Décision no 137

Motifs de la décision de la commissaire

Sommaire

1. Dans un procès-verbal émis le 16 mai 2019 conformément au paragraphe 22(2) de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (Loi), le personnel de la Direction de la surveillance et de la mise en application de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (personnel de l’ACFC) allègue que Canadian Western Trust Company (CWT) a enfreint le Règlement sur le coût d’emprunt (sociétés de fiducie et de prêt) (Règlement) par rapport à des produits hypothécaires à taux fixe et à taux variable.

2. Plus précisément, le personnel de l’ACFC allègue qu’entre janvier 2010 et le 16 mai 2019 (la date dont le procès-verbal a été émis), CWT a omis de communiquer aux emprunteurs dans l’encadré informatif certains frais non liés aux intérêts – comme les frais de demande, de renouvellement et de mainlevée hypothécaire – pour les hypothèques à taux fixe et les hypothèques à taux variable, en contravention à l’alinéa 6(2.1)b) du Règlement (violation). Le personnel de l’ACFC propose une pénalité de 200 000 $ pour la violation.

3. Dans ses observations du 14 juin 2019 (observations),Note de bas de page 1  CWT admet que la violation a été commise telle qu’alléguée dans le procès-verbal. Cependant, CWT soutient que la pénalité proposée devrait être réduite. En outre, CWT s’oppose à ce que son nom soit rendu public dans cette affaire.

4. Par conséquent, les deux questions à trancher dans cette affaire sont i) s’il faut imposer la pénalité proposée, une pénalité réduite, ou aucune pénalité et ii) s’il faut rendre public, en vertu de l’article 31 de la Loi, le nom de CWT, outre la nature de la violation et la pénalité imposée.

5. J’ai examiné le dossier qui m’a été soumis, y compris le rapport de conformité joint au procès-verbal et les observations concernant CWT. Je n’ai trouvé aucun motif de réduire le montant de la pénalité proposée, qui demeure donc le même. J’ai également décidé qu’il serait approprié de rendre public le nom de CWT dans cette affaire. Les motifs de ma décision sont exposés ci-après.

Contexte factuel

6. Les faits qui décrivent la violation ne sont pas contestés.

7. Entre janvier 2010 et mai 2019, CWT a omis de communiquer aux emprunteurs certains frais non liés aux intérêts applicables à deux de ses produits de crédit conformément aux exigences du Règlement.

8. CWT a fourni aux emprunteurs des déclarations écrites où l’encadré informatif figurant sur la première page ne mentionnait pas les frais de demande, de renouvellement et de mainlevée hypothécaire.

9. En date du procès-verbal, ce manquement se poursuivait.

Analyse et conclusion

10. CWT admet avoir commis la violation. Par conséquent, les questions à trancher sont s’il faut imposer la pénalité proposée ou une pénalité réduite, et si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 31 de la Loi de rendre public le nom de CWT, outre la nature de la violation et le montant de la pénalité. Mon analyse et mes conclusions sont présentées par question à trancher.

Montant de la pénalité

11. Dans ses observations, CWT demande une réduction du montant de la pénalité proposée de 200 000 $ à 50 000 $. À l’appui de cette demande, CWT soutient qu’étant donné la nature de la déficience, la gravité du tort causé, et les mesures spécifiques que CWT a mises en œuvre pour renforcer son cadre de conformité et ses contrôles internes, il n’est pas justifié d’imposer la pénalité proposée.

12. Plus précisément, CWT affirme que la pénalité proposée n’est pas proportionnelle à la gravité du tort causé aux consommateurs qui à son avis était [traduction] « minime dans les circonstances ». CWT soutient que relativement peu de consommateurs ont été touchés et que même s’il admet que les renseignements visés n’ont pas été déclarés aux consommateurs en la forme prescrite, cette information a été fournie autrement.

13. En outre, CWT souligne l’absence de preuve de comportement irresponsable ou de négligence dans cette affaire. CWT affirme qu’il n’y avait pas d’intention de cacher ou de minimiser les frais ou d’induire en erreur les consommateurs de quelque autre manière que ce soit, et invoque le fait qu’il n’y a pas eu une seule plainte de consommateur comme preuve à l’appui de cette affirmation.

14. CWT souligne que la source et la nature du manquement découlent de la même cause que celle à l’origine du procès-verbal contre sa société mère : Canadian Western Bank dans le dossier de l'ACFC 800-349976. CWT fait valoir que la violation découle, en fait, du même manquement et qu'il serait donc punitif d'imposer une pénalité supplémentaire pour ce qui est, en fait, la même déficience.

15. J’ai examiné les observations de CWT concurremment aux renseignements contenus dans le rapport de conformité et le procès-verbal. Le personnel de l’ACFC reconnaît que les renseignements exigés étaient fournis sous d’autres formes.

16. Il incombe à CWT de comprendre ses obligations réglementaires et de veiller à ce que ses clients bénéficient d’une communication conforme à celles-ci. Le Règlement est entré en vigueur en janvier 2010 et à l’appui de celui-ci, l’ACFC a établi des lignes directrices (DC-4 Exemples d’encadrés informatifs pour le Règlement sur le coût d’emprunt) qui comprennent des exemples et qui sont explicitement prescriptives. CWT a eu de maintes occasions de mettre au point une communication conforme. Je constate que CWT a autoévalué sa conformité au Règlement et a attesté de celle-ci en réponse à des demandes de l’ACFC en 2010.

17. De plus, je constate que le manquement a duré plus de neuf ans et se poursuivait en date du procès-verbal.Note de bas de page 2  Le fait que le manquement n’a pas été détecté de manière précoce, les échecs répétés de la société à respecter les jalons convenus pour corriger celui-ci et son incapacité à atteindre la pleine conformité démontrent la négligence de CWT dans l’exécution de ses obligations en matière de conformité.

18. La gravité du tort causé par la communication non conforme est intrinsèquement imprécise, car il est impossible de savoir avec certitude à quels renseignements en particulier un client s’est fié à un moment donné. Cependant, le Règlement vise à assurer que les consommateurs reçoivent des communications claires et uniformes qui sont conformes aux exigences minimales afin de leur permettre de prendre des décisions financières éclairées.

19. Je constate que le montant total des frais déclarés inadéquatement en lien avec la violation pourrait avoir atteint 32,8 millions de dollars et que la violation pourrait avoir touché un nombre estimatif de 15 106 clients.Note de bas de page 3 

20. Les bons antécédents en matière de conformité de CWT et les mesures prises pour améliorer ses déclarations écrites et ses politiques, procédures et mesures de contrôle pertinentes sont reconnus par le personnel de l’ACFC. Le personnel de l’ACFC reconnaît également que ce manquement a été signalé par la société elle-même en juin 2017. Toutefois, celle-ci a été signalée près de huit mois après que l’ACFC a soulevé ses préoccupations.

21. Par conséquent, je juge que la pénalité proposée de 200 000 $ pour la violation est appropriée afin d’encourager la conformité. Le montant de la pénalité reste donc le même.

Publication

22. En ce qui concerne l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire de rendre public le nom de CWT, je note que CWT s'y oppose et considère que la combinaison de la pénalité et de la publication de son nom est punitive au regard de son niveau de responsabilité. CWT est d’avis que la publication de son nom la punirait plutôt que de l'encourager à se conformer à ses obligations.

23. J'ai pris en considération les observations de CWT concernant cette question, y compris les antécédents de CWT en matière de conformité et le fait que CWT a admis sa responsabilité à l’égard de la violation et a réalisé des investissements importants pour améliorer ses contrôles internes, ses systèmes, ses politiques et ses procédures afin de prévenir d’autres manquements.

24. Je suis d’avis que la publication du nom de CWT dans cette affaire est une mesure appropriée et constitue un moyen de dissuasion spécifique convenable. La publication inciterait CWT à tirer des leçons de cette situation et à améliorer sa capacité de s’acquitter de ses obligations réglementaires.

25. La publication aurait également un effet dissuasif sur les autres entités réglementées en général, afin de veiller à ce qu’elles respectent leurs obligations en matière de déclaration et corrigent toute déficience aussi rapidement que possible. La publication cadre donc avec l'objectif de l'ACFC de protéger et d'éduquer les consommateurs et de promouvoir la communication claire et uniforme de tous les frais du coût d'emprunt.

26. Je conclus donc qu’il serait approprié dans cette affaire d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de rendre public que CWT a commis la violation, outre la nature de la violation et la pénalité imposée.

Judith N. Robertson
Commissaire
Agence de la consommation en matière financière du Canada

Ottawa, le 14 juillet 2020

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