Questionnaire de l’honorable William F. Pentney

Document d'information

Selon le nouveau processus de demande de nomination à la magistrature institué par la ministre de la Justice le 20 octobre 2016, tout avocat ou juge canadien intéressé et ayant les qualifications requises peut poser sa candidature à la magistrature fédérale en remplissant un questionnaire à cet effet. Les questionnaires sont ensuite utilisés par les comités consultatifs à la magistrature à travers le Canada pour examiner les candidatures et soumettre à l’attention de la ministre de la Justice une liste de candidats « hautement recommandés » et « recommandés ». Les candidats sont avisés que certaines parties de leur questionnaire pourraient être rendues publiques, avec leur consentement, s’ils sont nommés à la magistrature. Les renseignements sont divulgués comme les candidats les ont fournis au moment de postuler, sous réserve des modifications apportées pour protéger leur vie privée.

Voici les parties 5, 6, 7 et 11 du questionnaire rempli par l’honorable William F. Pentney.

Questionnaire en vue d’une nomination à la magistrature

[...]

Partie 5 – Exigences linguistiques

Veuillez prendre note qu’en plus de vos réponses aux questions suivantes, votre connaissance fonctionnelle des deux langues pourrait être évaluée.

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de lire ou de comprendre des documents de la cour :

  • En anglais : Oui
  • En français : Oui

Sans formation supplémentaire, êtes-vous en mesure de discuter d’affaires juridiques avec vos collègues : 

  • En anglais : Oui
  • En français : Oui

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de converser avec un avocat en cour : 

  • En anglais : Oui
  • En français : Oui

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de comprendre les observations orales présentées en cour : 

  • En anglais : Oui
  • En français : Oui

Partie 6 — Études

Noms des établissements, années d’études, diplômes et années d’obtention :

Deuxième cycle :

  • Maîtrise en droit (droit public) – 1987
    • Université d’Ottawa
    • Faculté de droit – Common Law
    • Scolarité : 1982-1983
    • Rédaction de la thèse : 1983-1987
    • Thèse : « Les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982 relatives aux droits des Autochtones »

Faculté de droit :

  • Baccalauréat en droit – 1982
    • Université d’Ottawa
    • Faculté de droit – Common Law
    • Période académique 1979-1982

Études universitaires préalables :

  • Baccalauréat ès arts, Histoire et sciences politiques – 1979
    • Université Queen’s
    • Période académique 1976-1979

Formation continue :

  • Advanced Management Programme, INSEAD, France (2010)
  • « Living Leadership, The Executive Excellence Program », Centre canadien de gestion (2003-2004)
  • « Leading Transitions – Excellence in Leading Change », Centre canadien de gestion (2002)
  • Divers cours en français – oral, écrit, compréhension

Distinctions académiques :

  • Université d’Ottawa, Médaille d’argent en common law – 1982
  • Bourse d’études Duff-Rinfret – maîtrise en droit – 1983
  • Médaillon des Forces canadiennes pour service distingué – 2010
  • Médaille du jubilé de diamant de la Reine – 2012
  • Nommé conseiller fédéral de la Reine – 2015

Partie 7 – Antécédents professionnels

Veuillez indiquer, dans l’ordre chronologique et à partir du plus récent, les emplois que vous avez exercés et précisez pour chacun la durée d’emploi et le nom de l’employeur. En ce qui concerne les emplois dans le domaine juridique, veuillez inscrire les secteurs de travail ou les spécialisations, ainsi que les années correspondantes. Au besoin, indiquez si les secteurs de travail ont changé.

Expérience de travail dans le domaine juridique :

  • Sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada (de nov. 2012 à juin 2017)
    • [Voir l’expérience non juridique ci-dessous pour la période d’octobre 2006 à octobre 2012]
  • Divers postes, ministère de la Justice (1999-2006)
    • Sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques
    • Sous-procureur général adjoint, Citoyenneté, Immigration et Sécurité publique
    • Administrateur général, Portefeuille des affaires autochtones
    • Directeur général, Direction de la justice applicable aux Autochtones
  • Avocat généraliste et directeur des services juridiques, Commission canadienne des droits de la personne (1991-1999)
  • Conseiller spécial, Réforme du droit et litiges, Commission canadienne des droits de la personne (1989-1991)
  • Professeur, faculté de droit, Section de la common law, Université d’Ottawa (1983-1989)

Expérience de travail dans un domaine non juridique :

  • Sous-secrétaire du Cabinet, Plans et consultations, Bureau du Conseil privé (2010-2012)
  • Sous-ministre délégué, ministère de la Défense nationale (2008-2010)
  • Secrétaire adjoint du Cabinet, Priorités et planification, Bureau du Conseil privé (2006-2008)

Autres expériences professionnelles :

Inscrivez toutes les associations du barreau ou comités d’affaires juridiques dont vous êtes ou avez été membre, et tous les titres des postes que vous avez occupés au sein de ces groupes, ainsi que les dates correspondantes.

  • Collaborateur régulier à la conférence annuelle de l’Association du Barreau canadien et aux conférences de section
  • Membre du Comité national d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, présidé par le juge Cromwell (2012-2015)
  • Membre du Comité directeur sur l’efficacité et l’accès à la justice (2015-2017)

Enseignement et formation continue :

Indiquez toutes les organisations et activités de formation judiciaire ou juridique auxquelles vous avez pris part (p. ex., enseignement dans une faculté de droit, à l’Institut national de la magistrature, à l’Institut canadien d’administration de la justice, etc.)

  • Faculté de droit de l’Université de Windsor – « Afghanistan : Exploring Legal Dimensions of Modern Conflict » – 2010
  • Conférence de l’Institut canadien d’administration de la justice (ICAJ) – 2013
  • Congrès de l’Association du Barreau canadien (Conférence annuelle et réunions d’hiver) – 2013, 2014, 2015, 2016
  • Conseil canadien de la magistrature – 2013, 2014, 2015, 2016
  • Séminaire de la Cour d’appel (Orangeville, ON) « Development of Law and Policy in the Federal Government » – 2014
  • Conférence de l’Association canadienne des commissions et conseil des droits de la personne (ACCCDP) – 2014
  • College of Law, Université de la Saskatchewan, « Access to Justice » – 2015
  • International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy (ICCLR) - 2015
  • Re-Inventing Criminal Justice: The 7th National Symposium 2015 (Le 7e Symposium national - 2015)
  • Conférence nationale de l’Association canadienne des conseillers juridiques d’entreprises (ACCJE) « Legal Innovation at DOJ » - 2015
  • Faculté de droit Schulich, Université Dalhousie « Access to Justice » - 2015
  • Programme d’excellence de la Cour suprême du Canada « Représenter le procureur général à la CSC » - 2015
  • Animer un dialogue entre l’honorable Louise Arbour et les sous-ministres sur l’équilibre entre la sécurité des citoyens et le maintien de la tradition canadienne de protection des droits de la personne (Série de séminaires des SM) 2016
  • Conférence sur les tendances de la CSC « Reflections on Governance in the 21st Century » - 2016
  • Conférence de droit international public - 2016

Activités communautaires et civiques :

Indiquez toutes les organisations dont vous êtes membre ou tout poste que vous avez occupé, ainsi que les dates correspondantes.

[...]

  • Coprésident de la Campagne de charité du gouvernement du Canada - la plus importante campagne de financement en milieu de travail au Canada (2015 - 2016)
  • Conseil d’administration, Centraide Ottawa (2015-2016)
  • Conseil d’administration de Construction de Défense Canada (2009-2010)

Partie 11 – Le rôle de la fonction judiciaire dans le système juridique canadien

Le gouvernement du Canada souhaite nommer des juges ayant une connaissance approfondie de la fonction judiciaire au Canada. Afin de fournir une base solide à leur évaluation, on demande aux candidats de donner leur opinion sur des sujets généraux liés à la fonction judiciaire et au système juridique au Canada. Pour chacune des questions ci-dessous, veuillez fournir une réponse de 750 à 1 000 mots.

1. Selon vous, quelle est votre plus grande contribution au droit et à la quête de la justice au Canada?

J’ai eu la chance, au cours de ma carrière variée, d’avoir de nombreuses occasions de contribuer au droit et à la poursuite de la justice au Canada.

J’estime que ma contribution la plus importante a été d’avoir contribué à façonner le droit lié aux droits de la personne tout au long de ma carrière. En tant que professeur de droit, auteur de textes juridiques, avocat et conférencier, j’ai eu l’occasion de contribuer à certains des concepts juridiques fondamentaux qui sous-tendent le droit actuel en matière d’égalité, notamment les critères de discrimination directe, indirecte et par suite d’effets préjudiciables, le concept de discrimination systémique et les éléments de preuve appropriés, la nature et la preuve des défenses contre des allégations de discrimination, et finalement le cadre correctif. Je crois que mon travail dans ce domaine a apporté une contribution durable et significative au droit et à la poursuite de la justice.

Dans mon travail au ministère de la Justice, j’ai contribué à d’autres aspects des droits de la personne et de la quête de la justice, notamment en dirigeant la Direction de la justice applicable aux Autochtones, qui appuie les programmes de justice réparatrice et traditionnelle dans les collectivités autochtones du Canada. J’ai également travaillé sur des stratégies de règlement dans le dossier des pensionnats indiens, la réforme du droit pénal, la réforme du droit de la famille et l’amélioration des programmes, et j’ai cherché à appuyer l’innovation dans la prestation de l’aide juridique en matière pénale partout au Canada. J’ai eu le privilège de participer à titre de membre du Comité national d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, sous la direction du juge Cromwell de la Cour suprême du Canada, et de siéger au Comité directeur sur l’efficacité et l’accès à la justice, qui réunit des représentants de tous les secteurs du système de justice pénale pour améliorer l’accès au système et son efficacité. De plus, j’ai beaucoup travaillé sur les questions relatives à la réconciliation entre le Canada et les peuples autochtones, dans le cadre de mes travaux universitaires, en tant que praticien et maintenant comme sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada.

Tout ce travail a fait appel au leadership dans la promotion et la protection des droits de la personne, en mettant particulièrement l’accent sur la traduction des théories et des principes juridiques en outils pratiques pour tirer parti de l’expérience vécue relative à l’exclusion et à la discrimination. Je crois que cet ensemble de travaux constitue ma contribution la plus importante au droit et à la poursuite de la justice au Canada.

2. Comment votre expérience vous a-t-elle permis de saisir la variété et la diversité des Canadiens et des Canadiennes et leurs perspectives spécifiques?

Tout au long de ma carrière, j’ai eu le grand privilège de travailler dans toutes les provinces et tous les territoires et de travailler avec des Canadiens remarquables de diverses origines et de partout au pays. J’ai passé toute ma vie adulte à travailler sur des questions d’égalité, de discrimination, d’inclusion et d’appartenance, d’une manière ou d’une autre.

En tant qu’enseignant en droit, mon enseignement et mes écrits étaient axés sur les droits de la personne, les droits ancestraux et issus de traités, et la Charte des droits et libertés. Au cours de cette période, j’ai travaillé avec une variété de gens et de groupes à la défense des droits de la personne et j’ai acquis une meilleure compréhension de l’expérience vécue par les différentes communautés minoritaires.

À la Commission canadienne des droits de la personne, j’ai travaillé sur une vaste gamme de questions juridiques, souvent en collaboration avec d’autres commissions des droits de la personne et des groupes de la société civile représentant les minorités et les populations vulnérables. Grâce à ce travail, j’ai pu constater les dommages causés à certains individus et groupes par toutes sortes de discriminations. J’ai également eu la chance de voir le pouvoir et la promesse de la loi dans l’élaboration et la mise en œuvre de solutions pour remédier à la discrimination et chercher à la prévenir. De plus, j’ai plaidé et fourni des conseils juridiques sur des causes provenant de partout au Canada, y compris des territoires, impliquant le gouvernement fédéral et des employeurs et fournisseurs de services réglementés par le gouvernement fédéral.

Au ministère de la Justice, j’ai travaillé dans les domaines de la justice pour les Autochtones, de l’immigration, des droits de la personne et de la vie privée, de la sécurité nationale, du droit pénal et d’une foule d’autres questions juridiques. J’ai travaillé avec des professionnels exceptionnels de partout au pays dans des équipes très diversifiées. Deux expériences se démarquent : l’occasion de passer une longue période dans un camp en milieu sauvage au Yukon avec Harold Gatensby, un leader autochtone de la justice réparatrice et communautaire, et de voir le leadership et la force qu’il a acquis en s’inspirant de ses traditions et en dirigeant sa communauté et d’autres sur la voie de la guérison et de la reconstruction. Ce fut vraiment une expérience remarquable qui m’a laissé une empreinte indélébile. De même, j’ai eu l’occasion de travailler en étroite collaboration avec les membres de la Table ronde transculturelle sur la sécurité nationale depuis le 11 septembre 2001. Ces personnes, issues d’un large éventail de communautés minoritaires de partout au Canada, ont participé à des discussions réfléchies et approfondies sur les questions de sécurité nationale telles que vécues par leur communauté, et ont fourni des conseils et une aide aux ministères et organismes fédéraux dans le développement et l’application des lois, politiques et pratiques dans ce nouveau domaine. J’ai beaucoup appris de ces dirigeants. En écoutant leurs expériences et leurs points de vue, j’ai accru ma connaissance de moi-même et de mes propres idées préconçues, et j’ai appris à mieux comprendre comment les diverses perspectives contribuent à de meilleures solutions.

Enfin, j’ai eu le privilège de diriger la plus grande organisation juridique du Canada, le ministère de la Justice. Le Ministère a des bureaux partout au Canada et dans le Nord; il s’occupe de questions provenant de toutes les régions du Canada. C’est un milieu de travail diversifié et dynamique. Le Ministère appuie également le gouvernement national, qui est lui-même composé de ministres représentant toutes les régions du Canada. Ce travail est un rappel quotidien de la complexité du pays, dans toute sa diversité.

3. Décrivez le rôle que doit jouer un juge dans une démocratie constitutionnelle.

Le rôle d’un juge dans une démocratie constitutionnelle comporte de nombreuses dimensions. Premièrement, un juge doit chercher à rendre justice conformément à la loi, ce qui implique le règlement des différends par un processus équitable et la prise d’une décision fondée sur l’application impartiale, diligente et réfléchie de la loi aux faits. J’ajouterais qu’un juge doit faire preuve de compassion, d’empathie et de compréhension de la condition humaine des personnes qui comparaissent devant la Cour, tout en étant conscient des conditions et du contexte social qui servent de toile de fond à l’affaire. Un juge doit agir avec intégrité et indépendance dans tous les domaines, à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience. Tout ceci est vrai pour n’importe quel juge dans n’importe quel contexte juridique et politique.

La question du rôle « approprié » d’un juge dans une démocratie constitutionnelle met en lumière la question du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement. Je dirais qu’il y a là quelques principes directeurs clairs, mais leur application dans des cas particuliers ne peut se faire par le biais de règles strictes et rapides. D’abord, la magistrature au Canada a été impliquée dans le règlement des différends constitutionnels dès le début – en commençant par les cas de partage des pouvoirs, puis en passant par le contrôle judiciaire des décisions ministérielles et gouvernementales, puis en appliquant des concepts émergents tels que la « charte implicite des droits ». Avec l’adoption de la Charte et des droits ancestraux et issus de traités prévus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les attentes des Canadiens, le libellé des garanties de la Charte, l’obligation de déterminer si les limites imposées aux droits sont raisonnables et justifiables en vertu de l’article premier et l’obligation d’élaborer une mesure corrective appropriée ont pris des aspects totalement nouveaux. Ces fonctions ont été confiées au pouvoir judiciaire par les représentants démocratiquement élus du pays et sont enchâssées dans notre document constitutionnel de base.

À la lumière de ce qui précède, je crois que le rôle « approprié » d’un juge dans une démocratie constitutionnelle est d’agir avec intégrité et indépendance dans l’évaluation de la validité des lois ou des actions gouvernementales et dans l’application du droit aux faits de l’espèce. Étant donné la nature de l’évaluation en regard de la Constitution, je crois qu’il est important que les juges fassent preuve d’une certaine humilité par rapport à leurs connaissances lorsqu’ils évaluent la validité d’une loi ou de mesures gouvernementales. J’ai participé activement à l’élaboration des politiques et aux processus du Cabinet et parlementaire, et j’ai constaté à quel point il peut être complexe de trouver le juste équilibre lorsque l’on traite de nombreux intérêts, droits et perspectives différents et interdépendants. Compte tenu de ce qui précède, je suis tout à fait conscient des défis que la magistrature doit relever pour régler les questions juridiques qui ont été formulées par les parties, en fonction de leurs intérêts respectifs, dans le cadre d’un processus et de règles qui limitent la portée des consultations ou le rôle que pourrait jouer d’autres voix pour présenter des preuves et des perspectives. Je crois donc que les juges doivent généralement faire preuve de respect pour le processus décisionnel législatif ou gouvernemental et d’humilité lorsqu’ils évaluent si l’équilibre atteint est invalide en vertu de la Charte.

D’un autre côté, j’ai aussi vu comment des questions politiques difficiles peuvent être ignorées ou reportées par les gouvernements ou les législatures, ou au contraire traitées si rapidement et avec une telle concentration sur un résultat particulier que cet éventail de perspectives et de preuves n’est jamais mis à profit. Dans de nombreux cas, il s’agit de lois qui ont été adoptées bien avant l’adoption de la Charte des droits et libertés ou avant l’élaboration de la jurisprudence actuelle. Dans de tels cas, le juge doit faire preuve du courage nécessaire pour remplir le mandat que les Canadiens lui ont confié et appliquer les doctrines constitutionnelles de façon téléologique, à la lumière du contexte général et de la promesse de protection inhérente à la Charte des droits enchâssée dans la Constitution. Cela peut parfois impliquer de diriger plutôt que de suivre, et là encore, je dirais qu’un certain degré d’humilité est essentiel, à la fois pour élaborer une nouvelle doctrine et pour créer de nouveaux recours. Toutefois, il est tout à fait approprié dans ce type de situation qu’un juge donne plein effet aux garanties constitutionnelles, sachant qu’il est généralement loisible aux pouvoirs législatif et exécutif d’intervenir s’ils le jugent opportun.

Enfin, dans tout ce qu’il dit, écrit ou fait, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle d’audience, le juge assume la responsabilité de gérance de l’institution de la branche judiciaire de la gouvernance. Les Canadiens et Canadiennes ont conféré un grand pouvoir et une grande responsabilité à la magistrature, et ils ont confiance, à juste titre, que les juges les utiliseront judicieusement. Ils s’attendent aussi, à juste titre, à ce que la magistrature respecte les normes de conduite les plus élevées, ce qui constitue un autre aspect du rôle « approprié » d’un juge dans une démocratie constitutionnelle.

4. À qui s’adressent les décisions de la cour à laquelle vous vous portez candidat?

Le premier auditoire pour les décisions rendues par la Cour fédérale est constitué par les parties en cause. Ils méritent une décision qui reflète équitablement les positions qu’ils ont défendues devant la Cour et qui présente une explication impartiale, rigoureuse et approfondie de la décision, rédigée dans un langage compréhensible.

L’auditoire suivant est celui des décideurs qui seront liés par la loi découlant de la décision – les membres du tribunal qui ont rendu la décision portée en appel. Le rôle d’un tribunal est de résoudre les questions pour les parties et de fournir des conseils à ceux qui sont tenus d’appliquer la loi telle qu’elle est énoncée dans la décision. Pour la Cour fédérale, cela comprend les organismes administratifs dont les décisions font l’objet d’un appel ou d’un contrôle par la Cour. En ce qui concerne les questions de droit, cela exige une précision de la pensée et de l’expression, ainsi qu’une capacité à comprendre les circonstances différentes et variées dans lesquelles la doctrine juridique est susceptible d’être appliquée ultérieurement, dans la mesure où on peut le faire.

Un troisième auditoire est constitué de ceux qui peuvent se fier à la décision pour obtenir des conseils sur le droit, y compris d’autres juges et avocats qui conseillent les parties sur des questions de droit ou sur son application à des situations factuelles similaires. Cela comprend les groupes les plus directement touchés par la doctrine énoncée dans la décision, par exemple les demandeurs d’asile, les Premières nations, les groupes qui revendiquent l’égalité ou les sociétés. La Cour suprême du Canada, qui peut entendre l’affaire en appel ou se référer à la décision dans son exposé de la loi, constitue un auditoire distinct.

Le grand public et les médias constituent un autre auditoire. Les décisions sont maintenant largement disponibles, et les décisions de la Cour doivent être rédigées de manière à être comprises par d’autres publics que ceux composés d’experts. Il y a des limites à cela, étant donné la responsabilité première de rendre justice aux parties conformément à la loi et aux exigences du processus décisionnel judiciaire, mais les décisions doivent être rédigées de manière à ce qu’un lecteur raisonnablement informé, qu’il soit membre du public ou journaliste, puisse comprendre les conclusions essentielles et les motifs juridiques qui ont orienté la décision. Cela exige clarté et simplicité dans l’expression écrite, et soin dans les passages essentiels pour exprimer les concepts d’une manière qui soit facilement compréhensible.

Enfin, la communauté juridique universitaire est un auditoire pertinent. Il n’appartient pas au juge de plaire aux universitaires en citant leurs travaux au hasard; il est toutefois pertinent de tenir compte du fait que les tribunaux interprètent le droit qui, dans de nombreux domaines, constitue le « dernier mot », puisque très peu de décisions sont portées en appel. En ce sens, la Cour s’emploie à clarifier et parfois à développer le droit, et ses décisions seront lues et analysées par des juristes universitaires.

5. Prière d’indiquer les qualités personnelles, les compétences et aptitudes professionnelles ainsi que l’expérience de vie qui, selon vous, vous rendent apte à exercer le rôle de juge.

D’abord et avant tout, je vois l’occasion d’exercer les fonctions de juge comme un moyen de continuer à servir le public, le Canada et les Canadiens et Canadiennes dans un nouveau rôle. Je crois que mon expérience professionnelle et personnelle, ainsi que mes qualités personnelles, constituent une base solide pour le rôle d’un juge.

Ma carrière professionnelle variée m’a donné l’occasion d’enseigner le droit, de le pratiquer, de voir le droit en action en tant que client et de participer à son développement grâce à mon expérience de première main dans le soutien que j’ai accordé au Cabinet et au gouvernement dans les décisions relatives aux lois et règlements.

En tant que professeur de droit, j’ai enseigné et écrit sur le droit – principalement le droit à l’égalité et le droit de ne pas subir de discrimination, les droits autochtones ancestraux et issus de traités, le droit constitutionnel, ainsi que les contrats et les recours. L’enseignement exigeait que j’apprenne à transmettre des idées juridiques complexes clairement et simplement, à écouter efficacement et à aborder les questions juridiques sous divers angles. Cela a aiguisé ma capacité à m’exprimer clairement et efficacement dans mes communications orales et écrites. Cela m’a également permis de participer à des activités juridiques externes, y compris la prise de parole, la recherche et la rédaction, et de siéger comme membre d’une commission d’enquête en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.

À la Commission canadienne des droits de la personne, j’exerçais le droit et je fournissais des conseils aux commissaires sur une vaste gamme de questions juridiques, dans tous les domaines de l’emploi et des services relevant de la compétence fédérale. J’ai agi à titre d’avocat ou de conseiller juridique dans le cadre d’un certain nombre d’appels et j’ai participé à l’élaboration d’une orientation stratégique sur d’importantes questions de litige, de politique juridique et de droits de la personne, notamment la discrimination salariale systémique à l’endroit des femmes au gouvernement fédéral (la plus importante affaire de discrimination systémique jamais traitée au Canada), la discrimination raciale, l’application de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, la loi et la théorie sur l’égalité prévue à l’article 15 de la Charte. Cette expérience m’a permis d’acquérir des compétences et des habiletés en stratégie juridique, d’approfondir ma compréhension des implications des décisions et des doctrines appliquées à un large éventail de situations et de perfectionner mes compétences en tant qu’avocat en appel. J’ai également eu l’occasion de travailler avec des avocats de premier ordre provenant de commissions, de syndicats, d’organisations non gouvernementales et de cabinets privés de partout au Canada. J’ai travaillé en étroite collaboration avec des avocats d’autres commissions des droits de la personne et j’ai eu l’occasion de me rendre dans chaque province et territoire, de plaider des causes ou de faire des présentations à des conférences sur les droits de la personne et les droits à l’égalité. Enfin, cette expérience m’a permis d’acquérir une riche compréhension de la discrimination et de l’exclusion, grâce à des interactions avec des plaignants dont l’expérience de vie liée à l’exclusion et à la discrimination a motivé mon travail et l’a inspiré.

Au ministère de la Justice, j’ai vécu une vaste gamme d’expériences : administration de programmes de justice alternative dans certaines des collectivités autochtones les plus éloignées et les plus pauvres du Canada; élaboration de stratégies de règlement des séquelles des pensionnats indiens; élaboration et mise en œuvre de lois antiterroristes après les attentats du 11 septembre, et encore après l’attentat de Québec et celui d’Ottawa; traitement de certaines des questions juridiques les plus complexes et les plus difficiles auxquelles le gouvernement fédéral s’est attaqué au cours des dernières années, notamment la prostitution, l’aide à mourir, la réforme du droit pénal, les lois antiterroristes, les crimes de guerre modernes et les recours collectifs impliquant un large éventail d’activités et de lois fédérales. Cela m’a permis de participer directement au « cycle de vie complet » des lois – à la défense contre une contestation fondée sur la Charte, à la prise de décision, en passant par l’élaboration de politiques menant aux discussions et à l’approbation du Cabinet, aux débats parlementaires et à la mise en œuvre, suivis d’autres contestations judiciaires. Cette expérience m’a permis de renforcer mes capacités d’analyse juridique et de réflexion stratégique et m’a permis de mieux comprendre les implications du droit et de l’élaboration des lois, des jugements et des opinions et réactions de la communauté en général face aux développements juridiques. Cela m’a également permis de travailler avec d’autres avocats hautement qualifiés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement, et de développer mes capacités de leadership, de coéquipier, d’écoute, de compréhension, de présentation et de défense de positions juridiques.

Je suis fier de mon intégrité, de mon honnêteté, de mon équité et de ma compassion –des qualités qui, à mon avis, caractérisent un bon juge. Je travaille extrêmement bien avec les autres et je cherche toujours à comprendre une grande diversité de points de vue. J’ai eu la chance de voyager et de travailler dans toutes les juridictions du Canada et dans certains contextes internationaux (Afrique du Sud, Afghanistan). Grâce à mes diverses expériences de travail, j’ai acquis une riche compréhension de l’expérience de la discrimination et de l’exclusion. J’ai également eu le privilège de travailler dans un contexte diversifié, bilingue et sous deux régimes juridiques tout au long de ma carrière professionnelle. La plupart des gens me décriraient comme quelqu’un d’intelligent, d’ouvert d’esprit et de juste, comme un communicateur hautement qualifié et quelqu’un de talentueux pour la résolution de problèmes. Ils diraient que je suis un travailleur extrêmement assidu qui gère un travail très stressant tout en maintenant un fort dévouement envers ma famille et ma communauté.

En tant que sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, j’ai également développé ma capacité de prendre des décisions – de recueillir les faits pertinents, d’entendre divers points de vue, puis de prendre une décision. Je gère maintenant l’organisation juridique la plus importante et la plus complexe du Canada, et la prise de décisions est une exigence quotidienne de mon travail. Dans mes fonctions antérieures au Bureau du Conseil privé, et en particulier au ministère de la Défense nationale, j’ai aussi dû prendre des décisions sur des questions difficiles et complexes, souvent dans des délais très serrés. Grâce à ces expériences, j’ai amélioré ma capacité à prendre des décisions opportunes et efficaces et à gérer le stress associé à de telles responsabilités.

Enfin, depuis mon entrée à la fonction publique, j’ai travaillé dans un contexte où la discrétion et l’intégrité personnelle sont requises dans tous les aspects de ma vie. Je m’occupe maintenant de questions qui touchent les secrets du Cabinet et du gouvernement, ainsi que de questions de sécurité nationale. Je comprends les normes élevées de bonne conduite et de discrétion auxquelles sont assujettis à juste titre les fonctionnaires au Canada, et je vis dans ce contexte depuis de nombreuses années. Je suis fier de vivre dans un pays qui tient ses plus hauts fonctionnaires à des normes aussi exigeantes, et je suis convaincu que je peux répondre à ces attentes.

6. Compte tenu de l’objectif voulant que les Canadiens et Canadiennes se reconnaissent et reconnaissent leur expérience de vie dans les visages de la magistrature, vous pouvez, si vous le voulez, ajouter des renseignements sur vous-même dans la mesure où ils serviraient cet objectif.

Je suis un Canadien passionnément fier et, si j’ai la chance d’être nommé à la Cour fédérale, j’espère que beaucoup de gens verront mon histoire comme leur histoire.

Je suis l’un des six enfants de parents qui ont travaillé dur pour subvenir aux besoins de leur famille, mais qui ont eu une vie très modeste. Je suis né et j’ai grandi dans de petites villes à l’extérieur de Sudbury, et je suis le premier de ma famille à obtenir un diplôme universitaire (deux frères et ma sœur ont obtenu leur diplôme plus tard). Je suis le premier dans ma famille à devenir avocat. J’ai fait des études universitaires en travaillant sous terre dans des mines à Sudbury et au nord de Thunder Bay. Comme beaucoup de Canadiens et Canadiennes, le sacrifice et le soutien de mes parents m’ont permis d’aller à l’université.

J’ai passé ma vie d’adulte au service de ma communauté et de mon pays, comme enseignant, comme praticien, et comme fonctionnaire. J’ai eu la très grande chance de parcourir mon pays d’est en ouest et jusque dans le Grand Nord, et de travailler avec des Canadiens et Canadiennes vraiment remarquables sur des questions importantes pour notre pays. J’ai travaillé fort pour en apprendre davantage sur le pays, pour essayer de comprendre ce que signifie le fait d’être perçu comme « l’autre » dans tout l’éventail des expériences de vie des Canadiens et Canadiennes, et pour apporter ce que j’espère être une contribution précieuse pour rendre notre pays plus juste, plus égal et plus libre.

Je suis marié depuis 36 ans à une partenaire extraordinaire, une enseignante qui a fait beaucoup de sacrifices pour soutenir mon service public. Je suis fier d’être père de deux filles, et je les ai vues toutes les deux devenir avocates et devenir de jeunes femmes merveilleuses qui apportent une grande contribution au Canada.

J’espère que les autres verront en moi quelqu’un d’intègre, d’honnête, d’empathique et de compatissant. Quelqu’un qui est fier de vivre dans une société diversifiée, ouverte et inclusive. Un homme curieux de la vie des autres, conscient de notre histoire, avec ses gloires et ses échecs, fier de ce que nous sommes et du genre de communauté que nous avons bâtie, plein d’espoir pour notre avenir, et touché humblement par le grand privilège d’avoir eu tant d’occasions de contribuer à cette société. De cette façon, mon histoire est semblable à celle de tant d’autres Canadiens et Canadiennes.

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