Décision no 126

Des relevés mensuels contenant des renseignements erronés sur certaines opérations ont été émis aux commerçants. Par conséquent, des commerçants ont reçu des informations inexactes et possiblement trompeuses.

Décision résultant d’un avis de non-conformité

Contexte

Dans une lettre datée du 2 mars 2016, la commissaire adjointe a avisé un exploitant de réseau de cartes de paiement (ERCP) qu’elle avait constaté, le 10 février 2016, que cet ERCP ne respectait pas l’élément 1 du Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit (le Code) en raison de la divulgation de renseignements erronés sur certains types d’opérations aux commerçants. Les renseignements erronés avaient été déclarés dans les relevés mensuels émis aux commerçants par des processeurs de paiements engagés par des acquéreurs.

Dans une lettre datée du 31 mars 2016, l’ERCP a indiqué qu’il ne contestait pas que l’élément 1 du Code n’avait pas été respecté et il a affirmé avoir soigneusement pris des mesures pour régler cette situation. L’ERCP a également demandé l’examen, par moi-même, de deux éléments de cette question : (i) la responsabilité et (ii) la suffisance des contrôles.

À mon avis, les deux éléments peuvent être regroupés en un seul thème : la détermination de la portée des obligations de l’ERCP en ce qui concerne le respect du Code dans le contexte du présent cas.

Les faits

Mon examen de cette question est fondé sur les éléments présentés ci-dessous.

L’ERCP a intégré le Code dans les contrats qu’il signe avec ses participants.

Du 19 mai 2011 au 14 février 2014, des commerçants ont reçu des relevés mensuels contenant des renseignements erronés sur certains types d’opérations et contraires aux dispositions de l’élément 1 du Code.

L’ERCP ne conteste pas que l’élément 1 du Code n’a pas été respecté et il a pris des mesures correctives à cet égard visant l’acquéreur et ses processeurs tiers reliés à ce non-respect. Depuis mai 2015 et janvier 2016, les opérations déclarées par les processeurs de paiements en question aux commerçants sont conformes au Code.

Dispositions pertinentes du Code d’avril 2010 à avril 2015Note de bas de page 1 

Mon analyse tient compte des éléments du Code indiqués ci-dessous. 

Objet

Le Code vise à montrer l’engagement de l’industrie à :

veiller à ce que les commerçants soient pleinement informés des coûts associés à l’acceptation de paiements par carte de crédit ou de débit, ce qui leur permet de prévoir raisonnablement les coûts mensuels relatifs à l’acceptation de tels paiements;

accorder une marge de manœuvre accrue en matière de tarification afin d’encourager les consommateurs à choisir l’option de paiement la moins coûteuse;

permettre aux commerçants de choisir librement les options de paiement qu’ils accepteront.

Portée

Le Code s’applique aux réseaux de cartes de crédit et de débit (ci-après nommés « réseaux de cartes de paiement ») et à leurs participants (p. ex. les émetteurs de cartes et les acquéreurs).

Les réseaux de cartes de paiement qui choisissent d’adhérer au Code respecteront les politiques décrites ci-après et veilleront à ce que leurs participants s’y conforment. Le Code sera entièrement intégré aux contrats, aux règles et aux règlements des réseaux de cartes de paiement.

Le Code s’appliquera dans les 90 jours suivant son adoption par les participants et les réseaux de cartes de paiement. Les émetteurs de cartes auront jusqu’à un an pour émettre de nouveau les cartes déjà en circulation et qui contreviennent aux éléments 6 ou 7.

Élément 1: Les réseaux de cartes de paiement et les acquéreurs feront preuve d’une plus grande transparence et assureront une meilleure communication avec les commerçants

Les réseaux de cartes de paiement et leurs participants travailleront avec les commerçants, directement ou par l’intermédiaire d’une association de commerçants, pour que les ententes commerçant-acquéreur et les relevés mensuels soient suffisamment détaillés et faciles à comprendre. Les réseaux de cartes de paiement afficheront les taux d’interchange applicables sur leurs sites Web de manière à ce qu’ils soient aisément accessibles. De plus, ils afficheront tous les changements imminents à ces frais dès qu’ils auront été communiqués aux acquéreurs.

Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que les relevés des commerçants comprennent les renseignements suivants :

Ces renseignements doivent être présentés de façon claire, simple et de façon à ne pas induire en erreur.

L’alinéa 6(e) et l’article 7 de la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (LRCP) sont également pertinents et ils sont comme suit :

6.  Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, prendre des règlements [...]

(e) prévoyant les conditions que les exploitants de réseaux de cartes de paiement doivent inclure dans tout accord qu’ils concluent avec un acquéreur; [...].

7.  Tout exploitant de réseau de cartes de paiement qui est partie à un accord énonçant des conditions prévues par règlement pris en vertu des alinéas 6d) ou e) est tenu de prendre toute mesure raisonnable pour faire respecter ces conditions.

Analyse et conclusions

L’ERCP n’est pas d’accord avec les constatations de la commissaire adjointe et soutient qu’il n’est pas responsable du non-respect de l’élément 1 du Code dans le présent cas. Tel que je le comprends, l’ERCP est d’avis qu’il a pris des mesures pour respecter le Code, notamment en l’intégrant dans les contrats qu’il a signés avec les acquéreurs et d’autres participants. Par conséquent, il estime qu’il ne devrait pas être tenu responsable de la divulgation de renseignements erronés sur les opérations dans les relevés destinés aux commerçants.

Pour trancher la question qui fait l’objet de la contestation, je dois tout d’abord examiner la portée appropriée des obligations de l’ERCP en ce qui concerne le respect de l’élément 1 du Code.

Une lecture du sens ordinaire des dispositions pertinentes du Code m’amène à penser que les ERCP jouent un rôle de premier plan dans la bonne application de ce code et qu’ils veillent à ce que, entre autres, les commerçants soient pleinement informés des coûts associés à l’acceptation de paiements par carte de crédit et débitNote de bas de page 2. Ce qui est important, c’est que le Code mentionne la portée des obligations des ERCP explicitement. Il impose à ces derniers l’obligation :

Les dispositions de l’élément 1 sont assez normatives. Elles établissent les exigences à respecter pour améliorer la transparence et la divulgation des informations aux commerçants et veiller à ce que les résultats attendus soient clairement indiqués, à savoir que les relevés destinés aux commerçants doivent communiquer des renseignements précis et détaillés qui sont présentés de façon claire, simple et non trompeuse.

Il est également révélateur de noter que l’article 7 de la LRCP, qui n’est pas encore en vigueur, mentionne que les ERCP ont l’obligation supplémentaire de prendre des mesures raisonnables pour veiller à ce que les parties liées par contrat respectent toute exigence réglementaire.

Dans l’ensemble, ces dispositions constituent des éléments d’un système de réglementation de l’industrie qui accorde une place d’avant-plan à la fonction d’assurance de la conformité remplie par les ERCP. Cette fonction concorde avec le rôle important que les ERCP jouent dans la bonne exploitation des systèmes des réseaux de cartes de paiement de façon générale ainsi que dans le contexte du cadre des ERCP. Comme c’est le cas avec les systèmes de réglementation comparables, la perfection n’est pas la norme. Les mesures prises pour veiller à la conformité doivent être raisonnables. Dans la pratique, cela signifie pour moi que les ERCP doivent appliquer des mesures de contrôle qui conviennent aux circonstances pour veiller à ce que les commerçants bénéficient pleinement des protections prévues par le Code. Compte tenu de la façon dont le système des réseaux de cartes de paiement fonctionne, plusieurs éléments doivent être examinés pour aborder la question de ce qui est raisonnable, notamment les faits propres à chaque cas, les dispositions pertinentes du Code ainsi que les risques éventuels (p. ex. les risques externes associés aux relations d’affaires et les risques opérationnels internes courus par les parties).

En gardant ces éléments à l’esprit, la prochaine étape de l’analyse consiste à se pencher sur l’approche en matière de conformité de l’ERCP qu’il décrit dans sa lettre du 31 mars 2016. L’ERCP soutient que cette approche comprend les mesures suivantes :

  1. des communications initiales et permanentes avec les clients pour renforcer l’intégration du Code dans leurs règles et leurs lignes directrices sur la conformité, notamment les éclaircissements fournis par la commissaire;
  2. des mesures de conformité proactives [texte omis];
  3. des renvois ponctuels aux niveaux supérieurs des questions précises liées à la conformité au Code;
  4. le traitement des problèmes de conformité signalés de diverses façons;
  5. l’utilisation d’une gamme d’outils de contrôle, notamment la possibilité d’imposer des amendes en cas d’infraction ainsi que des conditions aux participants qui ne respectent pas le Code. Ces conditions permettent, entre autres :
    • de mener une enquête ou un examen sur place aux frais du client détenteur d’un permis;
    • de vérifier les dossiers et les procédures de tout client détenteur d’un permis ayant des agents, aux frais du client;
    • d’interdire de façon permanente aux commerçants, aux fournisseurs des services de paiement, aux commerçants parrainés ou à toute autre entité ou à l’un de ses responsables, la participation au réseau pour toute raison jugée pertinente, par exemple, l’exercice d’une activité à cause de laquelle l’acquéreur contrevient à répétition les conditions d’utilisation du réseau ou toute autre activité ayant pour résultat des torts économiques excessifs ou des préjudices au fonctionnement convenable du système de l’ERCP.

J’ai examiné l’ensemble des éléments probants et je constate que l’approche en matière de conformité de l’ERCP consiste principalement à gérer les risques liés aux cas de non-conformité d’une tierce partie et qu’il manque de mesures de surveillance préventive. Cependant, je sais qu’il s’agit du premier cas de manquement à l’obligation d’un ERCP de veiller à la conformité de ses participants au Code et, de ce fait, je suis d’avis qu’il y a lieu d’accorder une certaine marge de manœuvre. Par conséquent, je trouve qu’il n’est pas nécessaire de prendre d’autres mesures dans le présent cas.

Je tiens toutefois à préciser que cette décision ne devrait pas servir de précédent pour établir si des mesures raisonnables ont été prises pour faire respecter le Code. Il faudra faire davantage à l’avenir. Pour aider l’industrie à ce chapitre, j’ai l’intention de diffuser les lignes directrices à cet égard et d’inviter les ERCP à me communiquer leurs commentaires sur les mesures de prévention qui pourraient être prises pour assurer le respect des exigences établies par divers éléments du Code.

Ottawa, le 7 septembre, 2016.

La commissaire, Agence de la consommation en matière financière du Canada

Lucie M.A Tedesco

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