Décision no 136

Motifs de la décision de la commissaire

Sommaire

1. Dans le procès-verbal émis le 16 mai 2019 conformément au paragraphe 22(2) de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (Loi), le personnel de la Direction de la surveillance et de la mise en application de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (personnel de l’ACFC) allègue que Canadian Western Bank (CWB ou Banque) a commis quatre violations au Règlement sur le coût d’emprunt (banques) (Règlement) par rapport à quelques produits de crédit de CWB.

2. Plus précisément, le personnel de l’ACFC allègue qu’entre janvier 2010 et le 16 mai 2019 (la date dont le procès-verbal a été émis), la Banque a omis de déclarer aux emprunteurs certains frais non liés aux intérêts – comme les frais de demande, les frais de renouvellement, les frais d’évaluation et les frais juridiques – dans :

  1. l’encadré informatif pour quelques produits de crédit, en contravention à l’alinéa 6(2.1)b) du Règlement (violation no 1), une violation pour laquelle le personnel de l’ACFC propose une pénalité de 125 000 $;
  2. la convention de crédit pour sa marge de crédit, en contravention à l’alinéa 10(1)c) du Règlement (violation no 2), une violation pour laquelle le personnel de l’ACFC propose une pénalité de 50 000 $;
  3. la convention de crédit pour son prêt ou hypothèque à taux fixe, en contravention à l’alinéa 8(1)q) du Règlement (violation no 3), une violation pour laquelle le personnel de l’ACFC propose une pénalité de 50 000 $;
  4. la convention de crédit pour son prêt ou hypothèque à taux variable, en contravention au paragraphe 9(1) du Règlement (violation no 4), une violation pour laquelle l’ACFC propose une pénalité de 25 000 $.

3. Dans ses observations du 14 juin 2019 (observations),Note de bas de page 1  la Banque admet que les violations ont été commises telles qu’alléguées dans le procès-verbal. Cependant, CWB soutient que les pénalités proposées devraient être réduites. En outre, la Banque s’oppose à ce que son nom soit rendu public dans cette affaire.

4. Par conséquent, les deux questions à trancher dans ce cas sont i) s’il faut imposer les pénalités proposées, des pénalités réduites, ou aucune pénalité et ii) s’il faut rendre public, en vertu de l’article 31 de la Loi, le nom de la Banque, outre la nature des violations commises et les pénalités imposées.

5. J’ai examiné le dossier qui m’a été soumis, y compris le rapport de conformité joint au procès-verbal et les observations concernant CWB. Je n’ai trouvé aucun motif de réduire les pénalités proposées pour les violations no 1 et no 4, donc elles demeurent. J’ai déterminé qu’il serait approprié de réduire les pénalités proposées pour les violations no 2 et no 3 au montant de 25 000 $ chacune.

6. J’ai également décidé qu’il serait approprié de rendre public le nom de la Banque dans cette affaire. Les motifs de ma décision sont exposés ci-après.

Contexte factuel

7. Les faits qui décrivent les quatre violations ne sont pas contestés.

8. Entre janvier 2010 et mai 2019, CWB a omis de communiquer aux emprunteurs certains frais non liés aux intérêts applicables à quelques produits de crédit en la manière prescrite par le Règlement.

9. La Banque a fourni aux emprunteurs des déclarations écrites où l’encadré informatif figurant sur la première page ne mentionnait pas certains frais non liés aux intérêts. Les frais en question comprenaient des frais imposés par le prêteur (p. ex., frais administratifs, frais de demande et frais de documentation) qui étaient conservés par CWB, et des frais de tiers (p. ex. frais d’évaluation, frais juridiques et frais liés à l’assurance titre) qui étaient transférés à des tiers ou payés directement par les emprunteurs à des tiers. Ces faits s’appliquent à la violation no 1.

10. La Banque a fourni aux emprunteurs des conventions de crédit qui ne mentionnaient pas les frais d’évaluation payables à des tiers pour les marges de crédit (violation no 2), les prêts et hypothèques à taux fixe (violation no 3), et les prêts et hypothèques à taux variable (violation no 4).

11. En date du procès-verbal, ces manquements se poursuivaient.

Analyse et conclusion

12. CWB admet avoir commis les quatre violations au Règlement. Par conséquent, les questions à trancher sont s’il faut imposer les pénalités proposées ou des pénalités réduites, et si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 31 de la Loi de rendre public le nom de la Banque, outre la nature des violations et les montants des pénalités imposées. Mon analyse et mes conclusions sont présentées par question à trancher.

Montants des pénalités

13. Dans ses observations, CWB demande une réduction des pénalités proposées, dont le montant total s’élève à 250 000 $ pour les quatre violations, à un montant total de 150 000 $, soit une réduction globale de 100 000 $. Plus particulièrement, elle demande que la pénalité pour la violation no 1 soit réduite à 85 000 $, que la pénalité pour la violation no 2 soit réduite à 25 000 $, que la pénalité pour la violation no 3 soit réduite à 25 000 $ et que la pénalité pour la violation no 4 soit réduite à 15 000 $.

14. À l’appui de cette demande, CWB soutient qu’étant donné la nature des déficiences, la gravité du tort causé et les mesures spécifiques que CWB a mises en œuvre pour renforcer son cadre de conformité et ses contrôles internes, il n’est pas justifié d’imposer les pénalités proposées.

15. Plus précisément, la Banque affirme que les pénalités proposées ne sont pas proportionnelles à la gravité du tort causé aux consommateurs, qui à son avis était [traduction] « minime dans les circonstances ». La Banque soutient que relativement peu de consommateurs ont été touchés et que même si les renseignements visés n’ont pas été déclarés aux consommateurs en la forme prescrite, CWB a fourni cette information autrement. Selon la Banque, [traduction] « dans tous les cas, les emprunteurs étaient pleinement conscients des frais dont ils étaient responsables, parce que ceux-ci étaient clairement mentionnés dans la déclaration écrite et/ou étaient expliqués aux emprunteurs verbalement avant la conclusion de la convention de crédit ».

16. En outre, la Banque souligne l’absence de preuve de comportement irresponsable ou de négligence dans cette affaire. CWB croit que les manquements étaient de nature technique et découlaient d’une interprétation de bonne foi, mais différente des exigences que celle du personnel de l’ACFC. CWB affirme qu’il n’avait pas l’intention de cacher ou de minimiser les frais ou d’induire en erreur les consommateurs de quelque autre manière que ce soit, et invoque le fait qu’il n’y a pas eu une seule plainte de consommateur comme preuve à l’appui de cette affirmation.

17. J’ai examiné les observations de la Banque concurremment aux renseignements contenus dans le rapport de conformité et le procès-verbal. Le personnel de l’ACFC reconnaît que certains des renseignements exigés étaient déclarés sous d’autres formes.

18. Il incombe à CWB de comprendre ses obligations réglementaires et de veiller à ce que ses clients bénéficient d’une communication conforme à celles-ci. Le Règlement est entré en vigueur en janvier 2010 et à l’appui de celui-ci, l’ACFC a établi des lignes directrices (DC-4 Exemples d’encadrés informatifs pour le Règlement sur le coût d’emprunt) qui comprennent des exemples et qui sont explicitement prescriptives. CWB a eu de maintes occasions de mettre au point une communication conforme. Je constate que CWB a autoévalué sa conformité au Règlement et a attesté de celle-ci en réponse à des demandes de l’ACFC en 2010.

19. De plus, je constate que les manquements ont duré plus de neuf ans et se poursuivaient en date du procès-verbal. Le fait que les manquements n’ont pas été détectés de manière précoce, les échecs répétés de la Banque à respecter les jalons convenus pour corriger ceux-ci et son incapacité à atteindre la pleine conformité démontrent la négligence de CWB dans l’exécution de ses obligations en matière de conformité.

20. La gravité du tort causé par la communication non conforme est intrinsèquement imprécise, car il est impossible de savoir avec certitude à quels renseignements en particulier un client s’est fié à un moment donné. Cependant, le Règlement vise à assurer que les consommateurs reçoivent des communications claires et uniformes qui sont conformes aux exigences minimales afin de leur permettre de prendre des décisions financières éclairées.

21. Je note que pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2018, le montant total des frais déclarés inadéquatement et le nombre de clients potentiellement touchés pourraient avoir atteint : i) 1,9 million de dollars et 4 275 clients (violation no 1) ii) 584 181 $ et 1 169 clients (violation no 2) iii) 863 928 $ et 1 728 clients (violation no 3), et iv) 149 935 $ et 299 clients (violation no 4).Note de bas de page 2  Ces chiffres ne comprennent pas les frais imposés ou les clients touchés après mai 2018 étant donné que les déficiences en matière de déclaration n’avaient pas encore été corrigées en date du 16 mai 2019 (la date du procès-verbal de violation).

22. Les bons antécédents en matière de conformité de CWB et les mesures prises pour améliorer ses déclarations écrites ainsi que ses politiques, procédures et mesures de contrôle pertinentes sont reconnus par le personnel de l’ACFC.

23. Cependant, CWB a eu un succès mitigé relativement à son obligation d’auto-déclarer ces problèmes de conformité. Bien que CWB ait signalé des cas de conformité en juin 2017, les frais n’y étaient pas tous précisés, et le rapport a été déposé presque huit mois après que l'ACFC a soulevé ses préoccupations.

24. Par conséquent, je juge que la pénalité proposée pour la violation no 1 est appropriée pour encourager la conformité et qu’il n’y a aucun motif de la réduire dans le cas présent. Le montant de la pénalité pour la violation no 1 demeure donc tel que proposé.

25. Pour ce qui est des violations no 2, no 3 et no 4, je constate qu’elles sont liées à la même déficience, à savoir l’omission de déclarer les frais d’évaluation de tiers dans les conventions de crédit relatives aux trois différents produits de crédit. De plus, la nature de la négligence et la gravité du tort causé sont semblables. C’est pourquoi une pénalité équivalente devrait être imposée pour chacune de ces violations. Par conséquent, les pénalités pour les violations no 2 et no 3 sont réduites à 25 000 $ chacune, et la pénalité pour la violation no 4 reste à 25 000 $ telle que proposée. Je note que mon pouvoir en vertu de l’article 23 de la Loi ne me permet pas d’augmenter le montant d’une pénalité proposée dans le procès-verbal.

Publication

26. En ce qui concerne l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire de rendre public le nom de la Banque, je note que CWB s'y oppose et considère que la combinaison des pénalités et de la publication de son nom est punitive au regard de son niveau de responsabilité. La Banque est d’avis que la publication de son nom la punirait plutôt que de l’encourager à se conformer à ses obligations.

27. J’ai pris en considération les observations de la Banque concernant cette question, y compris les antécédents de CWB en matière de conformité et le fait que CWB a admis sa responsabilité à l’égard des violations et a réalisé des investissements importants pour améliorer ses contrôles internes, ses systèmes, ses politiques et ses procédures afin de prévenir d’autres manquements.

28. Je suis d’avis que la publication du nom de la Banque dans cette affaire est une mesure appropriée et constitue un moyen de dissuasion spécifique convenable. La publication inciterait CWB à tirer des leçons de cette situation et à améliorer sa capacité de s’acquitter de ses obligations réglementaires.

29. La publication aurait également un effet dissuasif sur les autres entités réglementées en général, afin de veiller à ce qu’elles respectent leurs obligations en matière de déclaration et corrigent toute déficience aussi rapidement que possible. La publication cadre donc avec l'objectif de l'ACFC de protéger et d'éduquer les consommateurs et de promouvoir la communication claire et uniforme de tous les frais du coût d'emprunt.

30. Je conclus donc qu’il serait approprié dans cette affaire d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de rendre public que CWB a commis ces violations, outre la nature des violations et les pénalités imposées.

Judith N. Robertson
Commissaire
Agence de la consommation en matière financière du Canada

Ottawa, le 14 juillet 2020

Détails de la page

Date de modification :