Décision no 104

Motifs de la décision de la commissaire

(Loi sur l'ACFC, paragraphe 23(2))

La Banque

Fichiers : XXX-XXXXXX et XXXXXX

Règlement sur le coût d'emprunt (banques) – Cartes de crédit – Relevés mensuels –Non-divulgation complète du taux d'intérêt promotionnel

En mars 2008, la commissaire adjointe a dressé un procès-verbal de violation qu'elle a fait signifier à la Banque conformément au paragraphe 22(2) de la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada ( la Loi). Le procès-verbal stipulait ce qui suit :

J'ai des motifs raisonnables de croire que la Banque a commis une violation en enfreignant le paragraphe 12(5) du Règlement sur le coût d'emprunt (banques) DORS/2001-101 car, en ne divulguant pas le taux d'intérêt promotionnel applicable à une partie du solde impayé sur ses relevés de carte de crédit, la Banque n'indique pas le taux d'intérêt annuel qui s'appliquait chaque jour de la période couverte par le relevé, comme l'exige le Règlement.

La commissaire adjointe a proposé d'imposer une sanction de 50 000 $ relativement à la violation commise. La Banque a répondu au procès-verbal de violation au moyen d'observations dans la mesure permise par la Loi.

J'ai examiné le dossier, y compris les observations de la Banque. Selon toute probabilité, je considère que la Banque a commis une violation en enfreignant le paragraphe 12(5) du Règlement sur le coût d'emprunt (Banques) (le Règlement). J'impose donc une sanction administrative pécuniaire de 50 000 $.

Règlement applicable

Le Règlement sur le coût d'emprunt (Banques) prescrit ce qui suit :

12. (5) La banque émettrice de cartes de crédit doit remettre périodiquement à l'emprunteur, au moins une fois par mois, une déclaration indiquant l'information visée aux paragraphes 10(3) et (4) sauf les alinéas 10(3)b) et c) et comportant :

a) un relevé détaillé de toutes les opérations et de toutes les sommes portées au crédit ou au débit du compte, y compris les intérêts et la date d'inscription au compte;

b) la somme que l'emprunteur doit payer au plus tard à une date spécifiée de façon à bénéficier d'un délai de grâce;

c) le montant des versements et le montant des achats, des avances de crédit, des frais d'intérêts et des frais non liés aux intérêts.

Faits

En juillet 2006, la Banque a signalé une plainte liée à une disposition visant les consommateurs à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), comme l'exige le Cadre de conformité de l'Agence. Un titulaire de carte de crédit qui avait accepté une offre d'avance de fonds promotionnelle avait exprimé des préoccupations quant au mode de calcul des intérêts.

Selon le rapport de l'agent de conformité, l'enquête a confirmé que le titulaire avait obtenu plusieurs avances de fonds auxquelles on avait appliqué le taux d'intérêt promotionnel moins élevé. Mais sur ses relevés de carte de crédit, c'est le taux d'intérêt « régulier » plus élevé qui était inscrit.

La Banque a indiqué à l'agent de conformité que le taux d'intérêt promotionnel apparaît dans la description de la transaction, sur le relevé mensuel. Le même élément d'information figure sur les relevés mensuels en question, qui font l'objet de la plainte susmentionnée.

À l'époque, aucune mesure de conformité ultérieure n'avait été prise relativement à la plainte signalée.

En octobre 2006, l'ACFC a fait part de ses préoccupations concernant les pratiques de divulgation dans le cas d'offres de taux d'intérêt promotionnel à l'Association des banquiers canadiens (ABC), dont la Banque est membre. L'ACFC a fait savoir que certaines banques manquaient de clarté dans leurs communications à propos des soldes bénéficiant du taux d'intérêt promotionnel, ce qui avait donné lieu à des malentendus pour quelques clients de la Banque. Le 22 janvier 2007, l'ABC a répondu à l'ACFC en précisant que maintenant qu'elle était au courant que certaines communications n'étaient pas aussi claires que prévu, les banques examineront leurs documents d'information concernant les transferts de solde à un taux promotionnel et prendront chacune des mesures, lors du prochain examen, pour améliorer les communications qui selon elles semblent être la cause du problème.

En mai 2007, l'ACFC a reçu une autre lettre de plainte d'une consommatrice titulaire de la carte de crédit de la Banque, qui avait accepté une offre de taux d'intérêt promotionnel similaire. Le taux d'intérêt promotionnel moins élevé avait en fait été appliqué lorsque la titulaire s'était prévalue de la caractéristique de la carte de crédit concernant les avances de fonds ou les chèques. Son relevé mensuel indiquait le taux d'intérêt « régulier » plus élevé, et le taux d'intérêt promotionnel figurait dans la description de la transaction sur le relevé mensuel.

D'après la lettre de plainte, la titulaire de la carte en était arrivée à la conclusion que le taux d'intérêt promotionnel n'avait pas été appliqué au solde impayé. La lettre de plainte indique que la titulaire s'est adressée au service à la clientèle de la Banque, par téléphone, qui lui a expliqué qu'on avait appliqué le mauvais taux d'intérêt, et que la titulaire avait été informée que l'erreur serait corrigée et qu'une nouvelle facture indiquant le montant exact lui serait envoyée. Les systèmes de la Banque avaient été réglés de manière à indiquer le taux d'intérêt régulier plus élevé.

La lettre de plainte affirme que la titulaire a fait part de ses préoccupations à la succursale et a été amenée à croire que le taux d'intérêt régulier avait été appliqué à son solde de carte de crédit au complet. Elle a alors refusé d'effectuer un paiement jusqu'à ce qu'elle reçoive un relevé indiquant le taux d'intérêt appliqué au solde impayé. Par conséquent, elle n'a pas pu respecter l'échéance normale des paiements mensuels, conformément aux clauses du contrat de carte de crédit concernant les défauts de paiement, et la Banque a mis fin au taux d'intérêt promotionnel.

Position de la Banque

Après avoir reçu le procès-verbal de violation émis en mars 2008, la Banque a présenté ses observations le 14 avril 2008. En voici les éléments essentiels :

1. Mesures prises

...

La Banque n'a pas apporté de modifications à l'information concernant le taux promotionnel sur ses relevés mensuels, après les discussions tenues entre l'ABC et l'ACFC en octobre 2006, car elle était et est toujours d'avis qu'elle satisfait à toutes les exigences applicables du Règlement.

Maintenant que nous comprenons les véritables préoccupations de l'ACFC, nous envisageons l'apport d'autres changements (ci-dessous) qui pourraient améliorer l‘information que nous communiquons aux titulaires de cartes à propos des relevés mensuels :

  • [description de l'amélioration proposée]
  • [description de l'amélioration proposée]

La Banque se ferait un plaisir d'informer l'ACFC de façon distincte, d'ici le 1 er juillet 2008, des progrès qu'elle a accomplis dans l'examen des options qui se présentent, et des mesures qu'elle entend prendre à l'issue de cet examen. Nous en profiterions pour préciser le délai d'exécution des mesures.

2. Aucun tort causé à la consommatrice

...

Le rapport de conformité laisse entendre que les titulaires de cartes qui reportent un solde à un taux promotionnel pourraient croire qu'ils paient en réalité des intérêts calculés au taux régulier plus élevé. En pareil cas, tout malentendu serait toujours résolu dans l'intérêt du consommateur, qui ne subirait aucun tort. Dans le cas n 4216-644T203, l'ACFC a trouvé un fondement sur lequel s'appuyer pour ne pas imposer de sanction pécuniaire.

Le rapport de conformité fait aussi allusion à un tort éventuel, inhérent à la décision de la titulaire de ne pas effectuer de paiement avant d'avoir reçu un relevé indiquant avec exactitude le taux d'intérêt appliqué aux soldes impayés. La Banque prétend qu'il s'agit d'une réaction isolée qui ne constitue pas un tort justifiant une sanction de 50 000 $. Nous prétendons que le relevé de la consommatrice ne contenait aucune erreur et que tous les calculs et intérêts convenus étaient exacts.

La Banque prétend aussi que le relevé mensuel n'est pas son principal moyen de divulguer l'information concernant les offres de taux promotionnel. Cette information a déjà été pleinement divulguée aux titulaires de cartes qui se prévalent de ces offres.

...

3. Nature de la négligence

...

Nous constatons que le Règlement ne fait pas allusion une seule fois à des offres de taux promotionnels, spéciaux ou de lancement, ou à des taux temporaires ou d'une durée d'application limitée. L'expression qui est toujours utilisée, y compris dans le paragraphe 12(5) et à l'alinéa 10(3)d) est « le taux d'intérêt annuel ». Pour sa part, l'ACFC considère que par cette expression, on entend implicitement « ou les taux », mais la Banque soumet respectueusement qu'il est raisonnable de considérer que le règlement n'exige que la divulgation du taux d'intérêt annuel régulier et que par conséquent la Banque s'est conformée au règlement en vigueur. [Italique ajouté]

4. Conformité au Règlement

Le paragraphe 12(5) du Règlement n'exige pas la divulgation, sur le relevé mensuel, des taux d'intérêt promotionnels spéciaux. Ce qui doit être indiqué, c'est le « taux d'intérêt annuel » qui, pour les titulaires d'une carte de la Banque, est le taux d'intérêt qu'ils paieront en temps normal. Les taux promotionnels spéciaux peu élevés, qui sont d'une durée limitée et peuvent ne s'appliquer qu'à un seul chèque, ne se comportent manifestement pas comme le taux d'intérêt annuel auquel la carte est assujettie. [Italique ajouté] En effet, affirmer qu'un simple taux promotionnel constitue en fait le taux d'intérêt annuel applicable au compte peut en soi induire les consommateurs en erreur. Nous soumettons respectueusement qu'un abaissement temporaire du taux appliqué à un seul transfert de solde ne tient pas lieu de changement au taux d'intérêt annuel selon le contrat de carte de crédit.

...

Conclusion

La Banque a saisi les plaintes des consommateurs et l'enquête de l'ACFC comme l'occasion d'examiner la façon dont l'information est divulguée sur ses relevés, et elle apportera des améliorations pour accroître la transparence du point de vue des titulaires de cartes.

...

Analyse

J'ai examiné attentivement le rapport de l'agent de conformité ainsi que les observations transmises par écrit par la Banque. Je ne suis pas persuadée que la Banque s'est acquittée de ses obligations en matière de divulgation et j'estime qu'une sanction administrative pécuniaire est justifiée.

La question qui se pose ici n'est pas de savoir si le taux d'intérêt promotionnel exact a été appliqué, mais bien de savoir si la personne intéressée était au courant. Les consommateurs n'ont pas payé un taux trop élevé. Le taux d'intérêt régulier plus élevé n'a pas été appliqué au lieu du taux d'intérêt promotionnel beaucoup moins élevé. Le fait est que les consommateurs ne pouvaient pas en être sûrs comme ils étaient en droit de l'être.

Il est tout aussi important de divulguer l'application d'un taux d'intérêt réduit ou promotionnel que de l'appliquer avec exactitude. Dans le cas contraire, les consommateurs n'ont aucun moyen de savoir qu'en fait ils ont bénéficié du taux d'intérêt promotionnel. Privés de cette information, les consommateurs ne sont pas en mesure de savoir si l'institution financière a fait une erreur et ne peuvent donc rien faire pour la faire corriger le cas échéant.

Non-divulgation de l'application du taux d'intérêt promotionnel

Le paragraphe 12(5) du Règlement exige que chaque mois on informe les emprunteurs du taux d'intérêt annuel et qu'on leur communique d'autres renseignements précisés aux paragraphes 10(3) et (4). Je n'accepte pas l'argument de la Banque, qui soutient que le paragraphe 12(5) exige uniquement la divulgation « d'un » taux d'intérêt annuel.

Les exigences du paragraphe 12(5) du Règlement doivent être lues dans l'optique des dispositions générales concernant la communication de l'information énoncées au paragraphe 6(4) : une déclaration doit être rédigée en langage simple, clair et concis, et être présentée de façon logique et susceptible d'attirer l'attention de l'emprunteur sur les renseignements dont la communication est exigée par le Règlement.

L'idée que le Règlement n'exige que la communication d'un taux d'intérêt, alors qu'on sait que plusieurs taux peuvent s'appliquer aux transactions qui sont inscrites sur un relevé mensuel donné, est tout simplement sans fondement. En outre, elle est contraire au paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C., 1985, ch. I-21, qui stipule que le pluriel ou le singulier s'appliquent, le cas échéant, à l'unité et à la pluralité. Dans le Règlement, par « intérêt » ou « taux d'intérêt », on entend, s'il y a lieu, « les taux d'intérêt ».

Ce n'est pas la première fois que l'ACFC porte ce principe de l'interprétation des lois et règlements à l'attention de la Banque. Ce principe est le fondement de la décision de mon prédécesseur au sujet de la communication de l'information aux coemprunteurs (dossier 37923-585Q205). Dans sa lettre du 15 septembre 2005 à la suite de la décision rendue, le commissaire conseillait aux institutions financières sous réglementation fédérale de revoir leurs pratiques de communication de l'information à tous les emprunteurs dont les prêts tombent sous le coup du Règlement sur le coût d'emprunt.

Qui plus est, le fait que dans le relevé mensuel la Banque a décrit une transaction n'est pas, selon moi, une façon de communiquer le taux d'intérêt promotionnel applicable à une transaction en particulier.

Tort causé aux consommateurs

Rien n'indique que la Banque a imposé des montants trop élevés à l'un ou l'autre titulaire de carte. Les bons taux d'intérêt ont été appliqués, mais l'information n'a pas été communiquée clairement aux consommateursFootnote 1 .

Comme l'agent de conformité l'a souligné dans son rapport, et que la Banque n'a pas contesté dans ses observations écrites, il s'agit d'un problème de nature systémique, qui toucherait tous les titulaires de cartes dont les soldes sont assujettis à un taux d'intérêt qui est inférieur au taux d'intérêt « régulier » ou « mensuel » normalement divulgué sur les relevés mensuels de carte de crédit. L'agent de conformité a également noté que la Banque n'avait fourni aucune preuve, pendant l'enquête, qu'elle avait effectué des vérifications pour s'assurer que les titulaires de cartes n'étaient pas induits en erreur par ses communications concernant les offres de taux d'intérêt promotionnels. Aucune preuve de cet ordre n'a été fournie dans les observations écrites.

Nature de l'intention

L'approche adoptée par la Banque concernant la non-divulgation de l'information dans le cas qui nous occupe renferme un degré d'intention.

Comme on l'indique précédemment, la Banque continue d'invoquer un principe d'interprétation erroné, et ce, même après les discussions tenues au sujet de l'obligation de fournir l'information aux coemprunteurs. La lettre du commissaire conseillant aux banques d'examiner leurs pratiques était une occasion que la Banque n'a pas saisie pour aborder le problème qui a conduit à la décision.

L'ACFC a soulevé la question de la communication des taux promotionnels auprès de l'ABC, après le signalement de la plainte par la Banque en 2006. La Banque avait la possibilité de modifier sa façon d'indiquer les taux promotionnels sur les relevés mensuels, mais elle a choisi de ne pas le faire. Dans ses observations écrites, la Banque ne donne aucune raison à cet effet (ni aucun élément de preuve concernant les mesures qu'elle a prises à cet égard). On peut considérer que la plainte du deuxième titulaire de carte est une conséquence de la décision prise par la Banque.

Le fait que la Banque semble toujours ne pas vouloir modifier ses pratiques contraires au Règlement est renforcé par ses observations écrites, dans lesquelles la Banque prétend a) qu'elle a satisfait et continue de satisfaire aux exigences du Règlement, b) qu'elle envisagera des options de changement et c) qu'elle apportera des améliorations sans toutefois les préciser. Cette attitude montre que la Banque ne tient pas compte de l'esprit et de la lettre du paragraphe 12(5).

Antécédents en matière de conformité

Ce n'est pas la première fois que la Banque enfreint le Règlement pour ce qui est des taux d'intérêts promotionnels. La décision rendue par le commissaire en avril 2005 faisait état d'une violation, laquelle a été reconnue par la Banque, et le règlement proposé par l'ACFC a été accepté. En conséquence, le commissaire a décidé de ne pas imposer de sanction administrative pécuniaire.

Récemment, dans un autre cas, qui a également donné lieu à un procès-verbal de violation, on a en fin de compte établi que la Banque n'avait pas enfreint le paragraphe 6(4) du Règlement concernant la divulgation prêtant à confusion « d'offres promotionnelles spéciales » dans un contrat de carte de crédit. Mais le commissaire a fait remarquer que la Banque avait révisé son contrat de carte de crédit pour éliminer le manque de cohérence qui avait été à l'origine de poursuites liées à la conformité, et qu'elle avait envoyé le contrat révisé à tous les titulaires de carte de crédit.

Dans le cas présent, la Banque ne reconnaît pas le problème de divulgation et ne propose aucune mesure concrète pour y remédier.

Conclusion

Selon toute probabilité, j'estime que la Banque a commis une violation en ne communiquant pas le taux d'intérêt promotionnel applicable à une partie du solde impayé sur ses relevés de carte de crédit, comme l'exige le paragraphe 12(5) du Règlement.

Je constate également un degré d'intention de la part de la Banque. Elle est au courant du problème de non-divulgation depuis plusieurs années, mais elle maintient qu'elle se conforme au Règlement. Elle a manqué plusieurs occasions de remédier au problème et elle continue de contester l'esprit et la lettre du Règlement.

Même si l'omission de la Banque a des répercussions générales et présente le risque de causer du tort aux titulaires de cartes, je ne considère pas que la violation a causé un préjudice réel. Rien n'indique que les titulaires ont dû payer des frais d'intérêt excessifs. Cependant, j'estime que les antécédents en matière de conformité de la Banque jouent contre elle dans le cas présent et auraient dû l'amener à se pencher sur le problème de divulgation soulevé par ses clients et par l'ACFC, sous un angle différent. Par conséquent, j'impose une sanction administrative pécuniaire de 50 000 $.

La Banque doit se conformer au Règlement. L'ACFC examinera les changements que la Banque aura apportés dans l'année suivant la décision, pour s'assurer qu'elle est intervenue.

Je n'ai pas l'intention de publiciser le présent cas comme le prévoit l'article 31 de la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Ottawa, juin 2008

La commissaire,

Agence de la consommation en matière financière du Canada,

Ursula Menke

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