations erronées ont une certaine valeur dans le cadre de la révision globale de la cour martiale, étant donné qu’elles témoignent de la légitimité que l’on reconnaît au système. La légitimité d’un système résulte, en partie, du fait qu’il respecte les règles de droit, mais elle est également liée à la façon dont le système est perçu et au fait qu’on estime, à l’interne et à l’externe, qu’il découle d’un exercice convenable et approprié des pouvoirs gouvernementaux. Par conséquent, sur le plan de la légitimité, le simple fait que des gens se demandent si le système de cours martiales est le fruit d’un exercice convenable et approprié des pouvoirs gouvernementaux s’avère pertinent, que cela se justifie ou non d’un point de vue objectif.

Malgré les réserves qui précèdent au sujet des perceptions, l’ERGCM est d’avis que les intervenants qui ont présenté des observations étaient généralement très bien informés au sujet du système de cours martiales.

À l’issue de toutes les consultations mentionnées ci-dessus, il semble possible de cerner plusieurs perceptions récurrentes, lesquelles sont décrites successivement ci-dessous.

Plusieurs considèrent que les FAC ont besoin d’un système qui aide à maintenir la discipline interne. Tout d’abord, il a semblé à l’ERGCM que les intervenants étaient généralement d’accord pour dire que les FAC doivent disposer d’un mécanisme interne pour faire respecter la discipline chez les militaires. Bien que les opinions divergent grandement concernant le champ d’application d’un tel système disciplinaire et ce en quoi devraient consister le processus disciplinaire et les sanctions, il n’a en aucun cas été suggéré que les FAC devraient compter entièrement sur des sources externes pour faire respecter la discipline ni qu’elles pourraient se passer de tout mécanisme disciplinaire42.

Les délais dans le système de cours martiales sont considérés comme inacceptables. Ensuite, tous les intervenants ont convenu que les délais dans le système de cours martiales actuel posent un sérieux problème43. Selon les commentaires les moins sévères, ces délais minent la confiance des gens quant à la légitimité du système. Selon les plus sévères, les délais nuisent activement à la discipline, amènent les personnes accusées à douter du caractère équitable des procédures et contribuent à accroître le préjudice subi par les victimes.

Chaque fois que l’ERGCM a demandé aux intervenants du système de cours martiales quel devrait être la durée des procédures en cour martiale pour que celles-ci soient efficaces, ces derniers ont presque toujours donné la même réponse : 6 mois44. Dans le cadre des consultations, aucun intervenant n’a indiqué que cet « objectif » était atteint. Au contraire, selon les observations formulées, les intervenants ont été témoins de procédures qui se sont déroulées sur une période allant de 10 mois à presque 2 ans.

Les peines imposées en cour martiale sont jugées trop clémentes. Dans le cadre des consultations publiques et internes, chaque fois qu’il a été question de la détermination de la peine, les intervenants s’entendaient presque tous pour dire que les peines imposées en cour martiale étaient jugées trop clémentes pour atteindre les objectifs fixés, soit maintenir la discipline ou assurer l’ordre et le bien-être publics. De nombreux intervenants ont également indiqué qu’aux yeux de plusieurs, les peines infligées détonnent grandement par rapport à celles imposées à l’issue des procès sommaires pour des infractions similaires commises par des contrevenants semblables, dans des circonstances analogues.

Plusieurs considèrent qu’une expertise en droit militaire et pénal est requise à l’intérieur du système – mais cette expertise peut provenir de différentes sources. De nombreux intervenants ont fait valoir que les postes clés au sein du système de cours martiales doivent être occupés par des militaires. Toutefois, à la suite d’un examen, il appert que ces intervenants ont tous formulé ce commentaire en présumant que les acteurs en uniforme conféreraient forcément certains attributs fondamentaux au système, dans la mesure où :

Toutefois, l’ERGCM a également entendu d’autres intervenants affirmer que le simple fait d’exiger que les acteurs du système de justice militaire portent l’uniforme ne semblait pas produire le résultat escompté, à savoir que les acteurs du système possèdent l’expertise ou les connaissances militaires requises46.

L’ERGCM a constaté que plus d’un intervenant était d’avis que les acteurs du système de justice militaire ne possèdent pas une expérience ou une expertise suffisante en ce qui a trait au droit et à la procédure pénale, du moins si on les compare à leurs homologues du système de justice pénale civil, mais ils reconnaissaient qu’il est important d’avoir accès à une telle expertise dans le système de cours martiales47.

Les décisions de acteurs militaires indépendants dans le système sont perçues comme nuisant à la discipline et compromettant l’autorité de la chaîne de commandement. Plusieurs considèrent que les décisions des acteurs militaires indépendants dans le système nuisent à la discipline et compromettent l’autorité de la chaîne de commandement. De nombreux intervenants ont indiqué être d’avis que cela nuit à la discipline lorsqu’un autre officier des FAC, qui est indépendant de la chaîne de commandement, prend des décisions qui, selon eux, vont à l’encontre de leurs propres décisions (p. ex., déposer des accusations ou renvoyer des accusations devant le DPM en vue d’un procès devant la cour martiale), en particulier lorsque les résultats auxquels s’attendent les membres de la chaîne de commandement militaire, à l’issue de la procédure en cour martiale, diffèrent autant de ceux effectivement produits48. Bien qu’ils comprennent et appuient l’idée que la Constitution exige que les procureurs et les juges militaires exercent leurs fonctions de façon indépendante, ils étaient d’avis que de telles situations portent atteinte à leur crédibilité et à leur autorité en tant que responsables de la discipline. Certains de ces intervenants ont laissé entendre que leurs perceptions à cet égard venaient du fait que les décideurs indépendants sont également des officiers des FAC dont le rôle, selon eux, consiste, dans une large mesure, à répondre aux besoins de la chaîne de commandement en matière disciplinaire. Ces intervenants ont indiqué que si des décisions équivalentes étaient rendues par des acteurs du système de justice civil, ils n’auraient pas l’impression d’être aux prises avec ce même genre de problèmes.

De nombreux intervenants des FAC ne jugent pas nécessaire de tenir des procès en cour martiale sur les lieux d’un déploiement. Lorsque la question a été examinée en détail, les intervenants étaient très nombreux à dire que le système de cours martiales doit avoir compétence à l’égard des membres des FAC qui prennent part à des opérations à l’étranger et doit, notamment, posséder une compétence normative (c.-à-d. une compétence à l’égard des infractions) et un pouvoir d’enquête (c.-à-d. la capacité de mener des enquêtes à l’étranger). Toutefois, l’ERGCM a observé l’absence évidente d’un consensus sur la question de savoir s’il convient de permettre aux cours martiales de siéger dans les théâtres d’hostilités, voire à l’étranger en toutes circonstances, pour répondre aux besoins de la justice et de la discipline.

Plusieurs considèrent que les droits des victimes doivent être renforcés et les protections qui leur sont offertes améliorées. Enfin, chaque fois que la question des besoins de groupes particuliers dans le système de cours martiales a été abordée, l’ERGCM n’a pas été étonnée que les intervenants indiquent à l’unanimité que le système de cours martiales doit, à tout le moins, accorder aux victimes les mêmes droits et les mêmes services que ceux offerts dans le système de justice pénale civil.

4.7 Conclusion

Les vastes consultations qui ont été menées dans le cadre de la révision globale de la cour martiale ont permis à chacun des membres de l’ERGCM de tirer profit des perspectives, des connaissances et de l’expertise de nombreux groupes et individus différents et de se faire une idée de la situation, qui dépasse largement le cadre de leur expérience personnelle. Ces consultations ont grandement contribué aux travaux effectués par l’ERGCM.


Notes en bas de page

1 Au besoin, l’ERGCM indique, dans le présent chapitre, les cas où certaines déclarations faites par les intervenants ont pu être étayées au moyen de données concrètes ou historiques dont elle disposait.

2 Déposé devant le Parlement en juin 2016. Voir Canada, ministère de la Défense nationale, Rapport annuel du juge-avocat général 2015-2016 – Rapport au ministre de la Défense nationale sur l’administration de la justice militaire du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, Ottawa, CJAG, 2016. Sur Internet : <URL : http://jag.mil.ca/publications/office-cabinet/annrep-rappann-15-16-fra.pdf>

3 Ibid., page iv.

4 Sur Internet : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/nouvelles/2016/07/le-jag-entreprend-un-examen-exhaustif-du-systcme-des-cours-martiales.html>.

5 Voir, par exemple, sur Internet : <URL : http://www.cp24.com/news/military-justice-review-to-consider-leaving-sex-crimes-with-civilian-court-1.3108603>.

6 Voir sur Internet : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/nouvelles/2016/10/demande-public-donner-opinion-systeme-cours-martiales-canada.html>.

7 L’adresse URL était toujours active lorsque le présent rapport a été rédigé. Voir sur Internet : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/droit-militaire/revision-globale-cour-martiale.html>.

8 L’ERGCM se réservait le droit de modifier les textes reçus présentant un contenu offensant, bien que dans les faits, elle n’ait pas eu à le faire. Les règles de modération applicables sur le babillard étaient accessibles au public et pouvaient être consultées en ligne : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/droit-militaire.html>.

9 Voir sur Internet : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/droit-militaire.html>.

10 Voir sur Internet : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/droit-militaire.html>.

11 Voir sur Internet : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/droit-militaire.html>.

12 Voir sur Internet : <URL : http://www.victimesdabord.gc.ca/vv/MCRCM-SCMCR/index.html>.

13 Dans son mémoire, l’ABC-SNDM formulait également des critiques qui n’avaient aucun lien avec la révision globale de la cour martiale, et l’ERGCM a traité ces dernières de la même manière que les autres commentaires semblables reçus d’autres intervenants, c.-à-d. elle en a informé la direction concernée au QGDN. En outre, l’ABC-SNDM a laissé entendre que l’ERGCM devrait mener des consultations ciblées auprès d’experts et d’intervenants et effectuer une analyse comparative à l’échelle internationale. Ces deux tâches faisaient expressément partie du mandat conféré à l’ERGCM dans les termes de référence; au moment où le mémoire de l’ABC-SNDM a été reçu, les consultations ciblées étaient toujours en cours, et l’analyse comparative à l’échelle internationale était terminée.

14 Le JAG n’a pas le pouvoir, entre autres, d’exiger que le Parlement procède à l’examen du CDM, comme l’a recommandé l’ABC-SNDM.

15 Canada, ministère de la Défense nationale, Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes, par Marie Deschamps C.C., Ad. E, Ottawa, ministère de la Défense nationale, 2015 (le rapport Deschamps).

16 Annexe H, mémoire du CIIS à l’intention de l’ERGCM, le 5 avril 2017. Voir la note d’information à l’intention de l’ERGCM intitulée « Analysis of Victim Expressed Experience », le 5 avril 2017.

17 Ibid.

18 Ibid.

19 Ibid.

20 Ibid.

21 Ibid. Les recherches auxquelles fait référence le CIIS ont été résumées dans une revue de la littérature jointe au mémoire du CIIS (reproduit à l’annexe H).

22 La SIDMDG est une association internationale apolitique et sans but lucratif, qui est régie par le droit belge. Elle a été créée en 1956, et son siège ainsi que son secrétariat général sont établis à Bruxelles (en Belgique) depuis 1988. Elle compte environ 900 membres dans le monde, dont bon nombre sont des conseillers juridiques, des juges et des procureurs civils et militaires. La Société compte également de nombreux membres issus du milieu universitaire.

23 L’EISF-IS a été mise sur pied par le CEMD le 25 février 2015, en réponse au rapport Deschamps, précité, note 15.

24 Le paragraphe 10 des termes de référence de l’ERGCM (Annexe A) précise ce qui suit : « Toutes les options qui sont envisagées par l’ERGCM pour améliorer l’efficacité, l’efficience et la légitimité du système des cours martiales doivent être cohérentes avec les efforts qui sont déployés par les autres autorités des FAC en faveur de l’opération HONOUR. À cette fin, l’ERGCM est autorisée à consulter l’[EISF-IS] sous réserve de l’approbation du DG ERGCM. »

25 D’autres sujets liés aux politiques et au droit militaires ont également été abordés (p. ex., mesures administratives prises en réponse à un cas présumé d’inconduite ou de harcèlement sexuel), mais comme ceux-ci ne relevaient pas du mandat de l’ERGCM, ils ont été discutés dans le seul but de définir le contexte.

26 Consulter à ce sujet le chapitre 3 ci-dessus (Études antérieures), à la note 83 (et le texte d’accompagnement).

27 R. c. Cadieux, 2016 CM 4008.

28 R. c. Rouleau, 2016 CM 3015. Le commandant du COMFOSCAN a accidentellement déchargé son arme à feu alors qu’il se trouvait dans un théâtre d’opérations. Il n’y a eu aucun blessé. À la suite du plaidoyer de culpabilité et de la recommandation conjointe quant à la peine, il a été reconnu coupable du chef d’accusation, en vertu de l’article 129 de la LDN, de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, et s’est vu imposer une amende de 2 000 $.

29 La partie pertinente des motifs écrits du juge militaire ayant présidé le procès en ce qui a trait à la peine infligée est rédigée en ces termes :

[traduction] Pour en arriver à ce qu’elle considère comme une peine juste et appropriée, la Cour a pris en compte les facteurs aggravants et atténuants suivants : [...] b) concernant la gravité subjective de l’infraction, la Cour a examiné trois éléments à titre de facteurs aggravants, comme l’a suggéré le procureur : i) tout d’abord, le grade et le poste de l’accusé. Il est facile pour vous d’imaginer que les attentes envers une personne comme vous, qui détient un grade et occupe un poste comme les vôtres, sont très élevées. Je n’ai pas à élaborer plus avant sur la question, mais de ce fait, votre grade et votre poste représentent, dans les circonstances, un facteur aggravant; ii) votre expérience des armes et de la carabine C8, ou selon les termes du procureur votre bonne connaissance de cette arme. De toute évidence, vous saviez ce que vous manipuliez, vous saviez comment le faire et vous avez été négligent, alors je me dois de considérer ce facteur, à savoir votre expérience avec ce type d’armes, comme un facteur aggravant; iii) le lieu et les circonstances. Il est vrai que vous étiez dans un contexte de guerre. Ce que j’ai retenu de ces circonstances est le lieu où vous étiez; vous n’étiez pas dans un environnement contrôlé, comme un champ de tir, où certaines mesures de sécurité sont prises. Au fond, chaque soldat doit compter sur les autres pour que chacun prenne ses propres mesures de sécurité afin d’éviter de blesser quelqu’un. Heureusement, il ne s’est rien passé, mais je dois considérer cela comme un facteur aggravant.

La Cour a également tenu compte des facteurs atténuants suivants : a) d’abord, votre plaidoyer de culpabilité. Il est clair que vous avez accepté l’entière responsabilité de vos actes depuis que l’incident s’est produit. Il y a votre déclaration juste après l’incident, votre lettre et les instructions que vous avez données à votre avocat afin de plaider coupable à la première occasion. Vous avez clairement reconnu et accepté l’entière responsabilité pour vos actes et l’incident survenu; b) il n’y a aucune annotation sur votre fiche de conduite, en fait, je n’ai vu aucune fiche de conduite, mais il est clair qu’il n’y a rien concernant un quelconque incident ou de quelconques questions disciplinaires, et rien n’indique que vous ayez un casier judiciaire; c) en outre, je retiens de ces circonstances qu’il s’agit là d’un incident isolé et fortuit. Certaines personnes diraient que cela ne fait que prouver que vous êtes un être humain et que parfois, de telles choses arrivent. Nous ne voulons pas que ces choses arrivent, mais c’est arrivé, et vous n’en avez pas l’habitude. Il s’agit probablement de votre première et de votre dernière comparution devant notre cour; d) il y a également votre carrière exceptionnelle dans les FAC. Comme l’a indiqué l’Adjuc Legault, ce n’est pas par coïncidence si vous êtes parvenu là où vous en êtes actuellement et que vous détenez votre grade, et je pense qu’il faut considérer cela comme un facteur atténuant, compte tenu de toutes les circonstances.

Comme il ressort de jurisprudence présentée à la Cour par le procureur, habituellement, les peines infligées dans de telles circonstances sont les suivantes :1) blâme accompagné d’une amende; 2) réprimande accompagnée d’une amende; et 3) amende. J’ajouterais [...] :

La discipline militaire fondamentale exige que tout militaire, quels que soient son [grade] et ses responsabilités, manie son arme personnelle avec toute la prudence requise. Le risque de mauvais maniement des armes s’accroît considérablement à mesure que la fatigue et le stress s’intensifient. La présente instance envoie le message clair que le maniement inadéquat des armes qui résulte du défaut de suivre les mesures de sécurité voulues est traité avec rigueur, indépendamment du statut et du [grade] du contrevenant.

Par conséquent, la Cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine et vous inflige une amende de 2 000 $, étant donné que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et n’aura pas pour effet de discréditer l’administration de la justice. (Références omises.)

30 Sur ce point, l’ERGCM pense que l’adjudant-chef de l’unité parlait sans doute du Comité externe d’examen des griefs militaires, qui est composé exclusivement de civils, plutôt qu’à l’organisation du DGAGFC, qui comprend des militaires.

31 ORFC, art. 107.02 et 107, section 3.

32 Par exemple : l’enquêteur, la personne chargée de porter les accusations, le commandant, l’autorité de renvoi et le procureur militaire.

33 Plus précisément, les commandants, les adjudants-chefs de l’unité, le commandant et l’adjudant-chef du Groupe-brigade, ainsi que le commandant et l’adjudant-chef du Groupe de soutien.

34 Voir, par exemple, l’exigence actuelle énoncée dans les ORFC, art. 19.57.

35 ORFC, art. 109.02 : « Le [CEMD] et tout autre officier ayant les pouvoirs d’un officier commandant un commandement sont les officiers qui peuvent transmettre des accusations au [DPM]. »

36 Le dernier rapport annuel du DPM (2016-2017) fait effectivement état du nombre de dossiers où les accusations formulées ont été portées et de ceux où celles-ci ont été abandonnées. Toutefois, il n’indique pas le nombre d’accusations précises qui ont été formulées mais non déposées, le nombre de celles qui ont été remplacées par des accusations moins graves ou plus graves ni les motifs qui sous-tendent toutes ces décisions. Voir : Canada, ministère de la Défense nationale, Rapport annuel du Directeur des poursuites militaires, 2016-17, Ottawa, CJAG, 2017 [Rapport annuel du DPM, 2016-2017].

37 Sur Internet : <URL : https://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspx?id=13937>.

38 La Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest n’est pas composée de juges nommés exclusivement pour siéger à cette cour, mais plutôt de juges des Cours d’appel de l’Alberta et de la Saskatchewan qui font l’objet d’une nomination conjointe à ce tribunal, ainsi que de juges de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, qui sont des juges d’office de la Cour d’appel.

39 La question des ressources du système de cours martiales actuel sera examinée plus loin, au chapitre 7 (Évaluation).

40 Voir sur Internet : <URL : https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/organisation/rapports-publications/droit-militaire.html>.

41 Andrejs Berzins, c.r. et Malcolm Lindsay, c.r., External Review of the Canadian Military Prosecution Service, Ottawa, Bronson Consulting Group, 2008 [le rapport Bronson (DPM)].

42 Ce point de vue largement répandu cadre avec la jurisprudence canadienne. Voir, par exemple, R. c. MacKay, [1980] 2 R.C.S. 370; R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259.

43 Les délais représentent un problème, dans le système de cours martiales, au moins depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-25 en 1999 : voir le rapport Bronson (DPM), précité, note 41, p. 10. La perception selon laquelle les délais demeurent un grave problème est confirmée par les données contenues dans le Rapport annuel du DPM, 2016-2017, précité, note 36, p. 33-35.

44 Cette réponse est restée la même depuis au moins neuf ans : rapport Bronson (DPM), précité, note 41, p. 9-10.

45 Voir les sections 4.5.4.2.1 (GS 4 Div CA et 2 GBMC), 4.5.4.2.2 (RHFC), 4.5.4.2.3 (R Regt C) et 4.5.5.2 (équipage du NCSM Ottawa) du chapitre 4 (Consultations) ci-dessus.

46 Voir les sections 4.5.3 (COMFOSCAN), 4.5.4.2.1 (GS 4 Div CA et 2 GBMC), 4.5.4.1.1 et 4.5.4.1.2 (Svc pers 2 Div CA) du chapitre 4 (Consultations) ci-dessus. Cette observation concorde avec ce que l’ERGCM a observé dans le cadre de son étude comparative, en particulier en ce qui a trait au système de cours martiales du Royaume-Uni.

47 Voir les sections 4.5.4.2.2 (RHFC), 4.5.4.1.1 et 4.5.4.1.2 (Svc pers 2 Div CA) du chapitre 4 (Consultations) ci-dessus. L’ERGCM a appris que cette perception était étayée, en partie du moins, par des sources plus objectives, dont le Rapport annuel du DPM, 2016-2017, précité, note 36, p. 23 :

[L]e SCPM a accueilli cinq nouveaux capitaines lors de ou juste avant le début de la période de référence. Dû à leur expérience limitée, ils prennent plus de temps pour réviser des dossiers de niveau de complexité comparable. On leur assigne donc des dossiers moins complexes qui prennent moins de temps à réviser. Ils doivent par ailleurs être supervisés davantage et ils sollicitent l’aide des procureurs d’expérience, ce qui se traduit par une diminution du temps que ces derniers consacrent à leurs propres dossiers. Les procureurs expérimentés se voient donc confier une part plus importante des dossiers complexes qui sont plus longs à traiter alors qu’ils ont pourtant moins de temps à leur consacrer que s’il y avait un nombre plus important de procureurs aguerris.

Voir également, à l’annexe Y, le mémoire du DSAD à l’intention du SMA(Svcs Ex), daté du 13 février 2017 : [traduction] « Le problème que je juge très préoccupant en ce qui a trait au niveau d’expérience des avocats militaires de la défense est le fait que l’an dernier et l’année d’avant, on ne m’a effectivement pas dit quels avocats militaires avaient exprimé le désir de faire partie du SAD. Il s’agit là d’un revirement complet de situation par rapport à mes premières années à ce poste. Cette situation risque d’influer grandement sur le niveau de compétence au sein de l’organisation, étant donné que d’autres choisissent unilatéralement les personnes qui en feront partie. »

Voir également l’annexe BB, ADM(RS) Spreadsheet – Courts and Judges. Selon l’analyse quantitative entreprise par le SMA(Svcs Ex) du MDN au nom de l’ERGCM (examinée en détail au prochain chapitre), les juges militaires canadiens président chacun environ 17 cours martiales chaque année, tandis que leurs homologues civils au Canada instruisent environ 400 procès. Par comparaison, les « juges-avocats » de la cour martiale, au Royaume-Uni, en instruisent 90. De la même façon, il est indiqué dans les rapports Bronson que les avocats militaires relevant du DSAD et du SCPM, qui ne sont pas détachés auprès d’un service de poursuites externe, ne traitent pas un volume suffisant de cas pour atteindre les mêmes niveaux d’expérience et de compétence que leurs homologues civils .

48 Voir plus particulièrement les sections 4.5.3 (COMFOSCAN) et 4.5.4.2.1 (GS 4 Div CA et 2 GBMC) du chapitre 4 (Consultations) ci-dessus

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