Psychologie Médico-Légale Partie 2 : Chapitre 2 : Information générale

Contexte

Chapitre 2

Redéfinir le rôle des services psychologiques dans la gestion du risque : évaluation, communication, surveillance et intervention.

by Laurence L. Motiuk, Ph.D. Note de bas de page 1 

Notre client, le public, se préoccupe de la façon dont nous gérons le secteur correctionnel essentiellement parce qu'il nous (le Service correctionnel du Canada) perçoit comme étant responsable de sa sécurité. Comme la plupart des délinquants réintègrent la société un jour ou l'autre, la meilleure façon pour nous de servir le public est d'évaluer correctement le risque que représente chaque délinquant, puis de prendre les mesures voulues à l'aide des outils dont nous disposons, en mettant à contribution notre formation et notre connaissance directe de la gestion de ce risque.

La gestion efficace du risque suppose que les décisions qui ont une incidence sur l'organisme sont prises au moyen des meilleures méthodes et correspondent aux objectifs généraux du système.

En matière correctionnelle, pour élaborer un programme efficace de gestion du risque ou pour améliorer celui qui existe déjà, il suffit d'appliquer les principes de gestion du risque de manière à prévenir dans la mesure du possible d'autres activités criminelles (récidive). Ces principes comprennent l'évaluation du risque posé par le délinquant, la communication de renseignements, la surveillance des activités et, dans les cas où c'est indiqué, une intervention correctionnelle (p. ex., neutralisation du délinquant ou application de programmes). Lorsque ces activités de gestion du risque sont intégrées dans chaque fonction et à chaque niveau du système correctionnel, la sécurité du public s'en trouve accrue.

Le Service correctionnel du Canada continue d'élaborer et d'améliorer ses mécanismes d'évaluation et de gestion du risque. Cet article porte sur deux questions importantes et interreliées qui se posent aux psychologues appelés à prendre part à la gestion du risque : « Comment procède-t-on à l'évaluation du risque dans le secteur correctionnel? » et « Comment gérons-nous le risque? » Nous nous poserons ensuite une dernière question : « Quelles autres mesures s'imposent? »

Comment procède-t-on à l'évaluation du risque dans le secteur correctionnel?

Pour le public, la récidive est un problème grave parce qu'elle témoigne d'une reprise de l'activité criminelle et de l'inefficacité des interventions correctionnelles. Pour les gestionnaires du secteur correctionnel, l'inadaptation du délinquant au milieu carcéral ou à la liberté constitue un problème important parce qu'elle engendre un comportement nuisible ou non respectueux des règles établies.

Pour évaluer la probabilité d'une reprise de l'activité criminelle ou d'une inadaptation du délinquant, il faut tenir compte de deux facteurs :

  1. la reconnaissance du problème ou du risque et
  2. la réaction à celui-ci (on l'assume ou on le rejette).

Pouvoir prendre une décision avec assurance, après avoir pris en considération tous les facteurs de risque pertinents, est la pierre angulaire de tout programme efficace de gestion du risque. Dans la pratique, l'analyse du risque que représente le délinquant doit sous-tendre une grande partie des décisions prises en milieu correctionnel quant au niveau d'incarcération ou de sécurité, à l'octroi d'une mise en liberté provisoire ou sous condition, aux exigences en matière de surveillance et au choix des programmes offerts au délinquant. Il n'est donc pas étonnant de constater la prolifération en Amérique du Nord des tentatives de conception, d'élaboration et de mise en place de mécanismes permettant d'évaluer objectivement les délinquants (Andrews, Banta et Hoge, 1990).

i) Vue d'ensemble

La majorité des instruments objectifs d'évaluation du risque utilisés aujourd'hui datent de la fin des années 1970 ou du début des années 1980. Malgré les importantes recherches sur lesquelles ils reposaient, ils sont loin de faire l'unanimité en milieu correctionnel.

Bien que ces instruments permettent de mieux comprendre et prévoir le comportement criminel, les divergences qui demeurent inexpliquées sont encore plus nombreuses que celles auxquelles on a trouvé une explication, en ce qui concerne les résultats de diverses décisions importantes (par exemple, la permission de sortir sous surveillance ou la libération conditionnelle). Étant donne ce résultat quelque peu décevant, l'évaluation du risque en milieu correctionnel devra sans doute se faire à l'aide de plus d'un instrument. On devra évaluer les délinquants au moyen d'un processus intégré regroupant différentes méthodes : le Processus d'évaluation et de réévaluation à l'aide de plusieurs prédicteurs et méthodes (Motiuk, 1991).

Pour relever les défis auxquels il est appelé à faire face dans les années 1990, le secteur correctionnel devra se doter de nouvelles méthodes d'évaluation du risque assorties d'un programme de réévaluation systématique qui lui permettra d'améliorer sensiblement sa gestion du risque. A cette fin, le Service correctionnel du Canada devra adopter un nouveau modèle d'évaluation psychologique. Ce modèle, qui reste à concevoir, devra être à la fois qualitatif et quantitatif, avoir une validité prédictive, refléter la réalité, être souple et faire une large place au jugement professionnel.

Une évaluation exhaustive du risque dès l'admission au pénitencier est d'une importance capitale pour juger du risque que représente le délinquant aux étapes ultérieures de sa peine, lorsqu'une décision est prise quant à son aptitude à bénéficier de la libération conditionnelle. En même temps, il convient de signaler que le modèle d'évaluation du risque utilisé par le Service auprès des délinquants libérés sous condition donne de bons résultats et qu'il a servi de fondement à la conception d'un processus d'évaluation initiale des détenus. Pour mettre en place un seul système intégré, il faudra se doter de moyens permettant d'évaluer le délinquant à l'étape de l'admission et d'utiliser concrètement les résultats ainsi obtenus (même langage et mêmes signaux) pour le réévaluer durant son incarcération et après sa mise en liberté sous condition.

Les recherches déjà effectuées sur la valeur prédictive des évaluations du risque et des besoins ont permis de tirer trois conclusions importantes :il existe un lien étroit entre les antécédents criminels du délinquant et la « réussite » de sa mise en liberté sous condition (Nuffield, 1982); il y a une relation constante entre les besoins du délinquant, type et nombre, et la probabilité d'une récidive (Motiuk et Porporino, 1989a); et, surtout, l'évaluation combinée du risque pose par le délinquant et de ses besoins accroit considérablement la capacité de prédire la récidive (Banta et Motiuk, 1992).

Les principales considérations relatives au principe du risque sont l'évaluation du risque, la prévision de la récidive et la nécessité d'adapter le niveau de traitement au degré de risque que présente le délinquant (Andrews, Banta et Hoge, 1990). Malgré l'imposante quantité de données empiriques qui viennent étayer le « principe du risque », celui-ci ne pourra être pleinement appliqué tant qu'on n'aura pas mis en place un cadre permettant de fixer les priorités, de mettre en œuvre les programmes et d'affecter les ressources de manière à répondre le mieux possible aux besoins des délinquants. Le Service correctionnel du Canada s'est engagé dans un projet ambitieux en se dotant d'une stratégie correctionnelle qui reconnait la nécessité d'une formule globale et intégrée d'évaluation des délinquants au moment de l'admission au pénitencier.

Le Processus d'évaluation initiale des détenus représente pour nous la technique d'évaluation du risque de la dernière génération. Il permet de recueillir des renseignements de différentes sources (les services de police, les tribunaux, les services de probation, la famille, les employeurs), à l'aide de plusieurs méthodes (déclarations de l'intéressé, entrevue, examen du dossier). Il serait trop long de décrire ici tous les rouages de ce processus, mais il convient de signaler que ses principales composantes pourraient exiger un apport du psychologue à chaque étape.

À partir du moment où le détenu commence à purger sa peine, les agents de gestion des cas coordonnent la collecte de tous les renseignements à son sujet provenant de sources à l'intérieur et à l'extérieur du Service correctionnel du Canada. Ces renseignements, que les agents de gestion des cas doivent fournir tant qu'ils s'occupent du délinquant, servent de fondement a toutes les décisions prises et à toutes les recommandations faites au sujet du délinquant.

En plus d'être les principaux intervenants du processus d'évaluation initiale, les agents de gestion des cas jouent un rôle important dans la définition du plan correctionnel, la surveillance dans l'établissement, la préparation du dossier aux fins d'une décision (relative à la libération conditionnelle ou à la mise en liberté) et la surveillance dans la collectivité. De leur côté, les psychologues jouent un rôle important en fournissant des évaluations sur des questions bien précises qui permettent de mieux comprendre le délinquant à chaque étape du processus correctionnel.

Lorsqu'un délinquant se voit infliger une peine de ressort fédéral (deux ans ou plus), il est interviewé par un agent de gestion des cas (agent de liberté conditionnelle). Que le délinquant soit détenu dans une prison locale, dans un établissement de détention provisoire ou dans un centre de détention, on entreprend son évaluation initiale en lui expliquant le système correctionnel fédéral. Tout d'abord, l'agent de gestion des cas tache de déceler tout problème grave (par exemple, risque de suicide, sécurité, sante), puis il rassemble les dossiers du délinquant en s'adressant aux autorités pertinentes (tribunal, police, service de probation, service médico-légal et autorités carcérales). Peu après, ces informations sont acheminées à l'établissement fédéral auquel le délinquant est transféré, lequel est doté d'une unité spécialisée appelée Unité d'évaluation initiale (UEI).

Même après l'incarcération du délinquant, un agent de gestion des cas dans la collectivité d'où vient le délinquant entreprend une enquête communautaire postsententielle. Il tâche d'obtenir des renseignements de diverses sources sur la nature des relations du délinquant avec certaines personnes de son entourage (par exemple, les membres de sa famille ou ses employeurs).

Il cherche aussi à déterminer l'effet que les contacts avec ces personnes est susceptible d'avoir sur le délinquant pendant son incarcération ou au moment de sa mise en liberté ainsi que le soutien qu'elles sont disposées à lui offrir lorsqu'il sortira de prison. En outre, on recueille l'avis de ces personnes sur les besoins du délinquant en ce qui a trait à l'emploi, aux relations conjugales et familiales, a la toxicomanie, etc.

À son arrivée a l'UEI, le délinquant passe une entrevue et bénéficie d'une séance d'information. Il fait l'objet d'une évaluation initiale qui permet de dépister tout problème immédiat sur le plan de la sante, de la sécurité (celle du détenu ou d'autres personnes), de la santé mentale et du risque de suicide. À cette étape du processus d'évaluation, si l'on croit déceler un problème quelconque, on demande l'évaluation psychologique du délinquant, suivie au besoin de l'intervention appropriée (psychotherapie).

Après l'évaluation initiale viennent les deux valets les plus importants du processus d'évaluation au moment de l'admission : 1) évaluation du risque de récidive et 2) identification et analyse des besoins. Les délinquants sexuels sont automatiquement renvoyés au service de psychologie pour une évaluation approfondie. Les autres détenus sont dirigés vers les services psychologiques si une évaluation particulière (p. ex., du fonctionnement neuropsychologique) s'impose.

ii) Évaluation du risque de récidive

Quand un délinquant est pris en charge par le système correctionnel fédéral, on évalué le risque de récidive qu'il présente d'après les facteurs suivants :

La description détaillée du ou des crimes pour lesquels le délinquant est incarcéré figure dans le rapport sur le profil criminel.

Les antécédents criminels

L'examen systématique du dossier du délinquant, contenant les rapports de police, la transcription du procès et le casier judiciaire, permet de dresser le relevé des antécédents criminels de l'intéressé. Ce document porte non seulement sur l'infraction pour laquelle le délinquant est incarcéré mais aussi sur ses crimes antérieurs. On recueille de l'information sur ses infractions antérieures, sur le nombre et la nature des condamnations, sur les décisions rendues à son endroit par un tribunal pour adolescents, sur les sanctions imposées par un tribunal pour adultes et sur les périodes sans crime. Tous ces renseignements indiquent la nature et la gravité des démêles du délinquant avec la justice.

La gravité de l'infraction

De même, un examen systématique du dossier du délinquant permet de faire un relevé de la gravite de l'infraction, a l'origine de la peine d'incarcération en cours et sur les infractions antérieures. On établit un indice chronologique décrivant l'évolution de la gravité des infractions commises par l'intéressé et un indice de la gravité de l'infraction pour laquelle il est incarcéré cette fois. Quant aux infractions pour lesquelles le délinquant est incarcéré, on tient compte de la nature des condamnations, de la durée de la peine, du nombre et des catégories de victimes, de la violence exercée à leur endroit ainsi que du tort physique et psychologique qu'elles ont subi. Ces données indiquent la nature et la gravité du tort que le délinquant a causé à l'ensemble de la société et à ses victimes en particulier.

Les antécédents de délinquance sexuelle

Dans ce cas encore, on examine à fond le dossier du délinquant afin de dresser une Liste de vérification des antécédents de délinquance sexuelle. Cette liste porte sur les points suivants : désignation de délinquant sexuel, nature de l'infraction sexuelle pour laquelle le sujet est incarcéré actuellement, nature des infractions sexuelles pour lesquelles il a été condamné dans le passé, victimes, dommage grave, évaluation et traitement antérieurs. Les délinquants sont appelés délinquants sexuels s'ils purgent une peine pour une infraction sexuelle, s'ils ont déjà été condamnés pour une ou plusieurs infractions sexuelles, s'ils purgent une peine pour une infraction reliée a une infraction sexuelle ou s'ils ont déjà été reconnus coupables d'une telle infraction. On vérifie si le dossier fait état d'inceste, de pédophilie, d'agression sexuelle ou d'autres infractions sexuelles (voyeurisme, exhibitionnisme, fétichisme, bestialité, par exemple). La liste de vérification permet aussi de recueillir de l'information sur le nombre des victimes, leur sexe et leur âge. Pour qu'il y ait dommage grave, aux termes de la loi, il faut que l'infraction pour laquelle le délinquant est incarcéré ait cause la mort ou un tort considérable à quelqu'un. On cherche aussi à savoir si le délinquant a déjà subi des évaluations psychologiques ou psychiatriques antérieures, s'il a déjà suivi un traitement pour la délinquance sexuelle et s'il en suit un actuellement. Enfin, toute cette information permet de connaitre la nature et la fréquence des crimes sexuels commis par l'intéressé, la gravité des torts infligés aux victimes et sa participation à des évaluations, à des traitements ou à des interventions à l'intention des délinquants sexuels.

Le risque de récidive

Pour établir le risque général de récidive, on rassemble les avis de professionnels exprimés dans les différents relevés (antécédents criminels, gravité de l'infraction) et la Liste de vérification des antécédents de délinquance sexuelle. On détermine également, à la lumière des critères du maintien en incarcération, la nature de l'infraction pour laquelle le délinquant est incarcéré et la gravité des torts causés à la victime. Puis on utilise l'Échelle d'information statistique sur la récidive (ISR), instrument statistique de prévision de la récidive. Il s'agit d'un système qui permet de calculer le risque de récidive pour différentes catégories de délinquants en combinant certaines caractéristiques démographiques et les antécédents criminels. Pour évaluer le risque de récidive, on peut également tenir compte de beaucoup d'autres données, par exemple l'information supplémentaire obtenue dans le cadre d'une évaluation spécialisée (p. ex., de la délinquance sexuelle) et les avis exprimés pendant les conférences de cas.

iii) Identification et analyse des besoins du délinquant

Le protocole d'identification et d'analyse des besoins du délinquant regroupe en sept domaines les 12 ordres de besoins définis à l'heure actuelle dans l'Échelle de gestion du risque et des besoins dans la collectivité:

À chacun de ces domaines correspond une liste d'indicateurs (environ 200 en tout) et des consignes relatives à la cotation de ces besoins. Pendant l'évaluation, au moment de coter chacun de ces ordres de besoins, on examine tous les antécédents du délinquant, y compris ses caractéristiques personnelles, l'influence d'autres personnes sur lui, les déterminants situationnels et les conditions du milieu dans lequel il évolue.

Besoins du délinquant

Pour évaluer de façon globale les besoins des délinquants, on se fonde sur les avis de spécialistes exprimés dans le cadre d'une évaluation initiale (de la santé, de la santé mentale, du risque de suicide) et sur les observations ou impressions (quant à l'intensité des besoins, par exemple) relatives à chacun des sept domaines de besoins.

Viennent s'ajouter au processus d'évaluation initiale les évaluations psychologiques, les observations du personnel de l'UEI sur le comportement du délinquant et diverses autres évaluations (p. ex., niveau de scolarité ou toxicomanie). L'équipe multidisciplinaire de l'UEI analyse tous les renseignements recueillis sur le délinquant à l'occasion d'une conférence de cas. Cette équipe peut comprendre des chefs d'unité, des agents de gestion des cas, des psychologues, des infirmières, des agents de correction et toute autre personne pouvant aider à mieux comprendre le cas. Il est reconnu que si les membres de l'équipe de l'UEI parviennent à un consensus quant au risque que présente le délinquant et aux besoins qu'il éprouve, cela devrait améliorer sensiblement la validité prédictive de l'évaluation faite au moment de l'admission.

À la fin du processus d'évaluation initiale, on rédige un rapport récapitulatif sur le délinquant. Ce rapport précise le niveau de risque pose par le détenu ainsi que l'intensité de ses besoins, les catégories prévues allant de « faible risque/besoins faibles » à « risque élevé/besoins élevés ». Pour chacun des sept domaines dans lesquels on examine les besoins du délinquant, on inscrit une mention allant de « facteur positif aux fins de l'adaptation à la collectivité » à « besoin d'amélioration considérable ». En outre, le rapport établit l'ordre de priorité des besoins du délinquant, évalue sa motivation, précise sa cote de sécurité (indiquant qu'il doit être incarcère dans un établissement à sécurité minimale, moyenne ou maximale), décrit ses antécédents sociaux et indique dans quel pénitencier il sera placé. Cette évaluation complète et détaillée servira à tracer le plan de traitement correctionnel du délinquant.

Le Service a fait de la gestion par unité la norme organisationnelle et opérationnelle pour tous les établissements fédéraux. Notre programme de gestion par unité assure l'intégration des fonctions gestion des cas, psychologie, programmes et sécurité. En outre, la gestion par unité favorise de bons rapports entre le personnel et les détenus grâce à une communication libre de part et d'autre, au travail d'équipe des intervenants et à l'uniformité des opérations.

Dans les régions, la création d'UEI a permis de centraliser le processus d'évaluation du délinquant et de placement pénitentiaire alors qu'auparavant, ces tâches étaient plus ou moins réparties entre le centre de détention local, le bureau de libération conditionnelle et l'établissement de réception. On s'attend à ce que ces UEI jouent un rôle de premier plan dans les recherches et dans l'élaboration de nouvelles méthodes d'évaluation des délinquants. Qui plus est, elles deviendront des centres d'excellence qui contribueront à une meilleure connaissance de la population carcérale.

Évaluation dynamique du risque

Une formule systématique d'évaluation et de réévaluation peut aider à mieux orienter le traitement en permettant de savoir quels changements survenus pendant le traitement sont susceptibles de modifier la probabilité d'inadaptation au milieu carcéral ou le risque de récidive après la mise en liberté (Banta, Andrews et Motiuk, 1993). Cette méthode test-retest peut aussi jouer un rôle primordial en permettant de mesurer les changements qui peuvent influer de façon importante sur la conception et l'élaboration de programmes correctionnels efficaces.

Les besoins du délinquant sont considérés comme des facteurs de risque dynamique qui forment un sous-ensemble des éléments. Globalement, ces éléments constituent le risque posé par le délinquant. Plus important encore, les ordres de besoins ont été définis de manière a ce qu'on puisse noter les changements survenus.

Une formule systématique comportant l'évaluation du risque au moment de l'admission et sa réévaluation après la libération du délinquant favoriserait l'application du « principe du risque » à différents niveaux de service; elle nous permettrait de mieux cibler nos interventions pour assurer la réadaptation du délinquant. Andrews et al. (1990) ont appelé cet aspect du classement des délinquants aux fins de leur réadaptation le « principe du besoin. Dans la pratique, le « principe du besoin met essentiellement l'accent sur les caractéristiques du délinquant (p. ex., la toxicomanie) qui, lorsqu'elles changent, modifient le risque de récidive.

Comment gérons-nous le risque?

Si la mise en commun et la communication de l'information révèrent une importance capitale pour l'ensemble de la gestion des cas, elles sont d'une importance toute particulière pour la gestion du risque.

Pour être à même de bien évaluer le risque, il faut d'abord reconnaitre l'importance de recueillir en temps utile des renseignements pertinents sur les délinquants auprès des services de police, des tribunaux, des services de probation et des professionnels de la santé mentale. Il faut ensuite consacrer les ressources nécessaires à l'amélioration des communications avec les autres organismes du secteur de la justice pénale et les organismes de santé mentale.

Qu'il s'agisse simplement d'identifier les personnes ressources dans d'autres organismes ou de faciliter la reproduction des transcriptions de procès, toute amélioration de la rapidité avec laquelle on pourra recueillir de l'information dans les domaines de la justice pénale et de la santé mentale améliorera l'efficacité du processus d'évaluation du risque dans son ensemble.

La surveillance des activités

Le besoin d'évaluer continuellement les activités correctionnelles liées à la sécurité du public, du personnel et des délinquants est conforme à ce principe de gestion du risque. À l'appui de ce type d'évaluation, le Service doit, entre autres, élaborer une méthode (p. ex., informatisée) de surveillance du niveau de risque que représentent les délinquants.

Pour gérer le risque, il est toujours utile de savoir si le profil du risque que représente le délinquant a beaucoup changé au fil des ans et comment le personnel a réagi à ce changement. Comme on peut s'y attendre, la capacité de produire un profil du risque pour chaque délinquant mis en liberté sous condition peut être extrêmement utile lorsqu'il s'agit de mieux faire connaitre les activités de surveillance dans la collectivité, de fournir des statistiques de base sur les niveaux de risque et d'évaluer l'incidence sur les ressources des considérations liées à la fréquence des contacts. Si le Service est capable de surveiller l'évolution du risque posé par les délinquants, il sera plus en mesure de mettre en place un programme efficace et intégré de gestion du risque.

Interventions correctionnelles

Chaque fois qu'il est nécessaire de contrer le risque que présente un délinquant pour la société, le personnel, ses codétenus ou lui-même, les services correctionnels sont habilités à exercer des pouvoirs extraordinaires en vertu du mandat qui leur est confié par la société. En effet, le personnel du SCC est autorisé à fouiller les détenus, les cellules et les véhicules. Il peut aussi saisir tout objet interdit ou élément de preuve se rapportant à une infraction disciplinaire ou criminelle. De plus, il peut appliquer des sanctions disciplinaires, sous forme d'avertissement ou de réprimande, de perte de privilèges, d'ordonnance de dédommagement, d'amende, d'imposition de tâches supplémentaires et, dans le cas d'une infraction grave à la discipline, d'isolement disciplinaire.

En ce qui concerne les délinquants violents dont la peine d'emprisonnement n'est pas expirée, les options qui s'offrent à nous comprennent la libération d'office ou le maintien en incarcération pendant la période prévue pour la liberté d'office. En effet, les dispositions de maintien en incarcération de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition nous permettent de garder en prison un délinquant violent qui représente un risque élevé après la date prévue pour sa libération d'office et ce jusqu' à l'expiration de son mandat. Si un délinquant présente un danger quelconque alors qu'il est en liberté sous condition, nous pouvons contrer ce risque en lui imposant des conditions spéciales (lui interdire certaines fréquentations ou lui imposer des heures de rentrée, par exemple), ou encore émettre un mandat de suspension aux fins de son arrestation.

Le traitement est une autre façon de réduire le risque posé par le délinquant. D'importantes recherches ont été effectuées sur la question de savoir « ce qui marche » en matière correctionnelle. Au nombre des principaux domaines d'intervention correctionnelle figurent les programmes préliberatoires pour détenus toxicomanes, les programmes de prévention de la rechute pour délinquants sexuels et les interventions cognitivo-comportementales.

Quelles autres mesures s'imposent?

Dans le secteur correctionnel, nous nous occupons d'êtres humains, pas de numéros. Même avec tous les instruments, toutes les méthodes et toutes les lignes de conduite nécessaires, nous ne pourrons bâtir le service correctionnel de demain à moins de pouvoir compter sur des employés qui, a tous les niveaux, ont à cœur de prévenir le crime et qui appuient les différentes initiatives prises dans leur région.

Bibliographie

Andrews, D.A., Bonta, J. (St. Hoge, R. «Classification for effective rehabilitation: Rediscovering psychology», Criminal Justice and Behavior, Vol. 17, 1990, P. 19 à 52.

Bonta, J., Andrews, D.A. (S1. Motiuk, LL Dynamic Risk Assessment and Effective Treatment, un document présenté au 45th Annual Meeting of the American Society of Criminology, Phoenix (Arizona), 1993.

Bonta, J. & Motiuk, LL «Inmate classification», Journal of Criminal Justice, Vol. 20, 1992, P. 343 à 353.

Motiuk, LL & Porporino, F.J. Évaluation combinée des besoins et du risque chez les détenus: étude de mise en liberté sous condition, rapport R-01, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1989a.

Motiuk, LL Antecedents and Consequences of Prison Adjustment: A Systematic Assessment and Reassessment Approach, dissertation de doctorat, Université Carleton, 1991.

Nuffield, J. La libération conditionnelle au Canada: recherches en vue d'une normalisation des décisions, Ottawa, Division des communications, 1982.

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