Recherche quantitative originale – Accès à du soutien en santé mentale, besoins non comblés et préférences en la matière chez les adolescents au cours de la première année de la pandémie de COVID-19

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Lauren R. Gorfinkel, M.P.H.Note de rattachement des auteurs 1; Gaelen Snell, M.P.H.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; David Long, M.D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Mari del Casal, B.A.Note de rattachement des auteurs 2; Judy Wu, M.P.H.Note de rattachement des auteurs 2; Kimberly Schonert-Reichl, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3; Martin Guhn, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4; Hasina Samji, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 5

https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.4.03f
(Publié en ligne le 18 janvier 2023)

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Lauren Gorfinkel, Département de médecine, Université de la Colombie-Britannique, 2350 Health Sciences Mall, Vancouver (Colombie-Britannique) V6T 1Z3; courriel : lrgorfinkel@gmail.com

Citation proposée

Gorfinkel LR, Snell G, Long D, del Casal M, Wu J, Schonert-Reichl K, Guhn M, Samji H. Accès à du soutien en santé mentale, besoins non comblés et préférences en la matière chez les adolescents au cours de la première année de la pandémie de COVID-19. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(4):201-210. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.4.03f

Résumé

Introduction. La pandémie de COVID-19 a eu des effets importants sur la santé mentale des adolescents. Toutefois, on en sait peu sur la recherche de soutien, les besoins non comblés et les préférences des adolescents en matière de soins de santé mentale.

Méthodologie. L’instrument YDI (Youth Development Instrument, ou Instrument de mesure du développement des jeunes) est une enquête menée auprès d’adolescents (N = 1 928; âge moyen = 17,1; écart-type [ET] = 0,3) dans des écoles de la Colombie-Britannique (Canada). Nous avons évalué, dans la cohorte de l’enquête, les caractéristiques des ressources de soutien en santé mentale consultées, la prévalence des besoins non comblés et la préférence pour les services offerts en personne ou les services offerts sur Internet.

Résultats. Dans l’ensemble, 40 % des adolescents ont déclaré avoir consulté une ressource de soutien en santé mentale et 41 % ont vu leurs besoins non comblés. Les ressources de soutien le plus souvent consultées ont été les médecins de famille ou les pédiatres (23,1 %) et les adultes à l’école (20,6 %). Le mode de prestation de soins de santé mentale préféré par les adolescents était le counseling en personne (72,4 %), suivi par les services offerts par clavardage (15,0 %), par téléphone (8,1 %) et par appel vidéo (4,4 %). La prévalence ajustée de l’accès à du soutien était élevée chez les adolescents souffrant d’anxiété (ratio de prévalence ajusté [RPa] = 1,29; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,10 à 1,51), les adolescents consommant de l’alcool (RPa = 1,14; IC à 95 % : 1,01 à 1,29), les minorités de genre (RPa = 1,28; IC à 95 % : 1,03 à 1,58) et les minorités sexuelles (RPa = 1,28; IC à 95 % : 1,03 à 1,45). La prévalence ajustée des besoins non comblés était élevée chez les adolescents souffrant de dépression (1,90; IC à 95 % : 1,67 à 2,18), les adolescents souffrant d’anxiété (RPa = 1,78; 1,56 à 2,03), les adolescentes (RPa = 1,43; IC à 95 % : 1,31 à 1,58), les minorités de genre (1,45; IC à 95 % : 1,23 à 1,70) et les minorités sexuelles (RPa = 1,15; IC à 95 % : 1,07 à 1,23).

Conclusion. Les adolescents faisant partie d’une minorité de genre ou d’une minorité sexuelle et les adolescents souffrant d’anxiété ont été plus susceptibles que les autres d’avoir parlé de leurs préoccupations en lien avec leur santé mentale et également d’avoir fait état de besoins non comblés. Les sources de soutien les plus courantes ont été les fournisseurs de soins de santé primaires et les adultes à l’école, tandis que le mode de soutien préféré a été les services en personne et le moins aimé, les services par appel vidéo.

Mots-clés : services de santé mentale, besoins non comblés, dépression, anxiété, consommation de substances

Points saillants

  • Chez les adolescents, pendant la pandémie de COVID-19, les ressources de soutien en santé mentale le plus souvent consultées ont été les fournisseurs de soins primaires et les adultes à l’école.
  • Le mode de prestation de soins de santé mentale que les adolescents ont préféré était le counseling en personne et celui qu’ils ont le moins aimé, le counseling par appel vidéo.
  • Les adolescents souffrant de dépression ou d’anxiété et les adolescents appartenant à une minorité de genre ou sexuelle ont été plus nombreux à avoir eu des besoins non comblés en matière de soutien en santé mentale.
  • Les interventions futures devraient cibler ces groupes mal desservis et mettre l’accent sur le rôle des soins primaires, sur les interventions en milieu scolaire et sur les services offerts en personne.

Introduction

La pandémie de COVID-19 a fait de la santé mentale et de la consommation de substances chez les adolescents des sources de préoccupation importantesNote de bas de page 1, les recherches faisant état d’une hausse des taux de trouble dépressif majeur, d’anxiété généralisée et de consommation d’alcool et de cannabis depuis avril 2020Note de bas de page 2Note de bas de page 3. Durant la pandémie, une proportion non négligeable d’adolescents ont commencé à consommer des substances principalement en solitaireNote de bas de page 3, et l’on estime que près de la moitié des adolescents ont ressenti une augmentation des symptômes de dépression ou d’anxiétéNote de bas de page 4.

À ce jour, un grand nombre d’études ont porté sur les caractéristiques associées à une mauvaise santé mentale chez les adolescents pendant cette périodeNote de bas de page 5 et en ont dégagé les facteurs de risque et les facteurs de protectionNote de bas de page 1Note de bas de page 6. Certaines études ont analysé l’accès aux services de santé mentale pendant la pandémie à l’aide des données issues des dossiers administratifs, notamment les données sur les visites aux services des urgences pédiatriquesNote de bas de page 7Note de bas de page 8 et les aiguillages vers des services de santé mentale spécialisésNote de bas de page 9Note de bas de page 10. Ces études fournissent des renseignements essentiels sur la prestation des services de santé mentale pendant la pandémie, car ils ne sont pas limités par un biais de réponse ou par les souvenirs des participants. En revanche, les données sur l’accès à des formes de soutien en santé mentale de nature moins urgente ou moins spécialisée, par exemple les médecins de famille ou les enseignants, sont limitées.

Peu d’études ont été menées auprès d’adolescents de la population générale en comparaison de celles menées auprès de patients adolescents à partir des dossiers administratifsNote de bas de page 11. Il s’agit là d’une lacune importante, car les dossiers administratifs ne permettent pas d’évaluer les besoins non comblés, du fait qu’ils ne portent que sur les adolescents qui ont eu accès à des soins. Les dossiers administratifs ne permettent pas non plus de calculer la prévalence de la recherche de soutien dans un échantillon d’adolescents issus de la population générale, étant donné qu’ils sont limités aux patients et à certaines formes de soutien en santé mentale.

Il existe également peu de données sur la perception qu’ont les adolescents des soins de santé mentale virtuels, qui ont connu un essor rapide pendant la pandémieNote de bas de page 12Note de bas de page 13. Même si les soins virtuels sont devenus plus accessibles, on ne sait pas ce que les adolescents pensent des services en ligne ni quelles formes de soutien virtuel ils préfèrent. Selon une enquête menée en ligne, une majorité de jeunes présentant un trouble intériorisé seraient prêts à envisager le recours à des services virtuelsNote de bas de page 4, mais cette étude incluait de jeunes adultes jusqu’à 29 ans et ne mesurait pas l’accès réel à du soutien. Ainsi, même si la pandémie a révélé des vulnérabilités dans la santé mentale des jeunes, des lacunes évidentes demeurent dans notre compréhension de la recherche de soutien, des besoins non comblés et des préférences des adolescents en matière de services de santé mentale.

C’est dans ce contexte que nous avons voulu évaluer la prévalence de l’accès à du soutien en santé mentale par les adolescents de la Colombie-Britannique au cours de la première année de la pandémie de COVID-19, ainsi que les caractéristiques associées à la recherche de soutien et aux besoins non comblés en matière de soins de santé mentale. Nous avons également voulu cerner les principales sources de soutien en santé mentale et la forme de prestation de services de santé mentale préférée par les adolescents au cours de la première année de la pandémie de COVID-19. À l’aide des renseignements recueillis, nous avons tenté d’analyser le cadre et le mode de prestation optimaux de même que les populations cibles pour les interventions en santé mentale chez les adolescents pendant et après la pandémie.

Contexte : réponse à la COVID-19 dans les écoles de la Colombie-Britannique

En Colombie-Britannique, contrairement à de nombreuses autres provinces canadiennes et à de nombreux États américains, l’enseignement a continué de se faire en grande partie en personne tout au long de l’hiver et du printemps 2021Note de bas de page 14, ce qui nous a permis de réaliser l’enquête en personne. Toutefois, comme ailleurs dans le monde, les adolescents ne pouvaient pas participer à des activités parascolaires, à des activités récréatives ou à des rassemblements sociaux. En juin 2020, le gouvernement provincial a annoncé un investissement de cinq millions de dollars canadiens pour bonifier les ressources en santé mentaleNote de bas de page 15 et la majorité de la somme investie a servi à mettre au point des interventions en santé mentale en ligneNote de bas de page 13Note de bas de page 15Note de bas de page 16. Toutefois, on ne sait pas ce que les adolescents ont pensé de ce modèle de soins, ni dans quelle mesure les services virtuels ont permis de répondre aux besoins en matière de santé mentale.

Méthodologie

Approbation éthique

Cette étude a été approuvée par le comité d’éthique de la recherche comportementale de l’Université de la Colombie-Britannique.

Cadre et participants

L’instrument YDI (Youth Development Instrument, soit Instrument de mesure du développement des jeunes, « instrument YDI » dans la suite du texte) est une enquête informatisée en milieu scolaire menée auprès d’élèves du secondaire, en partenariat avec certains districts scolaires de la Colombie-Britannique, le Human Early Learning Partnership de l’Université de la Colombie-Britannique (HELP-UBC) ainsi que des conseillers cliniques, communautaires et gouvernementaux et des conseillers jeunesse. L’instrument YDI permet de mesurer le bien-être et le développement d’un échantillon d’élèves issus de la population générale et inscrits dans une école secondaire de la Colombie-Britannique. Dans le contexte choisi, les écoles ont en grande partie continué d’offrir les cours en personne tout au long de l’hiver et du printemps 2021, ce qui nous a permis de réaliser l’enquête en personne. Entre février et juin 2021, les écoles secondaires des districts scolaires sélectionnés ont invité les élèves de 11e année à participer à l’étude au cours d’une journée ou d’une semaine désignée. En raison de la petite taille de ses classes, une école indépendante a également invité les élèves de 10e et de 12e année à participer à l’étude (n = 50). Dans l’ensemble, l’âge moyen était de 17,1 ans (écart‑type = 0,3), 99,9 % des participants de l’échantillon ayant entre 16 et 18 ans.

Procédure

Les données de l’instrument YDI ont été recueillies entre février et juin 2021 auprès de tous les élèves admissibles des six districts scolaires participants et d’une école secondaire indépendante. Deux mois avant la tenue de l’enquête, nous avons fait parvenir aux écoles participantes un guide pour la réalisation de l’enquête afin d’assurer la mise en œuvre la plus uniforme possible. Au maximum un mois avant l’enquête, nous avons envoyé des lettres de consentement passif aux parents et aux tuteurs des élèves dans le but de limiter le biais de sélection systémique. Les élèves devaient également donner leur assentiment à la recherche après avoir pris connaissance de l’information complète sur l’étude et après avoir eu l’occasion de poser des questions supplémentaires.

La plupart des participants ont répondu au questionnaire d’enquête en ligne pendant les heures de cours, en utilisant soit leur appareil personnel soit un appareil appartenant à l’école. Quatre écoles ont également envoyé par courriel un lien menant à un questionnaire d’enquête en ligne pour que les élèves absents puissent eux aussi participer à l’enquête (n = 32). L’enquête a été réalisée à l’aide de l’outil d’enquête de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC Survey Tool), qui est hébergé par Qualtrics, et remplir le questionnaire a nécessité en moyenne 45 minutes. Toutes les données ont été stockées dans le référentiel Population Data BC, une ressource multiuniversitaire d’éducation et de stockage de données individuelles dotée de protocoles solides en matière de sécurité, de confidentialité et de protection des renseignements personnels.

Mesures

Résultats

Pour évaluer l’accès à du soutien en santé mentale, nous avons utilisé la question « Au cours des six derniers mois, as-tu consulté un des endroits suivants ou une des personnes suivantes à propos de préoccupations relatives à ta santé mentale? ». Les choix de réponse proposés étaient : « Un cabinet de médecin de famille ou de pédiatre », « Une clinique sans rendez-vous », « Une clinique de soins d’urgence, un hôpital ou une salle d’urgence », « Un organisme qui offre des services en matière de santé mentale ou de dépendances aux enfants ou aux adolescents », « Un psychiatre, un psychologue, un travailleur social ou un autre type de conseiller » et « Un enseignant, un adulte ou un conseiller à l’école ». Les élèves ayant répondu positivement à l’une de ces réponses ont été considérés comme ayant eu accès à du soutien en santé mentale au cours des six derniers mois.

Pour évaluer les besoins non comblés en matière de soins de santé mentale, nous avons utilisé la question « Au cours des six derniers mois, y a-t-il eu un moment où tu as eu l’impression d’avoir besoin d’aide professionnelle pour des préoccupations en lien avec ta santé mentale (c.-à-d. des problèmes liés à tes émotions, à ton attention, à tes comportements, ou à ta consommation de drogue ou d’alcool), mais où tu n’as pas demandé d’aide? ». Les élèves ayant répondu « oui » à cette question ont été considérés comme ayant des besoins non comblés en matière de soins de santé mentale.

En outre, les élèves devaient classer par ordre de préférence les différents modes de prestation de soins de santé mentale, à savoir en personne, par téléphone, par Internet (site Web, clavardage en ligne ou par message texte) et par appel vidéo.

Indicateurs de santé mentale et de consommation de substances

Pour mesurer la dépression et l’anxiété, nous avons eu recours à des outils reconnus de dépistage fréquemment utilisés dans les enquêtes sur la population et en milieu clinique, à savoir le questionnaire PHQ-8 (Patient Health Questionnaire 8) et le questionnaire GAD-2 (Generalized Anxiety Disorder Questionnaire 2). Un score de 10 ou plus au questionnaire PHQ-8 a été considéré comme un résultat positif au dépistage de la dépression, tandis qu’un score de 3 ou plus au questionnaire GAD-2 a été considéré comme un résultat positif au dépistage de l’anxiétéNote de bas de page 17Note de bas de page 18. Nous avons mesuré la consommation d’alcool et de cannabis à l’aide des questions suivantes : « Au cours des quatre dernières semaines, combien de fois as-tu bu de l’alcool (vin, spiritueux, bière, panaché)? » et « Au cours des quatre dernières semaines, combien de fois as-tu fumé du cannabis (marijuana)? ». Les choix de réponse étaient les suivants : « Je n’en ai jamais bu/fumé », « Je n’en ai pas bu/fumé au cours des quatre dernières semaines », « Une fois ou quelques fois », « Chaque semaine », « La plupart des jours » et « Presque tous les jours ». À l’instar d’études antérieuresNote de bas de page 8Note de bas de page 19, nous avons utilisé la réponse « Une fois ou quelques fois » comme seuil pour définir la consommation d’alcool ou de cannabis, toutes fréquences confondues, et nous avons utilisé la réponse « La plupart des jours » comme seuil pour définir la consommation quasi quotidienne d’alcool ou de cannabisNote de bas de page 19Note de bas de page 20.

Caractéristiques sociodémographiques

Les caractéristiques sociodémographiques prises en compte ont été le genre, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle et le statut socioéconomique. Pour le genre, on a demandé aux participants « Comment décrirais-tu ton genre? », avec comme choix de réponse « Garçon » (référence), « Fille » et « Autrement ». En ce qui concerne l’origine ethnique, nous avons demandé aux participants de choisir parmi une liste d’options correspondant à celles du recensement canadien. Nous avons classé les réponses à cette question en trois grandes catégories d’origine ethnique : « Blanc » (référence), « Asiatique » et « Autre ». Nous avons choisi ces trois catégories car ce sont les plus fréquentes au sein de notre échantillon, à l’instar de la Colombie-Britannique dans son ensembleNote de bas de page 21. Nous avons décidé à priori d’utiliser trois catégories en raison de la taille de l’échantillon et des considérations méthodologiques liées à la nécessité de préserver un degré de liberté dans les analyses statistiques.

Pour définir l’orientation sexuelle, nous avons eu recours à la question « T’identifies‑tu comme étant…? », avec comme choix de réponse « Une personne hétérosexuelle », « Une personne homosexuelle (gai ou lesbienne) », « Une personne bisexuelle/pansexuelle », « Une personne asexuelle », « Une personne queer », « Une personne en questionnement/incertaine » et « Si aucune de ces réponses ne s’applique (ou si tu souhaites sélectionner plusieurs réponses), précise : __ ». En raison de la taille de l’échantillon, nous avons classé les réponses sur l’orientation sexuelle en deux catégories (« Hétérosexualité » et « Minorités sexuelles »).

Pour mesurer le statut socioéconomique, nous avons utilisé l’échelle Family Affluence Scale à six items révisée, une échelle continue qui a été validée auprès de nombreux échantillons de jeunesNote de bas de page 22Note de bas de page 23.

Analyse statistique

Comme nous avons interrogé les élèves dans leur école secondaire, les données de l’étude forment une grappe (« cluster ») par école. Pour tenir compte de ce regroupement des données, nous avons fait l’analyse à l’aide du modèle de régression de Poisson modifié décrit par Zou et ses collaborateursNote de bas de page 24. Ce modèle offre une fonction de lien logarithmique avec une distribution de Poisson et des erreurs-types robustes afin d’estimer le rapport de risques lorsque la prévalence du résultat est supérieure à 20 %, comme c’est le cas dans notre étude. Étant donné que notre étude est transversale, l’utilisation du modèle de régression de Poisson modifié a permis le calcul de ratios de prévalence ajustés, qui correspondent à la prévalence relative ajustée d’un résultat au sein d’un groupe d’exposition par rapport à un autre.

Nous avons évalué les associations brutes et ajustées entre, d’une part, les problèmes de santé mentale, la consommation de substances et les caractéristiques sociodémographiques et, d’autre part, (1) l’accès à du soutien en santé mentale et (2) les besoins non comblés en matière de soins de santé mentale pendant la pandémie de COVID-19. Les problèmes de santé mentale pris en compte ont été la dépression et l’anxiété et la consommation de substances prise en compte a été la consommation d’alcool et de cannabis au cours du dernier mois. Les caractéristiques sociodémographiques prises en compte ont été le genre (garçon, fille, autre), l’orientation sexuelle (hétérosexualité, minorité sexuelle), l’origine ethnique (Blanc, Asiatique, autre) et le niveau d’aisance familiale (score sur l’échelle continue Family Affluence Scale). Les modèles ont été ajustés pour toutes les autres caractéristiques sociodémographiques et liées à la santé mentale. Les estimations ajustées reposent donc sur l’un des deux modèles choisis, le premier portant sur l’ensemble des prédicteurs et le fait d’avoir eu accès à du soutien en santé mentale et le second portant sur l’ensemble des prédicteurs et les besoins non comblés dont ont fait état les répondants. Toutes les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide de la version 9.4 du logiciel SAS (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis), et les différences ont été considérées comme statistiquement significatives à p < 0,05 (test bilatéral).

Résultats

Parmi les 3 795 adolescents qui ont été invités à participer à l’étude, 2 350 ont répondu au questionnaire d’enquête (taux de réponse = 61,9 %). Après élimination des valeurs aberrantes (c.-à-d. les participants dont le temps de réponse moyen était inférieur à 2 secondes, n = 44) et des cas pour lesquels les données sur l’exposition ou le résultat étaient manquantes (n = 378), l’échantillon définitif était composé de 1 928 élèves (82,0 % de l’ensemble des répondants) provenant de 31 écoles secondaires. De façon globale, les participants inclus dans l’étude affichaient une proportion plus grande de filles (47,5 % contre 37,3 % parmi les participants exclus) et des scores plus élevés à l’échelle Family Affluence Scale (3e quartile = 38,6 % contre 31,8 %, 4e quartile = 17,2 % contre 13,5 %). Nous n’avons observé aucune autre différence significative entre les participants inclus et les participants exclus (données disponibles sur demande auprès des auteurs). Le tableau 1 présente les caractéristiques de l’échantillon.

Tableau 1. Caractéristiques de l’échantillon, adolescents de 11e année en Colombie-Britannique, Canada, février à juin 2021
Caractéristiques Fréquence
n (%)
Genre
Garçon 959 (49,7)
Fille 915 (47,5)
Minorité de genre 54 (2,8)
Origine ethnique
Blanc 1 040 (53,9)
Asiatique 462 (24,0)
Autre 426 (22,1)
Orientation sexuelle
Hétérosexualité 1 510 (78,3)
Minorité sexuelle 418 (21,7)
Quartile du score d’aisance familialeNote de bas de page a
Quartile 1 313 (16,2)
Quartile 2 539 (28,0)
Quartile 3 744 (38,6)
Quartile 4 332 (17,2)
Total 1 928

Quelle était la prévalence des problèmes de santé mentale et de la consommation de substances chez les adolescents au cours de la pandémie de COVID-19?

Dans l’ensemble, 39,7 % des adolescents de l’échantillon ont obtenu un résultat positif au dépistage de la dépression, 43,7 % ont obtenu un résultat positif au dépistage de l’anxiété généralisée, 26,8 % ont déclaré avoir consommé de l’alcool au cours du mois précédent, 2,0 % ont signalé avoir consommé de l’alcool de façon quasi quotidienne au cours du mois précédent, 16,8 % ont affirmé avoir consommé du cannabis au cours du mois précédent et 7,3 % ont indiqué avoir consommé du cannabis de façon quasi quotidienne au cours du mois précédent. Parmi les adolescents qui ont déclaré avoir bu de l’alcool au cours du mois précédent, 7,4 % l’ont fait de façon quasi quotidienne, tandis que, parmi les adolescents qui ont dit avoir fumé du cannabis au cours du mois précédent, 43,3 % l’ont fait de façon quasi quotidienne. Comparativement aux garçons, la dépression et l’anxiété étaient plus fréquentes chez les filles (dépression : 50,8 % contre 27,0 %; anxiété : 60,3 % contre 25,8 %) et chez les élèves appartenant à une minorité de genre (dépression : 79,6 % contre 27,0 %; anxiété : 79,6 % contre 25,8 %). La dépression et l’anxiété étaient également plus fréquentes chez les élèves disant appartenir à une minorité sexuelle que chez les élèves hétérosexuels (dépression : 65,1 % contre 32,6 %; anxiété : 68,4 % contre 36,8 %). Le tableau 2 présente une ventilation détaillée de la fréquence des problèmes de santé mentale et de la consommation de substances par caractéristique sociodémographique.

Tableau 2. Prévalence des problèmes de santé mentale et de la consommation de substances par caractéristique sociodémographique chez les adolescents de 11e année en Colombie-Britannique au cours de la première année de la pandémie de COVID-19 (N = 1 928)
Caractéristiques Fréquence, n (%)
Dépression Anxiété Consommation d’alcool au cours du dernier mois Consommation de cannabis au cours du dernier mois
Consommation, toutes fréquences confondues Consommation quasi quotidienne Consommation, toutes fréquences confondues Consommation quasi quotidienne
Genre
Garçon 257 (27,0) 247 (25,8) 206 (21,5) 26 (2,7) 151 (15,7) 79 (8,2)
Fille 465 (50,8) 552 (60,3) 298 (32,6) 12 (1,3) 160 (17,5) 58 (6,3)
Minorité de genre 43 (79,6) 43 (79,6) 13 (24,1) 0 (0,0) 12 (22,2) 3 (5,6)
Origine ethnique
Blanc 427 (41,1) 481 (46,3) 346 (33,3) 21 (2,0) 199 (19,1) 81 (7,8)
Asiatique 142 (30,7) 155 (33,5) 36 (7,8) 3 (0,6) 21 (4,5) 5 (1,1)
Autre 196 (46,0) 206 (48,4) 135 (31,7) 14 (3,3) 103 (24,2) 54 (12,7)
Orientation sexuelle
Hétérosexualité 493 (32,6) 556 (36,8) 389 (25,8) 27 (1,8) 218 (14,4) 92 (6,1)
Minorité sexuelle 272 (65,1) 286 (68,4) 128 (30,6) 11 (2,6) 105 (25,1) 48 (11,5)
Quartile du score d’aisance familialeNote de bas de page a
Quartile 1 138 (44,1) 147 (47,0) 77 (24,6) 9 (2,9) 75 (24,0) 37 (11,8)
Quartile 2 233 (43,2) 244 (45,3) 138 (25,6) 6 (1,1) 95 (17,6) 42 (7,8)
Quartile 3 269 (36,2) 309 (41,5) 198 (26,6) 13 (1,7) 109 (14,7) 47 (6,3)
Quartile 4 125 (37,7) 142 (42,8) 104 (31,3) 10 (3,0) 44 (13,3) 14 (4,2)
Total 765 (39,7) 842 (43,7) 517 (26,8) 38 (2,0) 323 (16,8) 140 (7,3)

Quelle était la prévalence de l’accès à du soutien et des besoins non comblés en matière de soins de santé mentale chez les adolescents? Quel était le mode de prestation de soutien en santé mentale préféré par les adolescents?

Au total, 40,3 % des adolescents de l’échantillon ont déclaré avoir consulté une ressource de soutien en santé mentale au cours des six mois précédents et 59,7 % ont déclaré ne pas en avoir consulté. De manière similaire, 40,8 % des adolescents de l’échantillon ont mentionné avoir eu des besoins non comblés en matière de soins de santé mentale et 59,2 % ont déclaré que ce n’était pas le cas. Environ la moitié des élèves ayant obtenu un résultat positif au dépistage de la dépression ou de l’anxiété ou ayant consommé de l’alcool ou du cannabis au cours du dernier mois avaient consulté une ressource en soutien en santé mentale. La proportion de jeunes dont les besoins n’ont pas été comblés était de près de 70 % du côté des adolescents souffrant de dépression ou d’anxiété, de 55 % chez les adolescents ayant consommé de l’alcool dans le dernier mois et de 60 % chez les adolescents ayant consommé du cannabis dans le dernier mois. Dans l’ensemble, les ressources de soutien le plus souvent consultées étaient les médecins de famille ou les pédiatres (23,1 %), les enseignants, les adultes ou les conseillers à l’école (20,6 %) et les professionnels de la santé mentale (14,9 %). Le mode de prestation de soins de santé mentale préféré par les adolescents était le counseling en personne (72,4 %), suivi par les services offerts par Internet (incluant les sites Web et le clavardage en ligne ou par message texte; 15,0 %), le counseling par téléphone (8,1 %) et le counseling par appel vidéo (4,4 %). Le tableau 3 présente une ventilation détaillée de la fréquence de l’accès à du soutien en santé mentale et des besoins non comblés en matière de soins de santé mentale en fonction des préoccupations relatives à la santé mentale.

Tableau 3. Prévalence de l’accès à du soutien en santé mentale et des besoins non comblés en matière de soins de santé mentale chez les adolescents ayant des préoccupations relatives à leur santé mentale au cours de la première année de la pandémie de COVID-19
Ressources consultées/
besoins non comblés déclarés
Fréquence, n (%)
Dépression Anxiété Consommation d’alcool au cours du dernier mois Consommation de cannabis au cours du dernier mois Total
A consulté une ressource de soutien en santé mentale, quelle qu’elle soit 386 (50,5) 430 (51,1) 254 (49,1) 168 (52,0) 777 (40,3)
Type de ressource consultéeNote de bas de page a
Médecin de famille ou pédiatre 216 (28,8) 240 (29,0) 149 (29,3) 97 (30,5) 440 (23,1)
Clinique sans rendez-vous 109 (14,7) 113 (13,8) 80 (15,8) 62 (19,6) 218 (11,5)
Clinique de soins d’urgence, hôpital ou salle d’urgence 78 (10,6) 78 (9,6) 63 (12,5) 42 (13,3) 144 (7,6)
Organisme offrant des services de santé mentale aux jeunes 100 (13,7) 105 (13,0) 58 (11,6) 47 (14,9) 145 (7,7)
Psychiatre, psychologue ou travailleur social 192 (25,6) 199 (24,1) 108 (21,4) 77 (24,2) 283 (14,9)
Enseignant, adulte ou conseiller à l’école 204 (27,2) 221 (26,6) 135 (26,4) 86 (27,0) 392 (20,6)
Nombre de ressources consultées
0 ressource 379 (49,5) 412 (48,9) 263 (50,9) 155 (48,0) 1 151 (59,7)
1 ressource 152 (19,9) 180 (21,4) 98 (19,0) 60 (18,6) 355 (18,4)
2 ressources 77 (10,1) 95 (11,3) 55 (10,6) 34 (10,5) 183 (9,5)
3 ressources et plus 157 (20,5) 155 (18,4) 101 (19,5) 74 (22,9) 239 (12,4)
A fait état de besoins non comblés en matière de soins de santé mentale 535 (69,9) 564 (67,0) 284 (54,9) 190 (58,8) 787 (40,8)
Mode de prestation de soins de santé mentale préféré
En personne 376 (72,9) 427 (72,9) 254 (75,1) 164 (75,2) 949 (72,4)
Par téléphone 43 (8,3) 42 (7,2) 33 (9,8) 16 (7,3) 106 (8,1)
Site Web, clavardage en ligne ou message texte 78 (15,1) 88 (15,0) 35 (10,4) 31 (14,2) 197 (15,0)
Par appel vidéo 19 (3,7) 29 (4,9) 16 (4,7) 7 (3,2) 58 (4,4)
Total 765 (39,7) 842 (43,7) 517 (26,8) 323 (16,8) 1 928

Quelles caractéristiques étaient associées à l’accès à du soutien chez les adolescents?

Dans les analyses ajustées, l’anxiété a été associée à une augmentation de 29 % de la prévalence de l’accès à du soutien en santé mentale (ratio de prévalence ajusté [RPa] = 1,29; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,11 à 1,51), tandis que la consommation d’alcool a été associée à une augmentation de 14 % de la prévalence de l’accès à du soutien en santé mentale (RPa = 1,14; IC à 95 % : 1,01 à 1,29). Il n’y avait pas de lien significatif entre la dépression (RPa = 1,11; IC à 95 % : 0,96 à 1,28) ou la consommation de cannabis (RPa = 1,12; IC à 95 % : 0,96 à 1,31) et l’accès à du soutien en santé mentale (tableau 4).

Tableau 4. Ratios de prévalence de l’accès à du soutien en santé mentale et des besoins non comblés en matière de soins de santé mentale chez les adolescents au cours de la première année de la pandémie de COVID-19
Préoccupations en lien avec la santé mentale/caractéristiques sociodémographiques Ratio de prévalence, n (IC à 95 %)
Résultat
Accès à du soutien Besoins non comblés
Non ajusté AjustéNote de bas de page a Non ajusté AjustéNote de bas de page a
Préoccupations en lien avec la santé mentale
Dépression 1,50 (1,37 à 1,64)Note de bas de page ** 1,11 (0,96 à 1,28) 3,23 (2,86 à 3,64)Note de bas de page ** 1,91 (1,67 à 2,18)Note de bas de page **
Anxiété 1,60 (1,47 à 1,74)Note de bas de page ** 1,29 (1,11 à 1,51)Note de bas de page ** 3,26 (2,89 à 3,68)Note de bas de page ** 1,78 (1,55 à 2,03)Note de bas de page **
Consommation d’alcool 1,33 (1,20 à 1,46)Note de bas de page ** 1,14 (1,01 à 1,29)Note de bas de page * 1,54 (1,32 à 1,80)Note de bas de page ** 1,11 (0,98 à 1,25)
Consommation de cannabis 1,37 (1,22 à 1,54)Note de bas de page ** 1,12 (0,96 à 1,31) 1,58 (1,36 à 1,83)Note de bas de page ** 1,09 (0,97 à 1,22)
Caractéristiques sociodémographiques
Genre
Fille (par rapport à garçon) 1,39 (1,24 à 1,56)Note de bas de page ** 1,17 (1,00 à 1,38) 2,16 (1,89 à 2,47)Note de bas de page ** 1,43 (1,30 à 1,58)Note de bas de page **
Minorité de genre (par rapport à garçon) 1,89 (1,53 à 2,35)Note de bas de page ** 1,28 (1,03 à 1,59)Note de bas de page * 3,14 (2,53 à 3,90)Note de bas de page ** 1,45 (1,23 à 1,70)Note de bas de page **
Origine ethnique
Asiatique (par rapport à Blanc) 0,79 (0,68 à 0,93)Note de bas de page ** 0,92 (0,78 à 1,08) 0,53 (0,45 à 0,63)Note de bas de page ** 0,67 (0,60 à 0,76)Note de bas de page **
Autre (par rapport à Blanc) 1,07 (0,94 à 1,22) 1,02 (0,90 à 1,16) 1,06 (0,97 à 1,17) 0,98 (0,92 à 1,04)
Orientation sexuelle
Minorité sexuelle (par rapport à hétérosexualité) 1,52 (1,32 à 1,74)Note de bas de page ** 1,23 (1,04 à 1,45)Note de bas de page * 1,95 (1,79 à 2,13)Note de bas de page ** 1,15 (1,08 à 1,23)Note de bas de page **
Aisance familialeNote de bas de page b 0,98 (0,94 à 1,01) 0,99 (0,96 à 1,01) 0,97 (0,94 à 1,00) 0,99 (0,97 à 1,01)

En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques, la prévalence de l’accès à du soutien en santé mentale était 28 % plus élevée chez les adolescents appartenant à une minorité de genre que chez les garçons (RPa = 1,28; IC à 95 % : 1,03 à 1,59) et 23 % plus élevée chez les adolescents appartenant à une minorité sexuelle que chez les hétérosexuels (RPa = 1,23; IC à 95 % : 1,04 à 1,45). La prévalence ajustée de l’accès à du soutien en santé mentale n’était pas significativement plus élevée chez les filles que chez les garçons (RPa = 1,17; IC à 95 % : 1,00 à 1,38), chez les groupes ethniques minoritaires (Asiatique par rapport à Blanc : RPa = 0,92; IC à 95 % : 0,78 à 1,08; Autre par rapport à Blanc : RPa = 1,02; IC à 95 % : 0,90 à 1,16) ou chez les adolescents dont le niveau d’aisance familiale était inférieur (RPa = 0,99; IC à 95 % : 0,96 à 1,01; tableau 4).

Quelles caractéristiques étaient associées à des besoins non comblés en matière de soins de santé mentale chez les adolescents?

Dans les analyses ajustées, la dépression a été associée à une augmentation de 90 % de la prévalence des besoins non comblés (RPa = 1,91; IC à 95 % : 1,67 à 2,18), tandis que l’anxiété a été associée à une augmentation de 78 % de la prévalence des besoins non comblés (RPa = 1,78; IC à 95 % : 1,55 à 2,03). Il n’y avait pas de lien significatif entre la consommation d’alcool (RPa = 1,11; IC à 95 % : 0,98 à 1,25) ou la consommation de cannabis (RPa = 1,09; IC à 95 % : 0,97 à 1,22) et les besoins non comblés en matière de soins de santé mentale (tableau 4).

En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques, la prévalence des besoins non comblés en matière de soutien en santé mentale était 43 % plus élevée chez les filles que chez les garçons (RPa = 1,43; IC à 95 % : 1,30 à 1,58), 45 % plus élevée chez les adolescents appartenant à une minorité de genre que chez les garçons (RPa = 1,45; IC à 95 % : 1,23 à 1,70) et 15 % plus élevée chez les adolescents appartenant à une minorité sexuelle que chez les hétérosexuels (RPa = 1,15; IC à 95 % : 1,08 à 1,23). La prévalence des besoins non comblés était 33 % moins élevée chez les élèves asiatiques que chez les élèves blancs (RPa = 0,67; IC à 95 % : 0,60 à 0,76). Il n’y avait pas de différence significative dans la prévalence des besoins comblés pour les autres groupes ethniques minoritaires (RPa = 0,98; IC à 95 % : 0,92 à 1,04) ou les adolescents dont le niveau d’aisance familiale était inférieur (RPa = 0,99; IC à 95 % : 0,97 à 1,01; tableau 4).

Analyse

Cette étude visait à étudier les liens entre d’une part différentes caractéristiques sociodémographiques et relatives à la santé mentale et d’autre part (1) l’accès à du soutien en santé mentale et (2) les besoins non comblés en matière de soins de santé mentale chez les adolescents de la Colombie-Britannique (Canada) pendant la pandémie de COVID-19.

Outre l’analyse de l’accès à du soutien et celle des besoins non comblés, nous avons effectué l’analyse descriptive des formes de soutien en santé mentale le plus souvent utilisées et des modes de prestation de soins en santé mentale préférés par les adolescents. Cinq grands constats s’en dégagent.

  1. Les symptômes de dépression et d’anxiété étaient très répandus, près de 40 % des adolescents ayant obtenu un résultat positif au dépistage de la dépression ou de l’anxiété. La consommation de cannabis à une fréquence élevée était également répandue : 43 % des adolescents ayant consommé du cannabis au cours du dernier mois ont déclaré en faire une consommation quasi quotidienne.
  2. Les ressources de soutien en matière mentale le plus souvent consultées étaient les médecins de famille ou les pédiatres, suivis des adultes à l’école, ce qui démontre l’importance des soins primaires et des interventions en milieu scolaire pour prendre soin de la santé mentale des adolescents.
  3. Le mode de prestation de soins de santé mentale que les adolescents ont préféré était le counseling en personne (72 %), tandis que celui qu’ils ont le moins aimé était le counseling par appel vidéo (4 %), ce qui donne à penser que les services de counseling par appel vidéo ne sont sans doute pas l’intervention de cybersanté idéale pour répondre aux besoins des adolescents.
  4. Après ajustement pour les covariables, le taux d’accès à du soutien en santé mentale s’est révélé significativement élevé chez les adolescents souffrant d’anxiété, les adolescents ayant consommé de l’alcool au cours du dernier mois, les adolescents appartenant à une minorité de genre et les adolescents dont l’orientation sexuelle était autre qu’hétérosexuelle.
  5. Après ajustement pour les covariables, le taux de besoins non comblés en matière de soins de santé mentale s’est révélé significativement élevé chez les adolescents souffrant de dépression ou d’anxiété, les filles, les adolescents de genre non binaire et les adolescents dont l’orientation sexuelle était autre qu’hétérosexuelle, ce qui porte à croire que ces groupes ont besoin d’interventions en santé mentale mieux ciblées pendant la pandémie.

Dans l’ensemble, un certain nombre de recommandations importantes applicables à l’élaboration d’interventions en santé mentale destinées aux adolescents pendant et après la pandémie de COVID-19 émanent de ces résultats.

Premièrement, il ressort de notre étude que, pour atteindre le plus grand nombre de jeunes possible, les interventions devraient être axées sur les milieux de soins primaires et les milieux scolaires. À l’instar d’études antérieuresNote de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 27, nous avons constaté que les médecins de famille, les pédiatres, les enseignants et les conseillers scolaires étaient les sources de soutien en santé mentale le plus souvent consultées par les adolescents. Il faut veiller à ce que les fournisseurs de soins primaires soient conscients du rôle important qu’ils jouent dans la vie des adolescents et qu’ils procèdent au dépistage des problèmes de santé mentale en conséquence. L’inaccessibilité relative des services de counseling professionnel et la poursuite de l’enseignement en personne en Colombie-Britannique pendant la pandémie pourraient expliquer en partie notre constat selon lequel les adultes à l’école étaient une source courante de soutien en santé mentale. Comme nous l’avons mentionné précédemment, en Colombie-Britannique, les cours ont continué d’être offerts en grande partie en personne tout au long de l’hiver et du printemps 2021Note de bas de page 14, ce qui pourrait avoir atténué dans une certaine mesure l’isolement social qu’ont vécu les nombreux élèves du secondaire contraints d’assister à leurs cours en ligne seulementNote de bas de page 28. Malgré cela, les taux de problèmes de santé mentale étaient élevés au sein de notre échantillon, près de la moitié des adolescents ayant obtenu un résultat positif au dépistage de l’anxiété ou de la dépression. Tout comme les médecins de première ligne, les enseignants et les conseillers scolaires demeurent donc une source très importante de soutien pour les adolescents. Le maintien de la disponibilité de ce soutien devrait être une priorité pendant et après la pandémie.

Deuxièmement, les résultats de notre étude permettent de dégager des recommandations concernant le mode de prestation de soins de santé mentale qui convient le mieux aux populations adolescentes. Après le counseling en personne, les formes de prestation de services les plus populaires étaient le counseling par clavardage (site Web, en ligne et par message texte) et le counseling par téléphone. Le mode de prestation de services que les adolescents ont aimé le moins était le counseling par appel vidéo, et ce, indépendamment de la nature de la préoccupation en lien avec la santé mentale. Ironiquement, au début de la pandémie, ce sont les services par appel vidéo pour adolescents qui ont été l’un des secteurs dont le financement et l’accessibilité ont le plus augmenté en Colombie-BritanniqueNote de bas de page 13Note de bas de page 15Note de bas de page 16. Cette étude tend à montrer que les services par message texte et par téléphone pourraient répondre aux besoins d’un plus grand nombre d’adolescents.

Troisièmement, les résultats de notre étude contribuent à l’émergence de recommandations visant à cibler et à mieux adapter les interventions en santé mentale chez les jeunes. L’accès à du soutien en santé mentale a été associé à l’anxiété, à l’appartenance à une minorité de genre et à une orientation sexuelle autre qu’hétérosexuelle. Dans le même temps, les besoins non comblés en matière de services ont été corrélés à la dépression, à l’anxiété, au genre féminin, à l’appartenance à une minorité de genre et à une orientation sexuelle autre qu’hétérosexuelle. Ces résultats concordent avec les résultats d’autres études, qui ont également établi que ces groupes faisaient partie de ceux dont la santé mentale a été le plus durement touchée par la pandémie de COVID-19Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31. Cette étude semble aussi indiquer que bon nombre de ces adolescents n’ont pas accès aux soins voulus, en particulier les adolescentes et les jeunes souffrant de dépression, qui se sont révélés plus susceptibles que les autres d’avoir des besoins non comblés et mais qui n’étaient pas plus susceptibles que les autres d’avoir accès à des soins.

Forces et limites

À notre connaissance, il s’agit de l’une des seules études à analyser la recherche de soutien primaire pendant la pandémie au sein d’un échantillon d’adolescents issus de la population générale ou à évaluer les besoins non comblés autodéclarés en matière de services.

Toutefois, cette étude comporte plusieurs limites. Premièrement, bien que tous les élèves admissibles des écoles secondaires participantes aient été inclus dans le cadre d’échantillonnage, l’échantillon qui a été sélectionné au départ est un échantillon de commodité principalement constitué d’adolescents de 17 ans. Par conséquent, il n’est pas représentatif de l’ensemble de la population adolescente de la Colombie-Britannique. En outre, il pourrait y avoir eu un certain biais de réponse de la part des filles et des adolescents dont le score d’aisance familiale est plus élevé, car la probabilité qu’il manque des données pour ces groupes dans notre échantillon était plus faible. Néanmoins, l’ampleur de l’effet de ces différences est faible, et il n’y a aucune différence significative selon l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, la présence ou non de dépression, la présence ou non d’anxiété, la consommation d’alcool au cours du dernier mois ou la consommation de cannabis au cours du dernier mois.

Deuxièmement, nous avons demandé aux élèves de se rappeler s’ils avaient eu accès à du soutien ou s’ils avaient eu des besoins non comblés au cours des six derniers mois, ce qui pourrait introduire un biais de rappel. Les adolescents présentant des symptômes de dépression ou d’anxiété étaient peut-être plus susceptibles de se rappeler avoir parlé de leurs problèmes à un adulte. Certains élèves pourraient avoir sous-estimé la fréquence de leur consommation de substances dans le dernier mois, et il est également possible que nous n’ayons pas réussi à cerner les élèves qui ne sont pas conscients d’avoir besoin de soutien en santé mentale.

Troisièmement, nous avons évalué la présence de troubles de l’humeur au cours des deux semaines précédant l’enquête alors que l’évaluation de l’accès à du soutien et des besoins non comblés portait sur les six mois précédant l’enquête. Les élèves ayant reçu des soins efficaces ou s’étant remis de problèmes de santé mentale sans recevoir de soins ont été considérés dans notre ensemble de données comme ayant obtenu un résultat négatif au dépistage des problèmes de santé mentale. Les études futures devront s’appuyer sur des données longitudinales pour comparer le succès relatif des différentes ressources de soutien en santé mentale.

Quatrièmement, certains élèves pourraient avoir fourni de l’information inexacte pour des raisons de désirabilité sociale ou par crainte de représailles. Pour atténuer cet effet, nous avons assuré les élèves que leurs données ne seraient pas communiquées à leurs pairs, à leurs parents ou à l’école, et nous les avons informés des mesures mises en place pour garantir la confidentialité et la sécurité de leurs réponses.

Cinquièmement, comme il y a eu peu de fermetures d’écoles causées par la pandémie de COVID‑19 dans le cadre de l’enquête, les résultats pourraient ne pas s’appliquer aux adolescents qui ont dû faire l’école à la maison tout au long de la pandémie. S’il est vrai que les cours en classe constituent un facteur de protection contre les problèmes de santé mentale, nos résultats pourraient donc être interprétés comme sous-estimant les besoins non comblés.

Conclusion

Pendant la pandémie de COVID-19, les adolescents souffrant de dépression ou d’anxiété, les filles, les adolescents appartenant à une minorité de genre et les adolescents dont l’orientation sexuelle était autre qu’hétérosexuelle étaient particulièrement susceptibles d’éprouver des problèmes de santé mentale ou d’avoir des besoins non comblés. Les interventions futures devront viser ces groupes mal desservis et mettre l’accent sur le rôle des soins primaires, sur les interventions en milieu scolaire et sur les services offerts en personne. Les interventions virtuelles devraient prendre la forme de services par téléphone et par clavardage, que les adolescents ont systématiquement préféré aux services par appel vidéo.

Remerciements

L’instrument YDI (Youth Development Instrument) est financé par la Dre Hasina Samji du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique et de l’Université Simon Fraser.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts en lien avec cet article.

Contributions des auteurs et avis

Conception de l’étude par LG; acquisition des données et mise en œuvre de l’étude par GS, MC, JW et HS; analyse, préparation et interprétation des données par LG, GS et DL; rédaction et révision du manuscrit par LG, GS, DL, MC, JW, MG, KSR et HS.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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