Éditorial – Utiliser les données d’enquête sur les décès pour mieux comprendre la crise des surdoses

Revue PSPMC

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Amanda VanSteelandt, Ph. D.; Jenny Rotondo, M. Sc. S.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.3.01f

Cet article fait partie de notre série sur la mortalité par surdose accidentelle.

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Éditorial par VanSteelandt A et al. dans la Revue PSPMC est mis à la disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0 International

Rattachement des auteurs

Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance

Amanda VanSteelandt, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; courriel : amanda.vansteelandt@phac-aspc.gc.ca 

Citation proposée

VanSteelandt A, Rotondo J. Utiliser les données d’enquête sur les décès pour mieux comprendre la crise des surdoses. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2024;44(3):81-83. https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.3.01f

En réponse à la crise des surdoses (ou toxicité aiguë liée à une substance), le gouvernement du Canada s’est engagé à déployer une stratégie d’intervention en santé publique qui repose sur une base de données probantes solideNote de bas de page 1. Pour appuyer efficacement la prise de décisions stratégiques et pour cerner et prioriser les interventions susceptibles de réduire le nombre d’épisodes de toxicité aiguë liée à une substance, il est essentiel de disposer d’information sur les personnes touchées, leur exposition aux facteurs de risque, les occasions de les orienter vers des services de soutien, les circonstances de leur décès et les substances impliquées.

Les articles réunis dans cette série thématique de la revue présentent les résultats d’une étude nationale d’examen des dossiers d’enquête sur les décès attribuables à une toxicité aiguë ayant eu lieu au Canada en 2016 et 2017. L’objectif de l’étude était de mieux comprendre les caractéristiques des personnes décédées, les circonstances de leur décès et les substances impliquées. Des données sur l’étude et quelques-uns de ses résultats ont déjà été publiésNote de bas de page 2Note de bas de page 3, mais nous tenions à fournir de plus amples renseignements sur le contexte dans lequel l’étude a vu le jour, les personnes qui y ont participé et l’importance de la collaboration entre les coroners, les médecins légistes et les professionnels de la santé publique.

Les travaux en lien avec l’étude nationale d’examen des dossiers se sont mis en branle en 2018 et avaient pour but de compléter le système national de surveillance des décès apparemment liés à une toxicité aiguë aux opioïdes ou aux stimulantsNote de bas de page 4. L’étude et le système visaient tous les deux à pallier le manque de données nationales comparables sur les décès par toxicité aiguë en ayant recours aux données d’enquête sur les décès, et aucun des deux projets n’aurait été possible sans la collaboration des coroners en chef, des médecins légistes en chef et de leurs bureaux dans les provinces et les territoires du pays. Les coroners et les médecins légistes ont pour mandat d'établir la cause et le mode de décès pour les décès non naturels. Dans le cadre de leurs enquêtes, ils recueillent une foule de renseignements, qu’ils tirent notamment des entrevues menées avec les membres de la famille, les témoins et les professionnels de la santé, des descriptions de la scène du décès, des dossiers médicaux, des dossiers des autorités d’application de la loi, de même que des rapports d’autopsie et de toxicologie. L’étude d’examen des dossiers a permis de réunir ces sources d’information en un seul ensemble de données, que plusieurs équipes de recherche sont en train d’analyser pour tenter de répondre à des questions cruciales sur la crise des surdoses. Comme les articles de cette série le montrent, ces données constituent une source d’information riche sur la santé publique, accessible nulle part ailleurs, qui nous en apprend davantage sur les groupes de personnes les plus touchées et qui offre de nouvelles possibilités d’adaptation des politiques et des programmes afin de mieux répondre aux besoins de ces dernières.

Si l’étude a été financée par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et coordonnée par du personnel de l’ASPC, l’équipe de cochercheurs qui a chapeauté la vision et la conception de l’étude était formée de membres provenant de nombreuses disciplines et de nombreux organismes. La composition de l’équipe visait à pouvoir rendre compte de points de vue provenant de partout au Canada et dans des domaines d’expertise variés : expérience vécue de la consommation de substances, enquêtes sur les décès, programmes de réduction des méfaits, counseling en matière de dépendances, toxicologie, équité en santé, recherche sur la santé des Autochtones, géomatique, soins de santé et santé publique. Les décisions ayant trait à la façon d’analyser l’ensemble de données ont été prises par l’équipe de cochercheurs, à partir des priorités cernées par les groupes d’intervenants, qui incluaient des personnes ayant une expérience vécue de la consommation de substances et des responsables des politiques gouvernementales.

Le recueil d’articles proposés dans cette série thématique s’intéresse à des sous-groupes précis de personnes décédées d’une intoxication aiguë accidentelle en 2016 et 2017, soit les jeunesNote de bas de page 5 et les personnes âgéesNote de bas de page 6. D’autres populations seront étudiées dans un prochain numéro. Les articles ont pour point commun d’explorer la prévalence des caractéristiques liées aux antécédents sociaux et médicaux, les circonstances du décès et les substances en cause pour chacun de ces groupes. La crise des surdoses touche des personnes de tous les horizons, et ces articles témoignent de la diversité des circonstances entourant les décès et de l’importance d’appliquer une approche intersectionnelle à l’évaluation de l’incidence des différents facteurs sur le risque selon les populationsNote de bas de page 7.

L’application d’une approche intersectionnelle aux analyses s’accompagne d’un enjeu de taille : identifier des sous-groupes de population au sein de l’ensemble de données. Étant donné que le mandat des coroners et des médecins légistes est d’établir la cause et le mode de décès dans les cas de décès de cause non naturelle, nous avons constaté qu’il manquait, dans la plupart des dossiers, des renseignements dignes d’intérêt pour la santé publique, et plus précisément des renseignements sur les caractéristiques socioéconomiques et l’identité sociale. Par conséquent, les résultats de l’étude nationale d’examen des dossiers correspondent à la prévalence minimale des caractéristiques présentes chez les personnes décédées.

Le processus consistant à recenser les renseignements consignés dans les dossiers d’enquête sur les décès et à les comparer d’une province ou d’un territoire à l’autre a renforcé la collaboration entamée entre les coroners, les médecins légistes et les professionnels de la santé publique afin d’améliorer les données et la base de connaissances dont on dispose sur les décès par une toxicité aiguë. Certaines de leurs discussions portent sur les mesures susceptibles de mieux cerner d’autres sous-groupes de population et d’évaluer leur risque d’une toxicité aiguë, y compris des sous-groupes formés à partir de caractéristiques d’identité personnelles (race, origine ethnique, statut d’Autochtone fondé sur les distinctions, genre et orientation sexuelle, etc.) ou d’expériences de vie (contact avec les services correctionnels, placement en famille d’accueil, groupes professionnels et expériences potentiellement traumatisantes, etc.), données souvent absentes des dossiers d’enquête sur les décès.

L’étude nationale d’examen des dossiers fournit un aperçu de la crise des surdoses à ses débuts. Bien qu’elles servent de base de référence nationale pour les recherches à venir, certaines des tendances observées dans les articles de cette série thématique ont changé : l’approvisionnement en drogues est de plus en plus toxique, les options de traitement et de réduction des méfaits se sont multipliées et la situation sociale de la population canadienne a évolué depuis 2016 et 2017Note de bas de page 8Note de bas de page 9. Même avec le soutien des bureaux des coroners et des médecins légistes, il a fallu plus de quatre ans pour planifier l’étude nationale d’examen des dossiers et recueillir les données. Si la pandémie de COVID-19 est en partie à blâmer, il demeure que l’abstraction de données à partir de dossiers physiques demande beaucoup de temps et que bon nombre des relations, des processus et des ententes nécessaires à la conduite du projet n’existaient pas au départ.

Nous espérons que les bases de travail fournies dans cette étude contribueront à la réalisation d’activités similaires dans toutes les provinces et tous les territoires, à des améliorations dans la Base canadienne de données des coroners et des médecins légistes de Statistique CanadaNote de bas de page 10 et au maintien du travail du Collaboratif entre les coroners en chef, les médecins légistes en chef et la santé publique. Celui-ci est formé de membres de l’ASPC, des treize bureaux de coroners en chef et de médecins légistes en chef du Canada et de Statistique Canada, et il a pour mandat d’appuyer l’élaboration d’approches communes à l’égard des enquêtes sur les décès et des exigences en matière d’infrastructure de données. 

Il est essentiel de disposer de données comparables et à jour pour constituer une base de données probantes solide dont les professionnels de la santé publique pourront se servir pour lutter contre la crise nationale des surdoses à mesure qu’elle évolue et contre les facteurs qui en sont à l’origine. Le développement de cette base de données probantes repose sur la collaboration d’équipes multidisciplinaires, composées notamment de membres du secteur de la santé publique et des coroners et des médecins légistes.

Remerciements

Nous tenons à remercier nos collaborateurs des bureaux des coroners en chef et des médecins légistes en chef de tout le Canada, qui nous ont donné accès à leurs dossiers d’enquête sur les décès. Nous tenons également à témoigner notre profonde reconnaissance à nos cochercheurs de l’étude nationale d’examen des dossiers sur les décès attribuables à une intoxication aiguë liée à une substance, qui nous ont fait profiter de leurs conseils constants et qui ont participé sans relâche au projet au cours des cinq dernières années : Brandi Abele, Songul Bozat-Emre, Matthew Bowes, Jessica Halverson, Dirk Huyer, Beth Jackson, Graham Jones, Jennifer Leason, Regan Murray, Erin Rees et Emily Schleihauf. Enfin, nous souhaitons exprimer notre gratitude envers les personnes ayant une expérience vécue de la consommation de substances, qui ont apporté leur soutien à différentes étapes de l’étude d’examen des dossiers.

Déclaration

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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