Page 10 : Recommandations canadiennes sur les eaux domestiques recyclées destinées à alimenter les chasses d'eau des toilettes et des urinoirs

Annexe B : Autres détails et calculs relatifs aux évaluations des risques

Objectifs sanitaires

Les objectifs sanitaires correspondent à des buts ou des repères à atteindre pour garantir une utilisation sécuritaire des eaux recyclées. Au Canada, les objectifs sanitaires s'expriment le plus souvent sous la forme de recommandations chiffrées et/ou d'objectifs de performance liés aux dangers chimiques et microbiologiques. En ce qui a trait aux substances chimiques, la valeur recommandée correspond généralement à la concentration ou à la mesure d'une caractéristique de qualité de l'eau qui, à la lumière des connaissances actuelles, ne pose aucun risque notable pour la santé du consommateur dans le cas d'une consommation à vie. Les recommandations liées aux dangers microbiologiques se concentrent sur la réduction des risques aigus et se fondent généralement sur la surveillance d'organismes indicateurs. Les objectifs de performance expriment la réduction des risques par des mesures adoptées, telles que les procédés de traitement (visant à réduire les dangers) et les vérifications sur place (visant à réduire à la fois les dangers et l'exposition). Le large éventail d'agents pathogènes microbiens rend impossible la mesure de tous les dangers potentiels; par conséquent, les objectifs de performance sont généralement structurés de manière à viser des catégories d'organismes (p. ex., bactéries, virus et protozoaires) plutôt que des agents pathogènes précis.

Années de vie corrigées du facteur invalidité (AVCI)

Dans sa plus récente édition des Directives de l'OMS pour la qualité de l'eau de boisson (OMS, 2004), l'Organisation mondiale de la Santé adopte 10-6 année de vie corrigée du facteur invalidité (AVCI) comme niveau de risque de référence. Au Canada, le Comité fédéralprovincial- territorial sur l'eau potable a également adopté cette valeur comme niveau de risque acceptable pour les contaminants microbiologiques dans l'eau potable. Les National Guidelines for Water Recycling (EPHC/NRMMC, 2005) indiquent aussi ce même niveau de risque. Havelaar et Melse (2003) expliquent que la notion d'AVCI a été introduite comme unité de risque commune, afin de comparer différents effets sur la santé dont la gravité varie - par exemple, des effets allant d'une diarrhée légère à la mort. Le principe fondamental des AVCI consiste à pondérer chaque effet sur la santé en fonction de sa gravité, à l'aide de coefficients de pondération normalisés reflétant la gravité fournis dans le cadre du projet de Charge mondiale de morbidité (Murray et Lopez, 1996). Ce coefficient de pondération est multiplié par la durée de l'effet sur la santé et le nombre de personnes touchées. Lorsqu'on additionne tous les effets sur la santé provoqués par un agent particulier, le résultat obtenu constitue une estimation de la charge de morbidité attribuable à cet agent. Le principal avantage de l'AVCI en tant que mesure de la santé publique est sa nature globale, qui combine les années de vie perdues (quantité) et les années vécues avec une invalidité (qualité).

D'autres autorités utilisent des mesures telles que le risque d'infection ou de maladie. L'objectif visé par la U.S. Environmental Protection Agency (U.S. EPA) est un risque d'infection par les agents pathogènes présents dans l'eau potable de 10-4 (un cas d'infection supplémentaire pour 10 000 personnes) (U.S. EPA, 2004). Le niveau de référence de 10-6 AVCI correspond approximativement à un risque à vie additionnel de cancer de 10-5 (c.-à-d., un cas pour 100 000 personnes) ou, dans le cas d'un agent pathogène diarrhéique affichant un faible taux de mortalité, un risque annuel de maladie de 10-3 pour une personne. Afin de situer ce niveau de risque dans un contexte canadien, signalons qu'il se produit 1,3 cas de maladies entériques par personne par année dans ce pays. Le tableau B1 présente l'incidence déclarée des maladies diarrhéiques causées par des agents pathogènes précis (toutes voies d'exposition confondues) au Canada (pour l'année 2004, par tranche de 100 000 personnes).

Tableau B1 : Incidence de certaines maladies à déclaration obligatoire au Canada en 2004 Tableau B1 note de bas de page a
Maladie à déclaration obligatoire Incidence par tranche de 100 000 personnes
Groupe d'âge :
Tous âges
Groupe d'âge :
1 - 4 ans

Notes de bas de page du Tableau B1

Tableau B1 note de bas de page a

Source : ASPC (2005).

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Campylobactériose 30,22 60,90
Cryptosporidiose 1,85 11,56
Lambliase 13,08 47,29
Shigellose 2,35 5,55
E. coli vérotoxigénique (O157:H7) 3,36 13,15

Modèles dose-réponse

Les évaluations des risques reposent souvent sur des modèles de données et de doseréponse construits à partir d'études sur l'alimentation humaine. Les probabilités d'infection après une exposition à différentes doses d'un agent pathogène peuvent être déterminées à l'aide de distributions log-normale, bêta-Poisson et exponentielle (tableau B2) (Haas et coll., 1999). La dose résultant de l'utilisation des eaux recyclées alimentant les chasses d'eau des toilettes devrait être faible, car cette eau n'est pas destinée à être ingérée. La dose est déterminée à partir du risque d'ingestion ou d'exposition accidentelle, tel qu'indiqué à la section 4.3.

Tableau B2 : Relations dose-réponse des organismes de référence
Organisme Distribution Modèle ParamètresTableau B2 note de bas de page a

Notes de bas de page du Tableau B2

Tableau B2 note de bas de page a

a et r sont des paramètres indiquant la probabilité d'infection; d = dose; N50 = dose infectieuse médiane; P = probabilité d'infection. Les paramètres des modèles sont ceux décrits par Haas et coll. (1999), sauf pour C. parvum, qui correspond à la valeur établie par Santé Canada (2004b).

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Virus entérique (rotavirus) Bêta-Poisson P = 1 - [1 + d/N50(21/a - 1)]-a a = 0,27
N50 = 5,60
Bactérie (E. coli 0157:H7) Bêta-Poisson P = 1 - [1 + d/N50(21/a - 1)]-a a = 0,2099
N50 = 1120
Protozoaire (Cryptosporidium parvum) Exponentielle P = 1 - exp(-rd) r = 0,018

Caractérisation des risques

Suivant l'approche de la charge de morbidité, la caractérisation des risques effectuée dans les présentes recommandations utilise l'information sur l'identification des dangers et sur les évaluations de la dose-réponse et de l'exposition pour évaluer l'ampleur du risque. Une approche déterministe sert ici à calculer un objectif sanitaire pour les agents pathogènes de référence dans les eaux recyclées. Cette approche utilise une valeur estimative unique pour les volumes d'exposition et le nombre d'expositions (p. ex., estimations ponctuelles). Elle a l'inconvénient de ne pas tenir compte de la variabilité et de l'incertitude et d'avoir tendance à se baser sur des valeurs prudentes et même sur les valeurs les plus défavorables. Une analyse stochastique permettrait de contrer cet inconvénient, mais nécessiterait plus de données que celles disponibles actuellement. Le tableau B3 donne un exemple de caractérisation des risques. Des valeurs estimatives uniques sont utilisées pour les volumes d'exposition et le nombre d'expositions. Les valeurs retenues sont considérées comme étant prudentes. Les formules ayant servi aux calculs sont fournies dans l'encadré B1.

Tableau B3 : Charges de morbidité potentielles liées aux aérosols produits par les chasses d'eau des toilettes
  Cryptosporidium Rotavirus E. coli O157:H7

Notes de bas de page du Tableau B3

Tableau B3 note de bas de page a

Les concentrations de Cryptosporidium et de rotavirus dans les eaux d'égout brutes proviennent de EPHC-NRMMC (2006); le nombre d'adénovirus est une indication du nombre de rotavirus, compte tenu de l'absence d'une méthode de dénombrement des rotavirus.

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Tableau B3 note de bas de page b

Le calcul de la concentration d'E. coli O157:H7 est fonction de l'hypothèse que 2 % du nombre maximal de bactéries E. coli génériques dénombrées dans les échantillons d'eaux usées brutes des villes canadiennes sont pathogènes (6,2 × 106; Payment et coll., 2001). Davantage d'information est nécessaire pour préciser cette estimation.

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Tableau B3 note de bas de page c

D'après les réductions log indiquées dans les tableaux D1 et D2 (voir annexe D); les concentrations de substances dangereuses sont réduites par le traitement secondaire, la coagulation, la filtration et la désinfection.

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Tableau B3 note de bas de page d

Le tableau B2 présente les constantes et les modèles utilisés pour calculer le risque d'infection.

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Tableau B3 note de bas de page e

Havelaar et Melse (2003).

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Tableau B3 note de bas de page f

Les AVCI par cas sont établis par Havelaar et Melse (2003).

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Tableau B3 note de bas de page g

Il s'agit du pourcentage de la population susceptible de développer une maladie à la suite d'une infection. Le chiffre de 6 % pour les rotavirus tient du fait que les infections sont fréquentes chez les très jeunes enfants. Il correspond au pourcentage de la population âgée de moins de 5 ans.

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Organismes par litre d'eau d'alimentationTableau B3 note de bas de page aTableau B3 note de bas de page b 2 000 8 000 1,2 × 105
Réduction log procurée par le traitementTableau B3 note de bas de page c 5 6 6
Volume d'exposition par exposition (L) 1 × 10−5 1 × 10−5 1 × 10−5
Dose par exposition (organismes) 2 × 10−7 8,0 × 10−8 1,2 × 10−6
Nombre d'expositions par année 1 100 1 100 1 100
Constantes dose-réponseTableau B3 note de bas de page d 1,8 × 10-2 a = 2,7 × 10-1 a = 2,1 × 10-1
N50 = 1 120
Probabilité d'infection par organisme 1,8 × 10−2 2,7 × 10−1 4,8 × 10−3
Risque d'infection (Pinf) (probabilité d'infection par exposition) 3,6 × 10−9 4,6 × 10−8 6,0 × 10−9
Rapport maladie /infectionTableau B3 note de bas de page e 0,70 0,88 0,53
Risque de maladie (Pmal) par exposition 2,5 × 10−9 4,0 × 10−8 3,2 × 10−9
Risque de maladie (par an, c.-à-d. 1 100 expositions) 2,8 × 10−6 4,4 × 10−5 3,5 × 10−6
Charge de morbiditéTableau B3 note de bas de page f (AVCI par cas) 1,5 × 10−3 1,3 × 10−2 5,5 × 10−2
Fraction vulnérable (%)Tableau B3 note de bas de page g 100 6 100
AVCI par année 4,2 × 10−9 3,5 × 10−8 1,7 × 10−8

Encadré B1 : Formules utilisées dans le tableau B3
Encadré B1 : Formules utilisées dans le tableau B3
1. Dose par exposition = Concentration dans l'eau non traitée × réduction log × exposition
2. Pinf = Modèles dose-réponse et paramètres indiqués au tableau B2
3. Pinf par année = 1 − (1 − Pinf)N
where N = number of exposures per year
où N = nombre d'expositions par année Lorsque le niveau de risque est faible, une approximation peut être obtenue par la formule suivante :
Pinf par année = Pinf × N
4. Pmal par année = Pinf par année × rapport maladie/infection
5. DALY per year = Pmal par année × AVCI par cas × fraction vulnérable

Une autre approche consiste à déterminer les objectifs de traitement permettant d'atteindre un objectif sanitaire de 10-6 AVCINote de bas de page 3 pour les usages particuliers des eaux recyclées, à partir de la concentration initiale d'un agent pathogène de référence dans l'eau non traitée. La charge de morbidité, exprimée en AVCI, est établie à partir des expositions estimatives aux agents pathogènes présents dans les eaux recyclées. Comme les réductions dépendent des concentrations initiales et de l'exposition qui y est associée, le traitement devra réduire davantage la charge pathogène dans le cas des utilisations comportant des expositions plus élevées.

Il est possible de calculer les réductions log nécessaires pour atteindre l'objectif de 10-6 AVCI par année dans les eaux recyclées. Les formules permettant d'établir des équivalents de dose correspondant à 10-6 AVCI (dAVCI) sont les suivantes :

AVCI par année = Pinf par année × N × rapport maladie/infection × AVCI par cas × fraction vulnérable

Étant donné que, dans cet exemple, l'objectif d'AVCI par année est de 10-6, voici l'équation qui permet de trouver l'équivalent de dose (dAVCI) :

Équation de l'équivalent de dose

L'équation qui permet de calculer l'équivalent d'une dose de pathogène correspondant à 10-6 années de vie corrigée du facteur invalidité par personne, par année
Équivalent textuel
L'équivalent de dose est calculé par la division de l'objectif de 10-6 années de vie corrigée du facteur invalidité (AVCI) par le produit des facteurs suivants: le poids d'AVCI par cas, multiplié par la probabilité d'infection par l'organisme, multiplié par le rapport maladie/infection, multiplié par la fraction de la population vulnérable

Si les concentrations des organismes dans l'eau non traitée sont connues, les réductions log nécessaires (tableau 4B) peuvent être calculées à l'aide de la formule suivante :

Réduction log = log (concentration dans l'eau non traitée × exposition (L) × N ÷ dAVCI)

Où: L = volume en litres
N = numbres de fois exposés au cours d'une année
dAVCI = Dose équivalente à 10-6 AVCI

Tableau B4 : Réductions log nécessaires
Organisme Équivalent de doseTableau B4 note de bas de page a Réductions log nécessaires
Pour les aérosols produits par les chasses d'eau des toilettes Pour les jonctions fautivesTableau B4 note de bas de page b

Notes de bas de page du Tableau B4

Tableau B4 note de bas de page a

Doses correspondant à 10-6 AVCI (dAVCI).

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Tableau B4 note de bas de page b

En supposant le pire scénario où une personne sur 1 000 consomme 1 L/jour pendant 365 jours.

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C. parvum 5,3 × 10−2 2,6 4,1
Rotavirus 5,5 × 10−3 4,2 5,7
E. coli O157:H7 7,1 × 10−3 5,3 6,8

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