Psychologie Médico-Légale Partie 4 : Évaluation des délinquants : Chapitre 12
Chapitre 12
Évaluation des cas de suicide en milieu carcéral
Lois Rosine, docteure en psychologie clinique Note de bas de page 1
Objectifs
- Cerner les problèmes d'ordre théorique et pratique que comporte l'évaluation des détenus suicidaires.
- Donner des lignes directrices aux agents d'orientation.
- Donner des lignes directrices aux cliniciens.
- Inventorier les besoins des spécialistes.
Introduction
Les suicides commis en prison sont un phénomène tragique qui cause douleur et affliction aux détenus, à leur famille et aux membres du personnel qui prennent soin d'eux. De tels suicides suscitent une grande préoccupation au sein de la population en général, car celle-ci considère que l'État est responsable du bien-être des personnes dont il a la garde.Note de bas de page 2
Principes généraux
Les psychologues qui travaillent en milieu judiciaire doivent être conscients de leur responsabilité tant institutionnelle que professionnelle. Au sein du Service correctionnel du Canada (SCC), la responsabilité institutionnelle est clairement définie dans ses lignes directrices concernant le suicide;Note de bas de page 3
tous les employés sont tenus de prendre les mesures qui s'imposent pour empêcher qu'un détenu se suicide.
Les psychologues qui travaillent en milieu carcéral sont également liés par un code de déontologie Note de bas de page 4 et les normes d'exercice des organismes provinciaux de réglementation professionnelle ainsi que par diverses lois fédérales et provinciales. Ces différentes responsabilités, les répercussions des faux cas négatifs, Note de bas de page 5 et les limites des connaissances scientifiques actuelles sur la prédiction du suicide font que l'évaluation du risque de suicide est une tâche malaisée.
La difficulté d'évaluer le risque de suicide est alourdie par le fait que la société s'attend à ce qu'on la prévienne. Aux XIXe et XXe siècles, le suicide était considéré comme une manifestation d'une maladie mentale, ce qui signifie que la personne n'était pas tenue pour responsable de son comportement. L'idée que le suicide soit une forme de maladie mentale a amené les spécialistes de la santé mentale à assumer la responsabilité de sa prévention. De pair avec cette nouvelle façon de voir les choses, on en est venu à croire dans la société que ces spécialistes sont non seulement capables de prédire le comportement suicidaire, mais aussi de prévenir les suicides. Note de bas de page 6 En réalité, la prédiction du comportement d'un individu présente un grand nombre de difficultés. Lorsqu'on parle de suicide, il est plus réaliste de parler de la prédiction du risque que de la prédiction de l'issue véritable. Note de bas de page 7
Lignes directrices à l'intention des agents d'orientation
Dans les milieux correctionnels, ce sont souvent les membres du personnel de première ligne qui sont les premiers à prendre conscience qu'un détenu peut être suicidaire. Déterminer qu'une personne est « à risque » représente un jugement sur le comportement d'un individu à un moment précis. Il s'agit d'une tâche difficile, étant donné que les comportements suicidaires peuvent prendre des formes multiples : idées ou gestes suicidaires, auto-mutilation, parasuicide, tentatives de suicide et suicides réussis.
Ce qui complique aussi les choses, c'est que les divers comportements suicidaires secondaires ne sont pas dichotomiques; ils englobent plutôt des catégories de comportements qui s'inscrivent dans un continuum de gravité et d'intention. Ces facteurs obligent le personnel de première ligne à être attentif aux indices.
Voici quelques exemples d'indices qui justifient une analyse du risque de suicide :
- sentiments (tristesse, dépression, désespoir, impuissance, sentiment d'inutilité, de culpabilité);
- pensées (je souhaiterais être mort, mes problèmes vont bientôt prendre fin, personne ne peut m'aider maintenant, je ne suis plus capable de le supporter, tout le monde serait bien mieux si je n'étais pas là);
- comportements (faire cadeau de ses biens, perdre tout intérêt dans la vie, retrait, changement de comportement extrême, comportement imprudent, automutilation);
- symptômes physiques (manque d'intérêt à l'égard de son apparence, plaintes au sujet de sa santé physique, sommeil perturbé, changement ou perte d'appétit/poids/intérêt à l'égard de la sexualité);
- comportement verbal (déclarations au sujet du suicide : faire des blagues, parler beaucoup de la mort, exprimer clairement la volonté de mourir).
L'étape suivante consiste à déterminer s'il existe un risque de suicide. La collecte de renseignements dans les domaines suivants permettra à l'agent de se faire une bonne idée de la situation.
- Stress. Déterminer quels sont les facteurs de stress dans la vie du détenu. Comment ce dernier perçoit-il ces facteurs? Considère-t-il qu'ils sont accablants ou impossibles à supporter? Comment ces facteurs contribuent- ils au stress avec lequel l'individu est aux prises?
- Symptômes. Comment le détenu réagit-il aux facteurs de stress?
- plan affectif- variations d'humeur, crises de larmes, etc.?
- plan cognitif- pensée ralentie, diffuse, limitée?
- comportement - fatigue, retrait, agitation?
- plan physique - alimentation, habitudes de sommeil?
- réponses du sujet - stratégies de réaction mésadaptées (p. ex., consommation abusive de drogue ou d'alcool)?
- Existence d'un plan de suicide. L'individu risque-t-il d'envisager le suicide? A-t-il dressé un plan, et jusqu'à quel point est-il fatal? Il est important de poser des questions directes sur le suicide. Contrairement à la croyance populaire, poser des questions directes sur le suicide ne cause pas de suicides, mais atténue plutôt l'anxiété qu'éprouve l'individu et aide ce dernier à révéler ses intentions
- Comportement suicidaire antérieur. L'individu déjà posé des gestes suicidaires ou tenté de se suicider, ou existe-t-il dans sa famille des antécédents de suicide?
- Ressources. De quels systèmes de soutien physique et affectif l'individu dispose-t-il?
Si l'agent est d'avis que l'individu en question présente un risque de suicide, il doit l'orienter vers un psychologue. Dans un tel cas, il est important que les renseignements susmentionnés l'agent recueillent et consignent sur le formulaire d'orientation. Il est important de fournir des renseignements sur les facteurs précis qui ont amené l'agent à se préoccuper de l'état de l'individu. Il faudrait encourager le personnel à indiquer tous les facteurs, y compris les sentiments intuitifs, qui les inquiètent. Toutes ces informations procureront au psychologue les données nécessaires pour évaluer l'individu et établir un plan de traitement. Quand on évalue un comportement suicidaire, la prudence est de mise. Lorsqu'un détenu nie avoir un comportement suicidaire mais que l'agent est d'un avis contraire, l'orientation du détenu vers un psychologue s'impose.
Le personnel de première ligne devrait suivre une formation de base à l'intervention en cas de crise ou de risque de suicide. La plupart des programmes de formation en matière d'intervention contre le suicide mettent l'accent sur la détermination des facteurs de risque de suicide, l'évaluation élémentaire du degré de risque et les stratégies d'intervention de base qui sont appariées au degré de risque.
Questions d'ordre théorique
La compréhension et la prédiction du suicide présentent toutes sortes de problèmes de nature méthodologique, dont les problèmes définitionnels, la sous-déclaration, la difficulté d'étudier la population cible, l'étude d'un comportement peu fréquent et les problèmes que pose la prédiction statistique par opposition à la prédiction clinique.
i) Difficultés de classement
Il est fort difficile de classer un comportement humain complexe, car il n'existe aucun critère unique sur lequel se fonder. Dans le cas du suicide, le point à considérer est l'issue ultime d'un processus, et non le processus lui-même. Un certain nombre de questions se posent. Quel est le rôle que joue l'intention de se suicider? Qu'est-ce qui constitue un comportement suicidaire? Est-ce que tous les comportements autodestructeurs se rangent dans un continuum dont l'un des pôles extrêmes est le suicide?
Le mot « suicide » recouvre une vaste gamme de comportements. Des comportements comme les idées suicidaires, les tentatives de suicide, les gestes suicidaires, les suicides réussis, les habitudes de vie destructrices Note de bas de page 8 et les comportements à risque élevé Note de bas de page 9 sont souvent réunis en bloc sous la rubrique « suicide ». La littérature sur le suicide illustre la confusion sémantique qui existe, le manque de clarté dans les définitions et l'emploi de termes, et même l'emploi contradictoire de termes dans une même étude (Pokorny, 1974). En règle générale, on conçoit le comportement suicidaire comme s'inscrivant dans un continuum de létalité croissante (Weisman, 1971).
Ce qui signifie que le comportement suicidaire nul se situe à un pôle et que les idées suicidaires et les comportements qui présentent un danger de mort sans cesse croissant se rapprochent du pôle opposé, celui des suicides réussis (Simon et Murphy, 1985; Zubin, 1974). L'hypothèse voulant que la létalité croissante de comportements qui présentent un danger de mort représente une progression linéaire vers des issues suicidaires n'est peut-être pas exacte.
En revanche, Heney (1990) offre une autre conceptualisation, fondée sur le travail qu'elle accomplit auprès de femmes qui ont été victimes d'abus sexuels dans leur enfance. Un grand nombre de ces dernières présentent un certain nombre de comportements graves, autodestructeurs et constituant un danger de mort. Heney laisse entendre qu'il ne s'agit pas de comportements suicidaires, mais plutôt de comportements qui «favorisent la santé».
Il est possible de conceptualiser ces comportements qui « favorisent la santé » en ayant recours à un paradigme de conditionnement classique; dans leur enfance, ces femmes étaient soumises à une anxiété profonde avant chaque agression. Lorsque l'agression avait lieu, l'enfant éprouvait une souffrance psychologique et/ou physique considérable. Durant la période qui suivait l'agression, l'enfant ressentait un intense soulagement, car elle savait qu'elle connaîtrait un répit. Par conditionnement classique, la souffrance devenait un stimulus inconditionnel qui déclenchait une atténuation de l'anxiété. Les sentiments de souffrance et de soulagement sont des stimuli extrêmement importants. Par une exposition répétée à ces sentiments, l'enfant a appris que la souffrance atténue l'anxiété. Note de bas de page 10
Ce qui est plus important, c'est que l'enfant a appris qu'une douleur intense est un moyen d'atténuer l'anxiété. Cet apprentissage est si fort que, lorsque l'on atteint l'âge adulte et que l'on est exposé aux indices d'anxiété appropriés, un comportement autodestructeur devient le moyen de choix pour atténuer son anxiété. Chez ces femmes, les comportements qui présentent un danger de mort sont un moyen d'atténuer leur anxiété, mais pas de mettre un terme à leur vie. Selon Heney, ce comportement qui favorise la santé peut coexister chez un individu qui a aussi des tendances suicidaires, mais on ne peut présumer que des comportements qui constituent un danger de mort équivalent à un suicide possible. Il faut inclure le mobile du comportement en question dans l'équation définitionnelle.
L'une des difficultés évidentes à laquelle on se heurte en étudiant le suicide est l'impossibilité de cerner le groupe d'individus qui vont se suicider avant qu'ils se soient donné la mort. Pour régler cette difficulté, la façon la plus répandue d'étudier le comportement suicidaire consiste à étudier le comportement des personnes qui ont tenté de se suicider (Neuringer, 1962).
Cependant, même la désignation d'un candidat au suicide pose des difficultés. Par exemple, est-ce qu'une entaille au poignet qui ne saigne qu'un peu s'inscrit dans la même catégorie de comportement qu'une tentative de strangulation interrompue seulement par le conjoint qui rentre tôt à la maison parce que sa réunion a été annulée? Shneidman (1985) propose que l'on réserve l'expression « tentative de suicide » aux personnes qui ont essayé de mettre un terme à leur vie et qui n'ont survécu que par chance. Il recommande d'utiliser le mot anglais « parasuicide » pour désigner d'autres comportements automutilants. Cette notion du suicide englobe la double idée de l'intention et de la létalité.
Le fait d'utiliser des sujets substituts (c'est-à-dire des individus qui ont tenté de se suicider) comme moyen d'étudier le suicide a été contesté par un certain nombre d'auteurs, qui laissent entendre que cette méthode n'est pas valable, car une tentative de suicide et un suicide réussi représentent deux catégories différentes de comportement (Davis, 1967; Dorpat et Ripley, 1967; Shneidman, 1985; Wilkins, 1967).
Lester (1970) a recommandé une solution à ce différend. Il a indiqué que, lorsqu'un certain aspect du comportement augmente de façon linéaire en passant des candidats modérément sérieux au suicide aux candidats fort sérieux, on peut alors prédire que cet aspect se retrouvera plus souvent au sein d'échantillons de cas de suicide réussis. La thèse de Heney conteste sérieusement cette supposition, car celle-ci laisse entendre que, dans certains cas, même un comportement qui constitue un danger de mort ne représente pas un comportement suicidaire.
Soucieux de résoudre des problèmes de classification, un certain nombre d'auteurs ont présenté des moyens de classer le comportement suicidaire. Parmi ces auteurs, Pokorny (1974) a proposé un modèle comprenant de larges catégories de comportements : les idées suicidaires, les tentatives de suicide et les suicides réussis. La catégorie des idées suicidaires représente les comportements que l'on observe directement ou par inférence et qui sont « un pas dans la direction d'une menace possible pour la vie de l'individu, mais... le geste potentiellement fatal n'a pas été posé » (p. 36). La catégorie des tentatives de suicide englobe les circonstances dans lesquelles l'individu fait montre d'un comportement qui, en réalité ou en apparence, vise à mettre sa vie en péril, mais sans conduire à la mort. Quant à la troisième catégorie, celle des suicides réussis, il s'agit de ceux dans lesquels a été posé un geste délibéré, auto-infligé et constituant un danger de mort qui s'est soldé par la mort de l'individu en question.
Par ailleurs, Pokorny a recommandé que l'on évalue le comportement suicidaire en fonction de cinq autres dimensions : la létalité, l'intention, les circonstances atténuantes, le moyen utilisé et le degré de certitude. La certitude serait la mesure, exprimée en pourcentage, dans laquelle le comportement en question était considéré comme suicidaire. La létalité représente le degré de danger objectif d'un point de vue médical (c'est-à-dire l'absence de réversibilité et/ou d'intervention médicale contre le moyen choisi). L'intention est la mesure de la détermination qu'a le sujet de mettre un terme à sa vie. Les circonstances atténuantes sont des variables telles que la maladie mentale, l'alcoolisme, l'âge ou l'intelligence, qui peuvent exacerber provisoirement une propension à l'autodestruction. Le moyen utilisé est important, car il peut être mis en corrélation avec trois autres dimensions: l'intention, la létalité et/ou les circonstances atténuantes.
Farber (1968) a proposé une autre façon de classer les comportements suicidaires; celle-ci intègre dans une matrice 2 x 2 l'interaction de l' « intention de mourir » et de l'« issue » réelle du comportement. Dans ce modèle, quand l'intention de mourir est forte et que l'issue du comportement est la mort, le comportement présenté était un suicide. Quand l'intention de mourir est forte et que l'issue est la vie, c'est une tentative de suicide. Dans le même ordre d'idées, quand l'intention de mourir est faible et que l'issue est la mort, c'est un décès accidentel ou indéterminé qui est survenu. Lorsque l'intention de mourir est faible et que l'issue est la vie, c'est à un parasuicide que l'on a affaire.
Shneidman (1985) fait valoir aussi que n'importe quelle définition du suicide doit inclure une reconnaissance de la létalité et de l'intentionnalité
ii) Sous-déclaration
Dans la littérature sur le suicide, la sous-déclaration est un problème de taille (Brugha et Walsh, 1978; Liberakis et Hoenig, 1978; McCarthy et Walsh, 1975; Ovenstone, 1973). Cette sous-déclaration est imputable à des facteurs tels que l'attitude des autorités certificatrices (Farberow, MacKinnon et Nelson, 1977), le type de système de certification et les compétences des autorités (Pokorny,1974; Shneidman, 1985). Cette sous-déclaration présente le risque d'invalider les comparaisons des taux de suicide d'une administration à une autre (Atkinson, Kessel et Dalgaard, 1975; Douglas, 1967). La sous-déclaration est considérée comme un problème de taille lorsque l'on étudie des groupes déterminés, comme les adolescents, les personnes âgées et les Autochtones (rapport du Groupe d'étude national sur le suicide au Canada, 1987).
iii) Prédiction du suicide
Les méthodologies et les modèles actuels permettent de prédire avec une précision raisonnable le comportement de groupes dans le cadre de certains paramètres.Note de bas de page 11 Malheureusement, la prédiction d'un comportement individuel déterminé est loin d'être aussi exacte. Ce qui complique aussi les recherches menées dans ce domaine est le fait que la prédiction et la prévention sont inter-reliées. S'il était possible de prédire chaque suicide avec précision, on serait alors tenu, d'un point de vue éthique, de s'assurer que tout est fait pour empêcher que cette prédiction se réalise. Les mesures de prévention fructueuses annuleraient donc la prédiction (Murphy, 1974). Cette interaction, bien que non circulaire, pose certainement des difficultés en termes de prédiction de l'issue.
La prédiction de comportements peu fréquents présente en soi des problèmes (Rosen, 1954). Dans une étude rétrospective menée auprès de 40 femmes qui avaient participé au Terman Genetic Studies of Genius, Tomlinson-Keasey, Warren et Elliott (1986), utilisant sept variables dans une analyse discriminante, sont parvenus à classer correctement 83 % des sujets dans un des trois groupes suivants : suicides, témoins vivants et témoins décédés. Vingt-cinq pour cent des suicides n'ont pas été pris en compte. Pallis, Gibbons et Pierce (1984), utilisant une échelle d'intention de suicide, ont pu identifier correctement 83 % de leurs sujets rétrospectivement. Dans cette étude, les auteurs ont indiqué que, pour chaque suicide réussi, 33 clients non suicidaires seraient considérés comme suicidaires. Smith (1982-1983), dans une évaluation rétrospective utilisant une batterie de tests pour prédire le suicide, a relevé avec succès 85 % des cas. Les sujets ont été classés dans les catégories suivantes : pas de suicide, tentative modérée, tentative sérieuse, ou suicide réussi. Dans le cas des suicides réussis, 21 % des cas ont été mal classés. En recourant à une échelle à 11 éléments, Farberow et MacKinnon (1974) ont pu identifier correctement 79 % des cas de suicide et ont mal identifié 25 % des cas de non-suicide. Bien que ces méthodes soient prometteuses, des taux de succès qui font abstraction de 17 à 25 % des suicidés sont peu acceptables d'un point de vue clinique.
Les taux de succès de la prédiction du suicide présentent un problème supplémentaire : le nombre de faux cas positifs. Dans les milieux où l'on compte peu de clients suicidaires, le nombre de faux cas positifs ne pose pas de graves problèmes logistiques. Dans un milieu judiciaire, un nombre exagéré de faux cas positifs présente le risque de paralyser les ressources consacrées à la prévention et au traitement. Par exemple, il existe un nombre limité de cellules d'observation et de membres du personnel pour surveiller les détenus à risque; des limites du même ordre touchent les ressources consacrées à l'évaluation et au suivi postérieurs à l'identification d'un problème de santé mentale. La difficulté devient plus évidente quand on utilise des données. Supposons qu'il existe une méthode pour identifier correctement 80 % des suicides. Burtch et Ericson (1979) ont calculé que, dans les prisons du Canada, le taux de suicide était de 95,9 pour 100 000 détenus (par convention, le taux de suicide est déclaré pour 100 000 détenus). Le SCC compte une population carcérale d'environ 15 000 détenus. Note de bas de page 12 Si l'on applique la méthode qui précède, 11 des 14 suicides survenus au sein de la population carcérale seraient identifiés correctement, mais l'on identifierait à tort comme suicidaires 2 989 détenus sans tendances suicidaires.Note de bas de page 13 Même en répartissant ces cas dans l'ensemble du pays, ce nombre élevé de faux cas positifs créerait des problèmes importants. L'arrivée constante de nouveaux détenus dans le système exacerberait la situation.
Un second problème que pose la prédiction du suicide est celui des prédicteurs cliniques par opposition aux prédicteurs actuariels. Les variables démographiques doivent nécessairement faire abstraction des caractéristiques individuelles. Toutefois, même l'application d'un nombre considérable de variables démographiques ne décrira pas de façon très juste l'individu (Lester, 1974). Par exemple, être blanc, de sexe masculin, alcoolique et dans la quarantaine sont tous des prédicteurs démographiques du suicide (Murphy et Wetzel, 1990; Roy et Linnoila, 1986), mais il est évident que ces variables identifieraient un échantillon fort large de clients. Si l'on ajoute les variables supplémentaires que sont les tentatives de suicide antérieures et le divorce, il est possible de réduire quelque peu la taille du groupe, mais l'échantillon n'en demeure pas moins extrêmement étendu. Dans le meilleur des cas, les variables actuarielles identifient des groupes précis à risque.
En revanche, la prédiction clinique représente un jugement professionnel au sujet du comportement d'un individu particulier à un moment donné. Les instruments d'évaluation psychologique, une connaissance des données actuarielles, les études et l'expérience et l'orientation théorique sont tous des éléments qui ont une incidence sur ce qui constitue essentiellement une vérification des hypothèses pour évaluer les comportements que présente un individu unique. Les deux méthodes de prédiction vont de pair et sont essentielles à la prévention du suicide.
Selon Murphy (1984), la prédiction actuarielle du suicide n'est pas un problème qui résulte de l'insuffisance de la base de données ou de l'analyse de ces dernières, mais plutôt des caractéristiques de comportements peu fréquents. Il laisse entendre de plus que les renseignements qui concernent le risque qu'une personne s'enlève la vie à un moment incertain sont peu utiles au clinicien, qui a besoin de savoir ce qu'il doit faire dans l'immédiat. En pratique clinique, « la décision ne concerne pas ce qu'il faut faire tout le temps, mais plutôt ce qu'il faut faire ensuite, dans un avenir rapproché » Pokorny, 1983, p. 251). Le processus est une suite de petites décisions qui comportent l'observation des signes avertisseurs, d'autres recherches, l'observation des signes avertisseurs supplémentaires ou des indicateurs de confirmation, la détermination du degré d'intervention, du type d'intervention (p. ex., médicaments, hospitalisation, consultation externe, observation pendant 24 heures), une rétroaction continuelle afin de réviser l'évaluation du risque et des techniques d'intervention. À l'instar du chercheur, le clinicien doit se préoccuper des faux cas positifs. Par exemple, si la procédure de traitement est fort importune, comme une hospitalisation involontaire, il devient difficile de justifier le traitement. Dans un milieu carcéral, les faux cas positifs suscitent des préoccupations supplémentaires à cause des libertés déjà restreintes des détenus.
iv) Questions d'ordre pratique
Dans la plupart des troubles du comportement humain, la dysfonction est un processus permanent qui permet d'en examiner la structure à divers stades. En ce qui concerne le suicide, nous avons affaire au résultat ultime, un décès, qui a été obtenu à la suite de l'interaction d'un certain nombre de facteurs présentant plusieurs facettes (Balon, 1987). L'état actuel de la littérature sur la prédiction du suicide donne à penser qu'on ne peut actuellement prédire le suicide de façon sûre (Rosine, 1991). Cela n'a pas pour but d'être alarmiste, mais plutôt de présenter un tableau réaliste de l'état actuel des connaissances. Cependant, de tels énoncés n'aident guère le spécialiste de la santé mentale qui se trouve assis devant une personne potentiellement suicidaire, plus particulièrement dans un milieu carcéral, où les attentes sont élevées sur le plan de la prévention.
Le suicide est reconnu comme une cause importante de décès chez les détenus. Le taux de suicide en milieu carcéral est plusieurs fois supérieur à celui que l'on rencontre dans l'ensemble de la population (Bonner, 1992). Une revue de la littérature sur le suicide chez les détenus (Lloyd, 1990) permettait de faire le résumé suivant :
- sexe — les risques de suicide étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes;
- âge — les résultats étaient incertains;
- état matrimonial — les risques de suicide étaient plus élevés chez les célibataires;
- statut pénal — taux de suicide élevé chez les détenus en détention provisoire;
- durée de la peine — les personnes condamnées à une peine à perpétuité et celles qui purgeaient une peine de longue durée couraient davantage de risques;
- type d'infraction — les assassins étaient surreprésentés dans la catégorie des suicides réussis;
- durée de la peine purgée — la plupart des suicides survenaient peu de temps après l'incarcération, et les deux premières semaines étaient les plus risquées;
- trouble mental — la relation exacte est incertaine, mais selon des résultats obtenus en Grande-Bretagne, environ le tiers des suicidés avaient été hospitalisés avant leur incarcération;
- tentatives de suicide antérieures — les personnes qui avaient menacé ou qui avaient tenté de se suicider auparavant avaient plus de risques de réussir leur geste.
Un examen quantitatif de la littérature générale sur le suicide (Rosine, 1991) a fait ressortir un certain nombre de facteurs de risque dans les suicides réussis. Ces conclusions plus générales ont une incidence pour les détenus qui résident dans la collectivité sous surveillance aussi bien que pour la population carcérale :
- âge — les hommes jeunes et les personnes âgées couraient un risque plus grave;
- consommation d'alcool — augmentait le risque de suicide; les alcooliques couraient cinq fois plus de risques que les non alcooliques; comportement suicidaire antérieur;
- dépression;
- sentiment d'impuissance;
- état matrimonial — les célibataires couraient plus de risques;
- condition de vie — les personnes qui vivaient seules ou en compagnie d'une personne qui n'était pas de leur famille couraient plus de risques, ce qui reflétait vraisemblablement un degré d'appui affectif réduit;
- maladie mentale — aggravait le risque que la personne réussisse son suicide;
- degré d'instruction — le fait d'avoir suivi des études supérieures avait un rapport positif avec le risque de suicide;
- chômage — semble aggraver le risque de suicide.
Les données démographiques décrivent la population à risque à long terme, tandis que les variables de disposition aident à axer le problème sur le risque plus immédiat, à court terme. Cependant, même des variables de disposition sont d'une utilité restreinte pour la prédiction des cas individuels. Il convient de procéder à des recherches supplémentaires et d'établir d'autres facteurs cliniques pour la prédiction du risque de suicide.
Les hommes présentent depuis toujours des taux de suicide réussi plus élevés que ceux des femmes, mais ces dernières ont des taux de tentative de suicide supérieurs. Un facteur qui est important pour comprendre ces différences entre les sexes est la tendance qu'ont les hommes à recourir à des méthodes de suicide plus directes et fatales (Marks et Abernathy, 1974; Ramsay, Tanney, Tierney et Lang, 1987; Stengel, 1971). Cependant, lorsque le caractère fatal - la létalité - de la méthode choisie était égal, les taux de suicide chez les hommes et les femmes étaient les mêmes (Wilson, 1981). Cela fait ressortir le besoin d'évaluer la létalité durant les évaluations des risques de suicide, notamment lorsqu'il est question des femmes. La létalité doit être évaluée en fonction, d'une part, des tentatives antérieures et, d'autre part, de tout plan actuel (Ramsay et al., 1987).
Un problème supplémentaire que pose l'évaluation du comportement suicidaire chez les détenus est que certains d'entre eux hésitent à révéler leurs pensées et leurs comportements suicidaires parce qu'ils craignent les conséquences de ce genre de révélations. Rosine (1994) a déterminé que 14 % d'un échantillon de 113 détenus ont indiqué qu'ils ne seraient pas disposés à révéler au personnel psychologique la possibilité d'un comportement suicidaire. Note de bas de page 14 Voici des idées que les détenus entretiennent et pouvant influer sur le désir de révéler ou non des idées suicidaires :
- La décision de placer un individu à risque sous observation peut être vue comme une mesure punitive plutôt que préventive (Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, 1990).
- La personne suicidaire peut aussi avoir des doutes sérieux sur la compétence de ceux qui doivent lui prodiguer des soins, ce qui diminue ainsi la probabilité qu'elle accepte le soutien qui lui est offert (Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, 1990).
- Il existe au sein de la culture carcérale une mythologie selon laquelle on a refusé à des détenus une permission de sortir ou une mise en liberté provisoire parce que des renseignements contenus dans leurs dossiers actuels ou antérieurs les identifiaient comme suicidaires.Certains détenus croient que l'on se sert de ces renseignements pour les empêcher de réintégrer la société. Note de bas de page 15
Steer, Beck, Garrison et Lester (1988) et Beck et Steer (1989) rapportent que les individus qui finissaient par s'enlever la vie avaient fait plus attention pour cacher leurs tentatives de suicide antérieures que d'autres candidats au suicide. Le fait de se prémunir contre la découverte de cette information a de graves conséquences pour le clinicien qui tente de procéder à une évaluation du risque de suicide, une évaluation qui est aggravée par la question de la désirabilité sociale.
On observe actuellement dans la littérature spécialisée un débat sur le rôle de la désirabilité sociale (DS) en tant que variable suppressive dans l'évaluation du suicide. Selon Strosahl, Linehan et Chiles (1984), un biais dans les réponses dû à l'action de la désirabilité sociale peut entraîner une divulgation incomplète de renseignements concernant un comportement suicidaire actuel ou antérieur ou la réorganisation de l'information de telle sorte que le clinicien soit gravement induit en erreur. Le rôle de la désirabilité sociale est particulièrement pertinent lorsque l'on a affaire à des groupes cliniques (Cole, 1988; Holden, Mendonca et Serin; 1989). Pour compliquer davantage le processus d'évaluation, Evenson (1983) et Pallis et Birtchnell (1977) constatent que ceux qui font des tentatives et des menaces de suicide sans intention sérieuse semblent plus pathologiques que les candidats sérieux au suicide. Autrement dit, les individus les plus à risque prennent plus de précautions pour ne pas être découverts, sont plus susceptibles d'induire le clinicien en erreur et se présentent probablement comme étant moins perturbés.
On a longtemps considéré la dépression comme une variable prédictive importante du suicide. Toutefois, Beck, Kovacs et Weissman (1975) et Wetzel (1976) soutiennent que l'association entre le suicide et la dépression découle de leur lien commun avec le désespoir. Wetzel, Margulies, Davis et Karam (1980) ont étudié le lien qui existe entre le désespoir, la dépression et l'intention suicidaire. L'intention suicidaire et le désespoir montraient une corrélation étroite (r = 0,76), tout comme l'intention suicidaire et la dépression (r = 0,36). Quand on supprime statistiquement l'effet de la dépression, la corrélation entre le désespoir et les idées suicidaires demeure élevée (r = 0,72). Quand on supprime l'effet du désespoir, le lien entre l'intention suicidaire et la dépression disparaît (r = -0,10). Dans une étude récente, Beck, Steer, Beck et Newman (1993) ont conclu que le désespoir était 1,3 fois plus important que la dépression pour expliquer l'idée suicidaire.
Il est probable que la mesure du désespoir n'est pas indépendante de la désirabilité sociale (Holden et Mendonca, 1984). Là encore, un biais dû à la désirabilité sociale signifierait que l'individu à risque peut ne pas tout dire sur son désespoir actuel ou antérieur, ou qu'il peut gravement induire en erreur le clinicien. Pour compliquer davantage cette question, notons que, dans la population « normale », la capacité de répondre d'une manière désirable socialement serait un signe d'adaptation sociale et psychologique (Nevid, 1983). Cela nous porte à croire que plus le détenu à risque ressemble à la population carcérale générale, plus le clinicien accorde d'importance à la possibilité d'être amené à sous-estimer le risque de suicide.
Une tradition philosophique longue et complexe concernant la tolérance à l'égard du suicide a influé sur les attitudes et les théories modernes sur le comportement suicidaire. Au début du XXe siècle, on croyait généralement que le suicide était le fait de malades mentaux. Cette prémisse a suscité plus récemment un débat considérable. Note de bas de page 16
Dans la pratique clinique, il est important de se faire une idée de l'état psychiatrique de l'individu suicidaire pour évaluer le risque et établir des stratégies d'intervention. L'expérience clinique enseigne qu'il est manifestement faux de fonder des interventions sur la prémisse selon laquelle un individu qui menace de s'enlever la vie ou qui tente de se suicider est irrationnel ou souffre de troubles psychiques. Il est évident que c'est le cas de certains individus suicidaires. Toutefois, beaucoup d'autres qui souffrent de troubles affectifs profonds ne sont ni irrationnels ni malades mentaux pour autant. En ce qui concerne les individus irrationnels ou malades mentaux qui présentent des difficultés manifestes, la décision de les protéger contre eux-mêmes est habituellement assez évidente. Ce sont les individus ni irrationnels ni malades mentaux appartenant au second groupe qui obligent le clinicien à prendre des décisions difficiles, tant sur le plan de l'évaluation que sur celui de l'intervention. Compte tenu de la capacité limitée de prédire avec exactitude la « dangerosité », à quel stade le danger est-il clair et imminent? Note de bas de page 17 À quel stade le psychologue intervient-il?
Les programmes de formation en matière d'intervention auprès d'individus suicidaires sont fondés sur l'hypothèse que ceux qui menacent de s'enlever la vie ne souffrent pas tous de troubles psychiques (Ramsey et al., 1987). L'évaluation du risque de suicide et l'intervention subséquente sont axées sur l'ambivalence que ressentent de nombreux individus suicidaires, l'ambivalence étant définie comme une oscillation émotive entre le désir de mourir et le désir de vivre. Le suicide est perçu comme un processus dont on évalue le degré de risque selon une échelle continue allant de très faible à très élevé, le type d'intervention étant déterminé par la position de l'individu sur cette échelle.
Le processus d'évaluation
Un processus d'évaluation pluridisciplinaire permettra d'évaluer de façon plus exacte et plus éclairée le risque de suicide. Les résultats de tests psychométriques, des renseignements et des observations sur le comportement fournies par le personnel de première ligne, Note de bas de page 18 l'examen du dossier et l'entrevue clinique améliorent le processus d'évaluation et fournissent des renseignements nécessaires et importants.
i) Tests psychométriques
L'utilisation de tests de projection s'est révélée peu utile pour prédire le suicide (Exner et Wylie, 1977; Kendra, 1979; Neuringer, 1974). On a obtenu des résultats négatifs semblables avec le MMPI (Clopton et Baucom, 1979; Clopton et Jones, 1975; Watson, Klett, Walters et Vassar, 1984).
Toutefois, les échelles conçues explicitement pour mesurer divers aspects du comportement suicidaire sont prometteuses (Pierce, 1981; Pallis, Gibbons et Pierce, 1984; Shaffer, Perlin, Schmidt et Stephens, 1974). Voici un échantillon d'instruments psychométriques employés dans l'évaluation du suicide. On peut employer ces échelles dans un contexte d'expertise médico-légale :
- Inventaire de dépression de Beck;
- Inventaire de désespoir de Beck;
- Risk-Rescue Rating - cotation du risque et des chances de survie (voir Dongar, 1991 b, p. 256);
- The Los Angeles Suicide Prevention Center Scale - inventaire du Centre de prévention du suicide de Los Angeles (voir Bongar, 1991b, p. 249);
- The Suicide Intent Scale – inventaire d'intention suicidaire (Beck, Schuyler et Herman, 1974).
ii) L'entrevue clinique
L'entrevue clinique est la pierre angulaire du processus d'évaluation du suicide. Même le clinicien le plus sensible ne peut supposer en toute sécurité qu'il comprend pleinement le sens de l'idée suicidaire sans interroger directement le sujet sur ses idées et discuter du sens que ce dernier leur donne (Freeman et Reinecke, 1993, p. 44).
Voici un certain nombre de points qu'il faut examiner durant l'entrevue clinique :
- Stress. Quels sont les facteurs de stress instrumental ou personnel qui interviennent dans la vie de l'individu? Comment ce dernier les perçoit-il? (Les situations de crise ne sont pas le résultat d'événements, mais de sentiments suscités par l'interprétation qu'en fait l'individu à risque et de gestes que ces sentiments l'amènent à poser.) À quand remontent les difficultés qui ont déclenché la crise actuelle et dans quelle mesure sont-elles impossibles à gérer?
- Symptômes. Comment l'individu réagit-il aux facteurs de stress?
- Plan émotif. Y a-t-il des signes d'instabilité de l'humeur, d'abattement, de dépression, de torpeur, de pleurs ou de désespoir? L'individu se sent-il plus ou moins perturbé que par le passé?
- Plan cognitif. La pensée est-elle perturbée, bizarre, désorganisée, limitée ou irrationnelle? L'individu est-il dépassé? Son jugement est-il défaillant? Note-t-on des idées suicidaires?
- Plan du comportement. L'individu donne-t-il des signes de retrait, d'agitation, de fatigue extrême, d'impulsivité, d'imprudence, d'automutilation ou de toxicomanie?
- Plan physique. A-t-on noté un changement dans l'appétit, le sommeil, le poids ou l'aspect général? L'individu se plaint-il de problèmes biophysiques?
- Style d'adaptation. Y a-t-il des antécédents de mauvais comportements d'adaptation (p. ex., toxicomanie), d'instabilité ou d'un mode de vie dangereux? Comment l'individu a-t-il fait face à ses problèmes par le passé? Comment évalue-t-il le succès de ses efforts? Est-il capable de formuler des options? Montre-t-il une faible capacité de décision? Une rigidité cognitive? Un trouble psychiatrique particulier? Est-il compétent? Les individus qui manifestent une forme quelconque de troubles psychiatriques courent un risque plus grand de s'enlever la vie (Freeman et Reinecke, 1993).
- Planification du suicide. L'individu envisage-t-il le suicide? L'a-t-il planifié? Dans quelle mesure le plan est-il fatal? L'individu dispose-t-il des moyens nécessaires? A-t-il fait des préparatifs pour mettre le plan à exécution? Dans quel délai? Des secours sont-ils possibles? L'individu a-t-il mis de l'ordre dans ses affaires en vue de sa mort? En plus de lui demander s'il veut se suicider, il est aussi utile de lui demander s'il veut mourir. Il semble qu'il s'agisse là de concepts différents pour certains individus suicidaires, et la question peut offrir un moyen d'exploiter leur désir de vivre. Y a-t-il des croyances ou des hypothèses tacites concernant l'inévitabilité du suicide (p. ex. : Je mérite de mourir. Je ne devais pas vivre plus de 30 ans. Mon père s'est suicidé, je n'ai donc pas le choix.)
- Comportement suicidaire antérieur. Y a-t-il des antécédents de comportement suicidaire - idées, préparatifs, tentatives [la proportion de suicides réussis par rapport aux candidats au suicide est d'environ 1 sur 100 (Ramsay et a1.,1987)]. Dans l'affirmative, quelles précautions l'individu avait-il prises pour éviter d'être découvert? Les tentatives antérieures étaient-elles planifiées soigneusement ou impulsives? La tentative était-elle organisée de telle façon que les secours étaient prévisibles ou probables?
- Ressources. Sur quelles ressources internes et extérieures l'individu peut-il compter - amis, parents, enfants, intérêts, croyances ancrées contre le suicide, ouverture à l'intervention? L'individu a-t-il déjà suivi une thérapie ou des consultations? Dans l'affirmative, comment l'individu en évalue-t-il l'efficacité? Quelles habiletés d'adaptation apporte-t-il dans cette situation (voir «Style d'adaptation» ci-dessus)? Moins l'individu peut compter sur des ressources internes et extérieures, plus les risques sont grands. Il s'agit ici de déterminer les facteurs qui exploiteront le désir de vivre de l'individu. Quels éléments de sa vie l'empêchent de se suicider? C'est l'espoir en l'avenir qui fait vivre les humains. Qu'est-ce qui motive cet individu à rester en vie?
- Risque pour autrui - homicide. Quel danger l'individu suicidaire pose-t-il pour autrui? Un comportement homicide et un comportement suicidaire peuvent coexister, mais aucune recherche n'indique à ce stade-ci que les individus suicidaires présentent un danger plus grand pour autrui que les individus non suicidaires.
Pendant les diverses étapes de l'évaluation du risque, il faut examiner chacun des domaines généraux susmentionnés. Les questions correspondantes sont fournies à titre de pistes d'exploration pour le clinicien. Elles sont censées donner des lignes directrices. Elles ne sont PAS censées être limitatives. Il est peu probable que toutes les questions soient valables ou pertinentes dans tous les cas.
iii) Jugement clinique
L'évaluation du risque de suicide est un jugement clinique sur le comportement futur d'une autre personne. On évalue le risque sur un continuum, de faible à élevé. Les décisions relatives aux mesures à prendre dépendent du niveau de risque attribué au cas. Les questions particulières sont les suivantes :
- Dans quelle mesure le détenu est-il à l'abri dans l'immédiat du mal qu'il pourrait se faire?
- L'individu à risque a-t-il été franc et honnête en parlant de ses craintes et de ses sentiments?
- Existe-t-il une psychopathologie grave?
- La crise est-elle susceptible de s'aggraver à un point tel que l'individu ne serait pas capable de la tolérer?
«[TRAD.]Même s'il n'existe aucune preuve empirique qu'un bon jugement clinique sauve des vies, le consensus répandu chez les spécialistes est qu'il s'agit encore de la meilleure forme de prévention dont on dispose contre le suicide» (Bongar, Maris, Berman, Litman et Silverman, 1993, p. 255). Les instruments d'évaluation psychologique, la compréhension des données actuarielles, la formation et l'expérience et l'orientation théorique sont tous des éléments qui influent sur un processus qui consiste essentiellement à vérifier une hypothèse afin d'évaluer les comportements que présente un individu unique.
Indépendamment des circonstances, il est extrêmement difficile de décider qu'un individu court un risque imminent. Quand on s'occupe d'une population carcérale, bon nombre des facteurs susmentionnés viennent compliquer davantage le problème. Dans une situation de crise, il faut prendre des décisions sans tarder. Comme on ne peut prendre à l'avance des décisions au sujet d'un individu suicidaire en particulier, il faut établir un cadre qui permette de prendre des décisions dans des conditions défavorables.
Nous proposons ici un cadre décisionnel qui s'applique aux individus suicidaires vivant en milieu carcéral:
- Établissez les paramètres de la situation dans votre milieu de travail. Passez en revue la littérature spécialisée, le code de déontologie de la SCP, les directives du SCC, Note de bas de page 19 et parlez à des collègues afin d'élaborer et de clarifier le fondement de vos décisions.
- Connaissez et comprenez toute politique et procédure en vigueur dans votre lieu de travail concernant la prise en charge de clients suicidaires.
- Procédez à une évaluation et déterminez le degré de risque de suicide du détenu.
- Formulez des solutions de rechange. Mettre le détenu dans une cellule d'observation n'est qu'une solution. Le personnel, des parents ou d'autres détenus peuvent-ils surveiller le détenu? Note de bas de page 20 Ce dernier pourrait partager une cellule avec un autre détenu. Est-il possible de voir l'individu chaque jour et de conclure un contrat avec lui pour qu'il garde un comportement non suicidaire entre les contacts?
- Faites participer le plus possible l'individu suicidaire à la formulation de solutions de rechange.
- Évaluez chaque solution en function du degré de risque et de docillité que présente l'individu suicidaire.
- Prenez une décision.
- Évaluez votre décision en fonction des conséquences possibles. Si vous décidez de placer le détenu dans la cellule d'observation, quelles en seront les ramifications thérapeutiques et environnementales? Si vous décidez de ne pas placer le détenu dans une cellule d'observation, imaginez-vous à la barre lors d'une enquête. Note de bas de page 21 Pouvez-vous défendre votre décision? Si vous croyez en être incapable, reprenez le processus à l'étape 3.
- Mettez en oeuvre votre décision et consignez soigneusement par écrit ce que vous faites et le fondement de votre décision. Il est difficile de défendre les gestes qui ne s'appuient pas sur des documents.
- Informez les personnes compétentes du niveau de risque évalué et de toute recommandation concernant les stratégies d'intervention.
- Surveillez le détenu jusqu'à ce que le risque de suicide diminue tout en évaluant continuellement votre décision à la lumière de toute nouvelle information.
Selon certains auteurs (Bongar et al., 1993, p. 246), il faut reconnaître «[TRAD.] que toute norme raisonnable de soins doit tenir compte de l'importance vitale du jugement clinique dans l'intervention auprès d'une personne donnée; que chaque décision dans la pratique clinique présente à la fois des risques et des avantages pour le patient et que la tâche du clinicien, à maintes reprises, consiste à peser ces enjeux et à porter un jugement compétent, prudent et raisonnable ». Les cliniciens doivent examiner leur propre pratique et s'assurer que leurs décisions et leurs évaluations des risques et des avantages sont axées sur un niveau optimal de soins et de sécurité pour leurs clients, et non simplement sur des réactions de défense inspirées par la peur (Klerman, 1986). « [TRAD.] Une unité à l'épreuve du suicide, ça n'existe pas » (Simon, 1988, p. 95).
Intervention et traitement en situation de crise
Dans la pratique clinique, la décision concernant l'individu suicidaire ne porte pas sur des mesures à long terme, mais plutôt sur ce qu'il faut faire dans l'immédiat, pour un proche avenir (Porkorny, 1983, p. 251). Le processus d'intervention auprès d'individus suicidaires est une suite de petites décisions qui comprend l'observation de signes avant-coureurs, une enquête plus approfondie, l'observation de signaux d'avertissement supplémentaires ou d'indicateurs corroborants, le choix du niveau d'intervention, le type d'intervention (p. ex., médication, hospitalisation, consultation externe, observation permanente) et rétroaction continue afin d'examiner l'évaluation du risque et les techniques d'intervention.
Le type d'intervention employé sera fondé sur le niveau de risque qu'on aura établi. Dans le cas d'un individu présentant un risque élevé, la première tâche consiste à réduire le risque immédiat que ce dernier s'inflige des blessures. Dans un établissement, cela signifie en général un placement dans une cellule d'observation. Quand des mesures ont été prises pour réduire le risque immédiat, on doit élaborer un plan de traitement à long terme afin de faciliter un comportement adaptatif plus convenable. Pour un individu présentant un risque faible ou modéré, les buts du plan de traitement consistent à prévenir l'élévation du niveau de risque de suicide.
Un contrat antisuicide est une composante nécessaire de tout plan de prévention ou d'intervention en dehors d'une situation de crise. Le contrat antisuicide devrait comprendre :
- un accord prévoyant que le clinicien sera informé si le détenu sent que ses pensées suicidaires s'aggravent;
- un accord stipulant qu'il n'y aura aucun comportement suicidaire entre la rencontre en cours et la prochaine rencontre prévue,Note de bas de page 22 , la période entre les contacts dépendra du degré de risque que le détenu présente;
- le nom d'autres personnes qui peuvent encourager le détenu suicidaire et le rôle qu'elles peuvent jouer;
- des solutions de rechange ou des plans de repli dans l'éventualité où une partie quelconque du plan échouerait.Note de bas de page 23
En guise de mesure préventive, Note de bas de page 24 on propose qu'un contrat antisuicide soit établi chaque fois que la thérapie porte sur des mauvais traitements subis dans l'enfance (physiques, sexuels, psychologiques), sur un trouble lié au stress post-traumatique ou sur d'autres situations qui ont déjà donné lieu à des sentiments, des pensées ou des comportements suicidaires. Il est particulièrement important d'établir clairement les limites de la confidentialité pendant les phases d'évaluation et de traitement (Simon 1988, p. 60-61).
Baumeister (1990) fournit un excellent modèle théorique de conceptualisation du suicide pour l'élaboration d'un plan de traitement. Le suicide est vu sous l'angle de ses dimensions psychiques. Les variables environnementales et interpersonnelles ont une incidence sur l'individu, mais c'est l'interprétation qu'il donne à ces événements qui agit sur son comportement (Bandura, 1977; Baumeister, 1990; Ellis et Grieger, 1977; Meichenbaum, 1985; Ramsay et al., 1987). En s'inspirant des écrits sur le risque, le besoin et la réceptivité (Andrews, 1980; Andrews, 1982, Andrews, Bonta, Hoge, 1990), on peut conceptualiser de la même façon les interventions cliniques opposées au suicide.
Il est possible de distinguer les facteurs de risque liés à la prédiction du suicide en fonction de variables statiques et dynamiques. Les facteurs de risque statiques comme l'âge, le sexe, le comportement suicidaire antérieur, les antécédents familiaux de comportements suicidaires et l'état civil ne peuvent être modifiés (bien que l'âge et l'état civil puissent changer). Toutefois, il est possible de modifier par des interventions thérapeutiques, comme la restructuration cognitive, la manière dont l'individu voit ces facteurs (p. ex., le suicide est un trait héréditaire) et le sens attribué aux facteurs dans la vie de l'individu (p. ex., parce que mon père et mon grand-père se sont suicidés, je vais moi aussi mourir de la même façon). Quant aux variables dynamiques, des interventions thérapeutiques et une manipulation de l'environnement peuvent les modifier. On peut prendre des mesures comme fournir une formation professionnelle pour régler un problème de chômage, prescrire des médicaments pour la dépression et fournir une aide psychologique pour aider à faire face à la perte d'un être cher. Il faut procéder à une évaluation systématique des besoins afin de déterminer la stratégie d'intervention qui convient.
La réceptivité est le troisième élément de l'analyse. Le modèle de Baumeister (1990) laisse entendre qu'à mesure que l'individu à risque suit la chaîne de comportements qui mène à la fuite finale que constitue le suicide, sa réceptivité à l'environnement diminue. Ce modèle implique qu'il est possible d'évaluer la réceptivité de l'individu suicidaire et d'employer des interventions pour l'améliorer.
Les deux composantes du besoin et de la réceptivité agissent l'une sur l'autre. Selon la théorie de la fuite de la réalité, les comportements suicidaires se développent en réaction à des affects négatifs qui découlent d'un état d'aversion à une conscience de soi élevée. Au premier stade du modèle, la situation actuelle de l'individu ne satisfait pas à une norme personnelle, soit à cause d'attentes irréalistes, d'un problème ou d'un revers récent, ou des deux. Les individus formulent des attributions internes de telle sorte qu'ils s'attribuent le blâme des résultats décevants, ce qui crée une représentation négative d'eux-mêmes (Baumeister, 1990, p. 91). Si les interventions ne réussissent pas à modifier le modèle d'évaluation de l'individu (p. ex., les attentes irréalistes) et si l'écart entre la norme intériorisée et la situation n'est pas réduit, l'affect négatif demeurera. Si les problèmes ou les revers récents sont externes, comme le chômage ou des contacts sociaux limités, et que l'intervention ne réussit pas à modifier d'une quelconque façon l'environnement social ou économique de l'individu, l'affect négatif suscité par l'écart entre la norme intériorisée et la situation réapparaîtra après l'intervention. En théorie, le fait d'assortir la stratégie d'intervention aux besoins et à la réceptivité de l'individu à risque augmentera de façon spectaculaire les chances de succès de l'intervention.
Nous recommandons les lectures suivantes pour plus d'information sur le traitement du comportement suicidaire :
- Baumeister, R.F. « Suicide as an Escape from Self », Psychological Review, Vol. 97, n° 1, 1990, p. 90 à 111.
- Freeman, A. et Reinecke, M.A. Cognitive Therapy of Suicidal Behavior: A Manual for Treatment, New York, Springer Publishing Co., 1993.
Compétence professionnelle
L'évaluation et le traitement de personnes suicidaires est une tâche très difficile qui exige que le psychologue possède une formation spécialisée en la matière. Peu d'établissements d'enseignement supérieur en psychologie offrent une formation spécialisée à l'intervention auprès d'individus suicidaires Note de bas de page 25 (Rapport du Groupe d'étude national sur le suicide au Canada 1987). Pourtant, l'incapacité de prévenir le suicide est un des principaux motifs des poursuites pour faute professionnelle qui sont accueillies contre des spécialistes du domaine de la santé mentale (Daly, 1993; Szasz, 1986). De plus en plus, les jurys de reconnaissance professionnelle examinent attentivement la formation de leurs membres dans le domaine de l'intervention auprès d'individus suicidaires. Malheureusement, certains ont été jugés incompétents. Note de bas de page 26 Footnote
On propose comme critère minimal pour travailler avec des individus suicidaires un cours ou un atelier sur l'intervention auprès d'individus suicidaires qui comprend un cadre d'évaluation du niveau de risque et un modèle d'intervention, comme l'atelier organisé par Living Works Education, Inc., de Calgary. Le SCC a adopté cet atelier de deux jours, qui fournira à l'intervenant les compétences fondamentales en matière d'intervention auprès d'individus suicidaires.
De plus, les lectures suivantes augmenteront vos connaissances :
- Bongar, B. The Suicidal Patient : Clinicat and Legal Standards of Care. Washington (D.C.), American Psychological Association, 1991.
- Maris, R.W., Berman, A.L., Maltsberger, J.T. et Yufit, R.I. (Eds.) Assessment and Prediction of Suicide, New York, Guilford, 1992.
Toutefois, la compétence clinique dans le traitement de clients suicidaires ne se limite pas à un contenu théorique (Berman, 1986). Bongar (1992) parle de l'obligation déontologique d'acquérir une compétence clinique de l'évaluation et de la gestion de personnes suicidaires avant d'entreprendre une pratique autonome dans un milieu clinique. Il dresse une liste de compétences particulières afin de faciliter l'auto-évaluation de capacités techniques et personnelles.
Lorsque nous sommes incapables de prévenir un suicide
Dans la littérature spécialisée, il n'est pas souvent question du suicide réussi d'un individu à risque. Note de bas de page 27 Selon des cliniciens, le décès d'un client dont ils prennent soin est un des événements professionnels les plus stressants qu'ils sont susceptibles de vivre (Deutsch, 1984). Chemtob, Hamada, Bauer, Torigoe et Kinney (1988) ont constaté que dans une telle circonstance, les psychologues réagissent à la perte de la même façon que les personnes qui perdent un membre de leur famille.
Un sentiment d'impuissance se dessine quand nous prenons conscience que lorsqu'un individu est déterminé à mourir, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour l'en empêcher. Les programmes d'intervention et de prévention du suicide sont fondés sur l'hypothèse que l'individu suicidaire est ambivalent et que l'intervention thérapeutique le détournera d'une vision axée sur le passé et la mort et l'orientera vers l'avenir et la vie (Ramsay et al., 1987).
Mais certains prendront la décision de mourir malgré nos soins, le soutien, la thérapie et l'hospitalisation.Note de bas de page 28 Ils attendent simplement de trouver le moment, le lieu où la circonstance propice où nous sommes incapables d'empêcher leur décès. Leur suicide nous laisse avec la question « Avons-nous fait tout ce qui est entre notre pouvoir? ».
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