Chapitre 12 : Définir le sport sécuritaire
Partie II — Le sport sécuritaire au Canada
Sur cette page
- Définition académique du sport sécuritaire
- Définition gouvernementale du sport sécuritaire
- Absence de consensus sur le sport sécuritaire
- Connotations négatives du sport sécuritaire
- Notion de sport sécuritaire aux fins du présent rapport
La notion de « sport sécuritaire » a évolué. À l’origine, elle était axée sur la prévention des blessures physiques. Cela a conduit, par exemple, à l’adoption d’une loi sur la prévention des commotions cérébrales au CanadaNote de bas de page 1. La portée de la notion de « sport sécuritaire » continue d’évoluer parallèlement aux changements qui surviennent dans le monde du sport, aux influences sociétales plus larges et aux préoccupations socialesNote de bas de page 2.
Définition académique du sport sécuritaire
Un environnement sportif sécuritaire est un environnement « respectueux, équitable et sans violence pour tous les individus impliqués dans le sport »Note de bas de page 3. Les chercheurs ont identifié trois composantes clés d’un environnement sportif sécuritaire :
- La sécurité physique : un environnement exempt de tout problème lié au danger physique.
- La sécurité relationnelle : des relations exemptes d’abus ou de négligence.
- Des programmes sportifs optimisés : des programmes qui donnent la priorité au développement positif et aux droits d’inclusion, à l’accessibilité, à l’équité et à la sécuritéNote de bas de page 4.
Bien qu’il n’existe pas de définition unique du sport sécuritaire, plusieurs comportements qui vont au-delà de la sécurité physique ont été identifiés comme inacceptables dans le sport et peuvent créer des environnements sportifs non sécuritaires.
Définir le sport sécuritaire est complexe, car ce qui est considéré comme un comportement acceptable ou inacceptable peut être subjectif. Par exemple, ce qu’une personne considère comme un rite de passage nécessaire à la cohésion d’équipe (par exemple, porter le matériel en tant que recrue) pourrait être considéré comme du bizutage (hazing) par une autre personne (par exemple, devoir agir comme un serviteur personnel)Note de bas de page 5.
Des participants aux travaux de la Commission, incluant des experts, ont attiré l’attention sur le lien qui existe entre les blessures physiques et la maltraitance. Par exemple, permettre ou pousser un athlète à jouer alors qu’il présente des symptômes de commotion cérébrale est considéré comme une forme de maltraitance. De même, permettre à un athlète de s’entraîner ou de concourir alors qu’il est blessé physiquement peut également constituer une forme de maltraitance.
Des liens ont également été établis entre l’augmentation du risque de blessure et une spécialisation sportive prématurée, lorsque des athlètes se concentrent sur un seul sport au détriment des autres, et ce, dès leur plus jeune âge. D’anciens athlètes et des athlètes actuels ont fait remarquer que les entraînements et les compétitions fréquentes, de même que les attentes élevées liées à la haute performance, sont des facteurs qui peuvent accroître le risque de blessures à court et à long terme.
L’attention a également été portée sur l’importance de prévoir suffisamment de temps pour la récupération psychologique, mentale et physique. Il a été souligné que la récupération doit être considérée comme un processus général et complet, et non seulement comme une guérison physique.
Définition gouvernementale du sport sécuritaire
En février 2019, les ministres responsables du sport, de l’activité physique et des loisirs des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont adopté la Déclaration de Red Deer – Pour la prévention du harcèlement, de l’abus et de la discrimination dans le sportNote de bas de page 6. En vertu de la Déclaration de Red Deer, tous les gouvernements ont reconnu que :
- Les Canadiennes et les Canadiens ont tous et toutes le droit de pratiquer un sport dans un environnement sécuritaire, accueillant, inclusif, respectueux et basé sur l’éthique, où la dignité, les droits et la santé de tous les participants sont protégés.
- Le sport doit être exempt de harcèlement, d’abus, de comportement contraire à l’éthique et de discrimination axée sur le sexe, l’identité ou l’expression de genre, l’origine ethnique, la religion, la langue, l’âge, l’orientation sexuelle, l’aptitude ou toute autre caractéristique des participantsNote de bas de page 7.
Tel qu’expliqué au chapitre 15, le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport a été élaboré en réponse à la Déclaration de Red Deer. Il s’agit d’un document fondamental qui établit les règles harmonisées que doivent adopter les organismes sportifs qui reçoivent du financement du Gouvernement du Canada afin de promouvoir une culture sportive respectueuse. Son objectif est de promouvoir « des expériences sportives de qualité, inclusives, accessibles, accueillantes et sécuritaires »Note de bas de page 8.
Le Code de conduite universel stipule que toutes les personnes ont le droit de participer à une activité sportive « dans un environnement qui est exempt de toute forme de maltraitance et qui traite chaque personne avec dignité et respect »Note de bas de page 9. Il fournit aussi des définitions standard des différentes formes de maltraitance, appelées « comportements prohibés ». Ces comportements prohibés incluent :
- la maltraitance psychologique
- la maltraitance physique
- la négligence
- la maltraitance sexuelle
- le conditionnement (grooming)
- la transgression des limites
- la discriminationNote de bas de page 10
Le Code de conduite universel décrit également une série de comportements qui, bien qu’ils ne constituent pas de la maltraitance en eux-mêmes, sont également prohibés. Il s’agit notamment de :
- l’exposition d’un participant à un risque de maltraitance
- la complicité quant à une possible maltraitance ou un autre comportement prohibé
- l’omission de signaler une possible maltraitance ou un autre comportement prohibé
- le signalement intentionnel d’une fausse allégation
- l’entrave ou la manipulation d’une enquête ou d’une procédure disciplinaire
- les représaillesNote de bas de page 11
On peut donc en déduire que, selon le Code de conduite universel, un environnement sportif sécuritaire est un environnement exempt de toutes les formes de maltraitanceNote de bas de page 12.
Absence de consensus sur le sport sécuritaire
Dans l’ensemble, nous avons appris qu’il n’y avait pas de consensus sur ce que signifie le « sport sécuritaire ».
Les participants à notre processus de mobilisation s’accordent sur les caractéristiques générales d’un environnement sportif sécuritaire. Les environnements sportifs sécuritaires ont souvent été décrits comme des espaces inclusifs, respectueux et accueillants. Ils ont été décrits comme des espaces qui contribuent à une meilleure santé mentale pour toutes les personnes concernées, et qui permettent aux athlètes de donner le meilleur d’eux-mêmes. Les athlètes et les chercheurs ont aussi souvent associé la sécurité à des qualités comme la confiance et le respect. Ces points de vue suggèrent que le sport sécuritaire devrait être fondé sur des valeurs positives.
Toutefois, nous avons constaté des divergences d’opinions lorsqu’il s’agissait d’établir quels comportements particuliers devaient être qualifiés d’appropriés ou d’inappropriés. Nombreux sont ceux qui ont souligné l’importance d’avoir une définition convenue ou révisée du sport sécuritaire.
Certains participants nous ont également mis en garde sur le fait que la notion de sport sécuritaire était nuancée et subjective, et que les actions qui visent à pousser les athlètes à améliorer leurs performances dans un contexte sportif de haut niveau ne constituaient pas toujours de la maltraitance. Par exemple, certains parents étaient d’avis que les cris des entraîneurs et le fait de pousser les athlètes au-delà des limites sécuritaires étaient essentiels pour que ceux-ci améliorent leurs performances ou progressent dans leur sport.
La plupart des participants ont reconnu que le sport de haut niveau est un mode de vie difficile qui peut être éprouvant. Dans certaines circonstances, les athlètes peuvent choisir de participer à des compétitions alors qu’ils sont blessés ou de suivre des programmes d’entraînement extrêmement exigeants afin d’atteindre l’excellence. Pour certains athlètes, cela ne constitue pas nécessairement de la maltraitance. Les athlètes peuvent être mis à l’épreuve tout en étant en sécurité. Pour de nombreux athlètes de haut niveau, tout se résume à être mis au défi d’une manière qui préserve leur dignité et leur autonomie. La difficulté est de tracer la ligne entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
De nombreux participants ont également noté que la notion de sport sécuritaire a évolué au fil du temps, tout comme les normes applicables aux environnements sportifs. Tel que mentionné ci-dessus, ce qui pouvait autrefois être considéré comme une pratique d’entraînement normale est aujourd’hui considéré par beaucoup comme une forme de maltraitance. Par exemple : peser les athlètes dans les sports artistiques, faire courir des tours de piste aux athlètes pour les punir d’un échec ou d’une erreur, les injurier ou les réprimander après des erreurs de jeu ou d’entraînement, les isoler ou les négliger intentionnellement pour les punir, et les obliger à performer ou à s’entraîner alors qu’ils sont blessés.
Bien que les points de vue puissent s’opposer quant à savoir si des méthodes d’entraînement sont acceptables ou non, les participants s’accordent généralement pour dire que la notion de « sport sécuritaire » et tout ce qui l’entoure ne sont pas très bien définis. La Commission a entendu plusieurs termes différents et un appel à des définitions plus claires. Lorsqu’ils évoquent le sport sécuritaire, plusieurs participants mentionnent l’importance de la « protection » et de l’élimination de la « maltraitance ».
Connotations négatives du sport sécuritaire
Depuis quelques années, le terme « sport sécuritaire » a pris une connotation négative pour plusieurs personnes. Nous avons compris que ce concept suscitait une lassitude croissante. Il est de plus en plus perçu comme une source de stress et de peur, voire comme une arme. Par conséquent, l’objectif initial du sport sécuritaire, qui est de créer des environnements sportifs où tous sont respectés et accueillis, est dévalorisé, et le sentiment d’urgence qui accompagnait le besoin de prévenir la maltraitance s’estompe.
Pour certains, en particulier les entraîneurs, le sport sécuritaire est désormais source d’anxiété et d’effroi. Plusieurs ont décrit le sentiment de marcher constamment sur des œufs, craignant de faire des erreurs et s’inquiétant que le concept soit devenu une « arme ». De nombreuses personnes ont indiqué qu’en anglais, ce terme était même utilisé comme un verbe et de manière parfois menaçante ou punitive (« we are going to "safe sport" you », ce qui pourrait se traduire par « nous allons te "sport sécuriser" »). À bien des égards, « sport sécuritaire » est devenue une expression controversée et riche en émotion.
Nous reconnaissons également que le sport sécuritaire suscite un ressentiment croissant auprès des organismes sportifs, notamment en raison de son coût et du lourd fardeau administratif qu’il implique, dans un environnement où, tel que décrit ci-dessus, le financement des organismes sportifs est demeuré stagnant. Cela est particulièrement vrai pour les petits organismes sportifs dont les ressources sont limitées.
Notion de sport sécuritaire aux fins du présent rapport
Dans le cadre du mandat de la Commission, nous avons adopté la définition de sport sécuritaire telle qu’elle figure dans le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport. Par conséquent, lorsque nous parlons d’un « environnement sportif sécuritaire », nous entendons un environnement exempt de maltraitance. De même, nous entendons par maltraitance toutes les formes de maltraitance définies dans le Code de conduite universel, y compris la maltraitance psychologique, physique et sexuelle, la négligence, le conditionnement (grooming), les transgressions des limites et la discrimination.
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