Décision no 100

Raisons qui sous-tendent la décision du commissaire

(Loi sur l’ACFC, paragraphe 23(2))

La Banque

Dossier : XXX-XXXXX

En septembre 2007, le commissaire par intérim a dressé un procès-verbal de violation qu’il a fait signifier à la Banque conformément au paragraphe 22(2) de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (la Loi). Le procès-verbal stipulait ce qui suit :

J’ai des motifs raisonnables de croire que la Banque a commis deux violations en enfreignant les paragraphes 10(1) et 13(1) du Règlement sur le coût d’emprunt ( banques), car elle a :

  • omis de fournir à l’emprunteur la première déclaration conformément au paragraphe 10(1) du Règlement;
  • omis de communiquer à l’emprunteur, par écrit et dans les 30 jours suivant la conclusion de la convention subséquente, les changements apportés aux renseignements dont la communication est exigée dans la première déclaration, conformément au paragraphe 13(1) du Règlement.

De plus, le commissaire par intérim a proposé d’imposer une sanction de 20 000 $ relativement aux violations.

En octobre 2007, la Banque a répondu au procès-verbal de violation au moyen d’observations dans la mesure permise par la Loi. La Banque a inclus une copie de la première déclaration remise au client, document qu’elle n’avait pas pu trouver antérieurement, pendant le déroulement de l’enquête.

Après avoir examiné les renseignements additionnels fournis dans les observations, je suis d’avis que la Banque s’est conformée au paragraphe 10(1) du Règlement.

En ce qui concerne les déclarations subséquentes qui n’avaient, soi-disant, pas été fournies, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la Banque a enfreint le paragraphe 13(1) du Règlement. Aux termes du paragraphe 23(2), je confirme qu’il y a eu violation du paragraphe 13(1) du Règlement. En tenant compte des circonstances de l’espèce, je n’ai pas imposé de sanction.

Dans ses observations, la Banque a pris certaines positions relativement à ses responsabilités sous le régime de la Loi. Je crois qu’il est important de tenir compte de ces positions dans les motifs de la présente décision. À cet effet, je suis consciente du principe sous-jacent du Règlement : les emprunteurs doivent recevoir une déclaration complète et claire lorsqu’ils concluent une convention de crédit afin d’éviter toute possibilité de malentendu.

Faits

En septembre 2005, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC ou l’Agence) a reçu une plainte de la part d’une consommatrice concernant sa marge de crédit consentie par la Banque. La plaignante a indiqué qu’elle n’avait pas reçu les documents d’information lors de la conclusion de la convention de crédit en juillet 2002. Elle a également ajouté que la Banque avait omis de lui faire parvenir la déclaration l’informant des changements apportés à la convention de crédit, lesquels touchaient le taux d’intérêt imposé par la Banque.

Au cours de l’enquête, la Banque n’a pas été en mesure de fournir des copies de la première déclaration ou des déclarations subséquentes.

En résumé, les renseignements fournis par la Banque révèlent, entre 2002 et 2006, des augmentations et des diminutions de la composante non variable du taux d’intérêt appliqué à la marge de crédit de la plaignante.

En tenant compte des renseignements versés au dossier à ce moment-là, un procès-verbal de violation a été dressé en septembre 2007. La Banque y a répondu en octobre 2007, au moyen d’observations détaillées, qui s’accompagnaient d’une copie de la convention de crédit contenant les renseignements visés par la première déclaration.

Position de la Banque

J’ai pris en considération toutes les observations présentées par la Banque en octobre 2007, en réponse au procès-verbal émis en septembre 2007. Voici certains points précis soulevés par la Banque sur lesquels je souhaite me pencher :

Présumée violation no 1 – Omission de fournir à l’emprunteur la première déclaration

Nous croyons toutefois que même sans la convention dûment signée, on n’aurait pas dû signaler une violation. Nous sommes d’avis que l’ACFC ne doit pas seulement se fonder sur une copie de déclaration comme étant le seul élément de preuve acceptable, mais qu’elle doit également tenir compte d’autres facteurs. Plus particulièrement, nous croyons qu’en ce qui concerne la présente affaire, l’ACFC s’est trop fiée à l’assertion non corroborée de la cliente lorsqu’elle a tiré ses conclusions. La cliente a accusé réception d’autres documents (p. ex. les relevés mensuels) et rien n’indiquait une défaillance de nos systèmes qui aurait pu empêcher certains clients de recevoir les documents envoyés par la poste. Nous sommes d’avis que ce fait, et ceux présentés ci-dessous, devrait avoir plus de poids dans la décision de l’ACFC concernant la divulgation des renseignements visés par le règlement.

Nous croyons qu’après avoir examiné les circonstances de l’espèce, il est raisonnable de conclure que la cliente a bel et bien reçu la convention de crédit, même si nous n’avons pas pu trouver la copie de la convention signée par la cliente.

Analyse

Conformément au Règlement sur le coût d’emprunt (banques), les banques doivent fournir aux emprunteurs divers types de documents d’information. Il appartient aux banques de prouver qu’elles s’acquittent de leurs obligations.

La Banque prétend qu’elle n’est pas tenue légalement de conserver des dossiers. L’Agence ne conteste pas ce fait. Cependant, elle demandera aux institutions financières de prouver qu’elles se sont conformées au Règlement. Dans un cas de non-divulgation présumée, l’institution financière aura plus de facilité à prouver qu’elle s’est conformée au Règlement si elle a conservé une copie de la déclaration qui a été fournie au client, bien que dans certaines situations, il soit possible d’utiliser d’autres moyens moins directs pour prouver sa conformité.

Au début de l’affaire, la Banque n’a pas été en mesure de fournir une copie signée de la convention de crédit. Elle a finalement joint ce document à ses observations subséquentes, ce qui confirme qu’elle a respecté les exigences de première déclaration.

Je conclus donc qu’il n’y a pas eu violation du paragraphe 10(1) du Règlement.

Présumée violation no 2 – Omission de communiquer les changements subséquents

Selon nous, il est raisonnable de conclure qu’en plus d’avoir signé et reçu la convention, la cliente a reçu les avis concernant les changements ultérieurs apportés à son taux d’intérêt.

  • Comme il a été mentionné auparavant, la copie de la convention ci-jointe prouve que la cliente a effectivement reçu la première déclaration, même si elle prétend le contraire dans ses allégations à l’ACFC. Cette divergence dans la version des faits de la cliente nuit à la crédibilité de son allégation, soit qu’elle n’a pas reçu les avis de changements apportés à la composante variable de son taux d’intérêt.
  • La cliente reconnaît également avoir reçu ses relevés mensuels. Étant donné qu’il n’y a pas eu de changement d’adresse et que rien n’indique qu’il y ait eu une défaillance de nos systèmes lors de l’envoi des avis de changement apportés au taux d’intérêt, il n’y a pas lieu de conclure que les avis n’ont pas été envoyés à la bonne adresse. Nous avons confirmé que ces avis sont établis automatiquement, et que rien n’indique que notre système de traitement des envois postaux a fait défaut.

Cependant, en dépit de notre conviction que la cliente a bien reçu les avis de changement de son taux d’intérêt, nous croyons que ces avis ne constituent pas une obligation du Règlement sur le coût d’emprunt. Le rapport de conformité indique que la loi exige que soit communiqué au client, selon les modalités réglementaires, tout changement apporté aux renseignements qui figurent sur la première déclaration. Le rapport indique également ce qui suit : [TRADUCTION] « Font partie de ces avis, les changements apportés à la méthode utilisée pour établir le taux d’intérêt annuel, s’il est variable ». Dans le présent cas, la « méthode » servant à déterminer le taux d’intérêt n’a pas changé. Elle est demeurée la même. Pour calculer le taux d’intérêt, on a utilisé un taux fixe plus ou moins une composante variable. Le taux d’intérêt effectif a été modifié, car la composante variable a changé, et, conformément à la réglementation, la cliente en a été informée dans son relevé mensuel.

Dans le rapport de conformité, on peut également lire :

[TRADUCTION] « Un examen des relevés mensuels aurait informé la cliente du taux d’intérêt global appliqué à sa marge de crédit, sans toutefois lui indiquer si les variations étaient attribuables aux changements du taux fixe ou à la composante variable. »

En raison du fait que le taux fixe est un indice publié (aux termes de la définition adoptée dans le Règlement sur le coût d’emprunt), on suppose que les clients sont au courant du taux et qu’à toutes fins, la Banque n’est pas dans l’obligation de le communiquer en vertu du Règlement (sauf s’il fait partie d’une offre promotionnelle ou de la première déclaration.) Tous les clients peuvent facilement déterminer quelle sera leur composante variable s’ils connaissent le taux fixe de la journée en question. Ils peuvent également vérifier cette information lorsqu’ils reçoivent leurs relevés mensuels.

Analyse

L’Agence reconnaît le fait que le taux d’intérêt global appliqué à la marge de crédit figurait sur les relevés mensuels reçus par la cliente. Par contre, la cliente prétend qu’elle n’a pas reçu les avis devant l’informer des changements concernant la méthode utilisée pour calculer le taux d’intérêt appliqué à sa marge de crédit. Dans sa réponse à cette allégation, la Banque invoque le fait qu’elle dispose des politiques et des procédures qui lui permettent de fournir les avis nécessaires, et d’un processus automatisé d’envoi des déclarations qui informent les clients des augmentations du taux d’intérêt. La Banque mentionne qu’elle n’a pas eu vent d’une défectuosité de ses processus automatisés ou de l’envoi des relevés mensuels de la plaignante à la mauvaise adresse.

La Banque a fourni une copie de l’avis de déclaration type provenant de son système automatisé. La Banque fait valoir qu’elle a en place des processus fiables, donnant l’assurance que la plaignante a bel et bien reçu les avis en question.

La Banque a informé l’agent d’enquête que pour chaque augmentation du taux, le bureau central prépare des avis pour informer les clients et qu’un avis a été envoyé. Il est difficile de tirer des conclusions en fonction des renseignements fournis par la Banque. Néanmoins, selon la prépondérance des probabilités, je conviens que la Banque a fourni à la plaignante les avis émis par le bureau central.

Toutefois, apparemment, aucun processus automatisé n’assure l’émission d’une déclaration lorsqu’une succursale modifie la composante non variable du taux d’intérêt facturé à l’emprunteur. La Banque n’a fourni aucun renseignement concernant les processus manuels en place dans les succursales, ou la présentation de la documentation utilisée par la succursale pour aviser un emprunteur d’un changement du taux. En l’occurrence, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la succursale en cause –et la Banque–n’a pas fourni à l’emprunteuse les avis l’informant qu’on avait modifié la méthode servant à déterminer le taux d’intérêt applicable.

À cet effet, l’Agence fera un suivi pour s’assurer que la Banque a mis en place les politiques et les procédures nécessaires et qu’elle offre une formation pertinente à son personnel de succursale.

Dans ses observations, la Banque prétend de façon plus poussée qu’elle n’était pas dans l’obligation d’envoyer une déclaration subséquente, car elle n’avait pas modifié sa méthode de calcul du taux d’intérêt annuel. Elle maintient également que les clients peuvent facilement déterminer la composante non variable de leur taux d’intérêt à l’aide des renseignements présentés sur le relevé mensuel.

Le présent cas tombe sous le coup des articles 10 et 13 du Règlement. et plus particulièrement l’alinéa 10(1)b) qui stipule que la première déclaration doit comporter les renseignements au sujet du taux d’intérêt annuel ou son mode de calcul, dans le cas d’un taux variable. Le paragraphe 13(1) exige qu’on communique tout changement apporté aux renseignements divulgués dans la première déclaration.

En l’espèce, la première déclaration indiquait le mode de calcul du taux d’intérêt de la plaignante.

Manifestement, pour calculer le taux d’intérêt annuel, il suffit d’additionner le taux fixe et le taux non variable qui sont applicables pour une journée quelconque. Quoi qu’il en soit, il faut avoir les deux composantes pour calculer le taux d’intérêt. Un changement apporté au taux non variable représente donc un changement à la méthode de calcul utilisée pour établir le taux d’intérêt applicable à l’emprunteur. Cette observation est confirmée par la convention de crédit, qui indique clairement que l’emprunteur doit être informé de tout changement à la composante non variable du taux d’intérêt.

Il m’est également impossible d’accepter le point de vue de la Banque selon lequel le changement du taux non variable a été divulgué au sens où la cliente est capable de le calculer elle-même en soustrayant le taux fixe du taux d’intérêt effectif qui apparaît sur le relevé mensuel. Le Règlement exige qu’on communique tous les changements apportés à la méthode servant à l’établissement du taux d’intérêt; en d’autres termes, l’institution financière doit informer l’emprunteur par écrit qu’elle a effectué un changement qui touche précisément le taux non variable. Il ne suffit pas de donner à l’emprunteur les moyens de faire les calculs lui-même.

Il est aussi regrettable de constater que ni la convention de crédit ni la première déclaration n’informent l’emprunteur des sources d’information à consulter au sujet des changements apportés au taux fixe.

Je ratifie donc la violation et suis d’avis que la Banque a omis de communiquer à l’emprunteur, par écrit et dans les 30 jours suivant la conclusion de la convention subséquente, les changements apportés aux renseignements dont la communication est exigée dans la première déclaration, conformément au paragraphe 13(1) du Règlement.

Cependant, je tiens compte des circonstances entourant l’omission de fournir des avis concernant la diminution du taux non variable, en particulier le fait que l’emprunteuse était au courant des changements de taux, car elle les avait négociés elle-même avec le personnel de la succursale, et le fait qu’aucun préjudice n’a été commis dans le présent cas. Je n’ai donc pas l’intention d’imposer une sanction.

Je n’entends pas publiciser le présent cas comme le prévoit l’article 31 de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

 

Ottawa, janvier 2008

 

la commissaire

Agence de la consommation en matière financière du Canada

Ursula Menke

Détails de la page

Date de modification :