Psychologie Médico-Légale Partie 2 - Chapitre 4 - Information générale
Contexte
Chapitre 4
L'intervention des psychologues en milieu correctionnel
Ralph C.Serin, docteur en psychologie clinique Note de bas de page 1
Par formation et par inclination, les psychologues qui œuvrent en milieu correctionnel sont intéressés à offrir des services de traitement aux délinquants. L'intensité de leur intervention et ce sur quoi elle porte varient considérablement, ce qui s'explique en partie par les différences clans les perspectives théoriques et la disponibilité de ressources. Plusieurs auteurs (Blackburn, 1993a; Watkins, 1992) ont constaté que l'évolution du rôle des psychologues dans les établissements correctionnels a eu une incidence sur le pourcentage du temps qu'ils sont en mesure de consacrer à diverses tâches. Le traitement n'en est qu'une parmi d'autres.
La tendance à l'unidimensionnalité dans les tâches (p. ex., le recours excessif aux évaluations) pourrait bien se répercuter sur les efforts de recrutement et le taux d'attrition des psychologues actuels, et miner l'intervention thérapeutique auprès des délinquants. C'est la une question à laquelle les psychologues et les administrateurs doivent être sensibilisés, pour que les psychologues puissent être en mesure de répondre de façon optimale aux besoins des délinquants et de satisfaire aux exigences organisationnelles en limitant le plus possible les conflits entre les rôles.
Je ne prétends nullement examiner ici le traitement correctionnel ou le traitement de divers troubles d'une façon exhaustive. Cependant, j'entends mettre en relief les facteurs qui influent sur l'intervention des psychologues auprès des délinquants et proposer des façons de faire pour l'avenir. J'aborderai certaines questions entourant les modèles théoriques, le diagnostic, l'évaluation et la mesure de la traitabilité, ainsi que les gains retires du traitement. J'examinerai également la distinction entre le traitement et les programmes. Enfin, je me pencherai sur des questions relatives à l'efficacité des traitements dans l'optique de l'affectation de ressources.
Définition du traitement
Le traitement a été défini comme l'application de méthodes thérapeutiques visant à prévenir la récidive et faisant appel à un mode ou un autre de changement psychologique (Blackburn, 1993a). Cette intervention ne se limite pas au comportement délinquant; elle porte aussi sur l'adaptation des délinquants a l'incarcération. C'est une idée que partagent Rice et Harris (1993), qui craignent que les perspectives théoriques ou organisationnelles n'empêchent les cliniciens d'intervenir pour améliorer la qualité de vie des délinquants pendant leur incarcération. D'ailleurs, cette double responsabilité de tenir compte, chez les délinquants, des besoins criminogènes et des besoins en matière de santé mentale est énoncée clans la Directive du Commissaire sur les services psychologiques.
Andrews et Bonta (1993) et Blackburn (1993a, chapitre 13) décrivent les diverses interventions psychologiques possibles en milieu correctionnel. Rice, Harris, Quinsey et Cyr (1990) ont pour leur part décrit sommairement des interventions liées à des problèmes spécifiques, tant dans le contexte traditionnel que dans le contexte de l'expertise judiciaire. Dans les deux cas, on tend à souligner que les programmes cognitivo-comportementaux qui font leur apparition constituent l'approche privilégiée. Gendreau et Ross (1987) ont bien résumé les ouvrages existant sur les traitements en milieu correctionnel et, s'ils reconnaissent que l'efficacité de l'intervention est indéniable, ils estiment tout de même qu'on pourrait employer des méthodes plus rigoureuses, notamment pour mesurer les effets de la généralisation. Ces études confirment une constatation que l'on trouve dans des ouvrages spécialisés et selon laquelle les approches psychothérapeutiques traditionnelles ne se sont pas révélées aussi efficaces auprès des populations carcérales (Andrews, Bonta et Hoge, 1990; Andrews, Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen, 1990). La relation thérapeutique joue un rôle important dans les interventions axées sur les compétences, et pourtant, on y attache une importance limitée. Cela confirme la distinction théorique entre les approches humanistes et psychodynamiques et la perspective cognitivo-comportementale. Néanmoins, on a fait ressortir l'utilité d'une stratégie d'intervention multidimensionnelle mettant l'accent sur les aptitudes cliniques, dans le contexte de l'expertise judiciaire (Blackburn, 1993b).
La diversité des délinquants donne à penser qu'un modèle de traitement hiérarchique peut être utile. Une intervention intensive suppose sans doute un travail à la fois individuel et collectif et des objectifs de traitement au nombre desquels on trouve à la fois l'acquisition de compétences et le développement intrapersonnel. Il serait inopportun de ne viser que la réduction de la récidive ou la compréhension de soi (Andrews, Bonta et Hoge, 1990).
Les recherches sur les résultats de la psychothérapie dans des contextes autres que d'expertise judiciaire ont fait ressortir des facteurs particuliers qui contribuent au succès d'une thérapie (Whiston et Sexton, 1993) : la qualité de la relation thérapeutique est cruciale pour que l'issue soit positive (Luborsky, CritsChristoph, Mintz et Auerbach, 1988), la compétence du clinicien semble déterminer davantage les résultats que l'orientation théorique (Whiston et Sexton, 1993), et les facteurs relatifs aux séances, comme le délai entre la recommandation et le début du traitement, la durée du traitement et l'observance du traitement sont également importants (Whiston & Sexton, 1993). Par ailleurs, les ouvrages d'expertise judiciaire font état d'autres facteurs qui influent sur l'issue de la thérapie : il importe de faire correspondre le degré d'intensité de l'intervention au niveau de risque que présente le délinquant (c.-à-d. la réceptivité) (Andrews et al., 1990), et le style et le mode d'intervention devraient tenir compte des caractéristiques du délinquant (il faut choisir une approche comportementale ou cognitivo-comportementale, une approche d'apprentissage social ou une approche basée sur les compétences). Seuls les délinquants manifestant une plus grande maturité sur le plan cognitif et interpersonnel sont susceptibles de bénéficier d'interventions davantage axées sur la suggestion et sur l'établissement d'une relation donnée. Cibler les besoins criminogènes demeure l'objectif primordial du traitement correctionnel (Andrews et al., 1990; Gendreau et Ross, 1987).
Diagnostic
On se rend de plus en plus compte qu'il est peu utile de se baser sur des diagnostics pour planifier le traitement clans un contexte carcéral ou un contexte d'expertise judiciaire (Rice, Harris, Quinsey et Cyr, 1990; Rice et Harris, 1993; Rice, Harris, Quinsey et Lang, sous presse). Les troubles mentaux sont fréquents parmi les délinquants (Hodgins et Cote, 1990), mais il n'est pas établi que ces troubles sont nécessairement criminogènes (Shapiro, 1991). La question de la co-morbidité prend de l'importance, tout comme la présence d'une psychose chez les délinquants affichant des caractéristiques de l'Axe II (troubles de la personnalité). L'évaluation devrait déboucher sur une analyse fonctionnelle fournissant plus d'information qu'un simple diagnostic pour classifier et planifier le traitement (Blackburn, 1993a). Il se peut toutefois que, dans le cas des délinquants souffrant d'une perturbation aigue (les psychotiques, par exemple), on doive retarder le ciblage des facteurs censés provoquer la criminalité jusqu' à ce que le trouble mental soit contrôlé, quand cela est possible. Dans cette optique, Nezu et Nezu (1993) proposent un modèle conceptuel qui met l'accent sur la résolution de problèmes comme mode de détermination des cibles de traitement.
Évaluation
L'absence d'une stratégie d'évaluation normalisée pour l'identification des besoins des détenus en matière de traitement est une grave lacune. Les psychologues peuvent grandement contribuer à l'élaboration d'un protocole d'évaluation des besoins criminogènes fonde sur des méthodes multiples. Il faut en outre normaliser le mode d'évaluation des troubles mentaux et de la santé mentale. Ces instruments sont essentiels pour pouvoir effectuer une évaluation fiable et valable des cibles de traitement. Par ailleurs, il convient de faire intervenir des considérations théoriques et technologiques dans la mesure des gains réalisés grâce au traitement. Il importe de s'attacher davantage à distinguer les gains attribuables au traitement, le maintien des gains en question et la généralisation du traitement.
Certes, une bonne évaluation est la clé d'une intervention efficace (Blackburn, 1993a), mais de nombreux psychologues s'inquiètent de ce que l'on tende de plus en plus à évaluer les délinquants sans les traiter. Dans la même veine, si les évaluations sont statiques, leur apport à la gestion dynamique du risque est limité. Il importe que les psychologues clarifient leur rôle dans ces activités. Une évaluation exhaustive est essentielle à l'identification des cibles de traitement (Nezu et Nezu, 1993), mais cela ne vaut pas que pour les services psychologiques en milieu correctionnel. Quoi qu'il en soit, les techniques d'évaluation des besoins criminogènes devraient être multidimensionnelles, et il y aurait lieu de les perfectionner. Ceci pourrait faire progresser le travail accompli, dans le cadre du traitement de la toxicomanie et de la délinquance sexuelle, pour identifier les situations présentant un grand risque de récidive (Pithers, 1990).
Identification des cibles de traitement
Le traitement de troubles comme la dépression et l'angoisse fait depuis longtemps partie du quotidien des psychologues, tout comme l'intervention dans le domaine de la toxicomanie, de l'apprentissage social et de la maitrise de la colère, et ce, quel que soit le milieu dans lequel ils travaillent. Un examen récent de ces cibles de traitement (Rice et al., 1990) laisse croire qu'elles n'ont peut-être pas de lien direct avec les délinquants qui présentent des problèmes ou des facteurs criminogènes.
Plusieurs études ont tenté de sonder les facteurs qui, aux dires des délinquants, influent sur leur criminalité ou seront une source de préoccupation au moment de leur mise en liberté (Andrews, 1982; Pithers, 1990; Rice et Harris, 1993; Zamble et Quinsey, 1991). D'après une étude de Zamble et Quinsey (1991), l'impulsivité, la colère, l'aliénation sociale et les difficultés financières sont considérées par les délinquants comme des facteurs de risque.
Pithers et al. (1988) rapportent que, selon les cliniciens, l'aliénation sociale, la colère et la toxicomanie sont d'importants facteurs de délinquance sexuelle. Ces cibles de traitement et les facteurs criminogènes additionnels devraient alors constituer les principaux domaines d'intervention auprès des détenus. Il convient aussi d'établir des cibles précises dans des domaines spécialisés : l'excitation sexuelle chez les délinquants sexuels, l'excitation sexuelle et le schéma cognitif chez les délinquants violents, et l'instrumentalité ou l'emploi de la violence chez les hommes violents.
Si l'on fait le résumé des enquêtes sur la fréquence des problèmes (Rice et al., 1990), de la co-morbidité des diagnostics dans les échantillons correctionnels (Hodgins et Cote, 1992) et des déclarations personnelles des délinquants, on constate que la toxicomanie, la dysphorie émotionnelle et les attitudes antisociales semblent être des cibles de traitement importantes pour quiconque souhaite réduire le risque de récidive. L'appui de l'entourage, tant du milieu de travail que de la famille, ainsi que l'utilisation constructive des temps libres ont aussi leur importance (Hubert et Hundleby, 1992). Il est intéressant de noter que ces éléments se retrouvent clans l'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité (Motiuk et Brown, 1993); cependant, une plus grande spécificité pourrait améliorer l'évaluation des gains attribuables au traitement.
Traitement en groupe ou traitement individuel?
Les psychologues avaient coutume d'offrir une thérapie individuelle. Cependant, les contraintes financières et la demande d'autres services, notamment d'évaluations, ont favorisé l'apparition du traitement en groupe. Dans certaines circonstances (p. ex., l'acquisition de compétences), le traitement en groupe est non seulement plus économique, mais il est aussi plus propice à l'apprentissage (Goldstein et Keller, 1987). Dans certains cas, on choisit le mode d'intervention qui est le mieux adapté; ainsi, les délinquants dont le quotient intellectuel est faible ou qui sont des éléments perturbateurs au sein d'un groupe sont suivis dans le cadre de séances individuelles.
La différenciation des groupes ne semble pas pratique courante dans le secteur correctionnel. Il est rare que l'on constitue des groupes distincts aux fins du traitement. Par exemple, les délinquants sexuels sont considérés comme un groupe hétérogène en ce qui a trait aux antécédents, aux facteurs de risque et aux besoins en matière de traitement. Néanmoins, les groupes comprennent souvent des violeurs, des incestueux et des pédophiles extra-familiaux, à moins que le cadre du traitement ne restreigne la participation pour des raisons d'échantillonnage ou des raisons opérationnelles.
Quand une sélection se fait, on semble pouvoir observer des avantages sur le plan clinique (Marshall, Jones, Ward, Johnston et Barbaree, 1991). Il faut par ailleurs se demander si le fait d'opérer une sélection plus précise des délinquants aux fins de l'intervention permet de mieux comprendre les facteurs qui agissent sur la réceptivité, c'est-à-dire de mieux comprendre quels délinquants réagissent le mieux à quels aspects de l'intervention.
Cette question se pose également clans le cas des délinquants violents. Blackburn (1993a) a signalé que, en général, les programmes de maitrise de la colère sont fournis sans distinction, que les délinquants se maitrisent trop ou trop peu, que leur niveau d'excitation soit faible ou élevé, que leurs antécédents de violence soient chroniques ou occasionnels, qu'ils soient ou non psychopathes, et que leur recours à la violence soit instrumental ou affectif. Si l'on tenait compte de ces facteurs, l'intervention pourrait se révéler plus efficace.
Modèle conceptuel
Comme on l'a déjà fait remarquer pour le traitement en milieu communautaire, l'orientation théorique du clinicien est moins importante que son niveau de compétence (Whiston et Sexton, 1993). Quelques caractéristiques des délinquants donnent à penser que certains modèles d'intervention sont susceptibles de donner de meilleurs résultats, comme par exemple, les modèles cognitivo-comportementaux (Gendreau et Ross, 1987). De plus en plus, on reconnait la prévention de la rechute comme un cadre conceptuel d'intervention. Ce modèle a été largement appliqué, et avec un succès considérable, dans les domaines de la toxicomanie et de la délinquance sexuelle. Il n'est pas aussi évident qu'il existe un « cycle criminel » chez tous les délinquants, ni que l'identification des facteurs de risque (proximaux ou distaux) améliore les effets de généralisation, réduisant ainsi le niveau de risque du délinquant. Néanmoins, ce modèle favorise la continuité de l'intervention, du milieu carcéral au milieu communautaire. On présume que l'intensité du traitement varie selon le milieu. Quoi qu'il en soit, il est clair qu'un modèle théorique est essentiel à l'élaboration de diverses hypothèses de travail, en ce qui concerne les besoins en matière de traitement et les méthodes que l'on applique pour évaluer les gains retires des traitements.
L'élaboration d'un modèle qui incorpore des facteurs dynamiques permettra aux cliniciens de tenir compte des changements dans le niveau de risque en se fiant aux gains retirés des programmes de traitement. Par conséquent, les cibles de traitement doivent être adaptables, bien que les facteurs distaux (c'est-à-dire les facteurs liés au développement) doivent aussi être examinés.
Procédures
En conformité avec les lignes de conduite à l'intention des psychologues, les rapports sur le traitement (rapports d'étape et rapports récapitulatifs) doivent indiquer la fréquence des contacts, la mesure dans laquelle les objectifs du traitement ont été atteints et les besoins de traitement futurs. Dans la mesure du possible, il faut tenir compte des stratégies de gestion du risque. Ces exigences peuvent sembler plus rigoureuses que les lignes directrices sur la divulgation de l'information reconnues par les psychologues. La participation au traitement doit être volontaire, mais il convient d'expliquer au délinquant les conséquences d'une non-participation et de s'assurer qu'il en est bien conscient. De même, il faut lui expliquer de façon explicite les limites de la confidentialité, telles que prévues dans la Directive du Commissaire et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La meilleure façon de s'y prendre serait peut-être de faire signer au délinquant une déclaration avant l'évaluation ou le traitement.
Si un clinicien a investi beaucoup de temps dans le traitement d'un délinquant, peut-être est-il davantage nécessaire d'obtenir une évaluation indépendante. Le clinicien peut proposer des stratégies de gestion du risque fondées sur sa connaissance personnelle des facteurs de risque particuliers au délinquant; toutefois, il risque d'exagérer les gains réalisés par le délinquant en cours de traitement, surtout en l'absence de critères permettant de mesurer objectivement le succès du traitement. Cet aspect doit être examiné judicieusement cas par cas. Les cliniciens peuvent consulter des collègues avertis ou bien appliquer des modèles actuariels qui donneront à leur évaluation des assises solides.
Gestion du risque
Il est sous-entendu dans la présente analyse qu'une des fonctions primordiales de l'intervention consiste à réduire le risque de récidive en s'attaquant aux facteurs qui accroissent ce risque. En termes simples, cela veut dire qu'il faut, par exemple, traiter la toxicomanie d'un délinquant dont le besoin criminogène est la drogue ou l'alcool. L'intensité de l'intervention doit correspondre au degré de besoin et au niveau de risque du délinquant. Les délinquants à risque élevé doivent bénéficier d'une intervention plus intensive (Andrews et al., 1990). Par exemple, rares sont les intervenants qui prétendraient que les programmes éducatifs suffisent pour traiter les délinquants qui ont des problèmes chroniques de comportement, qu'il s'agisse de toxicomanie ou de violence. Toutefois, pour offrir le traitement approprié, il faut souvent mettre en place une stratégie multidimensionnelle, à partir d'une analyse fonctionnelle explicite. Déterminer l'interaction entre les besoins de traitement, l'ordre de priorité des interventions et l'ordonnancement des divers éléments du traitement sont aussi des taches complexes.
Traitabilité
La traitabilité a peut-être un rapport avec l'issue du traitement, mais elle s'est révélée un concept difficile à saisir (Quinsey et Maguire, 1983; Rogers et Webster, 1989). Il importe de signaler que Quinsey (1988) a fait ressortir qu'il serait peut-être plus utile d'apporter des améliorations dans ce domaine que de promouvoir davantage la prévision du risque. Si Heilbrun, Bennett, Evans, Offutt, Reiff et White (1988) ont passé en revue les facteurs qu'il importe de prendre en considération pour évaluer la traitabilité, ces facteurs n'ont pas été transposés dans les opérations et on ne s'entend pas vraiment sur la question de savoir qui peut être considéré comme traitable. Pour certains thérapeutes, la traitabilité se résume peut-être simplement à la sympathie qu'inspire le patient, critère qu'il est plutôt difficile d'appliquer à des délinquants violents. À un certain niveau, toutefois, ce concept se trouve incorporé aux stratégies d'évaluation du risque, lorsque les cliniciens évaluent si le délinquant est susceptible d'observer les modalités du traitement en cours (se présenter aux séances ou prendre ses médicaments, par exemple) et s'il s'est bien comporté pendant les traitements antérieurs (Steadman, Monahan, Robbins, Applebaum, Grisso, Klassen, Mulvey et Roth, 1993).
Idéalement, le clinicien devrait pouvoir mieux comprendre les circonstances entourant le comportement criminel du délinquant, les gains réalisés en cours de traitement et les principaux aspects qui nécessitent une intervention plus poussée, après une évaluation approfondie et un traitement. Ces éléments se combinent pour former une stratégie de gestion du risque particulière au délinquant. Bien entendu, il faut pour cela obtenir la participation pleine et entière du délinquant dans le cadre d'une sorte d'entente de collaboration (Gelso et Carter, 1985). Compte tenu du type de population cible, il faudra faire preuve de grandes compétences cliniques et expliquer franchement l'objet de l'intervention.
Tous les délinquants ne voudront pas forcement collaborer. À tout le moins, un faible intérêt pour le traitement peut être considéré comme un facteur aggravant dans l'établissement du pronostic. Par ailleurs, on peut aussi craindre que les délinquants n'acceptent de participer aux séances de groupe que pour satisfaire des intérêts beaucoup plus immédiats (par exemple, obtenir plus facilement une libération). Les programmes de traitement aussi bien collectifs qu'individuels doivent viser des objectifs clairement énoncés pour que les délinquants comprennent que le traitement est « Un processus, pas Un évènement isolé » (Sechrest, White et Brown, 1979).
Résumé
Les principes suivants semblent le mieux caractériser les bons types de traitements en milieu correctionnel :
- approche cognitivo-comportementale;
- apprentissage social, acquisition de comportements et d'attitudes anticriminels;
- mise en pratique graduelle de nouvelles compétences, y compris clans le cadre de jeux de rôles;
- idées concrètes au lieu de concepts abstraits;
- interventions multidimensionnelles fondées sur des théories;
- application de critères de sélection précis;
- mesures préalables et postérieures au traitement;
- si possible, rigueur méthodologique par le recours à des groupes témoins (choisis au hasard ou à partir d'une liste d'attente);
- continuité des interventions à différents niveaux d'intensité, correspondant aux besoins des délinquants, à toutes les étapes de la peine.
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