Fonder l’antitrust sur la confiance

Discours

Discours de John Pecman, commissaire de la concurrence
Conférence du printemps de l’Association du Barreau canadien
Le 10 mai 2018
Toronto (Ontario)

(Le discours prononcé fait foi)

 

Je vous remercie de cette aimable présentation.

Je suis sentimental aujourd’hui. C’est parce que c’est la dernière fois que je m’adresse à vous en tant que commissaire.

Cette journée me fait beaucoup penser à la façon dont nous avançons dans la vie. Un jour, nous avons 21 ans et toute une carrière devant nous. Nous clignons des yeux et déjà 35 années ont passé. Comme ça!

Tellement de choses ont changé pendant ces années. Et les Maple Leafs de Toronto n’ont toujours pas remporté la Coupe Stanley! C’est remis à l’an prochain, n’est-ce pas?

Pendant ces 30 années, j’ai eu l’honneur de travailler au Bureau de la concurrence du Canada, qui est reconnu à l’échelle internationale comme étant un chef de file dans l’application efficace du droit de la concurrence.

En 1984, quand j’ai commencé au poste de responsable de dossiers tout juste après mes études, je n’ai pas imaginé ni prévu que j’occuperais le poste de commissaire. Mais la vie, souvent, nous réserve des surprises. Et diriger cet organisme et son personnel a été une expérience qui m’a permis d’apprendre tellement de choses, autant du côté professionnel que personnel. Ce poste a été pour moi le point culminant d’une carrière très enrichissante.

J’ai beaucoup parlé du croisement entre la concurrence et l’innovation, et des nouveaux enjeux relatifs à l’économie numérique. J’ai aussi beaucoup parlé de l’avenir. Mais aujourd’hui, parlons d’autre chose.

Prenons un peu de recul et revenons à l’année 2012. Ce fut encore une mauvaise année pour les Maple Leafs (ils se sont dirigés vers le terrain de golf tôt pour une 7e saison consécutive cette année-là). Mais c’est aussi l’année que j’ai été nommé commissaire intérimaire.

Je peux vous dire que cela a été complètement inattendu. En acceptant le poste, j’ai expliqué clairement que je n’avais aucune intention de servir de façon superficielle. J’ai donc tracé ma propre voie. Je l’ai fait de la façon qui m’importe beaucoup : en instaurant un climat de confiance.

Pourquoi était-ce si important?

Parce que maintenant, comme c’était le cas à cette époque, la baisse de la confiance du public[i] constitue un défi de taille dans notre société. Nous ne pouvons pas l’ignorer. La confiance est indispensable à la survie même des institutions et à un meilleur avenir pour nos enfants. Elle est essentielle à une bonne gouvernance, à une politique publique fructueuse et, dans notre cas, à des mesures efficaces d’application de la loi et de promotion de la concurrence.

Ma mission en 2012 a été de transformer le Bureau en une institution digne de confiance.

Une institution en laquelle ont pleinement confiance le milieu des affaires et du droit, les consommateurs canadiens, et les gouvernements et les partenaires chargés de l’application de la loi, tant nationaux qu’internationaux. J’ai préparé le terrain pour ma mission quand j’ai fait mon tout premier discours en tant que commissaire. J’ai parlé de la confiance par le biais de la collaboration.

Les recherches indiquent que lorsqu’il est question d’institutions publiques, plusieurs éléments clés de l’établissement de la confiance entrent en jeu : la transparence, l’ouverture, l’inclusion et la fiabilité.

J’ai donc entrepris de rendre le Bureau de la concurrence ouvert, transparent et collaboratif.

Je l’ai fait en me basant sur tout ce que j’ai appris au cours de mes 30 années précédentes au Bureau au poste d’enquêteur, de gestionnaire et de cadre dirigeant. Cette organisation m’a appris tout ce que je devais savoir pour occuper ce poste. Les connaissances ne sont utiles que lorsqu’elles sont partagées. J’ai donc appris trois grandes leçons que je veux maintenant partager avec vous.

  • En premier lieu, que notre approche touche tous les aspects du développement de la confiance.
  • En deuxième lieu, que nous sommes définis par les défis et les succès que nous rencontrons pour y parvenir.
  • Et finalement, je vais vous parler de la façon d’appliquer ce que nous avons appris. Vous tous, en poursuivant votre collaboration dans l’avenir, pouvez continuer d’améliorer l’efficacité du Bureau en tant qu’organisme de surveillance de la concurrence du Canada.

L’approche de développement de la confiance

Le premier point que je veux aborder est le suivant : l’approche est à la base de tout.

Quand j’ai été nommé commissaire en juin 2013, que j’aie mérité le titre ou non, je me suis vu, comme le formulerait ma charmante épouse Susan, en tant que « cygne noir ». J’ai été le premier employé ayant fait sa carrière au Bureau et le premier non-juriste à la tête de l’organisation. C’était différent. Et en plus, j’ai établi des objectifs assez ambitieux pour le Bureau. Ils ont impliqué du changement.

Les gens ont perçu que j’apportais un vent de changement et ils ont eu bien raison.

En examinant ce poste, j’ai vu quatre points essentiels pour assurer le succès de la transition :

  • adopter une approche de conformité partagée,
  • accroître notre orientation,
  • renforcer nos partenariats nationaux et internationaux, et
  • restructurer l’organisation par le biais d’une réorganisation interne.

Permettez-moi de vous expliquer chacun de ces points.

La conformité partagée

Tout d’abord, la conformité partagée.

Changer la relation avec les intervenants devait se faire en premier lieu parce cela a marqué un changement dans la façon dont nous aborderions la conformité pour l’avenir : une approche plus altruiste. J’ai donc commencé à parler de conformité partagée très tôt après ma nomination et sa mise en œuvre a suivi de près.

Et les gens ont pris bonne note de cela.

Comme vous m’avez entendu le dire maintes fois, il est essentiel de connaître le rôle que chacun d’entre nous joue pour veiller au respect de la Loi sur la concurrence et des autres lois appliquées par le Bureau. C’est une responsabilité partagée, pas seulement par le Bureau, mais aussi par le milieu juridique et des affaires.

Grâce à cette nouvelle approche, nous avons fait de la collaboration la pierre angulaire. Nous avons mobilisé nos homologues dans des activités de maintien de l’ordre à l’échelle nationale et internationale. Nous avons eu recours à leur expertise. Et avec nos expériences acquises, nous avons travaillé avec nos partenaires du milieu juridique et des affaires.

Nous avons révisé le Bulletin sur les programmes de conformité d’entreprise et avons établi une unité de conformité. L’unité supervise et coordonne maintenant toutes nos activités liées à la conformité. Nous avons publié le Cadre d’action pour la concurrence et la conformité, qui fournit des directives sur la manière dont le Bureau encourage la conformité à l’aide d’une grande variété d’outils de sensibilisation, de promotion et d’application de la loi.

Je crois toujours ce en quoi je croyais à l’époque : l’approche collaborative est vraiment efficace. Elle a été d’une aide inestimable pour assurer le respect de la loi. C’est plus que ce que nous pouvions faire seuls.

Je le sais parce que j’ai vu les résultats. Bon exemple : pensons à l’annonce on ne peut plus médiatisée faite récemment par Loblaws, disant qu’elle améliorerait son programme de conformité au droit de la concurrence de façon volontaire et passerait à une norme ISO faisant l’objet d’un audit indépendant. Comme vous le savez, cette décision découle de son rôle demandeur l’immunité relativement à un accord présumé de fixation des prix à l’échelle de l’industrie impliquant des produits de boulangerie emballés.

L’orientation accrue

Ensuite sur la liste, il y a l’orientation accrue.

Une clarté, une transparence et une certitude accrues pour le milieu des affaires et du droit ont été essentielles au renforcement de notre responsabilisation et, par conséquent, nos relations avec ce milieu. Elles ont aussi augmenté l’efficacité de notre travail. Nous avons donc travaillé dur pour mettre en place un Plan d’action sur la transparence. Ce plan a établi à grands traits comment nous avons envisagé d’améliorer la transparence relative à notre travail. L’objectif était de devenir un organisme plus rentable, plus efficace et plus attentif.

L’orientation accrue a aussi transparu dans notre façon de parler en tant qu’organisation. Nous avons utilisé de plus en plus d’énoncés de position. Nous mettons aussi à jour d’autres documents clés d’orientation qui sont liés à l’application de la loi.

Plus récemment, pour fournir un aperçu de l’incidence des mégadonnées sur l’application du droit de la concurrence, nous avons rédigé un livre blanc de renommée internationale portant sur ce sujet.

Depuis 2013, nous avons publié 71 énoncés de position et 70 documents distincts de nature technique.

Comme je l’ai dit plus tôt, notre travail qui vise à accroître l’orientation est loin d’être terminé. Nous menons des consultations ou élaborons présentement plusieurs documents importants, dont :

  • les Lignes directrices sur l’abus de position dominante révisées,
  • les Programmes d’immunité et de clémence mis à jour,
  • les nouvelles Lignes directrices sur les études de marché,
  • un guide pratique sur notre approche pour évaluer les gains en efficience,
  • une étude rétrospective sur les gains en efficience, et
  • une version préliminaire du plan annuel pour 2018-2019 qui explique nos priorités pour l’année prochaine.

Par l’entremise de toutes ces initiatives, nous reconnaissons l’importance de la clarté, autant pour les consommateurs que pour les entreprises, et du rôle qu’elle joue pour renforcer la croissance économique, les investissements et la conformité – la priorité numéro un du Bureau.

Le renforcement des partenariats

Le troisième élément sur cette liste est le renforcement des partenariats nationaux et internationaux.

Le poète John Donne a dit un jour que personne n’est sur une île déserte.

C’est aussi vrai pour les organisations. Les relations de travail solides caractérisent une organisation efficace. Le Bureau ne fait pas exception à la règle.

Voilà pourquoi au cours des cinq dernières années, nous avons fait beaucoup de travail pour améliorer et élargir nos relations avec plusieurs de nos partenaires. Nous avons mis l’accent sur les organisations avec lesquelles nous avons collaboré le plus étroitement, dont notre ministère responsable : Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE).

Mais nous ne nous sommes pas arrêtés là! Nous avons signé 68 ententes nouvelles ou actualisées qui ont amélioré nos relations de travail formelles et informelles avec des partenaires nationaux et internationaux. Nous avons aussi renforcé notre participation à une approche collaborative pour l’application de la loi, à l’examen de fusions et de cartels internationaux, et aussi aux efforts visant les pratiques commerciales trompeuses transfrontalières.

Nos collaborations à l’échelle nationale incluent des travaux entrepris avec Services publics et Approvisionnement Canada, le CRTC et nos partenaires d’application de la loi, comme la GRC.

À l’échelle internationale, nous avons signé des protocoles d’entente historiques avec l’Inde et la Chine. Et nous avons participé à l’échange de personnel avec la Commission de la concurrence et des consommateurs d’Australie (Australian Competition and Consumer Commission). Tout cela continue à ce jour. Nous continuons aussi de collaborer sur l’établissement de rapports plus constructifs avec le SPPC.

Mais aujourd’hui, je voudrais prendre quelques moments pour souligner l’évolution des relations de longue date du Bureau avec l’Association du Barreau canadien (ABC).

Nous pouvons tous nous entendre sur le fait que le Bureau et le Barreau ont des relations de travail solides et positives. Elles ont favorisé la conformité et l’offre de meilleurs produits de politiques et de droit de la concurrence. Elles ont aussi favorisé la collaboration et le dialogue fructueux sur de nombreux sujets. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Les relations étaient en piètre état en 2006. Elles se devaient d’être rétablies depuis longtemps.

Nous avons donc pris des mesures pour remédier aux problèmes. Ensemble.

Dès 2006, au titre de sous-commissaire adjoint de la Direction générale des affaires criminelles, j’ai participé à un groupe de travail pour la collaboration entre Bureau et l’ABC. Bill Miller, maintenant décédé, Melanie Aitken, certains d’entre vous ici dans la salle et moi-même avons formulé des recommandations pour réparer les pots cassés et favoriser la collaboration. Pour nous aider, nous avons utilisé le modèle employé par les organismes antitrust américains et l’ABA.

Cela a permis de préparer le Bureau et l’ABC à mieux travailler ensemble. Et nos efforts ont fonctionné.

Notre travail est naturellement interconnecté. Il était donc logique de rapprocher les gens les uns des autres pour que nos actions respectives reflètent cette interconnectivité. Les membres de mon équipe de direction ont participé de plus en plus au leadership de divers comités de section de l’ABC. Chaque année, nous avons amélioré l’approfondissement du dialogue entre le comité exécutif de l’ABC et notre comité de la haute direction en marge de la conférence d’automne. Le fait que mon bureau participe à vos appels mensuels du comité exécutif témoigne aussi de nos valeurs partagées de transparence et de collaboration.

En 2009 et 2010, le soutien et les efforts de promotion du Barreau ont été essentiels pour apporter des modifications qui ont modernisé notre loi sur la concurrence. Ces modifications ont fait en sorte que des parties importantes de la loi aillent de pair avec les normes des États-Unis, notre plus important partenaire commercial. Le soutien et la contribution de l’ABC se sont aussi révélés déterminants pour les recommandations du Bureau aux consommateurs et aux entreprises qui ont découlé de ces changements, comme les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents et les Lignes directrices pour l’application de la loi pour les fusions révisées.

Quand le Bureau a orienté ses activités sur l’application de la loi, nous nous sommes retrouvés dans une relation plus conflictuelle et la collaboration a pris une place secondaire. Le Bureau devait s’acclimater à un nouveau cadre juridique et la relation est devenue plus transactionnelle. Mais, même pendant cette période difficile, nous avons conservé des liens d’amitié chaque année avant la conférence d’automne de l’ABC au tournoi de golf caritatif Bill Miller annuel.

La collaboration est essentielle pour assurer une conformité partagée. Elle est essentielle au renforcement de la confiance. Au début de mon mandat, l’ABC a fait une importante contribution à nos directives dans ce secteur, le Bulletin sur les programmes de conformité d’entreprise.

Depuis, l’ABC a contribué à favoriser une culture de conformité partagée, directement et indirectement. Les contributions importantes de l’ABC à nos documents d’orientation, comme le Bulletin sur la communication pendant les enquêtes et les Lignes directrices de propriété intellectuelle primées, sont la preuve du renouvellement de cette collaboration.

Vous avez apporté une contribution constructive bien au-delà de simples observations écrites : ces produits en sont bien meilleurs grâce à vous. De plus, l’équipe de travail DRS et les groupes de travail qui s’attaquent aux problèmes comme les normes du service de fusion, développent des capacités des deux côtés pour aboutir à une culture de conformité partagée au Canada.

En 2016, l’ABC a fait une soumission mûrement réfléchie sur le programme d’innovation du gouvernement, mettant en lumière le fait que l’intensité concurrentielle favorise l’innovation. Et l’an dernier, l’ABC a appuyé les principes fondamentaux établis dans le livre blanc sur les mégadonnées du Bureau. Ces deux contributions ont aidé à faire avancer ces priorités pour l’économie canadienne.

Notre relation collaborative renouvelée a aussi donné des résultats à l’étranger. J’en ai été témoin en mars lorsque Huy Do, membre du comité exécutif de la section de l’ABC, a accompagné Jonathan Chaplan, Nigel Caesar et moi-même au Vietnam pour fournir une aide technique à son organisme d’application du droit de la concurrence en développement.

La force du travail que nous avons fait ensemble s’est transportée dans le Comité de liaison du Tribunal de la concurrence et du Barreau, où nous collaborons afin d’améliorer les processus d’arbitrage devant le Tribunal de la concurrence. En 2016, par exemple, ce travail a abouti à la directive de pratique du Tribunal sur le recours à la médiation dans les questions portées devant le Tribunal. Il a ouvert la voie à la résolution efficace de plusieurs questions. Au cours des prochains mois, j’espère que le Tribunal finalisera ses instructions relatives à la pratique en ce qui concerne la planification et émettra des instructions relatives à la pratique en traitement rapide, qui serviront à améliorer davantage l’efficacité des processus du Tribunal. La collaboration du Tribunal, du barreau privé et du Bureau par l’entremise du Comité de la magistrature et du barreau a contribué à faire avancer ces initiatives précieuses.

J’aimerais remercier chaleureusement l’ABC pour son travail d’équipe au cours des cinq dernières années. J’espère que, tout comme moi, vous pensez que le risque de travailler ensemble a été profitable et a permis de gagner la confiance et d’apporter d’importantes améliorations quant à l’application de la loi sur la concurrence du Canada.

Mais il reste encore du travail à faire. Je sais que beaucoup d’excellentes initiatives sont en cours, du groupe de travail des fusions à la nouvelle plaidoirie intéressante de la loi sur la concurrence. Ces projets serviront à renforcer davantage la relation dans l’avenir et j’ai hâte de voir les résultats de l’« autre côté » dans un futur pas si lointain.

La réorganisation

Il y a un autre élément important qui est inscrit sur la liste : la réorganisation.

J’ai beaucoup parlé de l’établissement de liens de confiance à travers nos activités extérieures. Mais le plus gros défi que nous avons relevé au cours des cinq dernières années a été d’ordre interne au Bureau, c’est-à-dire la réorganisation de la façon dont nous travaillions.

Nous avons fait tomber des obstacles qui nous ont déjà empêchés de travailler de façon aussi efficace que possible. Nous sommes devenus « un Bureau ». Cela a seulement été possible grâce à un travail délibéré.

Nous avons transformé un concept abstrait en état d’esprit pour l’exercice de nos activités. Et cette transformation n’a pas été facile. Elle a commencé avec un processus que nous avons appelé « réorganisation », qui a compris une restructuration interne, une nouvelle structure de gouvernance, une plus grande délégation et un plan stratégique de trois ans.

Elle a été un gros changement. Finie l’approche insulaire et unilatérale qui n’était plus utile au Bureau ou à toute autre personne. Bien que ce changement ait été le plus radical que nous ayons amorcé au cours des cinq dernières années, il a été essentiel.

Toutes nos activités externes importaient peu si nous ne pouvions pas d’abord instaurer la confiance interne. Ce faire impliquait de suivre ce que les éléments de preuve continuent de démontrer comme étant important pour l’établissement des liens de confiance : renforcer la collaboration et l’implication, reconnaître et favoriser l’excellence, fournir une plus grande latitude au personnel et partager l’information[ii].

Voici ce que nous avons fait. Nous avons réduit le nombre de directions générales pour avoir une meilleure collaboration interne et pour que nous puissions créer ce que j’appelle le « joyau de la couronne » de la réorganisation, qui est la Direction générale de la promotion de la concurrence. Elle devait être notre direction générale tournée vers l’extérieur et chargée d’abattre l’enceinte isolant le Bureau de la concurrence.

Nous avons établi une nouvelle structure de gouvernance et renforcé la délégation des pouvoirs pour favoriser la prise des décisions sur le terrain. Finalement, nous avons élaboré un plan stratégique de trois ans qui a énoncé nos principes principaux, nos valeurs fondamentales et nos engagements pour les trois prochaines années dans cinq domaines clés : accroître la conformité, donner plus de pouvoir aux Canadiens, promouvoir la concurrence, collaborer avec des partenaires et favoriser l’excellence.

J’ai le sentiment d’avoir accompli plusieurs choses durant mon mandat. Mais je suis extrêmement fier de la façon dont le personnel du Bureau a collaboré pour concrétiser la restructuration. Je voudrais spécialement remercier de tout cœur l’équipe de la haute direction du Bureau parce que sans elle, rien de ceci n’aurait été possible. Son soutien a su habiliter notre équipe et rendre le Bureau plus efficace.

Les défis et les succès

Dans mon introduction, j’ai dit que j’ai appris trois grandes leçons. Voici la deuxième leçon : nous sommes définis par les défis et les succès que nous rencontrons pour y parvenir.

Ce n’est pas simplement le fait que nous avons accompli une liste de tâches. Nous l’avons fait. Mais examinons l’approche que nous avons utilisée. Elle a été énorme. Elle a permis au Bureau de reprendre son rôle de leader d’opinion, autant sur la scène nationale que la scène internationale.

Voici quelques exemples.

L’application de la loi

Tout d’abord, il y a notre approche en matière d’application de la loi.

Entre 2013 et 2017, nous avons vu une augmentation des économies pour les consommateurs estimée à 2 milliards de dollars. Elles ont résulté de la fin des activités anticoncurrentielles. En même temps, il y a eu une grosse augmentation de plus de 18 millions de dollars dans les sanctions administratives pécuniaires. Et nous avons plus que doublé le nombre d’enquêtes que nous menons à bien d’un exercice à l’autre. Ce nombre est passé de 28 en 2013 à 60 seulement au cours des trois premiers trimestres de l’année 2017.

En examinant notre nouvelle approche partagée, nous réalisons que nous avons plus que doublé notre utilisation des ententes de consentement et en avons signé plus de 60 depuis 2013. Nous avons utilisé d’autres instruments de règlement dans 115 cas. Et nous avons dédommagé les consommateurs canadiens d’une somme supérieure à 19 millions de dollars. Ces données soulignent vraiment la réussite de notre nouvelle approche.

Ce sont toutes d’importantes réalisations puisque chacune réduit la dépendance à l’égard des cours et nous permet d’utiliser des ressources de la façon la plus efficace possible. Cela signifie que les consommateurs canadiens sont bien servis. Permettez-moi de récapituler quelques-uns des cas plus particuliers.

Notre enquête sur la fixation du prix de l’essence au détail a permis jusqu’à présent à trente-trois personnes et à sept entreprises de plaider coupable ou d’être déclarées coupables, avec des amendes totalisant plus de quatre millions de dollars. C’était une première victoire totale du Bureau (Les Pétroles Global) dans une affaire de cartels depuis bien des années. L’affaire a également donné lieu à deux décisions historiques de la Cour suprême, confirmant l’immunité de témoignage de la Couronne dans un recours collectif auquel elle n’est pas partie (Thouin) et clarifiant le droit de la preuve en ce qui concerne la divulgation des preuves détenues par le Bureau dans les recours collectifs subséquents (Jacques). Les poursuites ont toujours cours dans cette affaire, puisqu’une personne attend toujours son procès.

Il y a aussi notre enquête en cours sur le truquage d’offres pour les pièces d’automobiles au Canada. Jusqu’à maintenant, nous avons eu onze plaidoyers de culpabilité et des amendes records de plus de 84 millions de dollars. Le recours à une approche d’adhésion déférente dans le règlement du dossier contre Nishikawa Rubber qui a donné lieu à une amende de 130 millions de dollars US était sans précédent. Ainsi, le Bureau et ses homologues du ministère de la Justice des États-Unis ont démontré qu’il était possible de réussir en établissant une étroite collaboration.

L’importance de tels cas ne peut être sous-estimée. Nous savons tous que les activités des cartels sont difficiles à détecter et que ces comportements anticoncurrentiels flagrants privent les consommateurs de prix compétitifs, d’un meilleur choix et d’une plus grande innovation.

Puis il y a eu la fusion Bell/Astral. Cette affaire résolue non pas dans le cadre de procédures judiciaires, mais par une combinaison de mesures structurelles et comportementales, fut l’un des premiers exemples démontrant qu’il est possible d’obtenir d’excellents résultats par la négociation. Et comme c’était le premier dossier à atterrir sur mon bureau, l’affaire a envoyé un signal important au sujet de mon approche en ma qualité de commissaire.

Une autre affaire de fusion mémorable est celle de Parkland/Pioneer. Cette cause compte plusieurs situations sans précédent. C’était la première fois dans l’histoire du Tribunal qu’une entente de consentement était négociée par la médiation, envoyant un signal fort au sujet de notre nouvelle approche en matière de conformité. C’était la première fois qu’une ordonnance d’injonction était rendue relativement à une fusion contestée. Et c’était la première fois que des effets coordonnés ont fait partie de la théorie des dommages du Bureau dans une affaire de fusion portée devant le Tribunal.

L’économie numérique et l’innovation

L’approche du Bureau pour surmonter les défis est tout aussi importante que son approche pour atteindre le succès. Voyez comme nous nous sommes attaqués à l’augmentation du nombre de cas dans les domaines de l’économie numérique et de l’innovation.

Au cours des cinq dernières années, l’application de la loi dans l’économie numérique est devenue un problème croissant. Il est presque redondant de parler d’économie numérique. C’est toute l’économie qui est maintenant numérique.

Il est essentiel d’instaurer la confiance dans le marché numérique par une application rigoureuse et fondée sur des principes, et ce, tant pour les consommateurs que pour les entreprises.

C’est pourquoi nous avons concentré nos efforts sur le développement d’une base de connaissances et d’une solide expérience en matière d’application de la loi. Nous avons lancé dès le départ un message clair selon lequel le Bureau n’avait pas peur de s’en prendre à des joueurs importants.

Le plus important d’entre eux – particulièrement en ce qui concerne le soutien à l’innovation –  a été notre cause contre le Toronto Real Estate Board (TREB). C’est une affaire que nous avons retirée des cendres en 2013.

Dans cette affaire, il a été déterminé que le TREB avait empêché ses membres d’offrir des modèles de courtage immobilier novateurs en limitant l’accès aux données. La décision historique du Tribunal, confirmée par la Cour d’appel fédérale par la suite, a souligné le lien crucial entre l’innovation et la concurrence, ainsi que le rôle du Bureau dans le maintien de ces deux approches. L’affaire, qui est maintenant en attente d’une décision de la Cour suprême sur la demande d’autorisation d’appel de TREB, est judiciarisée depuis le tout début de mon mandat au poste de commissaire. Elle souligne l’engagement indéfectible du Bureau à s’attaquer aux activités anticoncurrentielles qui entravent l’innovation et la concurrence. Si cette décision est entérinée, elle favorisera davantage l’innovation et offrira un plus grand choix aux familles canadiennes, lorsqu’elles effectueront l’une des transactions les plus importantes de leur vie.

L’enquête du Bureau sur les livres électroniques a également fourni d’importantes orientations judiciaires. La décision de la Cour fédérale de février 2018 de rejeter la demande de Kobo en ce qui touche la remise en question des ententes de consentement a permis de clarifier la portée de la contestation des règlements par des tiers dans le cadre d’une révision judiciaire. La Cour a estimé que ces contestations ne devraient être entendues que dans des « cas exceptionnels ». Qui plus est, dans une autre des nombreuses procédures relatives aux livres électroniques, le juge Gascon a suggéré que l’article 90.1 puisse s’appliquer aux activités économiques se déroulant à l’extérieur des frontières canadiennes et qui ont un effet anticoncurrentiel au Canada.

Nous nous sommes également penchés sur des dossiers liés à l’économie numérique, et plus précisément sur des pratiques commerciales trompeuses. Citons notamment l’affichage de prix partiels, la désinformation populaire et la publicité trompeuse. Ce sont de gros dossiers. Ceux-là mêmes qui ont renforcé la confiance des consommateurs dans le marché en ligne. Des dossiers qui ont démontré que le Bureau n’hésitait pas à s’attaquer à de gros joueurs ou à des questions complexes dans l’espace numérique.

L’une de nos premières incursions dans ce domaine a été notre règlement négocié avec Bell Canada pour avoir encouragé des employés à afficher des critiques et attribuer des cotes positives pour certains de ses produits en ligne.

L’affichage de prix partiels (c’est-à-dire l’ajout de frais cachés à la fin du processus de paiement, qui font augmenter considérablement le prix annoncé) a occupé une place importante dans nos récents travaux d’application de la loi. Nous avons notamment intenté une action en justice contre l’entreprise Ticketmaster et la société mère, Live Nation. Nous avons pris des mesures afin qu’elles mettent fin à la diffusion d’indications trompeuses auprès des consommateurs, lorsqu’ils annoncent les prix des billets d’événements sportifs et de spectacles.

Nous avons également conclu avec succès des ententes de consentement avec Avis, Enterprise, Budget, Hertz et Dollar Thrifty. Dans chaque cas, le Bureau a conclu que ces entreprises faisaient de la publicité fausse ou trompeuse sur les prix et les rabais offerts sur la location de voitures par l’entremise de sites Web, d’applications mobiles et de courriels.

Je sais que le Bureau continuera d’aborder ce problème qui perdure au bénéfice des consommateurs qui s’attendent à juste titre à ce que le prix qu’ils voient soit le prix qu’ils paieront.

Je sais aussi que le Bureau continuera de s’attaquer aux géants de la technologie de l’information (TI), comme nous avons réussi à le faire avec Amazon Canada, lorsque notre enquête a mis fin à des indications d’économies non corroborées. En réglant cette affaire, Amazon a corrigé ses pratiques d’affichage des prix non seulement au Canada, mais ailleurs dans le monde.

Enfin, dans nos efforts de collaboration en vue d’obtenir des résultats pour les consommateurs, nous avons participé à un recours collectif contre Volkswagen, relativement à des allégations fausses et trompeuses au sujet de la consommation de carburant, lequel a récemment été approuvé par les tribunaux et se traduira par une indemnisation importante pour les consommateurs. Je suis fier de dire que nous sommes entrés dans l’histoire grâce à notre collaboration avec les demandeurs et les défendeurs dans ce dossier.

La promotion de la concurrence

Permettez-moi de prendre un moment pour parler de la promotion de la concurrence.

Comme tout le monde dans cette salle le sait, la revitalisation de la promotion de la concurrence a été au cœur des préoccupations du Bureau au cours des cinq dernières années.

Nous l’avons revitalisée en sachant pertinemment que c’est un élément essentiel du mandat du Bureau et un outil efficace pour accroître la concurrence dans l’économie canadienne.

Comme pour nos autres travaux, nous avons commencé par établir des liens de collaboration en nous adressant aux Canadiens pour savoir quels étaient selon eux les secteurs de l’économie où le Bureau pourrait jouer un rôle dans la promotion d’une concurrence accrue.

Nous avons augmenté progressivement notre recours à divers outils de promotion de la concurrence. Premièrement, nous avons fourni des conseils qui ont éclairé l’élaboration d’un code de conduite du CRTC pour les services sans fil. Puis, afin de montrer que nous n’avions pas peur de nous attaquer à des problèmes complexes et difficiles, nous nous sommes attaqués à la question du covoiturage. Nous avons d’abord fait une présentation à la ville de Toronto, puis nous avons rédigé un livre blanc qui a guidé l’élaboration de règlements dans les municipalités à l’échelle du pays. Depuis 2013, nous avons participé à plus de 100 initiatives de promotion de la concurrence et fait 12 présentations aux organismes de réglementation.

Notre plus récente étude de marché, qui portait sur l’innovation axée sur la technologie dans le secteur des services financiers (les technologies financières), continue d’éclairer l’élaboration de politiques aux niveaux fédéral et provincial. En fait, le budget fédéral de 2018 a incorporé un certain nombre de recommandations du Bureau.

Misant sur le succès de notre promotion de la concurrence et cherchant à renforcer la confiance dans l’économie numérique, nous irons de l’avant avec deux nouvelles activités de promotion dans un avenir proche.

Je suis fier d’annoncer aujourd’hui le lancement d’une étude de marché qui examinera les habitudes des consommateurs en matière d’achat de services Internet, dans le but de mieux comprendre la dynamique concurrentielle au sein du secteur canadien des services à large bande. Nous examinerons dans cette étude s’il existe des moyens de favoriser une plus grande concurrence dans ce secteur, ce qui pourrait mener à plus de choix et à des prix plus bas pour les Canadiens.

Je sais que de nombreux membres du Barreau souhaiteront participer à cette étude. Je vous encourage fortement à communiquer avec le Bureau par le biais de l’avis d’étude de marché que nous avons affiché en ligne aujourd’hui.

Nous entreprendrons également un examen des pratiques de tarification dans l’économie numérique qui nous aidera à mieux comprendre les avantages et les risques potentiels pour les consommateurs et la concurrence découlant de ces pratiques. Étant donné que les Canadiens dépensent chaque année davantage pour leurs achats en ligne et que les nouvelles techniques de tarification numérique sont en constante évolution, cette étude visera à informer et à donner du pouvoir aux consommateurs, aux entreprises, aux décideurs et aux organismes de réglementation, tout en instaurant la confiance dans l’économie numérique. Les travaux du Bureau commenceront par une consultation publique au cours des prochaines semaines.

Je crois que notre approche visant à redynamiser la promotion de la concurrence a été utile, efficace et réussie. Elle a redonné au Bureau son rôle de chef de file au Canada et sur la scène internationale, mais notre travail est loin d’être terminé. Nous pouvons faire beaucoup plus pour lutter contre les restrictions publiques à la concurrence et pour accroître la compétitivité du Canada. J’espère que l’Association du Barreau canadien (ABC) continuera de s’engager activement et de collaborer avec le Bureau pour faire progresser ces objectifs.

L’amélioration continue

Cela m’amène à la dernière des trois grandes leçons que j’ai apprises, à savoir comment nous pouvons continuer à nous améliorer.

Je ne saurais trop insister sur le fait que nos succès des cinq dernières années sont étroitement liés au talent, au dévouement et à l’ingéniosité du personnel du Bureau. Nous continuerons dans cette voie tant et aussi longtemps que le Bureau aura de nouveaux défis à relever.

Parmi ces défis, citons le rythme effréné des changements, la numérisation croissante de l’économie mondiale, et les questions complexes d’application de la loi qui en découlent. Citons également la montée du populisme et le risque d’approches divergentes de l’application de la loi sur la concurrence dans le monde entier.

Tous ces changements sont importants et le Bureau doit être prêt à répondre à chacun d’entre eux.

Selon moi, ces changements se répartissent en quatre catégories : l’efficacité de notre organisme, les réformes législatives, l’amélioration des processus et la correction d’une approche inefficace des cartels.

L’efficacité de notre organisme

Selon moi, un des principaux obstacles à une plus grande efficacité pour le Bureau est la gouvernance ministérielle qui refroidit la voix indépendante du commissaire et l’empêche de promouvoir la concurrence. Au fil des ans, de nombreux universitaires, des groupes de réflexion, d’anciens dirigeants d’organismes, des observateurs externes et des représentants élus ont souligné les contraintes liées à la direction d’un organisme de la concurrence au sein d’un ministère de l’Industrie et les défis que cela représente pour nous.

Il existe un large consensus international selon lequel les autorités de la concurrence devraient être indépendantes du pouvoir exécutif du gouvernement. Et l’idée fait consensus au Canada également. Notre propre groupe d’étude sur les politiques en matière de concurrence a recommandé il y a dix ans la création d’un groupe d’étude canadien indépendant sur la compétitivité qui soit responsable de la promotion de la concurrence.

Ce groupe a souligné que cette fonction n’avait pas sa place au sein de la bureaucratie fédérale, car ainsi la concurrence deviendrait, et je cite, « un simple facteur parmi tant d’autres », et que la perception d’indépendance (qui est considérée comme cruciale) serait entachée du fait que cette fonction serait assumée au sein du gouvernement.

Pourquoi importe-t-il que la structure de gouvernance du Bureau ne relève pas d’un ministère et qu’il soit doté d’une voix indépendante? Je ne veux certainement pas dire que cela se traduit par une influence politique directe sur l’application de la loi, mais cela crée des tensions qui ont un impact négatif sur notre capacité à faire respecter et à défendre nos droits. Le Bureau, qui fait partie d’ISDE, est l’une des nombreuses priorités du Ministère, mais les ressources constituent un défi perpétuel, tout comme notre capacité à faire progresser les politiques. De plus, nous n’avons pas de pouvoirs légaux directs pour efficacement et librement faire la promotion de la concurrence auprès des gouvernements.

Les réformes législatives

Puis, il y a les réformes législatives. J’en ai longuement parlé dans un discours prononcé il y a deux semaines à l’Institut C.D. Howe. Des pressions considérables et croissantes sont exercées à l’échelle mondiale pour que des considérations d’intérêt public soient intégrées à l’application de la loi en matière de concurrence. À mon avis, cette approche est réactionnaire et imprudente. Quelle que soit la réforme législative apportée à la Loi sur la concurrence, il est essentiel de maintenir une norme moderne fondée sur des principes économiques pour le bien des consommateurs.

Si les préoccupations liées à des questions sociales telles que l’inégalité et le chômage sont importantes et doivent faire l’objet d’un débat, l’antitrust n’est pas l’outil approprié pour y remédier. Le droit de la concurrence est efficace dans la mesure où il est prévisible, transparent et apolitique. La prise en compte des préoccupations d’intérêt public dans le droit de la concurrence ne permet pas l’atteinte d’une efficacité maximale.

Oui, il y a un certain nombre de réformes législatives qui, à mon avis, sont essentielles pour assurer que le Bureau a la souplesse nécessaire pour relever les défis d’une économie de plus en plus numérique et mondialisée. Vous en avez probablement assez d’entendre mes inquiétudes par rapport à la défense liée aux gains en efficience. Mais une autre réforme qui mérite une attention particulière, et elle concerne les pouvoirs formels dans le cadre des études de marché.

Pour que le Bureau soit un efficace défenseur de la concurrence pour les consommateurs canadiens, il a besoin de pouvoirs officiels dans la tenue d’études de marché. Cela inclut la possibilité d’obliger la production de renseignements pour mener les études.

Le pouvoir officiel d’entamer des études de marché au Canada est inférieur aux normes internationales. Dans une étude récente de l’OCDE, 68 % des organismes chargés de faire respecter la concurrence disposaient de pouvoirs spécifiques pour entreprendre des études de marché. En fait, il y a quelques semaines à peine, la Nouvelle-Zélande a pris les premières mesures pour donner à l’autorité de la concurrence le pouvoir officiel de mener des études de marché, sans qu’il lui soit nécessaire d’identifier un comportement anticoncurrentiel spécifique. Cela inclut des pouvoirs obligatoires de collecte d’informations[iii].

Le pouvoir officiel d’entamer des études de marché permettrait au Bureau d’étudier plus rigoureusement les questions causant actuellement un préjudice économique important aux consommateurs et aux entreprises du Canada, et lui permettrait de formuler des recommandations à cet égard.

L’amélioration des processus

Pour suivre le rythme de l’évolution du marché numérique et atteindre notre objectif qui consiste à instaurer la confiance dans ce marché, nous devons accélérer les enquêtes du Bureau et les processus d’arbitrage du Tribunal.

Ces mesures pourraient prendre diverses formes, y compris l’engagement précoce envers les cibles et les parties qui fusionnent, afin de mieux cibler les questions et de favoriser un règlement rapide.

La mise en œuvre d’un processus officiel de notification pour les parties visées par certaines infractions pourrait également accélérer le règlement, tout comme l’émission de lettres sur l’état d’avancement des travaux au cours des étapes préliminaires de l’examen de fusions complexes et d’autres enquêtes. En fait, tous ces efforts permettraient d’atteindre notre objectif de réduction des délais, de transparence et d’application régulière de la loi.

Une meilleure approche de lutte contre les cartels

Pour dire les choses simplement, l’approche actuelle du Bureau en matière de cartels est inefficace.

Elle monopolise les ressources du Bureau et donne des résultats médiocres. Elle doit être examinée et corrigée en tenant compte de l’approche adoptée par un certain nombre de nos homologues internationaux, comme la Commission de la concurrence et des consommateurs d’Australie (Australian Competition and Consumer Commission – ACCC), qui ont eu recours à une approche à deux voies pour lutter contre les cartels purs et durs.  

L’adoption d’une telle approche donnerait au Bureau la souplesse et l’efficacité dont il a grandement besoin pour appliquer la loi et intenter des poursuites au civil, dans les cas où le comportement répréhensible du cartel est moins abusif. Dans un même ordre d’idées, nous devrions plus souvent recourir à des mécanismes extrajudiciaires afin de régler les litiges à l’amiable, d’accélérer le règlement des différends et de réduire l’arriéré judiciaire.

À mon avis, la révision des processus du SPPC doit également être envisagée. Il faudrait notamment que l’organisme publie des lignes directrices et modifie les exigences en matière de diligence raisonnable, de manière à accélérer les plaidoyers de culpabilité des demandeurs de clémence, et qu’il réduise le délai entre la réception d’un signet et le plaidoyer en imposant un délai ferme d’un an entre la réception et l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité.

Enfin, j’appuie fermement l’établissement d’un programme autonome de « dénonciateurs », semblable au modèle utilisé par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et certains de nos homologues internationaux, qui offrirait des récompenses financières aux dénonciateurs qui fournissent de l’information et satisfont à certaines exigences d’admissibilité. Ce serait un outil d’application extrêmement efficace pour s’attaquer aux comportements anticoncurrentiels les plus abusifs et les plus difficiles à détecter.

Conclusion

En terminant, je tiens à saluer les efforts extraordinaires déployés par l’équipe de mon Bureau pour atteindre nos objectifs au cours des cinq dernières années. Lorsque vous dirigez une organisation, vos succès ne sont jamais vraiment les vôtres, mais plutôt ceux du personnel qui est à la base de toute réussite et de toute réalisation. Le Bureau est une organisation qui regorge de personnes talentueuses, expérimentées et dévouées et, à cet égard, il est bien placé pour relever les défis qui l’attendent.

En ce qui concerne l’établissement de la confiance, j’aimerais me référer aux sages paroles de Bill Kovacic, ancien président de la Commission fédérale du commerce (FCC) et légende du droit international de la concurrence. Bill écrit : « La réputation d’une agence peut être comparée à celle d’une marque, et avoir une marque bien respectée est un atout extrêmement précieux. Le développement d’une marque forte est un processus de longue haleine qui exige une contribution soutenue de la part des dirigeants au fil du temps. » J’aimerais quitter ma carrière au Bureau de la concurrence avec l’impression que nous sommes une organisation en qui nous pouvons faire confiance au Canada, une organisation qui a régulièrement fait preuve de compétence, de bonne volonté et d’intégrité, bref, l’essence même de la confiance.

Je suis extrêmement fier de ce que nous avons accompli ensemble au cours de mes trente-cinq années au Bureau, parce qu’en fin de compte, nous avons travaillé pour maintenir et promouvoir : la confiance que les institutions privées – vos clients – feront ce qu’il faut pour les consommateurs, et la confiance que les institutions publiques – comme le Bureau – défendront la concurrence au profit des Canadiens.

J’espère sincèrement que vous et le Bureau continuerez à travailler ensemble pour continuer à renforcer la lutte antitrust avec confiance.

Merci.

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