Protocole d'étude – Réflexions méthodologiques découlant d’un projet de recherche sur la santé mentale des jeunes Noirs

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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : avril 2025
ISSN: 2368-7398
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Bukola Salami, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Jordana Salma, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Benjamin Denga, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3; Aloysius Maduforo, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Dominic A. Alaazi, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4
https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.4.05f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Attribution suggérée
Protocole d’étude par Salami B et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0
Rattachement des auteurs
Correspondance
Bukola Salami, Département des sciences de la santé communautaire, Cumming School of Medicine, Université de Calgary, bâtiment Carl Wentzel Precision Health, 3280, Hospital Dr. NW, Calgary (Alberta) T2N 4Z6; tél. : 403-220-5171; courriel : oluwabukola.salami@ucalgary.ca
Citation proposée
Salami B, Salma J, Denga B, Maduforo A, Alaazi DA. Réflexions méthodologiques découlant d’un projet de recherche sur la santé mentale des jeunes Noirs. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2025;45(4):224-232. https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.4.05f
Résumé
Cette étude vise à illustrer la façon dont les chercheurs peuvent s’y prendre pour mobiliser les jeunes Noirs de manière efficace en utilisant une approche de recherche participative adaptée à la culture des participants. Notre objectif était de déterminer les besoins des jeunes Noirs en matière de santé mentale et de trouver des stratégies pertinentes sur le plan culturel pour améliorer leur accès et leur recours aux services de santé mentale. Nous avons adopté une approche de recherche participative pour favoriser l’inclusion du plus grand nombre possible de jeunes dans le processus de recherche. Nous avons recueilli les données en deux phases : 1) des entretiens individuels avec 30 jeunes et 2) des cafés-causeries mensuels sur une période de quatre mois avec 99 jeunes participants. Nous avons recruté ces jeunes participants par l’intermédiaire de l’Africa Centre Youth Empowerment Group (Groupe d’autonomisation des jeunes du Centre africain de l’Alberta), lors d’un tournoi de soccer organisé par l’Africa Centre ainsi que par le biais de réseaux sociaux affiliés, et nous avons mis sur pied un groupe consultatif de jeunes qui se sont réunis tous les trois mois et ont contribué à la collecte, à l’analyse et à la diffusion des données. Nous avons présenté nos observations lors d’une séance de mobilisation communautaire destinée à divers intervenants. L’étude a offert aux jeunes l’occasion de partager leurs expériences et d’imaginer des solutions à leurs difficultés en matière de santé mentale et elle nous a également permis d’intégrer minutieusement les points de vue des personnes les plus touchées, grâce aux recommandations de l’étude en ce qui concerne les politiques et les pratiques. Ce projet constitue un exemple important qui illustre l’emploi de pratiques prometteuses et de méthodes accessibles tout au long du cycle de collecte des données, ainsi que les mécanismes et les ingrédients clés qui favorisent la mise en œuvre de pratiques adaptées à la culture.
Mots-clés : méthodologie et recherche, santé mentale, santé des adolescents, jeunes Noirs, recherche participative
Points saillants
- Cette étude a porté sur les besoins en matière de santé mentale de jeunes Noirs en Alberta.
- L’étude s’est appuyée sur un modèle d’autonomisation des jeunes situé dans un paradigme féministe postcolonial pour comprendre les expériences et les besoins des jeunes Noirs en matière de santé mentale.
- Les chercheurs ont trouvé des approches efficaces et culturellement pertinentes permettant d’améliorer l’accès et le recours aux services de santé mentale par cette population tout en tirant parti de l’agentivité de celle-ci.
Introduction
La recherche participative auprès des jeunes est une approche transformatrice qui fait des jeunes des cochercheurs actifs et qui favorise leur inclusion, leur autonomisation et leur capacité à prendre des décisions équitables tout au long du processus de rechercheFootnote 1Footnote 2. Cependant, malgré le potentiel de cette approche, peu de travaux ont été menés pour étudier les moyens efficaces de mener des travaux de recherche adaptés à la culture des populations noires, en particulier des jeunes Africains, Noirs et Caribéens, que ce soit au Canada ou dans le reste du mondeFootnote 3Footnote 4. Cette lacune est évidente si l’on en juge par le peu d’études qui privilégient les méthodes adaptées à la culture et qui portent sur les obstacles sociaux, structurels et systémiques spécifiques auxquels ces jeunes sont confrontés, notamment le racisme, la discrimination et la marginalisationFootnote 5Footnote 6. Comme le notent Bailey et ses collaborateurs, les chercheurs ont souvent du mal à instaurer un climat de confiance auprès des communautés noires, ce qui exacerbe les difficultés à favoriser une collaboration significative et à produire des résultats marquants qui trouvent un écho auprès de la population noireFootnote 7.
En ce qui concerne les travaux de recherche menés auprès des jeunes, une approche adaptée à la culture et équitable exige l’intégration réfléchie de pratiques qui tiennent compte des déséquilibres de pouvoir et de la méfiance historique des communautés noires envers les chercheursFootnote 4. Par exemple, la collaboration avec les gardiens de la communauté, l’utilisation de stratégies de collecte de données inclusives et la présence de dirigeants noirs au sein des équipes de recherche sont essentielles pour améliorer l’acceptabilité de la recherche et favoriser l’appropriation des résultats à l’échelle localeFootnote 8. En outre, bien que ce projet ait été axé sur les jeunes Africains, Noirs et Caribéens, tous les participants s’identifiaient comme Noirs. Par conséquent, l’expression « jeunes Noirs » sera utilisée dans le texte de manière interchangeable avec « jeunes Africains, Noirs et Caribéens », afin de refléter la façon dont les participants s’identifiaient eux-mêmes.
Cet article présente un exemple d’approche de recherche participative menée par des jeunes, qui a réussi à intéresser de jeunes Noirs de l’Alberta (Canada) à explorer leurs besoins en matière de santé mentale et à chercher à les combler. En nous inspirant d’un modèle d’autonomisation féministe postcolonial, nous avons intégré diverses pratiques adaptées à la culture de la population à l’étude, comme la codirection par les jeunes, la création d’environnements de recherche favorables et l’inclusion de voix diverses dans le processus de rechercheFootnote 4Footnote 9. En mettant l’accent sur le rôle des jeunes Noirs en tant que cochercheurs, non seulement le projet a-t-il favorisé l’inclusivité, mais il a également permis d’en apprendre davantage sur les pratiques de recherche qui sont adaptées à la culture et qui ont un effet réel.
Ces stratégies sont essentielles pour les chercheurs qui souhaitent établir un contact éthique et significatif avec les jeunes NoirsFootnote 7. Selon certaines études, les populations africaines, noires et caribéennes, et notamment les jeunes, peuvent avoir davantage de problèmes de santé mentale que la population canadienne en généralFootnote 10Footnote 11Footnote 12.
Malgré ces données, nous ne connaissons aucune étude canadienne antérieure à la conception de cette recherche, en 2017, qui ait servi de fondement à une action susceptible d’éclairer les efforts déployés par les jeunes Africains, Noirs et Caribéens pour améliorer leur santé mentale. Nous avons donc mené des entretiens auprès de 57 parents immigrants africains, dirigeants communautaires, fournisseurs de services et décideurs politiques sur les pratiques de promotion de la santé mentale et d’éducation des enfants et ces personnes ont collectivement souligné l’importance de travaux de recherche permettant de mettre en œuvre des interventions destinées à promouvoir la santé mentale des enfants et des jeunes issus de l’immigration africaineFootnote 13Footnote 14Footnote 15.
Par ailleurs, il est ressorti de nos consultations préliminaires menées auprès des jeunes qu’une action collective s’imposait parmi les jeunes issus de l’immigration africaine, noire et caribéenne, action qui tienne compte de l’influence déterminante de la race et du colonialisme sur leurs expériences. Dans le cadre de notre étude, nous nous sommes donc concentrés sur diverses générations de jeunes issus de l’immigration (première, deuxième, troisième, etc.), ainsi que sur des personnes ayant immigré par différents canaux (immigrants, réfugiés et étudiants étrangers). Tout en reconnaissant l’hétérogénéité de ce groupe (c’est-à-dire les jeunes Africains, Noirs et Caribéens et les réfugiés, les immigrants et les étudiants étrangers), nous avons gardé en tête les réflexions livrées par les jeunes consultés avant notre étude. Au cours de nos consultations, les jeunes ont en effet souligné l’importance de se concentrer sur l’identité collective des jeunes Africains, Noirs et Caribéens plutôt que sur les communautés africaine, noire ou caribéenne prises isolément. Nous en avons donc tenu compte pour la définition de notre population, tout en veillant à conserver la possibilité d’analyser divers sous-groupes.
Dans l’ensemble, notre projet visait à améliorer les résultats en matière de santé mentale des jeunes Africains, Noirs et Caribéens en Alberta. Cet article constitue un exemple important qui illustre l’emploi de pratiques prometteuses et de méthodes accessibles tout au long du cycle de collecte des données, ainsi que les mécanismes et les ingrédients clés qui favorisent la mise en œuvre de pratiques adaptées à la culture.
Objectif et questions de recherche
Cet article visait à illustrer la façon dont les chercheurs peuvent s’y prendre pour mobiliser les jeunes Africains, Noirs et Caribéens de manière efficace au Canada en utilisant une approche de recherche participative. En nous appuyant sur une théorie féministe postcoloniale, nous donnons un aperçu des pratiques de recherche éthiques et adaptées à la culture qui favorisent l’autonomisation des jeunes Noirs et leur collaboration à titre de cochercheurs, en abordant des obstacles systémiques tels que le racisme et la marginalisation dans le cadre du processus de recherche. Nous avons utilisé une approche de recherche participative dès le départ pour nous permettre de développer les questions de recherche en partenariat avec les jeunes Noirs. Grâce aux consultations préliminaires menées auprès de ces jeunes (décrites plus loin dans l’article), nous avons pu élaborer les questions de recherche en collaboration, puis nous les avons affinées pour veiller à ce qu’elles demeurent alignées sur les priorités du bailleur de fonds. Les questions de recherche que nous avons conjointement rédigées pour guider notre étude sont les suivantes :
- Quels sont les besoins en matière de santé mentale des jeunes Africains, Noirs et Caribéens en Alberta?
- Quels sont les obstacles en matière d’accès et de recours aux services de santé mentale chez les jeunes Africains, Noirs et Caribéens en Alberta?
- Quelles approches efficaces et adaptées à la culture permettraient d’accroître l’accès et le recours aux soutiens en matière de santé mentale chez les jeunes Africains, Noirs et Caribéens en Alberta?
- Dans quelle mesure est-il possible d’amener les jeunes Africains, Noirs et Caribéens à améliorer leur santé mentale et à renforcer leur résilience tout en tirant parti de leur agentivité?
Les conclusions du projet portant sur ces questions ont été décrites et diffusées dans plusieurs articles ayant fait l’objet d’une évaluation par les pairsFootnote 3Footnote 8.
Méthodologie
Approbation par un comité d’éthique
Ce projet a reçu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche no 1 de l’Université de l’Alberta, Pro00079877.
Cadre théorique : modèle d’autonomisation féministe postcolonial
Nous avons utilisé un modèle d’autonomisation des jeunes situé dans un paradigme féministe postcolonial pour comprendre les expériences et les besoins des jeunes Africains, Noirs et Caribéens en matière de santé mentale. Ce paradigme offre un cadre critique qui croise la théorie postcoloniale et la pensée féministe et qui permet d’explorer comment les histoires coloniales, les structures de pouvoir et les héritages impérialistes continuent de façonner les inégalités de genre, de race et de classe, en particulier chez les groupes marginalisés des sociétés anciennement coloniséesFootnote 16. Il admet que le colonialisme a imposé non seulement une domination politique et économique, mais aussi des hiérarchies culturelles et sociales qui persistent aujourd’huiFootnote 16.
Selon ce cadre, le genre n’est pas un facteur isolé mais plutôt profondément entrelacé à la race, à la classe et à d’autres catégories sociales, de sorte qu’il est essentiel de tenir compte des expériences spécifiques vécues par les populations marginaliséesFootnote 17, comme les jeunes Africains, Noirs et Caribéens au Canada. Le féminisme postcolonial reproche aux cadres féministes occidentaux classiques d’universaliser les expériences vécues par les femmes et d’ignorer les diverses luttes auxquelles sont confrontées les femmes du Sud. Il rejette la notion de « femme du tiers monde » comme étant un objet monolithique d’oppression, soulignant au contraire l’importance de la compréhension des contextes locaux et des diverses formes de résistance employées par les groupes marginalisésFootnote 18. Ainsi, le paradigme féministe postcolonial offre une compréhension plus nuancée des obstacles sociaux et structurels spécifiques auxquels sont confrontés les jeunes Noirs, en particulier des façons dont le racisme, la marginalisation systémique et les héritages coloniaux se recoupent et affectent leur bien-être et leur santé sur le plan mentalFootnote 4Footnote 16.
Ce paradigme est particulièrement bien adapté à notre étude, car il s’accorde facilement à la méthodologie de la recherche participative, qui cherche à remettre en question les dynamiques de pouvoir classiques en impliquant activement les jeunes en tant que cochercheurs. En positionnant les jeunes Noirs comme experts de leurs expériences, l’approche féministe postcoloniale reconnaît non seulement les oppressions historique et systémique auxquelles ils sont confrontés, mais valorise également leur agentivité à l’égard de ces enjeuxFootnote 19. Ce cadre soutient l’engagement éthique des communautés marginalisées et favorise l’élaboration de solutions communautaires adaptées à la culture pour répondre aux difficultés en matière de santé mentale auxquelles sont confrontés ces jeunes. De ce fait, le paradigme féministe postcolonial offre une perspective théorique solide pour l’exploration critique des recoupements entre la race, le genre et l’histoire coloniale, ce qui en fait le modèle idéal pour les questions de recherche que nous posons dans notre étude.
L’autonomisation est définie comme le fait de prendre sa vie en main grâce à une participation active : elle met l’accent sur la prise de conscience de son environnement et sur l’interaction avec celui-ci et elle les renforceFootnote 20. En recherche, ce modèle d’autonomisation guide les processus et les résultats de l’autonomisation des jeunes par la création d’espaces sûrs et favorables, l’assurance d’une participation significative, l’égalisation des dynamiques de pouvoir entre les adultes et les jeunes, l’offre d’occasions de développement personnel et communautaire et enfin l’encouragement à une réflexion critique sur les processus et les structures plus larges qui façonnent la vie des jeunesFootnote 21. Ces cinq dimensions ont guidé la conception de notre recherche dans le but de garantir le respect des principes de participation et d’initiative communautaire.
En veillant à créer un environnement sûr et favorable et à encourager une participation significative, nous avons pu prendre en compte les différents récits et répercussions liés à la marginalisation sociale, économique et politique vécue par les communautés africaine, noire et caribéenneFootnote 5Footnote 6. La création d’espaces de réflexion critique et d’engagement communautaire a permis aux jeunes de comprendre les forces qui ont une incidence sur leur vie, de déposer leurs expériences et de prendre conscience de leur capacité à créer le changementFootnote 22. En utilisant un modèle d’autonomisation, nous avons explicité notre engagement à fournir un espace où les jeunes pouvaient s’exprimer et reconnaître simultanément leurs forces et leur capacité de résilience ainsi que les structures et les discours oppressifs qui nuisent à leur agentivité.
Recherche participative menée par des jeunes
L’approche de recherche participative est collaborative : elle équilibre les pouvoirs et considère les membres de la communauté comme des partenaires dans le processus de recherche et comme des experts sur les questions qui les préoccupentFootnote 23Footnote 24. Cette méthodologie s’appuie sur les principes du leadership partagé, de la prise de décision en collaboration et de l’instauration d’un climat de confiance entre les chercheurs et la communauté, dans le but de créer des résultats de recherche durables et orientés vers l’action. Les approches de recherche participative qui intègrent véritablement les jeunes en tant que décideurs et collaborateurs équitables tout au long du processus de recherche sont rares, malgré les nombreuses données démontrant l’effet positif de ces approchesFootnote 1. Nous considérons l’approche de recherche participative menée par les jeunes comme une approche précieuse qui permet d’accroître l’autonomisation des jeunes et leur engagement sociopolitique, et qui nous permettra de mieux comprendre les besoins des jeunes en matière de santé mentale, de manière à éclairer les politiques et les initiatives ultérieures en matière de santé communautaireFootnote 2Footnote 9Footnote 25. Nous avons adopté une approche de recherche participative avec de jeunes Africains, Noirs et Caribéens afin de mieux comprendre leurs expériences en matière de santé mentale, leurs besoins perçus dans ce domaine, les obstacles à la satisfaction de ces besoins et les stratégies adaptées sur le plan culturel pour améliorer l’accès et le recours aux services de santé mentale.
Consultation des jeunes
Avant le début de ce projet, la première auteure et chercheuse principale (BS) était membre de l’Africa Centre, un important fournisseur de services pour les Africains en Alberta. Au cours d’une réunion du conseil d’administration, elle a appris que les jeunes ne disposaient d’aucune ressource leur permettant de résoudre les problèmes qui les préoccupaient. Elle a donc organisé une rencontre avec la personne responsable de la jeunesse, puis avec huit jeunes personnes africaines, noires et caribéennes de l’Africa Centre Youth Engagement Group (Groupe de mobilisation des jeunes du Centre africain). Les jeunes ont reconnu qu’il était indispensable d’améliorer les résultats en matière de santé mentale au sein de la communauté. Avec les conseils de la chercheuse principale, elle-même jeune immigrante africaine, ces jeunes ont élaboré un plan d’action stratégique pour remédier aux préoccupations en matière de santé mentale.
Premièrement, les jeunes ont reconnu la nécessité de disposer de données pour orienter les programmes et stratégies à venir en matière de santé mentale. Deuxièmement, les jeunes ont opté pour une méthodologie de recherche participative, considérant qu’il s’agissait d’une stratégie viable pour améliorer les résultats en matière de santé mentale. Troisièmement, les jeunes ont souligné la nécessité de faire la lumière sur les questions de discrimination enracinées dans les histoires coloniales qui ont une incidence sur leurs expériences et ils ont également souhaité que l’on adopte une approche intersectionnelle de cette perspective postcoloniale pour explorer leurs préoccupations en matière de santé mentale. Quatrièmement, les jeunes ont voulu impliquer les jeunes Africains, Noirs et Caribéens en mettant l’accent sur leur identité raciale collective.
En outre, avec l’aide de la chercheuse principale, les jeunes ont élaboré un plan sur cinq ans et une stratégie panalbertaine pour améliorer leur santé mentale, dont la première étape a été de participer activement à la demande d’une subvention pour la collecte de données sur la santé mentale des jeunes Africains, Noirs et Caribéens. La personne responsable de la jeunesse figurait à titre de membre de l’équipe de recherche sur la demande de subvention et a participé à la rédaction de celle-ci.
Comité consultatif de jeunes
Après avoir reçu le financement demandé, la chercheuse principale a communiqué avec le groupe de jeunes. Or elle a pris à ce moment-là un congé de maternité d’un an, au cours duquel le projet a été mis en suspens et la direction du groupe de jeunes a changé. À son retour, une réunion a été organisée avec la nouvelle personne chargée de diriger le groupe et une annonce a été faite pour recruter des membres pour siéger au comité consultatif. Dix jeunes ont manifesté leur intérêt à faire partie du comité consultatif et ont assisté à la première réunion. Le comité consultatif était composé de femmes ou de personnes non binaires, à l’image du Black Youth Empowerment Group du Youth Engagement Group (« The Come Up »).
Les membres du comité consultatif se sont réunis trois fois au cours du processus de recherche. Des sous-équipes ont rencontré la chercheuse principale et l’un des deux doctorants adjoints de recherche (DA) affectés au projet à six autres occasions. Les jeunes se sont également rencontrés à plusieurs reprises et ont créé un groupe WhatsApp pour communiquer entre eux. Cela a été interprété comme une stratégie leur permettant de négocier les relations de pouvoir avec la chercheuse principale, qui, bien que noire, était plus âgée (fin trentaine).
Le rôle des membres du comité consultatif consistait notamment à donner des conseils sur la collecte des données, sur l’organisation des cafés-causeries et des entretiens ainsi que sur l’application et la diffusion des connaissances. Avant la première réunion, nous avons présenté aux jeunes nos documents sur l’éthique et notre guide d’entretien préliminaire. Les jeunes ont formulé des commentaires et des recommandations sur le guide d’entretien, notamment en ajoutant des questions sur les préférences à l’égard des fournisseurs de soins de santé (en particulier en ce qui concerne la concordance avec l’appartenance raciale des fournisseurs). Certains jeunes ont également dit vouloir participer activement au projet, en particulier à la collecte et à l’analyse des données.
Nous avons donc engagé en tant qu’adjoints de recherche ces jeunes (au nombre de sept) qui souhaitaient participer activement au projet (en leur offrant environ 20 dollars de l’heure). Les membres du comité consultatif qui n’agissaient pas à titre d’adjoint de recherche (au nombre de trois) ont également reçu une rémunération équivalente. Les membres du comité consultatif qui ont été engagés comme adjoints de recherche ont joué un rôle plus actif dans les entretiens avec les participants, l’organisation et l’animation des cafés-causeries, l’élaboration du guide initial des cafés-causeries, le recrutement des participants, l’analyse des données et la corédaction des rapports et des publications.
Nous avons mis en place un certain nombre de stratégies pour renforcer les capacités de ces jeunes. Avant la collecte des données, l’ensemble du personnel de recherche a reçu une formation de quatre heures sur la recherche qualitative et a suivi un module de formation sur l’éthique de la recherche. Les adjoints de recherche participant à l’analyse des données ont suivi une formation d’une journée sur l’utilisation du logiciel d’analyse de données qualitatives NVivo et ont reçu un encadrement individuel par un doctorant coordonnateur de recherche maîtrisant le logiciel. Tout au long du processus de recherche, les adjoints de recherche ont été étroitement encadrés par deux doctorants coordonnateurs de recherche et par la chercheuse principale. Ils ont également rencontré la personne responsable du projet pour discuter de leurs plans avant chaque café-causerie.
Collecte et analyse des données
La collecte et l’analyse des données ont eu lieu entre août 2019 et février 2020, en deux phases : la phase 1 a consisté en entretiens avec de jeunes Africains, Noirs et Caribéens tandis que la phase 2 a consisté en cafés-causeries avec les jeunes.
Phase 1 : entretiens
Nous avons mené 30 entretiens individuels avec des jeunes afin de comprendre en profondeur leurs expériences en santé mentale. Après avoir obtenu l’approbation du comité d’éthique, nous avons d’abord recruté des jeunes par l’intermédiaire de l’Africa Centre Youth Engagement Group, soit le collectif de jeunes de l’Africa Centre qui représente diverses communautés africaines et afro-caribéennes. Nous avons également recruté des jeunes par le biais des réseaux personnels de nos adjoints de recherche et des membres du comité consultatif. Lors du recrutement, nous avons constaté que les hommes étaient sous-représentés dans notre échantillon, probablement en raison de la composition entièrement féminine ou non binaire de notre comité consultatif. Pour accroître la diversité de genre dans notre échantillon en recrutant davantage de participants masculins, nous avons assisté à un événement sportif organisé par l’Africa Centre à Edmonton (Alberta), soit le All Africa Soccer Tournament and Festival. Tous les participants à l’étude étaient d’origine africaine, noire ou caribéenne, avaient entre 16 et 30 ans et parlaient couramment l’anglais. Nous avons cherché à obtenir une variation maximale de l’échantillonnage en recrutant des participants de tous horizons sur le plan de l’immigration, du genre, du pays d’origine et de l’appartenance religieuse.
Les entretiens individuels, qui ont fait l’objet d’un enregistrement audio et ont été ensuite retranscrits mot à mot par une personne spécialisée dans la transcription, ont duré environ une heure et ont été menés en personne dans un endroit confortable pour les participants. Les entretiens se sont déroulés en tête-à-tête, sauf dans le cas d’un participant qui présentait d’importantes difficultés sur le plan de la santé mentale et qui avait demandé à sa sœur de l’accompagner pour le soutenir. Les entretiens individuels ont reposé sur un questionnaire sociodémographique et des questions semi-structurées centrées sur les expériences personnelles en matière de santé mentale, sur la perception des systèmes de soutien disponibles, sur les obstacles perçus à la santé mentale, sur les stratégies efficaces et adaptées à la culture pour améliorer l’accès et le recours aux services de santé mentale et enfin sur les implications pour la recherche, les politiques et la pratique.
Les entretiens ont été menés par les jeunes adjoints de recherche ou par l’un des doctorants, qui ont rédigé des notes réflexives à la fin de chaque entretien. Dans ces notes, ils ont résumé l’entretien, précisé les éléments d’information qui pouvaient ne pas être évidents à partir de l’enregistrement audio (comme le langage non verbal) et décrit comment leur positionnalité pouvait avoir eu une incidence sur le déroulement de l’entretien. Les participants ont reçu 10 dollars pour couvrir leurs frais de transport et 25 dollars pour leur participation à l’étude.
Phase 2 : cafés-causeries
Les cafés-causeries favorisent la participation des jeunes et le dialogue, car les jeunes peuvent prendre l’initiative d’aborder les sujets qui les préoccupent et d’en expliquer les répercussions sur leur vie. Organisés tous les mois pendant quatre mois, ces cafés-causeries de trois heures ont constitué une source de données essentielle pour notre étude. Entre 30 et 50 jeunes ont participé à chaque café-causerie. Ces cafés-causeries commençaient par une période de 30 minutes au cours de laquelle les jeunes pouvaient partager un repas et socialiser, période suivie d’une présentation de 30 minutes sur la santé mentale donnée par un conférencier invité. Le repas était souvent africain ou caribéen, et il était toujours acheté auprès d’un fournisseur noir. Nous avons veillé à ce que des mets végétariens soient offerts et à ce que tous les repas soient halal.
Les conférenciers invités ont été choisis en fonction des résultats des entretiens précédents et sur les conseils des membres du comité consultatif de jeunes. Après avoir analysé les données de la phase 1, les jeunes adjoints de recherche et les membres du comité consultatif se sont réunis pour déterminer les thèmes des cafés-causeries. Le premier café-causerie a porté sur la promotion de la santé mentale. Les jeunes adjoints de recherche ont voulu se concentrer sur ce sujet car il s’agissait du début du semestre. La personne invitée à donner la conférence était noire, leader communautaire et avait suivi une formation de thérapeute au niveau du doctorat. Le deuxième café-causerie a porté sur les relations intergénérationnelles, la séance étant animée par une personne noire professeure agrégée de psychologie de l’orientation. Après la présentation, les jeunes adjoints de recherche ont posé des questions aux participants afin de susciter des conversations sur les relations intergénérationnelles (voir ci-dessous).
Le troisième café-causerie a porté sur l’intersectionnalité et la santé mentale, afin de tenir compte des besoins des populations 2ELGBTQI+ noires. Le café-causerie a été animé par une personne noire leader et activiste 2ELGBTQI+, par une personne 2ELGBTQI+ non noire ayant une formation de thérapeute et par une travailleuse sociale noire qui était également leader communautaire. Le quatrième café-causerie a été axé sur les politiques et les pratiques en matière de santé mentale. La chercheuse principale y a fait une brève présentation, puis les jeunes ont mené des discussions en petits groupes sur diverses politiques. Les adjoints de recherche ont également demandé aux jeunes de réfléchir à ce à quoi devrait ressembler la clinique de santé mentale idéale (ces données ont ensuite été utilisées pour étayer une demande visant la création d’une clinique de santé mentale).
Les jeunes disposaient d’environ une heure et demie pour les séances de discussion en petits groupes et avaient un guide d’entretien semi-structuré. Ce guide, élaboré par les jeunes adjoints de recherche, avait été envoyé à la chercheuse principale avant l’étude. Il reflétait notamment le point de vue des jeunes au sujet de leurs expériences vécues. Par ailleurs, il était prévu que les séances fassent l’objet d’un enregistrement audio, mais les jeunes nous l’ont fortement déconseillé, ce qui fait que nous avons plutôt pris des notes pendant les séances. Après les séances en petits groupes, les jeunes se sont retrouvés en séance plénière pendant 30 minutes pour présenter leur rapport et discuter des stratégies d’action et des notes réflexives détaillées ont également été recueillies au cours de cette séance. Les jeunes ont reçu 10 dollars pour couvrir leurs frais de transport.
Voici quelques exemples de questions sur les relations intergénérationnelles et la santé mentale posées lors de cafés-causeries :
- Vos parents figurent parmi de nombreux immigrants qui ont échappé à la guerre civile, à la persécution et à d’autres événements traumatisants. Vous remarquez des signes de stress post-traumatique chez l’un de vos parents, et chaque fois que vous essayez d’y faire allusion, votre parent le nie. Comment aborderiez-vous le sujet avec votre parent? Comment souhaiteriez-vous que votre parent réagisse?
- Vous décidez de ne pas aller à l’université et de poursuivre une carrière différente (dans les arts, la musique ou l’entrepreneuriat). Comment croyez-vous que vos parents vont réagir? Dans quelle mesure seriez-vous à l’aise d’en parler à vos parents?
- Votre enfant rentre de l’école et vous dit qu’il ou elle voudrait avoir le teint plus pâle. Comment répondriez-vous à votre enfant et pourquoi pensez-vous que votre enfant se sent ainsi?
- Vous essayez d’expliquer à vos parents que vous êtes déprimé. Vos parents vous disent que vous avez de la nourriture, des vêtements et un toit et que vous n’avez aucune raison d’être déprimé. Comment vous sentez-vous en entendant ce commentaire et pourquoi croyez-vous que vos parents réagissent ainsi?
- Cela fait deux ans que vous et votre famille avez immigré au Canada. Au moment de vous rendre à un événement culturel, votre enfant vous dit ne pas vouloir y aller parce qu’il ou elle ne considère plus partager votre culture ou votre origine ethnique. D’où peuvent provenir les sentiments de votre enfant? Comment réagissez-vous?
- Vous craignez que votre frère ou votre sœur envisage de se suicider. Lorsque vous en parlez à vos parents, ils vous disent que c’est probablement à cause du stress, rien de plus, et ils vous invitent à prier pour lui ou elle. Comment réagissez-vous?
Gestion des données
Les données ont été stockées sur un disque partagé interne et sécurisé se trouvant à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Alberta. Seuls les sept adjoints de recherche, les deux doctorants coordonnateurs de recherche et la chercheuse principale ont eu accès au disque partagé et aux données. Les questions de confidentialité ont été au centre de nos préoccupations, notamment en raison de la faible taille de la communauté au sein de laquelle nous travaillons. Les accès au disque partagé ont donc été accordés de manière à ce que les jeunes adjoints de recherche n’aient accès qu’aux données des entretiens qu’ils avaient menés (généralement de 3 à 8 entretiens par jeune). Les deux doctorants (deux hommes noirs) et la chercheuse principale ont eu accès à l’ensemble des données. Cependant, au moment de l’analyse des données, les jeunes adjoints de recherche ont manifesté l’intérêt d’analyser eux-mêmes les données. Nous avons donc fourni à deux jeunes adjoints de recherche l’accès à l’ensemble des données. Ces deux jeunes, formés à l’utilisation du logiciel d’analyse de données NVivo, ont été encadrés par un doctorant expérimenté dans l’enseignement de l’analyse de données à des étudiants de premier et de deuxième cycles. Les deux premiers jours, les jeunes ont analysé les données en présence du doctorant, qui les a aidés à résoudre les difficultés qui survenaient.
Analyse des données
Nous avons réalisé une analyse thématique des données pour cerner les schémas et les thèmes pertinents qui se dégageaient des données. Cette façon de faire nous a permis de cerner et d’analyser des schémas tout les situant dans le contexte général de leur survenueFootnote 26. Tout d’abord, les adjoints de recherche et la chercheuse principale ont lu plusieurs fois les transcriptions des entretiens et ont élaboré un arbre de codage préliminaire. Deux jeunes adjoints de recherche ont ensuite codé les données. Par la suite, les codes ont été élargis et condensés en fonction de l’apparition de nouvelles données. Ensuite, les codes ont été traduits en thèmes. Enfin, les thèmes ont été comparés et mis en contexte à la lumière des notes prises pendant les cafés-causeries et des notes de terrain, puis les résultats ont été présentés dans un rapport d’étude. Ainsi, les étapes de l’analyse des données ont été de se familiariser avec les données, de générer une première série de codes, de rechercher des thèmes, d’analyser et d’affiner ces thèmes, de les définir et de leur donner un nom et enfin de rédiger un rapportFootnote 26.
L’utilisation d’un modèle d’autonomisation féministe postcolonial nous a permis de mettre l’accent sur les forces et la résilience, tout en tenant compte des influences socioculturelles, économiques et politiques plus larges qui limitent le potentiel d’agentivité des jeunes. Au fur et à mesure que l’étude progressait, les membres du comité consultatif et les jeunes adjoints de recherche nous ont encouragés à intégrer une perspective intersectionnelle. Nous avons donc intégré cette perspective, en organisant notamment un atelier sur l’intersectionnalité et en tenant compte des influences croisées sur nos données. Nous avons invité le comité consultatif de jeunes à participer à l’analyse des données en commentant les schémas de données émergents, en offrant des perspectives supplémentaires et en identifiant les thèmes pertinents. Le premier produit final de notre initiative de recherche participative menée par des jeunes a été le dépôt, devant la direction de l’Africa Centre, d’un rapport corédigé par les jeunes. Avant la diffusion des résultats, nous avons fourni toutes les données pertinentes aux jeunes qui avaient participé aux entretiens et aux cafés-causeries afin qu’ils fassent part de leurs commentairesFootnote 27.
Qualité et éthique
La qualité des approches de recherche participative est fondée sur la mesure dans laquelle elles permettent de préserver les principes d’autonomisation, de développement des connaissances locales et d’action sociale dans toutes les composantes du processus de rechercheFootnote 23Footnote 24. Dans notre étude, tous les membres du personnel de recherche, y compris la personne chargée de la transcription et les adjoints de recherche, ont signé une entente de confidentialité. En utilisant un modèle d’autonomisation des jeunes fondé sur une théorie féministe postcoloniale pour guider la recherche participative, nous avons pu préserver la qualité de nos travaux en veillant à ce que les questions de recherche soient utiles à la communauté, à ce que les résultats de la recherche reflètent les expériences de la communauté et à ce que les connaissances diffusées à la fin du projet favorisent la mise en œuvre de changements durables dans la communauté. En outre, nous avons intégré des notes réflexives concernant notre positionnement dans le processus de recherche au fil du temps et nous avons consulté les jeunes au sujet de leur perception des questions liées à l’inclusion et à la participationFootnote 28. La participation des jeunes à l’analyse données et à la rédaction des documents finaux a permis d’accroître la transparence du projet, le sentiment d’appropriation à l’égard du projet et la légitimité des résultats aux yeux de la communauté et elle a également été cruciale pour ce qui est de la rigueur de notre approche de recherche participativeFootnote 28.
Dans un autre ordre d’idées, il est à noter que le fait d’évoquer des difficultés passées sur le plan de la santé mentale pouvait présenter un risque émotionnel pour les participants. Comme le soulignent Morse et ses collaborateursFootnote 29, les personnes qui n’ont pas eu le temps de gérer ou de résoudre certaines crises ou qui ont subi un traumatisme psychique peuvent être très émotives. Les participants risquaient ainsi de se trouver dans cette situation, sans être conscients des souvenirs bouleversants refoulés en eux jusqu’à ce qu’ils commencent à en parler. Par conséquent, des moments délicats sur le plan éthique risquaient de survenir au cours des travaux de rechercheFootnote 30. Les adjoints de recherche étaient sensibles aux besoins psychologiques et émotionnels des participants. Nous avons proposé d’interrompre les entretiens si les participants devenaient émotifs. Nous avons fourni une liste de ressources aux personnes qui avaient participé aux entretiens et aux cafés-causeries. Les participants avaient également la possibilité de reparler des échanges à la fin des entretiens et des cafés-causeries, afin que nous puissions nous assurer de leur bien-être émotionnel et les orienter, le cas échéant, vers les services appropriés.
Résultats
Nos entretiens et cafés-causeries avec de jeunes Noirs nous ont permis d’acquérir de riches connaissances à une période au cours de laquelle on disposait de peu de données sur la santé mentale des jeunes Noirs. Le racisme et le fossé intergénérationnel dans les familles ont été les deux principaux facteurs que nous avons identifiés comme contribuant aux problèmes de santé mentale des jeunes NoirsFootnote 8. Parmi les autres facteurs mentionnés par les jeunes Noirs figurent le stress scolaire, les microagressions, la stigmatisation, le stress financier et les événements traumatisants antérieurs. L’expérience des jeunes Noirs illustre le croisement entre race, revenu et divers autres facteurs. Les jeunes ont également indiqué que la spiritualité, le soutien des pairs et le sentiment d’appartenance à une communauté contribuaient positivement à leur santé mentale. Les jeunes cochercheurs ont tenu à poser des questions sur l’accès des jeunes Noirs à des soins de santé adaptés à leur cultureFootnote 3. Les participants ont souligné l’importance de la prestation de services sûrs et adaptés à la culture, tant par des fournisseurs noirs que par des fournisseurs non noirs. D’autres obstacles à l’accès aux services ont également été mentionnés, notamment le coût des services et la stigmatisation. En outre, les services de santé mentale sont souvent situés dans des lieux qui ne sont pas culturellement accessibles aux Noirs. Ces divers obstacles ont incité les jeunes à plaider en faveur de la création d’une clinique de santé mentale idéale pour les jeunes Noirs.
Mobilisation des connaissances
Nous nous sommes engagés à faciliter un échange multidirectionnel de connaissances entre la communauté des chercheurs et les utilisateurs des connaissances, soit les responsables des politiques, les décideurs, les partenaires communautaires, les fournisseurs de services et les immigrants. Les jeunes ont participé activement au processus de diffusion et ont produit un rapport qui a été diffusé à divers intervenantsFootnote 31. Nous avons également organisé une séance à l’intention des intervenants, à laquelle ont participé environ 80 intervenants, dont des jeunes, des leaders communautaires et des membres de l’Agence de la santé publique du Canada. Cette séance a été menée et réalisée par les jeunes.
En outre, les résultats de ces travaux ont été communiqués par la chercheuse principale au premier ministre du Canada. Les résultats ont également été communiqués à la direction générale de l’Africa Centre, qui les a utilisés en collaboration avec l’Alberta Black Therapists Network (le réseau des thérapeutes noirs de l’Alberta) pour créer la première clinique de santé mentale destinée aux Canadiens noirs dans l’Ouest du Canada. Les résultats ont également été publiés dans deux articles évalués par des pairsFootnote 3Footnote 8 et plusieurs présentations en ont été faites. Enfin, mentionnons que, dans nos rapports, nous qualifions les participants de « jeunes Noirs » puisque c’est ainsi qu’ils s’identifiaient tous.
Conclusion
Notre projet nous a permis d’acquérir des connaissances utiles sur la santé mentale des jeunes Noirs et a permis d’orienter les politiques et les pratiques en la matière. Alors que les approches de recherche participative n’impliquent pas toujours les communautés du début à la fin du processus de recherche, dans le cas de notre projet — et il s’agit d’un point fort —, les jeunes ont été impliqués dans toutes les composantes de l’étude et se sont véritablement approprié le projet. Notre engagement préalable sur le terrain, nos consultations avec les jeunes et notre situation en tant que chercheurs noirs (et deux chercheurs non noirs spécialisés dans la recherche participative) ont contribué au bon déroulement du processus de recherche. Les relations de pouvoir en fonction de la classe sociale et de l’âge ont constitué des défis importants dont nous avons tenu compte lors du processus de recherche. Les réunions tenues entre l’un des adjoints de recherche doctorants (BD) et les jeunes avant la rencontre avec l’équipe de recherche ont aidé à surmonter ce défi.
Ayant adopté une approche participative, nous nous attendions à ce que la gestion du temps soit un défi. Cependant, nous avons pu recueillir les données en six mois. L’une des difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés après la collecte des données a été le fait que les jeunes qui assistaient à plusieurs cafés-causeries ne remplissaient pas toujours les formulaires de consentement et de collecte de données sociodémographiques à chaque participation. Ainsi, le nombre de participants à nos séances est supérieur au nombre que nous avons enregistré. Nous avons également dû concilier les écarts entre nos priorités théoriques et nos priorités communautaires. Nous nous sommes assurés de ne pas publier de données avant d’avoir présenté un rapport à nos communautés. Nous avons abordé les questions de confidentialité et de sécurité des données en veillant à ce que les jeunes n’aient accès qu’aux données qu’ils avaient recueillies, à moins qu’ils n’aient participé à l’analyse des données, auquel cas ils avaient accès à l’ensemble des données.
Les caractéristiques sociodémographiques de nos participants reflétaient celles des jeunes de la communauté. Les caractéristiques sociodémographiques de nos adjoints de recherche (bien que majoritairement de sexe féminin) reflétaient également celles de nos participants. Dans les études ultérieures, il conviendrait d’analyser plus avant la manière d’accroître la diversité des genres dans les travaux de recherche sur les jeunes Noirs.
Tous ces efforts ont produit des résultats tangibles et significatifs. Nous avons recruté plus de participants que ce que nous avions initialement proposé pour nos cafés-causeries, nous avons renforcé les capacités des jeunes (dont beaucoup sont aujourd’hui étudiants diplômés ou ont une profession) et nous avons recueilli des données utiles qui ont permis de modifier plusieurs politiques et pratiques.
Remerciements
Nous remercions l’organisme PolicyWise for Children and Families pour le financement qu’il nous a accordé et grâce auquel nous avons pu mener à bien ce travail de recherche.
Conflits d’intérêts
Nous n’avons aucun conflit d’intérêts à divulguer, et aucun avantage ou intérêt financier n’a découlé des applications directes de notre travail de recherche.
Contributions des auteurs et avis
- Conception : BS.
- Obtention de fonds : BS, JS.
- Enquête : BS, JS, BD, DA.
- Méthodologie : BS, JS, BD, DA.
- Administration du projet : BD, DA.
- Supervision : BS.
- Rédaction de la première version du manuscrit : BS, AM.
- Relectures et révisions : DA, JS, BD.
Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement la position du gouvernement du Canada.
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