Psychologie Médico-Légale Partie 4 : Évaluation des délinquants : Chapitre 11
Chapitre 11
Lignes directrices concernant l'évaluation neuropsychologiq-ue et le programme
Gary W. Fisher, docteur en psychologie cliniqueFootnote 1
Objectifs
- Identifier les problèmes d'aiguillage particuliers pour l'évaluation neuropsychologique.
- Fournir des lignes directrices afin d'orienter les évaluations neuropsychologiques et les interventions.
Questions pratiques et théoriques
La neuropsychologie étudie la relation entre les dysfonctionnements ou les dommages affectant le cerveau et les conséquences comportementales, sociales ou émotionnelles qui en résultent. Or, l'incidence des défectuosités du cerveau et des difficultés d'apprentissage s'avère plus élevée en milieu correctionnel que dans la population en général. Par conséquent, une forte proportion des délinquants se caractérisent par des schèmes déficitaires. Ces lacunes du processus cognitif nuisent à l'adaptation du délinquant à l'incarcération, à sa capacité de tirer profit des programmes et des traitements ainsi qu'à ses interactions avec autrui. Ses aptitudes professionnelles et scolaires risquent également d'en souffrir.
Les déficits neuropsychologiques peuvent résulter de divers traumatismes, notamment les complications durant la grossesse ou à la naissance, une blessure à la tête, la toxicomanie, l'exposition à des toxines et les séquelles d'une maladie. Ordinairement, les déficits réduisent la capacité d'assimiler de nouvelles informations et de les appliquer aux situations du moment. Chez les délinquants, ces lacunes affectent souvent les niveaux d'attention et de concentration, la mémoire, le raisonnement abstrait, l'organisation visuelle spatiale ou perceptuelle de même que la coordination motrice. Selon le type de déficit en cause et la partie du cerveau touchée, on observe des manifestations particulières de forces et de faiblesses du traitement cognitif.
Étant donné qu'un dysfonctionnement du cerveau entraîne des difficultés d'apprentissage et rend plus difficile l'application de l'information acquise, le fait d'identifier les délinquants ainsi affectés peut permettre de modifier le programme correctionnel de manière à tenir compte de telles lacunes.
La neuropsychologie est une branche de la psychologie clinique qui requiert une formation et une expérience clinique spécialisées. Vu le degré de spécialisation nécessaire, il est peu probable que chaque établissement dispose sur place de psychologues capables de procéder à des évaluations et à des consultations neuropsychologiques. Si les psychologues en poste dans un établissement ne possèdent pas un bagage suffisant pour dispenser des services comparables à ceux offerts dans la collectivité, il est recommandé de confier ces évaluations, sous contrat, à des psychologues oeuvrant dans la collectivité, en fonction des besoins.
Les évaluations neuropsychologiques coûtent cher en raison du temps nécessaire pour faire passer et interpréter les tests. Par conséquent, les questions relatives au choix du traitement approprié revêtent une importance particulière, et il conviendrait de recourir au dépistage préliminaire pour voir s'il y a lieu de procéder à des évaluations plus approfondies.
Questions d'aiguillage
Il faudrait établir des lignes directrices précises pour identifier les personnes à orienter. De manière générale, nous conseillons de réaliser des évaluations neuropsychologiques dans le cas des personnes qui présentent une combinaison des aspects suivants :
- des problèmes comportementaux, sociaux ou émotionnels ou des difficultés d'apprentissage;
- des antécédents comprenant une blessure à la tête, une incapacité d'apprendre ou des toxicomanies particulières - ordinairement, les problèmes de toxicomanie ayant des implications neuropsychologiques proviennent d'une consommation prolongée et abondante d'alcool, de drogues dures et/ou de substances toxiques inhalées;
- la capacité de l'individu à tirer profit des programmes de l'établissement est mise en doute ou des problèmes de contrôle du comportement ont été observés.
Normalement, ces problèmes se manifestent à l'intérieur des établissements. Par exemple, une personne peut être incapable de comprendre ou d'apprécier une information nouvelle ou encore se caractériser par des interactions sociales déficientes, des emportements, une piètre mémoire, un manque de concentration, des difficultés d'orientation, ou une incapacité d'apprendre correctement dans un cadre didactique ou professionnel.
Si un dysfonctionnement du cerveau n'entraîne pas de conséquences manifestes dans le comportement ou l'apprentissage, il vaut mieux éviter les consultations visant surtout à recueillir de l'information. Il ne faudrait pas faire une évaluation neuropsychologique des détenus ni les référer à un neuropsychologue s'ils fonctionnent de manière satisfaisante, malgré la présence possible de carences cognitives.
Collecte d'information
Actuellement, la neuropsychologie tend à se détourner de la méthode traditionnelle consistant à administrer une batterie de tests. À la place, on recourt à une démarche flexible dans laquelle le choix des tests dépend davantage de l'aiguillage, permet d'économiser du temps et met l'accent sur l'analyse des aspects problématiques relevés.
Vu les impératifs d'une évaluation neuropsychologique en milieu carcéral, il faut procéder dans une optique fonctionnelle plutôt que structurelle. À cet égard, le processus d'évaluation doit viser à identifier les forces et les faiblesses du traitement cognitif de même qu'à indiquer les conséquences fonctionnelles aux fins du programme de réhabilitation.
Par contraste, une démarche plus structurelle consiste surtout à détecter et à localiser les lésions cérébrales, puis à poser un diagnostic en règle. Ces considérations n'ont qu'une incidence limitée sur le programme correctionnel, de sorte qu'elles devraient passer au second plan. Au départ, il faudrait recueillir l'information auprès de sources connexes comme les gestionnaires de cas, les superviseurs à l'école ou au travail et le personnel de l'unité, pour se faire une idée du comportement journalier de l'individu. Avant de réaliser des tests en règle, on pourrait éventuellement procéder à un bref examen pour voir si une évaluation plus approfondie est justifiée. En général, les tests suivants conviennent à cette fin :
- Wechsler Adult Intelligence Test- Revised Edition — Test d'intelligence de Wechsler pour adultes, Version révisée. Un schéma montrant de grandes disparités entre le langage et le rendement (surtout quand les échelles de rendement sont inférieures aux échelles de langage) ou un fort degré de dispersion entre les sous-tests peut dénoter un dysfonctionnement du cerveau.
- Wechsler Memory scale Revised Edition Échelle clinique de mémoire de Wechsler, Version révisée. Un schéma dans lequel le quotient de mémoire globale obtenu est inférieur à la normale ou qui montre un degré significatif de dispersion entre les sous-tests pourrait dénoter un déficit.
- Trail Making Test - Test de traçage continu. Le fait d'avoir pris plus de temps que la moyenne pour remplir le test, un ensemble de plusieurs erreurs ou un rendement normal pour les tracés A avec un rendement inférieur pour les tracés B, tous ces facteurs peuvent indiquer un déficit.
- Test Bender-Gestalt. Ce test peut servir à mesurer très approximativement la coordination perceptivo-motrice et le contrôle moteur. Il n'est cependant plus considéré comme mesure valide de repérage de ce qu'on appelait l'organicité.
- Examens de l'état mental. On peut se procurer dans le commerce plusieurs modèles abrégés d'entrevues aux fins d'examen de l'état mental qui permettent de vérifier si le sujet présente des perturbations graves relativement à des aspects comme l'orientation générale et le souvenir immédiat. Des carences graves réclament une évaluation plus approfondie.
Après l'examen initial, le clinicien doit choisir des tests qui portent tout particulièrement sur les aspects problématiques nécessitant une intervention. Parmi les facteurs pertinents à identifier, mentionnons notamment :
- implication des modèles de traitement cognitif sur la programmation éducative;
- les répercussions des modes de traitement cognitif sur les programmes d'études;
- des recommandations en vue de modifier les méthodes de contrôle du comportement appliquées au sein de la collectivité ou, au niveau de l'établissement, à l'intention des gestionnaires de cas et des employés de l'unité, qui prennent en considération les forces et les lacunes du mode de traitement cognitif du délinquant;
- une explication des modes particuliers de fonctionnement social et/ou émotionnel qui pourraient découler du profil neuropsychologique de l'individu; des suggestions de programmes et/ou l'élaboration d'un programme de réhabilitation précis visant à atténuer l'impact fonctionnel des difficultés qu'éprouve le délinquant.
Bibliographie
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