Décision no 139

Motifs de la décision de la commissaire

Sommaire

1. Dans un procès-verbal émis le 6 mai 2019 conformément au paragraphe 22(2) de la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (Loi), le personnel de la Direction de la surveillance et de la mise en application de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (personnel de l’ACFC) allègue que la Banque royale du Canada (RBC ou Banque) a commis une violation du Règlement sur les pratiques commerciales en matière de crédit (banques, banques étrangères autorisées, sociétés de fiducie et de prêt, associations de détail, sociétés d’assurances canadiennes et sociétés d’assurances étrangères) (Règlement) relativement à des augmentations de la limite de crédit (procès-verbal).

2. Plus précisément, et tel que détaillé dans le rapport de conformité publié le 12 avril 2019 et joint au procès-verbal (rapport de conformité), le personnel de l’ACFC allègue que, du 1er février 2015 au 16 mars 2017 (période visée par l’enquête de l’ACFC), la Banque n’a pas obtenu le consentement exprès de certains titulaires de carte de crédit pour augmenter leur limite de crédit, comme l’exige le Règlement.

3. Dans ses observations du 6 juin 2019 (observations), la Banque admet que l’enquête de l’ACFC a identifié des cas précis où le consentement n’a pas été obtenu selon les règles. Cependant, RBC soutient qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour empêcher cette violation et cherche à invoquer la défense de prise de précautions prévue à l’article 28 de la Loi. Par ailleurs, RBC fait valoir que, s’il est établi qu’une violation a été commise, la pénalité proposée de 350 000 $ devrait être réduite à 175 000 $ car, à son avis, la nature de la négligence et la gravité du tort étaient moindres. Enfin, la Banque s’oppose à la publication de son nom.

4. Par conséquent, en l’espèce, il faut déterminer : i) si une violation a été commise telle qu’alléguée dans le procès-verbal; ii) s’il faut imposer la pénalité proposée, une pénalité réduite ou aucune pénalité; et iii) s’il faut rendre public le nom de la Banque conformément à l’article 31 de la Loi.

5. J’ai examiné le dossier qui m’a été soumis, y compris le rapport de conformité, le procès-verbal et les observations. J’ai conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la violation a été commise telle qu’alléguée. Je n’ai trouvé aucun motif de réduire la pénalité proposée dans le procès-verbal, qui est maintenue à 350 000 $. J’ai également conclu qu’en l’espèce, il est approprié de rendre public le nom de la Banque. Les motifs de ma décision sont exposés ci-après.

Contexte

6. Dans le cours normal de ses activités de surveillance, en mai 2017, l’ACFC a demandé à RBC des renseignements relatifs aux plaintes concernant le consentement exprès pour divers produits bancaires de détail.

7. L’ACFC a examiné les renseignements relatifs aux plaintes et a finalement axé son enquête sur les augmentations préautorisées des limites de cartes de crédit.

8. Les augmentations préautorisées de limites de cartes de crédit sont offertes par divers moyens aux clients admissibles, habituellement lors d’un échange avec eux n’ayant aucun lien avec l’augmentation. Les employés de RBC en succursale ou au téléphone étaient informés de l’admissibilité d’un client à une augmentation préautorisée de la limite de crédit au moyen de leur système de gestion de la clientèle. Il était attendu que les employés de RBC sont à l’affût de ce type d’alerte donnée par le système de gestion de la clientèle et offrent l’augmentation préautorisée de la limite de crédit pendant l’échange avec le client. L’employé de RBC traiterait l’augmentation immédiatement, et une lettre de confirmation serait automatiquement envoyée à chaque client.

9. Le paragraphe 6(1) du Règlement énonce que :

L’institution ne peut pas augmenter la limite de crédit applicable au compte de la carte de crédit d’un emprunteur sans avoir préalablement obtenu son consentement exprès pour le faire.

10. L’enquête de l’ACFC portait sur la question de savoir si un consentement avait été dûment obtenu pour l’augmentation préautorisée de la limite de crédit offerte en succursale ou par téléphone et appliquée aux comptes des titulaires de cartes de crédit entre le 1er février 2015 et le 16 mars 2017.

11. Le personnel de l’ACFC a examiné le cadre de contrôle de RBC, dont les procédures de ventes, les documents de formation ainsi que les politiques et pratiques de surveillance liées aux augmentations préautorisées de la limite de crédit, et a conclu que :

 i. Les procédures de ventes en succursale et par téléphone ne comprenaient pas de textes pour guider l’employé sur la manière de présenter l’offre ou d’obtenir adéquatement le consentement du client. Le personnel de l’ACFC a déterminé que les procédures ne présentaient pas l’exigence réglementaire du consentement exprès et ne représentait pas le fait qu’il était attendu que l’employé présente et explique clairement et simplement l’offre et demande explicitement au client d’accepter ou de refuser l’offre.

ii. Le manuel de formation utilisé par RBC à l’époque pour les augmentations préautorisées de la limite de crédit était également inadéquat, puisqu’il ne mentionnait qu’une seule fois le consentement exprès et ceci était en lien avec les cartes conjointes.

iii. Les capacités de suivi de RBC par rapport aux ventes et annulations des augmentations ont nui à l’efficacité du cadre de contrôle de RBC. RBC n’était pas en mesure de déterminer le mode par lequel 21 % des augmentations préautorisées de la limite de crédit avaient été vendues ou de recueillir les raisons des annulations des augmentations préautorisées de la limite de crédit, ce qui a limité la capacité de la Banque à enquêter sur les problèmes et de les cerner de manière proactive.

12. Le personnel de l’ACFC a également examiné les dossiers de plaintes transmises à un échelon supérieur, un échantillon d’enregistrements d’appels et d’annulations en lien avec des augmentations préautorisées de la limite de crédit pendant cette période. L’ACFC a conclu que :

i. 40 ventes en succursale et 14 ventes par téléphone ont donné lieu à des plaintes à signalerNote de bas de page 1  où le client a indiqué ne pas avoir ou ne pas se rappeler avoir donné son consentement à l’augmentation préautorisée de la limite de crédit.

ii. Des 13 transcriptions d’appels sortants liées aux plaintes transmises à un échelon supérieur découlant de ventes par téléphoneNote de bas de page 2  examinées, dans 2 cas, le client avait refusé l’offre; dans 2 cas, le consentement n’avait pas été obtenu auprès des deux titulaires de carte des comptes conjoints; et dans 8 cas, l’employé de RBC n’avait pas clairement demandé le consentement du client pour appliquer l’augmentation préautorisée de la limite de crédit.

iii. L’examen d’un échantillon de 118 enregistrements d’appels liés à des annulations anticipéesNote de bas de page 3  d’augmentations préautorisées de la limite de crédit vendues en succursale a montré que 96 clients avaient indiqué ne pas avoir consenti à l’augmentation de la limite et que 12 autres clients ne se rappelaient pas avoir eu cette conversation.

iv. L’examen d’un échantillon de 118 enregistrements d’appels liés à des annulations anticipées d’augmentations préautorisées de la limite de crédit vendues par téléphone a montré que 34 clients avaient indiqué ne pas avoir consenti à l’augmentation de la limite et que 10 autres clients ne se rappelaient pas avoir eu cette conversation.

v. Un examen de 44 des enregistrements d’appels sortants liés à des annulations d’augmentations vendues par téléphone mentionnées au point iv. ci-dessus a montré que, selon l’ACFC, dans 39 cas, l’employé de RBC n’avait pas obtenu le consentement et que, dans les 5 autres cas, l’employé de RBC l’avait obtenu.

13. Compte tenu des conclusions de l’enquête résumées au paragraphe précédent et des lacunes dans le cadre de contrôle résumé au paragraphe 11, le personnel de l’ACFC a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que RBC avait contrevenu au paragraphe 6(1) du Règlement.

14. Dans ses observations, RBC convient que le Règlement exige le consentement exprès du titulaire de la carte de crédit pour toute augmentation de la limite de crédit, mais souligne également que le Règlement ne décrit pas la manière d’obtenir le consentement oral et ne définit pas le consentement exprès. 

15. Selon RBC, ses politiques et ses procédures en place à l’époque de la période visée traitaient adéquatement de l’exigence de consentement exprès. Pour le démontrer, RBC cite un extrait du manuel de formation pour les services par téléphone utilisé à l’époque qui mentionne l’obligation d’obtenir l’autorisation et/ou le consentement du demandeur principal et du codemandeur dans le cas d’un compte conjoint.

16. À plusieurs reprises, RBC est arrivée à une conclusion différente de celle du personnel de l’ACFC lors de l’examen des enregistrements et des transcriptions d’appels pour ce qui est de déterminer si l’employé de RBC avait présenté l’offre clairement et avait correctement obtenu le consentement du client. 

17. RBC reconnaît que l’absence d’un scénario prescrit peut avoir ouvert la porte à l’erreur dans certains cas et que cette erreur démontrerait une possible lacune dans les contrôles de prévention et de détection de RBC. Cependant, RBC est d’avis que toute erreur de cette nature aurait été commise en contravention des directives fournies à ses employés ainsi que des politiques et des procédures mises en place. 

18. En outre, RBC fait remarquer qu’une confirmation écrite était automatiquement envoyée après chaque augmentation préautorisée de la limite de crédit, comme l’exige le Règlement pour le consentement oral. Selon RBC, cette confirmation écrite fait partie du cadre de contrôle de RBC, puisqu’elle sert à informer les clients de toute augmentation de leur limite de crédit. Elle constitue donc une protection supplémentaire contre une augmentation de la limite de crédit faite à l’insu du client et sans son consentement.

19. Enfin, RBC estime que la notion de consentement exprès a évoluée depuis l’entrée en vigueur du Règlement le 1er janvier 2010. RBC soutient qu’elle a reconnu dès novembre 2016 l’opportunité d’améliorer son processus pour obtenir le consentement pour les augmentations préautorisées de la limite de crédit et qu’elle a apporté des améliorations considérables en avril 2018, comme l’a indiqué le personnel de l’ACFC. Selon RBC, ces améliorations démontrent l’engagement de la Banque envers la conformité et la prise de précautions continue.

20. Par conséquent, RBC considère qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour se conformer au Règlement et qu’elle a démontré sa volonté de continuer à s’améliorer. Elle invoque la défense de prise de précautions prévue à l’article 28 de la Loi.

Analyse et conclusion

21. J’ai examiné le dossier qui m’a été soumis, y compris le procès-verbal, le rapport de conformité et les observations.

22. Bien que RBC ne conteste pas le fait que l’enquête de l’ACFC a permis de découvrir des cas où le consentement exprès n’a pas été obtenu, elle conteste que ces cas constituent une violation. RBC affirme qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour assurer la conformité, que ce soit grâce aux mesures de prévention prises (politiques et procédures) ou aux mesures correctives prises lorsque des clients se plaignaient d’une augmentation non autorisée de leur limite de crédit (les augmentations de la limite de crédit étaient annulées).

23. Je conviens que des cas isolés de non-conformité n’entraînent pas nécessairement des procédures pour violation. Cependant, le Règlement vise clairement à ce qu’aucun client ne voie sa limite de crédit augmenter sans avoir donné son consentement exprès, peu importe que ce soit avantageux pour d’autres. 

24. Une absence de refus ou un apparent acquiescement ne satisfait pas à l’exigence de consentement exprès. Il incombe à l’entité réglementée de s’assurer que le client a l’information pertinente concernant l’augmentation proposée de la limite de crédit, qu’une offre claire, simple et n’induisant pas en erreur lui est présenté et que le client a la possibilité d’accepter ou de refuser celle-ci.

25. Je ne suis pas convaincue que l’affirmation de RBC voulant que la norme du consentement exprès ait évolué soit un facteur pertinent à prendre en considération. Je note que l’exigence de consentement exprès pour les augmentations de la limite de crédit est en vigueur depuis 2010. En 2011, avec DC-5, Consentement à l’augmentation de la limite de crédit, l’ACFC a fourni des directives supplémentaires sur les manières acceptables d’obtenir le consentement. L’ACFC a expliqué que le Règlement visait à limiter les pratiques considérées ne pas être dans l’intérêt des consommateurs et a indiqué que l’exigence de consentement exprès permet aux consommateurs d’être mieux informés de leur situation en matière de crédit et d’ainsi prendre de meilleures décisions financières. 

26. Je n’observe aucune ambiguïté dans l’énoncé du Règlement ou dans les lignes directrices fournies par l’ACFC. Régulièrement, l’ACFC et d’autres organismes de réglementation font des rappels et donnent des exemples des meilleures pratiques en matière de conformité en transmettant des communications de surveillance aux institutions financières, par exemple dans le bulletin no 5, Consentement pour les nouveaux produits et services, daté du 3 février 2017. Cela ne dénote pas une norme en évolution, mais plutôt des pratiques de surveillance réglementaire systématique.

27. À la base, pour invoquer la défense de prise de précautions, la norme de conformité exigée n’est pas la perfection. Cependant, il est bien établi que pour invoquer cette défense, les entités réglementées doivent fournir une preuve positive qu’elles ont pris toutes les mesures raisonnables pour se conformerNote de bas de page 4 . Le seuil de preuve pour invoquer cette défense est élevé. 

28. En l’espèce, il m’apparaît évident que les mesures prises par RBC étaient insuffisantes à plusieurs égards.

29. Tout d’abord, à l’examen du matériel de formation, des enregistrements d’appels, des transcriptions et des autres documents, il il est clair que les mesures de prévention de RBC étaient déficientes. RBC a négligé d’établir systématiquement que l’exigence de consentement était une exigence réglementaire pour les deux modes de ventes et pour tous les clients et elle n’a pas établi clairement la manière dont ses employés devaient démontrer la conformité. 

30. Dans certains des cas examinés, l’augmentation de la limite de crédit n’a aucunement été abordée. Dans d’autres cas, les augmentations préautorisées de la limite de crédit ont été présentées comme un « fait accompli » ou comme un avantage offert aux bons clients. Des clients ayant réagi par des « hmm » et des « okay » ont été considérés comme ayant donné leur consentement. Cette seule réaction positive montre une absence de compréhension de l’objectif du Règlement, qui est d’exiger le consentement exprès et de montrer qu’avoir accès à du crédit supplémentaire est une question sérieuse à laquelle le client doit réfléchir, qui nécessite de l’information appropriée et une réponse claire sous forme de « oui » ou de « non ».

31. Le nombre assez élevé de cas de non-conformité relevés dans l’échantillon des annulations anticipées examiné démontre la faiblesse des mesures de prévention. Dans l’échantillon de 118 augmentations préautorisées de la limite de crédit qui ont fait l’objet d’une annulation anticipée, pour 81 % des augmentations vendues en succursale et pour 33 % des augmentations vendues par téléphone, le client avait indiqué ne pas y avoir consentiNote de bas de page 5 .

32. Ensuite, les mesures de contrôle mises en place par RBC pour repérer les cas de non‑conformité étaient inadéquates. RBC ne s’attardait pas au respect de l’exigence de consentement exprès lorsqu’elle surveillait les appels ou effectuait une vérification ponctuelle des augmentations préautorisées de la limite de crédit. Il semble que la principale méthode de détection utilisée par la Banque ait été la production de la lettre de confirmation pour engendrer la plainte d’un client. Bien que la lettre de confirmation soit exigée par le Règlement pour le consentement oral et qu’elle constitue une importante protection pour les consommateurs, elle devrait compléter, et non remplacer, la surveillance active et les efforts de supervision d’une entité réglementée. 

33. De plus, même lorsque RBC disposait d’une preuve de non-conformité en raison de plaintes de clients, sa solution dans la majorité des cas était simplement d’annuler l’augmentation de la limite de crédit. À la lumière des transcriptions examinées, il ne semblait y avoir aucun mécanisme uniforme pour veiller à ce que les cas de manquements, lorsque relevés, entraînent la prise de mesures pour corriger le comportement de l’employé et favoriser la conformité à l’avenir. Ce n’est que dans une petite minorité d’appels liés à des annulations qu’il y avait une indication que d’autres mesures seraient prises pour cerner et régler ce manquement à l’exigence réglementaire en matière de consentement. 

34. Il ne devrait pas incomber au client de constater et d’annuler une augmentation de la limite de crédit qu’il n’a pas demandée ou à laquelle il n’a pas consenti.

35. Comme RBC ne consignait pas l’absence de consentement comme raison d’annulation, elle ne pouvait pas pousser l’enquête de manière systématique. Cette faiblesse était toujours présente au moment où le procès-verbal a été émis. L’absence d’enquête, d’analyse et d’évaluation profondes des problèmes systémiques soulève également des préoccupations quant à l’efficacité des programmes de conformité de RBC en matière de consentement exprès à ce produit.

36. Par conséquent, j’estime qu’en l’espèce, la preuve présentée par RBC n’est pas suffisante pour établir la défense de prise de précautions. Je conclus donc que, selon la prépondérance des probabilités, la violation a été commise telle qu’alléguée dans le procès-verbal.

Montant de la pénalité

37. Pour examiner le montant de la pénalité proposée pour la violation, les critères applicables à considérer sont énoncés à l’article 20 de la Loi, à savoir la nature de l’intention ou de la négligence, la gravité du tort causé ainsi que les antécédents de violation de la Banque.

38. Dans ses observations, RBC demande de réduire de 350 000 $ à 175 000 $ le montant de la pénalité proposée. À l’appui de cette demande, RBC conteste le degré de la négligence ou de l’intention ainsi que la gravité du tort causé tel qu’ils sont présentés dans le procès-verbal.

39. Pour ce qui est du critère de l’intention ou à la négligence, le personnel de l’ACFC mentionne l’absence de contrôles appropriés au sein de RBC pour détecter et empêcher cette violation. Comme facteurs atténuants, RBC souligne sa culture de conformité et son engagement à renforcer l’environnement de contrôle à l’égard du consentement exprès. Plus précisément, RBC signale la mise en place de scénarios, d’examens et de surveillance en avril 2018, comme l’a reconnu le personnel de l’ACFC. Elle fait remarquer avoir décelé la nécessité d’apporter des améliorations avant l’examen de l’ACFC.

40. De plus, RBC s’est engagé à un plan de rectification dans le cadre duquel tous les titulaires de carte seraient informés de leur limite de crédit actuelle et aurait la possibilité de la modifier, de sorte qu’ils connaîtraient leur situation. De plus, RBC indique qu’elle a déployé des efforts de bonne foi pour régler les problèmes soulevés par la clientèle dans le cadre du processus de plainte. 

41. Je conviens que rien ne prouve que RBC a intentionnellement fait fi de l’exigence réglementaire en matière de consentement pour les augmentations préautorisées de la limite de crédit. Cependant, les lacunes constatées dans ses contrôles de prévention et les déficiences de ses contrôles de détection et de correction indiquent de la négligence dans le respect de son obligation réglementaire. Plus particulièrement, l’absence de mesures de conformité cohérentes supplémentaires par suite des problèmes mis en lumière par les plaintes confirme cette conclusion.

42. En ce qui a trait au critère de la gravité du tort causé, comme je l’ai déjà mentionné, il est impossible de répertorier exactement tous les clients qui n’ont pas donné leur consentement. RBC ne dispose pas de données complètes, puisqu’elle ne consigne pas les raisons des annulations et elle n’a fourni aucune autre recherche pour déterminer l’ampleur des possibles cas de non-conformité.

43. Le personnel de l’ACFC a tenté de quantifier le nombre de clients qui pourraient avoir été affectés en déterminant le nombre total de ventes d’augmentations de la limite de crédit pendant la période visée et en déduisant le nombre de ces ventes qui pourraient avoir été compromises par le défaut de RBC d’obtenir le consentement à l’aide du même pourcentage de non-consentement constaté dans l’échantillon des appels liés à des annulations anticipées.

44. RBC estime que les résultats de cet échantillon ne sont pas représentatifs du nombre total des augmentations de la limite de crédit et qu’ils ne démontrent donc pas un problème systémique. 

45. RBC souligne que le nombre d’annulations anticipées, peu importe la raison, visait une petite partie du nombre total d’augmentations de la limite de crédit vendues et qu’il s’agit fondamentalement d’un échantillon faussé, car il est raisonnable de s’attendre à ce que les annulations anticipées soient demandées par des clients qui n’ont pas consenti à l’augmentationNote de bas de page 6 . De plus, RBC souligne le fait que le nombre total de ventes d’augmentations de la limite de crédit inclut les augmentations demandées par les clients, ce qui devrait être exclu de l’analyse puisque le consentement peut être tenu pour acquis dans ces cas.

46. L’utilisation d’un échantillon est une méthode bien établie pour cerner les problèmes, particulièrement, comme en l’espèce, lorsque RBC n’est pas en mesure de fournir des données complètes, notamment en ce qui a trait aux raisons des annulations. En général, extrapoler les résultats de l’échantillon à la population de référence constitue également une méthode appropriée pour déterminer l’ampleur potentielle d’un problème. 

47. À mon avis, le nombre de clients possiblement touchés révélé à la suite d’une analyse prudente de l’échantillon des annulations anticipées constitue un degré de gravité du tort causé suffisamment élevé pour justifier d’envisager la pénalité proposée, même sans étendre l’analyse au nombre total des augmentations de la limite de crédit effectuées.

48. Si l’on applique le pourcentage des cas de non-conformité par modes de ventes uniquement aux annulations anticipées pendant la période visée par l’examen, l’on obtiendrait environ 700 ventes en succursale et 10 000 ventes par téléphone qui pourraient avoir été annulées en raison d’un non-consentementNote de bas de page 7 . L’ajout hypothétique des clients qui pourraient avoir été touchés, mais qui ne s’en sont pas rendu compte, qui n’ont pas porté plainte ou qui n’ont pas annulé l’augmentation (il y en a sans aucun doute quelques-uns), n’est pas strictement nécessaire pour conclure que le degré de gravité du tort causé est assez élevé pour justifier d’envisager cette pénalité.

49. En ce qui a trait au degré de la gravité du tort causé subi par chaque client, le personnel de l’ACFC fait état du risque de tort financier et non financier pouvant découler de l’augmentation de la limite de crédit à l’insu du client ou sans son consentement. Tout en reconnaissant qu’il n’y a aucun coût initial lié à une augmentation de la limite de crédit, le personnel de l’ACFC affirme que, par suite de l’augmentation non autorisée de leur limite de crédit, des clients pourraient avoir été aux prises avec des soldes de carte de crédit plus élevés, des intérêts et d’autres frais et que cette augmentation pourrait avoir nui à leur cote de crédit. Le personnel de l’ACFC souligne que certains clients ayant porté plainte ont affirmé qu’ils avaient délibérément choisi de ne pas avoir accès à du crédit supplémentaire afin de mieux gérer leurs finances.  

50. RBC conteste que les clients n’étaient pas au courant de l’augmentation de leur limite de crédit et invoque la lettre de confirmation qui leur a été automatiquement envoyée à chaque instance. RBC conteste également un lien de causalité direct entre l’absence de consentement exprès et le tort financier dans la présente affaire. Selon RBC, le fait que le client doive payer des frais supplémentaires ou des intérêts dépend d’autres facteurs, qui relèvent du client et qui n’ont aucun lien avec la limite de crédit. De plus, RBC soutient qu’une augmentation de la limite de crédit peut avoir des répercussions financières positives. Par exemple, le client peut éviter des frais de dépassement de limite. 

51. Je reconnais qu’il est difficile d’évaluer la gravité du tort causé à un client particulier. Toutefois, le caractère unique de chaque situation démontre l’importance du consentement exprès. Comme le démontrent les appels de plainte, ce qui peut être considéré comme un avantage pour un client peut représenter un fardeau indésirable pour l’autre. Ainsi, les clients qui n’ont pas donné leur consentement exprès ont subi un tort dont la gravité est propre à leur situation.

52. En outre, il est raisonnable de dire que la confiance du client envers la Banque et le système bancaire serait minée du fait que leur droit au consentement exprès n’a pas été respecté. Ceci est contraire à l’affirmation de RBC qu’il n’y aurait plus de conséquences pour le client une fois l’augmentation non autorisée de la limite de crédit renversée.  

53. L’enquête visait une période de deux ans. Les échantillons utilisés ont été choisis au hasard, mais ils étaient répartis également, ce qui m’amène à conclure que le problème existait depuis longtemps. Les antécédents de conformité de RBC envers l’ACFC révèlent une violation antérieure au cours des cinq dernières années.

54. À la lumière de l’analyse ci-dessus des critères en question, je n’ai trouvé aucun motif de réduire le montant de la pénalité proposée et je le juge approprié pour favoriser la conformité. Le montant de la pénalité proposée est maintenu.

Publication

55. Je passe maintenant à la question de l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire de rendre public le nom de la Banque. RBC s’y oppose et craint que la publication de son nom ait un effet préjudiciable sur sa réputation et sur la confiance des clients dans ses programmes de conformité.

56. RBC attire l’attention sur son plan de rectification visant à communiquer avec tous les clients, sur les importantes améliorations apportées à ses politiques et à ses procédures pour assurer la conformité et sur sa reconnaissance de la nécessité de renforcer la surveillance et l’évaluation de la conformité. De plus, RBC fait valoir que cette publication n’est pas nécessaire pour promouvoir la conformité et serait disproportionnée et excessive en l’espèce. 

57. J’ai examiné les observations de la Banque concernant cette question et je note que, bien que RBC ait coopéré avec l’ACFC pendant l’enquête, elle n’a pas relevé le problème d’elle-même.

58. Je suis d’avis que cette publication servirait à encourager RBC à poursuivre son programme d’amélioration de la conformité et à renforcer sa capacité à empêcher et à détecter un nouveau cas de non-conformité.

59. De plus, j’estime que toute incidence négative éventuelle sur la réputation de la Banque est supplantée par les répercussions positives en matière de transparence et d’intervention réglementaire claire sur la confiance des consommateurs envers le système bancaire canadien et la protection des consommateurs au Canada.

60. En tant que mesure de dissuasion générale, la publication servira également à améliorer la compréhension de l’importance de l’exigence de consentement exprès au sein de la communauté financière et chez les consommateurs.

61. Par conséquent, je conclus qu’il est approprié d’exercer mon pouvoir discrétionnaire en l’espèce pour rendre public le nom de la Banque ainsi que la nature de la violation et le montant de la pénalité.

Judith N. Robertson
Commissaire
Agence de la consommation en matière financière du Canada

Ottawa, le 15 décembre 2020

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