Décision no 122

Motifs de la décision du commissaire

(Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, paragraphe 23(2))

La présente décision concerne la non-conformité au paragraphe 6(4) du Règlement sur le coût d’emprunt (banques).

En août 2013, le directeur de la Direction de la conformité et de l’application de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) a dressé un procès-verbal de violation à l’endroit de la banque aux termes du paragraphe 22(2) de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (la Loi). Le procès-verbal de violation stipulait ce qui suit :

J’ai des motifs raisonnables de croire que la banque a commis une violation du paragraphe 6(4) du Règlement sur le coût d’emprunt (banques) car l’information donnée aux consommateurs dans les documents portant sur les marges de crédit de la banque offertes par l’intermédiaire et concernant les frais d’intérêt sur la marge de crédit n’est pas claire et induit les emprunteurs en erreur.

Le directeur a proposé une pénalité de 25 000 $ pour la violation commise.

En septembre 2013, la banque a soumis des observations écrites en réponse au procès-verbal de violation.

J’ai examiné attentivement le dossier, y compris les observations écrites de la banque. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la banque a commis la violation énoncée dans le procès-verbal. J’ai pris en considération les observations écrites de la banque ainsi que la nature de l’intention ou de la négligence, le tort causé par la violation et les antécédents de la banque en matière de conformité, et j’impose une sanction administrative pécuniaire de 25 000 $.

Règlement applicable

Règlement sur le coût d’emprunt (banques)

6(3) Les renseignements figurant dans la déclaration peuvent être fondés sur une estimation ou une hypothèse dans la mesure où celle-ci est raisonnable et où, à la fois :

a) les renseignements ne peuvent être connus de la banque au moment où elle fait la déclaration;

b) la déclaration comporte une mention indiquant que les renseignements sont fondés sur une estimation ou une hypothèse.

6(4) La banque qui communique tout renseignement sous le régime du présent règlement doit le faire dans un langage et d’une manière simples et clairs, et de façon à ne pas induire en erreur.

10(1) La banque qui conclut une convention de crédit visant une marge de crédit doit remettre à l’emprunteur une première déclaration comportant les renseignements suivants :

...

b) le taux d’intérêt annuel ou, dans le cas d’un taux variable, son mode de calcul;

Les faits

En août 2011, l’ACFC a reçu une plainte datant de juin 2011, transmise directement par la banque. Le client contestait le taux d’intérêt appliqué à sa marge de crédit. Au début d’avril 2011, le client avait présenté une demande de marge de crédit à l’investissement à la banque par l’entremise de l’intermédiaire. Dans la première déclaration fournie par l’intermédiaire au sujet de la marge de crédit, il était indiqué que la marge de crédit était assujettie au taux préférentiel de [ ] % plus une marge de [ ] %. En signant le formulaire de demande, le requérant reconnaissait avoir reçu la déclaration. Il reconnaissait aussi que l’entente était sujette à l’approbation de la banque, à son entière discrétion.

En avril 2011, la banque a envoyé une lettre de bienvenue au client, accompagnée d’une déclaration semblable à celle fournie par l’intermédiaire en avril 2011; cependant, le document en question indiquait que la marge de crédit était assujettie au taux préférentiel de [ ] % plus une marge de [ ] %. Pourtant, la banque a continué d’imposer au client un taux de [ ] % plus une marge de [ ] %.

En juillet 2011, la banque a envoyé au client une déclaration modifiée dans laquelle il était indiqué que le taux d’intérêt était le taux préférentiel de [ ] % plus une marge de [ ] %, ainsi qu’une lettre d’excuses. La banque n’a pas remboursé son client, mais en août 2011, elle a apporté des corrections à son système.

Position de la banque

Dans ses observations écrites à la commissaire au sujet du procès-verbal de violation, la banque a réitéré les commentaires qu’elle avait communiqués à l’ACFC à propos de l’ébauche de rapport de conformité en juillet 2013. La banque a ajouté que la marge de crédit à l’investissement n’était pas un produit transactionnel que le client a le choix d’utiliser comme il l’entend. Au contraire, dès que la marge de crédit est autorisée par la banque, tous les fonds sont investis comme convenu par le client et le conseiller. Des intérêts sont appliqués immédiatement à la marge de crédit, au taux initialement communiqué.

La banque a expliqué que la lettre de bienvenue avait été envoyée comme marque de courtoisie en avril 2011, conjointement avec la déclaration. Toutefois, cette deuxième déclaration indiquait un taux d’intérêt erroné de [ ] % plus une marge de [ ] %. D’après la banque, 30 jours après que la demande de marge de crédit ait été signée par le client et que les fonds du client aient été investis, la banque a envoyé au client un relevé mensuel sur lequel il était indiqué qu’un taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] % était appliqué. La banque affirme que le client a également reçu des relevés mensuels indiquant le taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] % en juin et en juillet. Par conséquent, la banque soutient que le client avait été informé du taux d’intérêt applicable non seulement dans la première déclaration qu’il a reçu au moment de la signature du formulaire de demande, mais aussi dans les relevés mensuels.

La banque a déclaré qu’il n’y avait aucune intention ni négligence de sa part relativement à la violation. Elle a corrigé l’erreur dès que le client l’a portée à son attention. Seulement [ ] clients (soit 1 % des clients ayant une marge de crédit à l’investissement) ont été touchés. Ces clients ont accepté le taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] % au moment de signer la demande, et ce taux figurait également dans les relevés mensuels qu’ils ont reçus. Par conséquent, la banque est d’avis que ses clients ont subi très peu de préjudice, et que le tort causé à ces consommateurs est minime.

La banque a expliqué que, selon elle, en signant le formulaire de demande de marge de crédit, le client contractait l’obligation de payer le taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] % qui avait été indiqué initialement. La banque n’a donc pas proposé de rembourser aux clients touchés la différence des frais d’intérêt prélevés entre avril et juillet 2011.

La banque a demandé que si la commissaire décidait de maintenir la violation, elle s’abstienne d’imposer une sanction et de la nommer publiquement.

Analyse

I - Violation

Conformément à l’alinéa 10(1)b) du Règlement sur le coût d’emprunt (banques) (le Règlement), toutes les banques qui concluent une convention de crédit sont tenues de remettre à l’emprunteur une première déclaration qui indique le taux d’intérêt annuel ou le mode de calcul du taux s’il s’agit d’un taux variable. Cette information doit être communiquée dans un langage et une manière simples et clairs, et de façon à ne pas induire en erreur, conformément au paragraphe 6(4) du Règlement.

Selon le rapport de conformité, au cours de l’enquête, la banque a précisé que l’information fournie dans la première déclaration remise par l’intermédiaire au client en avril 2011 était fondée sur une estimation, comme le prévoit le paragraphe 6(3) du Règlement. [texte omis]

« [texte omis] »

Il était également précisé dans la demande de crédit que les conditions devaient être approuvées par la banque.

D’après la première déclaration reçue par le client, ce dernier aurait pu aisément comprendre que le taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] % était une estimation ou une hypothèse devant être confirmée par la banque. Le client a reçu une autre déclaration avec la lettre de bienvenue de la banque en avril 2011. Cependant, la deuxième déclaration indiquait un taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] %. Vu que cette deuxième déclaration indiquait que, si l’emprunteur la recevait avec la lettre de bienvenue, l’information était communiquée en supposant que « les conditions qui sont confirmées ne changeront pas », il aurait été raisonnable pour le client de supposer que la banque, en approuvant sa demande, avait décidé de réduire l’écart de taux d’intérêt applicable à la marge de crédit.

Le langage utilisé dans la première déclaration fournie par l’intermédiaire pour le compte de la banque amène le consommateur à croire que les taux indiqués sont des estimations ou des hypothèses qui seront confirmées par la banque dans une lettre de bienvenue devant lui parvenir prochainement. La déclaration fournie avec la lettre de bienvenue qui indiquait un taux d’intérêt différent n’a fait que semer la confusion au sujet du taux d’intérêt indiqué dans la première déclaration.

Bien que la banque maintienne que la deuxième déclaration ait été fournie à titre de marque de courtoisie, le client n’avait aucun moyen de savoir que le nouveau taux communiqué n’était pas le taux définitif approuvé par la banque; en effet, il était précisé dans le document que, si ce dernier accompagnait la lettre de bienvenue, « les conditions qui sont confirmées ne changeront pas ». Peu importe que le client soit tenu ou non par contrat de payer le taux énoncé dans la déclaration initiale, il a droit, conformément aux dispositions du Règlement, à une information claire au sujet du taux d’intérêt applicable. La banque est tenue de divulguer le taux d’intérêt d’une manière simple et claire qui n’induit pas en erreur, afin que le consommateur comprenne clairement quel taux est appliqué à son compte.

La banque a fourni au consommateur des relevés mensuels indiquant le taux d’intérêt initial (exact) de [ ] % plus une marge de [ ] %. Cependant, le fait de fournir des relevés mensuels ne décharge pas la banque de l’obligation de s’assurer qu’elle remet une première déclaration au sujet du taux applicable qui présente l’information d’une manière claire et n’induisant pas en erreur. Qui plus est, tout document fourni au consommateur qui a une influence sur son interprétation de la première déclaration, y compris la déclaration fournie avec la lettre de bienvenue, doit également être clair et ne pas induire en erreur. Ce n’était pas le cas ici. En fait, le langage utilisé dans la déclaration fournie avec la lettre de bienvenue a conduit les clients à croire qu’un taux d’intérêt moins élevé était appliqué.

En fin de compte, j’estime que, dans les déclarations de la banque, la divulgation du taux d’intérêt applicable n’a pas été faite d’une manière claire et simple et de façon à ne pas induire en erreur. Je conclus par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, que la banque a commis la violation.

Prise de précautions

Le paragraphe 28(1) de la Loi stipule que la prise de précautions voulues peut être invoquée dans le cadre de toute procédure en violation. Pour avoir gain de cause en se fondant sur la prise de précautions, la banque doit démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour éviter de commettre l’infraction qui lui est reprochée (Banque Internationale de Commerce Mega (Canada) c. Canada (Procureur général), 2012 FC 407 (CanLII)).

Dans ses observations, la banque n’a pas donné de renseignements détaillés concernant les mesures qu’elle a prises pour éviter de commettre cette violation. De plus, étant donné que j’ai déterminé que la banque avait fait preuve d’une certaine négligence relativement à la violation commise (voir ci-dessous), je ne suis pas en mesure de conclure que la banque a pris toutes les mesures raisonnables requises pour présenter une défense fondée sur la prise de précautions voulues.

II- Pénalité

Ayant conclu que la banque a commis la violation, je peux imposer une sanction en tenant compte des critères énoncés à l’article 20 de la Loi.
J’ai examiné les observations écrites de la banque au sujet de la sanction proposée. Toutefois, compte tenu des considérations suivantes, je maintiens la sanction de 25 000 $ proposée dans le procès-verbal de violation.

Tort causé aux consommateurs  

La banque a indiqué que [ ] de ses clients détenteurs d’une marge de crédit à l’investissement avaient reçu la première déclaration de l’intermédiaire qui indiquait un taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] %, ainsi qu’une autre déclaration accompagnant la lettre de bienvenue de la banque qui indiquait un taux d’intérêt de [ ] % plus une marge de [ ] %. D’après la banque, ces clients représentaient 1 % des clients ayant une marge de crédit à l’investissement.

La banque n’a pas remboursé à ces clients la différence entre le taux d’intérêt indiqué dans la lettre de bienvenue ([ ] % plus une marge de [ ] %) et le montant des frais effectif ([ ] % plus une marge de [ ] %) entre avril et juillet 2011. Cependant, en juillet, la banque a remis à ces clients une déclaration modifiée dans laquelle figurait le taux d’intérêt exact. La banque a corrigé l’erreur du système en août 2011.

Je reconnais que les clients de la banque ont été avisés du taux d’intérêt effectif applicable dans la première déclaration remise avec leur demande et dans les relevés mensuels qu’ils ont reçus. Néanmoins, je ne peux pas en conclure que les clients de la banque n’ont pas subi de préjudice. Le Règlement n’exige pas uniquement que le client soit avisé du taux applicable, mais il stipule aussi que ce taux doit être divulgué d’une manière simple et claire qui n’induit pas en erreur.

Pendant trois mois, au moins un client et peut-être d’autres ont cru que le taux d’intérêt applicable à leur marge de crédit était le taux indiqué dans la déclaration remise avec la lettre de bienvenue. Ces clients auraient pu très facilement se fonder sur le taux d’intérêt moins élevé pour planifier leurs finances, pour finalement être assujettis par la banque au taux plus élevé (indiqué dans la première déclaration et dans les relevés mensuels). Faute de recevoir une déclaration modifiée confirmant le taux d’intérêt exact (qui, en vertu du Règlement, doit être remise dans les 30 jours suivant l’apport de la modification), ces consommateurs auront trouvé que la situation était source de confusion et probablement de frustration. Ils avaient droit à des renseignements clairs, simples et n’induisant pas en erreur au sujet du taux d’intérêt applicable, et ce, dans la première déclaration et dans tous les documents ultérieurs se rapportant à la déclaration qui ont été fournis par la banque.

Nature de l’intention ou de la négligence

J’accepte le fait que la banque n’ait pas eu l’intention d’enfreindre le Règlement, comme elle l’affirme. Je reconnais également que dès qu’elle a eu connaissance de la plainte, la banque a pris des mesures pour s’attaquer au problème et envoyer une déclaration modifiée aux clients touchés. Selon moi, toutefois, la banque aurait pu prendre des mesures plus fermes pour s’assurer que la première déclaration fournie aux clients ainsi que la déclaration fournie aux clients avec sa lettre de bienvenue étaient présentées d’une manière claire, simple et n’induisant pas en erreur. Qui plus est, la banque aurait dû prendre des mesures pour s’assurer que le contenu de la déclaration qu’elle a remise au client avec sa lettre de bienvenue correspondait à celui de la première déclaration fournie par l’intermédiaire et des relevés mensuels fournis à ses clients.

J’estime par conséquent que la banque a fait preuve d’une certaine négligence relativement à la violation.

Antécédents en matière de conformité

Au cours des cinq dernières années, six constats de violation ont été établis à l’endroit de la banque . J’en ai tenu compte dans ma décision.

Conclusion

Selon la prépondérance des probabilités, j’estime que la banque a commis la violation énoncée dans le procès-verbal de violation. J’impose une sanction administrative pécuniaire de 25 000 $.

Je n’ai pas l’intention de publier le cas présent conformément à l’article 31 de la Loi.

Ottawa, le 9 décembre 2013

Lucie M. A. Tedesco

Commissaire

Agence de la consommation en matière financière du Canada

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