Exposé de politique fondé sur des données probantes – Consommation de substances et méfaits connexes dans le contexte de la COVID-19 : un modèle conceptuel

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Aganeta Enns, M. Sc.Note de rattachement des auteures 1; Adena Pinto, B. Sc.Note de rattachement des auteures 1Note de rattachement des auteures 2; Jeyasakthi Venugopal, M. Sp.Note de rattachement des auteures 1Note de rattachement des auteures 3; Vera Grywacheski, M. Sp.Note de rattachement des auteures 1; Mihaela Gheorghe, M. Sc.Note de rattachement des auteures 1; Tanya Kakkar, M. Sp.Note de rattachement des auteures 1; Noushon Farmanara, M. Sc. en santé publiqueNote de rattachement des auteures 1; Bhumika Deb, M. Sp.Note de rattachement des auteures 1; Amy Noon, M. Sc.Note de rattachement des auteures 1; Heather Orpana, Ph. D.Note de rattachement des auteures 1Note de rattachement des auteures 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.11/12.03f
(publié le 16 septembre 2020)

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Correspondance : Aganeta Enns, 785, avenue Carling, Ottawa (ON)  K1A 0K9; tél. : (343) 551-4367; courriel : aganeta.enns@canada.ca

Résumé

Au fur et à mesure que les effets de la COVID-19 se sont fait sentir, une attention croissante a été accordée à la relation entre la COVID-19 et la consommation de substances et ses méfaits connexes. On dispose cependant de peu de théories et de preuves empiriques pour orienter les travaux de recherche dans ce domaine. Pour faire progresser ce nouveau champ de recherche, nous présentons un modèle conceptuel qui synthétise les données probantes, l’information et les connaissances sur la consommation de substances et ses méfaits connexes dans le contexte de la pandémie. Ce modèle conceptuel offre une représentation visuelle des liens entre pandémie et consommation de substances et ses méfaits connexes. Il est utilisable pour définir les domaines de recherche à venir.

Mots-clés : COVID-19, coronavirus, consommation de substances, méfaits liés aux substances, opioïdes, modèle conceptuel

Points saillants

  • En juin 2020, la consommation de substances et ses méfaits connexes dans le contexte de la pandémie restaient largement inexplorés.
  • La pandémie de COVID-19 est susceptible d’avoir une incidence sur la façon dont les Canadiens consomment des substances, ce qui risque d’entraîner des défis et des méfaits spécifiques au sein de cette population.
  • Le modèle conceptuel présenté offre une synthèse des données probantes, de l’information et des connaissances sur les concepts et leurs relations en lien avec la consommation de substances et ses méfaits dans le contexte de la pandémie.
  • Les concepts pertinents ont été rassemblés en cinq domaines interreliés, utilisables pour déterminer les futurs domaines de recherche sur la consommation de substances et ses méfaits connexes dans le contexte de la COVID-19 : la consommation de substances comme stratégie d’adaptation, les changements relatifs au soutien social et aux réseaux, la disponibilité et l’accessibilité des services, le risque accru de transmission de la COVID-19 chez les personnes qui consomment des substances et enfin le risque accru de conséquences graves.

Introduction

En mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé déclarait que la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) était devenue une pandémieNote de bas de page 1. En réponse, le Canada a mis en œuvre d’importantes mesures de santé publique visant à en réduire la transmissionNote de bas de page 2. Des études sur les effets de la distanciation physique et de l’auto-isolement laissent penser que la façon de consommer diverses substances (alcoolNote de bas de page 3, opioïdesNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7 et cigarettesNote de bas de page 7) pourrait avoir changé à la suite de la pandémie de COVID-19. De plus, la pandémie et ses effets secondaires connexesNote de bas de page * peuvent présenter des défis spécifiques, comme une diminution de l’accès aux services et à un approvisionnement sécuritaire en substances et un risque accru de méfaits liés aux substancesNote de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7.

La pandémie de COVID-19 est un événement sans précédent dans l’histoire récente. Les données, limitées, qui peuvent être tirées de pandémies antérieures, comme l’éclosion du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, risquent de ne pas être représentatives des circonstances actuelles. La consommation de substances et ses méfaits connexes en contexte de pandémie constituent un champ de recherche en rapide évolution. Malgré un nombre croissant d’éditoriaux et de reportages dans les médiasNote de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7, il existe peu de théories et de preuves empiriques pour orienter les futurs travaux de recherche.

Un modèle conceptuel est un diagramme des « liens entre un ensemble de concepts que l’on pense être liés à un problème de santé publique particulier »Note de bas de page 8. Ce type de modèle est particulièrement utile lorsqu’on dispose de peu de preuves empiriques et de théories formelles. L’élaboration de modèles consiste à résumer et à intégrer les connaissances tirées de la littérature scientifique et de l’expérience de spécialistes et de professionnels. Ces modèles peuvent orienter les futurs travaux de recherche en fournissant des concepts potentiellement pertinents et en orientant les hypothèses à tester sur les relations éventuelles entre les conceptsNote de bas de page 8.

L’objectif de cet article est de présenter un modèle conceptuel des effets possibles de la pandémie de COVID-19 sur la consommation de substances et ses méfaits connexes. Ce modèle, élaboré principalement en mettant l’accent sur les opioïdes et d’autres drogues illicites, tient également compte de la consommation d’alcool et de cannabis. Il est utilisable pour générer des questions et des hypothèses de recherche spécifiques, qui peuvent ensuite être mises à l’essai avec une méthodologie rigoureuse. Il peut être mis à jour et peaufiné au fur et à mesure de la disponibilité en données probantes.

Élaboration du modèle

Étant donné qu’il n’existe aucune méthodologie normalisée pour l’élaboration d’un modèle conceptuel, nous avons utilisé l’approche générale décrite par Earp et EnnettNote de bas de page 8 pour orienter notre processus d’élaboration. Cette approche est une méthode qui a fait ses preuves, qui est largement citée et qui est adaptée à l’élaboration d’un modèle conceptuelNote de bas de page 9Note de bas de page 10. Le processus global d’élaboration d’un modèle consiste à en déterminer la portée, à cerner les concepts ou les variables qui se rapportent à la question d’intérêt et à expliquer les relations possibles entre conceptsNote de bas de page 8Note de bas de page 9.

Le champ d’application du modèle présenté ici porte sur la consommation de substances et ses méfaits connexes en lien avec la pandémie de COVID-19. Le modèle a été élaboré au moyen d’un processus itératif de revue de la littérature, de discussions au sein du groupe de recherche et de consultations avec des professionnels et des spécialistes en santé publique. Son élaboration a été dirigée par un chercheur (AE) ayant une expérience en recherche qualitative et en analyse thématique.

Nous avons mis au point une première version du modèle en synthétisant une liste de concepts potentiellement pertinents et en effectuant une revue de la littérature de ces concepts dans diverses sources, publiées ou non. Dès mars 2020, nous avons effectué une recherche dans la littérature évaluée par des pairs dans Medline et dans la base de données d’ouvrages scientifiques sur la COVID de l’Organisation mondiale de la santé afin de sélectionner des articles de recherche, des revues et des éditoriaux/commentaires originaux en anglais. Nous avons ensuite consulté des bases de données prépubliées et des sources de données non publiées. Comme l’accent mis sur le modèle conceptuel est un nouveau champ de recherche et qu’on dispose de peu de publications de grande qualité sur lesquelles s’appuyer, nous avons élargi la recherche pour inclure l’opinion de spécialistes ainsi que des reportages des médias afin de générer l’émergence de concepts potentiels à inclure dans le modèle. Les membres du groupe de recherche ont discuté de la liste des concepts et des relations possibles entre eux puis en ont révisé les résultats en fonction de la revue de littérature. Nous avons ensuite rédigé le modèle visuel et nous l’avons distribué pour qu’il soit discuté et revu au sein du groupe de recherche.

Afin d’obtenir un retour d’information rapide, nous avons invité divers professionnels possédant une expertise en matière de surveillance, de recherche, de politique et de programme relatifs à la consommation de substances et aux méfaits connexes à examiner de manière critique l’ébauche du modèle visuel et les descriptions textuelles l’accompagnant et à formuler des commentaires. Nous avons remis à ces professionnels une feuille de calcul pour consigner les commentaires et les questions sur chaque domaine, ainsi que pour fournir une rétroaction sur le modèle global. À la lumière de ces commentaires, nous avons affiné le modèle conceptuel et nous en avons fait circuler une version révisée avec les descriptions textuelles au groupe de recherche et aux spécialistes qui avaient donné leur point de vue sur le modèle, dans un but de confirmation et de rétroaction. Le modèle conceptuel a été élaboré entre mars et mai 2020.

On doit considérer ce modèle comme une première version susceptible d’être révisée et enrichie au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie et de ses effets, de l’émergence de nouveaux domaines de préoccupation et de recherche et enfin de la mise à disposition de nouvelles données de recherche.

Modèle conceptuel

Le modèle conceptuel (figure 1) fournit une représentation visuelle de la façon dont les facteurs transversaux associés à la pandémie de COVID-19 ont une influence sur les méfaits chez les personnes qui consomment des substances. Il comporte cinq domaines principaux, interreliés :

  • la consommation de substances comme stratégie d’adaptation;
  • les changements relatifs au soutien social et aux réseaux;
  • les changements dans la disponibilité et l’accessibilité des services liés à la consommation de substances et aux méfaits;
  • le risque accru de transmission de la COVID-19 chez les personnes qui consomment des substances;
  • le risque accru de conséquences graves chez les personnes qui consomment des substances.

Figure 1. Modèle conceptuel sur la consommation de substances et les méfaits connexes dans le contexte de la COVID-19

Figure 1. Modèle conceptuel sur la consommation de substances et les méfaits connexes dans le contexte de la COVID-19

Description textuelle : Figure 1

Figure 1. Modèle conceptuel sur la consommation de substances et les méfaits connexes dans le contexte de la COVID-19

Figure 1
Code d’identification attribué Groupe En-tête? Connexions Texte
CENT Sans objet En-tête principal / Élément central BPE, VE, BFE, VPE, VFE Consommation de substances et méfaits connexes dans le contexte de la COVID-19
BPE Bleu pâle Oui CENT, BP1, BP2 Consommation de substances comme stratégie d’adaptation
BP1 Bleu pâle Non BPE, BP2 Difficultés liées à l’emploi, à la situation financière et à l’accès aux besoins fondamentaux.
BP2 Bleu pâle Non BPE, BP1, BP3, BP4, BP5, V1, V2 Répercussions de la COVID-19 sur la santé mentale
BP3 Bleu pâle Non BP2 Répercussions sur les travailleurs essentiels
BP4 Bleu pâle Non BP2 Stigmatisation associée à la COVID-19
BP5 Bleu pâle Non BP2 Disponibilité des services en santé mentale
VE Violet Oui CENT, V1, V2, V3, V4 Changements liés au soutien social et aux réseaux
V1 Violet Non VE, BP2 Effets sur le soutien et les activités sociales
V2 Violet Non VE, BP2 Augmentation de la demande de soins
V3 Violet Non VE Changements liés à l’offre et à l’accès aux substances
V4 Violet Non VE Changement dans les habitudes de consommation de substances avec les autres
BFE Bleu foncé Oui CENT, BF1, BF2, BF3 Changements dans la disponibilité et l’accessibilité des services
BF1 Bleu foncé Non BFE Répercussions sur les services de traitement, les thérapies de proximité et les thérapies liées à la consommation de substances
BF2 Bleu foncé Non BFE Capacité des services d’urgence, des services médicaux d’urgence et des hôpitaux à traiter les surdoses et autres méfaits liés à la consommation de substances
BF3 Bleu foncé Non BFE, VP1 Services de réduction des méfaits
VPE Vert pâle Oui CENT, VP1, VP2, VP3, VP4, VF1 Risque accru de transmission de la COVID-19 chez les personnes qui consomment des substances
VP1 Vert pâle Non VPE, BF3 Risque accru de transmission en raison du partage de matériel de consommation de substances
VP2 Vert pâle Non VPE Personnes en situation d’itinérance, d’instabilité ou de logement inadéquat
VP3 Vert pâle Non VPE Stigmatisation associée à la consommation de substances
VP4 Vert pâle Non VPE Population carcérale
VFE Vert foncé Oui CENT, VF1, VF2, VF3 Risque accru de conséquences graves
VF1 Vert foncé Non VFE, VPE Possibilité de surreprésentation des personnes qui consomment des substances au sein des groupes présentant un risque élevé de conséquences graves
VF2 Vert foncé Non VFE Confusion possible entre symptômes de sevrage et symptômes de la COVID-19
VF3 Vert foncé Non VFE Possibilité d’effets nocifs associés à l’utilisation de certaines substances chez les personnes atteintes de la COVID-19

Remarque : Les liens entre COVID-19 et méfaits liés à la consommation de substances peuvent différer selon les groupes sociodémographiques et socioéconomiques. Certains groupes sont susceptibles de présenter un risque élevé de méfaits liés à la consommation de substances et à la COVID-19, ce qui nécessite d’effectuer des recherches sur ces concepts dans une optique d’équité en matière de santé.


Ces domaines sont susceptibles de se recouper et d’interagir, ce qui peut accroître le risque de préjudices dans de nombreux cas. De plus, les concepts et les relations peuvent différer entre groupes sociodémographiques et socio-économiques (p. ex. selon le sexe, l’origine ethnique, la discrimination raciale subie, le revenu ou la profession), car les différents groupes et collectivités du Canada ne sont pas tous touchés de façon égale par la COVID-19 ou les méfaits liés aux substances. Bien que divers articles aient été publiés sur les effets disproportionnés de la COVID-19 aux États-Unis et sur la façon dont la pandémie a exacerbé les inégalités en santéNote de bas de page 11, peu de données probantes étaient disponibles en juin 2020 sur la situation au Canada.

Consommation de substances comme stratégie d’adaptation

La pandémie de COVID-19 a affecté de nombreuses dimensions de la vie quotidienne. On peut alors se tourner vers des substances pour composer avec la détresse et d’autres effets secondaires de la COVID-19, comme l’ennui et les changements d’habitudes. Une enquête menée auprès de 1 036 adultes au Canada entre le 30 mars et le 2 avril 2020 a révélé qu’un quart des personnes de 35 à 54 ans ont fait état d’une augmentation de leur consommation d’alcool pendant la pandémieNote de bas de page 12.

Répercussions de la COVID-19 sur la santé mentale

On mesure de plus en plus à quel point la pandémie est susceptible d’avoir une incidence directe et indirecte sur la santé mentale. Des symptômes de stress, d’anxiété et de dépression associés à la pandémie ont été observés au sein de la population généraleNote de bas de page 13. Un nombre plus réduit de personnes de 15 ans et plus ont déclaré être en excellente ou en très bonne santé mentale au cours de la période allant du 30 mars au 2 avril 2020 comparativement aux estimations de 2018Note de bas de page 14. Cette enquête a révélé aussi que les jeunes adultes (15 à 24 ans) étaient particulièrement touchés, 62 % d’entre eux ayant déclaré être en excellente ou très bonne santé mentale en 2018, contre 42 % seulement pendant la pandémieNote de bas de page 14, ce qui fait que ce groupe d’âge pourrait également présenter un risque plus élevé de consommation de substances, en réaction à la situation.

Le nombre de personnes éprouvant de la détresse risque d’augmenter pour des raisons directement liées à la COVID-19, c’est-à-dire du fait d’un diagnostic d’infection ou d’un risque de transmission. Davantage de personnes encore risquent d’éprouver de la détresse en raison des effets secondaires de la pandémie, par exemple du fait des répercussions économiques ou des changements dans les services en soins de santé. Les participants à une enquête menée au Royaume-Uni ont fait état d’une augmentation de l’anxiété, de la dépression, du stress et des préoccupations liés aux effets de la distanciation physique et de diverses conséquences pratiques sur leur bien-être, comme les répercussions financièresNote de bas de page 15.

Stigmatisation associée à la COVID-19

Les expériences de stigmatisation sociale liées à la COVID-19 risquent de contribuer à de piètres résultats en matière de santé mentale au sein de certains groupes de la population. Par exemple, les stéréotypes et les préjugés véhiculés dans les médias, comme l’utilisation de termes associant la COVID-19 à la Chine (« virus chinois »), peuvent alimenter la discrimination et la stigmatisationNote de bas de page 16. Les personnes âgéesNote de bas de page 17, les travailleurs de la santé et les personnes ayant obtenu un résultat positif au test de la COVID-19 ainsi que leurs familles font partie des groupes qui sont également susceptibles d’être confrontés à de la stigmatisationNote de bas de page 18. Une détresse accrue ainsi que diverses répercussions sur la santé mentale risquent d’entraîner une consommation excessive de substancesNote de bas de page 19.

Difficultés liées à l’emploi, à la situation financière et à l’accès aux besoins fondamentaux

Au Canada, de nombreuses personnes ont connu des difficultés en raison de la baisse de l’emploi entre février et avril 2020Note de bas de page 20. En avril 2020, environ 5,5 millions de Canadiens avaient perdu leur emploi ou travaillaient selon un horaire sensiblement réduitNote de bas de page 20. Le taux d’emploi a diminué plus fortement chez les nouveaux immigrants que chez les personnes nées au Canada. De plus, comparativement aux hommes, les femmes ont affiché des taux de chômage plus élevés au cours des premiers mois de la pandémieNote de bas de page 20.

Pour certains, la pandémie s’est traduite par du télétravail, des changements dans leurs horaires réguliers et une forme d’ennui. Or un sondage de 2020 publié par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a révélé que les changements d’horaire et l’ennui étaient deux des trois principales raisons invoquées pour augmenter sa consommation d’alcool et de cannabisNote de bas de page 12. La troisième raison la plus souvent mentionnée était le stress. Il est à noter que cette enquête a été menée trois jours avant le début de l’éclosion et que la situation a évolué depuis. La perte d’emploi ou l’insécurité liée à l’emploi ainsi que des difficultés financières durables et des problèmes connexes, comme l’insécurité alimentaire et l’insécurité en matière de logement, risquent d’avoir entraîné une augmentation du stress.

Répercussions sur les travailleurs essentiels

Les travailleurs ayant continué à fournir des services essentiels sont susceptibles d’avoir connu un risque accru d’exposition à la COVID-19 et à la transmission du virus sur leur lieu de travail. On entend par travailleurs essentiels les personnes employées dans les domaines des soins de santé, du transport et de l’alimentation, ainsi que les services nécessaires au fonctionnement fondamental de la société. Ces travailleurs sont confrontés à des demandes et à des défis associés à la mise en œuvre de protocoles nouveaux et toujours changeants en lien avec la COVID-19. Ils risquent davantage de souffrir de dépression, d’anxiété et de détresseNote de bas de page 21, ce qui augmente la probabilité de consommation de substances.

Disponibilité des services en santé mentale

La capacité des services en santé mentale, notamment la disponibilité et l’accessibilité à du personnel formé et aux infrastructures, risque de diminuer pendant la pandémie. Or la demande de services est susceptible d’augmenter au fur et à mesure que les gens essaient de composer avec les facteurs de stress associés à la COVID-19. De plus, de nombreux fournisseurs de services ont fait la transition vers des services de télésantéNote de bas de page 22, ce qui peut constituer un obstacle, entre autres pour les personnes qui n’ont pas d’accès régulier à un téléphone, un ordinateur ou un espace privé. Si les besoins en santé mentale ne sont pas satisfaits en raison de ces limitations, les individus sont susceptibles de se tourner vers la consommation de substances comme mécanisme d’adaptationNote de bas de page 19.

Changements liés au soutien social et aux réseaux

Effets sur le soutien social et les activités

La distanciation physique, la fermeture des installations récréatives et communautaires, les limites imposées aux rassemblements culturels et religieux et divers autres effets secondaires de la COVID-19 sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’accès aux services de soutien social et aux ressources pour répondre au stress. Cela peut entraîner un sentiment d’isolement ou d’ennuiNote de bas de page 23. Les restrictions ou les changements apportés aux services, par exemple en matière de soins de fin de vie et d’arrangements funéraires, risquent également d’avoir une incidence sur le soutien offert aux personnes qui ont perdu un membre de leur famille ou un ami pendant la pandémie. La diminution du soutien social et l’isolement sont susceptibles d’être associés à de la détresse et à une consommation accrue de substances en réaction à la situationNote de bas de page 24Note de bas de page 25. Ce manque de soutien et l’isolement social risquent également d’avoir une incidence disproportionnée sur certaines personnes, par exemple sur celles vivant dans des maisons de retraite ou des établissements de soins de longue durée (qui reçoivent peu de visiteurs), sur celles vivant seules et sur les travailleurs essentiels qui doivent passer beaucoup de temps loin de leur famille.

Lorsque les gens combattent un trouble lié à la consommation de substances, le soutien social, notamment les soutiens informels et les réunions de groupe de soutien par les pairs, constitue un aspect crucial du rétablissementNote de bas de page 9. Or, parmi les effets secondaires de la COVID-19, il y a un risque de réduction de l’accès à ces services de soutien social. Les groupes de soutien peuvent continuer à fonctionner à l’aide de plateformes Internet, mais les personnes qui ont des difficultés à accéder à la technologie ne peuvent pas bénéficier de ce type de soutien.

Augmentation de la demande de soins

Les revendications en matière de garde d’enfants et de prestation de soins sont susceptibles d’augmenter en raison de la fermeture de garderies et d’écoles et de changements dans l’accès au soutien et aux soins découlant de la distanciation physique. De plus, de nombreuses personnes prennent soin d’êtres chers malades ou en détresse pendant la pandémie. Les répercussions de ces demandes ne sont pas égales pour tous les groupes sociodémographiques : par exemple, un nombre disproportionnellement élevé d’aidants naturels sont des femmesNote de bas de page 26. Par conséquent, le genre ainsi que d’autres facteurs ayant une influence sur les inégalités en santé devraient être pris en compte dans l’examen de ces questionsNote de bas de page 26. La qualité des soins et le risque d’infection pour les soignants sont également particulièrement à surveiller. Ces changements dans les demandes de soins sont susceptibles d’accroître la détresse et la consommation de substances pour y faire face.

Changement dans les habitudes de consommation de substances avec les autres

Les habitudes de consommation de substances, notamment l’endroit où les individus consomment et les personnes avec lesquelles ils consomment des substances, sont susceptibles de changer en raison du besoin de distanciation physique et de divers autres effets secondaires de la COVID-19. La réduction ou la fermeture des services de réduction des méfaits risque également d’avoir une incidence sur les habitudes de consommation de substances. Si les personnes suivent les directives de distanciation physique, elles risquent de consommer seules des substances, ce qui augmente le risque de décès en cas de surdoseNote de bas de page 27. Elles peuvent également être amenées à consommer dans des lieux publics, ce qui peut entraîner un risque accru de dommages, d’anxiété et de probabilité d’arrestation, voire d’incarcérationNote de bas de page 28.

Changements liés à l’offre et à l’accès aux substances

Les restrictions relatives aux déplacements internationaux et la réduction des déplacements entre les provinces et les territoires du Canada ont eu une incidence sur les chaînes d’approvisionnement de substances illégalesNote de bas de page 29Note de bas de page 30. De plus, les mesures de réduction des risques de la COVID-19, comme la distanciation physique et l’auto-isolement, sont également susceptibles d’avoir une incidence sur l’accès. Des approvisionnements limités peuvent modifier la puissance ou la composition des drogues illicites disponiblesNote de bas de page 31. Les changements dans l’offre et l’accès peuvent également constituer un obstacle aux mesures de réduction des risques de la COVID-19. Par exemple, les personnes qui cherchent de nouvelles sources d’approvisionnement pourraient ne pas respecter la distanciation physique.

Si l’accès aux substances est limité, il risque d’y avoir une augmentation du nombre de personnes en sevrage et une augmentation du nombre de personnes qui commencent à utiliser des substances nouvelles ou inconnues mais plus facilement accessiblesNote de bas de page 31. Les interruptions d’approvisionnement risquent d’affecter la tolérance d’une personne, augmentant son risque de surdose lorsque les substances deviennent disponibles. Le risque de surdose est également vraisemblablement plus élevé si les substances sont plus puissantes ou si elles sont contaminées.

Dans certaines provinces, le nombre de surdoses a augmenté depuis le début de la pandémie. En juin 2020, la Colombie-Britannique a enregistré le plus grand nombre de décès à ce jour attribuables à une intoxication aux drogues illicites, ainsi qu’une augmentation du nombre de cas impliquant des concentrations élevées de fentanylNote de bas de page 32. Il convient de noter qu’il existe des disparités spatiales dans la dynamique de l’offre et dans la façon dont les provinces, les territoires et les municipalités s’efforcent d’atténuer ces problèmes.

En ce qui concerne les substances légales comme l’alcool et le cannabis, certaines provinces et certains territoires ont apporté des changements aux règlements en vigueur sur la vente de ces substances. Bien que la plupart des établissements autorisés aient été fermés pour les repas et la consommation d’alcool sur place pendant la période initiale des mesures restrictives, certaines autres mesures ont accru l’accès à l’alcool. Par exemple, les restaurants titulaires d’un permis en Ontario ont été autorisés à vendre de l’alcool avec les commandes à emporter et les livraisons, et à vendre des spiritueux à un prix réduit avec ces commandesNote de bas de page 33. La livraison de cannabis par des magasins de détail titulaires d’un permis a également été autorisée en Ontario en mars, mais a été interrompue en juilletNote de bas de page 34.

Changements dans la disponibilité et l’accessibilité des services liés à la consommation de substances et aux méfaits

Répercussions sur les services de traitement, les thérapies de proximité et les thérapies liées à la consommation de substances

La pandémie de COVID-19 est susceptible d’avoir une incidence sur la disponibilité et l’accessibilité de certains services de traitement pour les troubles liés à la consommation de substancesNote de bas de page 4Note de bas de page 5. De nombreux fournisseurs se sont tournés vers les services de télésanté externes, ce qui peut modifier les temps d’attente. Les personnes qui utilisaient les services de sensibilisation pour la consommation de substances et les méfaits connexes risquent d’être affectées pendant la pandémie : les services pour les programmes de sensibilisation sont susceptibles d’être réduits en raison des limites en matière de personnel ou d’infrastructure.

Certains commentaires et reportages dans les médias ont fait état des répercussions de la COVID-19 sur les traitements par agonistes opioïdes, notamment au niveau des politiquesNote de bas de page 4Note de bas de page 5. Comme ces traitements sont généralement administrés en personne sur une base régulière, la pandémie peut perturber le plan de traitement des personnes qui demeurent isolées ou qui ont peur de quitter leur domicile. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les administrations ont réagi de façon variée pour atténuer les problèmes liés à l’approvisionnement sécuritaire de substances. Par exemple, la Colombie-Britannique a redoublé d’efforts pour assurer un approvisionnement sûr en substances afin de réduire les méfaits pendant la pandémieNote de bas de page 35. Cette approche par approvisionnement sûr consiste à prescrire et à distribuer des médicaments de qualité pharmaceutique comme solution de remplacement à l’approvisionnement illicite de substances dans la rue pour les personnes qui risquent de subir des méfaits comme une surdoseNote de bas de page 36.

Services de réduction des méfaits

Certains centres offrant des services de réduction des méfaits, notamment les centres de consommation supervisée, ont réduit leurs heures d’ouverture, ont limité le nombre de personnes pouvant être reçues ou ont temporairement fermé pendant la pandémie de COVID-19Note de bas de page 37. Cette réduction de services risque de limiter le nombre de centres de consommation disponibles, en conséquence du respect des mesures de distanciation physique et des réductions de personnel liées à la nécessité de s’isoler ou de se mettre en quarantaine. Les programmes qui fournissent du matériel de réduction des méfaits (p. ex. matériel stérile) et distribuent de la naloxone risquent d’être confrontés à des fermetures, à des heures d’ouverture réduites et à diverses autres restrictions de serviceNote de bas de page 38 qui limitent le nombre de personnes auxquelles ils peuvent fournir des services.

Capacité des services d’urgence, des hôpitaux et des premiers intervenants à traiter les surdoses et autres méfaits liés à la consommation de substances

Lorsque les hôpitaux ou les premiers intervenants sont débordés par l’arrivée de patients à la suite d’une pandémie, leur capacité à intervenir et à fournir un traitement pour les surdoses et autres méfaits liés à la consommation de substances est limitéeNote de bas de page . De plus, certaines personnes peuvent choisir de retarder leur traitement, d’éviter de recourir aux services de soins de santé ou de s’abstenir d’appeler les services d’urgence en raison de craintes associées à la COVID-19.

Le traitement des surdoses liées à une drogue risque d’être modifié en raison de la COVID-19. Les intoxications aux opioïdes (surdoses) sont habituellement traitées en administrant de la naloxone et en fournissant immédiatement de l’oxygène au moyen d’un masque ou d’un respirateur artificiel. Or les premiers intervenants ne sont plus nécessairement en mesure de fournir de l’oxygène de cette façon en raison du risque de transmission de la COVID-19Note de bas de page 29. De plus, certains premiers intervenants ont cessé d’administrer la naloxone par vaporisateur nasal en raison du risque de transmission de la COVID-19 par gouttelettes nasalesNote de bas de page 39. En date de juin 2020, aucun changement n’a cependant été relevé dans les pratiques d’administration de la naloxone par injection.

Certaines personnes ayant fait une surdose ont besoin d’un ventilateur pour survivre. Or, si la demande de ventilateurs explose en raison de la COVID-19, ces derniers seront disponibles seulement un nombre limitéNote de bas de page .

Risque accru de transmission de la COVID-19 chez les personnes qui consomment des substances

Risque accru de transmission en raison du partage de matériel de consommation de substances

Le partage de matériel de consommation de substances (p. ex. pipes, joints, dispositifs de vaporisation ou récipients d’alcool) augmente le risque de transmission du virus. (Ceci est relié à la « disponibilité des services de réduction des méfaits », car la disponibilité et l’accessibilité des services de réduction des risques, comme les programmes d’approvisionnement en produits stériles, peuvent avoir une incidence sur l’accès à du matériel propre et, par conséquent, sur le risque de transmission.)

Stigmatisation associée à la consommation de substances

La stigmatisation associée à la consommation de substances découle de croyances erronées selon lesquelles les personnes atteintes de troubles liés à la consommation de substances sont à condamner pour leur état ou qu’elles sont dangereuses ou imprudentes, et que la consommation de substances est un choix ou une question de volonté. Les expériences liées à la stigmatisation peuvent constituer un obstacle à l’accès aux services sociaux et de santéNote de bas de page 40. Les personnes qui consomment des substances risquent également de recevoir des services de santé de moins bonne qualité ou d’adopter des comportements nocifs ou certains mécanismes de défense (p. ex. éviter de recevoir des soins de santé ou consommer plus souvent des substances).

Les résultats associés à la stigmatisation des personnes qui consomment des substances peuvent être exacerbés pendant la pandémie et peuvent nuire à l’accès de celles-ci à des soins et à l’adoption des mesures de réduction des risques de la COVID-19Note de bas de page 6Note de bas de page 12Note de bas de page 41. Les personnes qui consomment des substances risquent de subir de multiples formes de stigmatisation (c.-à-d. en fonction de leur état de santé, de leurs caractéristiques, de leur sexe, de leur genre ou de leur identité de genre, d’une identité racialisée, de leur âge, de leurs capacités ou de leur langue). Les liens complexes entre stigmatisations multiples sont susceptibles d’avoir d’autres répercussions sur la santéNote de bas de page 40.

Population carcérale

Les personnes qui consomment des substances ont tendance à être surreprésentées au sein de la population carcérale, et la consommation de substances est courante au sein de la population carcérale au CanadaNote de bas de page 42. La population carcérale court un risque accru de transmission de maladies pendant la pandémie et est confrontée à des défis spécifiques lors de la mise en œuvre des mesures de réduction des risquesNote de bas de page 7Note de bas de page 43. Par exemple, le vieillissement de la population carcérale, les problèmes de surpopulation dans les cellules et la forte prévalence de la consommation de substances et de comorbidités connexes peuvent augmenter le risque d’infection par la COVID-19 et la probabilité de conséquences gravesNote de bas de page 43.

Personnes en situation d’itinérance, d’instabilité ou de logement inadéquat

Les personnes qui consomment des substances risquent de connaître davantage de problèmes de logement ou d’itinérance. Les personnes qui utilisent habituellement les refuges, des logements communautaires ou surpeuplés ou les lieux publics sont moins susceptibles d’avoir un accès régulier à des produits d’hygiène et risquent de ne pas pouvoir respecter la distanciation physique. Elles sont également plus à risque de contracter et de transmettre la COVID-19. Par ailleurs, elles sont susceptibles d’être confrontées à des obstacles à la mise en œuvre de mesures de réduction des risquesNote de bas de page 44. La réduction des services due à la pandémie et la capacité limitée des refuges risquent de constituer un obstacle à l’accès aux refuges, aux installations d’hygiène et aux lieux sûrs pour consommer des substances. Cela est susceptible d’augmenter les risques d’infection et de surdose. De plus, cette population a souvent un accès plus restreint aux services de santé, présente des taux plus élevés de consommation de substances et pourrait être moins encline à respecter les mesures de réduction des risques (comme utiliser du matériel stérile pour la consommation de droguesNote de bas de page 44).

Risque accru de conséquences graves chez les personnes qui consomment des substances

Possibilité de surreprésentation des personnes qui consomment des substances au sein des groupes à risque élevé de conséquences graves

Souffrir de plusieurs problèmes de santé préexistants constitue un facteur de risque de conséquences graves chez les personnes ayant reçu un diagnostic de COVID-19Note de bas de page 45. Bon nombre des problèmes ayant été identifiés comme des facteurs de risque sont connus pour avoir également une incidence disproportionnée sur les personnes qui consomment des substances : maladies cardiovasculaires et système immunitaire affaibliNote de bas de page 45Note de bas de page 46.

Comme nous l’avons mentionné dans la section « Consommation de substances comme moyen d’adaptation », les effets de la pandémie sont susceptibles de contribuer à l’augmentation de la consommation de substances. De plus, l’utilisation de certaines substances est susceptible d’accroître le risque de maladie grave chez les personnes ayant reçu un diagnostic de COVID-19 et d’affaiblir leur système immunitaire et, plus spécifiquement, l’utilisation d’opioïdes immunosuppresseurs à action prolongée, comme la méthadone ou le fentanyl, a été associée à des risques accrus d’infections respiratoiresNote de bas de page 47.

L’interruption soudaine de fourniture en opioïdes, qui peut déclencher un phénomène de sevrage, a également été associée à un risque élevé d’infection graveNote de bas de page 48, ce qui signifie que les perturbations dans l’accès aux opioïdes pendant la pandémie risquent d’exacerber le risque d’infection par la COVID-19.

La consommation chronique d’alcool a également été associée à un affaiblissement de la fonction immunitaire, et une consommation même modérée a été associée à un risque accru d’infectionNote de bas de page 49.

Possibilité d’effets nocifs associés à l’utilisation de certaines substances chez les personnes atteintes de la COVID-19

Parmi les personnes infectées par la COVID-19, celles qui consomment des substances risquent de présenter des complications et des conséquences plus graves. L’utilisation d’opioïdes augmente le risque d’infections respiratoires qui, à son tour, augmente le risque de complications et de conséquences graves de la maladieNote de bas de page 7. La consommation de méthamphétamine peut également augmenter le risque de complications graves de la COVID-19, car elle peut entraîner des lésions pulmonaires et altérer la fonction immunitaireNote de bas de page 7Note de bas de page 50. L’examen des effets indésirables potentiels de la consommation de méthamphétamine chez les personnes atteintes de la COVID-19 pourrait constituer un champ de recherche pertinent puisque la prévalence de la consommation de méthamphétamine est en hausse en Amérique du NordNote de bas de page 50.

En raison de leurs effets nocifs sur la santé pulmonaire, le tabagisme et le vapotage sont également susceptibles d’accroître le risque d’infection grave par la COVID-19Note de bas de page 7. Toutefois, ces liens n’ont pas encore été corroborés et une étude plus approfondie s’impose.

La consommation de plusieurs substances (polytoxicomanie) peut avoir une incidence sur l’évolution de la maladie et pourrait interagir avec certains facteurs de risque, notamment un âge avancé ou le fait de présenter une ou plusieurs maladies chroniques, corrélés à des conséquences graves de la COVID-19.

Outre la possibilité que la consommation de substances influe sur la gravité des conséquences de la COVID-19, les effets de la COVID-19 sur la fonction respiratoire pourraient avoir une incidence sur le risque de surdose d’opioïdes. Les maladies respiratoires chroniques ont été associées à un risque accru d’hospitalisation et de mortalité par surdose d’opioïdesNote de bas de page 51Note de bas de page 52. De même, la diminution de la capacité pulmonaire causée la COVID-19 pourrait en accroître davantage les méfaitsNote de bas de page 7. Associé aux éventuels changements dans l’approvisionnement en drogues et à la disponibilité réduite de certains services de réduction des méfaits et de traitement, comme nous l’avons vu ci-dessus, le risque de surdose pendant la pandémie peut être particulièrement élevé pour certaines personnes qui consomment des substances.

Confusion possible entre symptômes de sevrage et symptômes de la COVID-19

Certains symptômes de la COVID-19, comme la fièvre et des difficultés à respirer, risquent d’être confondus avec des symptômes de sevrage chez les personnes qui consomment des substances. Par ailleurs, les changements dans l’approvisionnement en médicaments en circulation et les services disponibles à la suite de la pandémie risquent de faire augmenter le nombre de personnes en sevrage. Il risque aussi d’y avoir moins de recension de ces problèmes en raison des limites de l’accessibilité ou de la disponibilité en services pendant la pandémie.

Incidence sur la recherche

Le thème des effets secondaires de la pandémie de COVID-19 est en transformation rapide. Notre modèle conceptuel des méfaits liés à la consommation de substances et à la COVID-19 offre une orientation pour les futurs champs de recherche où les données probantes sont actuellement insuffisantes.

Comme ce champ de recherche est en émergence, peu d’études et d’examens originaux évalués par des pairs étaient disponibles, ce qui fait que nous avons également inclus des commentaires et des sources non révisées pour enrichir l’élaboration de notre modèle. Bien que la qualité des données probantes ayant été utilisées pour ce modèle conceptuel soit limitée, l’inclusion de diverses sources de données probantes, notamment des travaux de recherche originaux évalués par des pairs, a permis un examen rapide et approfondi de ce nouveau domaine. Même si les modèles conceptuels ne visent pas à préciser comment et où cibler les interventionsNote de bas de page 14, l’information fournie ici est susceptible d’aider à déterminer dans quels domaines la recherche pourrait appuyer les efforts d’intervention.

Le modèle actuel indique que la COVID-19 et ses effets secondaires pourraient avoir une incidence profonde sur la façon dont les Canadiens consomment des substances et sur les méfaits spécifiques auxquels ils sont exposés. Il est donc nécessaire d’étudier ces sujets pour confirmer ou réfuter les relations proposées ici.

Ce modèle présente cinq domaines de concepts interreliés qui mettent en évidence des associations potentielles intéressantes. On a besoin de preuves empiriques sur les changements dans les schémas de consommation de substances en réponse aux effets de la pandémie sur la santé mentale et la société. La consommation de substances et l’exposition à ses méfaits connexes sont susceptibles d’être influencées par plusieurs changements en matière de soutien social, d’accès sécuritaire aux substances et d’accès aux services. Le risque d’infection par la COVID-19 chez les personnes qui consomment des substances, ainsi que les conséquences graves chez celles qui ont reçu un diagnostic de COVID-19, doivent être surveillés afin de comprendre dans quelle mesure la consommation de substances, notamment la polytoxicomanie, contribue à l’évolution de la maladie.

Les relations proposées dans ce modèle sont vraisemblablement à l’intersection avec également divers facteurs sociodémographiques ou socio-économiques, car certaines populations présentent un risque élevé d’exposition aux méfaits liés à la consommation de substances et d’exposition à la COVID-19. Afin de documenter les inégalités et les iniquités en santé, il faut donc étudier la façon dont les liens entre pandémie et méfaits liés à la consommation de substances varient en fonction des collectivités et des groupes au Canada.

Conclusion

Dans cet article, nous avons présenté un modèle illustrant divers concepts pertinents interreliés dans un nouveau champ de recherche, celui de la consommation de substances et de ses méfaits connexes dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Dans le but de faire le bilan de ce dont on dispose et de définir les futures orientations de la recherche, ce modèle conceptuel rassemble l’information provenant de diverses sources, que ce soit la littérature évaluée par des pairs, des articles d’opinion et des commentaires, des données non publiées ou des avis et des perspectives de spécialistes sur la consommation de substances et ses méfaits connexes pendant la pandémie de COVID-19.

Il est probable que les effets de la pandémie sur la consommation de substances et ses méfaits connexes n’aient pas encore été pleinement appréhendés. Il est nécessaire d’obtenir des données probantes pour élucider les relations présentées dans ce modèle conceptuel, afin de mieux répondre aux divers défis au fur et à mesure de leur évolution et afin d’orienter les futurs travaux de recherche et considérations en matière de politique et de programmes pendant la pandémie.

Conflits d’intérêts

Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteures et avis

AE et HO ont conçu le projet. AE, AP, JV et VG ont effectué l’analyse documentaire. AE a dirigé l’élaboration du modèle conceptuel. AP, JV, VG, MG, NF, TK, BD, AN et HO ont contribué à l’élaboration du modèle. AE a rédigé l’article. Toutes les auteures ont effectué une relecture critique de l’article.

Le contenu de cet article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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