Synthèse des données probantes – Sites de consommation supervisée et mortalité par surdose à l’échelle de la population : revue systématique des données récentes, 2016-2024

Revue PSPMC

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Geneviève Gariépy, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Rebecca K. M. Prowse, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1; Rebecca Plouffe, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1; Eva Graham, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 3

https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.9.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

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Attribution suggérée

Synthèse des données probantes par Gariépy G et al. dans la Revue PSPMC mise à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0

Rattachement des auteurs
Correspondance

Geneviève Gariépy, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; tél. : 613-952-7608; courriel : genevieve.gariepy@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Gariépy G, Prowse RKM, Plouffe R, Graham E. Sites de consommation supervisée et mortalité par surdose à l’échelle de la population : revue systématique des données récentes, 2016-2024. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2025;45(9):393-403. https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.9.02f

Résumé

Introduction. La crise des surdoses est l’un des problèmes de santé publique les plus graves en Amérique du Nord. Les sites de consommation supervisée permettent de prévenir efficacement les décès par surdose sur place et de diriger les personnes vers des services de santé, mais leur association avec la mortalité par surdose à l’échelle de la population demeure floue.

Méthodologie. Nous avons recherché dans les bases de données Embase, Global Health et MEDLINE des études portant sur les associations entre les sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose à l’échelle de la population pendant la crise des surdoses, pour la période de janvier 2016 à novembre 2024. Deux évaluatrices travaillant de façon indépendante ont effectué la présélection des études, l’extraction des données et l’évaluation de la qualité des études à l’aide d’outils standardisés (n° d’enregistrement PROSPERO CRD42023406080).

Résultats. Six études, toutes réalisées au Canada, ont répondu aux critères d’inclusion. Dans les quatre études quasi-expérimentales, deux analyses à grande échelle des circonscriptions sanitaires ou des bureaux de santé publique n’ont révélé aucune association significative entre les mesures des sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose au sein des provinces. Certaines analyses portant sur des zones urbaines réduites ont montré des associations avec des effets protecteurs, mais cette conclusion n’était pas valable pour toutes les études. Des associations entre les sites de consommation supervisée et des taux de mortalité plus faibles ont été constatées dans deux études observationnelles, qui présentaient toutefois des limites méthodologiques.

Conclusion. Les analyses à l’échelle provinciale n’ont pas permis de déceler globalement d’associations significatives entre, d’une part, les zones comportant des sites de consommation supervisée et celles n’en comportant pas et, d’autre part, la mortalité par surdose à l’échelle de la population. D’après les analyses, les sites de consommation supervisée localisés dans certaines zones urbaines de taille réduite ont pu être associés à une mortalité par surdose moindre, mais ces constatations ne sont pas uniformes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre comment l’échelle spatiale, le contexte de mise en œuvre et la couverture limitée des services peuvent influencer la détection et l’ampleur des effets potentiels des sites de consommation supervisée sur la mortalité par surdose.

Mots-clés : site de consommation supervisée, réduction des méfaits, mortalité par surdose, épidémie de surdoses, opioïdes, personnes qui consomment des drogues

Points saillants

  • Dans cette revue systématique, nous avons analysé les résultats de six études et observé des associations variables entre les sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose à l’échelle de la population.
  • De façon générale, les analyses à grande échelle des résultats de chaque province n’ont révélé aucune association significative entre les sites de consommation supervisée et les décès par surdose.
  • Certaines études à l’échelle de zones géographiques plus réduites révèlent que les sites de consommation supervisée ont été associés à une diminution du nombre de décès par surdose dans certaines zones urbaines, mais ce constat ne se retrouve pas dans toutes les études.
  • La conception de l’étude, l’échelle spatiale et le contexte local de mise en œuvre peuvent influencer les résultats observés.

Introduction

La crise des surdoses est l’une des crises de santé publique les plus graves tant à l’échelle mondiale qu’en Amérique du Nord. L’aggravation de la crise en 2016 a conduit à ce qu’une urgence de santé publique soit déclarée en Colombie-Britannique, en Virginie et dans d’autres régions d’Amérique du NordNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Entre janvier 2016 et mars 2024, on a recensé au Canada 47 162 décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes, et le taux annuel de décès par surdose d’opioïdes pour 100 000 habitants s’est élevé à 21,5 en 2023Note de bas de page 3. Aux États-Unis, 107 941 décès par surdose d’opioïdes ont été enregistrés pour la seule année 2022, soit un taux annuel de 32,4 pour 100 000 habitantsNote de bas de page 4. La pandémie de COVID-19 semble avoir exacerbé la crise, étant donné que les décès quotidiens apparemment liés à une intoxication aux opioïdes au Canada ont doublé, passant de 10 en 2019 à 20 en 2022Note de bas de page 3.

Les sites de consommation supervisée constituent l’une des principales interventions de santé publique à l’égard de cette criseNote de bas de page 5Note de bas de page 6. Ils offrent des espaces sûrs, accessibles et propres pour la consommation de drogues. Ces installations sont dotées d’un personnel formé qui offre des services et des ressources de réduction des méfaits, comme des pratiques d’injection sûres et des services de vérification des drogues, et qui peut intervenir en cas de surdoseNote de bas de page 7. Ils mettent également les personnes en contact avec des services de santé et des services sociaux tels que le traitement de la toxicomanie et l’aide au logementNote de bas de page 7. Ces sites peuvent différer quant aux modes de consommation qu’ils supervisent (c’est-à-dire par injection, par inhalation, par voie intranasale ou orale) et certains se spécialisent dans des formes spécifiques de consommation, notamment les centres d’injection supervisés. En date de 2022, 16 pays disposaient de sites de consommation supervisée opérationnelsNote de bas de page 5.

Les recherches portant sur les résultats à l’échelle individuelle révèlent que les personnes qui utilisent les services des sites de consommation supervisée bénéficient de multiples avantages. Entre 2017 et 2024, les sites de consommation supervisée auxquels le gouvernement fédéral au Canada a accordé une exemption ont répondu à plus de 60000 événements de surdose et aucun décès n’a été signalé sur les lieuxNote de bas de page 8. Des recherches ont également fait état de retombées sociales, notamment l’amélioration de l’accès au logement, aux services juridiques et aux soins de santé, ainsi que l’amélioration du sentiment d’appartenance à la communauté et de la sécurité chez les personnes qui consomment des droguesNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13. Des études ont également signalé des taux plus faibles d’utilisation des services d’urgence, ainsi qu’une diminution du nombre de surdoses non mortelles, de la mortalité toutes causes confondues et des complications liées à l’injection comme les infections et les abcèsNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16.

Bien que les avantages des sites de consommation supervisée à l’échelle individuelle soient bien documentés, leur association à la mortalité par surdose à l’échelle de la population est moins claire. Les évaluations tirées des années 2000 révèlent des résultats mitigés. Après son ouverture en 2003, le centre Insite de Vancouver, premier site de consommation supervisée autorisé en Amérique du Nord, a été associé à des réductions significatives de la mortalité par surdose localeNote de bas de page 17. En revanche, l’analyse réalisée au centre d’injection supervisée de Sydney, le premier site australien, n’a révélé aucun changement dans la mortalité par surdose locale après son ouverture en 2001Note de bas de page 18. Il convient de noter que ces études ont été menées dans un contexte de santé publique nettement différent, avant l’augmentation spectaculaire des décès par surdose qui s’est amorcée en 2016.

Les revues de la littérature ultérieures n’ont pas porté spécifiquement sur la mortalité par surdose à l’échelle de la population, et la plupart des synthèses se sont principalement appuyées sur les deux premières études menées à Vancouver et à SydneyNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22. La revue systématique la plus récente, qui repose sur la littérature publiée jusqu’en 2019, a porté exclusivement sur l’utilisation de drogues injectablesNote de bas de page 13. Depuis, la crise des surdoses a considérablement évolué, façonnée par la pandémie de COVID-19, par l’augmentation des quantités de fentanyl et de ses analogues dans l’approvisionnement en drogues, ainsi que par d’autres facteursNote de bas de page 23.

Compte tenu de l’évolution de ces conditions et des nouvelles recherches portant sur les associations potentielles entre les sites de consommation supervisée et les taux de mortalité, une revue systématique actualisée était nécessaire. Cette étude vise ainsi à synthétiser les données empiriques de 2016 à 2024 afin d’aider à orienter les interventions en santé publique face à la crise des surdoses dans le contexte actuel.

Méthodologie

Enregistrement de la revue systématique

Notre revue systématique respecte les lignes directrices PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses) 2020Note de bas de page 24 et a été enregistrée dans PROSPERO (n° CRD42023406080).

Sources d’information et stratégie de recherche

Nous avons élaboré une stratégie de recherche exhaustive pour recenser les articles dans les bases de données Embase, Global Health et MEDLINE publiés entre janvier 2016 et novembre 2024. Les termes de recherche ont porté sur deux concepts principaux : la mortalité par surdose et les sites de consommation supervisée. Nous avons limité notre recherche aux publications en anglais et en français à partir de 2016, afin de tenir compte de la littérature publiée pendant la recrudescence des décès en raison des surdoses d’opioïdes en Amérique du Nord ainsi que des changements dans les caractéristiques de l’approvisionnement en droguesNote de bas de page 25Note de bas de page 26. Les recherches ont été effectuées le 20 novembre 2024. Les stratégies de recherche ont été élaborées de concert avec une bibliothécaire. Elles sont présentées en détail dans des documents complémentaires (fichier supplémentaire 1, fourni par les auteures sur demande).

Critères d’admissibilité

Nous avons pris en compte les études quantitatives empiriques (c’est-à-dire les études observationnelles, quasi-expérimentales ou expérimentales), publiées entre le 1er janvier 2016 et le 11 novembre 2024 et qui mentionnaient une association entre les sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose à l’échelle de la population. Plus précisément, nous avons retenu les études portant sur la présence ou l’accessibilité de ces sites, définis comme des lieux désignés où l’on assure une surveillance sur place de la consommation de substances et où l’on peut intervenir rapidement en cas de surdose. Nous avons inclus les sites temporaires, tels que les sites de prévention des surdoses et les sites répondant à des besoins urgents en matière de santé publique, qui ont la même fonction de réduction des risques que les sites de consommation supervisée mais sont établis sur une base temporaire en réponse à des besoins urgents dans une région ou une collectivité particulière. Nous avons également retenu les sites qui se limitent à un seul mode de consommation. Nous avons exclu les études descriptives, les études de modélisation mathématique et les études portant uniquement sur la mise en œuvre des sites de consommation supervisée.

Nous avons inclus les études portant sur les décès liés aux opioïdes ou sur les décès par surdose non précisés, car des données de 2023 révèlent que la plupart des décès par surdose mettant en cause d’autres substances impliquent également des opioïdesNote de bas de page 27. Par exemple, 81 % des décès accidentels par intoxication apparente aux stimulants au Canada mettent également en cause des opioïdesNote de bas de page 27. Étant donné que les sites de consommation supervisée ne documentent pas nécessairement les substances utilisées, le fait de cibler uniquement les opioïdes aurait également limité les données probantes portant sur ces sites. Au Canada, 69 % des drogues consommées dans les sites de consommation supervisée entre mars 2020 et août 2024 étaient des opioïdesNote de bas de page 8.

Enfin, les études portant sur certains sous-groupes de population (par exemple, les personnes en situation d’itinérance) ont été exclues, car notre objectif était d’étudier les effets possibles des sites de consommation supervisée sur l’ensemble des personnes qui consomment des drogues. Les recherches qualitatives, les revues, les éditoriaux, les articles d’opinion, les protocoles, les rapports de cas, les études de cas, les commentaires et les livres ont également été exclus.

Sélection des études et extraction des données

Après avoir importé les références dans Covidence (Veritas Health Innovation, Melbourne, Australie) et supprimé les doublons, deux évaluatrices (GG, RKP ou RP) ont évalué les articles chacune de leur côté en fonction des critères d’admissibilité, d’abord à partir des titres et des résumés, puis en effectuant des recherches dans le texte intégral. Les divergences ont été résolues par discussion. La même paire d’évaluatrices a extrait de façon indépendante les données des études incluses, c’est-à-dire la conception de l’étude, le contexte, la période à l’étude, la mesure relative au résultat en matière de mortalité, la mesure relative au site de consommation supervisée, l’unité géographique d’analyse et les mesures d’association (par exemple, les décès évités, la corrélation, le coefficient de régression). Les divergences relatives à l’extraction des données ont été résolues par discussion.

Évaluation de la qualité

Nous avons évalué la qualité des études à l’aide des outils d’évaluation critique du JBI (JBI, Adelaide, Australie)Note de bas de page 28 en fonction du modèle expérimental utilisé. Les outils du JBI évaluent le risque de biais pour les études observationnelles, quasi-expérimentales et expérimentalesNote de bas de page 28. Deux évaluatrices (GG, RKP ou RP) ont travaillé de façon indépendante pour évaluer le risque de biais, avec résolution des divergences par discussion. Les formulaires d’évaluation de la qualité figurent dans le fichier supplémentaire 2 (fourni par les auteures sur demande).

Méthodes de synthèse

Nous présentons les résultats descriptifs et les résultats des études dans des tableaux récapitulatifs et nous avons résumé les résultats dans une synthèse narrative en fonction de la conception de l’étude. Nous avons également pris en compte les études dont les données ont été recueillies pendant la pandémie de COVID-19 afin d’explorer les effets possibles de celle-ci sur les résultats en matière de mortalité par surdose. Étant donné que la conception des études, l’exposition et les mesures des résultats variaient considérablement, nous n’avons pas réalisé de méta-analyse ni de méta-régression.

Résultats

Sélection et caractéristiques des études

Nous avons inclus 6 études empiriques sur les 478 références uniques identifiées au départ. Sur les 44 études sélectionnées pour analyse complète du texte, 38 ont été exclues : 15 n’incluaient pas le résultat d’intérêt, 19 étaient de conception inadéquate, 3 n’incluaient pas l’intervention visée et 1 avait fait l’objet d’une rétractation (figure 1).

Figure 1. Diagramme de flux PRISMA 2020Note de bas de page 24 du processus de revue
Figure 1. La version textuelle suit.
Figure 1 : Texte descriptif

La figure 1 illustre le diagramme de flux PRISMA 2020 du processus de revue.

Dans l’étape de repérage du processus, n = 938 publications ont été repérées dans les bases de données. De celles-ci, n = 460 étaient des doublons et ont été supprimées.

Dans l’étape de sélection, n = 478 publications ont été sélectionnées. De celles-ci, n = 434 publications ont été exclues, laissant n = 44 rapports dont l’admissibilité a été évaluée. De ces 44 rapports, n = 38 ont été exclus pour les raisons suivantes :

  • Résultat inadéquat (n = 15)
  • Conception de l’étude inadéquate (n = 19)
  • Intervention inadéquate (n = 3)
  • Article rétracté (n = 1)

Ce processus a donné un résultat de n = 6 études retenues pour être incluses dans la revue.

Abréviation : PRISMA, Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses (éléments de rapport privilégiés pour les revues systématiques et les méta-analyses).

Caractéristiques globales

Sur les six études retenues, quatre étaient quasi-expérimentalesNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32 et deux étaient observationnellesNote de bas de page 33Note de bas de page 34. Toutes les études ont été menées au Canada. Quatre études portaient expressément sur les décès par surdose d’opioïdesNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32, une sur les décès par surdose de fentanylNote de bas de page 33 et une sur les décès par surdose toutes substances confonduesNote de bas de page 34. Les sites de consommation supervisée étaient opérationnalisés comme suit : mise en œuvre des sites de consommation supervisée dans quatre étudesNote de bas de page 29Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 34, nombre total de visites aux sites de consommation supervisée dans une étudeNote de bas de page 33 et nombre d’heures d’ouverture pour 100000 habitants dans une autre étudeNote de bas de page 30. Trois études incluaient des données recueillies pendant la pandémie de COVID-19 (après mars 2020)Note de bas de page 30Note de bas de page 32Note de bas de page 33.

Données probantes tirées d’études quasi-expérimentales

Les quatre études quasi-expérimentales utilisaient des analyses de séries chronologiques interrompuesNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32. Deux études utilisaient des modèles contrôlés avec groupe de référence appariéNote de bas de page 29 ou groupe témoin synthétiqueNote de bas de page 30 pour distinguer les effets des sites de consommation supervisée des variations générales observées dans la mortalité par surdose tandis que deux études analysaient les variations observées après la mise en œuvre des sites de consommation supervisée sans groupes témoinsNote de bas de page 31Note de bas de page 32. Comme les décès liés aux opioïdes ont augmenté dans l’ensemble du Canada au cours des périodes à l’étude, les analyses non contrôlées sous-estiment probablement toute association des sites de consommation supervisée à des facteurs de protection, car elles ne tiennent pas compte des tendances à la hausse de la mortalité. Les études ont révélé des tendances variables d’une administration à l’autre, les analyses contrôlées à l’échelle provinciale ne révélant généralement pas d’associations significatives, tandis que les analyses spécifiques à certaines zones ont montré des taux de mortalité par surdose plus faibles dans certaines zones urbaines (tableau 1).

Tableau 1. Caractéristiques des études incluses dans la revue systématique (n = 6)
Auteur(s), année Contexte Période Résultat en matière de mortalité Mesure relative aux SCS Groupe témoin Unité géographique d’analyse Mesure quantitative de l’association avec la mortalité
Études quasi-expérimentales
Panagiotoglou, 2022Note de bas de page 29 Colombie-Britannique, Canada 3 ans;
2015-2017
Décès liés aux opioïdes Circonscriptions sanitaires comptant au moins 1 SCS/SPS Circonscriptions sanitaires n’ayant pas de SCS Circonscription sanitaire Changement dans les tendances en matière de décès/100 000/mois : −0,08; IC à 95 % : −0,23 à 0,09; p = 0,36
Panagiotoglou et Lim, 2022Note de bas de page 30 Ontario, Canada 7 ans;
2014-2021
Décès liés aux opioïdes Heures d’ouverture des SCS/SPS pour 100 000 habitants Témoins synthétiques n’ayant pas de SCS USP β = 0,000; IC à 95 % : 0,000 à 0,000; p = 0,25
Yeung et al., 2023Note de bas de page 31 Calgary, Edmonton, Red Deer et Lethbridge, Alberta, Canada 5,5 ans;
2013-2019
Décès liés aux opioïdes Mise en œuvre des SCS/SPS Aucun Zone locale définie par le service SCS

Calgary : −1,7 décès/mois; IC à 95 % : −4,5 à 0,9; p = 0,09

Edmonton : −5,9 décès/mois; IC à 95 % : −8,9 à −2,9; p < 0,001

Lethbridge : 0,0 décès/mois; IC à 95 % : −0,4 à 0,7; p = 0,60

Red Deer, Alberta : −0,1 décès/mois; IC à 95 % : −0,5 à 0,3; p = 0,09

Robinson et al., 2024Note de bas de page 32 Ontario, Canada 8 ans;
2014-2021
Décès liés aux opioïdes Mise en œuvre des SCS Aucun USP

USP avec SCS : +0,02 décès/100 000/mois; p = 0,27

USP avec SCS : +0,38 décès/100 000/mois; p < 0,001

Études observationnelles
Marshall et al., 2021Note de bas de page 33 Alberta, Canada 4 ans;
2017-2020
Décès liés au fentanyl Nombre total de visites dans les 7 SCS/SPS provinciaux Aucun Province r = −0,64; p = 0,03
Rammohan et al., 2024Note de bas de page 34 Toronto, Ontario, Canada 2 ans;
2017 (1er mai au 31 juillet) comparativement à 2019 (1er mai au31 juillet)
Décès par surdose Mise en œuvre des SCS/SPS Aucun Quartiers situés à moins et à plus de 500 m d’un SCS

Quartiers situés à moins de  500 m d’un SCS : réduction de 67 % du nombre de décès/100 000; p = 0,04

Quartiers situés à plus de 500 m d’un SCS : réduction de 24 % du nombre de décès/100 000; p = 0,38

Deux études menées en Ontario ont utilisé des approches différentes pour analyser les données des unités de santé publique entre 2014 et 2021Note de bas de page 30Note de bas de page 32. L’analyse faisant appel à des témoins synthétiques n’a trouvé aucune association significative entre le nombre d’heures d’ouverture des sites de consommation supervisée et la mortalité liée aux opioïdes (β = 0,000; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 0,000 à 0,000), bien que des effets protecteurs aient été observés localement dans les unités de santé publique de London (β = −0,004; IC à 95 % : −0,006 à −0,002) et de Thunder Bay (β = −0,004; IC à 95 % : −0,007 à −0,0002)Note de bas de page 30. L’autre étude, utilisant une approche non contrôlée, a révélé que, dans les unités de santé publique où au moins un site de consommation supervisée a été mis en œuvre, les taux de mortalité liés aux opioïdes sont demeurés stables (+0,02 décès pour 100000 personnes par mois; p = 0,27), tandis que dans les unités de santé publique sans site de consommation supervisée, les taux ont augmenté (+0,38 décès pour 100000 personnes par mois; p < 0,001), bien que cette différence dans les trajectoires n’ait pas été soumise à une analyse statistique directeNote de bas de page 32.

Une analyse non contrôlée en Alberta a porté sur l’évolution des décès liés aux opioïdes enregistrés entre 2013 et 2019 dans quatre municipalités après la mise en œuvre des sites de consommation superviséeNote de bas de page 31. Edmonton a connu la variation la plus importante, avec six décès de moins par mois (−5,9; IC à 95 % : −8,9 à −2,9), suivie de Calgary avec deux décès de moins par mois (−1,7; IC à 95 % : −4,5 à 0,9), même si l’intervalle de confiance indique une certaine incertitudeNote de bas de page 31. Les résultats de Red Deer (−0,1 décès par mois; IC à 95 % : −0,5 à 0,3) et de Lethbridge (0,0 décès par mois; IC à 95 % : −0,4 à 0,7) n’ont révélé aucune variationNote de bas de page 31. Ces taux en baisse ou stables dans les régions comportant un site de consommation supervisée ont été observés au cours d’une période où les décès liés aux opioïdes connaissaient une hausse dans l’ensemble de l’AlbertaNote de bas de page 31.

En Colombie-Britannique, une analyse contrôlée des circonscriptions sanitaires où des sites de consommation supervisée ont été ouverts entre 2015 et 2017 n’a révélé aucune différence dans les taux de mortalité mensuels liés aux opioïdes par rapport aux témoins appariés par score de propension pour l’ensemble de la province (β = −0,08; IC à 95 % : −0,23 à 0,09)Note de bas de page 29. L’étude excluait le quartier Est du centre-ville (Downtown Eastside) de Vancouver, où se trouve le centre Insite et où les décès par surdose sont les plus élevés, parce qu’il n’a pas été possible de trouver un groupe témoin approprié pour l’appariementNote de bas de page 29.

L’évaluation de la qualité a révélé un faible risque de biais pour les deux études avec groupes témoinsNote de bas de page 29Note de bas de page 30 et un risque accru de biais pour les deux études sans groupes témoinsNote de bas de page 31Note de bas de page 32 (fichier supplémentaire 2, fourni par les auteures sur demande).

Données probantes issues d’études observationnelles

Les deux études observationnelles ont utilisé des plans d’étude écologique pour analyser les associations entre les sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose, l’une à l’échelle de la provinceNote de bas de page 33 et l’autre à l’échelle du quartierNote de bas de page 34 (tableau 1). En Alberta, l’analyse à l’échelle de la province a révélé que des visites plus nombreuses dans les sept sites de consommation supervisée provinciaux ont été corrélées à un nombre moins élevé de décès par surdose de fentanyl entre 2017 et 2020 (r = −0,64; p = 0,03)Note de bas de page 33. L’étude menée à Toronto (Ontario) a comparé les taux de mortalité par surdose à différentes distances des sites en 2017 et en 2019, c’est-à-dire avant et après la mise en œuvre des sites de consommation superviséeNote de bas de page 34. Dans les quartiers situés à moins de 500 mètres d’un site de consommation supervisée, on a comptabilisé 67 % de décès par surdose de moins pour 100000 personnes (p = 0,04) après la mise en œuvre de ces sites. Les zones situées à plus de 500 mètres d’un site de consommation supervisée ont enregistré 24 % de décès en moins, mais cette différence ne s’est pas révélée statistiquement significative (p = 0,38)Note de bas de page 34. L’évaluation de la qualité a révélé que ces deux études de type écologique présentaient un risque élevé de biais, principalement en raison de l’absence de prise en compte des facteurs de confusion (fichier supplémentaire 3, fourni par les auteures sur demande).

Données probantes issues de la pandémie de COVID-19

Trois études incluaient des données antérieures à la pandémie tout en fournissant un aperçu limité des effets spécifiques à la pandémieNote de bas de page 30Note de bas de page 32Note de bas de page 33. Dans le cadre d’une analyse quasi expérimentale des heures d’ouverture des sites de consommation supervisée de l’Ontario, des analyses de sensibilité excluant les données relatives à la pandémie ont été réalisées et ont révélé des répercussions non significatives similaires sur la mortalité liée aux opioïdesNote de bas de page 30. Une étude de conception écologique menée en Alberta a fait état d’une diminution de 64 % du nombre de visites aux sites de consommation supervisée et d’une augmentation de 118 % des décès par surdose liés au fentanyl au cours des premiers mois de la pandémie, mais aucune analyse statistique de ces tendances n’a été effectuéeNote de bas de page 33. Dans l’autre étude quasi expérimentale réalisée en Ontario, on a constaté que des changements se sont opérés dans les services liés à la pandémie, mais leurs répercussions n’ont pas été évaluéesNote de bas de page 32. Dans l’ensemble, l’influence de la pandémie sur les activités des sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose à l’échelle de la population demeurent largement inexplorées.

Analyse

Cette revue systématique a permis de faire la synthèse des données probantes issues de six études empiriques portant sur les associations entre les sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose à l’échelle de la population entre 2016 et 2024. Toutes les études ont été réalisées au Canada. Parmi les quatre études quasi-expérimentales, deux analyses provinciales des sites de consommation supervisée dans des circonscriptions sanitaires ou des unités de santé publique n’ont révélé aucune association significative. Les analyses portant sur des zones spécifiques ont donné des résultats mitigés, des taux de mortalité plus faibles étant associés aux sites de consommation supervisée dans certaines zones locales mais pas dans d’autres. Les deux études observationnelles ont fait état d’associations protectrices, mais ces études présentaient des limites méthodologiques. L’ensemble de ces études révèle des nuances importantes dans la compréhension des associations entre les sites de consommation supervisée et la mortalité par surdose dans différents contextes, les facteurs méthodologiques influençant leur interprétation.

L’échelle spatiale est apparue comme un enjeu méthodologique essentiel. Les études portant sur de petites unités spatiales (comme les quartiersNote de bas de page 31Note de bas de page 34) étaient plus susceptibles de détecter des associations liées à la mortalité que les analyses portant sur des régions administratives plus vastes. Cette tendance pourrait relever à la fois de la nature localisée des services offerts par les sites de consommation supervisée et de facteurs de mise en œuvre. Deux études ontariennesNote de bas de page 30Note de bas de page 32, par exemple, ont porté sur les sites de consommation supervisée situés dans des unités de santé publique dont la taille variait entre 630 km² et 266291 km² Note de bas de page 35. L’étude d’une superficie aussi vaste est susceptible de masquer les effets localisés des sites. Cela concorde avec les constatations des articles concernant TorontoNote de bas de page 34 et VancouverNote de bas de page 17 indiquant que les sites de consommation supervisée ont été associés à des taux de mortalité par surdose plus faibles dans un rayon de 500 mètres autour des sites mais pas au-delà.

La conception de l’étude et l’utilisation de groupes témoins appropriés jouent un rôle crucial dans l’interprétation des résultats. Les analyses quasi-expérimentales contrôlées ont fourni les preuves les plus solides, en tenant compte des tendances temporelles générales relatives à la mortalité par surdose. Dans cette revue, les deux analyses contrôlées n’ont révélé aucune association significative à l’échelle provinciale entre les sites de consommation supervisée dans les circonscriptions sanitaires ou les unités de santé publique et la mortalité par surdose. L’interprétation des analyses non contrôlées nécessite une évaluation attentive du contexte. Dans une période où le nombre de décès par surdose augmentait dans tout le Canada, des taux stables, voire en augmentation, dans les régions dotées de sites de consommation supervisée pourraient laisser entendre qu’il y aurait des avantages possibles et que les taux auraient sans doute augmenté encore plus rapidement en l’absence de ces services. Toutefois, des analyses contrôlées comparant des scénarios hypothétiques appropriés sont nécessaires pour vérifier cette hypothèse.

Les contextes de mise en œuvre peuvent également avoir eu une influence sur les résultats. Les sites analysés correspondaient à des programmes de sites de consommation supervisée urbains bien établis et bénéficiant d’un fort soutien de la collectivité ou bien à des sites plus récents situés dans des zones présentant des schémas de consommation de substances différents et des niveaux différents de services auxiliaires. L’emplacement et l’accessibilité des installations semblent être des facteurs clés. Par exemple, le site de consommation supervisée d’Edmonton, situé en centre-ville et à proximité des transports en commun, a permis de réduire de manière significative le nombre de décès, tandis que le site de Calgary, moins central, a présenté des associations plus faibles, avec des estimations moins précisesNote de bas de page 31. Ces différences liées à la localisation cadrent avec les résultats qualitatifs des études de faisabilité, dans lesquelles les intervenants recommandent systématiquement de mettre en place des sites de consommation supervisée dans des zones où les taux de consommation de drogues sont élevés, où les transports en commun sont facilement accessibles et à proximité d’établissements de santéNote de bas de page 36.

Les effets potentiels sur la mortalité à l’échelle de la population sont susceptibles également d’être limités par la faible proportion de la consommation totale de drogues qui a lieu dans ces sites de consommation supervisée. Des données récentes de l’Ontario laissent entendre que les interventions de ces sites portent sur moins de 1 % des épisodes de consommation à risque dans la provinceNote de bas de page 32. Dans le quartier Est du centre-ville (Downtown Eastside) de Vancouver, où l’intégration des sites de consommation supervisée est la plus étendue au Canada, seulement 5 % des injections de drogue dans la collectivité étaient effectuées sous la supervision de ces sites au début des années 2000Note de bas de page 37. Cette portée limitée significative étant donné que la plupart des décès par surdose surviennent lors d’une consommation en solitaire en milieu résidentiel, où les services des sites de consommation supervisée ne peuvent pas intervenirNote de bas de page 38Note de bas de page 39.

Des contraintes opérationnelles sont susceptibles de limiter aussi les retombées possibles des sites de consommation supervisée à l’échelle de la population. Parmi ces contraintes, citons les heures d’ouverture limitées, les restrictions de capacité des installations et le manque de services spécialisés comme l’inhalation superviséeNote de bas de page 38Note de bas de page 40Note de bas de page 41. La rareté des services d’inhalation est particulièrement problématique, car fumer est devenu le mode de consommation prédominant au Canada et, de plus en plus, la principale méthode en cause dans les décès par surdoseNote de bas de page 42Note de bas de page 43. Les obstacles en matière d’accès tels que la distance géographique, les problèmes de transport et la stigmatisation sont susceptibles de réduire encore davantage l’utilisation des sites de consommation supervisée chez les personnes qui consomment des droguesNote de bas de page 11Note de bas de page 44Note de bas de page 45Note de bas de page 46Note de bas de page 47Note de bas de page 48.

Ces résultats doivent être interprétés dans le contexte plus large et évolutif de la santé publique. Le fait que le fentanyl et ses analogues soient une cause de plus en plus fréquente de décès par intoxication aux opioïdesNote de bas de page 27 ainsi que l’utilisation croissante des benzodiazépinesNote de bas de page 49 et de la xylazineNote de bas de page 50 ont modifié à la fois le contexte de risque pour les personnes qui consomment des drogues et les exigences opérationnelles imposées aux sites de consommation supervisée. Parallèlement, les interventions offertes ont été élargies de manière à inclure des approches émergentes comme les lignes d’appels téléphoniques et les applications d’intervention en cas de surdose, qui peuvent compléter les services offerts en établissement et permettre d’en élargir la portée et l’accessibilitéNote de bas de page 51Note de bas de page 52. La pandémie de COVID-19 a rendu la situation encore plus complexe en raison de ses répercussions sur les activités des sites de consommation superviséeNote de bas de page 53. L’association potentielle entre la pandémie et la mortalité par surdose à l’échelle de la population demeure largement inexplorée dans la base de données probantes dont on dispose.

Limites des études retenues

Les études évaluées présentent certaines limites. La plupart d’entre elles n’ont pas pu prendre pleinement en compte des interventions de santé publique parallèles comme les programmes de distribution de naloxone, ni les changements dans l’offre de drogues ou les changements dans l’accès aux servicesNote de bas de page 29Note de bas de page 33Note de bas de page 54Note de bas de page 55Note de bas de page 56. L’absence de groupes témoins et de comparaisons de groupes dans certaines analyses a limité la possibilité de distinguer les changements associés aux sites de consommation supervisée des tendances sous-jacentes relatives à la mortalité par surdose. Alors que les périodes totales d’étude variaient entre 2 et 8 ans, les périodes dont il a été tenu compte après la mise en œuvre des sites de consommation supervisée étaient beaucoup plus courtes, ce qui a limité à la fois la puissance statistique et la capacité à évaluer les programmes opérationnels au-delà de leurs phases initiales de mise en œuvre. Par ailleurs, dans le cas des études menées pendant la pandémie de COVID-19, il a fallu composer avec des interruptions de service dans les sites de consommation supervisée.

Limites de la revue systématique

Bien que des sites de consommation supervisée soient présents dans au moins 16 paysNote de bas de page 5, toutes les études que nous avons évaluées ont été menées au Canada, ce qui limite les possibilités de généralisation. Le contexte canadien présente des caractéristiques spécifiques qui ne sont pas forcément présentes dans d’autres pays, notamment le processus fédéral d’exemption pour les sites de consommation supervisée, une couverture universelle des soins de santé et des politiques de réduction des méfaitsNote de bas de page 38Note de bas de page 53Note de bas de page 57. En outre, les taux de décès par surdose au Canada sont parmi les plus élevés au monde, comparables seulement à ceux des États-Unis, ce qui témoigne d’une crise particulièrement grave qui ne correspond pas nécessairement aux conditions observées ailleursNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 27.

La plupart des sites de consommation supervisée étudiés se trouvaient dans des milieux urbains associés à des concentrations élevées de décès par surdose, ce qui fait que l’association avec les résultats en matière de mortalité pourrait différer dans les zones peu peuplées ou dans les régions où le nombre de décès par surdose est moins élevéNote de bas de page 51Note de bas de page 58.

Cette revue a porté uniquement sur la littérature évaluée par des pairs et n’a donc pas pris en compte les évaluations des programmes de sites de consommation supervisée et les rapports gouvernementaux relevant de la littérature grise. De plus, comme elle portait sur la mortalité par surdose à l’échelle de la population, elle n’a pas abordé d’autres avantages importants des sites de consommation supervisée, avantages qui peuvent cependant éclairer les décisions en matière de politiques.

Orientations futures

Plusieurs priorités de recherche devraient être envisagées. D’abord, des améliorations méthodologiques sont nécessaires pour combler les lacunes actuelles en matière de données probantes. Les études futures devraient privilégier les modèles quasi expérimentaux avec témoins appropriés afin de mieux distinguer, d’une part, l’évolution de la mortalité à l’échelle de la population associée aux sites de consommation supervisée et, d’autre part, les interventions parallèles, les changements sur les marchés de la drogue et l’évolution des tendances en matière de mortalité. La réalisation de travaux de recherche portant sur de petites unités géographiques d’analyse tout en tenant compte des effets d’entraînement possibles entre les régions pourrait fournir des indications plus claires sur les résultats locaux.

La recherche sur l’optimisation de la prestation de services offre une autre orientation essentielle. Les études devraient analyser comment les différents modèles de sites de consommation supervisée sont liés aux résultats en matière de mortalité en milieu urbain, en banlieue et en milieu rural. Des recherches portant sur certaines caractéristiques opérationnelles précises pourraient éclairer davantage les approches en matière de services, notamment les modes de consommation permis, les interventions à l’égard de la consommation de substances multiples, l’intégration à d’autres services (comme les refuges) et les stratégies émergentes telles que les services mobiles et virtuels qui pourraient accroître la portée des servicesNote de bas de page 38Note de bas de page 52Note de bas de page 59. Il demeure important de comprendre les obstacles en matière d’accès, car les préoccupations en matière de sécurité, la stigmatisation, la présence de la police, le fait que l’accès soit peu commode ainsi que d’autres facteurs sont susceptibles de dissuader les personnes d’utiliser les services, ce qui a des répercussions sur les résultats à l’échelle de la populationNote de bas de page 11Note de bas de page 44Note de bas de page 45Note de bas de page 46Note de bas de page 47Note de bas de page 48.

Une vaste recherche évaluative pourrait contribuer à orienter les décisions sur les politiques fondées sur des données probantes. Des analyses coût-efficacité globales qui prennent en compte les avantages directs et indirects peuvent aider à saisir l’éventail complet des résultats associés aux sites de consommation superviséeNote de bas de page 54Note de bas de page 55Note de bas de page 56Note de bas de page 60. Des modèles de simulation incorporant diverses conditions réelles et des paramètres liés aux politiques permettraient d’explorer comment l’emplacement du site, la capacité du service ou les interventions complémentaires pourraient avoir des effets sur la mortalité à l’échelle de la populationNote de bas de page 54Note de bas de page 55Note de bas de page 56Note de bas de page 60Note de bas de page 61Note de bas de page 62. Il est également essentiel que des travaux de recherche soient menés ailleurs qu’au Canada pour comprendre comment d’autres systèmes de soins de santé et d’autres contextes politiques sont associés aux résultats en matière de mortalité par surdose.

Conclusion

Cette revue systématique a révélé l’existence de preuves mitigées d’associations entre les sites de consommation supervisée et les décès par surdose à l’échelle de la population. À l’échelle provinciale, des études quasi-expérimentales rigoureuses n’ont révélé aucune différence dans la mortalité par surdose entre les circonscriptions sanitaires ou les unités de santé publique qui comportaient des sites de consommation supervisée et celles qui n’en comportaient pas. Cependant, dans le cadre de leur analyse de zones urbaines spécifiques et à une échelle spatiale plus détaillée, certaines études – dont celles qui faisaient appel à des méthodes de grande qualité – ont recensé des taux de mortalité plus faibles dans les zones ou quartiers après mise en œuvre de sites de consommation supervisée. Alors que ces sites présentent des avantages bien documentés à l’échelle individuelle, leurs répercussions sur la mortalité globale à l’échelle de la population dépendent du contexte et sont moins claires.

Les sites de consommation supervisée sont une composante de l’approche globale de santé publique visant à réduire les méfaits liés aux substancesNote de bas de page 57. Leur efficacité peut être renforcée en les intégrant à d’autres interventions fondées sur des données probantes, telles que la fourniture de trousses de naloxone à emporter, les traitements par agonistes opioïdes et les services de vérification des droguesNote de bas de page 63. Cette revue montre que des travaux de recherche suivis et rigoureux sont nécessaires pour comprendre le rôle potentiel que peuvent jouer les sites de consommation supervisée dans la lutte contre la crise des surdoses.

Remerciements

Nous tenons à remercier Shannon Hayes, des bibliothèques de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada, qui a contribué à l’élaboration des stratégies de recherche. Nous remercions également nos collègues de la Direction des substances contrôlées et de la réponse aux surdoses de Santé Canada pour leurs relectures et leurs conseils.

Financement

Ces travaux de recherche n’ont reçu aucun financement de la part d’un organisme des secteurs public, commercial ou sans but lucratif.

Conflits d’intérêts

Les auteures n’ont aucun conflit d’intérêts à déclarer.

Contributions des auteures et avis

  • GG : conception, organisation des données, analyse formelle, enquête, méthodologie, administration du projet, supervision, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
  • RKP : organisation des données, analyse formelle, enquête, méthodologie, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
  • RP : conceptualisation, analyse formelle, enquête, administration du projet, supervision, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
  • EG : conception, enquête, administration du projet, relectures et révisions.

Toutes les auteures ont lu et approuvé la version finale.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures; les points de vue ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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