Commentaire – Les preuves sont là : la prise de responsabilité doit être intégrée au processus d’élaboration des politiques visant à réduire l’insécurité alimentaire des ménages

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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : septembre 2025
ISSN: 2368-7398
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Valerie Tarasuk, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs *; Lynn McIntyre, M.D.Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs *
https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.9.04f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Attribution suggérée
Commentaire par Tarasuk V et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0
Rattachement des auteurs
Correspondance
Valerie Tarasuk, Département des sciences nutritionnelles, Faculté de médecine Temerty, Université de Toronto, 1 King’s College Circle, Toronto (Ontario) M5S 1A8; tél. : 416-978-0618; courriel : valerie.tarasuk@utoronto.ca
Citation proposée
Tarasuk V, McIntyre L. Les preuves sont là : la prise de responsabilité doit être intégrée au processus d’élaboration des politiques visant à réduire l’insécurité alimentaire des ménages. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2025;45(9):425-430. https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.9.04f
Résumé
Devant le problème de l’insécurité alimentaire des ménages qui persiste, des interventions efficaces fondées sur des données probantes sont absolument nécessaires. Les revues systématiques des données probantes compilées par l’Agence de la santé publique du Canada constituent une base importante pour une telle action, mais elles indiquent également la nécessité d’une prise de responsabilité, afin que les précieux fonds publics ne continuent pas à être alloués à des initiatives n’ayant pas fait preuve d’un impact. Nous avons besoin d’objectifs de réduction de l’insécurité alimentaire et d’une certaine prise de responsabilité pour les interventions politiques qui s’accompagnent d’investissements publics importants. Les taux d’insécurité alimentaire des ménages et les conséquences néfastes qui en découlent ne feront qu’empirer si nous ne nous attaquons pas aux revenus insuffisants et précaires qui sont le principal moteur de ce problème de santé publique.
Mots-clés : insécurité alimentaire, Canada, politique publique, aide alimentaire
Points saillants
- L’insécurité alimentaire des ménages s’accroît au Canada et des réponses efficaces et fondées sur des données probantes à ce problème sont absolument nécessaires.
- La prise de responsabilité dans l’élaboration des politiques est essentielle pour garantir que les rares fonds publics ne sont pas alloués à des initiatives dont les preuves d’efficacité sont absentes.
- Il a été prouvé que de nombreuses interventions politiques visant à augmenter les revenus des ménages à faible revenu sont aptes à réduire l’insécurité alimentaire des ménages, mais on ne dispose pas de données probantes de ce type pour les interventions basées sur l’alimentation.
- Afin de renforcer la prise de responsabilité et d’encourager des interventions efficaces, fondées sur des données probantes et axées sur le revenu visant à réduire l’insécurité alimentaire, nous proposons que le gouvernement fédéral s’engage à réduire l’insécurité alimentaire de 50 % et à éliminer l’insécurité alimentaire grave d’ici à 2030.
Introduction
En 2024, l’insécurité alimentaire des ménages a touché 25,5 % de la population des provinces canadiennes et 37,4 % de celle des territoiresNote de bas de page 1. Cette hausse récente correspond peut-être aux pressions inflationnistes, mais même pendant la période de faible inflation qui a précédé la pandémie de COVID-19, l’insécurité alimentaire était largement répandue (figure 1)Note de bas de page 2. Définie brièvement comme le manque d’accès à une alimentation adéquate en raison de contraintes financières, l’insécurité alimentaire est plus répandue parmi les ménages à faible revenu, les locataires, les bénéficiaires de l’aide sociale, les familles monoparentales dirigées par une femme et les personnes qui s’identifient comme noires ou autochtonesNote de bas de page 3.
L’insécurité alimentaire est un grave problème de santé publique au Canada, associée à une moins bonne santé mentale, à un risque accru de maladies infectieuses et de maladies non transmissibles et de blessures, à une moins bonne gestion des maladies, à une plus grande utilisation des soins de santé et à une mortalité prématuréeNote de bas de page 4. La prévalence constamment élevée de l’insécurité alimentaire des ménages, qui de surcroît est en augmentation, est le signe qu’il est urgent de mettre en place des interventions politiques efficaces et fondées sur des données probantes.

Figure 1 : Texte descriptif
Niveau d’insécurité alimentaire | ECR 2018 (janv. à juin 2019) |
ECR 2019 (janv., fév., juil. à sept. 2020) |
ECR 2020 (janv. à sept. 2021) |
ECR 2021 (janv. à juin 2022) |
ECR 2022 (janv. à juin 2023) |
ECR 2023 (janv. à juin 2024) |
---|---|---|---|---|---|---|
Insécurité alimentaire sévère | 3.6 | 3.2 | 3.6 | 4.0 | 6.0 | 6.7 |
Insécurité alimentaire modérée | 8.0 | 7.6 | 7.6 | 8.9 | 10.9 | 12.4 |
Insécurité alimentaire marginale | 5.2 | 5.1 | 4.6 | 5.6 | 6.0 | 6.4 |
Total | 16.8 | 15.9 | 15.8 | 18.4 | 22.9 | 25.5 |
Source des données : Statistique Canada, Tableau 13-10-0834-01 : Insécurité alimentaire selon le type de famille économiqueNote de bas de page 7.
Abréviation : ECR, Enquête canadienne sur le revenu.
Remarque : L’année de l’ECR se réfère à la période de 12 mois précédant la date de l’entrevue associée à l’enquête. Les périodes de collecte de l’information sont indiquées entre parenthèses.
Dans ce contexte, le personnel du Centre de surveillance et de recherche appliquée de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a procédé à un examen exhaustif des données probantes afin d’identifier des stratégies d’intervention efficaces permettant de réduire l’insécurité alimentaire des ménages au Canada. Les auteures de ce commentaire ont participé sur une base volontaire en tant qu’experts en la matière, une expérience qui s’est avérée positive et instructive car nous avons observé une sophistication sans faille dans les méthodes d’examen déployées. Cependant, comme il se doit pour un processus scientifique gouvernemental, ces examens se terminent sans analyse critique ni recommandations. Dans ce commentaire, nous discutons de ce que nous considérons comme les implications politiques et de recherche les plus importantes découlant de ces résultats. Nous le faisons avec la conviction que l’examen des interventions de l’ASPC ne devrait pas être ignoré et que l’insécurité alimentaire des ménages n’est pas un problème insoluble : elle persiste parce que sa réduction n’est pas un objectif politique explicite des gouvernements.
Les examens des données probantes de l’ASPC reposent sur cinq manuscrits évalués par des pairsNote de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9, allant de l’impact de la COVID-19 sur l’insécurité alimentaireNote de bas de page 6 à un examen complet de Nutrition Nord Canada, un programme fédéral de subventions au commerce de détail visant à soutenir l’abordabilité des aliments dans le nord du CanadaNote de bas de page 7. Pris ensemble, ces examens offrent une orientation claire sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour réduire l’insécurité alimentaire au Canada. Mais elles soulèvent également des questions troublantes sur les réponses actuelles des gouvernements.
Nous commentons ici les résultats des examens portant sur les interventions de politique publique dans la population généraleNote de bas de page 1 et sur les interventions fondées sur l’alimentationNote de bas de page 9, car nous considérons que ces examens de données probantes sont les plus pertinents pour obtenir des résultats en matière de santé de la population. Nous synthétisons les principaux résultats, nous définissons les priorités en matière d’intervention politique et nous suggérons des orientations pour de futures recherches.
Principaux résultats
L’efficacité du complément de revenu
La conclusion la plus importante qui ressort de cet examen approfondi des données probantes est l’efficacité des interventions politiques fédérales et provinciales qui augmentent de façon modérée les revenus des Canadiens à faible revenu, par exemple la pension de la Sécurité de vieillesse, la Prestation canadienne pour enfants (PCE) et l’aide sociale. Idzerda et ses collaborateurs ont conclu avec une certitude modérée à élevée que le complément de revenu réduit l’insécurité alimentaire, mais ils n’ont trouvé aucune preuve que les programmes évalués d’aide au logement et les programmes de subventions pour la vente au détail de produits alimentaires avaient un quelconque impactNote de bas de page 5. Ces résultats laissent penser que des revenus insuffisants et instables sont le facteur essentiel de l’insécurité alimentaire des ménages et que les politiques de soutien au revenu sont la clé pour réduire ce problème de santé de la populationNote de bas de page 5.
Comme l’indique la cote de certitude modérée à élevée, la qualité de la recherche sur le supplément de revenu est solideNote de bas de page 5. Les chercheurs ont été en mesure d’estimer les changements dans la probabilité d’insécurité alimentaire au sein de sous-groupes de population exposés à des interventions spécifiques en matière de revenu, en utilisant souvent des méthodes économétriques complexes pour tenir compte d’autres facteurs bien établis agissant sur l’insécurité alimentaire des ménages (par exemple le mode d’occupation du logement, la composition du ménage, le niveau de scolarité, la province ou le territoire de résidence). La solidité des données recueillies dans le cadre de ces études montre qu’il est erroné d’écarter l’importance du revenu comme solution au problème de l’insécurité alimentaire au Canada en se fondant simplement sur certains rapports récents selon lesquels la plupart des ménages souffrant d’insécurité alimentaire ont des revenus supérieurs au seuil de pauvreté officielNote de bas de page 10Note de bas de page 11.
Dans leur revue systématique, Idzerda et ses collaborateurs ont constaté que l’aide au logement (principalement des subventions au loyer) n’avait aucun effet sur l’insécurité alimentaireNote de bas de page 5. Depuis 2020, date à laquelle la dernière étude a fait état de résultats, une variété d’interventions en matière de logement ont été proposées par plusieurs niveaux de gouvernement pour répondre à la crise de l’accessibilité au logement. L’impact de ces nouvelles interventions en matière de logement abordable devrait pouvoir être évalué en relation avec leurs effets sur l’insécurité alimentaire des ménages.
Les interventions basées sur l’alimentation ne parviennent pas à réduire l’insécurité alimentaire
Les banques alimentaires dominent la réponse du Canada à l’insécurité alimentaire depuis plus de 40 ans et ont reçu un financement fédéral et provincial sans précédent tout au long de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 12. Plusieurs provinces, par exemple la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Québec et le Nouveau-Brunswick, continuent d’allouer des fonds importants à ces programmes. Pourtant, il n’y a eu pratiquement aucune évaluation de l’efficacité de ces programmes d’aide alimentaire caritative à réduire l’insécurité alimentaire. Les quelques études disponibles sont de piètre qualité et ne fournissent aucune preuve d’efficacité dans le cadre d’un examen systématiqueNote de bas de page 9. Un corpus parallèle de littérature a fait état de très faibles taux d’utilisation des programmes de bienfaisance alimentaire par les ménages en insécurité alimentaire ayant un domicile. Cela n’est pas surprenant, dans la mesure où l’aide alimentaire caritative ne modifie pas les facteurs sous-jacents de l’insécurité alimentaire des ménages. Les conclusions de l’étude systématique d’Idzerda et ses collaborateursNote de bas de page 9 sont cohérentes avec ce que de nombreux leaders de ce secteur disent depuis des années, à savoir que les solutions au désespoir qui pousse les gens à demander l’aide des banques alimentaires résident dans des réformes des politiques publiques s’attaquant aux enjeux sous-jacents de revenuNote de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15.
À l’instar de la littérature sur les organismes de bienfaisance alimentaire, les évaluations des programmes alimentaires alternatifs, par exemple les programmes de boîtes alimentaires, de jardinage et d’alimentation scolaire ainsi que les interventions de chasse et de pêche spécifiques aux populations autochtones, bien que limitées en nombre, n’ont fourni aucune preuve d’efficacitéNote de bas de page 9. Les deux évaluations dont on dispose en matière de programmes de bons alimentaires ont fourni des preuves faibles à modérées que ces programmes sont aptes à réduire l’insécurité alimentaire, mais cela pourrait s’expliquer par le fait que les bons augmentent le pouvoir d’achat des ménages participants, bien qu’à petite échelle et souvent pour une durée limitée. Les déclarations politiques selon lesquelles le récent investissement d’un milliard de dollars dans un programme national d’alimentation scolaire réduira le nombre d’ « enfants affamés » devront être évaluées au cours des prochaines années en fonction des taux d’insécurité alimentaire dans les ménages avec enfantsNote de bas de page 16. Le manque de preuves que ces programmes alimentaires sont efficaces pour réduire l’insécurité alimentaire devrait également mettre en garde les groupes qui recherchent la souveraineté alimentaire pour leurs communautés. Ces groupes ne devraient peut-être pas s’attendre à des résultats différents.
Nous disposons de 40 ans d’initiatives basées sur l’alimentation pour les personnes en situation d’insécurité alimentaire, mais moins d’études d’évaluation qu’il n’y a de provinces et de territoires au Canada. Alors que la science gouvernementale elle-même montre que ces orientations politiques ne sont pas fondées sur des données probantes, nous verrons inévitablement de nouveaux investissements dans des interventions basées sur l’alimentation à mesure que les médias et les politiques se concentreront sur les taux croissants d’insécurité alimentaire des ménages. Alors que les chercheurs en sciences sociales continuent d’analyser les raisons pour lesquelles ces idées continuent d’attirer des ressources, empêchant la mise en place de solutions plus efficacesNote de bas de page 15Note de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19, nous devons nous demander pourquoi aucune preuve n’est nécessaire et quels sont les résultats escomptés des initiatives fondées sur l’alimentation, si ce n’est une réduction de l’insécurité alimentaire des ménages. En effet, l’évaluation 2024 du Fonds pour l’infrastructure alimentaire locale d’Agriculture et Agroalimentaire Canada suggère que le résultat du soutien des ressources pour le secteur des services liés à l’insécurité alimentaire n’est peut-être pas la réduction de l’insécurité alimentaire, mais plutôt l’atténuation du stress organisationnel causé par la demande accrue de la clientèle pour leurs servicesNote de bas de page 17.
Implications pour les réponses politiques à venir
L’heure est au bilan. Il n’existe que peu ou pas de preuves que les interventions basées sur l’alimentation ont un impact sur l’insécurité alimentaire des ménagesNote de bas de page 9. Pourtant, les communications visant la collecte de fonds des organisations caritatives et des fournisseurs d’aliments alternatifs affirment explicitement qu’ils s’attaquent à l’insécurité alimentaire ou qu’ils la préviennent (voir par exempleNote de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20). Des chercheurs ont également évoqué la corporatisation sous-jacente pour justifier les interventions basées sur l’alimentationNote de bas de page 21Note de bas de page 22. La recherche interdisciplinaire pourrait permettre d’en savoir plus sur ces dynamiques, mais la première étape consiste sans aucun doute à souligner l’incohérence à utiliser des interventions basées sur l’alimentation comme stratégie de réduction de l’insécurité alimentaire, maintenant que cette absence de preuves a été révélée. Nous pensons que la relative absence de prise de responsabilité quant à l’impact des récents investissements dans la charité alimentaire (par exemple les programmes fédéraux liés à la pandémieNote de bas de page 23 et le Fonds des infrastructures alimentaires localesNote de bas de page 17) explique en partie la prévalence toujours élevée de l’insécurité alimentaire au Canada. Aucun gouvernement n’a sérieusement tenté de réduire l’insécurité alimentaire.
Les effets positifs des interventions basées sur le revenu sur l’insécurité alimentaire des ménages documentés par Idzerda et ses collaborateursNote de bas de page 5 proviennent d’évaluations de programmes fédéraux et provinciaux qui n’étaient pas explicitement conçus pour prévenir ou réduire l’insécurité alimentaire. Ces effets constatés étaient secondaires par rapport aux autres objectifs de ces politiques. Par conséquent, les résultats de l’examen systématique ne nous indiquent ni quelle serait la conception optimale d’une intervention sur le revenu qui réduirait l’insécurité alimentaire des ménages, ni dans quelle mesure un supplément de revenu pourrait à lui seul réduire la prévalence de l’insécurité alimentaire. En outre, comme pour toute intervention de politique publique, d’autres considérations d’équité doivent être évaluées : qui en bénéficie, qui en est privé, est-ce que les disparités augmentent ou diminuent et est-ce que des approches ciblées doivent compléter la mise en œuvre généraleNote de bas de page 24?
Il est temps que la réduction de la prévalence et de la gravité de l’insécurité alimentaire des ménages devienne un objectif politique ferme au Canada. Nous proposons que le gouvernement fédéral s’engage à éliminer l’insécurité alimentaire grave au Canada et à réduire de 50 % (par rapport à 2024) la prévalence de l’insécurité alimentaire des ménages d’ici 2030. L’élimination de l’insécurité alimentaire grave est de fait l’Objectif de développement durable 2, Faim Zéro, que le Canada s’est engagé à atteindreNote de bas de page 25. Cet objectif de développement durable est important parce que 1) l’insécurité alimentaire grave est extrêmement préjudiciable à la santé (par exemple, les adultes au Canada qui souffrent d’insécurité alimentaire grave meurent en moyenne 9 ans plus tôt que ceux qui bénéficient de la sécurité alimentaireNote de bas de page 26), 2) la prévalence de l’insécurité alimentaire grave est en augmentation et 3) il est essentiel de faire de l’élimination de l’insécurité alimentaire un objectif politique spécifique pour garantir que les interventions mises en œuvre atteignent et aident réellement les personnes touchéesNote de bas de page 27. L’élimination de l’insécurité alimentaire grave est un objectif réaliste compte tenu de sa grande sensibilité aux interventions sur le revenuNote de bas de page 28Note de bas de page 29.
La prise de responsabilité doit être injectée dans le processus d’élaboration des politiques. Avec l’insertion de la mesure de l’insécurité alimentaire dans l’Enquête canadienne sur le revenu et son inclusion dans le Tableau de bord des indicateurs de la pauvreté, on dispose des indicateurs de suivi nécessaires pour évaluer les politiques d’intervention ciblant le revenu en lien avec la prévalence et la sévérité de l’insécurité alimentaire. Grâce à un processus itératif d’interventions et d’évaluations, utilisant des études longitudinales avec mesures répétées, les leviers politiques cruciaux pour minimiser l’insécurité alimentaire des ménages au Canada peuvent être affinés. Le ministère fédéral le mieux placé pour diriger ces travaux est Emploi et Développement social Canada.
La réduction de l’insécurité alimentaire et l’élimination de l’insécurité alimentaire grave nécessitent des réformes des politiques à la fois fédérales et provinciales ou territoriales, car les deux niveaux de gouvernement ont des responsabilités en matière de transferts de revenus qui, en fonction de leur conception, peuvent renforcer ou compromettre la sécurité alimentaire des ménages. La pension de la Sécurité de vieillesse et le Supplément de revenu garanti offrent aux aînés qui dépendent de ces programmes une protection vitale contre l’insécurité alimentaireNote de bas de page 27. Mais, dans la mesure où les taux d’insécurité alimentaire commencent à augmenter chez les aînésNote de bas de page 1, il est impératif de maintenir l’effet protecteur des pensions publiques. En outre, les principes d’adéquation et de sécurité du revenu qui définissent la Sécurité de vieillesse ou le Supplément de revenu garanti doivent être appliqués aux programmes fédéraux et provinciaux ou territoriaux de soutien du revenu destinés aux adultes en âge de travailler et à leurs enfants. Cela signifie qu’il faut veiller à ce que la PCE permette aux familles à faible revenu de se procurer la nourriture dont elles ont besoin. Étant donné que 32,9 % des enfants de moins de 18 ans vivent actuellement dans des familles en situation d’insécurité alimentaireNote de bas de page 1, il est urgent de réévaluer la PCE. Il est également nécessaire de revoir les prestations d’assurance-emploi et l’Allocation canadienne pour les travailleurs afin de s’assurer que ces prestations sont suffisantes pour permettre aux bénéficiaires de maintenir la sécurité alimentaire de leur ménage malgré le chômage involontaire ou le sous-emploi. Les politiques provinciales et territoriales pertinentes en matière d’insécurité alimentaire sont le salaire minimum, la fiscalité, les allocations familiales et l’aide socialeNote de bas de page 28Note de bas de page 30Note de bas de page 31. Un revenu de base garantiNote de bas de page 32 pourrait remplacer bon nombre de ces programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux et devrait évidemment être évalué sur sa pertinence en matière de lutte contre l’insécurité alimentaire.
Conclusion
Étant donné que le problème de l’insécurité alimentaire des ménages continue à s’aggraver, des réponses efficaces fondées sur des données probantes sont absolument nécessaires. Les analyses systématiques des données compilées par l’ASPC constituent une base importante pour l’action. Mais les résultats de ces analyses mettent également en évidence la nécessité de rendre des comptes, afin que les fonds publics ne soient plus gaspillés dans des initiatives sans preuve de résultat mais se targuant de lutter contre l’insécurité alimentaire. Nous avons besoin d’objectifs de réduction de l’insécurité alimentaire et d’une prise de responsabilité pour les interventions politiques qui s’accompagnent d’investissements publics importants. Les taux d’insécurité alimentaire des ménages et les conséquences néfastes qui en découlent ne feront qu’empirer si nous ne nous attaquons pas aux revenus insuffisants et précaires qui sont le principal moteur de ce problème de santé publique.
Remerciements
Les auteures remercient Tim Li pour son aide dans la préparation de la figure 1. Son travail est soutenu par une subvention de projet des Instituts de recherche en santé du Canada PJT-178380.
Conflits d’intérêts
Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteures et avis
- VT : conception, rédaction de la première version du manuscrit, révisions et relectures.
- LM : conception, rédaction de la première version du manuscrit, révisions et relectures.
Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.
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