Une voie vers la paix et la raison d’être : le programme Possibilités de justice réparatrice a aidé Rowan et sa famille à transformer la douleur en paix
Article rédigé par la Division de la justice réparatrice du Service correctionnel du Canada
« Parfois, les choses qu’on craint le plus ne sont pas ce qu’on croit. »
C’est ce que Rowan a constaté le jour où il s’est assis devant Ronald, l’homme qui a tué sa mère. Ce parcours, qui a commencé par une perte inimaginable, s’est transformé en une expérience inattendue d’amour et de paix. Leur cheminement, appuyé par le programme Possibilités de justice réparatrice du Service correctionnel du Canada (SCC), est devenu plus qu’une simple rencontre. Il a constitué un moment décisif qui les a aidés à retrouver un sens et à voir l’être humain derrière l’acte inimaginable.
En août 1988, alors que Rowan n’avait que quatre ans, sa vie a changé pour toujours. Sa mère, Catherine Greeve, a été tuée lors d’une agression brutale à la station de train Churchill, à Edmonton. Elle rentrait au travail après avoir dîné avec son mari lorsqu’elle s’est arrêtée aux toilettes. C’est là qu’elle a été étranglée à mort par un jeune homme qui se cachait pour voler quelqu’un. Pendant des décennies, le traumatisme de cette journée a marqué la vie de Rowan et de sa famille.
Des années plus tard, après avoir assisté à une conférence de la Victims of Homicide Support Society à Edmonton, un organisme fondé en partie par son grand-père, le père de Catherine, Rowan repensait aux témoignages qu’il venait d’entendre. Des victimes qui avaient rencontré ceux qui leur avaient causé du tort et qui leur avaient pardonné. Ces histoires l’ont profondément bouleversé et c’est sur le chemin du retour que Rowan a vécu ce qu’il décrit comme une révélation spirituelle. « J’ai vu un océan d’amour, et j’ai senti que j’étais celui qui pouvait l’offrir.»
Ronald est celui qui a tué sa mère.
Habité par une foi profonde, Rowan avait déjà pardonné à Ronald dans son cœur. Mais après avoir entendu les histoires percutantes de victimes ayant rencontré les personnes responsables de la mort de leurs proches, il a ressenti le besoin de faire de même. Il fallait seulement qu’il trouve une façon d’y parvenir, car l’homme qui avait tué sa mère était toujours derrière les barreaux dans un pénitencier fédéral. Il ne pouvait tout simplement pas prendre le téléphone ou se présenter sur place pour avoir une conversation avec Ronald. Si Rowan voulait le rencontrer en personne , il devrait suivre les protocoles de la prison, demander des permissions et affronter seul ses propres émotions. Une tâche qui semblait colossale.
Un mois plus tard, Jennifer Haslett et Alan Edwards, médiateurs du programme Possibilités de justice réparatrice, étaient invités comme conférenciers à la rencontre de la Victims of Homicide Support Society. C’est là que Rowan a découvert ce programme du SCC conçu pour offrir des services uniques et personnalisés aux victimes qui souhaitent communiquer avec la personne responsable de la mort de leur proche. Ce moment a marqué le début d’un parcours déterminant.
Nancy Whistance-Smith, tante de Rowan et sœur de Catherine, l’a accompagné dans ce processus. Deux médiateurs du programme Possibilités de justice réparatrice ont également été présents à chaque étape de ce parcours. Jennifer Haslett, médiatrice, a accompagné Rowan et Nancy avec respect, attention et sensibilité. Elle a pris le temps de comprendre leurs besoins particuliers et de les soutenir dès les premières étapes. Les croyances spirituelles de Rowan et Nancy occupent une place centrale dans leurs vies et Jennifer l’a reconnu immédiatement et en a soigneusement tenu compte à chaque étape.
La médiatrice Chantal Chicoine a, quant à elle travaillé, étroitement avec Ronald, le délinquant, pour l’aider à réfléchir à ce qui s’était produit et aux répercussions de ses gestes. Elle s’est assurée qu’il était fin prêt pour la rencontre, ce qui était d’une grande importance pour Rowan et Nancy.
Quand est venu le temps de rencontrer le délinquant face à face, les deux médiatrices étaient là pour faciliter le dialogue et veiller à ce que chacun se sente en sécurité et à l’aise d’interrompre la conversation à tout moment, si nécessaire.
Nancy se rappelle le moment où Ronald est entré dans la pièce. Il a dit : « Je suis tellement désolé. Je suis tellement désolé, s’il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour votre famille. » Et Rowan a répondu : « Je vous pardonne. Au nom de Jésus, vous avez été pardonné. C’était l’un des moments les plus spirituels de ma vie. » Nancy ajoute : « C’est l’homme qui a changé nos vies de façon horrible. Mais je ne crois pas que c’était voulu. Ce n’est pas l’homme qu’il est. »
« C’était très puissant. C’était calme, mieux que je ne l’aurais jamais cru », poursuit Rowan en parlant de sa rencontre avec Ronald, l’homme qui a ôté la vie à sa mère. Loin de l’image terrifiante qu’il gardait de son enfance, Ronald lui est apparu comme un homme ordinaire, vieillissant. « C’était un moment d’apprentissage », ajoute Rowan. « Parfois, les choses qu’on craint le plus ne sont pas ce qu’on croit. »
Après la rencontre, Jennifer a aidé Rowan et Nancy à assimiler l’expérience, leur offrant un espace sécurisant, ouvert et respectueux de leurs croyances spirituelles. La médiatrice a mis en place un cadre propice à la réflexion, la guérison et à la « découverte de sens » tout en honorant la foi et les valeurs des participants.
Ronald, incarcéré depuis plus de 3 décennies, a refusé plusieurs fois la libération conditionnelle. Rowan s’est longtemps demandé pourquoi, surtout après que le pardon lui a été accordé. Avec le temps, il a compris que Ronald ne se sent peut-être pas prêt à affronter le monde extérieur. Nancy ajoute que Ronald a avoué qu’il ne comprend toujours pas pleinement comment il a pu tuer quelqu’un. Ronald a posé des questions et fait part de ses préoccupations concernant une potentielle sortie de prison. Nancy et Rowan estiment tous 2 que Ronald a besoin d’un environnement encadré et bienveillant, qui ne soit pas une cellule de prison.
Nancy décrit l’impact spirituel de la rencontre comme étant profond : « J’ai le sentiment que les choses ont progressé, que le pardon que j’avais commencé à accorder très tôt dès le début a pu enfin s’accomplir pleinement. »
Pour Rowan, l’expérience se résume en 3 mots : amour, pardon et paix.
Malgré la tragédie, Rowan et Nancy voient le cheminement de Ronald. Il a tissé des liens solides en détention, il aide les autres en traduisant, et parle de pardon de manière à rendre hommage au cadeau qu’il a reçu. « Il ne dit pas que quelqu’un pourrait vous pardonner », explique Rowan. « Il dit : “J’ai été pardonné”. » Cette nuance est essentielle pour Rowan. Ronald ne parle pas de pardon comme d’un espoir vague ou d’une possibilité lointaine. Il parle de son vécu et reconnaît que quelqu’un lui a déjà manifesté cette grâce. Cela démontre qu’il a pleinement accepté ce pardon et qu’il tente désormais de vivre d’une manière qui reflète ce cadeau.
Leur histoire surprend souvent les gens. « Quand je leur dis que j’ai pardonné à celui qui a tué ma mère, ils sont sous le choc », dit Rowan. « Mais ça ouvre la porte à des conversations profondes. »
Nancy et Rowan reconnaissent l’impact profond que le programme Possibilités de justice réparatrice peut avoir, non seulement sur les victimes, mais aussi sur les délinquants et les familles. Ils sont conscients que leur expérience est unique, peut-être même rare, et qu’elle ne représente qu’une facette de ce que la justice réparatrice peut offrir. Ils savent également que pour d’autres, ce programme pourrait être l’occasion de poser des questions longtemps restées sans réponse, ou de voir le visage de la personne qui a changé leur vie à jamais.
La foi chrétienne de Rowan et Nancy a été une pierre angulaire tout au long de leur processus de justice réparatrice. Le soutien constant qu’ils ont reçu de la part de la médiatrice du programme a donné encore plus de valeur à leur parcours. Un exemple concret de cette relation durable est que chaque année au mois d’août, une période particulièrement difficile pour eux, la médiatrice continue de leur offrir réconfort et soutien.
Bien qu’ils reconnaissent qu’il s’agit de leur version de l’histoire, ils restent curieux de connaître le point de vue de Ronald. Même s’il n’est peut-être pas possible d’avoir d’entrevue avec lui, Nancy et Rowan considèrent que ses œuvres d’art offrent un aperçu de son expérience.
Pour Rowan et Nancy, ce parcours, rendu possible grâce au soutien du programme Possibilités de justice réparatrice, a été une manière de retrouver un sens, de rendre hommage à la vie de Catherine et de choisir la paix plutôt que la douleur. « Nous souhaitons que la vie de Cathy ait un sens », disent-ils. « L’histoire ne s’est pas terminée avec sa mort. On a pu tirer du bon d’un événement horrible. »
Pour en savoir plus sur le programme Possibilités de justice réparatrice du SCC et ses services :