Questionnaire de l’honorable Darlene L. Summers

Document d'information

Selon le nouveau processus de demande de nomination à la magistrature institué par la ministre de la Justice le 20 octobre 2016, tout avocat ou juge canadien intéressé et ayant les qualifications requises peut poser sa candidature à la magistrature fédérale en remplissant un questionnaire à cet effet. Les questionnaires sont ensuite utilisés par les comités consultatifs à la magistrature dans l’ensemble du Canada pour examiner les candidatures et soumettre une liste de candidats « hautement recommandés » et « recommandés » à l’attention du ministre de la Justice. Les candidats sont avisés que certaines parties de leur questionnaire pourraient être rendues publiques, avec leur consentement, s’ils sont nommés à la magistrature. Les renseignements sont divulgués comme les candidats les ont fournis au moment de postuler, sous réserve des modifications apportées pour protéger leur vie privée.

Voici les parties 5, 6, 7 et 11 du questionnaire rempli par l’honorable Darlene L. Summers.

Questionnaire de nomination à la magistrature

Partie 5 – Langue

Veuillez noter qu’en plus de vos réponses aux questions énoncées ci-après, vous serez peut-être évalué sur votre connaissance fonctionnelle des deux langues.

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de lire ou de comprendre des documents de la cour en :

  • Anglais : Oui
  • Français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous en mesure de discuter d’affaires juridiques avec vos collègues : 

  • Anglais : Oui
  • Français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de converser avec un avocat en cour en : 

  • Anglais : Oui
  • Français : Non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de comprendre les observations orales présentées en cour en : 

  • Anglais : Oui
  • Français : Non

Partie 6 – Études

Nom des établissements, années d’études, diplômes et années d’obtention

Faculté de droit de l’Université Queen’s (1985 à 1988)

Baccalauréat en droit, 1988

Université Queen’s (1982 à 1985)

Baccalauréat en arts, 1985

Éducation permanente

Formation dans la pratique du droit familial collaboratif, y compris le volet sur les compétences en négociation. J’ai terminé la formation en droit collaboratif en avril 2005 et, en raison d’une maladie et de la disponibilité du programme, je n’ai pu terminer la partie négociation qu’en janvier 2007. J’ai choisi de ne pas me joindre au réseau de la pratique du droit collaboratif et de ne pas poursuivre cette méthode de pratique.

Programme RED intensif de quatre jours « Savoir composer avec des personnes difficiles ». Le programme était offert par la faculté de droit de l’Université de Windsor et donné par le Stitt Feld Handy Group. Le certificat de réussite a été décerné le 1er novembre 2013.

Nombreux programmes de fond dépassant le nombre annuel d’heures de formation continue obligatoire, ainsi que des cours sur la plaidoirie orale, la plaidoirie écrite, la préparation de procès et la plaidoirie en première instance.

Prix et distinctions

Faculté de droit de l’Université Queen’s,

prix de la troisième année pour la meilleure note dans le cours de testaments et successions, 1988.

Partie 7 – Historique professionnel et d'emploi

Veuillez indiquer dans l’ordre chronologique et à partir du plus récent les emplois que vous avez exercés, et préciser pour chacun la durée applicable et le nom de l’employeur. Concernant les emplois dans le domaine juridique, inscrivez les secteurs de travail ou les spécialisations, ainsi que les années correspondantes. Au besoin, indiquez si les secteurs de travail ont changé.

Expérience de travail dans un domaine juridique

  1. Thompson Summers, droit de la famille – Avocate exerçant seule. Je travaillais en association avec ma collègue, Barbara Thompson, depuis le 1er juillet 2007.
  2. Steinberg Thompson d’Artois Rockman Summers – Du 1er juillet 2002 au 30 juin 2007, j’ai exercé le droit de la famille en tant qu’avocate exerçant seule en association avec quatre avocats spécialisés en droit de la famille : Gary Steinberg, Barbara Thompson, Kathryn d’Artois et Lynn Rockman.
  3. Burke-Robertson LLP – J’ai commencé ma carrière juridique chez Burke-Robertson Chadwick et Ritchie en 1988 en tant que stagiaire en droit. J’ai été engagée comme avocate adjointe en 1990, je suis devenue associée en 1995 et associée directrice en 1999.

Expérience de travail dans un domaine non juridique

Après avoir obtenu mon diplôme d’études secondaires en 1977, j’ai travaillé dans le secteur des assurances à la fois à Ottawa et à Edmonton. J’ai travaillé dans le domaine de la souscription et de la vente d’assurances automobile et d’assurance des biens. En 1982, je me suis inscrite à l’Université Queen’s en tant qu’étudiante adulte.

  1. 1977 à 1979 – The Hartford Insurance Company, Ottawa (Ontario)
  2. Septembre à décembre 1979 – The Royal Insurance Company, Edmonton (Alberta)
  3. 1980 à 1982 – The Personal Insurance Co., Edmonton (Alberta) et Ottawa (Ontario)

Autre expérience professionnelle

Inscrivez toutes les associations du barreau ou comités d’affaires juridiques dont vous êtes ou avez été membre, et tous les titres des postes que vous avez occupés au sein de ces groupes, ainsi que les dates correspondantes.

Carleton County Law Association (CCLA) (membre actuel)

Advocates Society (membre actuel)

Association du Barreau canadien (membre passé)

Activités bénévoles

Mes activités bénévoles au sein de la profession sont privées et ponctuelles et découlent des besoins des personnes que je rencontre dans ma pratique et pour lesquelles j’ai la possibilité de fournir des services juridiques gratuits.

Enseignement et formation continue

Indiquez toutes les organisations et activités de formation judiciaire ou juridique auxquelles vous avez pris part (p. ex. enseignement dans une faculté de droit, à l’Institut national de la magistrature, à l’Institut canadien d’administration de la justice, etc.)

  1. Responsable du séminaire sur le droit de la famille dans le cadre du cours de préparation au barreau pendant plusieurs années, du milieu des années 1990 au début des années 2000.
  2. Panéliste sur les pensions alimentaires pour époux, Conférence de la CCLA sur le contentieux des affaires civiles, Montebello, 2000
  3. Autrice et présentatrice de « Family Law – An Update » à la conférence des avocats de la région Est, Montebello, 2001
  4. Conférencière sur la question des plaidoiries, « Preparation for Trial », Ottawa CCLA, programme de formation permanente, 2002
  5. Conférencière invitée, Barreau du Haut-Canada, Symposium sur les femmes juristes, Ottawa, 2010
  6. Conférencière invitée sur la question des coûts, Groupe d’étude sur le droit de la famille d’Ottawa, 2012
  7. Juge bénévole, concours de négociation de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa, 2015
  8. Juge bénévole, faculté de droit de l’Université d’Ottawa, concours de plaidoirie Nelligan pour les étudiants de première année, 2016
  9. Conférencière choisie à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa, série sur le professionnalisme, 14 février 2017

Activités communautaires et civiques

Indiquez toutes les organisations dont vous êtes membre ou tout poste que vous avez occupé, ainsi que les dates correspondantes.

  1. Membre bénévole du conseil d’administration et membre du comité exécutif de Services à la famille Ottawa pendant plusieurs années, du début au milieu des années 1990. Services à la famille Ottawa est un organisme communautaire de services de counselling et de soutien pour les résidents d’Ottawa.
  2. Dress for Success Ottawa, sous-comité de collecte de fonds du groupe juridique, 2011. Dress for Success est un organisme caritatif qui aide les femmes à retourner sur le marché du travail en leur fournissant des vêtements de travail professionnels et un réseau de soutien pour les aider à acquérir les outils et les stratégies qui leur permettront de réussir dans leur emploi.

Partie 11 – Le rôle de la fonction judiciaire dans le système juridique canadien

Le gouvernement du Canada souhaite nommer des juges ayant une connaissance approfondie du rôle de la fonction judiciaire au Canada. Afin de fournir une base solide à leur évaluation, on demande aux candidats de donner leur opinion sur des sujets généraux liés à la fonction judiciaire et au système juridique au Canada. Pour chacune des questions ci-dessous, veuillez fournir une réponse de 750 à 1 000 mots.

1. Que considérez-vous comme votre plus grande contribution au droit et à la poursuite de la justice au Canada?

En tant qu’avocate spécialisée dans le droit de la famille, j’ai à cœur la poursuite de la justice. Je me suis consacrée à offrir, tous les jours, des services juridiques à des clients individuels d’une manière respectueuse, inclusive et éducative. Selon moi, il est essentiel non seulement de connaître le droit et de savoir comment appuyer les clients dans leurs litiges, mais aussi d’aider le client à comprendre le droit et la manière dont il s’applique à sa situation, que ce soit de manière à protéger ses droits ou à lui imposer des obligations. Il est également important d’indiquer au client les raisons historiques et/ou politiques qui sous-tendent certaines lois, ainsi que les options de procédure qui s’offrent à lui alors qu’il s’efforce de parvenir à une résolution.

Il n’est pas rare que des clients en droit de la famille soient mal informés, souvent par des tiers bien intentionnés, et ne comprennent donc pas bien leurs droits selon la loi, ni les obligations que la loi leur impose et pourquoi. La séparation ou le divorce les effraient, et ils sont très inquiets des conséquences qui pourraient en découler. Ils ont besoin de moi pour répondre à leurs questions.

Pour les aider, il faut avant tout les écouter attentivement pour comprendre les événements qui ont bouleversé leur vie. Ainsi, il est possible de comprendre leurs préoccupations et d’y répondre avant de distiller les faits pertinents à partir de ce qui est souvent un flot de renseignements déversés avec émotion. Pour aider le client, il est important de bien réfléchir aux faits qui lui sont propres, à la manière dont la loi s’applique à ces faits et à la manière de réunir ces deux éléments afin de répondre aux objectifs du client. Pour résoudre l’ensemble des problèmes qui découlent souvent de l’échec d’un mariage, l’avocat doit relever le défi de rassembler tous les éléments d’une manière qui aide le client à se sentir entendu, de comprendre comment toutes les pièces doivent être réunies et de déterminer les mesures à prendre pour parvenir à une résolution significative, dans les meilleurs délais possibles. C’est ainsi que je fais progresser la poursuite et la compréhension de la justice. J’espère qu’en faisant l’effort de bien comprendre chacun des clients, je contribue à renforcer la confiance et le respect de toute la communauté dans notre système judiciaire et dans la primauté du droit.

En tant qu’avocate spécialisée dans le droit de la famille depuis 26 ans, ma contribution au droit a consisté à aider mes clients à parvenir à des règlements équitables et réfléchis, dans la mesure du possible, plutôt que de se rendre à un procès. Cette approche à l’exercice du droit m’a été inculquée par les personnes responsables de ma formation initiale : le fait de préparer le dossier dès le départ comme s’il s’agissait d’un procès constitue la meilleure préparation à un règlement. C’est une approche à laquelle je crois et qui est tout à fait cohérente avec les règles du droit de la famille, et l’accent que celles-ci mettent sur le règlement à toutes les étapes d’une action. En raison de cette approche ainsi que de mes compétences dans le règlement des différends et de ma capacité à évaluer les points forts et les points faibles d’un dossier, je n’ai qu’un petit nombre de dossiers rapportés. Je suis persuadée que mes antécédents me permettront de contribuer grandement à la résolution des différends devant les tribunaux.

2. Comment votre expérience vous a-t-elle permis de saisir la variété et la diversité des Canadiens et des Canadiennes et leurs perspectives spécifiques?

Il va s’en dire, dans un grand centre urbain comme Ottawa, j’ai été exposée de façon continue à des Canadiennes et Canadiens issus d’un vaste éventail de communautés raciales, ethniques, culturelles, religieuses, socio-économiques et LGBTQ2 pendant les années où j’étais avocate spécialisée en droit de la famille. Pour évaluer la meilleure façon de fournir des services aux clients et de répondre à leurs besoins, il est essentiel d’écouter non seulement leurs préoccupations juridiques, mais également la façon dont ces derniers décrivent leur expérience de vie, leurs croyances, leurs valeurs, leurs objectifs personnels et la façon dont ces éléments s’inscrivent dans leur communauté plus vaste. Pour ce faire, il est essentiel d’admettre son manque de connaissance de leurs croyances et de leurs valeurs, tout en manifestant le souhait et le besoin de comprendre, d’en apprendre davantage sur leur communauté et leur expérience de vie, de manière à pouvoir les aider. Il faut poser beaucoup de questions, et faire preuve de respect lorsqu’ils répondent.

Grâce à mes amis et à mes clients, j’ai pu mieux comprendre l’expérience des personnes d’origine étrangère qui n’ont jamais connu ou qui ont peu connu la primauté du droit ou une magistrature véritablement indépendante dans laquelle elles peuvent avoir confiance et qui n’est pas influencée par le pouvoir et l’influence politiques et ainsi être plus sensible à leur expérience. Plutôt, elles avaient principalement fait l’expérience d’une magistrature corrompue qui relevait de régimes politiques autoritaires ou de motifs financiers attribuables aux personnes intéressées par l’issue d’une affaire.

Je suis également consciente de la peur accrue à laquelle les parents LGBTQ2 ont dû faire face dans le cadre de différends relatifs à la garde des enfants, un problème qui n’a été réglé que récemment avec l’adoption du projet de loi 28, Loi de 2026 sur l’égalité de toutes les familles, qui entrera en vigueur en Ontario, le 2 janvier 2017. Cette loi modifie la Loi portant réforme du droit de l’enfance et de nombreuses autres lois provinciales afin de reconnaître le statut juridique de tous les parents, indépendamment de leur identité sexuelle ou de genre, ou de la façon dont l’enfant a été conçu, et de garantir un traitement égal à tous les parents et à tous les enfants de la province. L’obtention de ces droits pour les parents LGBTQ2 est le résultat d’une contestation fondée sur la Charte lancée par un groupe de parents LGBTQ2 contre le gouvernement de l’Ontario. En tant qu’avocate spécialisée en droit de la famille, il est choquant de constater qu’il a fallu 34 ans après l’adoption de la Charte des droits et libertés pour que les parents LGBTQ2 profitent de l’égalité des droits.

En outre, je suis fière de dire que l’un des parents à l’origine de cette contestation fondée sur la Charte est une amie de longue date. Toutefois, c’est avec tristesse que j’ai été témoin de sa lutte juridique et émotionnelle pour être reconnue à titre de parent égal de sa fille lorsque sa relation conjugale a pris fin et qu’elle s’est séparée de la mère biologique. J’ai été stupéfaite et incrédule lorsque j’ai appris que la présomption de parentalité prévue par la Loi portant réforme du droit de l’enfance ne s’appliquait pas aux mères de même sexe. À la suite de la décision Rutherford, en Ontario, qui a permis aux parents de même sexe d’être inscrits sur le certificat de naissance d’un enfant, elle a estimé qu’il n’était plus nécessaire d’adopter légalement sa fille afin d’être reconnue comme son parent légal. Il a été difficile pour elle d’apprendre, dans le cadre de la séparation, que ce n’était pas le cas.

Mon expérience dans le cadre de l’exercice du droit m’a également permis de connaître des personnes dont les traditions culturelles imposent le mariage arrangé par les parents des époux. Les conséquences culturelles de l’échec d’un mariage arrangé pour les familles peuvent être très différentes de celles découlant généralement des cultures occidentales.

Je n’oublierai jamais la réaction très émotive d’une membre de ma famille que j’aime beaucoup lorsque l’affaire Robert Latimer a fait la une des journaux après qu’il a mis fin à la vie de sa fille lourdement handicapée. Cette parente, qui a le même âge que moi, est née avec de graves difficultés physiques. Bien que sa capacité à communiquer soit limitée au tableau de communication fondé sur les symboles Bliss qui se trouve sur les bras de son fauteuil roulant, elle m’a fait très clairement savoir qu’aucune autre personne ne devrait prétendre connaître le moment où la qualité de vie d’une autre personne a pris fin. La leçon à tirer de cette affaire, et je crois que c’est quelque chose qu’elle m’a dit, est que personne ne peut vraiment comprendre les petites choses qui procurent du plaisir et du confort à une autre personne.

Il peut s’agir d’une chose aussi élémentaire que des draps frais et propres.

En outre, je suis une femme blanche issue d’une petite collectivité agricole de l’Est de l’Ontario qui, pour la première fois à l’âge de 42 ans, a eu une relation amoureuse avec une femme noire qui avait passé sa vie d’adulte fièrement homosexuelle et qui souffrait d’une maladie auto-immune douloureuse et évolutive. Cette relation m’a apporté beaucoup de choses que je vois, ressens et apprends tous les jours, dont je ne pouvais auparavant qu’être témoin à distance, ou prendre connaissance intellectuellement.

Par l’intermédiaire de ma partenaire, j’ai fait la connaissance d’une jeune femme (aujourd’hui une amie de la famille) qui est arrivée au Canada, il y a de nombreuses années, en tant que réfugiée du Burkina Faso. Bien qu’elle ne se plaigne pas, elle nous a raconté les difficultés qu’elle a vécues en Afrique, ainsi que les histoires de sa famille et des personnes qui l’ont élevée. Nous avons pu constater son amour pour le Canada et son incroyable éthique de travail, ainsi que toute la force de caractère nécessaire afin d’être en mesure d’occuper de multiples emplois pour payer ses études universitaires, études qui lui ont valu une maîtrise en sciences infirmières. Nous voyons également son dévouement à l’égard de sa communauté religieuse et sa détermination à créer de nouveaux débouchés pour elle-même. Grâce à son amitié, j’ai pu constater de façon très directe et personnelle du pouvoir et de nombreux avantages mutuels d’une politique d’immigration ouverte.

3. Décrivez le rôle que doit jouer un juge dans une démocratie constitutionnelle.

Le rôle du juge au sein d’une démocratie constitutionnelle est d’interpréter, de faire respecter et d’appliquer la loi comme elle a été adoptée par les députés élus de nos parlements fédéral et provinciaux, et de le faire d’une manière neutre et indépendante des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement. La responsabilité fondamentale des tribunaux en matière d’interprétation s’exerce dans le cadre d’un vaste ensemble de traditions de common law et est assujettie à l’exigence essentielle que la loi soit conforme à la Constitution. Si la loi en question n’est pas conforme à la compétence conférée par la Loi constitutionnelle de 1867 ou aux limites imposées à nos pouvoirs législatifs par la Loi constitutionnelle de 1982, qui comprend notre Charte des droits et libertés, elle doit être déclarée inconstitutionnelle. Ce résultat n’est assujetti qu’à l’exception prévue par la Charte selon laquelle la loi contestée peut être maintenue, sous réserve de limites raisonnables pouvant être justifiées dans une société libre et démocratique.

Nombreux sont ceux qui affirment que les tribunaux sont devenus trop activistes depuis l’adoption de la Charte. Certains ont dit que les tribunaux menacent la suprématie parlementaire, et par conséquent la démocratie, dans leur interprétation et leur application de la Charte. Je ne suis pas de cet avis. La Charte a conféré à nos droits et libertés personnels un statut constitutionnel. Ses droits sont protégés par la Constitution, la loi suprême du pays, en fonction de laquelle toutes les autres lois doivent être jugées par une magistrature indépendante. Toutefois, la Charte contient également une clause de dérogation à laquelle les pouvoirs législatifs peuvent avoir recours et sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour protéger et maintenir la loi contestée. Cette disposition protège et appuie la suprématie parlementaire, mais nos gouvernements l’ont rarement utilisée. Comme les membres des corps législatifs sont soumis à une réélection, ils savent que ce n’est que dans des cas rares et très importants que l’électorat est susceptible d’appuyer le maintien d’une loi que les tribunaux, en tant qu’arbitres neutres, ont jugée contraire à un droit ou à une liberté constitutionnel.

Ainsi, le rôle de la magistrature demeure un rôle d’interprétation dans son devoir de faire respecter les lois adoptées par les pouvoirs législatifs élus. Toutefois, ce rôle fonctionne également comme un frein au pouvoir législatif et à la possibilité pour les gouvernements d’agir d’une manière qui dépasse leurs pouvoirs constitutionnels ou qui porte atteinte aux droits des citoyens.

La fonction d’interprétation des tribunaux au sein d’une démocratie constitutionnelle alimente également l’élaboration de la common law d’une manière qui incarne les principes et les valeurs de la Charte. Par ricochet, l’évolution de la common law entraîne souvent des réformes législatives et, de cette manière, le droit continue de changer et de progresser parallèlement à l’évolution des besoins et des valeurs de la société qu’il régit. Les modifications apportées à la common law et aux lois dans le domaine du droit de la famille au cours des 30 dernières années en sont un bon exemple. Les valeurs de la Charte s’expriment sous de nombreuses formes, qu’il s’agisse de la forme juridique du mariage en tant que partenariat égalitaire, de l’égalité des droits de tous les parents à demander la garde de leurs enfants indépendamment de leur identité sexuelle, de leur orientation sexuelle ou de leur mode de conception, ou encore de la possibilité pour les couples homosexuels de se marier ou d’adopter des enfants. La liste est longue. Nous avons changé notre conception de la famille, de ce qui la constitue, de ce qui la compose et des droits et obligations de ses membres en cas d’éclatement de l’unité, ce qui entraîne la modification de nos lois.

En faisant respecter et en appliquant la loi comme elle a été adoptée, en interprétant et en appliquant la Charte, et en faisant progresser les valeurs de la Charte dans le cadre de l’évolution de la common law, la magistrature joue un rôle essentiel au sein de notre démocratie constitutionnelle.

4. À qui s’adressent les décisions rendues par la cour au sein de laquelle vous briguez un poste?

À la Cour supérieure de justice, le premier public est constitué par les plaideurs, c’est-à-dire les parties au litige. Ces personnes doivent être entendues, et se sentir entendues, et voir dans la décision la preuve que le juge a entendu, compris et pris en considération leurs témoignages, et leur position dans l’affaire. Des deux parties au litige, la plus importante est celle qui perd. Cette personne a le droit de savoir et de comprendre pourquoi elle a perdu et, espérons-le, de voir la légitimité de la décision.

Le grand public est un public secondaire. Les gens ont besoin de savoir en quoi le droit consiste, pour vivre en toute sécurité et avec des attentes raisonnables. Les décisions en matière de droit civil et de droit de la famille font rarement l’objet d’articles dans les journaux, mais cela arrive. De plus, les tribunaux sont ouverts au public. Pour les affaires en droit pénal, la décision du juge permet au public de comprendre les principes qui s’opposent et qui sont fondamentaux pour notre démocratie libérale.

La communauté juridique constitue également un public. Le droit n’est pas statique, il évolue constamment et les avocats doivent connaître le droit actuel afin de pouvoir conseiller correctement leurs clients.

De même, les universitaires constituent une autre partie du public. Leurs commentaires et leurs analyses des décisions sont également importants pour l’évolution du droit.

La Cour d’appel peut aussi être un public et s’intéresser à la décision. Je suis fermement convaincue qu’un aspect important du rôle du juge de première instance est d’appliquer le droit aux conclusions de fait qui ont été tirées, et qui peuvent être étayées par la preuve, et de le faire d’une manière qui respecte la jurisprudence qui s’applique, de sorte qu’elles puissent, à leur tour, résister à un examen en appel.

En bref, le juge doit rédiger sa décision en s’adressant à différents publics et en tenant compte de divers objectifs, afin d’améliorer la compréhension du droit et de contribuer à son évolution.

5. Prière d’indiquer les qualités personnelles, les habiletés et les compétences professionnelles ainsi que l’expérience de vie qui, selon vous, vous rendent apte à exercer le rôle de juge.

Le fait d’avoir grandi dans une petite collectivité agricole où ont vécu les familles de mes deux parents pendant des générations est l’expérience qui me définit le mieux. Les principales qualités que j’apporterais à la magistrature sont enracinées dans les valeurs enseignées et apprises dans ma jeunesse, à la maison et dans ma collectivité.

Ni mon père ni ma mère n’ont eu la possibilité de terminer leurs études secondaires. Ils ont dû travailler dans la maison, à la ferme, comme c’était souvent le cas à l’époque pour de nombreuses familles d’agriculteurs. C’est pour cette raison, comme je l’ai vu une génération plus tard, qu’ils avaient du respect pour les études supérieures. Pour eux, il s’agissait d’un accomplissement qui n’était ni tenu pour acquis ni encouragé comme un ingrédient nécessaire à une carrière réussie. Ce qui était attendu et valorisé, c’était le travail. Mes parents croyaient que si l’on était prêt à travailler dur, un niveau de vie décent et une vie agréable suivraient. L’éthique du travail était enseignée et démontrée quotidiennement.

Les petites collectivités (la mienne comptait 1800 habitants) ont une façon d’enseigner l’importance de la réputation. Tout le monde connaît tout le monde. Les liens familiaux et les amitiés sont multidimensionnels et se poursuivent souvent sur plusieurs générations. Ma famille exploitait une petite compagnie d’assurance de deuxième génération en ville. Maintenir une réputation d’honnêteté, d’intégrité et de bon service à la clientèle et à la collectivité était primordial. On attendait de nous que nous nous comportions chaque jour d’une manière conforme à ces valeurs.

L’humilité était attendue. Les faux-semblants et le manque de sincérité étaient mis en doute. Il fallait savoir qui l’on était et être cette personne. Il fallait ne pas faire preuve de suffisance.

Comme j’ai grandi avec deux sœurs beaucoup plus âgées que moi, ma vie familiale s’est déroulée principalement en compagnie d’adultes. Dès mon plus jeune âge, j’ai appris que si je voulais participer à ce qui était avant tout une conversation d’adultes, j’avais intérêt à avoir quelque chose d’intéressant à dire. Je devais réfléchir avant de parler, un message de prudence qui résonne et me guide encore aujourd’hui.

Apprendre à réfléchir avant de parler était malheureusement limité aux conversations en anglais uniquement. Je ne parle pas français et j’aimerais avoir l’occasion d’apprendre.

L’environnement dans lequel s’est déroulée ma jeunesse n’offrait aucune diversité culturelle, mais c’était un microcosme de diversité économique et sociale. J’ai appris que la valeur d’une personne ne se mesure pas à sa richesse, à sa profession, à sa position sociale ou à son niveau d’éducation. C’est le sens du bien, du mal et d’équité d’une personne qui est important et digne de respect.

À l’âge adulte, j’ai eu l’occasion, dans ma vie quotidienne, de découvrir une plus grande diversité et l’épanouissement qui en découle. L’exemple le plus personnel que je puisse donner est le suivant. À l’âge de 42 ans, j’ai entamé pour la première fois une relation amoureuse avec une personne du même sexe et, pour la première fois également, j’ai éprouvé une profonde peur du jugement et des préjudices potentiels. Il s’agissait d’une peur inconnue, déstabilisante, à un moment inattendu de ma vie, qui m’a amenée à remettre en question beaucoup de choses dont je n’avais jamais douté auparavant. En fin de compte, ma peur m’a procuré une plus grande confiance dans les personnes qui comptent le plus pour moi, et une compréhension plus profonde de ce que cela signifie d’être vraiment tolérant et respectueux des différences.

Ma relation a maintenant une riche histoire de quinze ans. Ma partenaire est noire et souffre d’un handicap douloureux. Ses expériences, passées et présentes, me permettent de découvrir son monde et, je l’espère, d’aussi mieux comprendre le mien.

La conviction qu’un travail acharné me servirait à quelque chose m’a conduite à ma décision initiale de renoncer aux études postsecondaires pour trouver un emploi. Cependant, au début de la vingtaine, j’ai commencé à penser que j’avais raté quelque chose d’important, qu’il y avait tant de choses auxquelles je n’avais jamais été exposée et auxquelles je n’avais jamais pensé réfléchir. Ainsi, lorsque j’ai pris la décision de suivre des études de premier cycle en arts, l’objectif n’était pas seulement d’obtenir un diplôme, mais l’expérience elle-même. Les études en droit n’étaient même pas un rêve à l’époque. Ce n’est que plus tard, lorsque j’ai réalisé l’étendue de ma curiosité et de ma volonté de travailler dur, que j’ai commencé à penser qu’un diplôme de droit pouvait être possible.

Tout comme les études en droit, la recherche d’une occasion de siéger comme juge n’a jamais été un objectif dans ma vie. C’est plutôt l’aboutissement des expériences de vie acquises à ce jour, et des compétences professionnelles et intérêts développés au cours de ma carrière, qui m’amènent à poser ma candidature et à souhaiter être membre de la magistrature. Je pense que le moment est venu pour moi de passer du service privé à la fonction publique.

Mon travail au cours des vingt-six dernières années, qui a consisté à représenter des personnes en situation de divorce ou vivant des circonstances personnelles difficiles, a été stimulant et gratifiant, tant sur le plan personnel que professionnel. Pour bien faire son travail, il faut développer de bonnes compétences juridiques, de bonnes qualités interpersonnelles et de bonnes compétences en communication. Je crois que je mobilise et utilise ces compétences au mieux de mes capacités pour bien représenter mes clients. J’espère maintenant mettre ces compétences au service de la magistrature, afin d’aider les plaideurs à parvenir à une résolution et à aller de l’avant, que ce soit grâce à un règlement ou dans le cadre d’un procès. Notre système est très onéreux pour les plaideurs, tant sur le plan financier que sur le plan émotionnel. Il est essentiel que les parties soient et se sentent bien servies lorsqu’elles ont besoin de l’aide d’un juge.

Dresser la liste des qualités et des compétences personnelles qui, selon moi, me permettent d’assumer et de remplir le rôle de juge n’est pas une tâche facile pour moi. Ce que je propose, ce sont les mots que les autres, les personnes du passé comme du présent, utiliseraient, je crois, pour me décrire : honnête et ouverte d’esprit, analytique et intelligente, fiable, humble, travailleuse et intègre, juste, capable de prendre des décisions difficiles, tolérante et ouverte aux autres, intéressée, dévouée, capable de travailler en équipe, et « elle prend son travail au sérieux sans se prendre au sérieux ». J’espère aussi que beaucoup diraient que mon bon sens de l’humour inclut la capacité de rire de moi-même.

6. Compte tenu de l’objectif voulant que les Canadiens et Canadiennes se reconnaissent et reconnaissent leurs expériences de vie au sein de la magistrature, vous pouvez, si vous le voulez, ajouter des renseignements sur vous-même que vous croyez être utiles aux fins de cet objectif.

Je crois que tout a été dit. J’espère donc que ma candidature illustre la manière avec laquelle mes expériences ont enrichi ma vie personnelle et contribué à ma vie professionnelle dans le domaine du droit. Je suis persuadée de pouvoir apporter à la magistrature des valeurs et une expérience que les Canadiens et Canadiennes sauront reconnaître.

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2023-11-21