Résumé du rapport
Sur cette page
- Le moment est venu de faire preuve de leadership et de vision
- Un besoin évident d’harmoniser les structures du système sportif
- Gérer la crise du financement
- Renforcer la gouvernance dans les organismes de sport
- La maltraitance dans le sport persiste
- Créer et maintenir des environnements sportifs sécuritaires par le renforcement de la prévention
- Harmoniser et élargir nos efforts contre la maltraitance dans le sport
- Soutenir les personnes concernées
- Les registres de personnes sanctionnées, un autre outil de prévention pour assurer la sécurité dans le sport
- Conclusion
Le sport et l’activité physique sont des éléments essentiels du tissu social de notre pays. Les Canadiennes et les Canadiens éprouvent une fierté dans le sport et le considèrent non seulement comme une plateforme de compétition d’élite, mais aussi comme un moyen de promouvoir l’activité physique, la santé et les liens sociaux tout au long de la vie. Le sport peut créer les leaders de demain et contribue à l’économie, tant nationale que locale. Pour certaines personnes, le sport peut littéralement sauver des vies et pour d’autres, il s’agit d’un milieu où les enfants peuvent apprendre à accueillir la diversité. Environ la moitié des Canadiennes et des Canadiens pratiquent un sport (à plusieurs niveaux), ce qui souligne à quel point le sport et le mouvement font partie intégrante de notre identité nationale.
Le sport et l’activité physique doivent refléter les valeurs qui définissent notre nation, la santé, la diversité culturelle et la résilience. Pourtant, au cours des dernières années, les histoires qui ont été révélées ont terni ce portrait inspirant du sport canadien. Des révélations largement médiatisées de maltraitance, notamment d’abus, de harcèlement et de discrimination, ainsi que des problèmes de gouvernance, ont ébranlé la confiance dans le système sportif canadien. Un examen rigoureux de l’environnement sportif canadien, accompagné de vastes réformes du système sportif, a donc été réclamé.
En mai 2024, la ministre des Sports et de l’Activité physique de l’époque a annoncé la création de la Commission sur l’avenir du sport au Canada. Notre mandat exigeait que nous examinions attentivement le sport au Canada, que nous mobilisions activement les parties prenantes et que nous formulions des recommandations sur les mesures à prendre pour améliorer (i) la sécurité dans le sport et (ii) le système sportif au Canada.
Dès le début de notre travail, nous avons constaté que les deux volets de notre mandat étaient étroitement liés. Un système de sport et d’activité physique solide, bien gouverné et bien soutenu, est essentiel à la création d’environnements sportifs sécuritaires et inclusifs, qui réduisent à leur tour le nombre de cas de maltraitance dans le sport.
Nous avons réalisé que ce mandat à deux volets est vaste et complexe, compte tenu de la nature du système sportif canadien. Pour ce rapport préliminaire, nous avons concentré nos efforts sur l’examen des éléments suivants : (i) la structure, le leadership, le financement et la gouvernance du système sportif canadien; et (ii) les mécanismes destinés à créer et à maintenir des environnements sportifs sécuritaires, à intervenir en cas de maltraitance et à soutenir les personnes affectées. Après un long processus de mobilisation sur plusieurs mois et un examen minutieux de ces enjeux, nous soumettons des recommandations préliminaires qui, selon nous, entraîneraient des changements significatifs et contribueraient à éliminer les failles systémiques qui permettent à la maltraitance, souvent impunie, de persister dans le sport canadien. Nous reconnaissons que nous avons encore beaucoup à apprendre des personnes autochtones. Nous sommes engagés à continuer d’échanger avec elles, de les écouter et d’apprendre dans le cadre de nos travaux.
Nous sommes particulièrement reconnaissants envers celles et ceux qui ont pris le temps de partager avec nous des expériences sportives douloureuses qui ont souvent bouleversé leur vie. Nous saluons le courage, la force, la résilience et le dévouement de ces personnes. Leurs voix ont été essentielles pour guider notre travail.
Le moment est venu de faire preuve de leadership et de vision
À l’échelle du système, le sport canadien souffre d’un manque important de leadership. Il n’existe aucune entité unique chargée d’élaborer et de superviser une orientation stratégique cohérente pour le sport et l’activité physique au Canada. Le système sportif a évolué en réagissant aux diverses crises plutôt qu’en tentant de les prévenir (pensons notamment à la crise du dopage et à celle du sport sécuritaire qui a mené à la création de cette Commission). Il a aussi évolué en réagissant aux pressions sociétales et aux priorités politiques changeantes au sein du gouvernement fédéral.
L’accent que met actuellement le gouvernement du Canada sur la haute performance et la poursuite de médailles ne correspond pas à la volonté de la communauté sportive. Cette communauté souhaite un système sportif qui, tout en valorisant la réussite, incarne également le respect, la diversité et l’inclusion, encourage la participation et favorise la santé et le bien-être.
Selon nous, la situation actuelle nécessite un leadership décisif et une vision stratégique claire et à long terme pour le sport et l’activité physique au Canada. En nous inspirant des modèles d’autres pays du Commonwealth, nous sommes d’avis que le gouvernement du Canada devrait créer une entité indépendante, désignée dans le présent rapport préliminaire comme l’« entité sportive centralisée », et lui confier les rôles de leadership stratégique, de coordination, d’administration et de surveillance du sport et de l’activité physique dans l’ensemble du pays. Les responsabilités de l’entité devraient inclure l’élaboration et la surveillance d’une stratégie nationale en matière de sport et d’activité physique en collaboration avec les parties intéressées, comme les provinces et les territoires, les groupes autochtones et les organismes de sport et d’activité physique.
Un besoin évident d’harmoniser les structures du système sportif
L’absence de leadership et de planification stratégique coordonnée dans le domaine du sport a entraîné une prolifération d’organismes de sport et un manque d’harmonisation dans l’ensemble du système. Dans la plupart des cas, les organismes nationaux de sport ont une capacité limitée à influencer les politiques, les programmes et les procédures de leurs homologues provinciaux et territoriaux. Ainsi, le manque d’harmonisation s’étend au niveau communautaire. Il y a de nombreux chevauchements et une duplication de services et de programmes offerts par les organismes de sport. Les organismes de parasport sont confrontés à des défis comparables, mais plus complexes, avec des problèmes d’harmonisation et d’efficacité opérationnelle évidents aux niveaux national, provincial et territorial.
L’émergence et la croissance de clubs, d’académies, d’équipes et de ligues de sport privés, qui échappent à la portée des organismes nationaux de sport, compliquent davantage la situation. Ces entités privées font souvent la promotion d’un modèle « payer pour jouer », où l’accès et le développement sont davantage liés aux moyens financiers qu’à l’intérêt ou au potentiel sportif. De même, le sport universitaire et collégial est pratiquement isolé des organismes nationaux de sport, bien qu’il concerne des milliers d’athlètes et le plus grand nombre d’entraîneurs rémunérés au Canada.
Pour renforcer l’harmonisation entre les organismes de sport et accroître l’efficacité globale du système sportif, le gouvernement du Canada doit : (i) favoriser une meilleure harmonisation horizontale en encourageant le fusionnement des organismes nationaux de sport, notamment par des incitatifs, et en encourageant les organismes nationaux de sport à établir et à mettre en œuvre un partage de services communs; (ii) encourager les organismes nationaux de parasport à établir et à mettre en œuvre le partage de services communs adaptés aux besoins de la communauté parasportive; (ii) favoriser une meilleure harmonisation verticale en encourageant les organismes nationaux de sport à rechercher une application large des politiques à tous les niveaux de leur sport, en encourageant les organismes nationaux de sport à établir et à mettre en œuvre le partage de services avec leurs organismes provinciaux, territoriaux et communautaires de sport respectifs, dans la mesure du possible, et en encourageant la fusion d’organismes nationaux de sport avec les organismes provinciaux et territoriaux de sport au moyen de mesures incitatives; (iv) créer un fonds de transformation stratégique pour soutenir les organismes nationaux de sport et les organismes nationaux de parasport dans leurs processus de fusion et/ou de partage de services; (v) élaborer une stratégie nationale de parasport en collaboration avec la communauté nationale, provinciale et territoriale de parasport. Une fois que l’entité sportive centralisée sera établie, elle sera responsable de l’élaboration de la stratégie nationale de parasport.
Gérer la crise du financement
Le financement public et l’attention du gouvernement ont trop souvent été entrés sur les athlètes d’élite et de haute performance, au détriment des besoins croissants des jeunes et des communautés locales. La participation au sport est désormais freinée par des coûts élevés et par un accès limité aux installations et aux programmes. Le sport et l’activité physique ne sont plus accessibles à toutes et à tous. Ce changement vers un système sportif axé sur la performance a également exercé une pression malsaine sur les athlètes, les entraîneurs et les organismes de sport. Le système sportif a besoin d’une stratégie qui prévoit un financement continu, stable et équitable pour assurer qu’il sert les groupes méritant l’équité, y compris les personnes en situation de handicap, les personnes autochtones, noires et de couleur, et les personnes issues des communautés 2ELGBTQI+.
Le système sportif est gravement sous-financé. On s’attend aujourd’hui à ce que les organismes nationaux de sport soient des chefs de file dans leur sport, mais aussi qu’ils créent des environnements sportifs sécuritaires, qu’ils promeuvent la diversité et l’inclusion et qu’ils renforcent leurs pratiques de gouvernance, parmi bien d’autres responsabilités. Pourtant, ils fonctionnent avec des niveaux de financement statiques ou même en diminution qui n’ont pas suivi le rythme de l’inflation ni tenu compte des attentes croissantes au cours des deux dernières décennies. Le gouvernement du Canada, en se fiant trop au financement de projets, au détriment de l’augmentation du financement de base des organismes sportifs, compromet leur capacité à assurer une planification à long terme et à maintenir en poste du personnel compétent. L’octroi d’un financement de base pluriannuel par le Programme de soutien au sport de Sport Canada, ce qui est à notre connaissance maintenant le cas, est un premier pas important dans la bonne direction.
Malgré les efforts de Sport Canada pour réorganiser et simplifier son cadre de financement en 2024, le processus de demande demeure long et complexe. La surveillance et le suivi des fonds publics dans le domaine du sport demeurent insuffisants.
Afin de garantir que le système sportif soit doté de ressources suffisantes pour répondre aux besoins de toutes les parties prenantes, nous croyons que le gouvernement du Canada devrait : (i) augmenter de façon urgente le financement de base des organismes nationaux de sport et des organismes nationaux de parasport; (ii) consolider les sources de financement fédéral; (iii) élaborer une stratégie de financement à long terme pour le sport; (iv) améliorer le cadre de financement, à savoir le processus de demande et la surveillance des fonds publics; et (v) augmenter le financement des provinces et des territoires afin qu’ils puissent mieux soutenir les organismes provinciaux et territoriaux de sport de manière coordonnée. En outre, une fois établie, l’entité sportive centralisée devrait être responsable de l’attribution, de la distribution et de la surveillance de tous les fonds fédéraux destinés au sport et à l’activité physique, y compris de l’élaboration de la stratégie de financement à long terme.
Renforcer la gouvernance dans les organismes de sport
Les organismes de sport de tous les niveaux, en partie en raison de ressources limitées, dépendent fortement de bénévoles dévoués pour siéger à leurs conseils d’administration. Ces bénévoles sont souvent d’anciens entraîneurs, des parents ou des administrateurs sportifs qui proviennent directement du milieu dans lequel l’organisme exerce ses activités. Cette réalité présente plusieurs défis, notamment un manque de compétences financières, de gouvernance et juridiques, un manque d’indépendance, des conflits d’intérêts réels et perçus, une diversité limitée sur les plans du genre, de l’ethnicité et de l’orientation sexuelle, ainsi qu’une représentation insuffisante des athlètes et des para-athlètes au sein des conseils d’administration. Bien que les organismes de sport reçoivent des fonds publics, on observe souvent un manque de transparence et de reddition des comptes dans leurs processus et procédures, ce qui ne répond pas aux attentes des gouvernements et du public canadien.
En 2023, le gouvernement du Canada a annoncé que le respect du Code de gouvernance du sport canadien serait une condition de financement des organismes nationaux de sport. Pourtant, au moment de rédiger le présent rapport, le respect du Code n’est pas obligatoire. Les organismes nationaux de sport sont seulement tenus de satisfaire des exigences minimales en matière de gouvernance à titre de condition au financement fédéral.
Parce que les bonnes pratiques de gouvernance sont essentielles à la création d’environnements sportifs sécuritaires et inclusifs, le gouvernement du Canada devrait : (i) rendre obligatoire le respect du Code de gouvernance du sport canadien pour les organismes de sport financés par le gouvernement fédéral; (ii) bonifier le Code pour y ajouter des exigences en matière de gouvernance, comme l’inclusion de la diversité raciale dans la matrice des compétences pour la sélection des membres du conseil d’administration, l’obligation pour les membres du conseil d’administration de suivre une formation périodique sur la lutte contre le racisme et sur l’inclusion, ainsi que sur la prévention et la gestion de la maltraitance dans le sport, l’obligation d’assurer une représentation des athlètes au conseil d’administration avec plein droit de vote, et la mise à disposition du public de documents clés sur le site Web de l’organisme de sport; et (iii) veiller au respect du Code. Nous soutenons avec conviction la mise en œuvre du Code à tous les niveaux du sport. Par conséquent, nous proposons des recommandations visant à étendre l’application du Code aux organismes provinciaux, territoriaux et communautaires de sport. Outre la bonification du Code, qui devrait être achevée par le gouvernement du Canada, l’entité sportive centralisée devrait, une fois établie, assumer toutes les responsabilités liées à la gouvernance des organismes de sport qui étaient auparavant confiées au gouvernement du Canada.
La maltraitance dans le sport persiste
Malgré une prise de conscience croissante et les nombreuses études et rapports réalisés par d’autres avant nous, la maltraitance dans le sport, y compris les abus, le harcèlement et la discrimination, demeure très répandue. Si les cas de maltraitance sont présents dans tous les niveaux du sport, ils sont surtout prévalents au niveau local et communautaire.
La maltraitance peut prendre de nombreuses formes : les punitions corporelles, l’intimidation, l’humiliation liée à l’apparence physique, l’exploitation sexuelle, les abus découlant de rapports de pouvoir inégaux, la négligence des besoins de base, le racisme, le sexisme et l’homophobie. Les préjudices subis par ces personnes sont le résultat de problèmes systémiques plus vastes, tels qu’une mauvaise gouvernance, un financement insuffisant, des conflits d’intérêts, un manque de surveillance et une fixation sur la victoire. Ensemble, tous ces facteurs ont contribué à une culture du silence qui protège les auteurs de ces gestes et les institutions et qui permet à la maltraitance de perdurer sans entraves.
Créer et maintenir des environnements sportifs sécuritaires par le renforcement de la prévention
Alors que les gouvernements et les organismes de sport mettent de plus en plus l’accent sur la sécurité dans le sport, cet accent porte encore largement sur l’intervention plutôt que sur la prévention des cas de maltraitance. Nous croyons qu’il faut faire plus d’effort en matière de prévention. Un système qui ne réagit qu’une fois le préjudice causé ne peut être considéré comme véritablement sécuritaire.
Il existe un large éventail d’initiatives d’éducation et de formation sur le sport sécuritaire à travers le pays. La multiplication des formations et des cours a entraîné la lassitude, la frustration et le désengagement de la communauté sportive à l’égard de ce sujet. Cette situation découle d’un modèle de prestation fragmenté qui entraîne la répétition et des chevauchements du contenu, ainsi que la prédominance de formats d’apprentissage et de formation en ligne inefficaces. Afin d’accroître l’harmonisation, la coordination, la portée, et de bonifier le contenu et l’efficacité de l’éducation et de la formation en matière de sport sécuritaire, le gouvernement du Canada devrait : (i) élaborer, en collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux et les groupes autochtones, un programme national d’éducation sur le sport sécuritaire dont le contenu serait adapté à toutes les personnes impliquées dans le sport; et (ii) rendre obligatoire la prestation du programme à toutes les personnes impliquées dans les organismes de sport qui reçoivent des fonds fédéraux. Ces responsabilités devraient être confiées à l’entité sportive centralisée une fois qu’elle sera établie. Le gouvernement du Canada devrait également inciter ses homologues provinciaux et territoriaux à rendre obligatoire la prestation de ce programme aux personnes impliquées dans les organismes de sport qui reçoivent des fonds provinciaux ou territoriaux en leur fournissant les ressources nécessaires à la prestation du programme dans leur territoire. Nous explorons également d’autres moyens d’étendre la portée du programme aux organismes provinciaux, territoriaux et communautaires de sport.
Nos travaux mettent en évidence un consensus fort sur le fait que les processus de vérification des antécédents pour les entraîneurs, les officiels, les arbitres, le personnel et les bénévoles sont essentiels à la création et au maintien d’environnements sportifs sécuritaires. Malheureusement, l’adoption de politiques de vérification des antécédents et le choix des outils de vérification ne sont pas uniformes d’un organisme de sport à l’autre. Pour garantir l’application uniforme et l’efficacité des processus de vérification des antécédents, le gouvernement du Canada doit imposer des exigences en matière de vérification des antécédents ou élaborer, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et les groupes autochtones, une politique standard de vérification des antécédents qui sera adoptée par les organismes de sport qui reçoivent des fonds fédéraux. Le gouvernement doit aussi subventionner les coûts de mise en œuvre de ces exigences. Dans le cadre de nos recommandations préliminaires, nous explorons également les moyens d’étendre ces exigences aux organismes provinciaux, territoriaux et communautaires de sport. Nous recommandons que le gouvernement du Canada encourage les gouvernements provinciaux et territoriaux à imposer soit des exigences en matière de vérification des antécédents, soit l’adoption de la politique standard de vérification des antécédents comme condition de financement des organismes provinciaux et territoriaux de sport, en offrant des subventions conditionnelles aux provinces et aux territoires pour les aider à couvrir les coûts de mise en œuvre. Ces responsabilités devraient être confiées à l’entité sportive centralisée une fois qu’elle sera établie.
Harmoniser et élargir nos efforts contre la maltraitance dans le sport
Comme indiqué ci-dessus, nos travaux ont révélé que les gouvernements et les organismes de sport ont redoublé d’efforts ces dernières années pour élaborer des politiques ou des codes de conduite en matière de sport sécuritaire et pour mettre en place des mécanismes de plainte à cet égard.
Nous soulignons le travail de Sport Canada et de plusieurs organismes nationaux de services multisports dans l’élaboration du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport, de l’ancien programme Sport Sans Abus et du nouveau Programme canadien de sport sécuritaire. D’ailleurs, plusieurs provinces et territoires travaillent activement à l’élaboration ou à la mise en œuvre de politiques universelles ou de lois en matière de sport sécuritaire (Québec, Colombie-Britannique et Saskatchewan) et à la centralisation de l’administration des plaintes relatives au sport sécuritaire dans leur territoire (Québec, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et Saskatchewan).
Cela dit, tout comme l’ancien programme Sport Sans Abus, le nouveau Programme canadien de sport sécuritaire et ses équivalents provinciaux et territoriaux ont une portée et une applicabilité limitées. À l’exception du Québec, les mécanismes de plainte centralisés n’atteignent pas le niveau local et communautaire du sport, où se produisent la plupart des cas de maltraitance. La compétence de ces mécanismes est généralement limitée aux organismes de sport qui reçoivent un financement de leur gouvernement respectif, et même au sein de ces organismes, la portée de ces mécanismes est limitée à des personnes spécifiques et à certains contextes. Il s’agit là de lacunes qu’il faut impérativement corriger.
En réponse à cette situation, de nombreux organismes nationaux, provinciaux et territoriaux de sport ont adopté leur propre politique ou code de conduite en matière de sport sécuritaire et ont engagé des personnes ou des agences externes pour gérer de manière indépendante les plaintes qui ne relèvent pas de la compétence des mécanismes de plainte centralisés. Cette situation a contribué à la fragmentation du « système de sport sécuritaire » du Canada, qui comprend actuellement des mécanismes de plainte centralisés et des mécanismes gérés par des tiers indépendants. Ces derniers mécanismes varient considérablement sur le plan de la qualité, notamment en ce qui concerne la sélection, les qualifications et l’indépendance des personnes chargées de rendre des décisions.
Dans ce rapport préliminaire, nous présentons plusieurs options de cadres de collaboration intergouvernementale qui permettraient d’adopter une approche intégrée pour répondre aux problèmes relatifs au sport sécuritaire à tous les niveaux du système sportif canadien. Chacune des options que nous proposons vise à s’appuyer sur les structures et les mécanismes déjà élaborés et mis en œuvre par les gouvernements et les organismes de sport, y compris le Centre canadien pour l’éthique dans le sport. Parmi les différentes options, nous recommandons que le gouvernement du Canada collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour créer une autorité nationale ou un tribunal national du sport sécuritaire afin d’appliquer toutes les lois fédérales, provinciales et territoriales sur le sport sécuritaire. Ces lois seraient adoptées par le Parlement fédéral et les assemblées législatives, provinciales et territoriales. L’autorité nationale ou le tribunal national du sport sécuritaire pourrait tirer parti de l’expertise et de l’expérience du Centre canadien pour l’éthique dans le sport.
Soutenir les personnes concernées
La prolifération des mécanismes de plainte à travers le pays a donné lieu à des approches incohérentes quant à la façon dont les plaintes de maltraitance dans le sport sont gérées, enquêtées et résolues. En plus de ce manque d’uniformité, les mécanismes de plainte sont souvent dépourvus de transparence et de soutien adéquat pour les personnes concernées, y compris l’absence de soutien pour naviguer dans le processus et accéder à des ressources d’aide juridique. Les processus et les procédures de traitement des plaintes sont souvent trop complexes et ne prévoient pas de délais clairs pour garantir un règlement rapide. Dans de nombreux cas, ces processus n’ont pas été étayés par des approches tenant compte des traumatismes et manquent d’équité procédurale. Étant donné que le Programme canadien de sport sécuritaire n’est entré en vigueur que le 1er avril 2025, nous ne sommes pour l’instant pas en mesure de tirer des conclusions sur son processus et ses procédures. Cependant, tout mécanisme de plainte et tout processus de traitement des plaintes concernant la maltraitance dans le sport devraient comporter certaines caractéristiques essentielles. Notamment, ces mécanismes et processus doivent être accessibles et privilégier des pratiques tenant compte des traumatismes, tout en intégrant une équité procédurale. Ces éléments font partie intégrante du respect des expériences vécues et des droits de toutes les parties concernées.
Les registres de personnes sanctionnées, un autre outil de prévention pour assurer la sécurité dans le sport
La multiplication des mécanismes de plainte à travers le pays a entraîné la création de registres publics de personnes dont l’admissibilité à participer au sport a été restreinte à la suite d’une violation d’une politique ou d’un code de conduite sur le sport sécuritaire. Outre le Programme canadien de sport sécuritaire et le mécanisme de plainte centralisé mis en place en Saskatchewan, qui prévoient tous deux la mise en place d’un registre public, quelques organismes nationaux, provinciaux et territoriaux de sport ont volontairement mis en place des registres publics au sein de leurs organismes.
En l’absence de registres publics largement adoptés, certaines personnes peuvent se déplacer entre les organismes de sport, les provinces et les territoires, et continuer de participer à des activités sportives même si elles sont visées par des restrictions toujours en vigueur. Dans ce rapport préliminaire, nous présentons plusieurs démarches pour mettre en œuvre un registre public national de personnes sanctionnées. Ces recommandations sont compatibles avec les différentes options de cadres de collaboration intergouvernementale que nous proposons pour assurer une réponse concertée aux enjeux de sport sécuritaire à tous les niveaux du sport. Parmi les différentes options, nous recommandons que l’autorité nationale ou le tribunal national du sport sécuritaire, qui serait créé par le gouvernement du Canada en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, soit chargé de tenir un registre national de personnes sanctionnées. Nous croyons que ce registre pourrait être un outil efficace de vérification des antécédents permettant de renforcer les efforts de prévention de la maltraitance dans le sport.
Conclusion
Le fil conducteur de nos recommandations préliminaires est l’urgence de mettre en place un système sportif intégré, allant du niveau national jusqu’au niveau local, ainsi qu’une approche harmonisée en matière de sport sécuritaire.
Comme de nombreux aspects de la vie canadienne, le sport et l’activité physique sont des domaines de compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. L’uniformisation et l’harmonisation de la structure, du financement, du leadership, de la gouvernance et de l’approche du sport sécuritaire dans l’ensemble du système sportif nécessiteront une collaboration importante entre les deux paliers de gouvernement.
Nous avons été encouragés par la volonté politique des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de renforcer leur collaboration à l’égard de ces questions cruciales. Nous croyons que le sport peut servir d’exemple pour démontrer qu’une action coordonnée entre les deux paliers de gouvernement peut protéger et promouvoir le bien-être collectif.
Après tout, le Canada mérite un système de sport et d’activité physique sécuritaire, efficace, durable et robuste qui encourage la participation, l’excellence sportive et l’engagement communautaire.
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