ARCHIVÉE - Évaluation des risques pour la santé liés au bisphénol A dans les produits d'emballage alimentaire
Août 2008
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de Santé Canada, 2008.
Cat. : H164-81/2008F-PDF
ISBN : 978-0-662-08961-2
Table des matières
Contexte
Le bisphénol A (BPA) est un monomère chimique utilisé dans la production du polycarbonate et des résines époxy-phénoliques. Le polycarbonate (PC) est largement utilisé pour la fabrication de récipients destinés aux denrées alimentaires. Par exemple, il peut être utilisé pour la fabrication de bouteilles d'eau, de contenants de lait et de biberons pour les nourrissons. Quant aux résines époxy, elles sont utilisées comme revêtement de protection dans les boîtes de conserve qui contiennent des aliments et des boissons. En raison de ces utilisations où le BPA se trouve en contact avec les aliments, d'infimes quantités de ce dernier peuvent potentiellement migrer dans le liquide ou dans l'aliment. Par conséquent, les consommateurs peuvent être exposés au BPA par voie alimentaire.
Le BPA a été intégré dans le second lot du Défi conformément au Plan de gestion des produits chimiques mené par Santé Canada et par Environnement Canada. Pour contribuer au réexamen du BPA en vertu de ce processus, le Bureau d'innocuité des produits chimiques (BIPC) de la Direction des aliments (DA) de la Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA) a résumé des données récentes recueillies par le Bureau afin de mener une évaluation des risques pour la santé liés au bisphénol A issu de sources alimentaires. Bien que dans le cadre de l'évaluation, on ait tenu compte de tous les groupes de la population, une attention particulière a été accordée aux risques potentiels que présente l'exposition au BPA chez les nourrissons, laquelle est provoquée par les boîtes de conserve à base d'époxy qui sont utilisées pour l'emballage des préparations qui leurs sont destinées. Puisque les préparations en conserve pour nourrissons peuvent être la seule source alimentaire pour certains groupes d'âge, il a semblé logique que l'exposition globale au BPA, de même que le risque que comporte une telle exposition, soient plus élevés chez les nouveaux-nés et chez les nourrissons qui consomment ces produits. L'emploi de divers produits de consommation tels que les biberons et la vaisselle de PC constitue une autre source potentielle d'exposition au BPA chez ce segment de la population. Toutefois, dans cette évaluation des aliments préemballés, cette source supplémentaire n'a pas été prise en considération.
Évaluation de l'exposition
Au chapitre de l'emballage alimentaire, les boîtes de conserve dont le revêtement intérieur est à base d'époxy, lesquelles sont utilisées pour l'emballage des préparations pour nourrissons, constituent la principale source d'exposition potentielle au BPA chez ces derniers. Le BPA contenu dans le revêtement des couvercles métalliques des pots ou des bouteilles qui peuvent être utilisés pour l'emballage d'aliments solides ou de boissons destinés aux nourrissons constitue une autre source mineure d'exposition. L'emploi de divers produits de consommation tels que les biberons et la vaisselle de PC constitue une autre source d'exposition au BPA chez ce segment de la population. Toutefois, dans cette évaluation des aliments préemballés, cette source supplémentaire n'a pas été prise en considération.
En 1995, la DGPSA a estimé à 0,18 μg/kg p.c. la dose journalière probable (DJP) de BPA issue des matériaux d'emballage alimentaires pour la population en général, et ce, sur la base des résultats d'études d'extraction de substances simulant les aliments menées sur des boîtes de conserve au revêtement à base d'époxy. Pour les nourrissons, la DJP de BPA issue des préparations pour nourrissons offertes en boîtes de conserve dont le revêtement intérieur est à base d'époxy a été estimée à 2,63 μg/kg p.c.
En octobre 2007, la DGPSA a mené des études dans le but de mesurer les taux de BPA dans les préparations liquides en conserve destinées aux nourrissons offertes sur le marché canadien. Des échantillons de 21 préparations liquides en conserve pour nourrissons de diverses marques ont été analysés pour en déterminer la teneur en BPA en faisant appel à une méthode de CG-SM dont la limite de quantification est aussi faible que 0,5 ppb. Les résultats de ces analyses ont été utilisés pour estimer l'ingestion par voie alimentaire de BPA chez des nourrissons de différents groupes d'âge (Cao et coll., 2008). Du BPA a été détecté dans les 21 préparations. Les concentrations de BPA dans les préparations telles que disponibles à la vente variaient de 2,27 à 10,2 ppb (une moyenne de 5,2 ppb). Cependant, du fait que la plupart des préparations sont diluées avant d'être consommées, la moitié des niveaux moyens et maximales ont été utilisées pour estimer l'exposition au BPA chez les nouveaux-nés et chez les nourrissons. Ces résultats sont cohérents avec ceux dont la FDA des États-Unis a fait état (Biles et coll., 1997).
Le tableau 1 présente les DJP moyennes et maximales de BPA chez les nourrissons à différents stades de leur développement, lesquelles ont été établies sur la base des consommations moyennes et maximales de préparation tel que recommandé par l'Institut national de santé publique du Québec (2001).
Groupe d'âge | DJPTableau 1 note de bas de page * (μg/kg p.c./jour) | |||
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Moyenne globale (2,6 ppb) | Maximum (5,1 ppb) | |||
Consommation de préparation moyenne | Consommation de préparation maximale | Consommation de préparation moyenne | Consommation de préparation maximale | |
Notes de bas de page du Tableau 1
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||||
0 à 1 mois | 0,45 | 0,75 | 0,81 | 1,35 |
2 à 3 mois | 0,50 | 0,69 | 0,96 | 1,31 |
4 à 7 mois | 0,38 | 0,52 | 0,75 | 1,02 |
8 à 12 mois | 0,21 | 0,28 | 0,42 | 0,55 |
12 à 18 mois | 0,23 | 0,27 | 0,38 | 0,46 |
Les DJP de BPA ont varié d'aussi peu que de 0,21 μg/kg p.c. pour les nourrissons âgés de 8 à 12 mois à autant que 1,35 μg/kg p.c. pour les nourrissons âgés de 0 à 1 mois, et ce, sur la base de la consommation maximale de préparation et de la concentration maximale de BPA ayant migré des boîtes de conserve au revêtement intérieur à base d'époxy.
Caractérisation du risque
L'exposition humaine à de faibles doses de BPA découle principalement des matériaux pour contact alimentaire alors que du BPA s'échappe des bouteilles de plastique et de l'enduit des boîtes de conserve destinées aux aliments et aux boissons. Le fait que ces faibles doses de BPA puissent provoquer des effets indésirables sur la santé humaine fait l'objet de débats depuis plusieurs années. En 1995, la Society of the Plastic Industry (SPI), motivée par cette préoccupation, a déposé plusieurs rapports auprès de Santé Canada, et ce, afin qu'ils soient réexaminés, soit 1) un dosage biologique de cancérogenèse chez des rats et des souris effectué par le National Toxicology Program (NTP) et 2) des rapports sommaires sur l'activité oestrogénique, sur les effets toxiques sur le développement et sur la reproduction ainsi que sur la toxicité subchronique et chronique (tous préparés par la SPI). Ces rapports, de même que les autres études de toxicité reçues et examinées avant 1970, ont été évalués.
Selon l'évaluation initiale du BPA dans les matériaux d'emballage alimentaire réalisée par le BIPC, le BPA exercerait une activité pseudo-oestrogénique et pourrait être considéré comme un perturbateur endocrinien potentiel, bien qu'aucun effet chez la mère ni sur le développement n'a été noté à des doses s'élevant jusqu'à 160 mg/kg p.c./jour dans le cadre d'essais de reproduction courants chez les rongeurs. Dans le cadre d'un dosage biologique de cancérogenèse effectué par le National Toxicology Program (NTP) des É.-U., le BPA ne s'est pas révélé tumorigène chez les rats ni chez les souris et il n'a provoqué aucun effet sur les paramètres généraux de toxicité, et ce, à la dose la plus faible mise à l'essai, soit à 25 mg/kg p.c./jour pendant l'étude préliminaire de 90 jours. En outre, dans le cadre d'études d'une durée de 13 semaines sur l'administration par voie orale chez des rats et chez des chiens, aucun effet n'a été observé à 50 mg/kg p.c./jour et à 78 mg/kg p.c./jour, respectivement. En 1996, sur la base de la CSEO la plus faible de 25 mg/kg p.c./jour observée dans le cadre d'une étude de 90 jours chez des rats, une dose journalière admissible provisoire (DJAP) de 25 µg/kg p.c./jour a été établie par la Direction des aliments de Santé Canada.
Puisque cette DJAP de 25 µg/kg p.c./jour était plus élevée que les doses journalières probables (DJP) de BPA établies à 0,18 µg/kg p.c./jour pour la population en général et à 0,23 µg/kg p.c./jour pour les nourrissons, sur la base des données de migration fournies par la SPI (voir la section Évaluation de l'exposition ci-dessus), aucune préoccupation au chapitre de la santé de la population en général n'a été soulevée quant à l'utilisation du BPA dans les enduits intérieurs à base de résines et de laques des boîtes de conserve. Cependant, en raison des préoccupations relatives à l'activité pseudo-oestrogénique potentielle du BPA, il a été recommandé que l'utilisation du BPA dans les résines intégrées aux revêtements intérieurs des boîtes de conserve soit restreinte.
Des évaluations ultérieures menées par la Direction des aliments ont ciblé plus particulièrement les effets du BPA sur la reproduction et sur le développement dont les études publiées et non publiées disponibles avaient fait état. Dans le cadre d'études étendues à plusieurs générations menées par Tyl et coll., chez les rats et chez les souris, des niveaux sans effet nocif observé (CSENO) de 5 mg/kg p.c./jour et de 50 mg/kg p.c./jour ont été établis afin de cibler respectivement l'effet général sur la santé et les effets toxiques sur le développement (2002, 2007) et celles-ci ont été considérées valides (c. - à. d., protocoles d'étude appropriés, nombre de groupes et d'animaux soumis à la dose adéquat, observance des BPL). Le CSENO le plus faible de 5 mg/kg p.c./jour présenterait toujours une marge de sécurité de 200 par rapport à la DJAP de 25 µg/kg p.c./jour établie en 1996.
Depuis 1996, en plus des paramètres toxicologiques habituellement évalués, le Bureau des aliments a aussi tenu compte des effets éventuels du BPA à titre de perturbateur endocrinien. En 1999, on a constaté qu'il semblait exister suffisamment de données probantes pour désigner le BPA comme perturbateur endocrinien éventuel. Cependant, il a aussi été établi que dans des conditions semblables, dans différents laboratoires, certains des effets oestrogéniques dont on a fait état ne sont pas reproductibles.
Les résultats de certaines études expérimentales chez les rats et chez les souris publiés jusqu'en 2006 ont par ailleurs révélé que le BPA à des doses inférieures aux CSENO déterminés au moyen de paramètres toxicologiques classiques/traditionnels peut tout de même exercer un impact sur le système de réaction neuroendocrinien.En outre, ces effets n'auraient pas nécessairement été obtenus sur la base d'une dose-effet avec seuil de réponse et, dans plusieurs cas, une courbe dose-effet de la forme d'un « U » inverse a été observée (Akingbemi et coll., 2004; Nishizawa et coll., 2003; Nishizawa et coll., 2005b; Negishi et coll., 2004).
Bien que la portée de ces observations demeurait nébuleuse, la poursuite de la surveillance des nouvelles constatations relatives au PBA à titre de perturbateur endocrinien a été jugée appropriée. Alors que la DJAP de 25 µg/kg p.c./jour de la Direction des aliments se situait dans la fourchette de valeurs dérivées de façon semblable (DJA de 16 µg/kg p.c./jour établie par Willhite [2007] pour la Fondation nationale des sciences, DJA de 50 µg/kg p.c./jour établie par l'Autorité européenne de sécurité des aliments [EFSA, 2006], dose de référence orale (DRf) de 50 µg/kg p.c./jour établie par l'EPA des É.-U. [EPA, 1988]) et que les expositions maximales par les matériaux d'emballage alimentaire étaient environ d'un ordre de grandeur plus faible, la révision de cette DJA n'a pas été jugée appropriée à ce moment.
En novembre 2007, un rapport préliminaire rédigé à partir d'une évaluation réalisée par un comité d'experts réuni par le centre d'évaluation des risques sur la reproduction humaine (The National Toxicology Program [NTP] Center for the Evaluation of Risks to Human Reproduction [CERHR]) a été publié. Le comité d'experts, lequel s'est penché sur plus de 500 études, était constitué de 12 scientifiques indépendants. Pour évaluer le danger que présente le BPA par rapport au développement et à la reproduction, une vaste base de données documentaire d'études chez les rongeurs et chez d'autres espèces a été évaluée en observant les lignes directrices du NTP/NIEHS, selon le format comprenant des synopsis et des évaluations (sous les rubriques Strengths/Weaknesses et Utility) des études examinées. En raison des questions pharmacocinétiques à l'égard du métabolisme du BPA chez les animaux de laboratoire (principalement chez les rongeurs) par rapport à celui chez l'humain et en considérant que l'exposition par voie orale est reconnue comme étant plus pertinente en contexte humain, une plus grande importance a été accordée aux études qui ont eu recours à l'exposition par voie orale pour établir les taux devant être considérés comme préoccupants. En considérant les divers dangers potentiels pour la santé liés aux estimations actuelles d'exposition au BPA de la population en général aux É.-U., le comité d'experts a exprimé une préoccupation « négligeable » au chapitre des anomalies et des malformations congénitales chez les foetus et des effets indésirables sur la reproduction chez les adultes ainsi qu'une préoccupation « minimale » quant aux effets du BPA sur la prostate et en matière de puberté précoce chez les nourrissons et chez les enfants. En plus, le comité d'experts a exprimé une « certaine » préoccupation quant aux effets neuronaux et comportementaux de ce dernier chez les femmes enceintes et chez les foetus, et ce, parce que ces effets peuvent être associés aux changements neuronaux dans le cerveau et à des altérations sexuelles dimorphiques chez les rongeurs. Il est à noter que les conclusions et les recommandations définitives du rapport du NTP ne sont pas attendues avant le second semestre de 2008.
En réaction à ce rapport, huit études chez les rongeurs, lesquelles étaient considérées comment étant essentielles pour l'évaluation des effets neuronaux et comportementaux du BPA selon l'évaluation du CERHR, ont été sélectionnées pour faire l'objet d'un examen plus approfondi. Les constatations de ces huit études sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Référence | Animal | Paramètres/effets | Dose (µg/kg p.c./jour) |
Commentaires | |
---|---|---|---|---|---|
CSEO | DMEO | ||||
Nishizawa et coll., 2005a |
souris | Augmentation du niveau d'expression des AhR, AhRR et Arnt mRNA (cerveau et cervelet; embryons). | 2 | 0,02 | Effets aussi observés à 200 et à 20 000 µg/kg p.c./jour. |
Nishizawa et coll., 2005b |
souris | Augmentation du niveau d'expression des AhR, RARα et RXRα mRNA (cerveau et cervelet; embryons). | 2 | 0,02 | Aucun témoin positif. Effets aussi observés à 200 et à 20 000 µg/kg p.c./jour. |
Nishizawa et coll., 2003 |
souris | Augmentation du niveau d'expression de RARα mRNA et diminution du niveau d'expression de RXRα mRNA (cerveau, cervelet et gonades; embryons). | 2 | A. D. | Un seul groupe soumis à la dose. Les effets observés ne se sont pas avérés constants (observés à 14, mais non à 16-18 jours post-coïtum). |
Negishi et coll., 2004 |
rats | Altérations comportementales (échec de l'évitement du stimulus électrique et réaction accrue à la tranylcypromine sur la locomotion; descendance ). | A. D. | 100 | Un seul groupe soumis à la dose. |
Laviola et coll., 2005 |
souris | Réduction des effets de renforcement liés à la D-amphétamine (affecte l'organisation des systèmes dopaminergiques du cerveau; descendance femelle). | A. D. | 10 | Les effets ont été observés chez les femelles seulement. L'essai a porté sur une seule dose, et ce, sans témoin positif. Une provocation pharmacologique (D-amphétamine) ne fait pas partie des méthodes d'essais traditionnelles de neurotoxicité tel que recommandé par l'OECD. |
Ryan and Vandenbergh, 2006 | souris | Augmentation du comportement anxieux (labyrinthe en croix surélevé et tests de préférence obscurité/lumière); seuls des rejetons femelles ont été soumis à l'essai. | 2 | 200 | Aucun effet sur la mémoire spatiale à court terme (labyrinthe à bras radial et labyrinthe de Barmes). |
Ceccarelli et coll., 2007 |
rats | Augmentation des neurones marqués ER (ARC et MPA de l'hypothalamus) et du taux de testostérone (mâles) et d'oestradiol (femelles) au début de la puberté. | A. D. | 40 | Un seul groupe soumis à la dose. |
Funabashi et coll., 2004 |
rats | Différentiation sexuelle affectée au chapitre des neurones producteurs de CRH (BST du cerveau) chez les rejetons et il est probable que ceci soit dû à une augmentations des neurones producteurs de CRH chez les mâles et à une diminution des neurones producteurs de CRH chez les femelles | A. D. | 2500 | Un seul groupe soumis à la dose et aucun témoin positif. |
AhR : récepteur aryle-hydrocarbone; AhRR : répresseur du récepteur aryle-hydrocarbone; Arnt : translocateur nucléaire aryle-hydrocarbone; ARC : noyau arqué; BST : noyau bed de la strie terminale; CRH : hormone libératrice de la corcicotrophine; MPA : région préoptique interne; A. D. : aucune donnée; RARα : récepteur de l'acide rétinoïque α; RXR α : récepteur de la rétinoïde-X
Ces huit études ont toutes démontré que l'exposition in utero, périnatale ou postnatale au BPA peut entraîner certains effets sur le développement neurocomportemental de rongeurs au cours de la vie foetale ou au début de la vie postnatale, et ce, à des taux inférieurs au CSENO de 50 mg/kg p.c./jour pour des effets sur le développement et sur la reproduction et de 5 mg/kg p.c./jour pour la toxicité généralisée chez les rats et les souris tel que Tyl et coll. en ont fait état (2002; 2007). La CSEO observée provoquant des effets sur l'expression de mRNA de divers récepteurs du cerveau (acide rétinoïque, aryle hydrocarne;Nishizawa et coll., 2003; 2005a; 2005b) et un comportement anxieux accru chez les souris femelles par rapport aux témoins (Ryan et Vandenbergh, 2006) était de 2 µg/kg p.c./jour. Les effets sur l'expression du récepteur mRNA ont été caractérisés par un phénonème dose effet en forme de « U » inversé; de tels effets ont été observés en réaction à la dose la plus faible (0,02 µg/kg p.c./jour), mais non à la dose supérieure suivante (2,0 ug/kg p.c./jour).
On présume que cette courbe biphasique de dose-effet est médiée par les effets rétroactifs positifs et négatifs sur les récepteurs oestrogéniques (Welshons et coll., 2003; 2006) ou liée aux réactions physiologiques à l'activité oestrogénique du BPA par l'entremise du mécanisme rétroactif du système endocrinien. La portée de la DMEO de 0,02 µg/kg p.c./jour demeure toutefois délicate à interpréter ou à extrapoler au contexte humain, et ce, particulièrement en tenant compte du fait qu'il s'agissait du seul niveau de dose inférieur à la CSEO de 2 µg/kg p.c./jour mis à l'essai et que certains des effets n'ont pas été observés avec constance pendant les périodes d'étude. En plus, puisque les études (période d'exposition et paramètres mesurés) n'ont été menées que jusqu'à certains stades de développement de l'embryon, elles peuvent, ou non, être nécessairement applicables à la période de développement postnatale chez les nouveaux-nés et chez les nourrissons. Par conséquent, une étude plus approfondie de la portée clinique et toxicologique de la dose qui constitue la DMEO à l'égard des effets sur le comportement et sur les récepteurs de l'oestrogène a été entreprise.
Des préoccupations d'ordre général ont aussi été soulevées quant au plan d'étude et quant à la direction de plusieurs des études neurocomportementales. Certains effets neurocomportementaux reconnus pour présenter des variations distinctes de la réaction, et ce, en fonction de l'espèce et de la souche de l'animal de laboratoire ont été soulignés. Par exemple, chez les rats Sprague-Dowley exposés au BPA en période périnatale, aucun effet n'a été observé sur le comportement, y compris dans le cadre d'essais en champ libre, et ce, à des doses s'élevant jusqu'à 0,2 mg/kg p.c./jour (Ema et coll., 2001).
Des préoccupations d'ordre général ont aussi été soulevées quant au plan d'étude et à la direction de plusieurs des études neurocomportementales. Certains effets neurocomportementaux reconnus pour présenter des variations distinctes de la réaction, et ce, en fonction de l'espèce et de la souche de l'animal de laboratoire ont été soulignés. Par exemple, chez les rats Sprague-Dowley exposés au BPA en période périnatale, aucun effet n'a été observé sur le comportement, y compris dans le cadre d'essais en champ libre, et ce, à des doses s'élevant jusqu'à 0,2mg/kg p.c./jour (Ema et coll., 2001). Dans la foulée d'une comparaison des réactions de huit souches différentes de souris en six comportements différents, malgré la normalisation de l'équipement d'analyse et de l'environnement, une variation considérable a été observée entre les réactions des diverses souches, y compris dans le labyrinthe elevated plus (Crabbe et coll., 1999).
Bien que l'association du paramètre de 0,02 µg/kg p.c./jour de la DMEO aux effets autres que ceux médiés par les récepteurs d'oestrogènes demeure nébuleuse sur le plan du potentiel de perturbation endocrinienne que comporte le BPA, il est digne de mention que l'on puisse estimer que tant la CSEO de 2 µg/kg p.c./jour que la DMEO de 0,02 µg/kg p.c./jour de BPA ne contribuent que minimalement à l'intensité de l'activité oestrogénique par rapport à la contribution du seuil naturel de 17β-oestradiol (taux d'E2 chez l'humain). Dans le cadre des études à dose répétées chez l'humain (adulte) avec le BPA, (Volkel et coll., 2002, 2005), un taux sanguin Cmax de BPA (conjugué glucuronide) de 800 nM (182 ug/L) a été atteint 80 minutes après l'administration de la dose de 5 mg de BPA par voie orale (poids corporel moyen des volontaires : 67 kg). En se fondant sur un même volume de distribution sur la base du poids corporel des nourrissons, une dose par voie orale de 0,02 ug/kg p.c./jour entraînerait chez eux une concentration sanguine de BPA d'environ 50 pg/ml. Ce niveau de dose, après division par un rapport d'équivalence oestrogénique de BPA/E2 de 1 000 entraînerait une activité oestrogénique équivalente à celle que provoquerait 0.05 pg/ml E2 s'il se trouvait entièrement sous sa forme non conjuguée (BPA libre). Plusieurs facteurs tels que la variation d'espèces de lignées, le mode d'administration, ainsi que le moment d'exposition peuvent influencer l'aptitude du BPA à induire des effets similaires à des effets oestrogéniques lors d'expérimentations animales. Cependant, un facteur d'équivalence oestrogénique de 0,001 est considéré representative, de façon conservatrice, de l'intervalle des réponses in vivo, particulièrement lors d'études où des contrôles positives de l'activité oestrogénique est incluse (Markey et al., 2001; Milligan et al., 1998; Papaconstantinou et al., 2000; Steinmetz et al., 1997,1998; Tyl et al., 2007). La valeur de 0,05 pg/mL serait 280 fois et 140 fois plus faible, respectivement , que les niveaux de référence d'oestradiol sérique atteignant 14 pg/ml pour les enfants âgés de 0 à 8 ans (Carey et Knafla, 2007) et 0-7 pg/ml pour les nourrissons âgés de 0 à 2 ans (American Association for Clinical Chemistry, 1977).
Chez les rongeurs, l'activité oestrogénique sanguine à la suite d'une dose par voie orale à la DMEO de 0,02 µg/kg p.c./jour exprimée en E2 serait encore plus faible et celle-ci peut être prédite en appliquant des comparaisons pharmacocinétiques semblables pour calculer les doses équivalentes comme suit :
a) Selon l'étude métabolique chez les rats réalisée par Domoradzki et coll. (2004), la Cmax de BPA dans le plasma sanguin au cours des 24 heures suivant l'administration d'une dose orale unique de 1 mg/kg p.c./jour aux 4e, 7e et 21e jours postnataux sont d'environ 0,04 µg/g plasma, 0,06 µg/g plasma et 0, 005 µg/g plasma, respectivement. Par comparaison, ceci permet de présumer qu'une ingestion de 0.02 µg/kg p.c./jour (la DMEO) par voie orale au 7e jour postnatal entraînerait une Cmax de BPA d'environ 1,2 x 10-6 µg/g plasma ou 1,2 pg/g plasma. En appliquant le même rapport d'équivalence oestrogénique de BPA/E2 de 1 000 l'activité oestrogénique du BPA à cette DMEO de 0.02 µg/kg p.c./jour équivaudrait à celle de 1,2 x 10-3 pg/ml E2.
b) En ayant recours à une démarche d'étude métabolique semblable pour les constatations réalisées à partir de souris nouveau-nées (Tailor et coll., 2008) alors que la Cmax de BPA plasmatique au cours des 24 heures suivant une dose unique par voie orale de 35 µg/kg p.c./jour au 2e jour postnatal a été établie à 1,78 ng/ml, l'ingestion par voie orale de 0.02 µg/kg p.c./jour (la DMEO) au 2e jour postnatal entraînerait une Cmax de BPA d'environ 1,02 pg/ml plasma. En appliquant le rapport d'équivalence oestrogénique de BPA/E2 de 1 000, à cette DMEO de 0,02µg/kg p.c./jour, l'activité oestrogénique du BPA serait équivalente à celle de 1,02 x 10-3 pg/ml E2. Ce résultat se révèle également faible (environ 196 fois moindre) lorsqu'on le compare à la concentration du seuil naturel de référence d'E2 sérique d'environ 0,2 pg/ml chez les souris (Judy et al., 1999).
Sur la base de ces estimations, il semble évident que l'ingestion de BPA à la DMEO de 0,02 µg/kg p.c./jour n'intensifierais que peu l'activité oestrégénique sanguine, et ce, tant chez l'humain que chez les rongeurs (sur la base du rapport d'équivalence oestrogénique BPA/E2 de 1 000), par rapport à leur seuils de référence d'oestradiol sériques respectifs. En tenant compte des augmentations limitées de l'activité oestrogéniques attendues à la suite d'une ingestion de BPA de 0.02 µg/kg p.c./jour et considérant qu'aucun effet nocif (sur les récepteurs nucléaires du cerveau) n'a été révélé avec la seconde dose la plus faible de 2 µg/kg p.c./jour dans le cadre de ces études (Nishizawa et al.2005a; 2005b), la portée toxicologique de cette DMEO (0.02 µg/kg p.c./jour) est à notre avis douteuse, et cette DMEO serait inacceptable dans le cadre de la caractérisation du risque que comporte le BPA.
Cependant, puisque la dose de (0.02 µg/kgp.c./jour) se situe vraisemblablement sous le seuil de BPA entraînant des effets indésirables chez les rongeurs, elle peut être considérée comme pertinente aux fins de l'évaluation de l'innocuité des résidus de BPA dans les préparations en conserve pour nourrisons qui font actuellement l'objet de discussions. En tenant compte du fait qu'une ingestion 2.0 µg/kg p.c./jour de BPA chez les souris pendant une période d'exposition entreprise au 3e jour de la gestation et poursuivie jusqu'au 21e jour postnatal n'a provoqué aucun effet sur le comportement ni sur les récepteurs nucléaires spécifiques (Ryan and Vandenbergh, 2006) ainsi que du fait que la faible puissance oestrogénique d'une dose de 0,02 µg/kg p.c./jour a été établie au moyen de calculs très prudents pour lesquels on a eu recours à la Cmax plutôt qu'à la concentration sérique moyenne de BPA, une ingestion de 1 à 2 fois supérieure à 0,02 µg/kg p.c./jour pourrait être considérée comme posant un risque minimal pour la santé des nourrissons et des enfants.
Conclusion et recommandations
Les doses journalières probables (DJP) de BPA découlant de son utilisation dans les revêtements d'époxy dans les boîtes de conserve contenant les préparations pour nourrissons ont été estimées en s'appuyant sur les données d'analyse de 21 types de préparation pour nourrissons offerts sur le marché canadien de la vente au détail. Les estimations permettent de présumer que l'ingestion moyenne de BPA découlant des préparations en conserve pour les nourrissons varie de 0,2 à 0,5 ug/kg p.c./jour chez les nouveaux-nés et chez les nourrissons âgées de jusqu'à de 18 mois. L'ingestion maximale (la concentration la plus élevée de BPA dans les préparations en conserve et la consommation la plus élevée de celles-ci) s'est élevée à 35 ug/kg p.c./jour au total pour ce même groupe d'âge.
Les nouvelles données publiées au chapitre de la toxicologie depuis l'établissement de la DJAP de 25 µg/kg p.c., en 1996, ont été examinées. Les résultats publiés dans le rapport du comité d'expert du NTP du CERHR sur le BPA (2007) ont confirmé que les CSENO issus des tests de toxicité standard publiés depuis notre évaluation initiale se sont révélés semblables à ceux auxquels on a eu recours pour établir la DJAP en 1996. Cependant, le comité d'experts du NTP a exprimé une « certaine » préoccupation à l'égard de diverses études expérimentales s'étant penchées sur les paramètres neurocomportementaux et ayant fait état de CSENO et CMENO de plusieurs ordres de grandeur inférieures. Un réexamen ultérieur de ces études a mis en doute la portée clinique et toxicologique potentielle et (ou) la pertinence des constatations au chapitre de l'évaluation du risque pour la santé humaine, tout en reconnaissant avoir établi la nécessité d'approfondir la recherche sur cet aspect.
En se basant sur la force probante de la preuve globale, la Direction des aliments de santé Canada a conclu qu'elle ne perçoit pas que l'exposition actuelle au BPA par voie alimentaire provenant de l'emballage alimentaire présente un risque pour la population en général, y compris chez les nouveaux-nés et chez les jeunes enfants. Cette conclusion a été appuyée par des organismes de santé d'autres pays, notamment des États-Unis, de l'Union européenne et du Japon.
Cependant, les données au chapitre du neurodéveloppement et du comportement chez les animaux de laboratoire permettent de présumer que la sensibilité des rongeurs se trouve accru pendant les stades du développement. Ces études soulèvent plusieurs incertitudes relatives à des préoccupations d'ordre méthodologiques et suscitent des doutes quant à la portée réelle de ces constatations sur le risque potentiel que représente le BPA pour la santé humaine. Plus particulièrement, l'utilisation d'une dose unique de BPA ou le manque de données relatives à la relation dose-réponse dans le cadre d'études multidoses, les évaluations menées à un seul moment, le nombre limité d'animaux par groupe d'analyse et (ou) un manque de constance généralisé des constations constituent certaines lacunes de ces études.
Bien que ces données soient hautement hypothétiques, elles permettent de présumer qu'une attention plus soutenue doit être consacrée aux produits consommés par les nouveaux-nés et par les nourrissons. Par conséquent, l'application du principe général de l'ALARA (le plus faible qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre) est recommandée afin de poursuivre les efforts visant à limiter l'exposition au BPA par la voie des matériaux d'emballage alimentaire pour ce segment de la population.
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