Lettre et recommandations du Comité consultatif sur l'observation à l'étranger

L'honorable Diane Lebouthillier, C.P., députée
Ministre du Revenu national
7e étage
555, avenue MacKenzie
Ottawa, ON K1A 0L5

Objet : Activités du CCOE et le traitement et l'analyse des « mégadonnées » par l'Agence du revenu du Canada

Madame la Ministre,

Au nom du Comité consultatif sur l'observation à l'étranger (CCOE), j'ai le plaisir de vous présenter une mise à jour du travail du CCOE depuis son dernier rapport à l'automne 2016. Vous trouverez dans cette lettre cinq recommandations concernant l'utilisation des « mégadonnées » par l'Agence du revenu du Canada (l'ARC).

Politique d'entente de Vérification

En février 2017, le CCOE a rencontré des représentants de l'ARC pour discuter de leur approche relative aux ententes afin de résoudre les enjeux à l'étape de la vérification. Les membres du CCOE ont discuté de plusieurs situations hypothétiques et des résolutions proposées pour ces scénarios avec les représentants de l'ARC. De plus, le CCOE a pris en considération une proposition de l'ARC pour un nouveau comité qui examinerait les propositions de règlement effectuées à l'étape de la vérification lorsqu'il s'agit de dossiers importants ou qui pourraient créer un précédent. Le CCOE croit que la création d'un tel comité serait une façon positive de promouvoir des résultats de résolution uniformes des vérifications fondés sur des principes, et nous avons conseillé vos représentants en conséquence. Nous comprenons que l'ARC convoquera ce nouveau comité cet automne dans le cadre d'un projet pilote, dans le but d'établir le cadre de référence final et les procédures pour ce comité en 2018.

Mégadonnées

Le CCOE a également examiné les pratiques d'élaboration de l'ARC relatives à l'utilisation de ce qu'on appelle les « mégadonnées » dans ses programmes de vérification du secteur international et des grandes entreprises, ainsi que ses programmes de l'observation à l'étranger et de la planification fiscale abusive. Au cours de cet examen, le CCOE a pu profiter de présentations données par des représentants de l'ARC. Il y a d'abord eu des discussions d'ordre général lors d'une conférence téléphonique en décembre 2016, puis le CCOE s'est réuni en personne le 13 juin avec des représentants de l'ARC pour examiner les présentations à ce sujet.

Le terme « mégadonnées » sert à décrire le flux d'information contenant de grandes quantités de données financières liées aux contribuables, dans des volumes beaucoup plus importants de ce qui était disponible à l'ARC auparavant en utilisant des sources de données précédentes et des systèmes informatiques moins sophistiqués. Veuillez consulter l'annexe A, qui fournit la liste des sources de mégadonnées prises en considération dans le cadre de notre examen.

Le volume considérable de tels renseignements (par exemple, nous comprenons que l'ARC reçoit maintenant plus de 12 millions de rapports de télévirements internationaux annuellement) présente des défis majeurs, particulièrement pour extraire d'une quantité importante d'opérations, pour la plupart conformes fiscalement, celles qui requièrent une inspection plus poussée et une vérification. Une préoccupation majeure est que le volume élevé de données mobiliserait une telle proportion des ressources disponibles de l'ARC que la probabilité de détecter un comportement d'inobservation serait réduite. Si les contribuables ou leurs conseillers venaient à être informés de cette situation, il est probable que l'incidence de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal abusif augmente.

Les présentations du mois de juin mettaient l'accent sur une description d'une approche « intégrée fondée sur le risque » élaborée par l'ARC, qui est appliquée aux plus grandes entreprises multinationales (EMN) (EMN ayant des revenus bruts annuels supérieurs à 250 millions de dollars), ainsi qu'aux particuliers bien nantis et aux fiducies associées. Cette approche comprend l'application du Système d'évaluation intégrée des risques, qui emploie un grand nombre d'algorithmes liés. Ceux-ci regroupent les données de diverses sources mentionnées à l'annexe A relativement à une EMN donnée et aux entités juridiques qui la constituent. Le système analysera automatiquement les données en utilisant les algorithmes pour produire une mesure des risques que posent les opérations de l'EMN au régime fiscal canadien dans divers secteurs, y compris l'inobservation nationale, l'évitement fiscal, les prix de transfert, les sociétés étrangères affiliées et l'affectation mondiale du revenu et de l'impôt. L'ARC a utilisé une approche multidisciplinaire dans l'élaboration de ces algorithmes, employant non seulement des experts en fiscalité, mais aussi des économistes, des mathématiciens et des informaticiens.

Il est important de noter que cette analyse informatique ne détecte pas en soi l'évasion fiscale ou l'évitement abusif, mais elle détecte les cibles les plus probables pour une vérification et permet donc l'utilisation la plus efficace des ressources de vérification (et, par le fait même, cela réduit le fardeau de la vérification pour les contribuables conformes qui seront moins susceptibles de faire face à des vérifications annuelles ou plus intensives). L'analyse comprend l'EMN, comme unité économique, et les entités juridiques qui la constituent. Plus particulièrement, elle décèle le niveau de risque que pose l'EMN dans son ensemble et quelles entités juridiques (qui sont les contribuables aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu) sont associées au risque. Le programme décèle aussi les secteurs de risque particuliers, comme le prix de transfert ou la non-reconnaissance du revenu de source étrangère, et attribue ces risques aux entités juridiques pertinentes au sein de l'EMN.

Une deuxième étape essentielle dans le processus est l'utilisation efficace de l'information générée par cette analyse fondée sur le risque par les vérificateurs afin de valider les risques détectés par le Système d'évaluation intégrée des risques. Si cela est approprié, une vérification complète de l'observation sera menée. Nous réalisons que l'ARC reconnaît l'importance de ce suivi à l'étape de la vérification, mais nous désirons souligner à quel point cela est important pour le succès global du processus. Nous notons également que l'ARC a embauché plus de 100 vérificateurs supplémentaires pour examiner les EMN à risque élevé et qu'elle a créé des équipes de vérification spécialisées formées qui incluent des avocats et des spécialistes de l'industrie.

Nous avons également examiné, avec des représentants, d'autres mesures prises pour utiliser les nouvelles sources de données. L'Agence a déjà divulgué publiquement que les télévirements liés à quatre juridictions de paradis fiscaux ont été analysés dans leur totalité, ce qui a permis d'identifier environ 8 000 contribuables canadiens. Plus de la moitié de ces contribuables ont reçu une lettre « coup de coude » leur suggérant que s'ils souhaitaient éviter une vérification, ils pouvaient faire une divulgation volontaire et certains commencent à être sélectionnés à des fins de vérification. L'ARC a également augmenté de plus de 500 % le nombre de vérifications des particuliers bien nantis et elle a augmenté par un facteur de 12 le nombre de stratagèmes d'évitement fiscal examinés annuellement. Le CCOE ne possède pas les ressources pour évaluer les aspects techniques de ces processus d'analyse de données, mais selon les renseignements fournis, le CCOE croit qu'il peut seulement aider l'ARC à être plus efficace à détecter les cibles de vérification les plus fructueuses. Cela entraînera non seulement une utilisation et une affectation plus efficaces des ressources, mais contribuera probablement à la perception parmi les contribuables que le risque de contestation envers le comportement fiscal abusif a augmenté de façon importante. Cela devrait à son tour améliorer l'observation. Dans ce contexte, la perception est très importante, car elle influence le comportement et devrait réduire toute incitation à jouer à la loterie de la vérification.

La seule mise en garde que nous pourrions inscrire est que le processus d'exploration des données décrit ci-dessus est seulement la première étape du processus. Celui-ci doit être suivi d'une vérification efficace des contribuables, sinon ces comportements d'inobservation repérés continueront. Les enjeux en question ici, y compris ceux d'attirer, de conserver et de former des vérificateurs, ne sont pas dans la portée de l'examen du CCOE.

Recommandations

En ce qui a trait aux activités de traitement des mégadonnées mentionnées ci-dessus, voici ce que le CCOE recommande :

  1. L'élaboration de mesures ou d'autres critères d'évaluation pour évaluer l'efficacité des techniques d'exploration des données utilisées présentement et celles en cours d'élaboration.
  2. L'ARC devrait travailler avec les autorités fiscales des autres pays pour tirer profit de leur expérience afin de s'assurer que ses techniques d'exploration et d'analyse des données deviennent et demeurent parmi les techniques les plus sophistiquées au monde.
  3. Les coûts supplémentaires de ces techniques devraient être mesurés en fonction des recettes fiscales supplémentaires qu'elles génèrent. Nous notons toutefois que le coût par rapport aux recettes supplémentaires générées n'est pas le seul test d'efficacité. Un programme efficace pour lutter contre l'inobservation à l'étranger renforcera la confiance du public dans le régime fiscal et aura un effet positif sur l'ensemble de l'observation des contribuables, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale.
  4. Évaluation le plus rapidement possible d'étendre le programme d'analyse du risque aux contribuables autres que les grandes entreprises multinationales et les particuliers bien nantis associés à ces dernières.
  5. L'existence et l'exécution de ces techniques d'exploration des données devraient être davantage publicisées afin d'améliorer la perception du public concernant l'efficacité du régime fiscal. La perception du public est importante dans ce contexte, et ce, pour au moins deux raisons :
    • Cela rappelle aux contribuables contrevenants que les comportements abusifs d'inobservation sont plus susceptibles d'être détectés et contestés;
    • Cela rassure les contribuables qui respectent la loi que l'impôt est exigé de façon équitable de sorte que tous les contribuables paient leur juste part, ce qui renforce donc l'observation en général.

À cet égard, l'Agence pourrait envisager d'émettre des rapports annuels ou plus fréquents sur le nombre de stratégies abusives qui ont été détectées et évaluées. Lorsque les tribunaux maintiennent les cotisations établies par l'Agence, un communiqué de presse pourrait être une autre mesure appropriée.

Le CCOE serait heureux de vous rencontrer selon vos disponibilités afin de discuter de notre examen et de ces recommandations, si vous le souhaitez.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, mes salutations distinguées.

Colin Campbell
Président, Comité consultatif sur l'observation à l'étranger

Annexe A – Sources de mégadonnées prises en considération dans l'examen du CCOE

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