Des soins sous toutes réserves: Une enquête sur le traitement des réservistes blessés—Rapport
Avril 2008
Lettre au Ministre
Le 29 février 2008
L’honorable Peter G. MacKay, C.P., c.r., député
Ministre de la Défense nationale
Quartier général de la Défense nationale
Édifice mgén George R. Pearkes
13e étage, Tour Nord
101, promenade Colonel By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2
Monsieur le Ministre,
Vous trouverez ci-joint six exemplaires de notre rapport spécial intitulé Des soins sous toutes réserves : une enquête sur le traitement des réservistes blessés. Cette enquête a été lancée en 2006 à la suite de plaintes déposées par des membres de la Réserve des Forces canadiennes qui faisaient part du manque d’uniformité dans l’application des normes de soins de santé pour ceux qui se blessent lorsqu’ils sont au service du Canada. Il s’agit de la première enquête systémique du Bureau qui porte sur la Force de réserve.
Étant donné la complexité des problèmes soulevés et la nature des recommandations, nous avons produit un rapport intérimaire, à la fin de notre enquête, et nous l’avons soumis aux différents niveaux d’autorité du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes afin d’obtenir des commentaires sur les conclusions et recommandations formulées. Le rapport final, que nous vous soumettons en vos qualités de ministre de la Défense nationale, conformément à l’alinéa 38(1)(b) des Directives ministérielles concernant le Bureau de l’Ombudsman, a été préparé en tenant compte des réponses reçues.
Veuillez prendre note qu’en vertu de l’alinéa 38(2)(b) des Directives ministérielles, nous prévoyons rendre notre rapport public au terme du délai de 28 jours à partir de la date de la présente lettre.
C’est avec intérêt que nous attendons vos commentaires relativement à nos recommandations.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.
Mary McFadyen
Ombudsman intérimaire
p.j.
Sommaire
Introduction
Il s’agit de la première enquête systémique du Bureau de l’Ombudsman concernant la Force de réserve du Canada. Bien que les réservistes soient de plus en plus appelés à jouer les mêmes rôles que les militaires de la Force régulière, lorsqu’ils ont besoin de soins médicaux, ils sont souvent forcés de constater qu’ils ne reçoivent pas le même traitement qu’eux.
Enquête
L’enquête a permis de relever de nombreux problèmes concernant les réservistes qui se blessent dans l’exercice de leurs fonctions au service du Canada et qui ont ensuite besoin de soins médicaux. Ces problèmes ne sont pas nouveaux. Ils existent depuis des dizaines d’années malgré les efforts bien intentionnés des Forces canadiennes visant à gérer les problèmes bien réels et quotidiens qui nuisent aux réservistes et aux fournisseurs de soins. Le programme de transformation du Chef d’état-major de la Défense et la volonté d’harmoniser la Force de réserve et la Force régulière ont contribué à faire ressortir de plus en plus les problèmes actuels dans le domaine des soins de santé.
Les Forces canadiennes ont connu ces dernières années un rythme opérationnel très soutenu et, de plus en plus souvent, on demande aux réservistes de les aider à remplir leur mandat. Ainsi, ces derniers aident la Force régulière pendant les crises et les catastrophes naturelles au Canada et fournissent des renforts essentiels pour des missions à l’étranger qui sont de plus en plus dangereuses et exigeantes, comme c’est le cas actuellement en Afghanistan. De fait, environ 20 p. 100 des effectifs militaires canadiens en Afghanistan sont des réservistes.
Ce besoin n’est pas prêt de disparaître. Que ce soit dans le cadre de déploiements opérationnels en Afghanistan, des prochains Jeux olympiques d’hiver de 2010 ou des cataclysmes causés par les variations climatiques, la Première réserve va jouer un rôle de plus en plus important dans l’efficacité globale des Forces canadiennes.
Il est évident que le rôle des réservistes a considérablement évolué au cours des dernières années. Malheureusement, la réforme des politiques s’est laissée distancer par le rôle changeant de cet élément essentiel des Forces canadiennes. En échange de l’engagement qu’ils prennent à s’entraîner et à servir leur pays, les réservistes s’attendent à juste titre à recevoir les meilleurs soins possible lorsqu’ils sont blessés ou qu’ils tombent malades durant leur service ou pendant l’exercice de leurs fonctions militaires ailleurs qu’à leur base d’attache.
Dans le cadre de la présente enquête, nous avons reçu de nombreux commentaires de près de 400 personnes, dont la majorité était des réservistes. Nous avons examiné des politiques, des procédures, des règlements et des sites Web. Nous nous sommes abondamment entretenus avec les fournisseurs de soins de santé des Forces canadiennes, et nous avons écouté leurs préoccupations. Les échelons supérieurs des Forces canadiennes ont ouvertement fait part de leurs commentaires, et toutes les personnes avec qui nous avons communiqué ont collaboré sans réserve à l’enquête. Nous pouvons affirmer que les renseignements fournis dans le présent rapport sont fidèles à la situation qui prévalait à la fin de 2007.
L’enquête a permis de relever les quatre grands problèmes suivants :
- En ce qui concerne les soins de santé prodigués aux réservistes. Les politiques et règlements concernant le droit des réservistes de recevoir des soins de santé des Forces canadiennes sont ambigus. Par conséquent, il existe des injustices énormes dans l’interprétation de ces documents quant au moment où on devrait dispenser des soins de santé, ce qui mène à de la frustration de la part des responsables des soins de santé et des réservistes. Le présent rapport renferme quatre recommandations qui visent à corriger ces lacunes.
- En ce qui concerne l’uniformité des normes. Les normes sont soit différentes, soit appliquées de façon différente en ce qui concerne la prestation des soins de santé aux membres de la Force de réserve par rapport à leurs homologues de la Force régulière, plus particulièrement en ce qui a trait aux examens médicaux périodiques des réservistes, aux vaccinations des réservistes, au traitement de leurs blessures causées par le conditionnement physique ainsi qu’au traitement et à la conservation de leurs dossiers médicaux. Le présent rapport renferme cinq recommandations qui visent à corriger ces lacunes.
- En ce qui concerne les prestations offertes aux réservistes blessés. En vertu du Régime d’assurance mutilation accidentelle, certains réservistes (en service de courte durée) ne reçoivent que 40 p. 100 de l’indemnité des autres réservistes (en service de longue durée) et du personnel de la Force régulière pour le même type de blessure. De plus, les réservistes qui servent temporairement au sein de la Réserve supplémentaire n’ont pas droit aux prestations du Régime d’assurance mutilation accidentelle ou aux prestations d’invalidité de longue durée du Régime d'assurance-revenu militaire. Le présent rapport renferme deux recommandations qui visent à corriger ces lacunes très sérieuses.
- En ce qui concerne l’administration de la Réserve. Les Forces canadiennes ne sont pas en mesure de traiter rapidement les libérations pour raisons de santé des réservistes, et ces derniers s’en trouvent désavantagés sur le plan financier. Le présent rapport renferme une recommandation qui vise à régler la question des libérations pour raisons de santé.
Recommandations
Prestation des soins de santé
En ce qui concerne la prestation des soins de santé aux réservistes, un certain nombre de questions préoccupantes sont soulignées dans le présent rapport, notamment :
- l’ambiguïté des politiques et des règlements actuels concernant le droit des réservistes à des soins de santé;
- la pratique très répandue de prodiguer des niveaux de soins médicaux différents aux réservistes en service de classe B, selon la durée de leur contrat;
- le fait que les politiques, leur interprétation et les décisions relatives aux soins de santé prodigués aux réservistes sont souvent inaccessibles aux militaires des Forces canadiennes qui ne font pas partie du réseau des soins de santé et que même ceux qui en font partie ont de la difficulté à accéder à de tels documents.
On doit élaborer une stratégie pour régler ces problèmes efficacement, par conséquent,
Nous recommandons :
- que les Forces canadiennes créent un nouveau cadre de réglementation régissant le droit aux soins médicaux et dentaires et la prestation de ces soins pour les diverses catégories de réservistes;
- que le nouveau cadre de réglementation soit rédigé en termes clairs et conviviaux pour qu’il puisse être interprété et appliqué justement et sans distinction;
- que le nouveau cadre de réglementation, et toutes les modifications et clarifications qui y seront apportées, soient largement diffusés à toutes les personnes concernées et que ces dernières puissent ensuite les consulter facilement;
- que ce cadre de réglementation soit terminé dans les douze mois suivant la publication du présent rapport.
Afin que les réservistes bénéficient d’un traitement juste et convenable, il faut en outre expliquer le droit aux soins de santé lorsque la blessure ou la maladie est attribuable au service militaire. Pour satisfaire à ce besoin, nous recommandons :
- que le cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires reconnaisse que les Forces canadiennes ont l’obligation de prodiguer aux réservistes (que ce soit par l’entremise de fournisseurs des Forces canadiennes ou de fournisseurs externes) les soins de santé complets dont ils ont besoin après une maladie ou une blessure attribuable au service militaire.
Il pourrait également y avoir injustice dans les situations où le réserviste à temps partiel qui sert temporairement ailleurs que dans son unité d’attache n’a ni accès à son médecin de famille (en raison de la distance) ni accès à des soins militaires en raison de la classe de son service ou parce que sa blessure n’est pas attribuable au service militaire. Le renvoi au système de santé d’une province s’accompagne de nombreuses complications, notamment des problèmes de transport, la difficulté à trouver un médecin ou un dentiste qui accepte de vous voir (ce qui n’est pas toujours possible), la perte de temps d’instruction ou de service, des problèmes liés au paiement, y compris des situations découlant du fait que le militaire ne se trouve pas dans sa province, le manque d’accès au dossier médical et des problèmes de continuité des soins. Pour atténuer ces problèmes, nous recommandons :
- que le cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires établisse la responsabilité des Forces canadiennes de fournir des soins médicaux et dentaires à tous les réservistes qui en ont besoin lorsqu’ils ne peuvent consulter leur fournisseur de soins de santé civil en raison de l’endroit où ils servent.
Un cadre de réglementation réformé incluant les politiques que nous recommandons ne fera pas nécessairement disparaître tous les problèmes. Toutefois, le fait de clarifier les principes et les valeurs permettra d’avoir une méthode uniforme et d’en arriver à une résolution plus facile des cas et des dossiers difficiles à régler. À cet égard, il y a lieu d’envisager sérieusement l’inclusion dans le cadre de réglementation d’un principe en vertu duquel le réserviste aura le bénéfice du doute lorsqu’on prendra une décision concernant son droit aux soins médicaux et dentaires. Par conséquent, nous recommandons :
- que le nouveau cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires contienne une directive générale à l’intention des preneurs de décision indiquant que le règlement devrait être interprété et appliqué de manière juste et généreuse et que, quand la question du droit aux soins n’est pas claire, la décision devrait être prise en faveur du réserviste.
Absence de normes uniformes
La question du manque d’uniformité des normes a constamment refait surface durant notre enquête. Bien que la majorité des réservistes servent à temps partiel, plus que jamais, ils se portent volontaires en nombre grandissant pour servir à temps plein dans le cadre des missions et déploiements des Forces canadiennes. En fait, on attend clairement des réservistes qu’ils satisfassent aux mêmes normes de condition physique, pour l’emploi et les déploiements, que les membres de la Force régulière et qu’ils s’y maintiennent. C’est tout à fait normal. Lorsque l’on fixe légitimement des normes, elles doivent s’appliquer à tous. S’il y avait deux poids, deux mesures, à savoir une norme pour la Force régulière et une norme pour la Réserve, ce serait injuste pour tout le monde.
Les Forces canadiennes et les réservistes ne doivent être régis que par un seul ensemble de normes. Les Forces canadiennes s’attendent, à juste titre, à ce que les réservistes satisfassent aux mêmes normes de condition physique pour l’emploi et les déploiements que les membres de la Force régulière. Il est donc juste pour les réservistes de recevoir essentiellement le même soutien que celui qui est offert aux membres de la Force régulière pour répondre à ces normes. Dans notre rapport, nous nous penchons sur les quatre principales questions qui suivent relativement à la santé au travail et en milieu opérationnel.
- Les examens de santé ou évaluations périodiques.
- Les vaccinations.
- Les normes de condition physique.
- Les dossiers médicaux.
Les cinq recommandations suivantes visent à régler ces problèmes :
- que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, on applique les normes régissant les évaluations de santé périodiques au personnel de la Première réserve comme au personnel de la Force régulière.
- que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, les Forces canadiennes :
- diffusent des exigences en matière de vaccination qui s’appliquent à tout le personnel militaire (Force régulière et Première réserve) qui participe à des opérations et à de l’instruction au Canada;
- mettent en place un mécanisme permettant de vacciner les membres de la Première réserve et de la Force régulière aux frais de l’État.
- diffusent des exigences en matière de vaccination qui s’appliquent à tout le personnel militaire (Force régulière et Première réserve) qui participe à des opérations et à de l’instruction au Canada;
- que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, les Forces canadiennes créent un cadre de réglementation pour que les réservistes soient indemnisés équitablement pour les pertes de salaire et reçoivent les soins médicaux adéquats lorsqu’ils se blessent en s’entraînant pour satisfaire aux normes de conditions physiques des Forces canadiennes.
- que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour tenir et protéger les dossiers médicaux de la Réserve selon les mêmes normes que celles applicables aux dossiers médicaux de la Force régulière.
- que le dossier médical suive le militaire lorsque ce dernier change d’élément ou s’enrôle de nouveau.
Prestations offertes aux réservistes blessés
Dans la troisième partie du rapport, nous examinons deux dossiers. Le premier concerne l’inégalité qui existe à propos des prestations d’assurance mutilation où les réservistes à temps partiel reçoivent une indemnité inférieure à celles des autres militaires. Le deuxième concerne le fait que les membres de la Réserve supplémentaire qui servent dans la Première réserve n’ont pas droit aux prestations d’assurance invalidité et à d’autres avantages sociaux. Dans les deux cas, il y a deux poids, deux mesures, ce qui est contraire au principe fondamental d’équité.
- Nous recommandons que l’on modifie le Régime d'assurance mutilation accidentelle, avec effet rétroactif au 13 février 2003, pour que tous les membres des Forces canadiennes reçoivent la même indemnité pour la même blessure.
- Nous recommandons que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour que tous les membres de la Réserve supplémentaire qui sont affectés temporairement à la Première réserve reçoivent les mêmes prestations que leurs homologues de la Première réserve.
Administration de la réserve
L’objet principal de l’enquête était le traitement des réservistes blessés. Toutefois, les enquêteurs ont aussi découvert qu’il existait des préoccupations et des problèmes importants en ce qui concerne le fardeau administratif que doivent porter les unités de la Réserve. Les entrevues réalisées avec des commandants d’unité, des capitaines-adjudants, des commis chefs d’unité et du personnel des services des ressources humaines dans les quartiers généraux de formation ont révélé que les unités de la Réserve (en particulier celles de l’Armée) n’ont pas les ressources nécessaires pour effectuer les tâches administratives dont elles sont chargées, et leur personnel n’est pas convenablement formé. Les préoccupations à propos de l’administration de la Réserve ne sont pas nouvelles, et elles ont fait l’objet de rapports précédents produits par d’autres organismes.
Bien que les difficultés administratives aient des répercussions sur tous les aspects de l’expérience militaire des réservistes à temps partiel, nous les avons remarquées dans le contexte de l’enquête parce qu’en raison de ces problèmes administratifs les réservistes blessés et leur famille ne reçoivent pas l’appui dont ils ont besoin, en particulier quand il s’agit de l’administration des libérations pour raisons de santé. Voici quelques-uns de ces problèmes.
- Parce que l’autorisation de libération pour raisons de santé n’est pas donnée à temps, le réserviste ne peut joindre le gestionnaire de cas ou ne peut le joindre que tardivement.
- À cause du retard pris dans le traitement des libérations pour raisons de santé, les réservistes ne reçoivent pas leur allocation de retraite à l'intention de la Force de réserve dans un délai raisonnable.
- Les réservistes blessés ont fréquemment de la difficulté à se prévaloir des prestations du Régime d'assurance-revenu militaire.
Pour remédier à ces problèmes, nous recommandons :
- que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour que tous les réservistes qui sont libérés pour raisons de santé le soient rapidement.
Il s’agit de la première enquête systémique menée par le Bureau de l’Ombudsman qui porte tout particulièrement sur la Réserve. Nous avons fait douze recommandations qui, lorsqu’elles seront mises en œuvre, permettront de traiter équitablement tous les réservistes au Canada.
Notre Bureau attend avec intérêt les commentaires du ministre de la Défense nationale et du Chef d’état-major de la Défense sur les recommandations formulées dans le présent rapport.
Traitement des réservistes blessés
Introduction
Aperçu de l’enquête
Le Bureau de l’Ombudsman a mené une enquête systémique sur le traitement des réservistes des Forces canadiennes qui ont besoin de soins. C’est la première fois que le Bureau effectue une enquête systémique concernant la Réserve.
Justification
Traditionnellement, la Réserve est une ressource stratégique des Forces canadiennes. On s’appuie sur elle en cas de mobilisation et certains de ses éléments ont des missions et des rôles particuliers. Cependant, de nos jours, la Réserve a une capacité opérationnelle de plus en plus importante. On prévoit qu’elle conservera ce double rôle, stratégique et opérationnel, dans un avenir prévisible.
À cet égard, le Chef d’état major de la Défense a indiqué son intention d’intégrer plus étroitement les éléments de la Force régulière et ceux de la Réserve et de mieux harmoniser la Première réserve pour satisfaire aux besoins concernant l’emploi des forces au niveau national, continental et international. Précisément, il a déclaré :
Les militaires de la force régulière et de la force de réserve et le personnel civil seront plus étroitement intégrés dans pratiquement chaque structure des Forces canadiennes, afin de garantir la meilleure utilisation possible des compétences et de l'expérience à chaque niveau. Autrement dit, ce qu'un individu peut faire est plus important que le milieu d'où il vient ou l'uniforme qu'il porte, le cas échéant1.
Les Forces canadiennes ont connu ces dernières années un rythme opérationnel très soutenu et, de plus en plus souvent, on demande aux réservistes de les aider à remplir leur mandat. Ainsi, ces derniers aident la Force régulière pendant les crises et les catastrophes naturelles au Canada et fournissent des renforts essentiels pour des missions à l’étranger qui sont de plus en plus dangereuses et exigeantes, comme c’est le cas actuellement en Afghanistan. De fait, environ 20 p. 100 des effectifs militaires canadiens en Afghanistan sont des réservistes.
Ce besoin n’est pas prêt de disparaître. Que ce soit dans le cadre de déploiements opérationnels en Afghanistan, des prochains Jeux olympiques d’hiver de 2010 ou des cataclysmes causés par les variations climatiques, la Première réserve va jouer un rôle de plus en plus important dans l’efficacité globale des Forces canadiennes.
Lorsque le Bureau a commencé sa première enquête systémique sur la Réserve, l’ancien ombudsman, M. Yves Côté a déclaré : « Les Forces canadiennes ne peuvent appliquer des normes de soins différentes à l'égard de certains groupes de militaires qui se blessent en servant leur pays, car tous mettent leur vie en danger.
»
Des préoccupations ont été soulevées à l’égard du fait que les réservistes ne recevaient pas les soins auxquels ils avaient droit à leur retour d’un déploiement. Toutefois, durant la présente enquête, il est vite devenu évident que le plus gros problème des réservistes était tout autre.
Que ce soit pendant l’instruction ou dans le cadre de leur travail, les réservistes et les membres de la Force régulière risquent de se blesser. Ces blessures peuvent mettre en danger leur avenir. Dans ces circonstances, lorsqu’il lui arrive quelque chose, on assure au soldat de la Force régulière des soins médicaux immédiats et constants. Ce n’est pas toujours le cas pour le réserviste, même lorsqu’il se trouve dans les mêmes conditions que son collègue de la Force régulière.
L’admissibilité des réservistes aux soins est régie par les dispositions du contrat en vertu duquel ils sont employés. Les réservistes qui ont un contrat à court terme reçoivent des soins actifs jusqu’à ce qu’ils soient pris en charge par le régime de soins de santé de leur province. Ce sont ces réservistes, blessés dans l’exercice de leurs fonctions, qui connaissent une multitude de problèmes, notamment des difficultés à obtenir des soins rapides, adéquats et constants des Forces canadiennes.
Processus d’enquête
Une équipe de quatre enquêteurs a été chargée de l’enquête.
L’enquête a consisté à faire des entrevues ainsi qu’à étudier et analyser la politique et les documents portant sur le sujet.
Afin de joindre les personnes qui pouvaient nous fournir de l’information, nous avons créé un plan de communication et l’avons mis en œuvre pour annoncer la tenue de l’enquête. Un de nos buts était d’inviter les réservistes à faire part à nos enquêteurs de leur expérience, qu’elle soit positive ou non, quant à la manière dont ils avaient été traités dans le système des soins de santé des Forces canadiennes lorsqu’ils avaient été blessés. Notre Bureau a communiqué avec la haute direction du Quartier général de la Défense nationale, qui a informé les formations et unités subordonnées de l’enquête et leur a demandé leur entière collaboration.
Les enquêteurs ont interrogé 225 personnes du ministère de la Défense nationale partout au Canada. Cent soixante quatre autres personnes ont donné leur avis principalement par courriel ou par téléphone. La majorité des 389 personnes interrogées étaient des réservistes.
Les enquêteurs ont aussi examiné des politiques, des procédures, des règlements et les sites Web connexes.
L’enquête s’est déroulée en cinq étapes :
- Évaluation initiale – début de l’été 2006
- Planification de l’enquête – fin de l’été 2006
- Collecte des données et preuves – automne et hiver 2006-2007
- Étude et analyse des données – hiver 2006-2007 et printemps 2007
- Rédaction, consultation et préparation du rapport – printemps et été 2007
Nous sommes convaincus que les renseignements fournis dans le présent rapport reflètent la situation actuelle, y compris les politiques et les procédures telles qu’elles existaient à la fin de 2007.
Au cours de l’enquête, tous les participants, en particulier les fournisseurs de soins de santé, ont coopéré sans réserve avec nos enquêteurs et les ont aidés.
De plus, nous avons examiné le chapitre 4 du rapport d’octobre 2007 du vérificateur général. Ce rapport portait sur les soins de santé aux militaires.
Contexte
Qui est réserviste?
Le service dans les Forces canadiennes est un acte volontaire. Par conséquent, tous les réservistes sont des personnes qui souhaitent participer à la défense et à la sécurité du Canada, suivre la formation pour obtenir les qualifications de la profession qu’elles ont choisie, et ensuite se préparer à prendre part à des opérations au Canada ou à l’étranger.
Il y a de nombreuses catégories et classifications dans la Réserve. Au plus haut niveau, la Réserve comprend les quatre composantes suivantes :
- Première réserve – C’est la composante que les Canadiens connaissent le mieux. Ce sont les officiers et les militaires du rang réservistes de l’Armée, de la Marine ou de la Force aérienne qui travaillent dans les manèges militaires et les unités de la Réserve ou avec les unités de la Force régulière au Canada et à l’étranger.
- Réserve supplémentaire – Cette composante réunit principalement d’anciens membres de la Force régulière ou de la Première réserve qui se portent volontaires pour aider leur pays en temps de crise ou en situation d’urgence. Lorsqu’ils ne sont pas employés, ils ne sont pas payés, n’ont pas d’avantages sociaux et n’ont pas à suivre d’entraînement.
- Rangers canadiens – Les Rangers assurent une présence militaire dans les régions faiblement peuplées que ce soit dans le Grand Nord, les zones côtières ou les régions isolées du Canada;
- Cadre des instructeurs de cadets – Les membres du Cadre des instructeurs de cadets sont surtout des jeunes leaders dont les principales responsabilités comprennent l’instruction et l’administration des cadets. Les instructeurs de cadets reçoivent une instruction militaire minimale.
La portée de l’enquête était restreinte aux membres de la Première réserve et à ceux de la Réserve supplémentaire.
La Première réserve
Les membres de la Première réserve peuvent devoir suivre de l’instruction pendant des périodes prescrites par la réglementation; ils peuvent devoir effectuer des fonctions continues à temps plein, autres que de l’instruction, pendant les périodes et de la manière prescrite par les règlements stipulés par le gouverneur en conseil. Le gouverneur en conseil a stipulé, par règlement, qu’en cas d’urgence le Ministre de la Défense nationale peut faire appel aux militaires, unités et éléments de la Réserve, selon ce qui est jugé nécessaire, pour remplir des fonctions militaires autres que de l’instruction, par exemple pour les situations d’urgence nationales.
On ne peut ordonner aux membres de la Première réserve de participer à un déploiement à l’étranger. Ils doivent se porter volontaires pour servir à l’étranger, que ce soit au cours d’opérations ou pour de l’instruction.
Le chef d’état major de la Défense commande la Première réserve par l’entremise des quartiers généraux de commandement et, dans certains cas, par l’entremise des quartiers généraux de formation intermédiaire, de la même manière que la Force régulière.
Types de service
Il existe des limites de durée quant au service que l’on peut ordonner aux réservistes de faire. Néanmoins, ils peuvent se porter volontaire pour effectuer des périodes de service plus longues. Les réservistes peuvent ainsi occuper des postes à plein temps. Les différents types de service de réserve sont définis dans le chapitre 9 (Service de réserve) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). On peut y lire :
Un militaire de la force de réserve est en service de classe « C », lorsqu’il est en service volontaire à plein temps pour des déploiements et qu’il est soumis aux mêmes obligations que les membres de la Force régulière. Par exemple, les réservistes servant en Afghanistan, ou qui s’entraînent en vue de s’y déployer, sont en service de réserve de classe C. Ils reçoivent la même solde que les membres de la Force régulière.
Un militaire de la force de réserve sert en service de classe « B » lorsqu’il accomplit du service volontaire à plein temps et :
- qu’il occupe un poste temporaire pour donner de l’instruction à des réservistes ou à des cadets;
- qu'il est envoyé, soit en affectation à des fins d'instruction, soit à un cours d'instruction;
- qu'il est affecté à des tâches de nature temporaire dans les cas où il n'est pas pratique d'affecter des membres de la Force régulière à ces tâches.
Un membre de la Réserve est en service de classe « A » lorsqu’il suit de l’instruction ou est en service dans des circonstances autres que le service de classe B ou de classe C. La majorité de ces réservistes travaillent à temps partiel et suivent de l’instruction certains soirs de semaine ou pendant certaines fins de semaine. Les réservistes en service de classe A ou de classe B reçoivent 85 p. 100 de la solde des militaires de la Force régulière ou les réservistes en service de classe C.
Soutien aux Forces canadiennes en matière de santé
Le système de soins de santé d’aujourd’hui
Les Services de santé des Forces canadiennes sont le fournisseur officiel de soins de santé du personnel militaire au Canada. Ils prodiguent des soins médicaux et dentaires à plus de 85 000 membres de la Force régulière et de la Réserve qui ont droit à leurs soins de santé, au Canada et à l’étranger. La vérificatrice générale a indiqué, dans le chapitre 4 (Les soins de santé fournis aux militaires - Défense nationale), de son rapport rendu public en octobre 2007, que plus de 3000 praticiens (membres de la Force régulière, de la Réserve, de la fonction publique et employés civils engagés à contrat) fournissaient des soins de santé aux membres des Forces canadiennes en 2006-2007.
Le médecin chef des Forces canadiennes rend compte au Chef du personnel militaire qui, à son tour, relève directement du Chef d’état major de la Défense. Depuis le printemps 2007, le médecin-chef des Forces canadiennes est le Directeur général — Services de santé et il commande le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes.
Le but des Services de santé des Forces canadiennes est d’assurer que les membres des Forces canadiennes reçoivent des services de santé comparables à ceux que les régimes de soins de santé des provinces offrent au reste des Canadiens.
Diffusé sous l’autorité du Chef du personnel militaire, le document des Forces canadiennes intitulé Gamme de soins2 fournit des lignes directrices aux autorités supérieures médicales ou dentaires concernées pour décider en définitive s’il faut, ou non, fournir, approuver et (ou) financer un service de santé. On y décrit les services et les soins médicaux et dentaires subventionnés par l'État dont peuvent se prévaloir les membres des Forces canadiennes et les autres personnes admissibles. Les Forces canadiennes offrent à leurs employés une gamme de services médicaux plus complète que les régimes de soins de santé des provinces qui sont financés par des fonds publics. Elles fournissent aussi d’autres services comme les médicaments en vente libre et les services de thérapie3.
Lorsqu’elles ne peuvent pas fournir dans leurs installations des traitements ou des services médicaux ou dentaires, les Forces canadiennes les obtiennent auprès du secteur civil des soins de santé. Par exemple, comme la vérificatrice générale l’a indiqué dans le chapitre 4 (Les soins de santé fournis aux militaires - Défense nationale) de son rapport : « puisque l’oncologie ne constitue pas une spécialité médicale militaire et ne fait pas partie des services de soins primaires, un militaire qui a besoin de tels traitements serait aiguillé vers un oncologue par son médecin des Forces canadiennes. Il deviendrait alors un patient dans le système civil de soins de santé aux frais du Ministère.
»
Les fondements juridiques des soins de santé offerts aux membres des Forces canadiennes
Au Canada, les administrations provinciales et territoriales doivent fournir les services de soins de santé à leurs citoyens.
Toutefois, bien que les soins de santé soient principalement une responsabilité des administrations provinciales et territoriales, le gouvernement fédéral soutient le système de santé des Canadiens et y contribue de deux manières :
- en donnant de l’argent aux provinces pour financer en partie les régimes de soins de santé des provinces;
- en offrant des services de soins de santé directement à certains groupes de personnes.
La Loi canadienne sur la santé (L.R., 1985, ch. C-6) définit la manière dont le gouvernement fédéral finance les régimes de soins de santé des provinces et veille à ce que les personnes admissibles à ces régimes puissent obtenir les soins offerts de manière satisfaisante. Aux termes de la Loi, les membres des Forces canadiennes ne sont pas des assurés des régimes de soins de santé des provinces. La définition d’ « assuré » de la Loi canadienne sur la santé est la suivante :
« assuré » Habitant d’une province, à l’exception :
(a) des membres des Forces canadiennes […]
Bien que cette définition porte à penser a priori qu’aucun des membres des Forces canadiennes n’est couvert par les régimes provinciaux d’assurance maladie, dans la pratique, seuls les membres de la Force régulière en sont complètement exclus; pour leur part, les réservistes ont droit et ont accès aux services médicaux payés par le régime provincial d’assurance maladie.
Cette exclusion s’explique parce que les membres des Forces canadiennes font partie d’un des groupes qui reçoivent des services de soins de santé directement du gouvernement fédéral. La prestation directe de soins de santé au personnel militaire existait bien avant la Loi canadienne sur la santé et faisait partie des responsabilités du gouvernement en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 (L.R., 1985, app. II, n° 5) envers « la milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays ».
La loi fédérale qui permet à l’État de s’acquitter de cette responsabilité constitutionnelle et qui régit les Forces canadiennes est la Loi sur la Défense nationale (L.R., 1985, ch. N-5). En vertu de cette loi, on a créé des règlements définissant les droits particuliers des membres des Forces canadiennes en matière de soins de santé.
Les droits particuliers des membres des Forces canadiennes en matière de soins de santé sont définis au chapitre 34, Services de santé, des ORFC. Il est prévu à l’alinéa 34.07(4) que : « Sous réserve des alinéas (5) à (8), les soins de santé sont prodigués aux frais de l’État à un militaire (a) de la force régulière; (b) de la force spéciale; (c) de la force de réserve...
» [on s’est servi des caractères gras pour faire ressortir les termes importants]. Nous étudierons ces dispositions plus loin dans le rapport au moment de l’analyse de l’efficacité des politiques.
Les droits des membres des Forces canadiennes en matière de soins dentaires sont définis dans le chapitre 35, Services dentaires, des ORFC. Il est prévu à l’alinéa 35.04(2) que : «
» Un militaire de la force de réserve en service actif, en service de réserve de classe « B » pour une période de plus de six mois ou en service de réserve de classe « C » a droit à des soins dentaires complets
et à l’alinéa 35.04(3) que : « Un militaire de la force de réserve a droit à des soins dentaires restreints lorsqu'il est en service de réserve de classe « B » pendant une période qui n'excède pas six mois
» [on s’est servi des caractères gras pour faire ressortir les termes importants].
Le chapitre 35 des ORFC, Services dentaires, établit également les droits à des soins pour les blessures aux dents qui nécessitent des soins autres que ceux prodigués dans le cadre de soins dentaires normaux. Tous les réservistes, peu importe leur classe de service, ont droit à des soins dentaires pour une blessure aux dents attribuable à l’exercice de leurs fonctions.
Historique du soutien médical offert aux réservistes
Obtenir des soins médicaux au moment voulu est un des facteurs qui influent le plus sur la qualité de vie des réservistes des Forces canadiennes. Ce n’est pas nouveau; il en a été question dans deux directives du médecin chef des Forces canadiennes ainsi que dans des sondages et des rapports sur la qualité de vie dans les Forces canadiennes depuis 1997.
En 1997, le Chef d'état-major de la Défense par intérim a dirigé une étude qui visait à déterminer dans quelle mesure les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale réussissaient ou non à fournir aux membres des Forces canadiennes4 et à leur famille des soins médicaux ou de l’aide administrative à la suite d’une blessure. Dans l’Étude sur les soins donnés aux militaires blessés et à leur famille, on indiquait que : « le principal sujet de préoccupation [pour les réservistes] est celui des traitements médicaux. Ce n’est pas la qualité des traitements qui est mise en doute, c’est plutôt la possibilité de vraiment recevoir des soins médicaux.
»
En janvier 1999, le Chef d’état major de la Défense a demandé au Chef — Service d’examen de soumettre le Service de santé des Forces canadiennes à un examen pour s’attaquer aux problèmes et aux préoccupations qui avaient été portés à l’attention de la haute direction, notamment dans le rapport de 1998, intitulé Pour aller de l'avant – Plan stratégique pour l'amélioration de la qualité de la vie dans les Forces canadiennes, rapport déposé par le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Toutefois, l’examen devait se « limiter aux soins médicaux prodigués en garnison aux membres de la Force régulière des Forces canadiennes et ne concernait pas les questions médicales relatives à la Réserve5.
» [Traduction]
En janvier 2000, le Chef d’état major de la Défense a déclaré, dans une mise à jour sur les services de santé : «
» Cependant, il n’y a pas eu d’examen des droits des réservistes en matière de soins de santé dans les années qui ont suivi.L'admissibilité des réservistes aux soins de santé est une question extrêmement complexe que le bureau de projet traitera en priorité et soumettra à un examen approfondi avant que le plan ne soit entièrement mis en œuvre.
Pendant ce temps-là, il continuait à y avoir des blessés parmi les réservistes. Depuis sa création en 1999, la Direction – Soutien aux blessés et administration6 a reçu des milliers de formulaires CF 98 (Rapport en cas de blessures ou d’exposition à du matériel toxique) de réservistes. Au cours des dernières années, les réservistes ont signalé en moyenne 1 300 blessures par an.
Problèmes connus
Les rapports d’enquête que notre Bureau a publiés jusqu’à présent étaient le résultat de plaintes particulières. En revanche, le but de la présente enquête était d’examiner des préoccupations largement connues pour déterminer la nature des principaux problèmes et leur source, et de recommander des mesures correctives convenables. Parmi les personnes interrogées figuraient plusieurs réservistes qui avaient eu des difficultés avec la bureaucratie ainsi que des membres du personnel médical, du personnel de gestion des ressources humaines, du personnel d’aide aux blessés et des cadres administratifs.
L’enquête a permis de relever les quatre grands problèmes suivants :
- Les soins de santé prodigués aux réservistes et plus particulièrement l’ambiguïté de la politique des Forces canadiennes en ce qui concerne le droit aux soins de santé et l’insuffisance des soins donnés aux réservistes en service de classe A et de classe B.
- L’uniformité des normes et, plus particulièrement, les examens médicaux périodiques des réservistes, les vaccinations des réservistes, le traitement des blessures causées par le conditionnement physique ainsi que le traitement et la conservation des dossiers médicaux.
- Les prestations offertes aux réservistes blessés et, plus particulièrement, les indemnités du Régime d'assurance mutilation accidentelle, et le traitement injuste des membres de la Réserve supplémentaire.
- Les faiblesses de l’administration de la Réserve et, plus particulièrement, le fait que les Forces canadiennes n’arrivent pas à libérer les réservistes pour raisons de santé dans des délais convenables.
Nous allons examiner en détail ces quatre problèmes dans le reste du présent rapport.
Prestations de soins de santé aux réservistes
« Nul n’est capable de dire avec certitude qui reçoit quoi. Personne ne le sait vraiment, pas même moi qui suis le patron …»7 [Traduction]
Ambiguïté concernant le droit aux soins de santé
Partout où nos enquêteurs se sont rendus, ils ont constaté qu’il régnait une grande confusion dans l’ensemble des Forces canadiennes en ce qui concerne les droits des réservistes servant au Canada en matière de soins de santé (par contre, il n’y avait généralement pas de problèmes en ce qui concerne les soins de santé prodigués aux réservistes). Les réservistes, les fournisseurs de soins de santé et les diverses chaînes de commandement se demandent constamment quel est le niveau de soins médicaux auquel les réservistes ont droit et dans quelles circonstances. Chacun de ces groupes nous a déclaré que les politiques étaient obscures, vagues et désuètes. En plus de ces politiques incompatibles et contradictoires, les nombreuses interprétations des directives, pratiques et règlements actuels ne font qu’aggraver le problème.
En l’absence de politiques et de directives claires applicables à l’échelle des Forces canadiennes, on a pris des décisions ponctuelles et on a créé et mis en œuvre des directives locales. De hautes autorités médicales militaires ont incité les fournisseurs de soins de santé à interpréter librement les politiques existantes et à donner aux réservistes qu’ils traitent le bénéfice du doute. Certaines unités médicales ont pris ces conseils à cœur, et elles prodiguent des soins complets aux réservistes alors que d’autres suivent les lignes directrices publiées au pied de la lettre et, de fait, adoptent une application stricte du règlement.
C’est inacceptable. Les conditions du service militaire donnent lieu à des attentes réciproques entre les membres de la profession et la société canadienne. Les membres des Forces canadiennes, tant de la Force régulière que de la Réserve, acceptent de plein gré les pouvoirs légaux de la chaîne de commandement en vertu desquels celle ci les oblige à un service légitime, ce qui comprend l’acceptation de risques pour leur santé et leur vie. En contrepartie, le Canada a reconnu ses obligations vis-à-vis des membres des Forces canadiennes, y compris l’obligation de veiller à ce qu’ils puissent obtenir un niveau convenable de services médicaux et dentaires quand ils sont blessés ou tombent malades dans l’exercice de leurs fonctions militaires.
Nécessité d’un cadre de réglementation structuré
Ordonnances et règlements royaux – Soins de santé
Comme nous l’avons déjà indiqué, le chapitre 34 des ORFC – Services de santé – décrit le droit des membres des Forces canadiennes aux soins médicaux en fonction des classes de service et des circonstances entourant la blessure. Vous trouverez à l’annexe A du présent rapport la partie du chapitre 34 qui traite des soins médicaux destinés aux réservistes.
De nombreux fournisseurs de soins de santé des Forces canadiennes ont dit aux enquêteurs de l’Ombudsman que ces dispositions des ORFC étaient très difficiles à comprendre, complexes et ambiguës. Dès lors, ont ils expliqué, les dispositions sont extrêmement difficiles à appliquer uniformément. C’est pourquoi le niveau des soins prodigués aux réservistes par les fournisseurs de soins de santé des Forces canadiennes varie, même lorsqu’il s’agit de blessures semblables, d’un traitement complet et continu à, dans certains cas, pas de traitement du tout.
Il faut savoir que, de manière générale, les réservistes qui sont en service de classe B pendant plus de 180 jours sont traités de la même manière que les militaires de la Force régulière et que ceux qui sont en service de classe C. Nous parlerons de ce sujet dans la prochaine partie du rapport.
Par contre, il n’y a pas d’uniformité pour les réservistes à temps partiel en service de classe A ou en service de classe B de courte durée (180 jours ou moins). Il arrive dans certains endroits, que les personnes reçoivent tous les soins dont elles ont besoin du système de santé militaire, y compris des soins de suivi comme de la physiothérapie, qu’on leur rembourse les frais de déplacement pour se rendre à leur rendez vous médical et qu’elles soient payées pendant le temps consacré à ces activités. Dans d’autres cas, les personnes reçoivent les soins actifs initiaux, puis sont redirigées vers le système de santé de la province. Elles ne reçoivent pas toujours de la physiothérapie, le remboursement de leurs frais de déplacement ou leur solde. Il arrive que des réservistes blessés ne reçoivent aucuns soins médicaux initiaux des Forces canadiennes.
Ces inégalités existent depuis un certain temps. Un ancien chef des Services de santé et ancien médecin chef des Forces canadiennes a confié à un enquêteur qu’elle avait jugé nécessaire, pendant son mandat, de diffuser une politique clarifiant le contenu de l’article 34.07 des ORFC, principalement dans le but d’améliorer la continuité des soins pour les réservistes. Un autre ancien médecin chef des Forces canadiennes a indiqué qu’il fallait une interprétation plus large de l’explication du droit aux soins donnée dans l’article 34.07 des ORFC et il avait demandé que le personnel en service de classe B ait droit à ce titre aux soins médicaux complets aux frais de l’État.
En résumé, il règne une confusion générale en ce qui concerne les droits des réservistes en matière de soins médicaux; les problèmes sont très complexes. Le chapitre 34 des ORFC – Services de santé – décrit les droits en fonction des classes de service et des circonstances de la blessure. Cependant, comme nous l’avons dit plus tôt, il est rédigé d’une manière qui le rend totalement obscur et pas du tout convivial.
Ordonnances et règlements royaux – Soins dentaires
Le chapitre 35 des ORFC – Services dentaires – décrit le droit des membres des Forces canadiennes aux soins dentaires en fonction des classes de service et des circonstances entourant la blessure. Vous trouverez dans l’annexe B du présent rapport la partie du chapitre 35 qui traite des soins dentaires destinés aux réservistes.
Contrairement aux droits en matière de soins médicaux, le droit des réservistes aux soins dentaires prodigués par les Forces canadiennes est expliqué de manière assez claire :
- les personnes en service de classe B pendant plus de six mois ou en service de classe C ont droit à des soins dentaires complets;
- les personnes en service de classe B pendant 180 jours ou moins ont droit à des soins dentaires restreints;
- les personnes en service de classe A ailleurs que dans leur unité d’attache ont droit à des soins dentaires restreints;
- les personnes en service de classe A dans leur unité d’attache n’ont pas droit aux soins dentaires.
Il est important de savoir que la plupart des membres de la Première réserve ont le droit de participer au Régime de soins dentaires de la Réserve8, qui fait partie du Régime de soins dentaires de la fonction publique. La participation au régime est facultative pour les réservistes, et le gouvernement du Canada paie la totalité des cotisations. La majorité des réservistes et le personnel administratif concerné étaient au courant de cette couverture dentaire.
Distinctions entre les services de classe B
Un des facteurs qui contribuent à la confusion qui règne à propos des droits des réservistes en matière de soins de santé est que les Services de santé des Forces canadiennes ont l’habitude de lier ces droits au type et à la durée du contrat de travail. Les réservistes qui ont un contrat en service de classe B de 180 jours ou moins possèdent les mêmes droits en matière de soins de santé que les réservistes en service de classe A, alors que ceux qui ont des contrats plus longs en service de classe B possèdent les mêmes droits que les réservistes en service de classe C (et que les membres de la Force régulière).
Cette distinction fondée sur les conditions de service dans la Réserve est clairement précisée pour la couverture relative aux soins dentaires, comme nous l’avons mentionné plus haut. Néanmoins, les enquêteurs de l’Ombudsman n’ont trouvé aucune preuve qu’une telle distinction concernant le droit aux soins médicaux ait été autorisée par une politique élaborée à un haut niveau de la hiérarchie.
Les enquêteurs de l’Ombudsman ont examiné la Loi sur la Défense nationale, de nombreuses politiques, et d’autres documents fondamentaux. Ils ont interrogé du personnel des Forces canadiennes pour déterminer l’origine de la distinction entre les services de classe B (c’est-à-dire plus de 180 jours et 180 jours ou moins). Nous n’avons trouvé aucune politique des Forces canadiennes permettant d’établir l’origine de cette pratique.
De nombreux fournisseurs de soins de santé des Forces canadiennes ont indiqué que l’article 34.07 des ORFC était la référence essentielle utilisée pour décider si l’on doit accorder ou refuser des soins médicaux aux réservistes de classe B selon le type et la durée du contrat. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, l’article 34.07 des ORFC (que l’on peut voir dans l’Annexe B) n’est ni clair ni concis. Cela dit, on n’y mentionne aucunement une distinction concernant le droit des réservistes aux soins médicaux en service de classe B.
Nous avons toutefois trouvé de nombreuses références secondaires où l’on mentionne la distinction au sein du service de classe B servant à décider qui est admissible au système de soins de santé des Forces canadiennes. Parmi ces références figuraient le site Web des Services de santé des Forces canadiennes9 (partie sur les politiques, les directives et les guides), le document Gamme de soins des Forces canadiennes, le guide d’info santé10, le Guide publié par le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada en 2006 sur les programmes et services offerts en cas de décès et d’invalidité, des directives du Secteur de la Force terrestre ainsi que de nombreux documents internes et de la correspondance.
Les enquêteurs n’ont trouvé aucun fondement juridique qui établit la distinction entre les services de réserve de classe B selon la durée du contrat et aucune des personnes interrogées n’a été en mesure d’expliquer un tel fondement juridique. En fait, on a informé les enquêteurs d’une discussion au cours de laquelle on cherchait à savoir si les ORFC autorisaient des soins de santé à tous les réservistes de classe B, peu importe la durée de leur contrat.
Même si les ORFC ne différencient pas le service de classe B selon la durée du contrat, on continue dans le système de soins médicaux des Forces canadiennes à systématiquement faire la différence entre les types de services de classe B. Des documents secondaires ont été rédigés, et l’on continue de prendre des décisions en se fondant sur l’interprétation généralement répandue, mais qui, à notre avis, est erronée et fondée sur un article mal rédigé des ORFC.
Terminologie de la politique
Notre examen des divers règlements et politiques met en évidence un autre problème qui exacerbe la confusion régnant à propos du droit des réservistes aux soins de santé fournis par les Forces canadiennes.
Les expressions suivantes sont employées dans les alinéas (6) et (7) dans l’article 34.07 des ORFC :
- « résultant de l’exercice de ses fonctions »;
- « période de service »;
- « pendant ... une période de service ».
Bien que ces termes n’aient rien de mal en eux mêmes, la signification qu’ils doivent avoir porte grandement à confusion dès qu’ils sont utilisés dans des politiques et documents secondaires sur le droit des réservistes aux soins de santé.
Les enquêteurs ont trouvé que l’on utilisait dans les documents et politiques secondaires un éventail de termes qui portent à confusion comme ceux qui suivent :
- « considéré comme étant en service »;
- « en service »;
- « de l’exercice de ses fonctions »;
- « période en service »;
- « de service »;
- « lié au service »;
- « en service actif »;
- « en service militaire »;
- « période de service ».
Un grand nombre de ces termes peuvent vouloir signifier la même chose, mais l’utilisation d’une terminologie différente laisse penser au lecteur qu’il existe une nuance à respecter. L’emploi sans discrimination de termes différents est une source de confusion pour les personnes qui essaient d’appliquer les politiques et les règlements et provoque une application inégale dans l’ensemble des Forces canadiennes. Les enquêteurs ont consulté les versions françaises comme les versions anglaises de ces publications et ont remarqué que l’équivoque causée par la terminologie était présente dans les deux versions.
Ce que certaines personnes interrogées ont trouvé inquiétant, c’est l’emploi de l’expression « période de service » dans les ORFC pour déterminer quand on peut offrir des soins médicaux, alors qu’il n’existe pas de définition de l’expression. Plusieurs réservistes se sont demandés si le fait de signer le registre de la solde équivalait à être « en service ». À titre d’exemple, les enquêteurs ont été informés d’un cas où un réserviste en service de classe A s’était blessé un soir alors qu’il était en service dans son unité. Comme il n’y avait pas alors de personnel médical de service, il s’est présenté le lendemain matin aux autorités médicales des Forces canadiennes, mais ces dernières ont considéré qu’il n’était pas en service et, par conséquent, qu’il n’était pas admissible à des soins.
La situation en question a été réglée grâce à l’intervention du commandant du réserviste. Néanmoins, ce cas illustre bien une certaine absurdité du présent système. On peut interpréter les politiques actuelles comme signifiant que certains réservistes ont droit aux soins médicaux des Forces canadiennes au lorsque ces soins médicaux ne sont pas offerts et qu’au contraire ils n’y ont pas droit lorsque ces soins sont offerts.
Diffusion et application des politiques
Étant donné la grande confusion qui entoure les droits des réservistes en matière de soins médicaux offerts par les Forces canadiennes, on diffuse de nombreux documents pour expliquer, interpréter ou mettre en œuvre les politiques des hautes instances en général ou pour répondre à des circonstances particulières. Malheureusement, les hautes autorités médicales ont tendance à se servir du courrier électronique pour diffuser la politique, les directives et les décisions en matière de soins de santé, ce qui finit par restreindre l’accès à l’information et fait qu’il est difficile de retrouver ladite information lorsqu’on en a besoin.
Par exemple, en novembre 2004, les réservistes en service de classe B ont été autorisés à recevoir des soins de santé pendant les interruptions de service obligatoires entre deux périodes de service. Toutefois, l’information a été envoyée par courriel aux fournisseurs de soins de santé seulement. Il n’y a pas eu de diffusion officielle de cette information d’une manière qui aurait permis de la communiquer aux administrateurs de la Réserve et aux militaires en service de classe B.
Lorsqu’on signale aux Services de santé des Forces canadiennes des problèmes concernant le droit aux soins médicaux, ces problèmes sont souvent examinés au cas par cas. De nombreux fournisseurs de soins de santé nous ont dit que la décision de prodiguer des soins médicaux aux réservistes est le résultat de directives verbales, d’initiatives prises localement, de relations de travail locales, de courriels, de « consultations de couloir », de téléconférences, de l’application des « meilleures approximations », du recours à la mémoire ministérielle, de décisions subjectives et de l’intervention des commandants d’unité.
Cette méthode de prise de décision officieuse et ponctuelle nécessite beaucoup trop de temps et d’énergie, et elle donne lieu à une interprétation inconstante des droits aux soins et de la prestation de ces derniers, ce qui est une source de confusion. Le simple fait que ce processus existe montre combien il est urgent de moderniser le cadre de réglementation du droit des réservistes aux soins de santé.
Connaissance de la politique
S’il est difficile pour les professionnels de la santé – eux qui savent au moins où trouver les règlements et les directives qui portent sur la prestation des soins de santé – d’interpréter de manière cohérente ces directives, on peut imaginer l’ampleur de la tâche lorsque des personnes qui ne sont pas des spécialistes doivent le faire.
Les enquêteurs de l’Ombudsman ont rencontré de nombreux intervenants, des réservistes, des commandants d’unité et des employés de l’administration de la Réserve qui ont indiqué qu’il leur était difficile d’obtenir ou de trouver de l’information exacte sur le droit des réservistes aux soins médicaux. Certains de ces intervenants accèdent aux soins médicaux alors que d’autres prennent des décisions relativement à l’accessibilité à ces services.
Un grand nombre de ces intervenants avaient scrupuleusement cherché à obtenir des renseignements clairs. Ils avaient consulté la chaîne de commandement, les fournisseurs de soins de santé locaux ou la Direction du soutien aux blessés et de l'administration. Un commandant innovateur d’une unité de la Réserve a même demandé aux enquêteurs de l’Ombudsman, qui se trouvaient dans son unité pour interroger des personnes dans le cadre de l’enquête, de présenter aux membres de son unité un exposé sur leurs droits!
Mot de la fin et recommandations
« Il faut tout rationaliser pour l’amour de Dieu11. » [Traduction]
En résumé :
- Les politiques actuelles régissant le droit des réservistes aux soins de santé sont ambiguës, comme l’est le langage utilisé dans les règlements et politiques, qu’il s’agisse des documents principaux ou secondaires.
- La pratique consistant à offrir des niveaux de soins de santé différents aux réservistes en service de classe B selon la durée de leur contrat est généralisée, mais elle n’est pas fondée sur les textes des réglementations principales.
- En raison de la manière dont sont souvent diffusées la politique et les décisions concernant les soins médicaux auxquels ont droit les réservistes, les intervenants qui ne font pas partie du réseau de prestations de soins ne les voient pas et ne peuvent pas en prendre connaissance. De plus, les personnes qui font partie du réseau de prestations de soins ont elles mêmes du mal à les consulter.
À cause de ces lacunes, les décisions établissant quels réservistes ont le droit d’être soignés sont prises de manière strictement ponctuelle et souvent ces décisions sont totalement incompatibles avec une saine politique publique et une bonne gérance. L’accès aux soins devient donc arbitraire, ce qui est une source de grande confusion et de frustration pour les réservistes.
De nombreux témoins, membres de la Force régulière et réservistes, fournisseurs de soins de santé et patients ont imploré les enquêteurs de l’Ombudsman de recommander une politique des droits des réservistes en matière de soins médicaux qui soit simple, claire et facile à appliquer. Un ancien commandant d’une unité de la Réserve a demandé à aux enquêteurs : « Pourquoi n’existe-t-il aucun document indiquant, en termes simples, à quoi ont droit les réservistes?
»
Comme nous l’avons déjà indiqué, le Chef d’état major de la Défense avait déclaré en 2000 que l’examen des droits des réservistes en matière de soins de santé constituait une priorité, examen qui n’a pourtant pas eu lieu. Il est temps que les dirigeants règlent le problème.
Il est essentiel d’avoir un cadre de réglementation, appuyé par des instruments secondaires explicites, qui soit compréhensible et complet si les Forces canadiennes ne veulent pas que les réservistes soient laissés pour compte lorsqu’ils ont besoin de soins. Il faut employer uniformément dans la politique principale et dans les règlements secondaires un langage clair. La politique et les règlements doivent être diffusés de façon à ce que tous les intervenants puissent en prendre connaissance et qu’ils puissent les retrouver et les consulter facilement par la suite. Les mêmes exigences s’appliquent à toutes les clarifications suivantes nécessaires : elles doivent, elles aussi, être largement diffusées et facilement accessibles à l’avenir.
Étant donné la gravité des problèmes, l’effet sur le moral et la qualité de la vie ainsi que la nécessité de traiter les réservistes équitablement, il est impératif que ces recommandations soient appliquées rapidement.
Par conséquent, nous recommandons :
- que les Forces canadiennes créent un nouveau cadre de réglementation régissant le droit aux soins médicaux et dentaires et la prestation de ces soins pour les diverses catégories de réservistes;
- que le nouveau cadre de réglementation soit rédigé en termes clairs et conviviaux pour qu’il puisse être interprété et appliqué justement et sans distinction;
- que le nouveau cadre de réglementation, et toutes les modifications et clarifications qui y seront apportées, soient largement diffusés à toutes les personnes concernées et que ces dernières puissent ensuite les consulter facilement;
- que ce cadre de réglementation soit terminé dans les douze mois suivant la publication du présent rapport.
Soins inadéquats
Contexte
Dans cette partie, nous examinons des problèmes particuliers afin de déterminer si les soins de santé prodigués aux réservistes sont suffisants et adéquats.
Le fait d’être militaire est en soi un mode de vie dangereux. La nature de l’instruction et des déploiements change, les exercices sur le terrain sont plus rudes, et le personnel doit être en bonne forme physique. Les blessures sont donc plus fréquentes et les réservistes ont besoin de soins plus souvent.
En échange de l’engagement qu’ils ont pris de s’entraîner et de servir leur pays, les réservistes s’attendent légitimement à recevoir les meilleurs soins possible lorsqu’ils sont blessés ou malades, que ce soit en service dans leur unité ou ailleurs dans l’exercice de leurs fonctions.
Lors d’un sondage mené en 200012, 14 p. 100 des réservistes (un sur sept) avaient indiqué qu’au cours de l’année précédant le sondage, ils auraient dû recevoir des soins de santé des Forces canadiennes, mais ne les avaient pas reçus. En 200413, un sondage de suivi a révélé que 15 p. 100 des réservistes des Forces canadiennes ont donné la même réponse. Près de la moitié d’entre eux étaient alors en service de classe B. Il n’y a pas eu d’autre sondage au cours des trois dernières années.
Accès limité aux soins de santé
Pourquoi un pourcentage aussi élevé (dans les deux sondages) de réservistes qui considèrent qu’il y a un écart entre ce à quoi ils considèrent avoir droit et ce qu’ils reçoivent dans la réalité? Il y a essentiellement deux raisons à cela. Nous avons déjà discuté de la première qui a trait à la confusion qui règne à propos du droit aux soins de santé militaires. La seconde concerne la durée des soins. Une fois qu’il a été établi qu’un réserviste a le droit d’être soigné dans une clinique militaire, il ou elle reçoit le même traitement que ses homologues de la Force régulière jusqu’au moment où sa période de service prend fin.
Lorsque la blessure est attribuable à l’exercice des fonctions du militaire, le droit aux soins médicaux est généralement limité à la durée de la période de service pour les réservistes en service de classe A et de classe B.
Dans le cas du réserviste en service de classe A, la période de service se termine tard le soir ou à la fin de la période d’entraînement ayant lieu pendant la fin de semaine, c’est à dire qu’elle dure de quelques heures à quelques jours tout au plus. Dans le cas du réserviste en service de classe B, la période de service dure de quelques semaines à un an ou plus.
Il arrive que les Forces canadiennes continuent à offrir un traitement médical après la période de service pour les membres en service de classe A ou de classe B. Cependant, un médecin doit considérer cette prolongation des soins qui doit ensuite être approuvée par une autorité supérieure. Étant donné qu’il y a de nombreuses cliniques au Canada, l’interprétation des dispositions des ORFC et leur application varient, ce qui, comme nous l’avons expliqué, aboutit au traitement inégal, donc injuste, des réservistes.
Par contre, les réservistes en service de classe C qui sont blessés ou tombent malades alors qu’ils servent en zone de service spécial, au cours d’une opération de service spécial ou pendant l’instruction préalable au déploiement, que cela soit attribuable ou non au service militaire, peuvent rester en service de classe C pendant deux ans ou plus, c’est à dire jusqu’à ce que les soins soient terminés ou que le réserviste soit libéré pour raisons de santé et que les soins soient pris en charge par Anciens Combattants Canada.
La distinction faite en ce qui concerne la durée des soins est injuste pour ceux qui peuvent ne pas avoir droit aux soins.
Cette opinion a des partisans dans les Forces canadiennes. Les enquêteurs de l’Ombudsman en ont parlé avec un ancien directeur général — Réserve terrestre qui a déclaré :
Si une personne travaille pour nous à temps partiel et si quelque chose arrive à ce soldat pendant son travail et lui porte préjudice, nous devrions nous occuper de lui exactement de la même façon que nous nous occupons de quelqu’un qui travaille pour nous à temps plein. [Traduction]
Il y a aussi la situation dans laquelle un réserviste en service de classe A ou de classe B a besoin de soins alors que la maladie ou la blessure n’est pas attribuable au service et que le réserviste est en service militaire, suit de l’instruction ou travaille ailleurs que dans son unité, et qu’il ne peut donc pas se faire traiter par son médecin de famille ou son dentiste. Voici deux exemples :
- Le commandant d’une unité de la Réserve se trouvant dans les provinces maritimes a expliqué aux enquêteurs de l’Ombudsman qu’un de ses soldats s’était vu refuser des soins dentaires à la base où il suivait de l’instruction pendant une période en service de classe B de 180 jours ou moins. Le soldat a dû se faire soigner immédiatement par un dentiste civil dans une ville voisine.
- Un soldat, originaire de l’Alberta et travaillant à temps partiel, qui suivait de l’instruction en Ontario a contracté une infection pulmonaire. La clinique de la base a refusé de le soigner parce qu’il était en service de classe B de 180 jours ou moins. On l’a dirigé vers une clinique civile.
On a cité bien d’autres exemples similaires aux enquêteurs de l’Ombudsman. Bien que dans aucun de ces cas la vie d’une personne n’ait été en danger, il s’agissait chaque fois de réservistes qui, dans le cadre de leurs fonctions militaires, même s’ils n’étaient pas à leur base d’attache, se trouvaient à un endroit où ils auraient pu recevoir des soins médicaux militaires.
Nous trouvons que cette façon de traiter les réservistes est injuste et répréhensible. Les réservistes qui sont en service militaire ailleurs que dans leur base d’attache et qui ont besoin de soins médicaux, même si leur condition n’est pas attribuable au service, sont traités injustement lorsqu’on les abandonne à leur sort et qu’on les oblige à trouver leurs propres fournisseurs de soins de santé.
Il y a d’autres raisons pour lesquelles cette façon de faire est inacceptable. Par exemple, le fait qu’un réserviste se fasse soigner à l’extérieur de la base peut entraîner des répercussions financières importantes et des pertes d’heures d’instruction.
Soins dentaires pour les blessures d’origine opérationnelle
Comme nous l’avons expliqué, la situation en ce qui a trait aux soins dentaires pour les réservistes et aux soins de santé en général pour les réservistes en service de classe C ou en service de classe B de plus de 180 jours est tout ce qu’il y a de plus simple – ces réservistes reçoivent normalement les mêmes soins que leurs collègues de la Force régulière. Pour ce qui est du droit aux soins dentaires, il s’applique aux « soins dentaires complets », dont la définition est d’ « assurer une mastication convenable et une mesure raisonnable de confort qui, de l'avis du dentiste militaire, sont nécessaires et disponibles
» (article 35.01 des ORFC). L’alinéa 3(b) de l’article 35.04 des ORFC décrit le droit aux soins dentaires pour les blessures subies par tous les réservistes de la façon suivante : « Un militaire de la force de réserve a droit, s'il subit une blessure aux dents attribuable à l'exercice de ses fonctions, à des soins dentaires suffisants pour remettre ses dents dans un état comparable à celui qui existait avant qu'il subisse cette blessure, pourvu que cette blessure ne résulte pas de son inconduite ou de son imprudence
» .
Pour ce qui est du traitement de suivi, l’exigence que la blessure aux dents soit attribuable à l’exercice des fonctions du militaire s’applique, et ce, même si la blessure est survenue en zone d’opérations. Par contre, le traitement de suivi médical (non dentaire) pour des blessures subies en zones d’opérations n’est pas conditionnel à cette exigence.
Les enquêteurs ont eu connaissance du cas d’un officier de la Réserve qui avait subi une blessure aux dents lors d’un accident de la route en Afghanistan en 2006. Puisqu’il était en service de classe C au moment de l’accident, il avait droit à des soins dentaires complets. Toutefois, ces soins n’étaient pas disponibles en Afghanistan ou à son lieu de travail au Canada durant son contrat de classe C. Après l’échéance de son contrat de classe C, étant donné sa difficulté à prouver qu’il avait subi sa blessure dans l’exercice de ses fonctions, il ne pouvait pas accéder à des soins dentaires.
Cette situation montre l’anomalie qui existe dans les politiques régissant les soins médicaux et dentaires pendant et après un déploiement à l’étranger. À titre d’exemple, un réserviste blessé en Afghanistan, que sa blessure ait été attribuable au service ou qu’il l’ait subie alors qu’il n’était pas en devoir, reçoit les soins médicaux auxquels il a droit en théâtre et à son retour au Canada jusqu’à ce qu’il soit rétabli ou qu’il soit libéré pour raisons de santé et que les soins soient pris en charge par Anciens Combattants Canada. Toutefois, un réserviste qui est blessé en Afghanistan et qui a besoin de soins dentaires pour sa blessure les recevra en théâtre d’opérations, s’ils sont disponibles. Par contre, il aura droit à des soins de suivi au Canada de la part des Forces canadiennes seulement s’il a toujours droit à des « soins dentaires complets » ou si la blessure est attribuable à l’exercice de ses fonctions.
Le dentiste militaire supérieur s’occupant du règlement de cette affaire a écrit :
« Les soins dentaires complets, selon la définition donnée dans les ORFC, sont les soins qui sont à la fois ‘nécessaires’ et ‘disponibles’. Même si le traitement était nécessaire, le fait que les soins n’étaient pas disponibles signifie qu’il n’y a pas de droit absolu à ce traitement. » [Traduction]
Il faut savoir que, dans un cas comme celui là, un réserviste en service de classe B ayant un contrat de plus de 180 jours ou un réserviste en service de classe C n’est pas couvert par le régime des soins dentaires de la Réserve, car on considère qu’il bénéficie des mêmes soins que le personnel de la Force régulière. Lorsqu’il revient au service de la Réserve qui est couvert par le régime des soins dentaires de la Réserve et que le problème n’est pas une blessure aux dents attribuable à l’exercice des fonctions du militaire, certaines franchises et limites s’appliquent. Par conséquent, si les Forces canadiennes ne prodiguent pas les soins dentaires, le réserviste devra payer lui même une partie ou la totalité des coûts des soins nécessaires.
À la suite de l’intervention de notre Bureau, le Service dentaire des Forces canadiennes a réévalué la situation du réserviste décrite ci-haut et a accepté de lui prodiguer les soins nécessaires relativement à sa condition.
Continuité des soins
Les réservistes qui ont pu obtenir des soins de santé des Forces canadiennes ont encore un obstacle à surmonter : un suivi approprié ou la continuité des soins.
Selon une vision étroite des choses, la continuité des soins signifie qu’un patient reçoit des soins cohérents, de préférence dans le cadre d’une relation médecin-patient à long terme. Selon une vision plus large, qui a été formulée par un ancien chef d’état major de la Défense, la continuité des soins signifie que les Forces canadiennes doivent fournir à tous leurs membres qui sont malades ou ont été blessés des programmes coordonnés et complets qui garantissent la continuité des soins médicaux pendant le service et qu’il doit exister une procédure convenable permettant une transition sans heurts lorsque la responsabilité des soins médicaux prodigués à la personne passe des Forces canadiennes à d’autres organisations ou systèmes14.
L’alinéa 34.07 (6) (b) des ORFC stipule qu’un réserviste qui souffre d’une blessure attribuable à l’exercice de ses fonctions a droit aux soins de santé prodigués aux frais des Forces canadiennes une fois sa période de service terminée avec l’autorisation du commandant.
Nos enquêteurs ont été rassurés de constater que, dans la plupart des cas, les réservistes interrogés qui avaient été blessés au cours de missions outre-mer avaient eu leur service de classe C prolongé après leur rapatriement et qu’il y avait eu bonne continuité des soins médicaux. Les soins sont prodigués jusqu’à ce que le réserviste soit apte à reprendre ses fonctions habituelles ou jusqu’à ce qu’il soit libéré pour raisons de santé des Forces canadiennes.
Par ailleurs, nous avons été déçus d’apprendre que, dans la plupart des cas, le contrat des réservistes qui avaient subi une blessure attribuable au service au Canada n’avait pas été prolongé et que, par conséquent, ils n’avaient plus droit aux soins fournis par les Forces canadiennes à la fin de leur contrat. Bien que le Chef du personnel militaire ait réitéré dernièrement la politique de prolongation du service de classe C en ce qui concerne les blessures ou les maladies des réservistes se trouvant dans une zone de service spécial, il ne s’est pas exprimé en ce qui concerne les blessures ou les maladies des réservistes en service de classe A ou de classe B de moins de 180 jours15.
Nous avons parlé à plusieurs médecins et des employés des cliniques des Forces canadiennes qui nous ont dit qu’une fois que les soins médicaux prodigués à un réserviste blessé étaient pris en charge par le régime de soins de santé des provinces, ils ne s’occupaient plus du réserviste. Il n’y a pas de centre de coordination ou de lignes directrices permettant de suivre les réservistes les plus gravement blessés une fois qu’ils sont pris en charge par le régime de soins de santé d’une province. Dès lors, les Forces canadiennes ne savent plus dans quel état se trouve le réserviste, ce qui peut avoir ensuite des répercussions sur sa carrière, sur la disponibilité opérationnelle de son unité, et surtout sur ses besoins en matière de suivi.
Par exemple, un réserviste en service de classe B a été sérieusement blessé en septembre 2005 alors qu’il servait dans une unité de la Force régulière. Le réserviste a été payé durant les trois mois restant de son contrat, pendant qu’il était en congé de maladie, et a reçu des soins médicaux et dentaires. Sans l’intervention de son unité d’appartenance, cet appui aurait cessé à la fin de 2005, alors qu’il avait toujours besoin d’un énorme soutien (opérations chirurgicales, soins dentaires considérables et aide financière) pour se remettre des blessures reçues pendant l’exercice de ses fonctions. Il a continué de recevoir des soins uniquement parce que son unité d’appartenance s’est tenue au courant de son état, qu’elle a reconnu qu’il avait un besoin rigoureux d’aide et qu’elle a fait en sorte que son contrat soit prolongé à plusieurs reprises pour qu’il continue à recevoir des soins. L’unité lui a également donné de ses propres fonds pour l’aider à payer ses frais de transport et d’autres besoins jusqu’à ce qu’il soit finalement déclaré apte au travail en mai 2007.
Il y a lieu de féliciter l’unité de la Réserve qui a veillé à ce que le réserviste continue de recevoir des soins. Cependant, il n’en reste pas moins que la contribution de l’unité souligne bien l’échec du système. Si les politiques et procédures nécessaires existaient, les services médicaux et administratifs, travaillant de concert, auraient recensé les besoins particuliers du réserviste avant qu’il ne quitte l’unité de la Force régulière et auraient veillé à ce qu’il y ait la continuité des soins nécessaire, évitant ainsi à l’unité de la Réserve d’intervenir.
Nous ne sommes pas les seuls à penser de la sorte. Les officiers supérieurs et généraux que nous avons interrogés, que ce soit dans les unités ou le milieu médical, étaient tous d’accord : si un réserviste se blesse ou tombe malade soit pendant son service, soit à cause du service militaire, les Forces canadiennes doivent se charger de tous soins médicaux et dentaires initiaux et de tous soins de suivi. Certains de ces dirigeants sont inquiets et ils ont proposé que l’on crée une norme nationale pouvant se résumer de la manière suivante : « S’ils se blessent ou tombent malades en service, nous les aidons à se rétablir.
» [Traduction]
Mot de la fin et recommandations
Nous partageons l’avis des officiers supérieurs et des fournisseurs de soins de santé qui veulent que tous les membres des Forces canadiennes blessés dans l’exercice de leurs fonctions reçoivent les soins nécessaires des Forces canadiennes, que ce soit des mains d’un médecin militaire ou d’un médecin civil. Les Forces canadiennes ont l’obligation morale et juridique de le faire.
Bien que certaines personnes puissent soutenir que, dans les circonstances que nous venons de décrire, le droit aux soins de santé existe déjà, en réalité, les décisions sont prises au cas par cas. D’un cas à l’autre, les réservistes sont traités très différemment, certains correctement, d’autres non. C’est injuste.
Notre Bureau a déjà recommandé que le cadre de réglementation soit réformé pour supprimer l’ambiguïté qui existe actuellement. Afin que les réservistes bénéficient d’un traitement juste et convenable, il faut en outre expliquer le droit aux soins de santé lorsque la blessure ou la maladie est attribuable au service militaire. Pour atteindre cet objectif, nous recommandons :
- que le cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires reconnaisse que les Forces canadiennes ont l’obligation de prodiguer aux réservistes (que ce soit par l’entremise de fournisseurs des Forces canadiennes ou de fournisseurs externes) les soins de santé complets dont ils ont besoin après une maladie ou une blessure attribuable au service militaire.
Le réserviste doit recevoir ces soins jusqu’à ce qu’il soit déclaré apte au travail et qu’il ait repris ses fonctions ou qu’il ait été libéré pour raisons de santé et qu’Anciens Combattants Canada se charge de son bien être.
Il y a également injustice dans les situations où un réserviste à temps partiel sert temporairement ailleurs que dans son unité d’attache et qu’il n’a pas accès à son médecin de famille (en raison de la distance) ni à des soins militaires en raison de la classe de son service ou que sa blessure n’est pas attribuable au service militaire. Le renvoi au système de santé d’une province s’accompagne de nombreuses complications, notamment des problèmes de transport, la difficulté à trouver un médecin ou un dentiste qui accepte de vous voir (ce qui n’est pas toujours possible), la perte de temps d’instruction ou de service, des problèmes liés au paiement, y compris des situations découlant du fait que le militaire ne se trouve pas dans sa province, le manque d’accès au dossier médical et des problèmes de continuité des soins.
Étant donné que les réservistes en service de classe A ou de classe B servant 180 jours ou moins sont quelquefois dans l’impossibilité de consulter leur médecin civil à cause du service militaire, il est injuste de les adresser au système de santé de la province où ils se trouvent temporairement. Par conséquent, nous recommandons :
- que le cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires établisse la responsabilité des Forces canadiennes de fournir des soins médicaux et dentaires à tous les réservistes qui en ont besoin lorsqu’ils ne peuvent consulter leur fournisseur de soins de santé civil en raison de l’endroit où ils servent.
Grâce à la mise en œuvre des recommandations concernant la prestation de soins médicaux aux réservistes, il serait moins souvent nécessaire de déterminer les droits au cas par cas, ce qui se traduirait par plus d’homogénéité et d’équité entre les régions et les cliniques.
Un cadre de réglementation réformé incluant les politiques que nous recommandons ne fera pas nécessairement disparaître tous les problèmes. Toutefois, le fait de clarifier les principes et les valeurs permettra d’avoir une méthode uniforme et une résolution plus facile des cas et des dossiers difficiles à régler.
À cet égard, il y a lieu d’envisager sérieusement l’inclusion dans le cadre de réglementation d’un principe en vertu duquel le réserviste aura le bénéfice du doute lorsqu’on prendra une décision concernant son droit aux soins médicaux et dentaires. Ceci n’est pas un concept nouveau. Il y a un principe similaire dans la Loi sur les pensions (L.R., 1985, ch. P-6) qui prévoit que :
5. (3) Lorsqu’il prend une décision, le Ministre :
- tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possibles au demandeur ou au pensionné;
- accepte tout élément de preuve non contredit que celui-ci lui présente et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;
- tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande [on s’est servi des caractères gras pour faire ressortir les termes importants].
Par conséquent, nous recommandons :
- que le nouveau cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires contienne une directive générale à l’intention des preneurs de décision indiquant que le règlement devrait être interprété et appliqué de manière juste et généreuse et que, quand la question du droit aux soins n’est pas claire, la décision devrait être prise en faveur du réserviste.
Uniformité des normes
Contexte
Bien que la majorité des réservistes servent à temps partiel, plus que jamais, ils se portent volontaires en nombre grandissant pour servir à temps plein dans le cadre des missions et déploiements des Forces canadiennes. Les attentes à l’égard des réservistes n’ont jamais été aussi grandes : ils doivent être aptes sur les plans médical, physique et psychologique et être prêts pour un emploi et un déploiement. En effet, on attend clairement des réservistes qu’ils satisfassent aux mêmes normes de condition physique, pour l’emploi et les déploiements, que les membres de la Force régulière et qu’ils s’y maintiennent16.
C’est tout à fait normal. Lorsque l’on fixe légitimement des normes, elles doivent s’appliquer à tous. S’il y avait deux poids, deux mesures, à savoir une norme pour la Force régulière et une norme pour la Réserve, ce serait injuste pour tout le monde.
Les Forces canadiennes et les réservistes ne doivent être régis que par un seul ensemble de normes. Si les Forces canadiennes s’attendent, à juste titre, à ce que les réservistes satisfassent aux mêmes normes de condition physique pour l’emploi et les déploiements que les membres de la Force régulière, les réservistes doivent recevoir essentiellement le même soutien que celui qui est offert aux membres de la Force régulière pour répondre à ces normes.
Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Alors que notre enquête portait principalement sur le traitement des réservistes qui ont été blessés, durant son déroulement, on a souvent porté d’autres dossiers médicaux à l’attention des enquêteurs de l’Ombudsman, dossiers qui ont des répercussions sur les réservistes. Il est légitime d’étudier ces problèmes dans le contexte de la présente enquête, car ces mesures relatives à la santé au travail influent sur les soins de santé des réservistes. Si seuls les membres de la Force régulière et quelques réservistes profitent de ces mesures, cela demeure une très grande injustice pour le reste des réservistes.
En particulier, notre Bureau est préoccupé par les questions qui suivent concernant la santé au travail et en milieu opérationnel :
- Examens de santé ou évaluations périodiques – Tout le monde a besoin d’avoir un examen de santé régulièrement afin de dépister les signes avant coureurs d’éventuels problèmes de santé. C’est d’autant plus important pour les membres des Forces canadiennes en raison de leur métier et de leurs conditions de travail.
- Vaccinations – Les vaccinations sont essentielles pour se protéger des maladies et autres affections. En raison de leurs conditions de travail dangereuses, les membres des Forces canadiennes sont plus fréquemment exposés aux risques de maladie.
- Normes de condition physique – Pour évoluer dans un milieu de travail difficile et exigeant, il faut avoir une condition physique supérieure à la normale. En raison du renforcement de leur rôle opérationnel, les Forces canadiennes ont récemment mis l’accent sur la bonne forme physique que doivent avoir leurs effectifs.
- Dossiers médicaux – Dans un système de santé, il faut conserver et tenir à jour les dossiers médicaux selon des normes élevées. Il ne devrait donc pas y avoir de différences entre le traitement des dossiers médicaux des membres de la Force régulière et des réservistes en ce qui concerne la tenue à jour de ces dossiers ou le personnel qui peut les consulter.
Nous allons examiner chacune de ces questions individuellement.
Évaluations de santé périodiques
Chez les militaires, une visite médicale périodique est aussi appelée « examen médical ». Le certificat médical attestant de la bonne condition physique d’une personne est considéré comme valide si l’examen a eu lieu au cours des cinq dernières années pour les militaires âgés de moins de 40 ans, au cours des deux dernières années pour les militaires âgés de 40 à 50 ans et au cours de l’année qui s’est écoulée pour les militaires âgés de plus de 50 ans.
Les Forces canadiennes appliquent ces normes d’examen médical aux membres de la Force régulière. Par contre, les réservistes n’ont droit aux examens médicaux qu’au moment de l’enrôlement, de la libération, à l’occasion des promotions et avant de partir en service de classe B de plus de 180 jours, ou en service de classe C. Si un réserviste n’a pas été promu ou déployé récemment, il peut se passer des années sans qu’il soit évalué médicalement par les Forces canadiennes. Par conséquent, un nombre considérable de réservistes n’ont pas de certificats médicaux des Forces canadiennes à jour dans leur dossier.
La différence peut avoir un effet négatif sur le personnel de la Réserve dont on a besoin immédiatement pour des opérations au Canada. Ces opérations sont à court préavis et il faut mobiliser sur le champ des réservistes. On n’a donc pas le temps de suivre un processus de sélection officiel. Dans l’instruction 20/04, le Chef du personnel militaire déclare que, pour les opérations nationales immédiates, le commandant doit certifier que le réserviste a un certificat médical à jour dans son dossier. Ceux qui n’en ont pas doivent passer un examen médical dont le résultat indiquera qu’ils sont soit aptes, soit inaptes à participer à un déploiement.
Il y a des réservistes en service de classe A et de classe B de 180 jours ou moins qui n’ont pas de certificat médical dans leur dossier parce qu’il n’existe pas de politique officielle indiquant que les Forces canadiennes doivent leur faire passer régulièrement une évaluation médicale ou qu’ils ont droit à ce type d’évaluation. Bien que la politique actuelle n’exige pas que les certificats médicaux périodiques soient à jour, les Forces canadiennes s’attendent à ce que les réservistes soient en bonne forme physique, employables et déployables pour des fonctions opérationnelles générales.
Parce qu’il n’y a pas de dossier d’évaluation médicale périodique à jour pour les réservistes, la capacité des Forces canadiennes d’effectuer une sélection efficace et rapide en vue d’opérations nationales est limitée. On nous a dit que les Services de santé des Forces canadiennes n’avaient pas suffisamment de personnel pour évaluer médicalement les réservistes en grand nombre et à courts délais pour des opérations nationales.
Une autorité médicale supérieure a informé nos enquêteurs que, lorsque les Forces canadiennes ont mobilisé des réservistes en 2003 pour lutter contre les feux de forêts en Colombie-Britannique17, on a pris des risques :
« …une petite anomalie est gérable et prévisible quand il s’agit de chiffres tels que ceux d’une rotation en Afghanistan, par exemple. Les chiffres n’étaient plus gérables lorsqu’on a mobilisé pratiquement tout le monde pour éteindre les feux de forêts en Colombie Britannique. Nous avons fini par improviser beaucoup et prendre des raccourcis pour que tout le monde ait des documents en ordre et soit en service de classe C. Je n’étais pas très heureux de la situation, mais… »
[Traduction] médecin chef des Forces canadiennes
D’autres personnes ont confirmé cet avis. On a dit à nos enquêteurs que les Forces canadiennes n’ont pas la capacité d’effectuer des examens médicaux dans des délais rapides pour un grand nombre de réservistes (comme cela serait nécessaire pour des opérations nationales urgentes). La réalisation d’un si grand nombre d’évaluations dans des délais brefs se ferait au détriment de la qualité de l’évaluation.
Les conséquences de cette situation sont les suivantes :
- Des militaires partent en mission sans avoir fait l’objet d’une bonne sélection; cela signifie que des militaires qui ne sont pas en bonne santé participent aux opérations avec les risques que cela entraîne pour eux et pour les autres;
- Des militaires ne partent pas en opérations parce qu’on n’a pas évalué leur condition physique; cela signifie que des réservistes en bonne santé, aptes sur le plan médical et capables sont exclus des missions;
- Des praticiens se retrouvent avec un dilemme éthique : choisir entre la nécessité de fournir au réserviste un examen médical rigoureux et les besoins du public lorsqu’une intervention robuste est nécessaire en cas d’urgence nationale.
Il y avait dans le rapport sur les leçons apprises de l’opération Peregrine le commentaire suivant : « la méthode consistant à mettre les réservistes en service de classe C est difficile à appliquer et axée sur le QGDN; elle crée un fardeau administratif et, en l’utilisant, on risque de ne pouvoir répondre en temps voulu aux besoins opérationnels.
» [Traduction] La solution proposée à ce processus lourd était de ne pas exiger des réservistes un certificat militaire à jour.
Notre Bureau désapprouve fortement la solution proposée, car elle est contraire au principe fondamental d’équité. Dans le présent cas, le devoir de diligence des Forces canadiennes est essentiellement le même pour les réservistes que pour le personnel de la Force régulière. Si une autorité qualifiée juge qu’il faut une évaluation médicale récente pour déterminer si un membre de la Force régulière est en bonne condition physique et en un bon état de santé avant qu’il ne participe à un déploiement, la même norme doit s’appliquer à un réserviste. Si l’on peut dispenser le réserviste de cette exigence, on peut alors remettre en question sa valeur et sa validité.
Certains commandants de la Réserve en sont bien conscients et ils ont pris des mesures de leur propre initiative. Un officier d’état major chargé du personnel dans un quartier général d’une brigade de la Réserve a confié aux enquêteurs :
« Notre commandant s’est prononcé en faveur de cette méthode au cours des dernières années. Il a ordonné à tous ses commandants d’unité de faire en sorte que tout le monde passe une visite médicale périodique. C’est une initiative que nous avons prise parce que rien n’est prévu à cet égard dans le système. Par conséquent, nous avons dû payer les frais de ces visites à partir des budgets des unités. »
On a également parlé de ce que devraient être des normes convenables pour les évaluations de santé périodiques à la réunion de juin 2007 du Conseil stratégique des ressources humaines militaires des Forces canadiennes. Lors de cette réunion, les membres du Conseil se sont prononcés en faveur de l’adoption d’une norme de mise en œuvre pour des évaluations de santé périodiques à l’automne 2008 ou en janvier 2009. Selon cette norme, il y aurait une évaluation tous les deux ans pour les membres de la Force régulière comme pour les membres de la Première réserve.
Nous sommes heureux de voir que cette mesure visera le personnel de la Force régulière et les réservistes. Toutefois, elle n’a pas encore été mise en œuvre et, entre temps, il est injuste que la plupart des réservistes ne bénéficient pas de la protection résultant d’un examen médical régulier contrairement à leurs homologues travaillant à temps plein. Il faut, grâce à des évaluations de santé périodiques, que l’on puisse recenser les réservistes qui sont malades, blessés ou inaptes du point de vue médical afin d’éviter qu’ils ne se blessent davantage ou qu’ils soient une source de risque pour les autres membres de leur unité. Par conséquent, nous recommandons :
- que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, on applique les normes régissant les évaluations de santé périodiques au personnel de la Première réserve comme au personnel de la Force régulière.
Vaccinations
Le personnel militaire, en raison de la nature de son travail, est plus exposé que d’autres professions à des risques et des circonstances qui pourraient nuire à sa santé. Une des façons de protéger le personnel de certains de ces risques est de lui administrer les vaccins nécessaires en temps voulu. Certaines vaccinations sont nécessaires quel que soit le lieu de travail du militaire. D’autres sont propres à un théâtre d’opérations et aux conditions de santé publique que l’on y trouve.
Lorsque des membres des Forces canadiennes sont sélectionnés pour mener des opérations outre mer, il y a suffisamment de temps pour administrer les vaccins nécessaires. Toutefois, comme nous l’avons déjà indiqué, il n’y a pas le même préavis pour les opérations nationales. Normalement, on a ni le temps ni les ressources pour vacciner un grand nombre de réservistes qui doivent participer à ce genre d’opérations à court préavis.
Alors que toutes les personnes adultes au Canada devraient veiller à rester immunisées en respectant les rappels nécessaires, peu le font, à moins que ce ne soit une condition d’emploi (par exemple pour le personnel médical). Les membres de la Force régulière doivent toujours tenir à jour les immunisations nécessaires aux personnes vivant et travaillant au Canada (c. à d. pour les opérations nationales). Les réservistes en service de classe B pendant plus de 180 jours et en service de classe C ont droit aux mêmes vaccins que les membres de la Force régulière.
Par contre, les réservistes en service de classe A et de classe B de 180 jours ou moins n’ont pas droit aux vaccinations habituelles administrées ou payées par les Forces canadiennes. Par conséquent, il est fort probable que, comme l’ensemble de la population canadienne, ces réservistes ne conserveront pas leurs immunisations.
Le problème a fait surface récemment lorsque le médecin chef d’un des secteurs de la Force terrestre a refusé de recommander l’emploi de réservistes en service de classe A pour des exercices devant se dérouler au début de 2007 tant que ces derniers n’auraient pas reçu les mêmes vaccins que les membres de la Force régulière. Voici ce qu’il a écrit dans un courriel adressé au commandant du secteur : « Je ne pourrais recommander l’emploi de réservistes en service de classe A que lorsque je serai convaincu que nous avons minimisé les risques auxquels ils sont exposés sur le plan de la santé. Toute autre action serait en violation de mes responsabilités professionnelles à l’égard des militaires, de leur chaîne de commandement et du Collège des médecins …
» [Traduction]
Une entrevue avec un conseiller médical du Chef d’état-major de l’Armée de terre a permis de constater que cette prise de position n’a pas reçu l’appui de la chaîne de commandement du médecin. En effet, celle ci qui craignait qu’en agissant ainsi le médecin chef de secteur ne change en fait la politique en matière de santé à son niveau et crée une inégalité quant aux soins que les personnes d’un secteur recevraient par rapport aux personnes des autres secteurs. Néanmoins, étant donné que le commandant de secteur était prêt à assumer le coût des vaccinations et qu’il n’y avait aucune raison médicale de ne pas les administrer, les réservistes ont été vaccinés et les exercices ont pu avoir lieu.
Les inquiétudes concernant le manque d’uniformité quant au traitement du personnel dans les différents secteurs de la Force terrestre sont valides. Les personnes des autres régions qui ne sont pas vaccinées, mais qui sont exposées aux mêmes risques que celles qui le sont sont traitées injustement. Le problème est même plus grave. Il est injuste que les Forces canadiennes aient une norme pour les vaccinations dont l’application diffère selon qu’il s’agisse des membres de la Force régulière ou des réservistes, étant donné que les militaires des deux groupes sont déployés pour les mêmes opérations nationales et qu’ils font le même travail.
Le but de notre enquête n’est pas de déterminer le niveau de vaccination adéquat pour le personnel militaire. Cependant, comme nous l’avons déjà dit, lorsqu’une autorité qualifiée et responsable fixe une norme relative à la santé et à la sécurité du personnel ou à l’efficacité des opérations, cette norme devrait être appliquée équitablement.
Les Forces canadiennes doivent s’attaquer au problème des vaccinations pour les réservistes. Par conséquent, nous recommandons :
- que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, les Forces canadiennes :
- diffusent des exigences en matière de vaccination qui s’appliquent à tout le personnel militaire (Force régulière et Première réserve) qui participe à des opérations et à de l’instruction au Canada;
- mettent en place un mécanisme permettant de vacciner les membres de la Première réserve et de la Force régulière aux frais de l’État.
Condition physique et tests
Dans les deux parties précédentes, « Évaluations de santé périodiques » et « Vaccinations », des normes différentes étaient appliquées aux réservistes. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne les exigences relatives à la condition physique. Il existe une norme commune que ce soit pour les exigences ou pour les tests. Toutefois, même avec une norme commune, il y a encore des problèmes d’équité.
En 2005, le Chef d’état major de la Défense a lancé la première étape d’un processus visant à rétablir chez les militaires la culture de la bonne forme physique. On a alors mis l’accent sur les tests de condition physique de base pour tous les membres de la Force régulière et les membres de la Réserve en service de classe B de plus de 180 jours et en service de classe C. En 2006, cette mesure a été étendue à tous les membres de la Première réserve. Le Chef d’état major de la Défense a ensuite ordonné que les tests de condition physique des réservistes en service de classe C et de classe B de plus de 180 jours soient terminés au plus tard le 31 mars 2007, et que les tests des réservistes en service de classe A soient terminés au plus tard en juin 200818.
Ces tests de base ne sont pas une mesure ponctuelle : les membres de la Première réserve doivent maintenant subir un test de condition physique tous les ans afin de satisfaire aux normes opérationnelles minimales. Les réservistes qui n’ont pas été testés pendant la période de transition de deux années prévues à cette fin et qu’on a besoin de déployer à court préavis pour des opérations nationales pourraient être dispensés de faire le test19. Les militaires qui échoueront au test de condition physique ne seront pas admissibles au service de classe C pour les déploiements. Les personnes qui ne satisferont pas aux normes applicables pourront suivre un programme de mise en forme et se représenter au test. En dernier lieu, on pourra prendre des mesures administratives concernant la carrière.
Il incombe au militaire de suivre un programme de conditionnement physique. C’est également une exigence du service20. Afin de satisfaire aux normes de condition physique et de conserver une bonne forme, les militaires doivent s’entraîner. Une partie de l’entraînement peut avoir lieu pendant les heures de service. Cependant, pour la plupart des militaires, surtout les réservistes, une grande partie, si ce n’est la plus grande partie de l’entraînement se déroulera en dehors des heures de travail. Au cours du conditionnement physique, il peut arriver des accidents et des blessures. Bien qu’ils soient souvent bénins, inévitablement, d’autres sont graves.
Les membres de la Force régulière et les réservistes en service de classe B de plus de 180 jours et en service de classe C qui se blessent au cours d’un conditionnement physique ont droit à tous les programmes de soins de santé, à leur solde, à une indemnisation et aux avantages sociaux offerts par les Forces canadiennes ainsi qu’à un traitement de suivi, comme de la physiothérapie, nécessaire pour les aider à se remettre.
La situation n’est pas aussi claire pour les réservistes en service de classe A et de classe B de 180 jours ou moins. Un grand nombre de ces réservistes craignent, et cette crainte est partagée par leur chaîne de commandement, que s’ils subissent une blessure en dehors des heures de travail alors qu’ils s’entraînent pour se maintenir en bonne forme physique, ils :
- ne recevront pas de soins médicaux des Forces canadiennes et ils devront par conséquent payer eux mêmes les traitements médicaux (physiothérapie ou services d’un chiropracteur) s’ils doivent recevoir ce type de traitement;
- risquent de ne pas être indemnisés pour les pertes de salaire de leur emploi civil;
- pourraient ne pas être admissibles aux avantages sociaux d’Anciens Combattants Canada.
Selon notre Bureau, ces craintes sont légitimes, et nous allons les passer en revue une par une.
Soins médicaux pour des blessures attribuables au conditionnement physique
Étant donné les conclusions tirées par notre Bureau concernant la confusion qui règne à propos du droit des réservistes aux soins médicaux et du manque d’uniformité en matière de continuité des soins, nous ne sommes pas du tout sûrs, les choses étant ce qu’elles sont actuellement, que des réservistes en service de classe A ou en service de classe B de 180 jours ou moins qui se seraient blessés alors qu’ils s’entraînaient pour maintenir leur condition physique recevraient des soins médicaux des Forces canadiennes.
Indemnisation pour perte de salaire
Les membres de la Force régulière qui sont blessés ou invalides continuent à recevoir leur solde quelles que soient les circonstances liées à leur blessure. Il semble que les réservistes blessés ou invalides à la suite d’un accident survenu pendant le service devraient être admissibles à une indemnisation pour perte de salaire. Toutefois, on n’a pas de réponse à la question suivante : des réservistes s’étant blessés pendant un entraînement en dehors des heures de service – entraînement ayant pour but de satisfaire aux normes de condition physique des Forces canadiennes – seraient ils indemnisés pour les pertes de salaire attribuables à une telle blessure?
Il est prévu dans l’article 210.72 Indemnité d’invalidité – Force de Réserve des Directives sur la rémunération et les avantages sociaux21 que le réserviste continuera de toucher une solde (établie selon son grade et la classe de service du militaire au moment où il a été blessé) pendant une période maximale de trois mois (plus longue si le Ministre l’approuve) pour les blessures « attribuables à l’exercice de ses fonctions ». Pour les blessures dont la cause « n’est attribuable ni à l’exercice de ses fonctions ni à son inconduite ni à son imprudence
» , le militaire reçoit sa solde de réserviste jusqu’à ce qu’il soit libéré ou qu’il soit renvoyé chez lui, selon la première de ces éventualités.
Les réservistes à temps plein semblent donc être traités pratiquement de la même manière que les membres de la Force régulière, puisqu’ils continuent d’être payés pendant qu’ils se remettent d’une blessure survenue au cours d’un entraînement visant à se tenir en forme. Néanmoins, les Directives sur la rémunération et les avantages sociaux pourraient ne pas être suffisantes pour un réserviste à temps partiel qui tire principalement ses revenus d’un emploi civil.
Le paiement de la solde par le ministère de la Défense nationale n’est pas la seule source d’assistance à la disposition des réservistes. Ressources humaines et Développement social Canada gère le service d’indemnisation du gouvernement fédéral et est chargé d’appliquer la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État (L.R., 1985, ch. G-5). Cette loi prévoit que les employés ont le droit d’être indemnisés s’ils sont blessés dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion de leur travail. Le taux d’indemnisation et les conditions dans lesquelles les agents de l’État reçoivent cette indemnité sont les mêmes que ceux fournis en vertu de la législation de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions. La définition d’« agent de l’État » dans la loi comprend « Personnes qui sont au service de Sa Majesté et rémunérées directement par celle-ci ou en son nom
» . Bien qu’il soit précisé dans le texte que la loi ne s’applique pas aux membres de la Force régulière des Forces canadiennes, il semblerait qu’elle s’applique aux membres de la Réserve – quelle que soit leur classe ou la durée de service.
Selon le directeur du service fédéral d’indemnisation des accidents du travail, il existe une entente officieuse avec le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes : lorsque le service reçoit une demande d’indemnisation d’un réserviste, il s’informe auprès du Ministère pour savoir si la personne en question a déjà fait une demande à ces derniers. Le réserviste doit alors choisir un des deux programmes. Généralement, les prestations décrites dans l’article 201.72 des Directives sur la rémunération et les avantages sociaux se traduisent par une meilleure indemnité pour les réservistes à temps plein, alors que le service fédéral d’indemnisation des accidents du travail fournit une meilleure indemnité aux réservistes à temps partiel qui ont un emploi civil. Les réservistes à temps partiel peuvent tout de même être indemnisés pour leurs pertes de salaire – y compris le salaire qu’ils reçoivent de leur employeur à temps plein – en vertu du programme, que leur emploi à temps plein soit dans le secteur privé ou le secteur public.
Dans la pratique, le service fonctionne de la manière suivante : le réserviste fait une demande au régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail qui convient22. Le réserviste est admissible à toute la gamme de prestations déterminée par le décideur provincial appliquant la législation provinciale. La province se fait rembourser par Ressources humaines et Développement social Canada, qui se fait rembourser à son tour par le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes.
Si les réservistes à temps partiel doivent maintenant être en bonne condition physique, lorsqu’ils se blessent en s’entraînant en dehors des heures de travail pour rester en forme, cela peut il être considéré comme un accident survenu « par le fait ou à l’occasion de leur travail
» et seraient ils admissibles à une indemnisation pour perte de salaire civil? Selon le directeur du service d’indemnisation des agents de l’État, ce sont les autorités provinciales qui le déterminent. C’est également en fonction des critères de la législation de la province dans laquelle la demande est faite que l’on calcule les revenus perdus (en particulier, les autres types de revenus compris dans le calcul et tout plafond de paiement).
Enfin, il est possible qu’un réserviste touche des prestations d’invalidité de longue durée en vertu du Régime d'assurance-revenu militaire, régime d’assurance invalidité collectif qui permet aux personnes assurées de recevoir un revenu de remplacement si elles sont libérées des Forces canadiennes pour raisons de santé ou si elles deviennent totalement invalides. Cette protection est automatique pour tous les membres des Forces canadiennes, y compris les membres de la Première réserve. Les membres de la Force régulière et les réservistes en service de classe C et en service de classe B pendant plus de 180 jours paient 15 p. 100 de la prime, et le Conseil du Trésor du Canada paie le reste, soit 85 p. 100. Pour tous les autres réservistes, le Conseil du Trésor du Canada paie la totalité de la prime.
Toutefois, cette assurance ne garantit que le remplacement du revenu de « service » ou revenu perçu en tant que membre des Forces canadiennes. Les membres de la Réserve en service de classe A ou en service de classe B de 180 jours ou moins peuvent être admissibles à un montant équivalent au plus à 75 p. 100 d’un revenu mensuel présumé de 2 000 $. De plus, l’admissibilité à cette protection est liée à la période pendant laquelle le réserviste est « en service », qui est définie comme la période pendant laquelle un réserviste est « en service autorisé dans la Première réserve et qu’il a droit à la solde23.
» La définition de « en service » ne semble pas inclure l’entraînement fait en dehors des heures de travail pour se tenir en forme.
Les réservistes devraient avoir la même protection contre la perte de revenu que celle que reçoivent les membres de la Force régulière s’ils sont blessés ou deviennent invalides en raison du service militaire. Bien qu’il semble exister plusieurs sources de revenu ou de remplacement de revenu pour les réservistes blessés, on ne sait pas vraiment si les réservistes qui se blessent en dehors des heures de travail en s’efforçant de satisfaire aux normes de condition physique des Forces canadiennes sont admissibles à ces programmes.
Admissibilité aux prestations d’Anciens Combattants Canada
Avant le 1er avril 2006, Anciens Combattants Canada indemnisait en vertu de la Loi sur les pensions les membres anciens ou actifs de la Force régulière et de la Réserve. Étaient indemnisées les personnes qui souffraient d’une invalidité causée par une blessure, par une maladie ou par l’aggravation d’une blessure ou d’une maladie attribuable au service militaire ou survenue pendant le service militaire. Cela n’était pas considéré comme un revenu de remplacement, mais comme une indemnisation pour invalidité.
Anciens Combattants Canada détermine si l’invalidité est attribuable au service militaire. En cas d’invalidité survenue pendant des activités de conditionnement physique en dehors des heures de travail, il existe de nombreux exemples où le demandeur s’est vu refuser des prestations lors de décisions prises en vertu de la Loi sur les pensions parce qu’on a jugé que la blessure n’était pas le résultat direct du service militaire.
La Loi sur les pensions a maintenant été remplacée par la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (S.C. 2005, c. C-16.8). Selon la loi, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2006, une indemnité d’invalidité ne sera versée que si le militaire souffre d’une invalidité causée soit par une blessure ou une maladie liée au service, soit par une blessure ou une maladie non liée au service dont l’aggravation est due au service. Comme c’est encore Anciens Combattants Canada qui est chargé de l’application de la loi, il est probable que l’interprétation de blessure « liée au service » ne changera pas.
Il se peut qu’il y ait une différence entre ce que les Forces canadiennes considèrent comme une blessure liée au service et ce que cela signifie pour Anciens Combattants Canada. Même si ce sont surtout les réservistes qui ont exprimé leurs préoccupations quant à leur admissibilité à ces prestations, le problème touche aussi les membres de la Force régulière. Tout le monde bénéficierait donc d’une explication claire de ce qu’est une blessure attribuable au service militaire.
Mot de la fin et recommandations
Les Forces canadiennes ont clairement défini une norme de condition physique commune à tous les membres de la Force régulière et de la Première réserve. Cependant, cette norme commune n’est pas épaulée par des règlements et des politiques qui appuieraient les réservistes, en particulier ceux qui sont en service de classe A ou en service de classe B de 180 jours ou moins, lorsqu’ils pratiquent des activités physiques pour satisfaire à cette norme.
Il est injuste que les réservistes aient les mêmes obligations que les membres de la Force régulière en ce qui a trait à la condition physique alors qu’il n’y a pas de soutien convenable pour eux s’ils se blessent en s’entraînant dans le but de satisfaire à ces obligations. Les exigences relatives à la condition physique étant déjà en vigueur, il est urgent que les Forces canadiennes prennent des mesures pour fournir le soutien nécessaire. Par conséquent, nous recommandons :
- que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, les Forces canadiennes créent un cadre de réglementation pour que les réservistes soient indemnisés équitablement pour les pertes de salaire et reçoivent les soins médicaux adéquats lorsqu’ils se blessent en s’entraînant pour satisfaire aux normes de conditions physiques des Forces canadiennes.
Dossiers médicaux des réservistes
Normes relatives à la conservation et au traitement des dossiers
Un dossier médical renferme un ensemble de faits pertinents relativement aux antécédents médicaux d’une personne, y compris toutes les conditions médicales passées et présentes, les maladies et les traitements, ainsi que les événements particuliers qui ont eu des répercussions sur le patient pendant qu’il recevait des soins. Les spécialistes qui donnent des soins créent l’information qui vient s’ajouter au dossier médical. De nombreux fournisseurs de soins de santé peuvent soigner un patient et chacun d’entre eux dépend de l’information réunie et consignée par les autres fournisseurs de soins. Il peut être difficile de bien soigner des patients sans dossiers médicaux correctement gérés.
Au cours de l’enquête, les enquêteurs de l’Ombudsman ont constaté plusieurs problèmes à propos des dossiers médicaux de la Première réserve, notamment :
- qu’ils ne sont pas protégés avec le même niveau de sécurité que les dossiers médicaux de la Force régulière;
- qu’ils ne sont pas tenus à jour.
Ce ne sont pas des préoccupations nouvelles. Le Chef – Services d’examen a effectué un examen des Services de santé des Forces canadiennes en octobre 1999. À cette occasion, il a remarqué diverses lacunes en ce qui a trait à la gestion des dossiers (le rapport traitait de tous les dossiers confondus, ceux de la Force régulière comme ceux de la Réserve).
Les Services de santé des Forces canadiennes tentent de régler le problème. En novembre 2002, ils ont lancé un projet de dossiers médicaux électroniques, baptisé Système d’information sur la santé des Forces canadiennes. Son but est de fournir une capacité de gestion électronique moderne et efficace des dossiers médicaux des Forces canadiennes, qui changera fondamentalement la manière dont les données médicales sont enregistrées, conservées et consultées. Le projet concerne les dossiers médicaux de tout le personnel militaire de la Force régulière ainsi que de la Réserve et vise à remplacer définitivement les dossiers médicaux papier24.
En attendant, cependant, il y a des problèmes. Par exemple, une entrevue avec le chef de l’équipe s’occupant du Système d’information sur la santé des Forces canadiennes a permis d’apprendre que, alors que plus de 31 000 dossiers médicaux de réservistes étaient conservés dans les établissements de santé de la Force régulière il y a un an, dossiers qui bénéficiaient du même niveau de sécurité que les dossiers médicaux du personnel de la Force régulière, il y a encore environ 5 000 dossiers de la Première réserve qui ne sont pas conservés dans les établissements de santé de la Force régulière auxquels ils sont rattachés.
On est en train de confirmer le nombre de ces dossiers médicaux et l’endroit où ils se trouvent, et de déterminer où ils devraient être conservés et tenus à jour. Néanmoins, les enquêteurs ont eu l’occasion de voir clairement que les dossiers médicaux des réservistes qui ne sont pas sous le contrôle de l’établissement de santé de la Force régulière auquel ils sont rattachés sont mal conservés et mal gérés.
Pendant l’inspection d’une organisation médicale subordonnée de la Réserve, une équipe d’une clinique de la Force régulière a découvert un tiroir plein de dossiers médicaux de réservistes. Certains de ces documents n’avaient pas été ouverts, d’autres dataient de plusieurs années et aucun n’avait été classé. Ce type de situation confirme qu’il faut transférer les dossiers médicaux des réservistes dans des établissements de la Force régulière.
Bien que l’on ait fait beaucoup pour bien contrôler les dossiers médicaux de la Réserve et pouvoir y accéder facilement, la tâche n’est pas terminée. Le Système d’information sur la santé des Forces canadiennes est très prometteur et il devrait permettre de régler les problèmes actuels, mais sa mise en œuvre ne sera pas immédiate. Les réservistes ont le droit d’être assurés dès maintenant que leurs renseignements médicaux sont convenablement gérés et qu’ils le sont de manière tout à fait confidentielle. Il doit y avoir une norme de gestion des dossiers médicaux commune aux membres de la Force régulière et aux réservistes. Ce n’est pas le cas en ce moment. Par conséquent, nous recommandons :
-
que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour tenir et protéger les dossiers médicaux de la Réserve selon les mêmes normes que celles applicables aux dossiers médicaux de la Force régulière.
Portabilité des dossiers médicaux
Le deuxième problème lié aux dossiers médicaux est la pratique qui consiste, à la libération d’un membre de la Force régulière, à envoyer son dossier médical aux Archives nationales et à créer un nouveau dossier médical si le militaire devient réserviste. Les fournisseurs de soins de santé traitant des Forces canadiennes se retrouvent alors sans aucuns antécédents médicaux pour l’ancien membre de la Force régulière.
Plus particulièrement, un groupe de travail s’occupant d’une politique en matière de personnel a déjà discuté de ce sujet dans le cadre du problème global des dossiers militaires. Le groupe de travail a remarqué qu’il n’y a actuellement pas de norme logique pour créer et tenir à jour des dossiers. Il a indiqué que le processus en place accroît le risque que les dossiers deviennent incomplets ou différents quand les militaires passent d’un élément à l’autre. Le groupe de travail a fortement recommandé l’application du principe « une personne, un dossier » quel que soit l’élément.
Créer un nouveau dossier de santé quand un membre de la Force régulière devient réserviste est totalement illogique. C’est une question de sécurité et cela peut avoir des effets sur la continuité des soins prodigués au militaire. Par conséquent, nous recommandons :
- que le dossier médical suive le militaire lorsque ce dernier change d’élément ou s’enrôle de nouveau.
Prestations offertes aux réservistes blessés
Introduction
Nous examinons deux dossiers dans la présente partie du rapport. Le premier concerne l’inégalité qui existe à propos des prestations d’assurance mutilation. En effet, en cas de mutilation, les réservistes à temps partiel reçoivent une indemnité inférieure. Le deuxième concerne le fait que les membres de la Réserve supplémentaire qui servent dans la Première réserve n’ont pas droit aux prestations d’assurance invalidité et à d’autres avantages sociaux. Dans les deux cas, il y a deux poids, deux mesures, ce qui est contraire au principe fondamental d’équité.
Régime d’assurance mutilation accidentelle
Les Forces canadiennes ont un régime d'assurance mutilation accidentelle25 (qui fait partie du Régime d’assurance-revenu militaire), qui prévoit le paiement d’une indemnité forfaitaire en cas de mutilation accidentelle ou de perte de la vue, de la parole ou de l’ouïe, lorsque cette mutilation ou perte est attribuable au service militaire. Les militaires ne paient pas de prime pour la couverture en cas de mutilation, le régime étant financé par le ministère de la Défense nationale. Bien que ce soit un régime des Forces canadiennes, c’est le Secrétariat du Conseil du Trésor qui le régit.
Le montant maximal payable (en novembre 2007) par le régime au personnel de la Force régulière, aux réservistes en contrat de classe C, et aux « militaires en service de classe B de longue durée
» est de 250 000 $, alors que le montant maximal payable aux « militaires en service de classe A et en service de classe B de courte durée
» est de 100 000 $. Les indemnités versées selon les types de mutilation correspondent à un pourcentage du montant maximal. Par exemple, la perte des deux mains donnerait droit à un versement de 100 p. 100 alors que la prestation pour la perte d’une main serait de 50 p. 100.
Ainsi, si un réserviste en service de classe A et un membre de la Force régulière se trouvent dans le même accident et qu’ils perdent chacun une main, le militaire de la Force régulière recevra 125 000 $ comparativement à 50 000 $ pour le réserviste.
Beaucoup des réservistes auxquels nous avons parlé ne connaissaient pas l’existence du régime d'assurance mutilation accidentelle. Ceux qui le connaissaient ne savaient pas qu’il y avait une différence de protection selon la classe du service de réserve.
En revanche, de nombreux officiers de la Force régulière qui travaillent avec la Force de réserve des réservistes étaient au courant de cette différence et étaient mal à l’aise face à une telle situation. Un ancien Directeur général — Réserve terrestre nous a dis :
« … il faut que tout le monde se mobilise et dise : “ Nous ne pouvons pas faire notre travail sans les réservistes ”; ensuite, il faut s’occuper d’eux si l’on veut qu’ils soient là lorsque l’on a besoin d’eux. Si nous disons : “ Vous n’avez pas droit à cet avantage parce que vous êtes réserviste et vous recevrez 40 p. 100 au lieu de 100 p. 100 ”, ils vont nous répondre : “ Je ne vais pas prendre de risques si vous n’allez pas me traiter de la même manière que mon frère qui est dans la Force régulière ”. »
Un lieutenant-colonel de la Force régulière commandant un bataillon de la Réserve a déclaré :
« En tant qu’officier de la Force régulière dans une unité de la Réserve, je déteste le fait que nous ayons deux politiques. Je me sens mal à l’aise lorsque je dois dire à mes soldats de la Force régulière, “ vous avez droit à cette prestation ”, et que je me tourne vers mes soldats de la Réserve pour leur dire, “ et vous, vous avez droit à celle ci ”. »
Le Ministère est conscient de la situation et cherche à remédier à cette différence monumentale. Il est grand temps, car il est inacceptable que la valeur donnée à la jambe, au bras ou à l’œil d’un membre des Forces canadiennes varie selon la classe de service à laquelle il appartient.
La direction du Régime d’assurance-revenu militaire nous a informés qu’aucune indemnité n’avait été versée en vertu du régime d'assurance mutilation accidentelle à un réserviste en service de classe A ou en service de classe B de 180 jours ou moins depuis la mise en œuvre du régime le 13 février 2003. Néanmoins, il serait prudent d’agir avant que quelqu’un ne soit laissé pour compte. Par conséquent, nous recommandons :
-
que l’on modifie le Régime d'assurance mutilation accidentelle, avec effet rétroactif au 13 février 2003, pour que tous les membres des Forces canadiennes reçoivent la même indemnité pour la même blessure.
Réserve supplémentaire
La Réserve supplémentaire est composée d’anciens militaires qui veulent rester disponibles pour se porter volontaire au service militaire en cas d’urgence. Au cours des dernières années, on s’est servi de la Réserve supplémentaire pour remédier à la pénurie de personnel dans les Forces canadiennes. Par exemple, cette année, le Vice chef d’état major de la Défense a écrit à un grand nombre de membres de la Réserve supplémentaire pour savoir s’ils accepteraient de s’enrôler de nouveau dans les Forces canadiennes pour aider l’armée de différentes façons.
Normalement, un membre de la Réserve supplémentaire qui consent à reprendre du service militaire est affecté à la Première réserve. Cependant, dans certains cas, le métier qu’il occupait dans la Force régulière n’existe pas dans la Première réserve. Pour contourner le problème, les Forces canadiennes se servent d’une procédure administrative appelée « affectation temporaire ».
On est censé utiliser les affectations temporaires quand on a besoin d’affecter un militaire, temporairement, à une unité. En ce qui concerne les membres de la Réserve supplémentaire, cela signifie que le réserviste est affecté, temporairement plutôt que de façon permanente, à la Première réserve. Toutefois, on a indiqué aux enquêteurs, lors d’une réunion avec le Directeur – Politique de production de personnel 5, que certaines organisations affectent temporairement des membres de la Réserve supplémentaire à la Première réserve simplement parce que c’est plus pratique sur le plan administratif.
Malheureusement, cela peut occasionner des pénalités importantes au réserviste. Selon le Directeur – Qualité de vie 5-3, les membres de la Réserve supplémentaire qui sont affectés temporairement à la Première réserve et qui servent en service de classe A, B ou C n’ont pas droit aux prestations d’invalidité de longue durée par l’intermédiaire du Régime d’assurance-revenu militaire et ne sont pas couverts par le régime d’assurance mutilation accidentelle s’ils se blessent. Et pourtant, ces militaires courent les mêmes risques et ont autant de chances d’être blessés que les autres membres des Forces canadiennes.
Nous n’avons pas trouvé de preuve que des membres de la Réserve supplémentaire sont devenus invalides alors qu’ils se trouvaient dans cette situation. Cependant, si cela venait à se produire, les conséquences seraient tout simplement inacceptables.
Il est injuste que l’on fasse une distinction sur le plan des prestations alors qu’il n’y en a pas en ce qui concerne l’emploi. Par conséquent, nous recommandons :
- que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour que tous les membres de la Réserve supplémentaire qui sont affectés temporairement à la Première réserve reçoivent les mêmes prestations que leurs homologues de la Première réserve.
Comme il a été indiqué ci dessus, nos enquêteurs n’ont eu aucune indication que des membres de la Réserve supplémentaire soient devenus invalides pendant une affectation temporaire à la Première réserve. Néanmoins, étant donné que cela pourrait se produire, il incombe aux Forces canadiennes de veiller à ce que les gens soient traités équitablement. C’est pourquoi, la recommandation susmentionnée devrait être appliquée rétroactivement à tout membre de la Réserve supplémentaire qui serait devenu invalide pendant une affectation temporaire à la Première réserve.
Administration de la Réserve
Libérations des réservistes pour raisons de santé
L’objet principal de l’enquête était le traitement des réservistes blessés. Toutefois, les enquêteurs ont aussi découvert qu’il existait des préoccupations et des problèmes importants en ce qui concerne le fardeau administratif que doivent porter les unités de la Réserve. Les entrevues de commandants d’unité, de capitaines-adjudants et de commis chefs d’unité ainsi que du personnel des services des ressources humaines dans les quartiers généraux de formation ont révélé que les unités de la Réserve (en particulier celles de l’Armée) n’ont pas les ressources nécessaires pour effectuer les tâches administratives dont elles sont chargées, et leur personnel n’est pas convenablement formé.
Les préoccupations à propos de l’administration de la Réserve ne sont pas nouvelles. Selon un rapport de la Commission spéciale sur la restructuration des réserves de 1994, les unités de la milice (ainsi que les unités d’autres éléments de la Réserve) signalaient que le fardeau administratif qu’elles devaient supporter était écrasant. Dans le Rapport Fraser préparé par le Comité de surveillance des changements au sein du Ministère, diffusé en 2000, on faisait état du fardeau administratif anormalement lourd des unités locales et de leur commandant, et on recommandait que des mesures soient prises pour remédier aux problèmes chroniques de l’administration de la Réserve.
L’administration locale des unités de la Réserve est plus complexe que celle des unités de la Force régulière parce que les unités de la Réserve sont autonomes et qu’elles sont donc chargées d’une gamme plus vaste de tâches administratives. Par exemple, l’administration des libérations des réservistes, y compris les libérations pour raisons de santé, est beaucoup plus décentralisée dans la Réserve qu’elle ne l’est dans la Force régulière.
L’administration y étant plus complexe, on pourrait s’attendre qu’il y ait une attribution proportionnelle des ressources – soit davantage de personnel, soit du personnel ayant plus d’expérience ou de formation. Nous avons constaté le contraire – les sections d’administration des unités de la Réserve n’avaient généralement pas leur plein effectif de commis de soutien à la gestion des ressources, la surcharge de travail étant absorbée par les militaires des autres métiers de l’unité qui prêtaient main forte. Un certain nombre de commis chefs d’unité nous ont dit que même lorsqu’il y avait suffisamment de commis de soutien à la gestion des ressources, la différence entre les processus de la Force régulière et ceux de la Réserve faisait que même les commis ayant de l’expérience devaient progresser selon une courbe d’apprentissage avant d’être totalement productifs.
Bien que les difficultés administratives aient des répercussions sur tous les aspects de l’expérience militaire des réservistes à temps partiel, nous les avons remarquées dans le contexte de l’enquête parce qu’en raison de ces problèmes administratifs, les réservistes blessés et leur famille ne reçoivent pas l’appui dont ils ont besoin, en particulier quand il s’agit de l’administration des libérations pour raisons de santé. Voici quelques-uns de ces problèmes.
- Parce que l’autorisation de libération pour raisons de santé n’est pas donnée à temps, le réserviste ne peut joindre le gestionnaire de cas ou ne peut le joindre que tardivement.
- À cause du retard pris dans le traitement des libérations pour raisons de santé, les réservistes ne reçoivent pas leur allocation de retraite à l'intention de la Force de réserve dans un délai raisonnable.
- Les réservistes blessés ont fréquemment de la difficulté à se prévaloir des prestations du Régime d'assurance-revenu militaire.
Dans une clinique médicale, on a dit aux enquêteurs :
« Les unités [de la Réserve] ne semblent pas capables de remplir les formalités administratives de manière logique. Il est arrivé que le traitement d’une demande d’indemnité d’invalidité soit retardé pendant des mois parce que l’unité ne sait pas quelles formalités administratives accomplir. »
Alors que cela ne constitue pas habituellement un problème pour les membres de la Force régulière, qui continuent de toucher leur solde, il en va tout autrement pour le réserviste qui ne peut pas être employé pour raisons de santé. Nous trouvons cela injuste. Par conséquent, nous recommandons :
- que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour que tous les réservistes qui sont libérés pour raisons de santé le soient rapidement.
Conclusions et recommandations
Le rôle des réservistes a considérablement évolué au cours des dernières années. Malheureusement, la réforme des politiques s’est laissée distancer par le rôle changeant de cet élément essentiel des Forces canadiennes. En échange de l’engagement qu’ils prennent à s’entraîner et à servir leur pays, les réservistes s’attendent à juste titre à recevoir les meilleurs soins possible lorsqu’ils sont blessés ou qu’ils tombent malades durant leur service ou pendant l’exercice de leurs fonctions militaires ailleurs qu’à leur base d’attache.
Pourtant, ils n’obtiennent pas toujours ces soins. La réglementation régissant la prestation des soins de santé aux réservistes est défectueuse et n’est pas claire. Elle doit être réformée afin de la rendre plus évidente pour les administrateurs, les prestataires de soins et la chaîne de commandement. Elle doit également être rendue plus cohérente et équitable pour les réservistes.
Par principe, les Forces canadiennes ont l’obligation, sur le plan éthique et juridique, de fournir des soins de santé aux membres des Forces canadiennes qui sont blessés ou de faire en sorte qu’ils reçoivent ces soins, qu’ils appartiennent à la Force régulière ou à la Réserve, lorsque la blessure ou la maladie est attribuable au service militaire. Même si la blessure ou la maladie n’est pas attribuable au service militaire et lorsque les militaires ne peuvent pas consulter leur médecin civil parce qu’ils sont déployés en service militaire, les Forces canadiennes doivent leur fournir des soins au-delà des soins d’urgence. Il est inadmissible que des militaires qui ne peuvent pas consulter leur fournisseur habituel de soins de santé soient forcés de chercher un endroit où se faire soigner quand il existe sur place un établissement de soins des Forces canadiennes.
Les Forces canadiennes doivent veiller en priorité à ce que tous leurs militaires soient traités équitablement, quel que soit leur élément. L’uniformité des normes et leur application est un élément important de l’équité. Si les normes sont légitimes, elles doivent s’appliquer à tous.
En ce qui concerne les évaluations de santé périodiques, les vaccinations et la gestion des dossiers médicaux, les normes sont différentes et c’est injuste.
Les normes de condition physique sont les mêmes pour les membres de la Force régulière et ceux de la Première réserve; cependant, il y a encore trop de questions sans réponse quant à la manière dont les réservistes devraient être traités s’ils se blessent en s’entraînant pour satisfaire à la norme de condition physique. Il faut répondre à ces questions dans le cadre de la mise en œuvre de la norme.
La différence qui existe pour les réservistes en ce qui concerne l’admissibilité aux prestations d’assurance mutilation accidentelle est un parfait exemple de l’inégalité des normes. Bien qu’ils soient exposés aux mêmes risques et qu’ils puissent subir les mêmes blessures que les militaires travaillant à temps plein, les réservistes en service de classe A et en service de classe B de 180 jours ou moins n’ont droit qu’à seulement 40 p. 100 du montant que les autres reçoivent pour le même type de blessures.
Nous sommes particulièrement préoccupés par la situation des membres de la Réserve supplémentaire qui sont affectés temporairement à la Première réserve. Ils sont dans une situation très injuste puisqu’ils ne sont admissibles à aucune prestation d’invalidité. Bien qu’à notre connaissance aucun membre de la Réserve supplémentaire n’ait été blessé jusqu’à présent alors qu’il était en affectation temporaire, si un tel cas se produisait, la situation serait inacceptable, tout à fait évitable, et il faudrait la régler.
Enfin, les réservistes blessés doivent souvent attendre longtemps pour bénéficier des prestations auxquelles ils ont droit à cause des retards pris lors des libérations pour raisons de santé. Les réservistes sont doublement pénalisés lorsque l’on compare leur situation à celle de leurs homologues de la Force régulière – d’une part, le délai est souvent plus long pour les réservistes et, d’autre part, ils ne reçoivent pas de solde et d’allocations dans l’intervalle s’ils ne travaillent pas, alors que leurs collègues de la Force régulière sont payés jusqu’à ce qu’ils soient libérés.
Comme une autorité médicale supérieure l’a dit à l’un de nos enquêteurs : « Dans un monde parfait, chaque réserviste, quelle que soit sa classe, recevrait les vaccinations essentielles et aurait droit à un examen médical aussi souvent que les membres de la Force régulière. Son dossier médical serait conservé à la base de soutien et il y aurait des clarifications quant à ses droits en matière de soins médicaux.
» À cela, nous pourrions ajouter le traitement équitable des blessures causées par le conditionnement physique, des droits égaux en ce qui a trait aux prestations en cas de mutilation, une protection pour les membres de la Réserve supplémentaire affectés temporairement à la Première réserve, et une gestion efficace des libérations pour raisons de santé.
C’est la première enquête systémique menée par le Bureau de l’Ombudsman qui porte tout particulièrement sur la Réserve. Nous avons fait douze recommandations qui, lorsqu’elles seront mises en œuvre, permettront de traiter équitablement tous les réservistes au Canada.
- Nous recommandons :
- que les Forces canadiennes créent un nouveau cadre de réglementation régissant le droit aux soins médicaux et dentaires et la prestation de ces soins pour les diverses catégories de réservistes;
- que le nouveau cadre de réglementation soit rédigé en termes clairs et conviviaux pour qu’il puisse être interprété et appliqué justement et sans distinction;
- que le nouveau cadre de réglementation, et toutes les modifications et clarifications qui y seront apportées, soient largement diffusés à toutes les personnes concernées et que ces dernières puissent ensuite les consulter facilement;
- que ce cadre de réglementation soit terminé dans les douze mois suivant la publication du présent rapport.
- Nous recommandons que le cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires reconnaisse que les Forces canadiennes ont l’obligation de prodiguer aux réservistes (que ce soit par l’entremise de fournisseurs des Forces canadiennes ou de fournisseurs externes) les soins de santé complets dont ils ont besoin après une maladie ou une blessure attribuable au service militaire.
- Nous recommandons que le cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires établisse la responsabilité des Forces canadiennes de fournir des soins médicaux et dentaires à tous les réservistes qui en ont besoin lorsqu’ils ne peuvent pas consulter leur fournisseur de soins de santé civil en raison de l’endroit où ils servent.
- Nous recommandons que le nouveau cadre de réglementation des soins médicaux et dentaires contienne une directive générale à l’intention des preneurs de décision indiquant que le règlement devrait être interprété et appliqué de manière juste et généreuse et que, quand la question du droit aux soins n’est pas claire, la décision devrait être prise en faveur du réserviste.
- Nous recommandons que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, on applique les normes régissant les évaluations de santé périodiques au personnel de la Première réserve comme au personnel de la Force régulière.
- Nous recommandons que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, les Forces canadiennes :
- publient des exigences en matière de vaccination qui s’appliquent à tout le personnel militaire (Force régulière et Première réserve) qui participe à des opérations et à de l’instruction au Canada;
- mettent en place un mécanisme permettant de vacciner les membres de la Première réserve et de la Force régulière aux frais de l’État.
- Nous recommandons que, dans les douze mois suivant la date de diffusion publique du présent rapport, les Forces canadiennes créent un cadre de réglementation pour que les réservistes soient indemnisés équitablement pour les pertes de salaire et reçoivent des soins médicaux adéquats lorsqu’ils se blessent en s’entraînant pour satisfaire aux normes de condition physique des Forces canadiennes.
- Nous recommandons que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour tenir et protéger les dossiers médicaux de la Réserve selon les mêmes normes que celles applicables aux dossiers médicaux de la Force régulière.
- Nous recommandons que le dossier médical suive le militaire lorsque ce dernier change d’élément ou s’enrôle de nouveau.
- Nous recommandons que l’on modifie le régime d'assurance mutilation accidentelle, avec effet rétroactif au 13 février 2003, pour que tous les membres des Forces canadiennes reçoivent la même indemnité pour la même blessure.
- Nous recommandons que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour que tous les membres de la Réserve supplémentaire qui sont affectés temporairement à la Première réserve reçoivent les mêmes prestations que leurs homologues de la Première réserve.
- Nous recommandons que les Forces canadiennes prennent immédiatement des mesures pour que tous les réservistes qui sont libérés pour raisons de santé le soient rapidement.
Annexe A : Chapitre 34 des ORFC – Services de santé
Extrait de l’ORFC 34.07 – Droit aux soins de santé
- (4) Sous réserve des alinéas (5) à (8), les soins de santé sont prodigués aux frais de l’État à un militaire :
- (a) de la force régulière;
- (b) de la force spéciale;
- (c) de la force de réserve;
- (d) d’une force d’un État Partie au Traité de l’Atlantique Nord qui se trouve au Canada dans le cadre de ses fonctions officielles, lorsque des ententes existent entre les deux pays en ce qui a trait aux soins de santé gratuits prodigués aux frais de l’État;
- (e) toute autre force militaire ainsi que l’autorise le ministre.
- (a) de la force régulière;
- (5) À moins d’indication contraire du ministre, un militaire des Forces canadiennes, d’une force d’un État Partie au Traité de l’Atlantique Nord ou de toute autre force militaire n’a pas droit aux soins de santé prodigués aux frais de l’État dans les cas suivants :
- (a) après le 21e jour d’une période d’absence sans autorisation;
- (b) après sa date de libération, sauf si le cas est prévu dans le Règlement sur le traitement des anciens combattants qui s’applique à un ancien militaire des Forces canadiennes;
- (c) s’il ne s’est pas conformé aux règlements régissant les soins de santé; cependant, les soins peuvent être payés par l’État si les mesures nécessaires sont prises ultérieurement pour recouvrer les frais auprès du militaire.
- (a) après le 21e jour d’une période d’absence sans autorisation;
- (6) Sous réserve de l’alinéa (5), un militaire de la force de réserve qui requiert des soins résultant de l’exercice de ses fonctions a droit :
- (a) aux soins de santé prodigués aux frais de l’État pendant le reste de sa période de service;
- (b) aux soins de santé prodigués aux frais de l’État une fois sa période de service terminée si le médecin traitant le juge nécessaire et avec l’autorisation de l’officier commandant le commandement.
- (a) aux soins de santé prodigués aux frais de l’État pendant le reste de sa période de service;
- (7) Sous réserve de l’alinéa (5), un militaire de la force de réserve qui requiert des soins ne résultant pas de l’exercice de ses fonctions et ne résultant pas de son inconduite ou de son imprudence a droit :
- (a) au besoin, pendant qu’il est en service actif ou en service de réserve de classe « C », aux soins de santé prévus à l’alinéa (6);
- (b) au besoin, s’il requiert les soins pendant qu’il est en service de réserve de classe « A » ou « B », aux soins de santé complets ou partiels prodigués aux frais de l’État qui ne sont pas prévus par son régime provincial d’assurance santé jusqu’au terme de sa période de service ou jusqu’à la date de son renvoi à domicile, selon la première de ces éventualités, à moins d’indication contraire du ministre;
- (c) au besoin, pendant qu’il accomplit une période de service autre que celles mentionnées aux sous alinéas a) et b) et, à moins d’indication contraire du ministre, aux soins de santé prévus à l’alinéa (6).
- (a) au besoin, pendant qu’il est en service actif ou en service de réserve de classe « C », aux soins de santé prévus à l’alinéa (6);
- (8) Un militaire de la force de réserve qui n’est pas en service actif, en service de réserve de classe « B » ou en service de réserve de classe « C » et qui, de l’avis de l’officier commandant le commandement, refuse sans aucune raison les soins de santé qui lui sont prescrits n’a pas droit à d’autres soins de santé pour l’affection dont il souffre, à compter de la date de son refus.
Annexe B : Chapitre 35 des ORFC – Services dentaires
Extrait de l’ORFC 35.01 – Définitions
Les définitions qui suivent s'appliquent au présent chapitre.
- « soins dentaires complets » Les soins requis pour traiter et entretenir les dents en bon état, assurer une mastication convenable et une mesure raisonnable de confort qui, de l'avis du dentiste militaire, sont nécessaires et disponibles.
- «soins dentaires restreints» Les soins d'urgence requis qui, de l'avis du dentiste militaire, sont nécessaires et disponibles pour l'une ou l'autre des fins suivantes :
- (a) le soulagement de la douleur et d'une infection aiguë;
- (b) la réparation d'une prothèse dentaire brisée, à l'exclusion toutefois du remplacement ou de l'addition de parties intégrantes.
- (a) le soulagement de la douleur et d'une infection aiguë;
Extrait de l’ORFC 35.04 – Droits aux soins dentaires
- (2) Un militaire de la force de réserve en service actif, en service de réserve de classe « B » pour une période de plus de six mois ou en service de réserve de classe « C » a droit à des soins dentaires complets.
- (3) Un militaire de la force de réserve :
- (a) a droit à des soins dentaires restreints lorsqu'il est :
- (i) en service de réserve de classe « B » pendant une période qui n'excède pas six mois,
- (ii) en service de réserve de classe « A », en service ou en instruction ailleurs que dans un quartier général local, un défilé, une démonstration ou un exercice sur place;
- (i) en service de réserve de classe « B » pendant une période qui n'excède pas six mois,
- (b) a droit, s'il subit une blessure aux dents attribuable à l'exercice de ses fonctions, à des soins dentaires suffisants pour remettre ses dents dans un état comparable à celui qui existait avant qu'il subisse cette blessure, pourvu que cette blessure ne résulte pas de son inconduite ou de son imprudence.
- (a) a droit à des soins dentaires restreints lorsqu'il est :
- (4) Un militaire de la force de réserve qui, de l'avis d'un officier commandant un commandement, refuse sans motif suffisant les soins dentaires qui sont prescrits pour sa blessure ou sa maladie, n'a pas le droit d'obtenir, à compter de la date de son refus, d'autres soins pour cette blessure ou cette maladie.
Notes de fin de document
1. Le sixième principe de la transformation (– des FC intégrant les membres de la Force régulière, les réservistes et les employés civils), est présenté à l’annexe A du Guide de planification du CEMD pour l’avenir des Forces de réserve canadiennes (12 juin 2007). Ce principe a été réitéré dans le CANFORGEN 159/07, le 19 octobre 2007.
2. On peut consulter le document Gamme de soins des FC à l’adresse suivante : http://hr.ottawa-hull.mil.ca/health/services/frgraph/spectrum_of_care_home_f.asp.
3. Rapport du Chef - Service d’examen, Examen du Service de santé des Forces canadiennes7055-42-2 (CS Ex), octobre 1999.
4. Droit aux soins médicaux des réservistes en service de classe B, message 066 du médecin-chef des FC, décembre 1991 et Prestation de soins médicaux – Réserve, lettre du médecin-chef des FC 1243-6 (D Svc méd), le 1er avril 1997.
5. Rapport du Chef - Service d’examen, Examen du Service de santé des Forces canadiennes7055-42-2 (CS Ex), octobre 1999.
6. La Direction – Soutien aux blessés et administration est l’organisation qui doit rendre compte au Chef du personnel militaire « de l’élaboration des politiques régissant les soins prodigués aux militaires blessés et à leur famille et de la prestation de services à la clientèle, en partenariat avec Anciens Combattants Canada, fournis aux militaires blessés, aux anciens combattants et aux familles de ceux-ci
» [Traduction] (Présentation en PowerPoint du Chef adjoint - Personnel militaire, tirée de la séance d’orientation du Chef du personnel militaire tenue les 13 et 14 septembre 2006).
7. Entrevue avec le Directeur général - Services de santé de l’époque, le 31 janvier 2007.
8. Vous trouverez tous les renseignements, y compris ceux relatifs à l’admissibilité et aux droits à l’adresse suivante : http://www.forces.gc.ca/dgcb/dpsp/frgraph/rdcp_manual_f.asp?sidesection=4&sidecat=17#sec1-3.
9. http://www.dnd.ca/health/frgraph/home_f.asp?Lev1=12.
10. Le Guide d’info santé des FC se trouve à l’adresse suivante : http://www.dnd.ca/health/services/frgraph/health_info_home_f.asp.
11. Commentaires du commandant d’une unité médicale de la Réserve.
12. Sondage d'information sur la santé et les habitudes de vie dans les Forces canadiennes (2000) – Rapport sur la Réserve préparé par Decima Research Inc. en juillet 2000.
13. Sondage sur la santé et le style de vie du personnel des Forces canadiennes 2004 – Rapport sur la Réserve – Direction de la Protection de la santé de la Force, Groupe des Services de santé des Forces canadiennes 2004.
14. On peut lire l’exposé fait par le Général Baril, Chef d’état-major de la Défense, devant le Comité permanent de la Défense nationale et des Anciens combattants en 1998 à l’adresse suivante : http://www.dnd.ca/hr/scondva/frgraph/040698_f.asp.
16. Directives et ordonnances administratives de la Défense 5023-0 – Universalité du service et Directives et ordonnances administratives de la Défense 5023-1 – Critères minimaux d'efficacité opérationnelle liés à l'universalité du service.
17. Pendant l’Op Peregrine, les Forces canadiennes ont aidé le gouvernement de la Colombie-Britannique à lutter contre les feux de forêts. L’opération a duré 45 jours, du 3 août au 6 septembre 2003. Environ 2 600 militaires des Forces canadiennes y ont pris part, dont 900 réserviste.
21. L’article 210.72 Indemnité d’invalidité – Force de Réserve des Directives sur la rémunération et les avantages sociaux se trouve à l’adresse suivante :http://www.forces.gc.ca/dgcb/cbi/frgraph/home_f.asp?sidesection=6&Section=210.72&sidecat=27&Chapter=210#210.72.
22. En vertu de la loi, les agents de l’État qui exercent leurs fonctions à l’étranger sont réputés les exercer en Ontario.
23. Site Web du Régime d’assurance-revenu militaire : http://www.sisip.ca/fr/Insurance_f/ltd_f.asp.
24. Dans son rapport d’octobre 2007, la vérificatrice générale a également parlé de ce projet; toutefois, elle était plus préoccupée par la capacité d’analyse des données du système que par le contrôle et la tenue des dossiers médicaux, sur lesquels ont porté nos observations.
25. On peut obtenir des renseignements sur le Régime d’assurance mutilation accidentelle à l’adresse suivante : http://www.sisip.com/fr/Insurance_f/ad_f.asp.