Décision no 120

Motifs de la décision du commissaire

(Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, paragraphe 23(2))

La présente décision porte sur le non-respect des dispositions du Règlement sur le coût d’emprunt (banques) concernant la communication de renseignements sur les cartes de crédit.

En juin 2013, le directeur de la Direction de la conformité et de l'application (le directeur) de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) a dressé un procès-verbal de violation à l’endroit de la banque en vertu du paragraphe 22(2) de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (la Loi). Le procès-verbal de violation affirmait ce qui suit :

J’ai des motifs raisonnables de croire que la banque a commis une violation en enfreignant le paragraphe 6(4) du Règlement sur le coût d’emprunt (banques) étant donné que les renseignements communiqués dans les relevés des consommateurs relativement au taux de change utilisé pour les transactions en devises étrangères (c. à d., la fourniture d’un taux de change tronqué) ne sont pas clairs et induisent les emprunteurs en erreur.

Le directeur a proposé une pénalité de 45 000 $ concernant cette violation.

En juillet 2013, la banque a présenté des observations par écrit en réponse au procès-verbal de violation.

J’ai examiné soigneusement le dossier, et notamment les observations écrites de la banque. Selon toute probabilité, j’estime que la banque a commis la violation décrite dans le procès-verbal de violation. J’ai pris en considération les observations écrites de la banque ainsi que la nature de l’intention ou de la négligence, le tort causé par la violation et les antécédents de la banque en matière de conformité, et j’impose une sanction administrative pécuniaire de 25 000 $.

Règlement applicable

Règlement sur le coût d’emprunt (banques) (le Règlement) :

6(4) La banque qui communique tout renseignement sous le régime du présent règlement doit le faire dans un langage et d’une manière simples et clairs, et de façon à ne pas induire en erreur.

12(5) Sous réserve des paragraphes (8) et (9), la banque émettrice de cartes de crédit remet périodiquement à l’emprunteur, au moins une fois par mois, une déclaration contenant les renseignements prévus aux alinéas 10(3)a) et d) à h) et comportant :

a) un relevé détaillé de toutes les opérations et de toutes les sommes portées au crédit ou au débit du compte, y compris les intérêts et la date d’inscription au compte;

...

12(6) Le relevé détaillé satisfait aux exigences de l’alinéa (5)a) s’il permet à l’emprunteur de vérifier chaque opération qui y est inscrite en la comparant à un relevé d’opération qui lui est fourni.

Les faits

En juillet 2012, l’ACFC a reçu une plainte transmise directement par la banque. Dans la plainte, le client affirmait que les taux de change indiqués sur les relevés de carte de crédit imprimés ne reflétaient pas les taux de change réels utilisés par la banque pour calculer les frais facturés.

La Direction de la conformité et de l'application (DCA) de l’ACFC a examiné le bien-fondé de la plainte et a confirmé que la banque appliquait un taux de change à neuf décimales pour calculer les frais facturés pour chaque transaction en devises étrangères figurant sur les relevés de carte de crédit des clients.

Cependant, aux fins d’affichage sur le relevé du client, la banque a tronqué le taux de change à deux décimales.

Par exemple, en ce qui concerne une transaction visant [ ], le taux de change indiqué dans le relevé de carte de crédit était tronqué à deux décimales et ne reflétait pas le taux de change réel utilisé pour calculer les frais facturés au compte. Si la transaction en devises étrangères [ ] était fondée sur un taux de change de [ ], comme indiqué dans le relevé de carte de crédit, les frais facturés au compte auraient été de [ ]. Cependant, des frais de [ ] ont été facturés au compte, puisque la banque a calculé les frais selon le taux réel de [ ].

Par ailleurs, le taux de change indiqué a été arrondi au chiffre supérieur ou inférieur, selon le troisième chiffre de la version du taux de change à neuf décimales (c.-à-d., si le troisième chiffre était compris entre 1 et 5, le taux de change indiqué était arrondi au chiffre inférieur; s’il était compris entre 6 et 9, le taux de change était arrondi au chiffre supérieur).

La banque ne fournit pas à ses clients des renseignements décrivant la différence entre le calcul du système et les renseignements indiqués dans le relevé de carte de crédit. Cependant, les emprunteurs peuvent obtenir la valeur intégrale du taux de change à neuf décimales en regardant en ligne les transactions portées à leur compte ou en téléphonant au centre d’appel et en parlant à un agent pour obtenir ces renseignements.

Au cours de l’enquête de la DCA, la banque a confirmé qu’elle communiquait les taux de change de cette manière depuis plus de deux ans. Elle a reconnu en outre que sa communication « aurait pu être plus claire conformément au paragraphe 6(4) en raison du fait que nous n’avons pas divulgué aux clients que le taux de change indiqué dans le relevé était arrondi à deux décimales à partir du taux de change à neuf décimales original qui a été utilisé pour calculer les frais facturés ». Dans ses observations du 6 juin 2013 au sujet du rapport de conformité provisoire, la banque a aussi reconnu que la « communication aurait pu être plus claire ».

À compter du [ ], la banque a commencé à indiquer sur les relevés de carte de crédit des clients le taux de change intégral (à neuf décimales) appliqué aux transactions en devises étrangères.

Position de la banque

La banque prétend que, puisque la communication du taux de change intégral qui s’applique à une transaction en devises étrangères n’est pas une communication requise en vertu de l’alinéa 12(5)a) du Règlement, le paragraphe 6(4) ne s’applique pas. Par conséquent, la banque maintient qu’elle ne contrevient pas au paragraphe 6(4).

La banque affirme ce qui suit :

« Le but de l’alinéa 12(5)a) est de veiller à ce que les titulaires de carte reçoivent suffisamment de renseignements dans le relevé de carte de crédit pour pouvoir vérifier que les montants correspondent aux reçus de vente ou autres relevés de transaction qu’ils ont reçus du marchand et pouvoir confirmer qu’ils ont une dette relativement à cette transaction. Ceci est précisé au paragraphe 12(6) du Règlement, qui se lit comme suit :

Le relevé détaillé satisfait aux exigences de l’alinéa (5)a) s’il permet à l’emprunteur de vérifier chaque opération qui y est inscrite en la comparant à un relevé d’opération qui lui est fourni.

Dans le cas d’une transaction en dollars canadiens, la première exigence de l’alinéa 12(5)a) concernant la description de la transaction serait respectée au moyen d’une référence au marchand et la seconde exigence concernant les frais facturés serait remplie si le montant indiqué au titre des frais sur le relevé de compte correspond au montant indiqué sur le reçu de vente. Par contre, si la transaction n’est pas en dollars canadiens, la description de la transaction devrait également inclure le montant en devises étrangères pour la transaction (puisque cela est nécessaire à la vérification) et les frais à facturer doivent être en dollars canadiens puisqu’il s’agit de la devise dans laquelle le compte est payable. »

Par ailleurs, la banque affirme :

« L’objectif n’a jamais été que les emprunteurs reçoivent les renseignements leur permettant de vérifier les calculs mathématiques faits par la banque. Cela ne correspond pas non plus à l’attente raisonnable des emprunteurs.»

Enfin, la banque soutient que l’imposition d’une pénalité, dans les circonstances, serait une mesure punitive puisqu’il n’y a eu qu’une seule plainte, que la banque a pleinement collaboré avec l’ACFC à toutes les étapes et qu’elle a révisé l’affichage du taux de change dans les relevés de carte de crédit des clients.

Analyse

I - Violation

J’ai examiné le rapport de l’agent de conformité et j’ai lu attentivement les observations présentées par écrit par la banque pour en arriver à la décision suivante :
L’alinéa 12(5)a) du Règlement exige qu’une banque qui émet des cartes de crédit remette à l’emprunteur une déclaration contenant (entre autres renseignements) un relevé détaillé de toutes les transactions et de toutes les sommes portées au crédit ou au débit du compte, y compris les intérêts et la date d’inscription au compte.

Je suis d’accord avec la banque sur le fait que l’alinéa 12(5)a) du Règlement doit être lu conjointement avec le paragraphe 12(6). En conséquence, en ce qui concerne les transactions effectuées dans une devise étrangère, les exigences de l’alinéa 12(5)a) du Règlement sont respectées si, en plus de communiquer les frais facturés, le relevé de carte de crédit contient une description de la transaction en devises étrangères qui permet à l’emprunteur de vérifier correctement la transaction par rapport à son relevé de transaction.

Étant donné que la banque a fourni à ses clients des relevés de carte de crédit qui contiennent un relevé détaillé décrivant chaque transaction, y compris les transactions en devises étrangères, et divulguant chaque montant porté au crédit ou au débit du compte, y compris les intérêts et la date d’inscription au compte, elle respecte prima facie les exigences de l’alinéa 12(5)a) du Règlement. La conformité de la banque avec l’alinéa 12(5)a) n’est pas en cause dans la présente affaire.

Même si la banque a respecté les exigences de l’alinéa 12(5)a), conformément au paragraphe 6(4) du Règlement, toute communication devant être faite par une banque en vertu de ce Règlement doit être faite dans un langage et d’une manière simples et clairs, et de façon à ne pas induire en erreur. Par exemple, si la banque avait indiqué aux clients, sur leurs relevés de carte de crédit, que le montant figurant sur le relevé était fondé sur un taux de change tronqué à deux décimales, la communication pourrait avoir été beaucoup plus claire et créer moins de confusion chez les emprunteurs.

Dans le cas présent, toutefois, l’affichage d’un taux de change tronqué sur le relevé de carte de crédit d’un client, sans explication ou détails accompagnant le montant devant être divulgué en vertu de l’alinéa 12(5)a) (mais fondé sur le taux de change intégral appliqué par la banque), a donné lieu à une communication présentée d’une manière qui manquait de clarté et portait à confusion.

Il importe de noter que ce n’est pas le taux de change tronqué en soi qui a induit le consommateur en erreur. Ce qui manquait de clarté et portait à confusion était le taux de change tronqué affiché à côté du montant indiqué sur le relevé. Plutôt que de simplifier la communication requise pour les clients, le taux tronqué peut avoir amené les clients à penser qu’on leur avait facturé le mauvais montant en dollars canadiens.

En fin de compte, les frais facturés aux clients pour des transactions en devises étrangères n’ont pas été présentés dans les relevés de carte de crédit des clients d’une manière claire et simple et de façon à ne pas induire en erreur. Je conclus par conséquent que la banque, selon toute probabilité, a commis la violation.

Diligence requise

Le paragraphe 28(1) de la Loi sur l’ACFC dispose que la prise de précautions voulues peut être invoquée dans le cadre de toute procédure en violation. Dans ses observations écrites, la banque affirme qu’elle a « agi avec diligence » en révisant ses systèmes pour répondre aux préoccupations de l’ACFC. À mon avis, la banque n’a pas démontré selon toute probabilité qu’elle avait pris toutes les précautions voulues pour prévenir la perpétration de l’infraction.

II- Pénalité

Après être arrivée à la conclusion que la banque a commis la violation, je peux imposer une pénalité en prenant en considération les facteurs énoncés à l’article 20 de la Loi.

J’ai pris en considération les observations écrites de la banque concernant la pénalité proposée, y compris l’affirmation de la banque selon laquelle l’imposition d’une pénalité, dans les circonstances, serait une mesure punitive puisqu’il n’y a eu qu’une seule plainte, que la banque a pleinement collaboré avec l’ACFC à toutes les étapes et qu’elle a révisé l’affichage du taux de change dans les relevés de carte de crédit des clients. Compte tenu des commentaires de la banque ainsi que des considérations exposées ci-dessous, je suis d’avis qu’une pénalité moins élevée que celle proposée dans le procès-verbal de violation est justifiée dans le cas présent.

Tort causé aux clients

Les clients de la banque n’ont souffert d’aucun préjudice financier en raison de la violation de la banque. Celle-ci a facturé à ses clients le bon montant pour une transaction en devises étrangères fondée sur le bon taux de change à neuf décimales. Je considère également (comme l’a soutenu la banque en réponse au rapport de conformité provisoire) que le taux de change appliqué par la banque n’influence pas la décision d’un client d’effectuer un achat.

Néanmoins, je ne peux pas conclure que les clients de la banque n’ont pas subi de préjudice en raison des actions de la banque.

Le problème a touché tous les clients de la banque dont le relevé de carte de crédit comprenait une transaction en devises étrangères effectuée entre [ ]. Selon les renseignements de la banque pour le mois de [ ], environ 13 % de ses titulaires de carte [ ] auraient reçu un relevé incluant une transaction assujettie au taux de change. Étant donné que la banque n’a pas fourni de renseignements pour chaque mois de la période de 15 mois, les résultats [ ] peuvent être utilisés à titre d’indicateur pour établir une estimation des dommages.

Bien qu’il soit vrai que la banque n’a reçu qu’une seule plainte au sujet de ce problème, cela ne signifie pas que le reste des clients de la banque ont clairement compris que le montant se rapportant à une transaction en devises étrangères dans leur relevé de carte de crédit était fondé sur un taux de change à neuf décimales plutôt qu’un taux de change à deux décimales. Selon la devise étrangère de la transaction et le prix de l’article, l’écart apparent entre le taux de change indiqué comme étant appliqué (à deux décimales) et les frais facturés pourrait varier grandement, allant de quelques cents à des milliers de dollars dans le cas des articles de grande valeur.

J’admets que les emprunteurs pouvaient obtenir la valeur intégrale à neuf décimales du taux de change en consultant en ligne les transactions portées à leur compte ou en téléphonant au centre d’appel et en parlant à un agent pour obtenir ces enseignements.

Toutefois, dans un marché mondial où les transactions par carte de crédit en diverses devises étrangères sont de plus en plus courantes, il est primordial que les consommateurs aient accès dès le départ et d’un coup d’œil à des renseignements clairs et simples et qui ne portent pas à confusion concernant les montants indiqués dans leurs relevés de carte de crédit. Par conséquent, je conclus que les clients de la banque ont subi un préjudice en raison du défaut de la banque de présenter les renseignements devant être communiqués d’une manière conforme au paragraphe 6(4) du Règlement.

Nature de l’intention ou de la négligence

Je conviens que la banque a été franche dans ses communications avec la DCA et qu’elle a profité de l’occasion pour rapidement corriger la présentation du taux de change sur les relevés des clients à compter de [ ].

Par contre, la banque n’a pas démontré qu’elle a fait preuve d’une vigilance raisonnable pour assurer la conformité avec le Règlement et éviter un préjudice à ses clients. Dans ses discussions avec la DCA pendant l’enquête et dans ses observations à la DCA concernant le rapport de conformité provisoire, la banque a elle-même confirmé que la communication du taux de change et des frais facturés dans les relevés de carte de crédit des clients aurait pu être plus claire.
Dans le cas présent, lorsque la banque [ ], elle n’a pas pris des mesures suffisantes pour veiller à ce que sa communication au sujet des transactions en devises étrangères effectuées par carte de crédit soit présentée d’une manière claire et simple, et de façon à ne pas induire en erreur et, par conséquent, a démontré une part de négligence à cet égard.

Antécédents en matière de conformité

La banque n’a commis aucune violation au cours de cinq dernières années. J’en ai tenu compte dans mon évaluation.

Conclusion

J’ai pris en considération le fait que la banque a collaboré tout au long de l’enquête et qu’elle a corrigé la situation en [ ]. Cela étant dit, pendant une période de quinze mois, la banque n’a pas fait preuve d’une vigilance raisonnable pour veiller à ce que sa communication des frais facturés pour les transactions en devises étrangères dans ses relevés de carte de crédit soit présentée d’une manière claire et simple et de façon à ne pas induire en erreur. Cette situation a causé un préjudice à au moins un client, et elle aurait manqué de clarté et aurait induit en erreur les autres titulaires de carte de crédit de la banque qui ont effectué des transactions par carte de crédit en devises étrangères.

Par conséquent, je ne suis pas persuadée qu’aucune pénalité ne devrait être imposée dans cette situation. Il importe que la banque, de même que toutes les institutions financières sous réglementation fédérale, veillent non seulement à ce que la communication soit faite, mais qu’elle soit présentée aux consommateurs d’une manière qui est claire et simple et de façon à ne pas induire en erreur, conformément au paragraphe 6(4). Cela dit, compte tenu des considérations qui précèdent, je suis d’avis qu’une pénalité moins élevée que celle proposée dans le procès-verbal de violation devrait être établie.
Je conclus que la banque, selon toute probabilité, a commis la violation décrite dans le procès-verbal de violation. J’impose une sanction administrative pécuniaire de 25 000 $.

Je n’ai pas l’intention de rendre l’affaire publique en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’ACFC.

Ottawa, le 23 septembre 2013

Lucie M.A Tedesco

Commissaire

Agence de la consommation en matière financière du Canada

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