Questionnaire de l’honorable Paul Favel
Document d'information
Selon le nouveau processus de demande de nomination à la magistrature institué par la ministre de la Justice le 20 octobre 2016, tout avocat ou juge canadien intéressé et ayant les qualifications requises peut poser sa candidature à la magistrature fédérale en remplissant un questionnaire à cet effet. Les questionnaires sont ensuite utilisés par les comités consultatifs à la magistrature dans l’ensemble du Canada pour examiner les candidatures et soumettre une liste de candidats « hautement recommandés » et « recommandés » à l’attention du ministre de la Justice . Les candidats sont avisés que certaines parties de leur questionnaire pourraient être rendues publiques, avec leur consentement, s’ils sont nommés à la magistrature. Les renseignements sont divulgués comme les candidats les ont fournis au moment de postuler, sous réserve des modifications apportées pour protéger leur vie privée.
Voici les parties 5, 6, 7 et 11 du questionnaire rempli par l’honorable Paul Favel.
Questionnaire de nomination à la magistrature
Partie 5 — Langue
Veuillez noter qu’en plus de vos réponses aux questions énoncées ci-après, vous serez peut-être évalué sur votre connaissance fonctionnelle des deux langues.
Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de lire ou de comprendre des documents de la cour en :
- Anglais : Oui
- Français : Non
Sans formation supplémentaire, êtes-vous en mesure de discuter d’affaires juridiques avec vos collègues :
- Anglais : Oui
- Français : Non
Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de converser avec un avocat en cour en :
- Anglais : Oui
- Français : Non
Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de comprendre les observations orales présentées en cour en :
- Anglais : Oui
- Français : Non
Partie 6 – Études
Nom des établissements, années d’études, diplômes et années d’obtention :
Université de la Saskatchewan, de 1989 à 1992, baccalauréat en arts obtenu en 1995
Université Dalhousie, de 1992 à 1995, baccalauréat en droit obtenu en 1995
Formation continue :
Mentions et prix :
Prix Lexpert remis aux avocats de talent de moins de 40 ans, 2008
Titre de conseil de la Reine de la Saskatchewan, 2010
Meilleurs avocats au Canada (Saskatchewan), de 2012 à 2016
Partie 7 – Historique professionnel et d’emploi
Veuillez indiquer dans l’ordre chronologique et à partir du plus récent les emplois que vous avez exercés, et préciser pour chacun la durée applicable et le nom de l’employeur. Concernant les emplois dans le domaine juridique, inscrire les secteurs de travail ou les spécialisations, ainsi que les années correspondantes. Au besoin, indiquez si les secteurs de travail ont changé.
Expérience de travail dans un domaine juridique :
MCKERCHER LLP (de 2004 à aujourd’hui, anciennement de 1995 à 1998)
HUMAN RIGHTS COMMISSION de la Saskatchewan, commissaire en chef adjoint (de 2011 à aujourd’hui)
FEDERATION OF SASKATCHEWAN INDIAN NATIONS, directeur de la gouvernance des traités/conseiller juridique (2004)
ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS, conseiller du chef national (2003)
FEDERATION OF SASKATCHEWAN INDIAN NATIONS, avocat général (de 2002 à 2003)
BURCHELL MACDOUGALL, avocat associé (de 2001 à 2002)
PILLIPOW & COMPANY, avocat associé (de 1998 à 2000)
Expérience de travail dans un domaine non juridique :
ISHKONIGAN INC., directeur général des opérations (de 2015 à aujourd’hui)
NATION CRIE DE POUNDMAKER, membre du conseil de bande (de 2012 à 2013)
CONVENTION DE RÈGLEMENT RELATIVE AUX PENSIONNATS INDIENS, membre du comité de supervision (de 2010 à aujourd’hui)
PREMIÈRE NATION DE INDIAN BROOK, conseiller (2001)
Autre expérience professionnelle :
Inscrivez toutes les associations du Barreau ou comités d’affaires juridiques dont vous êtes ou avez été membre, et tous les titres des postes que vous avez occupés au sein de ces groupes, ainsi que les dates correspondantes.
Association du Barreau canadien
Bénévolat :
Enseignement et formation continue :
Indiquez toutes les organisations et activités de formation juridique ou judiciaire auxquelles vous avez participé (p. ex., cours d’enseignement à une faculté de droit, à une association du Barreau, à l’Institut national de la magistrature, à l’Institut canadien d’administration de la justice, etc.)
Université de la Saskatchewan, Collège de droit. Chargé de cours à temps partiel, nouveau cours sur le développement économique des Premières Nations, automne 2016
Activités communautaires et civiques :
Indiquez toutes les organisations dont vous êtes membre ou tout poste que vous avez occupé, ainsi que les dates correspondantes.
Ancien membre du conseil d’administration, Grands frères et grandes sœurs de Saskatoon
Ancien membre du conseil d’administration, Association pulmonaire de la Saskatchewan
Ancien coach de soccer, association communautaire de Silverwood Heights
Ancien coach de soccer, club international de soccer Hollandia
Partie 11 – Le rôle de la fonction judiciaire dans le système juridique canadien
Le gouvernement du Canada souhaite nommer des juges ayant une connaissance approfondie du rôle de la fonction judiciaire au Canada. Afin de fournir une base solide à leur évaluation, on demande aux candidats de donner leur opinion sur des sujets généraux liés à la fonction judiciaire et au système juridique au Canada. Pour chacune des questions ci-dessous, veuillez fournir une réponse de 750 à 1 000 mots.
1. Que considérez-vous comme votre plus grande contribution au droit et à la poursuite de la justice au Canada?
Je considère que ma plus importante contribution au droit et à la justice s’inscrit dans le domaine de l’éducation en parvenant à la réconciliation pour les Canadiens autochtones. Grâce à l’expérience que j’ai acquise en tant qu’avocat autochtone en Saskatchewan et à mon travail auprès des collectivités des Premières Nations, j’ai pu me renseigner au sujet de questions de droit autochtone et bénéficier de l’occasion d’instruire les collectivités autochtones et non autochtones au sujet des questions de droit autochtone et des peuples autochtones en général.
J’ai été le premier membre des Premières Nations à faire un stage, à travailler comme avocat collaborateur et à devenir associé chez McKercher LLP, ce qui a été formateur pour moi, pour les avocats et le personnel de soutien de McKercher LLP. Mon passage au sein de McKercher LLP m’a permis non seulement de voir de mes propres yeux un exemple de réconciliation, mais il m’a aussi donné l’occasion d’avoir des conversations respectueuses sur les grands enjeux juridiques et politiques autochtones et sur les questions sociétales, y compris les relations raciales en Saskatchewan et au Canada. Je crois que mon passage au sein de McKercher LLP s’est avéré formateur, car cette société s’engage non seulement à étendre notre champ d’exercice en droit autochtone, mais aussi à accroître le nombre d’avocats issus des Premières Nations au sein du cabinet. Je suis fier de dire que nous comptons maintenant cinq avocats autochtones au sein de McKercher LLP. Ce fut une expérience d’apprentissage précieuse pour toutes les personnes concernées. Je pense que cette expérience illustre une façon dont l’éducation peut servir d’instrument pour amorcer la réconciliation.
Alors que j’étais à l’emploi de McKercher LLP, mon mandat au nom des collectivités autochtones comportait un volet éducatif à tous les niveaux. La majeure partie de mon travail juridique a porté sur le mieux‑être des communautés autochtones, que ce soit au moyen d’activités de développement économique et de gouvernance ou d’activités sociales et éducatives. Par exemple, j’ai participé à un partenariat unique entre une Première Nation et un conseil scolaire, lequel visait à améliorer les résultats scolaires des enfants des Premières Nations. Ce travail a nécessité des négociations avec divers paliers de gouvernement et la division scolaire pour veiller à atteindre les objectifs de la Première Nation. L’observation des résultats pédagogiques de ce partenariat sera stimulante.
Mon travail dans le cadre des négociations sur l’autonomie gouvernementale m’a également permis de tenter de concilier les échanges entre les gouvernements des Premières Nations et le Canada. Souvent, mes clients souhaitent remédier aux injustices du passé et aux effets néfastes des lois et des politiques visant les Premières Nations, puis participer de façon significative à la société. Le renforcement de leur gouvernance et de leurs structures économiques se trouve au cœur de ces négociations.
Sur le plan du développement économique, j’ai pu aider les clients à utiliser les lois fédérales et provinciales pour avancer vers leurs objectifs. Un élément essentiel de ce travail exige de garder un canal de communication ouvert avec des membres de la communauté pour les tenir au courant et les mobiliser à l’égard des diverses possibilités de développement économique. J’ai dû apprendre à utiliser certaines lois, comme la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la Loi sur la gestion financière des premières nations, pour faire progresser les Premières Nations dans la gestion de leurs terres de réserve. J’ai également dû faire connaître ces Lois aux collectivités autochtones et leur enseigner comment les utiliser dans le cadre de leur stratégie de développement économique.
Parmi les autres apports au droit et à la justice au Canada, mentionnons mes fonctions au sein de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan, du Comité de surveillance, ainsi que celles de chargé de cours à temps partiel à la faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan. Ma participation dans chacun de ces domaines comportait un important volet éducatif et, par conséquent, j’en suis venu à apprécier le rôle décisif que joue l’éducation dans les travaux de réconciliation. À la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan, nous avons pris l’initiative d’intégrer l’enseignement des droits, des responsabilités et du respect dans le programme scolaire de la province. Cette initiative vise globalement à ce que les citoyens puissent continuer à participer à notre processus démocratique. Ce fut une expérience extraordinaire de prendre part à une initiative aussi stimulante et grandement nécessaire. En tant que membre du Comité de surveillance, j’ai participé à de nombreuses initiatives visant non seulement à sensibiliser les gens aux pensionnats, mais aussi à veiller à ce que le processus d’évaluation indépendant demeure axé sur le client et à protéger les intérêts des demandeurs. Le processus d’évaluation indépendant, aussi difficile qu’il soit, vise à indemniser les demandeurs. Plus récemment, à titre de chargé de cours à la faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan, j’ai eu le grand plaisir d’élaborer le tout premier séminaire sur le développement économique des Premières Nations. Dans ce cours, j’ai tenté de faire en sorte que les étudiants soient bien au fait de la relation entre le gouvernement et les Premières Nations comme toile de fond des possibilités et des difficultés entourant le développement économique auxquels se heurtent les communautés des Premières Nations à l’heure actuelle. J’ai modelé le séminaire en m’appuyant sur toute mon expérience juridique.
Il est important que les membres de la profession juridique comprennent et apprécient le passé commun de tous les Canadiens et en quoi cela a permis à certains Canadiens de prospérer tandis que d’autres n’y sont pas parvenus. Bien qu’une partie de ce passé est peu reluisant, il importe de le comprendre afin de cerner la manière d’aller de l’avant. J’ai appliqué ces connaissances pour aider les communautés des Premières Nations à atteindre l’autosuffisance économique au moyen d’initiatives de développement économique.
2. Comment votre expérience vous a-t-elle permis d’observer la grande diversité des Canadiens ainsi que leurs points de vue uniques?
La décision de fréquenter la faculté de droit de l’Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse, a été l’une des principales décisions grâce auxquelles j’ai rehaussé ma vision de la diversité. J’ai pu ainsi comparer mes expériences vécues en grandissant en Saskatchewan à celles vécues en Nouvelle‑Écosse. C’est en toute connaissance de cause que j’ai déménagé en Nouvelle-Écosse pour étudier le droit et, grâce à cette expérience, j’ai découvert une nouvelle région du Canada et je me suis épanoui sur le plan personnel. J’ai appris à connaître l’économie maritime et l’histoire des Afro-Néo-Écossais et des Acadiens de la Nouvelle-Écosse.
Tandis que j’en apprenais davantage sur l’histoire des Afro-Néo-Écossais et des Acadiens, j’ai pris conscience du travail de réconciliation encore à faire pour d’autres groupes ayant subi de la maltraitance. En apprenant davantage sur les expériences des Afro-Néo-Écossais et des Acadiens, j’ai appris que les Canadiens autochtones n’étaient pas le seul groupe à avoir été maltraités par le passé et que les effets persistants de ces mauvais traitements historiques demeurent visibles aujourd’hui. De plus, pendant que je vivais en Nouvelle-Écosse, j’ai appris à connaître les gens de la région de l’Atlantique et leur unique situation économique et sociale. Ces circonstances diffèrent peu de celles des Prairies. Pour ces raisons, je pense qu’il est important que les gens vivent des expériences dans d’autres régions de notre pays. J’en ai aussi appris davantage sur les Micmacs de la Nouvelle‑Écosse et sur la place unique qu’ils occupent sur le plan juridique, historique et culturel au Canada.
En ce qui concerne mes expériences dans le milieu juridique, le fait de consacrer mon exercice du droit aux peuples autochtones et à leurs questions juridiques m’a donné un excellent aperçu des diverses histoires, traditions, cultures et intérêts des Premières Nations de la Saskatchewan et du Canada. À titre de conseiller de l’Assemblée des Premières Nations et d’avocat général de la Federation of Saskatchewan Indian Nations (fédération des nations autochtones de la Saskatchewan), j’ai appris que les Premières Nations ne forment pas un groupe homogène où une approche universelle permettra d’améliorer immédiatement la situation. Il existe 633 collectivités de Premières Nations au Canada et chacune d’elles comporte son lot de difficultés et de possibilités. Chaque palier du gouvernement, qu’il soit fédéral, provincial, municipal ou autochtone, ainsi que leurs ministères et fonctions publiques respectifs, a besoin de coordonner ses efforts pour aider à élaborer des solutions non seulement pour les Canadiens autochtones, mais pour tous les Canadiens désavantagés au point de vue historique. Des points de vue différents peuvent être utiles pour essayer de concilier les relations entre les nombreux groupes diversifiés au Canada et le reste de la société. De plus, mon travail dans le domaine du droit autochtone m’a permis de collaborer étroitement avec des institutions financières, des chefs d’entreprise et des gouvernements. Chacun de ces groupes m’a permis de percevoir d’un autre œil les questions juridiques relatives aux peuples autochtones et aux enjeux autochtones. Grâce à eux, j’ai pu élargir mon champ de vision et développer une plus grande ouverture d’esprit quant à l’application des lois de différents points de vue. Exercer le droit au sens large au fil des ans m’a aidé à apprécier la riche diversité des Canadiens.
Mon travail au sein de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan m’a grandement influencé et m’a sensibilisé aux obstacles auxquels font face d’autres groupes au Canada. Les commissaires eux-mêmes forment un groupe diversifié, situation qui, à elle seule, a élargi mon appréciation et ma sensibilité envers les membres des groupes que les commissaires représentent. À titre d’exemple, lorsque j’ai travaillé chez McKercher et au sein de la Commission, nous avons eu des conversations respectueuses et avons appris à connaître chaque groupe que les commissaires représentent. Certains des événements auxquels j’ai assisté m’ont également fait découvrir d’autres raisons pour lesquelles des institutions indépendantes comme la Commission ont leur place dans une société démocratique. Les institutions telles que la Commission montrent comment des organismes indépendants peuvent aider à enrayer la discrimination, non seulement au moyen des procédures d’audience, mais aussi par de la formation et de la sensibilisation d’ordre systémique. Le développement le plus important de la Commission a été de mettre l’accent sur la médiation tout au long du processus, comme moyen de tenir compte des intérêts des gens et, espérons-le, de régler les choses avec célérité. Les conversations au cours des médiations ont produit des résultats satisfaisants pour les participants. Il s’agit de l’une des raisons pour lesquelles je vois l’importance d’échanger et de se renseigner sur la diversité.
Mon travail en tant que membre du Comité de surveillance m’a également donné l’occasion de mieux comprendre ce qu’ont subi moult Autochtones dans les pensionnats. Le Comité de surveillance est composé de représentants des Premières Nations, des Inuits, des églises catholique et anglicane, ainsi que du gouvernement du Canada. J’ai pris connaissance du point de vue de chaque groupe et des raisons derrière leurs points de vue. Plus important encore, j’ai appris que, malgré des points de vue juridiques différents, il est possible d’apprécier la diversité chez les gens tout en parlant respectueusement sur la façon d’aborder les situations délicates.
J’estime avoir vécu de profondes expériences sur la diversité et les différents points de vue des gens au Canada, lesquelles m’ont aidé à devenir une meilleure personne et un meilleur avocat.
3. Décrivez le rôle que doit jouer un juge dans une démocratie constitutionnelle
Une démocratie constitutionnelle est un système unique qui encourage la participation de ses citoyens aux processus démocratiques d’un pays. Cette participation au processus démocratique implique l’élection de nos représentants par les citoyens, ce qui comprend la création de lois par l’Assemblée législative et l’application de ces lois à ses citoyens. Pour assurer un fonctionnement idéal de la démocratie, il faut que les citoyens se mobilisent dynamiquement pour comprendre leurs droits et responsabilités les uns envers les autres, ainsi que de leurs droits par rapport à leurs gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral. Il exige aussi que le gouvernement légifère de manière à tenir compte des priorités et des préoccupations de la société. Les gouvernements tentent de créer des lois qui abordent des enjeux de société et qui régissent leurs relations avec leurs citoyens. Un élément fondamental de ces droits et de ces relations entre l’État et ses citoyens est la Constitution et la Charte des droits et libertés. En raison de la Charte, les juges définissent les libertés et les droits garantis par la Constitution et ils se prononcent sur les droits individuels. Le juste rôle d’un juge dans une démocratie constitutionnelle est d’interpréter et d’appliquer les lois et la Constitution, ainsi que de trancher les litiges entre particuliers, entre l’État et les particuliers, ainsi qu’entre les différents paliers du gouvernement au sein de l’État. Contrairement aux pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement, un juge n’a de comptes à rendre à aucun gouvernement ni à l’électorat au sujet de ses décisions. L’indépendance judiciaire est un principe fondamental de notre démocratie constitutionnelle et le maintien de cette indépendance est essentiel pour que la société ait confiance en notre système judiciaire. L’indépendance judiciaire signifie que tous les Canadiens devraient être rassurés de savoir que les tribunaux régleront avec impartialité toutes les questions dont ils sont saisis.
Dans une démocratie constitutionnelle, un juge ne devrait pas être influencé par des motifs politiques partisans. Un juge devrait protéger l’intérêt du public et maintenir la primauté du droit lorsqu’il est appelé à trancher des questions. Un juge, bien qu’il soit nommé par le gouvernement et payé par celui-ci, n’est pas un politicien et doit être prêt à se prononcer sur des questions qui ont une incidence sur le gouvernement. Un juge doit être prêt à mettre de côté ses convictions politiques. Bien qu’il soit fondamental pour notre démocratie constitutionnelle que la magistrature soit indépendante, il est tout aussi indispensable que les juges soient perçus comme étant objectifs et impartiaux.
Pour protéger l’intérêt public, un juge doit en tout temps respecter des normes déontologiques élevées pour s’assurer que le public ait confiance dans notre système judiciaire. Un juge doit éviter des mots ou des gestes qui pourraient aussi montrer une apparence de partialité. Un juge doit se conduire avec une grande intégrité dans sa vie professionnelle et personnelle en tout temps. Le public scrute à la loupe les gestes et les paroles, alors il faut toujours veiller à maintenir la confiance du public.
Un juge joue un rôle qui consiste à examiner et à trancher des questions touchant certains des enjeux politiques les plus litigieux de la société. Se prononcer sur des enjeux qui créeront des précédents ou prendre une décision sur une question hautement politique et peut-être impopulaire est une responsabilité importante qui exige du courage. Un juge ne doit pas être influencé par les médias ou par des groupes d’intérêt lorsqu’il prend des décisions.
Le rôle d’un juge est aussi de faire le pont entre le droit et la société. Pour bon nombre de Canadiens, la justice demeure inaccessible en raison des coûts associés aux litiges et de la spécialisation requise pour saisir un tribunal d’une affaire. Les membres de la société qui peuvent accéder à la justice cherchent à résoudre leur problème. Un juge devrait rédiger ses motifs en tenant compte du public, en donnant des explications détaillées et, dans la mesure du possible, en rédigeant des décisions dans un langage que le public peut comprendre.
Enfin, un autre rôle du juge consiste à faire en sorte que le public et les médias comprennent mieux le rôle des juges et le fonctionnement du système judiciaire. À une époque où l’information s’obtient rapidement, il est important de veiller à ce que la magistrature continue sans relâche d’expliquer son rôle dans une démocratie constitutionnelle. Avec la prolifération des litiges et l’évolution constante du droit, il est important que la société continue d’être informée du rôle de la magistrature et que le public comprenne la nécessité d’un appareil judiciaire impartial et indépendant. Dans une démocratie constitutionnelle, les gens de l’appareil judiciaire devraient refléter la composition de la société canadienne. Les Canadiens doivent avoir l’assurance que leurs tribunaux reflètent leur société.
4. À qui s’adressent les décisions rendues par la cour au sein de laquelle vous briguez un poste?
Un juge doit démontrer qu’il a mûrement réfléchi aux questions et aux arguments des parties présentes au tribunal. Cette réflexion constitue le prolongement et l’amélioration du rôle antérieur du juge en tant qu’avocat fournissant des avis juridiques aux clients. Par conséquent, le public à qui s’adresse une décision rendue par un juge de la Cour fédérale du Canada est très vaste, compte tenu de la compétence fédérale de la cour.
Les parties à l’instance judiciaire constituent le public immédiat visé par les décisions d’un juge. Les plaideurs ont des convictions très fortes au sujet des questions dont ils saisissent la cour et ils veulent lire ou entendre le raisonnement que suit le juge et voir leurs arguments validés ou, du moins, reconnus. Un juge doit rédiger des décisions pour expliquer son raisonnement aux plaideurs et à leurs clients afin qu’ils soient satisfaits du processus judiciaire, peu importe l’issue de leur affaire. Les parties ont consacré du temps et de l’argent pour se rendre jusqu’au procès et elles méritent une décision bien justifiée et opportune si l’on veut qu’elles gardent confiance envers le système judiciaire.
Un juge rédige ou prend des décisions pour le public. Il arrive que certaines questions dont la cour est saisie revêtent une portée et une importance nationales. Par conséquent, un juge doit garder en tête que le public en général fait partie de ceux à qui sa décision se destine. Par exemple, la Cour fédérale est responsable de l’interprétation de toutes les lois fédérales, ce qui comprend notamment les lois portant sur le droit maritime, les questions de sécurité nationale, y compris l’immigration, l’examen des décisions relatives au gouvernement fédéral en ce qui concerne les questions environnementales et les droits des Autochtones. Les déclarations prononcées sur ces questions éclairent le public, l’industrie et les autres groupes d’intérêt qui composent la société canadienne. La décision d’un juge aidera divers membres du public à formuler leurs propres opinions sur un sujet, façonnera la nature de la promotion active par divers groupes d’intérêt et fournira certains paramètres de fonctionnement aux entreprises et acteurs de l’industrie. Les décisions du juge fournissent de l’orientation et des éclaircissements au public. Le rôle et la responsabilité de la magistrature devraient également être communiqués au public.
Les pouvoirs législatif et exécutif de l’État constituent aussi un public auquel s’adressent les décisions judiciaires. Une décision pourrait exiger que le gouvernement s’engage dans le processus législatif de réécrire une loi dans son entièreté ou pour apporter des modifications à une disposition législative inconstitutionnelle ou qui dépasse le champ de compétence de l’Assemblée législative. La magistrature joue un rôle crucial dans le maintien de la primauté du droit dans notre démocratie.
Un juge rédige aussi pour ses collègues de la cour. Une décision créera un précédent qui sera suivi par des collègues des divers paliers de la cour. La décision rendue pourrait clarifier une question qui a déjà été soumise à la cour, mais dans une situation de fait différente, de sorte qu’il soit possible de clarifier une question complexe. Les cours d’appel constitueraient un autre auditoire plus précis. Dans les affaires complexes, le juge doit rédiger une décision motivée afin qu’une cour d’appel puisse comprendre la réflexion consacrée aux questions.
Le dernier public visé serait les membres de la profession juridique dans son ensemble. Il peut arriver qu’une affaire en particulier soulève des questions de conduite ou d’exercice. La décision d’un juge crée également un précédent sur lequel la profession juridique s’appuie pour continuer à fournir un service au public.
Le juge est souvent confronté à de nouvelles questions par rapport auxquelles il détient peu de connaissances et qui comportent d’importants enjeux sociaux, moraux et politiques complexes pour la société. Par conséquent, la décision d’un juge sera examinée par de nombreux secteurs de la société canadienne. L’acceptation publique des décisions des tribunaux par tous les secteurs de la société et leur appui dépend de la confiance du public dans l’intégrité et l’indépendance de l’appareil judiciaire. Il s’agit d’une responsabilité importante qui exige un appareil judiciaire ouvert et impartial.
5. Prière d’indiquer les qualités personnelles, les habiletés et les compétences professionnelles ainsi que l’expérience de vie qui, selon vous, vous rendent apte à exercer le rôle de juge.
Les qualités personnelles qui m’outilleront pour le rôle de juge sont mon ouverture d’esprit, mon empathie, le respect que je porte à tout le monde ainsi que ma solide éthique de travail. Je crois qu’un juge a besoin d’une ouverture d’esprit pour entendre des arguments et avoir une vision différente de celle liée à son vécu et son éducation. La plus haute obligation d’un juge consiste à trancher des questions sans parti pris ni opinion préconçue. Avec de l’empathie, une personne peut mieux comprendre les points de vue et les expériences des personnes qui comparaissent au tribunal. Je crois qu’il s’agit d’un aspect important du travail d’un juge. Je crois que le respect d’autrui constitue une qualité fondamentale que chacun devrait posséder, surtout lorsqu’on côtoie souvent les gens. Être respectueux tend à faire ressortir un comportement semblable de la part des autres. Une solide éthique de travail est également requise. Je sais qu’un juge de la Cour fédérale doit effectuer moult déplacements, ce qui exigera une bonne gestion du temps et une solide éthique de travail que je crois posséder.
Les compétences professionnelles que j’ai acquises et que je continue d’acquérir me donnent également les moyens de jouer mon rôle de juge. Je suis capable d’analyser des problèmes de façon critique et de trouver des solutions. Je me suis également spécialisé dans de nombreuses lois fédérales en raison de mon exercice en droit autochtone et, plus récemment, de ma participation à titre de conseiller juridique d’une Première Nation aux négociations sur l’autonomie gouvernementale. Un processus d’autonomie gouvernementale est le transfert de compétence du gouvernement fédéral (et peut-être provincial) à un gouvernement des Premières Nations, et il faut comprendre l’importance juridique de ces lois. Ma participation aux négociations sur l’autonomie gouvernementale m’a également donné un aperçu des stratégies et des tactiques de négociation et m’a permis d’élaborer des stratégies pour négocier des questions litigieuses. Une autre compétence que j’ai acquise est la capacité de communiquer efficacement sur une base individuelle et en groupe. J’ai présenté de nombreux exposés aux collectivités des Premières Nations, à des représentants du gouvernement, à des chefs d’entreprise et aux participants de nombreuses conférences sur des questions juridiques touchant les Premières Nations. Un autre atout que j’ai acquis est la capacité de sensibiliser les clients, les étudiants en droit et les membres de la collectivité à diverses questions et concepts juridiques. Le droit est complexe et la capacité de le simplifier est une compétence dont je suis fier.
J’en suis également venu à parfaire continuellement mes connaissances, comme en témoigne mon inscription à un cours d’arbitrage en novembre 2016. Je pense que la formation continue est un élément important du travail d’un juge. Le droit évolue constamment et il faut en suivre les développements.
Je suis également fier de mes responsabilités déontologiques envers la profession. Je les considère comme un prolongement de ma personnalité, et elles rendent l'exercice du droit très gratifiant. J’ai l’intention d’appliquer la même approche à la magistrature.
Plus important encore, je crois que mes expériences de vie me donnent les meilleurs outils pour remplir mon rôle de juge. J’ai grandi dans une certaine pauvreté, au sein de la nation crie de Poundmaker. Pendant une partie de mon enfance, j’ai grandi sans eau courante, avec un poêle à bois comme seul dispositif de chauffage et de cuisson. Cette situation m’a appris à comprendre la pauvreté et ses conséquences sociales. Je fais partie de la troisième génération d’élèves issus des pensionnats. Les expériences que j’ai vécues entre 15 et 17 ans ont été favorables, mais tel n’a pas été le cas de mon père et de mon grand-père. Bien qu’ils aient enduré bon nombre des mêmes souffrances que d’autres élèves des pensionnats, ils m’ont parlé de certains apprentissages utiles réalisés au pensionnat, comme des compétences de travail pratique, la valeur de l’éducation et la nécessité d’une solide éthique de travail. En entendant parler des expériences de mon père et de mon grand‑père et de leurs points de vue, j’ai appris à ouvrir mon esprit, à chercher des expériences constructives dans toutes choses et à utiliser l’adversité comme source de motivation pour accomplir des choses. C’est un enseignement clé que j’ai appliqué dans mon parcours d’avocat. Ma mère avait également un handicap physique, ce qui m’a permis de comprendre les problèmes qu’éprouvent les personnes en situation de handicap, particulièrement celles qui vivent dans la pauvreté. Ce fut aussi une expérience d’humilité pour laquelle je suis reconnaissant.
Pour ce qui est de mon cheminement scolaire, je dois mentionner les expériences très positives que j’ai vécues avec les enseignants des niveaux primaire, secondaire et postsecondaire. Il y a tellement d’enseignants à qui j’attribue le mérite de m’avoir donné confiance en moi et l’estime de soi dont j’avais grand besoin, tant sur le plan éducatif que sportif. Au cours de ma carrière juridique, j’ai également eu la chance d’être encadré par de nombreux avocats généreux et chevronnés qui m’ont fourni des compétences et des conseils inestimables au fil des ans.
Toutes ces expériences m’ont appris la valeur de posséder un bon caractère, de me doter d’une solide éthique de travail et de ressentir de la compassion et de l’empathie pour tous. Toutes ces caractéristiques font de soi non seulement un bon avocat ou un bon juge, mais aussi un bon être humain. Toutes ces expériences ont façonné la personne que je suis et l’orientation qu’a suivie mon exercice. C’est pourquoi je suis reconnaissant d’avoir été choisi pour contribuer aux travaux de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan, du Comité de surveillance et de l’enseignement à la faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan.
Je devrai m’appuyer sur toutes mes expériences si ma candidature est retenue pour être juge à la Cour fédérale du Canada.
6. Compte tenu de l’objectif voulant que les Canadiens et Canadiennes se reconnaissent et reconnaissent leurs expériences de vie au sein de la magistrature, vous pouvez, si vous le voulez, ajouter des renseignements sur vous-même que vous croyez être utiles aux fins de cet objectif.