Recherche quantitative originale – Les blessures pédiatriques au temps de la COVID-19
Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada
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Glenn Keays, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Debbie Friedman, B. Sc. pht, MMgmtNote de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 4; Isabelle Gagnon, pht, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 5Note de rattachement des auteurs 6
https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.11/12.02f
(publié le 11 septembre 2020)
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Correspondance : Glenn Keays , Centre universitaire de santé McGill, Hôpital de Montréal pour enfants, 1001, boulevard Décarie, salle B.S1.2766.2, Montréal (Québec) H4A 3J1; tél. : 514-412-4400 poste 23167; courriel : Glenn.Keays@muhc.mcgill.ca.
Résumé
Introduction. Des recherches ont mis en évidence une diminution du nombre de visites à l’urgence par des enfants pendant la pandémie de SRAS en 2003. Nous avons fait enquête afin de déterminer s’il en avait été de même pour les visites à l’urgence en raison de blessures pendant la pandémie de COVID-19.
Méthodologie. Nous avons examiné les données du Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (SCHIRPT) afin d’obtenir de l’information sur les visites liées à des blessures au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants, l’un des centres de traumatologie pédiatrique de la province faisant partie du système, pour les 28 dernières années. Nous avons comparé les données correspondant à une période de deux mois pendant le confinement en raison de la COVID-19 (du 16 mars au 15 mai) avec celles de la même période pour les années précédentes (de 1993 à 2019), afin de déterminer si la diminution du nombre de visites à l’urgence en 2020 était sans précédent (c.-à-d. qu’aucune diminution semblable ne s’était jamais produite). Différents facteurs ont été inclus dans cette comparaison, à savoir les groupes d’âge, la nature des blessures, les mécanismes de blessure et la gravité.
Résultats. La diminution observée en 2020 était sans précédent pour tous les groupes d’âge examinés selon les données compilées entre 1993 et 2019. Comparativement à la moyenne obtenue pour 2015-2019, la diminution la plus faible s’est produite chez les enfants de 2 à 5 ans (baisse de 35 %) alors que la plus forte a eu lieu chez les jeunes de 12 à 17 ans (83 %). Les blessures liées aux collisions de véhicules automobiles et aux sports ont pratiquement disparu pendant le confinement lié à la COVID-19. Fait étonnant, pendant le confinement, plus d’enfants entre 6 et 17 ans se sont présentés à l’urgence avec des blessures moins urgentes que les années précédentes.
Conclusion. Comme dans le cas du SRAS en 2003, la COVID-19 a eu un effet dissuasif sur les visites aux urgences pédiatriques. Le confinement, en particulier, a eu une incidence profonde sur les visites associées aux blessures. La période de déconfinement fera l’objet d’une surveillance afin d’en déterminer les répercussions, tant à court qu’à long terme.
Mots-clés : COVID-19, adolescents, enfants, urgence, épidémiologie, soins primaires, lésions, blessures
Points saillants
- Pendant le confinement en raison de la COVID-19 à Montréal (soit du 16 mars au 15 mai 2020), les visites à l’urgence d’enfants et de jeunes de la naissance à 17 ans ont diminué de 72 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.
- Pendant cette période, le nombre de visites d’enfants et de jeunes (de la naissance à 17 ans) à l’urgence en raison d’une blessure a diminué de 62 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.
- La diminution a été sans précédent si l’on comparte aux 28 dernières années, que ce soit en ce qui concerne les fractures et les traumatismes craniocérébraux légers chez les enfants de 6 à 17 ans, les brûlures chez les enfants de 0 à 5 ans, les collisions de véhicules automobiles (tous âges) ou les blessures associées aux sports (tous âges).
Introduction
Comme l’illustre Gabriel García Márquez dans son livre L’amour aux temps du choléra, la vie continue pendant les pandémies. Malheureusement, il en va de même pour les blessures. Même si le lien entre pandémie et blessures chez les enfants n’est pas toujours apparent au premier abord, il reste que la première peut influer sur la seconde.
On a ainsi démontré que les taux de blessures chez les enfants et les adolescents fluctuaient d’une année à l’autreNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6, mais aussi pendant l’année, en fonction des saisonsNote de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13. Lorsqu’a débuté le confinement en raison de la COVID-19 à Montréal le 16 mars 2020, ce qui a entraîné la fermeture des écoles et des garderies et l’arrêt de toutes les activités sportives organisées, nous nous attendions à une diminution du nombre d’enfants blessés qui se présenteraient à l’urgence de l’Hôpital de Montréal pour enfants (centre de traumatologie pour les enfants et les adolescents).
Nous avons commencé par examiner les données sur l’épidémie de SRAS en 2003. Bien que nous ayons trouvé des recherches portant sur la réduction des taux de visites d’enfants à l’urgence pendant cette période, nous n’avons rien trouvé traitant spécifiquement de l’incidence de l’épidémie sur les taux de blessures dans la population pédiatrique. Nous avons ensuite entrepris de déterminer et de documenter l’incidence du confinement lié à la COVID-19 sur les visites à l’urgence pour des blessures chez les enfants et les jeunes (de la naissance à 17 ans), en tenant compte de différents facteurs, soit l’âge de l’enfant, le mécanisme de blessure, la nature et la gravité de la blessure.
Méthodologie
Nous avons extrait des données du Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (SCHIRPT), créé en 1990 par l’Agence de la santé publique du Canada pour mieux comprendre les blessures, en particulier chez les enfants et les jeunes (de moins de 18 ans), en recueillant des données sur les visites à l’urgence de 10 hôpitaux pédiatriques. En 2020, le SCHIRPT, qui comptait déjà plus de 3,5 millions de dossiers, a été étendu pour pouvoir recueillir des données auprès de 19 hôpitaux au Canada, soit 11 hôpitaux pédiatriques et 8 hôpitaux générauxNote de bas de page 14.
Conformément au protocole du SCHIRPT utilisé par le centre de traumatologie de l’Hôpital de Montréal pour enfants, les patients ou les parents de patients s’étant présentés à l’urgence pour faire évaluer et traiter une blessure ont été invités à remplir un questionnaire d’une page et à fournir des renseignements détaillés sur la blessure, en particulier quand, où et comment elle s’était produite. En outre, des données cliniques telles que la nature de la blessure, la partie du corps touchée et le type de traitement ont été extraites des dossiers de l’urgence par le coordonnateur du SCHIRPT. Lorsqu’aucun formulaire du SCHIRPT n’avait été rempli par les familles des patients, les renseignements ont été extraits des dossiers médicaux des patients par le coordonnateur. Pour une confidentialité totale, les numéros de dossier d’hôpital des patients ont été brouillés, et leur date de naissance a été arrondie à 15 ou à 31 en fonction du jour du mois de leur anniversaire. Ces différentes étapes ont été effectuées avant que les données ne soient transmises au centre de données central du SCHIRPT à Ottawa. Le SCHIRPT de l’Hôpital de Montréal pour enfants saisit plus de 97 % de l’ensemble des visites aux urgences de l’établissement pour une blessure.
Pour documenter la diminution du nombre de visites pour une blessure pendant le confinement lié la COVID-19, nous avons choisi d’effectuer une comparaison avec la même période de l’année sur 28 ans, soit de 1993 à 2020. Nous avons donc limité l’étude aux patients qui se sont rendus à l’urgence entre le 16 mars et le 15 mai (ce qui correspond aux deux mois de confinement en raison de la COVID-19 à Montréal) pour chacune de ces 28 années. Nous avons divisé les enfants et les jeunes en quatre groupes d’âge, soit les tout-petits (de la naissance à 1 an), les enfants d’âge préscolaire (de 2 à 5 ans), les élèves du primaire (de 6 à 11 ans) et les élèves du secondaire (de 12 à 17 ans).
Nous avons limité nos mécanismes de blessure à trois catégories. La première, les collisions de véhicules automobiles (CVA), était un choix évident, puisque la circulation a diminué à Montréal pendant le confinement. La deuxième, celle des blessures associées aux sports, a été choisie parce que les activités sportives et récréatives n’étaient pas permises pendant le confinement en raison de la COVID-19. Nous avons inclus les blessures associées aux sports qui se sont produites dans des contextes organisés et informels et avons limité les sports au hockey sur glace, au football, au soccer, au basketball, au rugby, au ski et à la planche à neige. La troisième catégorie était celle des blessures qui se sont produites pendant des activités récréatives, notamment le vélo, la planche à roulettes, la trottinette et le trampoline (trampolines résidentiels).
Nous avons utilisé l’Échelle canadienne de triage et de gravité (ÉTG)Note de bas de page 15Note de bas de page 16 pour déterminer les variations dans la gravité des blessures et vérifier notre hypothèse selon laquelle pendant le confinement, une plus grande proportion d’enfants auraient présenté des blessures urgentes ou graves. Nous avons calculé la proportion des niveaux de triage, soit 1 (réanimation), 2 (très urgent) et 3 (urgent), pour chacune des années de 2010 à 2020 (nous ne pouvions pas utiliser les années antérieures à 2010 car le protocole de triage a changé au service des urgences de l’HME en 2009).
Analyse statistique
Les résultats sont présentés sous forme de graphiques pour chaque groupe d’âge, puis ventilés par type de blessure. En raison des changements démographiques ayant eu lieu pendant la longue période de l’étude, nous avons limité nos calculs de moyennes au nombre de patients vus pendant les cinq années précédentes (2015 à 2019). Nous avons calculé des intervalles de confiance (IC) à 95 % pour chaque moyenne. Les calculs et les analyses ont été effectués à l’aide de la version 17.0 du logiciel SPSS (IBM Corp., Armonk, New York, É.-U.).
Résultats
Entre 2015 et 2019, en moyenne 14 016 enfants (IC à 95 % : 13 242 à 14 789) se sont rendus au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants entre le 16 mars et le 15 mai. En 2020, ce chiffre a atteint 3 909, une baisse de 72 %. Lorsque nous avons tenu compte uniquement des consultations pour blessure, nous avons constaté qu’il y avait toujours une baisse marquée, car le nombre de visites est passé d’une moyenne de 2 774 (IC à 95 % : 2 623 à 2 924) à 1 052 en 2020, soit une diminution de 62 %.
La diminution du nombre de visites à l’urgence pour une blessure variait selon l’âge des enfants et des jeunes (figure 1). Chez les tout-petits de la naissance à 1 an, le nombre le plus faible observé au cours de ces 28 ans était de 275 en 1999, contre seulement 230 en 2020. Chez les enfants d’âge préscolaire de 2 à 5 ans, le plus faible nombre observé s’est produit en 2003 avec 500 visites, comparativement à 441 en 2020. En examinant la moyenne pour les années 2015 à 2019, nous avons constaté que la diminution était plus importante chez les tout-petits (une diminution de 45 % par rapport à la moyenne de 415 [IC à 95 % : 377 à 453]) que chez les enfants d’âge préscolaire (une diminution de 35 % par rapport à la moyenne de 676 [IC à 95 % : 637 à 715]).
Figure 1. Nombre de visites pour des blessures au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants, par groupe d’âge, entre le 16 mars et le 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 1
Figure 1. Nombre de visites pour des blessures au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants, par groupe d’âge, entre le 16 mars et le 15 mai, de 1993 à 2020
Année | 0 à 1 an | 2 à 5 ans | 6 à 11 ans | 12 à 17 ans |
---|---|---|---|---|
1993 | 383 | 622 | 871 | 862 |
1994 | 355 | 660 | 796 | 845 |
1995 | 393 | 693 | 794 | 842 |
1996 | 327 | 624 | 670 | 726 |
1997 | 301 | 557 | 658 | 702 |
1998 | 307 | 594 | 756 | 618 |
1999 | 275 | 550 | 684 | 601 |
2000 | 307 | 554 | 670 | 649 |
2001 | 313 | 589 | 811 | 729 |
2002 | 275 | 531 | 769 | 652 |
2003 | 275 | 500 | 656 | 635 |
2004 | 300 | 561 | 868 | 703 |
2005 | 343 | 530 | 736 | 723 |
2006 | 347 | 562 | 785 | 848 |
2007 | 389 | 516 | 767 | 813 |
2008 | 410 | 639 | 812 | 903 |
2009 | 531 | 737 | 978 | 1013 |
2010 | 490 | 729 | 853 | 901 |
2011 | 438 | 673 | 716 | 784 |
2012 | 453 | 741 | 824 | 915 |
2013 | 461 | 693 | 856 | 1046 |
2014 | 448 | 749 | 884 | 867 |
2015 | 472 | 735 | 908 | 959 |
2016 | 437 | 705 | 766 | 832 |
2017 | 425 | 625 | 874 | 768 |
2018 | 373 | 643 | 802 | 825 |
2019 | 369 | 672 | 859 | 819 |
2020 | 230 | 441 | 241 | 139 |
Pour les enfants du primaire de 6 à 11 ans, le nombre le plus faible a été de 656 en 2003 (241 en 2020), tandis que pour les enfants du secondaire de 12 à 17 ans, il était de 601 en 1999 (139 en 2020). Lorsque nous avons examiné la moyenne de 2015 à 2019 pour ces groupes, nous avons constaté que la diminution était plus importante pour les enfants du secondaire (une diminution de 83 % par rapport à la moyenne de 841 [IC à 95 % : 779 à 902]) que pour les enfants du primaire (une diminution de 71 % par rapport à la moyenne de 842 [IC à 95 % : 792 à 892]). Le sexe des enfants qui se sont rendus à l’urgence n’a pas varié : la proportion de garçons était, en moyenne, de 55,4 % [IC à 95 % : 54,3 % à 57,4 %] entre 2015 et 2019, contre 55,8 % en 2020.
Les diminutions observées variaient également en fonction du type de blessure et de l’âge. Pour simplifier les chiffres obtenus, nous avons réparti les enfants en deux groupes d’âge, soit de la naissance à 5 ans et de 6 à 17 ans. De plus, nous n’avons examiné que quatre types de blessures, soit les fractures, les traumatismes craniocérébraux légers, les brûlures et les empoisonnements. Chez les enfants de la naissance à 5 ans, seules les brûlures ont affiché une diminution sans précédent (c.-à-d. qu’aucune diminution semblable n’avait eu lieu pendant la période à l’étude), soit 10 cas en 2020, contre 15 cas en 2014 (figure 2 et figure 3). Lorsque la moyenne de 2015 à 2019 a été utilisée, la diminution en 2020 était statistiquement significative en ce qui a trait aux traumatismes craniocérébraux légers (diminution de 44 %, de 285 [IC à 95 % : 260 à 310] à 160), aux fractures (diminution de 33 %, de 132 [IC à 95 % : 114 à 151] à 88) et aux brûlures (diminution de 55 %, de 22 [IC à 95 % : 17 à 28] à 10).
Figure 2. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des traumatismes craniocérébraux légers et des fractures chez les enfants de 0 à 5 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 2
Figure 2. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des traumatismes craniocérébraux légers et des fractures chez les enfants de 0 à 5 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Année | Fractures | Traumatismes craniocérébraux légers |
---|---|---|
1993 | 99 | 105 |
1994 | 105 | 124 |
1995 | 113 | 175 |
1996 | 112 | 121 |
1997 | 92 | 128 |
1998 | 115 | 171 |
1999 | 90 | 178 |
2000 | 103 | 182 |
2001 | 122 | 180 |
2002 | 85 | 164 |
2003 | 72 | 149 |
2004 | 100 | 243 |
2005 | 81 | 261 |
2006 | 97 | 218 |
2007 | 94 | 247 |
2008 | 139 | 227 |
2009 | 140 | 465 |
2010 | 145 | 282 |
2011 | 117 | 271 |
2012 | 128 | 313 |
2013 | 134 | 338 |
2014 | 129 | 337 |
2015 | 166 | 323 |
2016 | 139 | 276 |
2017 | 121 | 302 |
2018 | 123 | 279 |
2019 | 113 | 247 |
2020 | 88 | 160 |
Figure 3. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des brûlures et des empoisonnements chez les enfants de 0 à 5 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 3
Figure 3. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des brûlures et des empoisonnements chez les enfants de 0 à 5 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Année | Brûlures | Empoisonnements |
---|---|---|
1993 | 33 | 24 |
1994 | 23 | 21 |
1995 | 28 | 24 |
1996 | 20 | 24 |
1997 | 29 | 25 |
1998 | 17 | 26 |
1999 | 23 | 12 |
2000 | 17 | 13 |
2001 | 22 | 17 |
2002 | 22 | 21 |
2003 | 22 | 22 |
2004 | 18 | 13 |
2005 | 22 | 15 |
2006 | 18 | 10 |
2007 | 18 | 22 |
2008 | 16 | 16 |
2009 | 25 | 12 |
2010 | 26 | 19 |
2011 | 21 | 14 |
2012 | 23 | 9 |
2013 | 23 | 14 |
2014 | 15 | 20 |
2015 | 33 | 21 |
2016 | 21 | 18 |
2017 | 21 | 15 |
2018 | 18 | 14 |
2019 | 18 | 24 |
2020 | 10 | 23 |
Chez les enfants et les jeunes de 6 à 17 ans, la diminution en 2020 a été sans précédent pour les fractures (129 en 2020 contre 265 en 1997) et les traumatismes craniocérébraux légers (20 en 2020 contre 75 en 1993). Toutes les blessures ont connu une diminution statistiquement significative en 2020 par rapport à la moyenne de 2015 à 2019. Ainsi, il y a eu une diminution de 70 % pour les fractures (428 [IC à 95 % : 400 à 456] à 129), une diminution de 93 % pour les traumatismes craniocérébraux légers (295 [IC à 95 % : 269 à 322] à 20), une diminution de 61 % pour les empoisonnements (36 [IC à 95 % : 29 à 43] à 14) et une diminution de 47 % pour les brûlures (8 [IC à 95 % : 5 à 10] à 4 (figure 4 et figure 5).
Figure 4. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des traumatismes craniocérébraux légers et des fractures chez les enfants de 6 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 4
Figure 4. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des traumatismes craniocérébraux légers et des fractures chez les enfants de 6 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Année | Fractures | Traumatismes craniocérébraux légers |
---|---|---|
1993 | 311 | 75 |
1994 | 351 | 83 |
1995 | 309 | 115 |
1996 | 311 | 85 |
1997 | 265 | 101 |
1998 | 312 | 117 |
1999 | 280 | 129 |
2000 | 317 | 117 |
2001 | 343 | 153 |
2002 | 317 | 157 |
2003 | 304 | 124 |
2004 | 357 | 208 |
2005 | 354 | 187 |
2006 | 388 | 204 |
2007 | 379 | 155 |
2008 | 421 | 133 |
2009 | 453 | 358 |
2010 | 491 | 168 |
2011 | 355 | 202 |
2012 | 447 | 261 |
2013 | 482 | 272 |
2014 | 434 | 307 |
2015 | 468 | 326 |
2016 | 398 | 305 |
2017 | 417 | 319 |
2018 | 402 | 261 |
2019 | 455 | 265 |
2020 | 129 | 20 |
Figure 5. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des brûlures et des empoisonnements chez les enfants et les jeunes de 6 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 5
Figure 5. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des brûlures et des empoisonnements chez les enfants et les jeunes de 6 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Année | Brûlures | Empoisonnements |
---|---|---|
1993 | 19 | 25 |
1994 | 9 | 26 |
1995 | 8 | 9 |
1996 | 5 | 14 |
1997 | 8 | 17 |
1998 | 6 | 13 |
1999 | 11 | 23 |
2000 | 5 | 16 |
2001 | 9 | 24 |
2002 | 10 | 17 |
2003 | 5 | 17 |
2004 | 11 | 21 |
2005 | 7 | 11 |
2006 | 10 | 26 |
2007 | 3 | 28 |
2008 | 14 | 20 |
2009 | 10 | 30 |
2010 | 6 | 27 |
2011 | 6 | 18 |
2012 | 6 | 26 |
2013 | 5 | 30 |
2014 | 10 | 20 |
2015 | 8 | 27 |
2016 | 5 | 31 |
2017 | 7 | 34 |
2018 | 5 | 46 |
2019 | 13 | 42 |
2020 | 4 | 14 |
En ce qui concerne le mécanisme de blessure, nous avons examiné les blessures associées aux activités récréatives, aux sports et aux véhicules automobiles. Nous avons examiné quatre activités récréatives en particulier, soit le vélo, la planche à roulettes, la trottinette et le trampoline (trampolines résidentiels). Le confinement en raison de la COVID-19 n’a pas produit de résultats sans précédent ni de changements importants par rapport à la moyenne des cinq dernières années. La seule exception a été le vélo. Le nombre de blessures liées à ce sport, qui avait diminué de façon constante au fil des ans, a augmenté en flèche pendant le confinement (figure 6).
Figure 6. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des blessures liées à des activités récréatives chez les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 6
Figure 6. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des blessures liées à des activités récréatives chez les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Année | Vélo | Planche à roulettes | Trottinette | Trampoline (résidentiel) |
---|---|---|---|---|
1993 | 112 | 14 | 3 | 1 |
1994 | 91 | 13 | 2 | |
1995 | 86 | 19 | 2 | 2 |
1996 | 57 | 14 | 1 | 1 |
1997 | 74 | 21 | 1 | |
1998 | 84 | 9 | 1 | 2 |
1999 | 83 | 7 | 1 | 2 |
2000 | 61 | 22 | 2 | 4 |
2001 | 89 | 36 | 31 | 7 |
2002 | 64 | 37 | 14 | 5 |
2003 | 71 | 31 | 7 | 7 |
2004 | 75 | 29 | 9 | 13 |
2005 | 107 | 30 | 7 | 13 |
2006 | 86 | 21 | 16 | 12 |
2007 | 87 | 15 | 13 | 10 |
2008 | 79 | 20 | 14 | 20 |
2009 | 60 | 21 | 11 | 18 |
2010 | 85 | 29 | 12 | 38 |
2011 | 52 | 26 | 10 | 17 |
2012 | 67 | 30 | 17 | 29 |
2013 | 62 | 44 | 15 | 32 |
2014 | 54 | 29 | 20 | 15 |
2015 | 74 | 46 | 19 | 25 |
2016 | 49 | 21 | 16 | 22 |
2017 | 55 | 22 | 26 | 20 |
2018 | 28 | 21 | 13 | 9 |
2019 | 38 | 9 | 20 | 19 |
2020 | 72 | 11 | 24 | 6 |
Les CVA et les blessures associées aux sports ont, de leur côté, connu la diminution la plus marquée de tous les mécanismes. Pour tous les enfants et les jeunes de la naissance à 17 ans, le plus faible nombre de blessures liées à un véhicule automobile était de 19 en 1995. En 2020, il n’a été que de 3 (figure 7), soit une baisse de 99 % par rapport à la moyenne de 50 pour 2015-2019 (IC à 95 % : 46 à 53). Pour ce qui est des blessures associées aux sports, le chiffre le plus bas avait été de 279 en 2011, alors qu’il n’a été que de 17 en 2020 (figure 8). Comme pour les CVA, cela représente une diminution de 99 % par rapport à la moyenne de 520 obtenue pour 2015-2019 (IC à 95 % : 481 à 559).
Figure 7. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des blessures liées à un véhicule automobile chez les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 7
Figure 7. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des blessures liées à un véhicule automobile chez les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Année | Blessures liées à un véhicule automobile |
---|---|
1993 | 28 |
1994 | 26 |
1995 | 19 |
1996 | 26 |
1997 | 39 |
1998 | 33 |
1999 | 31 |
2000 | 19 |
2001 | 37 |
2002 | 46 |
2003 | 47 |
2004 | 68 |
2005 | 49 |
2006 | 36 |
2007 | 44 |
2008 | 53 |
2009 | 47 |
2010 | 60 |
2011 | 41 |
2012 | 50 |
2013 | 45 |
2014 | 35 |
2015 | 48 |
2016 | 50 |
2017 | 50 |
2018 | 45 |
2019 | 56 |
2020 | 3 |
Figure 8. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des blessures associées aux sportsFigure 8 note a chez les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Description textuelle : Figure 8
Figure 8. Nombre de visites au service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des blessures associées aux sportsFigure 8 note a chez les enfants et les jeunes de 0 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 1993 à 2020
Année | Blessures associées aux sports |
---|---|
1993 | 398 |
1994 | 397 |
1995 | 396 |
1996 | 362 |
1997 | 317 |
1998 | 314 |
1999 | 330 |
2000 | 309 |
2001 | 371 |
2002 | 333 |
2003 | 338 |
2004 | 365 |
2005 | 410 |
2006 | 462 |
2007 | 467 |
2008 | 501 |
2009 | 584 |
2010 | 467 |
2011 | 279 |
2012 | 529 |
2013 | 601 |
2014 | 549 |
2015 | 583 |
2016 | 503 |
2017 | 486 |
2018 | 479 |
2019 | 17 |
2020 | 398 |
En ce qui concerne le changement de gravité parmi les visites pour blessure, la proportion de triage urgent (niveau 1 à 3 attribué par le personnel infirmier lors du triage à l’urgence) est demeurée la même pour les enfants de la naissance à 5 ans. Étonnamment, pour les enfants et les jeunes de 6 à 17 ans, la période de confinement de mars à mai 2020 a été associée au plus faible pourcentage de blessures urgentes ou graves, soit 19 %, ce qui représente une baisse de 63 % par rapport à la moyenne de 52 % [IC à 95 % : 48 % à 56 %] obtenue pour 2015-2019 (figure 9).
Figure 9. Proportion des visites à l’urgence de l’Hôpital de Montréal pour enfants en raison de blessures considérées comme urgentes au triageFigure 9 note a chez les enfants et les jeunes de 6 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 2010 à 2020
Description textuelle : Figure 9
Figure 9. Proportion des visites à l’urgence de l’Hôpital de Montréal pour enfants en raison de blessures considérées comme urgentes au triageFigure 9 note a chez les enfants et les jeunes de 6 à 17 ans, du 16 mars au 15 mai, de 2010 à 2020
Année | Proportion des visites en raison de blessures considérées comme urgentes au triage |
---|---|
2010 | 37 % |
2011 | 31 % |
2012 | 40 % |
2013 | 45 % |
2014 | 41 % |
2015 | 48 % |
2016 | 46 % |
2017 | 56 % |
2018 | 56 % |
2019 | 53 % |
2020 | 19 % |
Analyse
Nous avons déterminé que le confinement lié à la COVID-19 avait eu une incidence considérable sur les visites à l’urgence des enfants et des jeunes (de la naissance à 17 ans). Des études sur la pandémie du SRAS en 2003 ont montré une diminution des visites d’enfants à l’urgenceNote de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19. Une étude sur la COVID-19 menée en Italie a également signalé une diminution des visites à l’urgence pédiatriqueNote de bas de page 20. Toutefois, si nous utilisons le même groupe d’âge qu’une étude de Toronto sur les répercussions du SRAS en 2003Note de bas de page 17, nous obtenons des résultats opposés (c.-à-d. que la diminution du nombre de cas dans l’étude de Toronto était la plus forte dans le groupe d’âge le plus jeune et la plus faible chez les enfants plus âgés).
La réduction du nombre de CVA pendant le confinement en raison de la COVID-19 fait déjà les manchettes. Un rapport du Road Ecology Center a estimé qu’il y aurait une réduction de 50 % des CVA en CalifornieNote de bas de page 21. Seattle et San Francisco ont également fait état d’une réduction de 50 %Note de bas de page 22. Nous ne pouvons conclure que notre diminution de presque 100 % des visites à l’urgence en raison des CVA reflète le nombre actuel de CVA à Montréal, mais cela indique une réduction importante des CVA dans le contexte de la COVID-19.
Nous n’avons rien trouvé dans la presse ou dans la documentation scientifique en ce qui concerne la diminution des blessures associées aux sports pendant le confinement liés à la COVID-19, ou même pendant le SRAS. Comme le confinement a forcé les enfants et les adolescents à cesser de pratiquer des sports, nous n’avons pas été surpris d’observer une diminution de près de 100 % des blessures habituellement causées par ces activités. Il sera intéressant de suivre la situation et de déterminer si une période d’inactivité de deux mois aura une incidence sur les blessures associées aux sports lorsqu’elles réapparaîtront.
La diminution du nombre de visites pour des blessures graves ou urgentes chez les enfants d’âge scolaire (de 6 à 17 ans) pendant le confinement lié à la COVID-19 est difficile à expliquer. Fait intéressant, un plus grand nombre de patients se sont présentés à l’urgence avec des blessures légères ou non urgentes pendant cette période, ce qui est contraire à nos attentes (à savoir que ces patients ne se présenteraient pas à l’urgence de peur d’attraper la COVID-19). On ne sait pas trop comment expliquer ces résultats, car rien dans la documentation scientifique ne peut nous éclairer à ce sujet.
Parmi les faits intéressants, notons que cinq enfants (de moins de 7 ans) se sont rendus à l’urgence (trois ont été hospitalisés) en raison d’une intoxication au cannabis (principalement sous forme de produits comestibles) pendant le confinement lié à la COVID-19. L’intoxication au cannabis chez les enfants de la naissance à 3 ans est extrêmement rare à notre urgence. Au cours des 28 dernières années, pendant la même période de deux mois, cela ne s’est produit qu’à trois reprises, soit en 1995, en 2004 et en 2006.
Points forts et limites
L’un des points forts de cette étude est le fait qu’elle repose sur des données recueillies sur une très longue période, plutôt que sur une comparaison incluant l’année précédente et l’année subséquente, comme bon nombre d’autres études. Les données recueillies sur une courte période peuvent indiquer un changement frappant d’une année à l’autre, sans révéler si ce changement était sans précédent. Une autre force de cette étude est que même si les données proviennent d’un seul hôpital, elles reposent sur de grands effectifs, ce qui permet de petits intervalles de confiance et une meilleure inférence.
La principale limite de cette étude est le fait qu’elle s’appuie sur les données d’un seul hôpital et ne peut donc être utilisée pour faire des déductions sur les tendances au sein de la population en général. Bien que la diminution du nombre de visites à l’urgence pour des blessures chez les enfants soit significative et sans précédent, nous ne pouvons pas déterminer s’il y a vraiment eu moins de blessures ou si la diminution était une réponse sociale à la COVID-19. Il se peut que les parents aient décidé de ne pas consulter ou de se rendre dans des cliniques privées plutôt que des services d’urgence pédiatriques, ce qui signifierait que nous surestimons la réduction que suggèrent nos résultats.
Pendant la COVID-19, les patients (ou leurs parents) qui se sont rendus à l’urgence n’ont pas reçu de questionnaires du SCHIRPT à remplir, par crainte de transmission de la maladie, ce qui a entraîné une perte de détails, puisque l’information que nous avons utilisée provenait des rapports compilés par le service des urgences. Cela aurait été important si nous avions choisi d’examiner des contextes précis (p. ex. cyclistes qui roulent sur les pistes cyclables, chutes à partir des barres de suspension dans les parcs locaux, etc.). C’est la principale raison pour laquelle nous n’avons présenté aucune donnée sur les blessures qui se sont produites au domicile, sachant que l’endroit où la blessure a eu lieu est rarement indiqué dans le rapport de l’urgence, contrairement au SCHIRPT. Puisque les données de 2020 étaient principalement extraites des rapports de l’urgence, il manquait d’information sur l’endroit où la blessure s’est produite. Il pourrait être tentant de présumer que la plupart des blessures se sont produites à la maison pendant le confinement, mais nous ne pouvons pas en être certains. (Parmi les quelques rapports tirés du SCHIRPT que nous avons reçus pour cette période, certains indiquaient que la blessure s’était produite à la résidence des grands-parents ou dans un parc de planche à roulettes, deux lieux interdits pendant le confinement.) Néanmoins, puisque notre taux de saisie est demeuré le même pendant l’ensemble de la période 1993-2020 (entre 97 % et 98 % de toutes les visites à l’urgence liées à une blessure), nous sommes persuadés que nos résultats sont valides, étant donné qu’aucune des variables étudiées (âge, sexe et type de blessure) n’était manquante.
Conclusion
Le service des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants (centre de traumatologie pour les enfants et les adolescents) a vu une diminution marquée et souvent sans précédent des visites d’enfants pendant les deux mois qu’a duré le confinement lié à la COVID-19. Les baisses les plus évidentes ont été observées chez les enfants d’âge scolaire (de 6 à 11 ans). Les blessures associées à des mécanismes comme les CVA et les sports ont pratiquement disparu pendant le confinement. Nous espérons que d’autres intervenants examineront les visites pour blessure à l’urgence de leur établissement pendant le confinement lié à la COVID-19, afin d’aider à déterminer si la réduction du nombre de consultations pour blessure que nous avons observée reste présente dans un échantillon pédiatrique plus général.
Remerciements
Ce projet de recherche a été rendu possible grâce à une subvention de l’Agence de la santé publique du Canada.
Conflit d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contribution des auteurs et avis
Glenn Keays a rédigé le manuscrit, et tous les auteurs ont participé à sa révision. Glenn Keays a analysé les données, et Debbie Friedman et Isabelle Gagnon ont pris part aux travaux d’élaboration et de révision. Glenn Keays assume la responsabilité de l’article dans son ensemble.
Les auteurs assument la responsabilité du contenu de l’article et des points de vue qui y sont exprimés; ceux-ci ne reflètent pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada.
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