Questionnaire de l'honorable Christian Lyons

Document d'information

Selon le nouveau processus de demande de nomination à la magistrature institué par la ministre de la Justice le 20 octobre 2016, tout avocat ou juge canadien intéressé et ayant les qualifications requises peut poser sa candidature à la magistrature fédérale en remplissant un questionnaire à cet effet. Les questionnaires sont ensuite utilisés par les comités consultatifs à la magistrature à travers le Canada pour examiner les candidatures et soumettre à l’attention de la ministre de la Justice une liste de candidats « hautement recommandés » et « recommandés ». Les candidats sont avisés que certaines parties de leur questionnaire pourraient être rendues publiques, avec leur consentement, s’ils sont nommés à la magistrature. Les renseignements sont divulgués comme les candidats les ont fournis au moment de postuler, sous réserve des modifications apportées pour protéger leur vie privée.

Vous trouverez ci-dessous les parties 5, 6, 7 et 11 du questionnaire rempli par l'honorable Christian Lyons.

Questionnaire en vue d’une nomination à la magistrature

[...]

PARTIE 5 – EXIGENCES LINGUISTIQUES

Veuillez prendre note qu’en plus de vos réponses aux questions suivantes, votre connaissance fonctionnelle des deux langues pourrait être évaluée.

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de lire ou de comprendre des documents de la cour :

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous en mesure de discuter d’affaires juridiques avec vos collègues :

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de converser avec un avocat en cour :

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de comprendre les observations orales présentées en cour :

  • En anglais : Oui
  • En français : Non

PARTIE 6 – ÉTUDES

Noms des établissements, années d’études, diplômes et années d’obtention :

  • Université Queen's, 1999-2002, baccalauréat en droit, 2002
  • Université de Toronto, Trinity College, 1993-1997, baccalauréat ès arts (spécialisation en philosophie), 1997

Formation continue :

Tout au long de ma carrière, j'ai poursuivi ma formation juridique continue. De 2003 à 2006, j'ai participé régulièrement à des activités éducatives et de formation offertes par l'entremise de la Criminal Lawyers Association. Chaque année, de 2006 à 2013, j'ai assisté à la conférence d'une semaine sur le droit pénal de la Fédération des ordres professionnels de juristes, axée sur les litiges relatifs à la Charte et les mises à jour sur l'état du droit. J'ai aussi suivi l'atelier intensif de plaidoirie d'une semaine de l’école de droit Osgoode en 2012.

Pendant le temps que j’ai passé au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), j'ai suivi plusieurs cours offerts par l'École de la Couronne du SPPC, y compris le cours de l'École des poursuivants, le cours de rédaction juridique, la formation sur les délinquants dangereux et à risque élevé et la formation sur les bases de données génétiques. J'ai également suivi le cours sur les homicides de l'École de la Couronne de l'Ontario en 2017. Au fil des ans, j'ai également participé à de nombreuses conférences et ateliers de formation juridique continue en cabinet avec la Commission des services juridiques du Nunavut et le SPPC. J'ai également eu le plaisir d'entreprendre et de terminer une formation sur la compréhension de la culture inuite, ainsi que des cours d'inuktitut.

Prix et distinctions :

  • Prix pour services dévoués – Services juridiques Maliganik Tukisiniarvik, 2013   

PARTIE 7 – ANTÉCÉDENTS PROFESSIONNELS

Veuillez indiquer, dans l’ordre chronologique et à partir du plus récent, les emplois que vous avez exercés et précisez pour chacun la durée d’emploi et le nom de l’employeur. En ce qui concerne les emplois dans le domaine juridique, veuillez inscrire les secteurs de travail ou les spécialisations, ainsi que les années correspondantes. Au besoin, indiquez si les secteurs de travail ont changé.

Expérience de travail dans le domaine juridique :

Service des poursuites pénales du Canada, Bureau régional du Nunavut, de janvier 2014 à aujourd'hui

  • Procureur général – Opérations juridiques, de mai 2016 à aujourd'hui. Je gère et supervise quinze procureurs de la Couronne, ce qui m’amène à superviser leur travail sur les dossiers et à donner des conseils sur l'approche à adopter dans les dossiers, les propositions de résolution, la stratégie de procès, l'examen des appels et les réponses aux appels de la défense, tout en ayant ma propre charge de travail, y compris un certain nombre de poursuites en matière d'homicide.
  • Procureur principal de la Couronne (par intérim), 2015-2016. Diriger les procureurs sur les circuits judiciaires. Traitement de dossiers complexes. Superviseur du procureur de la Couronne dans le bureau auxiliaire de Kitikmeot.
  • Procureur de la Couronne, janvier 2014-2016. Avocat de la Couronne sur les circuits judiciaires dans tout le Nunavut. Procureur de la Couronne affecté à des dossiers complexes.

Commission des services juridiques du Nunavut, Services juridiques Maliganik Tukisiniarvik, 2006-2013

  • Avocat criminaliste principal, 2010-2013. Superviseur de dix avocats salariés et de nombreux avocats navetteurs du Sud. Membre du Comité des appels. Avocats de la défense dans tous les dossiers d'infractions au Code criminel.
  • Avocat salarié, 2006-2010. Avocat de la défense avec une lourde charge de travail constituée d'affaires relevant du Code criminel.

Aide juridique Ontario, Scarborough, Cour de justice de l'Ontario, 2004-2006

  • Avocat de garde, 2004-2006. Représentation d'accusés lors des enquêtes sur cautionnement; facilitation de la déjudiciarisation et des sanctions extrajudiciaires pour les adolescents; négociation de plaidoyer et plaidoyers de culpabilité

ARCH Centre de ressources juridiques pour les personnes handicapées, 2002-2003

  • Stagiaire, 2002-2003. J'ai participé à des causes types sur les droits à l'égalité dans divers contextes, notamment à la Cour suprême du Canada, à la Cour d'appel fédérale, à la Cour canadienne de l'impôt et au Tribunal des droits de la personne de l'Ontario. J'ai contribué à la rédaction de divers documents juridiques, y compris de la correspondance, des notes juridiques, des affidavits et des mémoires des tribunaux. J'ai procédé à un long interrogatoire d'un témoin et préparé des témoins experts. J'ai présenté une motion préliminaire et participé à des médiations. J'ai rédigé des articles dans des bulletins d'information et sur le site web d'ARCH. J'ai fait une présentation pour sensibiliser la communauté et participé à des conférences juridiques.

MyLegalAnswers.com, 2001

  • Recherchiste juridique, 2001

Queen’s Correctional Law Project, 2000-2001

  • Gestionnaire de cas, 2000-2001. Gestion d'un nombre important de dossiers de détenus sous responsabilité fédérale. J'ai mené des entrevues, fait des recherches sur des questions juridiques, rédigé de la correspondance et représenté des détenus aux audiences disciplinaires et aux audiences de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Expérience de travail non juridique :

  • CBC, « The Nature of Things with David Suzuki », Toronto (Ontario) – assistant de production, 2000
  • YMCA Geneva Park, Orillia (Ontario) – directeur, Programme des jeunes leaders, 1999
  • Velo-Taxi Tours, Berlin, Allemagne – chauffeur de vélo-taxi et guide touristique, 1998
  • Redhead to the Rescue Landscaping, Oakville (Ontario) - propriétaire et exploitant, 1990-1998
  • Green Bean Coffee Roasting Company, Oakville (Ontario) – barista, serveur, préparateur d’aliments, 1996-1997
  • Club de tennis Wallace Park, Oakville (Ontario) – préposé, 1990-1995

Autres expériences professionnelles :

Inscrivez toutes les associations du barreau ou comités d’affaires juridiques dont vous êtes ou avez été membre, et tous les titres des postes que vous avez occupés au sein de ces groupes, ainsi que les dates correspondantes.

  • Service des poursuites pénales du Canada, Comité national du contentieux, membre, 2016-aujourd'hui
  • Service des poursuites pénales du Canada, Comité national de signalement des délinquants dangereux, coordonnateur du Nunavut, 2016-aujourd'hui
  • Service des poursuites pénales du Canada, Comité de mise en œuvre de la Loi sur le cannabis, membre, 2017-aujourd'hui
  • Service des poursuites pénales du Canada, Comité national sur l'interaction des Autochtones avec le système de justice pénale, 2018
  • Comité d'appel de la Commission des services juridiques du Nunavut, membre exécutif, 2010-2013
  • Association of Staff Duty Counsel, vice-président et membre fondateur, 2004-2006
  • Réseau ontarien d'éducation juridique, membre, 2005-2006
  • Association of Human Rights Lawyers, membre, 2002-2006

Activités bénévoles :

Mes obligations professionnelles et éthiques en tant que procureur de la Couronne n'autorisent pas le travail juridique en dehors de mon emploi, que ce soit à titre bénévole ou autre.

Enseignement et formation continue :

Indiquez toutes les organisations et activités de formation judiciaire ou juridique auxquelles vous avez pris part (p. ex., enseignement dans une faculté de droit, au sein d’un barreau, à l’Institut national de la magistrature, à l’Institut canadien d’administration de la justice, etc.)

  • Barreau du Nunavut, conseiller en plaidoirie, 2017
  • Service des poursuites pénales du Canada, formateur en plaidoirie, 2016
  • Collège de l'Arctique du Nunavut, professeur d'interprétation juridique et conférencier invité, 2010

Activités communautaires et civiques :

Énumérez toutes les organisations dont vous êtes membre et tous les postes que vous y occupez, ainsi que les dates.

Je suis retourné à Iqaluit en mai 2016 pour assumer mon rôle actuel de procureur général, Opérations juridiques, au Service des poursuites pénales du Canada, région du Nunavut. Je ne suis actuellement membre actif d'aucun organisme communautaire.

PARTIE 11 – LE RÔLE DE LA FONCTION JUDICIAIRE DANS LE SYSTÈME JURIDIQUE CANADIEN

Le gouvernement du Canada souhaite nommer des juges ayant une connaissance approfondie de la fonction judiciaire au Canada. Afin de fournir une base solide à leur évaluation, on demande aux candidats de donner leur opinion sur des sujets généraux liés à la fonction judiciaire et au système juridique au Canada. Pour chacune des questions ci-dessous, veuillez fournir une réponse de 750 à 1 000 mots.

1. Selon vous, quelle est  votre plus grande contribution au droit et à la poursuite de la justice au Canada?

Ma contribution la plus importante au droit et à la quête de la justice au Canada est le travail que j’ai accompli pour améliorer l'accessibilité du système de justice pour les citoyens pauvres et marginalisés, en particulier les Inuits, à la fois dans mon rôle d'avocat de la défense de l'aide juridique et de procureur de la Couronne.

J'ai commencé ma carrière en droit criminel en 2003 en tant qu'avocat de garde au palais de justice de Scarborough. À ce titre, j'ai rapidement été plongé dans les réalités de la vie de personnes aux prises avec des problèmes personnels liés à la pauvreté, au manque d'emploi, à la toxicomanie et aux problèmes de santé mentale. Mes clients se sont confiés à moi, se sont fiés à moi et ont eu confiance que j'agirais dans leur intérêt supérieur, ce qui était une grande responsabilité.

Je me suis immédiatement fixé comme priorité dans tous les dossiers, non seulement de faire face à la situation de crise en cours, mais aussi d’amener mes clients à maximiser leurs chances de succès dans l'avenir en réduisant leur risque de récidive. Cela exigeait beaucoup de soin, d'écoute et d'attention aux détails. De plus, il fallait être capable de voir le fondement de chaque affaire et de me concentrer sur les vrais enjeux. J'ai appliqué ces compétences au profit de mes clients en incitant les juges à établir des conditions de mise en liberté raisonnables et en convainquant les juges d'imposer des peines qui tiennent compte de la situation de mes clients.

En 2006, j'ai déménagé à Iqaluit, au Nunavut, pour travailler comme avocat de la défense pour les Services juridiques Maliganik Tukisiniarvik. En tant qu'avocat de l'aide juridique dans l'Arctique, j'ai de nouveau été témoin des ravages de la pauvreté, du manque de scolarité, de la perte d'identité, de l'instabilité familiale et de la toxicomanie. Comme ces facteurs exerçaient habituellement une influence sur le comportement criminel de mes clients, j'ai toujours pris soin de bien informer les tribunaux de la constellation de facteurs qui avaient amené mes clients devant le tribunal lors des audiences de détermination de la peine.

Au cours de ma carrière au Nunavut, j'ai tenté d'agir comme un pont entre la société inuite et ce que beaucoup d'Inuits considèrent comme un système accusatoire étranger difficile à comprendre et souvent considéré comme inefficace pour régler les différends, rétablir les relations et réintégrer les délinquants dans la collectivité. Je me suis efforcé de me montrer sensible aux différences culturelles et j'ai toujours été conscient de la façon dont les barrières linguistiques et culturelles peuvent entraver la recherche de la vérité et de la justice, qui sont les mandats de la cour. L'affaire R. c. Shaa, où j'ai agi à titre d'avocat de la défense, en est un exemple. Dans cette affaire, on m'a permis de rouvrir le dossier de la défense afin d'explorer une évolution tardive de la théorie de la défense qui s'articulait autour des questions d'interprétation. L'effet de la barrière linguistique à laquelle faisait face mon jeune client inuit dans ses rapports avec la police, moi-même et le tribunal s'est avéré la question décisive dans cette affaire.

Dans mon rôle de procureur de la Couronne, j'ai pris soin de tenir les plaignants au courant du processus judiciaire et de les préparer efficacement à témoigner, afin de réduire au minimum la possibilité qu'ils soient de nouveau victimes du système judiciaire et d'assurer une poursuite rigoureuse et juste.

Tout au long de ma carrière, des accusés, des plaignants et des victimes m'ont exprimé leur frustration face à la lenteur des procédures judiciaires. En réponse à cela, j'ai constamment établi et maintenu des relations positives et de confiance avec l'avocat de la partie adverse, le tribunal et d'autres intervenants du système de justice. Cela m'a permis d'obtenir de manière efficace des résultats justes pour les clients et les victimes. J'évite les positions conflictuelles inutiles, qui deviennent souvent plus axées sur une joute entre les avocats, et moins sur les intérêts des clients et des victimes. Je fais des concessions raisonnables et appropriées et je simplifie les affaires. Cette approche a été appréciée par les tribunaux et les avocats de la partie adverse, qui sont tous confrontés à une lourde charge de travail.

Bien qu'axé sur la résolution, je n'ai jamais évité les litiges lorsque c'était dans l'intérêt de mon client ou dans l'intérêt de la justice, et j'ai toujours eu du succès dans ma plaidoirie en première instance.

Au fil des ans, j'ai aidé des milliers de citoyens qui n'avaient pas les moyens de se faire entendre devant les tribunaux. J'ai défendu mes clients avec vigueur et équité, et j'ai fermement et efficacement intenté des poursuites au nom des victimes et dans l'intérêt public. Je crois que mon travail a eu des répercussions significatives, tangibles et positives sur la vie des Canadiens et sur la réputation du système de justice en général.

2. Comment votre expérience vous a-t-elle permis de saisir la variété et la diversité des Canadiens et des Canadiennes et leurs perspectives spécifiques?

J'ai passé la majeure partie de mes trente premières années d’existence dans la région de Toronto, qui est la ville la plus multiculturelle du monde. Cela m'a donné l'occasion d'interagir quotidiennement avec des personnes de cultures, d'orientations sexuelles, de religions et de statuts socio-économiques différents. Les douze années que j'ai passées à vivre et à travailler dans les territoires du Nord canadien m'ont permis d’apprécier encore mieux le Canada en tant que pays d'une diversité unique et enrichissante.

Quand j'étais adolescent, je me suis porté volontaire pour aider les jeunes handicapés et leurs familles. L'amour et le dévouement dont les parents font preuve, et l'esprit souvent vibrant des enfants, ont été pour moi une magnifique leçon de résilience. Cela m'a inspiré à commencer ma carrière de stagiaire en droit dans une clinique d'aide juridique spécialisée de Toronto qui défend les droits à l'égalité des personnes handicapées. Pendant le temps que j’ai passé à la clinique, j'ai travaillé sur des cas au Tribunal des droits de la personne, à la Cour canadienne de l'impôt, à la Cour d'appel fédérale et à la Cour suprême du Canada. Ces affaires ont constitué de longues et pénibles expériences pour nos clients, et j'ai été impressionné par le courage et la détermination dont ils ont fait preuve. En apprenant à connaître des gens aux prises avec des conditions douloureuses et débilitantes, mais qui conservent tout de même une belle sagesse et de l'humour et qui savent apprécier les beaux moments de la vie, j'ai appris ce que peut accomplir une attitude positive.

Après mon travail dans le domaine du droit visant les personnes handicapées, j'ai fait la transition vers le droit criminel en travaillant comme avocat de l'aide juridique au palais de justice de Scarborough. À ce titre, je représentais des Canadiens à faible revenu, dont un pourcentage élevé de membres de minorités visibles et d'immigrants récents. Une partie du travail consistait à rencontrer et à interviewer les familles des clients. C'est ainsi que j'ai appris ce qu'est la vie des immigrants qui s'établissent au Canada, et j'en suis venu à comprendre les défis auxquels ils font face, ainsi que la persévérance et le travail acharné nécessaires pour s'intégrer avec succès dans la société canadienne. J'ai également appris le niveau de soutien que les familles aux moyens souvent limités apportent à leurs proches ayant des démêlés avec la justice, même si ces familles ont été déçues à maintes reprises par ces derniers. J'ai aussi commencé à mieux comprendre comment la pauvreté, le racisme insidieux, les problèmes de santé mentale et la toxicomanie contribuent directement à la criminalité.

Ma sensibilisation à la diversité du Canada, de même que la compréhension que j’en ai, s’est accrue lorsque j'ai déménagé au Nunavut en 2006 pour travailler dans une clinique d'aide juridique à Iqaluit. À mon arrivée, j'ai rencontré une culture en transition. Le mode de vie des Inuits a subi une transformation au cours des trois dernières générations, passant d'une société de chasse et de cueillette vieille de quatre mille ans à une économie moderne, utilisant des technologiques avancées et basée sur le salariat, avec des institutions et des langues non autochtones. Au cours de mes douze années de pratique du droit criminel au Nunavut, j'ai appris de première main les conséquences de cette transition abrupte : les collectivités du Nunavut sont aux prises avec des problèmes sociaux liés au manque d'emploi, à la toxicomanie, au coût de la vie élevé, à la pauvreté et aux traumatismes, dans une proportion beaucoup plus élevée qu'ailleurs au pays.

Ces problèmes sociaux ne définissent toutefois pas les Inuits, et les choses les plus importantes que j'ai apprises au sujet des Nunavummiut sont nées de mes interactions sociales avec eux en dehors du contexte du droit criminel. En passant du temps dans le foyer des gens de la place, en chassant et en pêchant sur la terre, en socialisant au club des Élans, en participant à des sports organisés, en nageant à la piscine, en allant au cinéma, en dansant à la Légion royale canadienne et en suivant des cours d'inuktitut, j'ai appris à connaître des Nunavummiut en santé et heureux. J'ai rencontré des familles fortes qui prospèrent, embrassent le changement, relèvent le défi de maintenir et de développer la langue inuktitut et de bâtir un Nunavut fort et progressiste. Ce sont les dirigeants communautaires qui montrent la voie à suivre pour que le Nunavut commence à surmonter les problèmes qui se posent chaque jour dans les salles d'audience du Nunavut.

Tout comme Toronto, Iqaluit est une ville multiculturelle et son importante communauté francophone n'est qu'une des nombreuses cultures qui y sont représentées. Pendant mon séjour à Iqaluit, j'ai été membre de l'association francophone et je me suis lié d'amitié avec de nombreux francophones. Cette expérience m'a permis de comprendre le caractère unique et la culture des Canadiens-Français et, d'une certaine façon, de mieux comprendre le caractère du Canada – un pays qui compte environ huit millions de francophones d'un océan à l'autre.

En 2014, après huit ans à Iqaluit, j'ai déménagé à Yellowknife pour travailler comme procureur de la Couronne dans la région de Kitikmeot, au Nunavut. J'ai trouvé que Yellowknife était une ville de l'Ouest autant qu'une ville du Nord. Pendant mes deux années à Yellowknife, j'ai aussi pu passer pas mal de temps en Alberta et au Yukon. Mon expérience dans l'Ouest canadien m'a également permis d'apprécier le caractère distinct de cette région.

3. Décrivez le rôle que doit jouer un juge dans une démocratie constitutionnelle.

Dans une démocratie constitutionnelle, un juge sert de gardien de ce que l'on appelle parfois la primauté du droit, mais qui peut aussi être considéré comme une liste d'éléments fondamentaux de notre système de justice (dont beaucoup seront traités individuellement), lesquels sont en partie enracinés dans la Constitution elle-même, mais qui peuvent aussi exister comme des caractéristiques durables d'une tradition juridique dont les racines sont beaucoup plus anciennes que les documents constitutionnels en vigueur.  

Au niveau le plus élémentaire, on demande aux juges de trancher les différends juridiques qui leur sont soumis par les parties. Dans une démocratie constitutionnelle, la capacité de porter des litiges devant un juge est un droit dont jouissent tous les citoyens. Bien que les pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement jouent un rôle essentiel dans la définition de ce droit et la délimitation des obligations de l'État, il incombe au pouvoir judiciaire de protéger cet accès public en tant que principe sacro-saint. Bien entendu, le rôle d'un juge consiste à faire plus qu’entendre des griefs; cette fonction judiciaire a pour corollaire de prévenir les abus de pouvoir ou d'y remédier.  

Les démocraties constitutionnelles comptent sur l'indépendance des juges dans l'exercice de leurs fonctions pour s'assurer que les décisions sont à la fois justes et équitables et sont perçues comme telles par la plupart. L'histoire nous enseigne que l’on ne doit pas tenir pour acquise la résilience des démocraties constitutionnelles.  Les démocraties constitutionnelles fournissent les conditions structurelles qui permettent d’établir et de protéger cette notion d'indépendance judiciaire, mais les juges eux-mêmes doivent aussi méticuleusement sauvegarder cette indépendance. 

Les juges sont souvent les arbitres de litiges entre des parties qui présentent un déséquilibre de pouvoir important. C'est le cas dans de nombreux litiges entre les citoyens et l'État, entre des citoyens et des entreprises et entre les citoyens eux-mêmes. Les juges doivent être conscients de ces inégalités et s'assurer que les résultats ne sont pas prédéterminés par des disparités de pouvoirs de nature économique, sociale ou politique. Cela impose parfois aux juges l'obligation dynamique de veiller à ce que les citoyens aient un accès réel à la justice et à ce que les obstacles économiques, sociaux ou géographiques n'aient pas pour effet d’entraver le droit des citoyens d'être entendus.

Les juges doivent veiller à ce que les tribunaux soient ouverts et transparents. Les droits linguistiques doivent être respectés et les besoins en matière d'accès doivent être pris en compte. Les motifs des décisions doivent être communiqués aux parties et au public dans un langage clair et honnête.

Les juges doivent être considérés comme objectifs et impartiaux en vertu de normes rigoureuses. Les attentes concernant la conduite des juges ne s'appliquent pas seulement à leur rôle dans la salle d'audience, mais s'étendent aussi à leur vie personnelle, où leur conduite, leurs communications et leurs relations doivent être conformes aux lois que les juges sont chargés de faire respecter et, en outre, ne doivent jamais jeter le discrédit sur la magistrature. 

Dans les démocraties constitutionnelles comme la nôtre, qui a hérité d'une tradition de common law (sans ignorer notre tradition de droit civil qui inclut le Code civil du Québec), les juges jouent un rôle de premier plan dans l'élaboration de la common law, en particulier lorsqu'elle s'applique à des situations nouvelles dans une société dynamique. En même temps, les juges doivent demeurer conscients de leur rôle et éviter de s'immiscer ou d'aller trop loin dans le domaine législatif.  

Depuis l'adoption de l'AANB il y a 150 ans, le Canada a connu de profonds changements qui ont modifié à plusieurs égards le rôle du juge. La grande expansion de l'État administratif signifie que bon nombre des pouvoirs et responsabilités du gouvernement sont délégués à des conseils et tribunaux administratifs. En dernière instance, ces organismes relèvent des tribunaux, où l'on demande aux juges de déterminer si les mesures administratives sont conformes aux pouvoirs prévus par la loi, si elles s'inscrivent dans les paramètres constitutionnels et si elles sont conformes aux principes acceptés de justice administrative et d'équité procédurale qui façonnent notre tradition juridique. 

Notre version spécifique de la démocratie constitutionnelle impose des responsabilités supplémentaires à la magistrature. Bien que ces responsabilités aient des répercussions différentes selon le niveau de l'appareil judiciaire auquel elles sont associées, les juges sont chargés de déterminer si les lois et les actions du gouvernement sont conformes aux garanties constitutionnelles qui protègent les valeurs démocratiques. 

Les juges d'un État fédéral comme le nôtre jouent un rôle central dans la délimitation de la répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les grands changements technologiques et les menaces existentielles émergentes (comme les changements environnementaux) suscitent de nouvelles responsabilités gouvernementales qui n'étaient peut-être pas prévues dans la Constitution.

Dans les démocraties constitutionnelles, les juges ont la responsabilité particulière de protéger les droits des minorités. Bien que ce rôle judiciaire soit aussi vieux que la constitution originale du Canada, l'adoption de la Charte a marqué l'affirmation formelle des droits et libertés dont jouissent tous les citoyens et qui doivent être défendus contre toute violation de la part de l’État. 

La Charte a élargi le rôle judiciaire afin d'inclure une capacité plus large de déterminer les recours en cas de violation des droits protégés. La Charte attribue par ailleurs aux juges le rôle d'établir un juste équilibre : les droits et libertés au sein des démocraties constitutionnelles ne sont pas absolus et se font même parfois concurrence. La Charte est ouverte et novatrice (par rapport aux précédentes déclarations des droits dans notre propre démocratie et dans d'autres démocraties constitutionnelles) à cet égard, car elle reconnaît expressément que les droits et libertés sont assujettis à des « limites raisonnables prescrites par la loi dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

Les juges canadiens ont un rôle supplémentaire à jouer dans la protection des droits des peuples autochtones, y compris ceux qui découlent des traités (dont certains précèdent la Confédération) et des ententes modernes sur les revendications territoriales et la gouvernance. La Loi constitutionnelle de 1982 accorde une protection expresse aux droits ancestraux et issus de traités et contient également une clause de non abrogation/non dérogation. 

Les juges doivent comprendre le contexte historique et les réalités sociales auxquelles font face les peuples autochtones et ils devraient tenir compte de ces facteurs dans leur prise de décision. Les juges canadiens doivent également savoir que les Autochtones sont surreprésentés dans le système de justice pénale. 

Les juges devraient s'efforcer d'appuyer le principe de réconciliation entre les peuples et les nations au sein de notre fédération. La reconnaissance des sources de droit autochtones n'est pas un exercice statique et continuera d'exiger des juges qu'ils s'efforcent de mieux connaître et comprendre ce patrimoine et ses effets dans notre système juridique et notre cadre constitutionnel.

4. À qui s’adressent les décisions de la cour à laquelle vous vous portez candidat?

Le public visé par les décisions rendues par les juges de la Cour de justice du Nunavut est vaste et comprend les parties aux causes présentées, les avocats, les autres tribunaux, les gouvernements, les organismes publics et privés, les organismes d'application de la loi, les représentants des médias et les divers intervenants du système judiciaire. Cependant, à mon avis, l'auditoire le plus important est la communauté en général, c'est-à-dire les Nunavummiut de tout le territoire.

Pour une foule de raisons, tant historiques que pratiques, les Inuits ont une relation complexe avec le système de justice. Il est triste de constater que le taux de criminalité par habitant au Nunavut est de loin le plus élevé au Canada, avec une marge importante. Par conséquent, un pourcentage plus élevé de Nunavummiut sont directement touchés par les procédures judiciaires que partout ailleurs au pays. Il y a plus de personnes accusées de crimes, plus de plaignants et de victimes de crimes, plus de témoins, plus de membres de la famille touchés par les conditions de mise en liberté sous caution et de probation ordonnées par le tribunal qui peuvent restreindre les contacts entre les membres de la famille. Il y a aussi plus de familles touchées lorsque les délinquants qui soutiennent leur famille par la chasse et la pêche et qui fournissent des aliments traditionnels ou un soutien financier sont retirés de la collectivité par suite d'une peine d'emprisonnement, et il y a plus de personnes convoquées pour faire partie d'un jury. Le programme de chaque semaine d'audience dans les petites communautés est toujours très chargé, et de nombreux membres de la communauté qui ne sont pas impliqués se présentent au tribunal pour assister aux procédures.

Étant donné le rôle important que joue le tribunal dans la vie des Nunavummiut, l'accessibilité est une préoccupation primordiale. Le tribunal se rend dans chacune des 25 communautés du territoire en moyenne trois à quatre fois par an. Étant donné la prédominance de la langue inuktitut et la proportion importante de locuteurs unilingues inuktitut, les services d'interprétation sont essentiels pour s'assurer que les droits linguistiques inuktitut sont respectés en tout temps, et le tribunal fait bien d'avoir des interprètes dans chaque circuit judiciaire.

Étant donné la barrière linguistique à laquelle la majorité des Nunavummiut font face lorsqu'ils interagissent avec la Cour, il est important que les décisions de la Cour soient rédigées et interprétées clairement et simplement chaque fois que c'est possible. De cette façon, le tribunal peut devenir plus pertinent sur le plan culturel pour les Nunavummiut, ce qui peut favoriser un plus grand respect du système parmi les Inuits. Les principes de détermination d'une peine visant la dissuasion générale ou spécifique et la réinsertion sont plus efficaces lorsque les personnes touchées par la peine – à savoir le délinquant, la victime et les membres de leur famille – comprennent réellement la peine et les raisons qui la justifient. De même, il est préférable de communiquer aussi clairement que possible les décisions d'acquittement et de condamnation, car de telles décisions peuvent être controversées et bouleversantes pour les membres de la communauté.  

Il est impossible d'échapper au fait que l'optique d'un tribunal avec service de navette aérienne, composé en grande partie de professionnels non inuits, peut contribuer à donner l'impression aux Inuits que le système de justice n'est pas le leur. L'une des façons dont la Cour tente de combattre cette perception est de faire en sorte que des aînés respectés siègent avec le juge pendant les audiences de détermination de la peine. Avant l'imposition de la peine, les aînés ont l'occasion de s'adresser au délinquant, habituellement dans la langue inuktitut. Cette adaptation aide à légitimer le tribunal aux yeux de la communauté et nourrit un certain sentiment d’appropriation du processus en son sein.

La Cour de justice du Nunavut doit comprendre que, historiquement, le système de justice du Nunavut est une importation d'une autre culture qui, pour être franc, ne jouit pas d'une légitimité bien établie chez tous les membres de la société inuite. C'est par des adaptations et une plus grande accessibilité que la Cour peut améliorer la situation et devenir plus pertinente et plus efficace pour son public le plus important – les Nunavummiut.

5. Veuillez indiquer les qualités personnelles, les compétences et l’expérience professionnelles ainsi que l’expérience de vie qui, selon vous, vous rendent apte à exercer le rôle de juge.

Voici les qualités personnelles qui me permettraient de bien m’acquitter du rôle de juge :

  • Je suis stable, d'humeur égale et de bon jugement.
  • Je suis conscient des dangers inhérents au fait de tirer des conclusions hâtives en l'absence d'informations suffisantes. En fait, j'ai toujours eu tendance à chercher et à considérer autant de renseignements que possible avant de prendre des décisions.
  • Je ne suis pas arrogant dans ma pensée et je suis conscient de mes limites quand je ne sais pas quelque chose.
  • Je suis débrouillard pour trouver des moyens d'approfondir mes connaissances.
  • J'ai une bonne capacité de raisonnement analytique.
  • Je suis empathique et je peux voir les situations du point de vue des autres. Je cherche à comprendre les gens selon leurs propres termes, avec une appréciation des expériences de vie qui les ont façonnés.
  • Je comprends et j’apprécie le rôle des tribunaux dans le maintien d'une société sûre et sécuritaire ainsi que la nécessité de demander des comptes aux personnes qui commettent des crimes. À mon avis, faire preuve d'empathie à l'égard des accusés ne m'empêche nullement de m'acquitter du devoir du tribunal de protéger la sécurité publique. L'empathie s'étend à tous les intervenants du système de justice, y compris les victimes d'actes criminels, le grand public, les témoins, les avocats et le personnel judiciaire.
  • J'ai eu la chance d'avoir été élevé dans une famille aimante et stable qui a favorisé le développement de certaines de ces qualités qui me rendent apte à être juge. Ma mère a eu une longue et fructueuse carrière de travailleuse sociale, et mon père était un professeur d'anglais au secondaire qui a finalement passé plus de 20 ans à travailler dans des établissements correctionnels pour enseigner la lecture et l'écriture. Ils ont été et demeurent les personnes qui ont exercé la plus grande influence sur moi.

Expériences de vie :

  • J'ai passé ma carrière à travailler auprès d'accusés, de victimes et de témoins défavorisés et issus d’horizons divers, à la fois comme avocat de la défense et comme procureur de la Couronne. La connaissance des deux côtés du litige m'a permis de mieux comprendre les diverses forces et les divers intérêts dont un juge doit tenir compte lorsqu'il prend des décisions.
  • Mon expérience m'a également appris que les affaires ne sont souvent pas ce qu'elles paraissent. Il est facile de parler de l'importance et de la nature sacro-sainte de la présomption d'innocence pour notre système de justice, mais le fait de voir de première main comment cette présomption empêche les condamnations injustifiées dans la pratique, comme je l'ai fait, inculque une appréciation profondément ressentie de la présomption d'innocence que tous les juges devraient avoir.
  • Mon expérience m'a également appris que les personnes qui commettent des infractions criminelles ne sont pas vraiment très différentes des citoyens respectueux de la loi et qu'il y a toujours un potentiel de réinsertion sociale.
  • Mes années de rencontres avec les victimes d'actes criminels m'ont permis de comprendre les répercussions profondes que le crime a sur les victimes, leur famille et l'ensemble de la collectivité.

Compétences et capacités professionnelles :

  • J'ai la capacité de cerner rapidement les vrais enjeux d'une affaire. Les tribunaux apprécient le fait que je ramène les affaires à leur essence, évitant ainsi une complexité inutile et déroutante. Lorsque je plaide, les tribunaux prennent mes arguments très au sérieux; j'ai obtenu des succès, tant comme avocat de la défense que comme procureur. Ma capacité à voir les autres points de vue m'aide à être persuasif, car je peux anticiper les arguments de l'avocat adverse, ce qui m'aide à développer des contre-arguments efficaces.
  • Je sais quand il faut insister sur une question, et je sais quand il convient de résoudre les problèmes en collaboration avec la partie adverse.
  • Je suis axé sur la résolution de conflits et j'ai la capacité d'établir des relations fondées sur la confiance et le respect mutuels. Cela m'aide à trouver des solutions justes et équitables qui évitent les litiges inutiles et coûteux, qui ont souvent plus à voir avec une guerre d'egos entre avocats qu'avec les réels besoins des personnes dont la vie est affectée par le processus.
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