Face à la rivière qui se divise : faire les bons choix pour la population canadienne
Discours
Notes d’allocution de Matthew Boswell, commissaire de la concurrence
Conférence d’automne de l’Association du Barreau canadien sur le droit de la concurrence
Ottawa (Ontario)
Le 26 octobre 2023
(Le discours prononcé fait foi)
Bonjour à tous. Je suis ravi d’être ici aujourd’hui.
Je voudrais commencer par rappeler que nous sommes réunis ici sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinaabeg.
De plus, à moins de dix minutes de marche, se trouve la chute des Chaudières, qui est depuis longtemps un lieu de rassemblement traditionnel sur la rivière des Outaouais. Il s’agit d’un endroit où (si l’on prend un peu de recul) trois rivières se rejoignent ꟷ l’Outaouais, la Rideau et la Gatineau.
Je mentionne ces points d’intérêts locaux parce qu’ils ont un lien avec mon discours d’aujourd’hui.
Sur le vaste territoire canadien, les rivières sont les anciennes autoroutes qui ont transporté des gens, des marchandises et des idées. Elles ont été le premier moteur de la prospérité, bien avant que le Canada n’existe, lorsque l’emblématique canot était le principal mode de déplacement, de transport et de commerce. Mais naviguer sur une rivière, ce n’est pas seulement se laisser porter par le courant ꟷ comme nous l’enseignent la sagesse et l’expérience des premiers habitants de ces terres : les rivières nous obligent à faire des choix.
Il y aura bientôt cinq ans que j’ai entamé mon mandat à titre de commissaire de la concurrence. Au cours de cette période, le Bureau a dû faire de nombreux choix. S’adapter à une économie numérique qui évolue rapidement. Faire preuve de prudence face à une pandémie mondiale. Répondre avec sagesse à une inflation record. Et faire preuve de réflexion dans notre réponse à de nouveaux défis sophistiqués : y compris l’arrivée perturbatrice de l’IA et de l’apprentissage automatique.
Au cours de cette période, le gouvernement du Canada a également fait des choix importants. Investir davantage de fonds dans le Bureau de la concurrence. Entreprendre un examen historique du droit de la concurrence au Canada. Et prendre des mesures importantes pour donner la priorité à la concurrence dans notre économie. Tout cela s’est déroulé alors que les questions de concurrence n’ont jamais suscité autant d’intérêt dans notre pays. Je reviendrai sur ce point dans un instant.
Nous voulons tous une plus grande prospérité dans un libre marché. Aujourd’hui, la question qui est sur toutes les lèvres – citoyens, universitaires, journalistes et parlementaires – est la suivante : « Quelle est la bonne façon de tirer pleinement parti de la concurrence pour y parvenir? »
Nous sommes à la croisée des chemins. Et pour reprendre l’analogie que j’ai introduite précédemment, il s’agit d’une rivière qui coule à flots et qui se divise devant nous.
Naviguer sur les rivières peut s’avérer délicat. Parfois, il faut choisir d’affronter des rapides pour contourner des obstacles encore plus difficiles. Comment se douter, par exemple, qu’un simple choix – gauche ou droite – sur la petite rivière Divide Creek en Colombie-Britannique vous mènera soit au Pacifique, soit à l’océan Arctique? Parfois, une bifurcation soudaine se résout rapidement en un confluent. Mais dans d’autres cas, le choix d’un côté plutôt qu’un autre peut avoir d’énormes conséquences. Surtout lorsque l’avenir est incertain.
Examiner nos performances en matière de concurrence
En tant que commissaire de la concurrence du Canada, je suis ici aujourd’hui pour plaider en faveur des bons choix sur la voie d’une plus grande prospérité. Aujourd’hui, nous pagayons tous dans la bonne direction avec ardeur. Nous pensons tous à la concurrence dans notre économie. Mais qu’est-ce qui nous attend plus loin?
Pour le savoir, nous devons consulter nos cartes et notre boussole, guidés par la conviction inébranlable qu’une économie de marché est une affaire d’occasions et de franc jeu. Ce sont les deux moitiés de la sphère de la concurrence. L’une consiste à célébrer et à récompenser la créativité et l’innovation. L’autre consiste à protéger le processus concurrentiel et les avantages qu’il génère pour les consommateurs, les entreprises et notre économie.
Heureusement, le courant nous porte déjà vers l’avant. Nous avons accueilli favorablement les modifications apportées à la Loi sur la concurrence l’année dernière, le Parlement en examine actuellement d’autres et d’autres changements se profilent à l’horizon.
Il ne faut cependant pas s’y tromper. Ces nouveaux efforts importants interviennent après une longue période au cours de laquelle, très franchement, pas assez d’efforts ont été faits pour valoriser et nourrir la concurrence au Canada. Nous devons être honnêtes à ce sujet, afin de bien comprendre les choix que nous devons faire en tant que pays à l’avenir.
Comme je l’ai mentionné précédemment, la concurrence est un sujet important pour les Canadiens et Canadiennes en ce moment. Un certain nombre d’enquêtes réalisées au cours des deux dernières années montrent que les citoyens souhaitent davantage de concurrence et de meilleurs choix sur le marché. L’un de ces sondages [en anglais seulement] a révélé que 88 % des personnes interrogées disent que nous avons besoin de plus de concurrence parce que – selon eux – « il est trop facile pour les grandes entreprises de profiter des Canadiens ». Un autre sondage [en anglais seulement] a montré que 92 % d’entre nous pensent que la forte concentration du marché fait augmenter les prix que nous payons dans de nombreux secteurs. Il s’agit là d’un véritable consensus dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada.
Ces sondages nous indiquent qu’un nombre écrasant de personnes se sentent aujourd’hui lésées par le niveau de concurrence. Mais les faits correspondent-ils à ces sentiments? Nous avons décidé de le découvrir.
Le Bureau s’est attelé à la tâche ambitieuse d’examiner les données et de mesurer les performances globales de notre pays en matière de concurrence sur le long terme. Nous avons procédé à une analyse approfondie des données de Statistique Canada, en suivant l’évolution de l’intensité concurrentielle dans l’économie canadienne entre 2000 et 2020. Il s’agit essentiellement de l’activité économique d’une génération.
L’intensité concurrentielle décrit la vigueur avec laquelle les entreprises estiment devoir travailler pour prendre l’avantage sur leurs rivaux. C’est à partir de cette mesure que cet important projet de recherche – le premier du genre au Canada – a été réalisé avec l’aide de Matthew Osborne, professeur à l’Université de Toronto, et de son équipe de recherche.
La semaine dernière, nous avons publié notre rapport. Je vais maintenant passer en revue nos principales conclusions.
Je commencerai par la réponse limpide à notre question initiale. Oui, l’intensité concurrentielle du Canada a bel et bien diminué au cours de la dernière génération. Cela signifie que les consommateurs et les entreprises ont moins bénéficié des avantages que l’on retrouverait dans un marché plus concurrentiel : des prix plus bas, de meilleurs produits et services, plus de choix et une stimulation de l’innovation et de la productivité. Voici ce qu’il faut retenir.
Tout d’abord, la concentration a augmenté dans les industries les plus concentrées et le nombre d’industries fortement concentrées a augmenté. Cet indicateur nous renseigne sur la taille relative des entreprises dans une industrie donnée. Le résultat est préoccupant.
Deuxièmement, les grandes entreprises font face à une concurrence amoindrie. Sur ce point, nous avons regardé au-delà de la concentration, car celle-ci ne nous dit pas si les entreprises restent les plus importantes de leur industrie. Nous avons donc examiné la stabilité du classement. Il s’agit de savoir combien d’entreprises parmi les plus importantes d’une industrie ont conservé leur position au fil du temps. Nous avons constaté que la stabilité du classement a augmenté au cours de la période examinée. Les entreprises les plus importantes sont donc moins susceptibles d’être défiées dans leur position.
Troisièmement, moins d’entreprises sont entrées dans les industries. La concurrence suppose que de nouvelles entreprises entrent sur le marché pour défier les anciennes, en offrant une plus grande valeur et un plus grand choix. Cela ne se produit pas autant qu’il le faudrait. Au lieu de cela, nous avons constaté une baisse des taux d’entrée dans les différentes industries. Cela signifie que ces industries sont devenues moins dynamiques au fil du temps.
Enfin, les profits et les marges ont augmenté. Le fait que les entreprises maintiennent régulièrement des prix bas est un bon baromètre d’une concurrence saine. Là encore, les choses ne se passent pas comme elles le devraient. Au lieu de cela, les profits et les marges ont augmenté… et cela était particulièrement vrai dans les industries où les profits et les marges étaient déjà plus élevés que dans d’autres industries. Un autre indicateur troublant qui montre que l’intensité concurrentielle au Canada est en déclin.
Je m’arrêterai ici pour dire – comme nous le faisons dans le rapport – que nos conclusions ont utilisé des données organisées par activité commerciale dans le cadre du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN). La classification des industries selon le SCIAN diffère des pratiques habituelles d’analyse et d’application de la loi dans le domaine du droit de la concurrence.
Nous ne définissons pas les marchés antitrust de produits et les marchés géographiques pour chaque industrie au Canada, car ce serait un exercice impossible. Pour emprunter une analogie cartographique, nous n’essayons pas ici d’avoir une vue au niveau de la rue de toutes les avenues de l’économie canadienne, qui totalise plus de 2 000 milliards de dollars. Mais ce que nous faisons, c’est mieux comprendre le paysage de ce marché qui se trouve sous nos pieds collectifs.
Nous avons confiance en nos résultats, car nous nous sommes appuyés sur des données très représentatives de l’économie canadienne. Nous avons pris en compte de multiples indicateurs de concurrence. Et franchement, parce que c’est notre travail de pouvoir tirer des conclusions précises sur la concurrence à partir des données disponibles, et de faire des recommandations dans l’intérêt de bonnes politiques publiques pour renforcer la concurrence.
Je le répète donc : les faits nous indiquent qu’au cours de la dernière génération, l’intensité concurrentielle a diminué au Canada. Cette réalité n’éclaire pas seulement notre travail au Bureau de la concurrence, en tant qu’organisme indépendant chargé de l’application de la loi. Elle apporte également une contribution précieuse à une conversation beaucoup plus large que nous devons tous continuer à avoir au sujet de la productivité et de la performance économique du Canada.
Faire les bons choix
Revenons à l’analogie : La rivière se sépare devant nous. Et le courant est fort.
Nous savons que la concurrence encourage les entreprises à innover et à investir dans de nouveaux produits et processus afin d’acquérir un avantage concurrentiel sur leurs rivaux. Elle stimule la croissance. Elle stimule notre niveau de vie. Et elle incite les entreprises à être plus compétitives à l’étranger.
C’est pourquoi l’intensité concurrentielle de notre économie est importante pour toute la population canadienne. Non seulement nous bénéficions d’une concurrence accrue sous la forme de prix plus bas et d’un choix plus large, mais nous profitons tous de la prospérité accrue qu’engendre une économie plus compétitive.
Nous voici donc, pagaies en main, prêts à continuer à naviguer sur cette rivière. Équipés de la bonne carte. Guidés par les bonnes valeurs. Nous sommes collectivement d’accord sur l’objectif que nous voulons atteindre. Que se passe-t-il maintenant?
Choisir judicieusement signifie ici utiliser pleinement notre compréhension éclairée du paysage dont j’ai parlé. Cela signifie reconnaître les liens entre la concurrence et l’innovation, d’une part, et notre richesse et notre prospérité collectives, d’autre part. Et cela signifie prendre des mesures efficaces dans l’intérêt de tout le pays.
Alors, comment pouvons-nous inverser la tendance en matière d’intensité concurrentielle dans notre pays? Il existe trois moyens fondamentaux. Premièrement, à l’aide d’une Loi sur la concurrence forte et modernisée, qui vise à maintenir et à encourager la concurrence au Canada. Deuxièmement, grâce à un Bureau de la concurrence doté des ressources, des compétences, des talents et des priorités nécessaires pour protéger et promouvoir la concurrence. Et troisièmement, par une approche pangouvernementale, à tous les paliers de gouvernement, qui garantit que nos politiques publiques soutiennent la concurrence au lieu de l’entraver.
Réformer les lois régissant la concurrence au Canada
En ce qui concerne le premier point, nous pouvons tous avoir une confiance renouvelée dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le travail continu des parlementaires contribue grandement à corriger notre trajectoire. Nous devons tous être davantage encouragés à maintenir ce cap et à continuer à donner la priorité à la concurrence dans notre économie.
La Loi sur la concurrence est, en quelque sorte, notre fidèle canot qui nous permet de franchir toutes sortes de conditions sur la voie d’une plus grande concurrence dans une économie alimentée par les occasions et le franc jeu. Prenons un moment pour examiner de plus près comment les progrès très importants réalisés pour moderniser nos lois régissant la concurrence vont nous aider tous.
Nous construisons essentiellement un canot meilleur et plus solide. Fabriqué avec des matériaux modernes, il est capable de naviguer habilement non seulement dans les eaux d’aujourd’hui, mais aussi dans celles de demain. En février 2022, le gouvernement du Canada a annoncé son intention d’entreprendre une révision de la Loi sur la concurrence. Depuis, un certain nombre de modifications ciblées ont déjà été apportées à la Loi. Celles-ci ont reçu la sanction royale l’année dernière. Ensuite, une vaste consultation publique a vu la participation d’un grand nombre de parties prenantes. Cette consultation a débouché sur la publication d’un rapport complet intitulé « Ce que nous avons entendu ».
À la suite de cette consultation, nous avons assisté à l’introduction d’une première série de modifications législatives proposées à la Loi sur la concurrence sous la forme du projet de loi C-56. Parmi plusieurs changements importants, ce projet, s’il était adopté, abrogerait la défense des gains en efficience et donnerait au Bureau la possibilité de demander des ordonnances judiciaires pour obtenir des informations au cours de ses études de marché.
Pour nous, juristes, c’est énorme. Ces développements nous maintiennent sur la bonne voie en commençant à moderniser les lois canadiennes sur la concurrence. Ils contribuent à donner au Bureau des outils plus efficaces et l’autorité nécessaire pour mieux protéger et promouvoir la concurrence dans ce pays. Enfin, ils montrent que les parlementaires accordent une priorité au rôle de la concurrence dans notre économie, comme cela n’avait pas été le cas depuis des décennies.
Le point de vue du Bureau au sujet de la réforme législative n’est pas un secret. Sous ma direction, nous avons fait preuve de transparence, d’exhaustivité et de franchise dans notre mémoire présenté dans le cadre de la consultation du gouvernement. Nous avons formulé plus de cinquante recommandations visant à moderniser nos lois.
Nous ne sommes pas les seuls à nous préoccuper de cette question. Dans toutes les rues du pays, dans les files d’attente des épiceries, dans les stations-service et autour des tables de cuisine, on s’entend pour dire que les choses doivent changer si l’on veut vraiment que l’économie valorise la concurrence.
Regardez ce qu’a dit le comité éditorial du Globe and Mail dans un article récent intitulé : A new era of competition law dawns in Canada - finally (Une nouvelle ère de droit de la concurrence s’ouvre au Canada – enfin) [en anglais seulement]. Notons l’accent mis sur « enfin ». Dans ce texte, le comité éditorial écrit que le défi consiste maintenant à faire en sorte que cet élan débouche sur un nouveau cadre juridique qui incarne une vision plus moderne de la meilleure façon de promouvoir la croissance et la productivité.
Nous sommes impatients de poursuivre sur la voie tracée par le Parlement, qui examine d’importantes réformes législatives pour aujourd’hui et pour le futur.
Obtenir des résultats pour toute la population canadienne
Cela m’amène au deuxième besoin fondamental : une autorité de la concurrence prête et bien équipée pour naviguer sur la rivière, peu importe les conditions.
Bien sûr, la réforme législative est essentielle à la promotion et à la protection de la concurrence au Canada. Mais le Bureau de la concurrence doit également être en mesure d’assurer et de contrôler l’application de la loi. Je peux vous garantir que nous sommes prêts.
Pour assurer le respect de la loi, nous reconnaissons l’importance de fournir de bonnes orientations, une pensée claire et une prévisibilité dans tous les aspects de notre travail. Comme toujours, nous étudierons attentivement l’incidence de toute modification de la Loi sur la concurrence sur notre approche en matière d’application de la loi. Nous mettrons à jour notre approche et nos orientations afin qu’elles soient pleinement conformes aux nouvelles lois et à l’intention du Parlement.
Grâce à l’augmentation budgétaire considérable accordée par le gouvernement du Canada en 2021, nous élargissons et renforçons notre équipe. Nous recrutons des personnes d’horizons divers pour nous assurer que nous possédons les compétences nécessaires à l’économie d’aujourd’hui. Nous continuons également à renforcer notre capacité d’enquête et de contentieux afin de prendre des mesures d’application de la loi opportunes et fondées sur des preuves – y compris la demande d’injonctions – tant sur le marché traditionnel que sur le marché numérique.
Nous serons encore plus délibérés et réfléchis dans notre travail. Cela signifie que nous continuerons à nous demander « Quel est le risque de ne pas agir? ». Nous continuerons à appliquer vigoureusement la loi et à prendre des décisions fondées sur des principes et des éléments concrets, dans le but de protéger l’intérêt public en matière de concurrence.
Se préparer à l’avenir, c’est aussi bien s’équiper pour les défis immédiats que nous pouvons déjà voir, que se positionner pour faire face à des conséquences que nous ne pouvons pas encore prévoir.
En ce qui concerne les questions émergentes, nous voyons clairement de quelle manière les pratiques commerciales évoluent. Nous sommes attentifs aux risques des acquisitions rampantes ou en série – y compris les stratégies d’acquisitions en série de sociétés fermées – et aux dommages qu’elles peuvent causer à la concurrence. Nous continuerons également à examiner de près les comportements des plateformes « gardiennes des accès » et nous prendrons les mesures qui s’imposent si ces comportements nuisent à la concurrence.
En ce qui concerne les pratiques commerciales trompeuses, nous restons vigilants et prêts à agir. Cela inclut notre travail continu sur la lutte contre l’écoblanchiment, ainsi que la poursuite des entreprises qui continuent à pratiquer l’indication de prix partiel.
Nos efforts pour protéger le portefeuille des consommateurs ne s’arrêtent pas là. Nous avons tous constaté l’utilisation accrue d’indices d’urgence dans les indications commerciales, tels que les comptes à rebours, les « offres à durée limitée » ou les avertissements de stocks limités. Ces indications doivent être véridiques. Sinon, elles peuvent donner l’impression fausse ou trompeuse que les consommateurs doivent acheter un produit rapidement, avant la fin d’une promotion ou avant que tous les articles soient vendus. Alors qu’en réalité, la promotion est rapidement renouvelée ou remplacée par une autre, et qu’il reste encore beaucoup d’articles disponibles. Dans le cadre de notre récent règlement avec The Dufresne Group et ses affiliées, la société a payé une sanction de 3,25 millions de dollars pour répondre à nos préoccupations concernant ses pratiques commerciales au Canada, qui incluaient l’utilisation de comptes à rebours et d’autres indices d’urgence trompeurs.
Sur le thème de l’application de la loi, vous noterez également en consultant un certain nombre de nos récentes annonces que nous continuons à sévir contre tous les types de comportements collusoires criminels, de la fixation des prix au truquage des offres, en passant par l’attribution de territoires. Il s’agira toujours d’une priorité absolue pour le Bureau.
Plus tôt, j’ai mentionné comment l’avenir peut parfois nous réserver des surprises. Nous devons donc suivre le rythme des pratiques et des technologies émergentes, en particulier l’application croissante de l’IA et de l’apprentissage automatique dans la vie quotidienne. Des questions importantes doivent être posées sur l’enracinement des acteurs dominants qui contrôlent les intrants essentiels qui alimentent l’IA. Il y a aussi le risque très réel posé par des fusions anticoncurrentielles ou une utilisation délibérément contraire à l’éthique de ces outils avancés pour tromper les consommateurs.
Notre Direction générale de l’application numérique de la loi et du renseignement, nouvellement créée, est au cœur de notre travail visant à mieux équiper le Bureau pour les défis et les complexités de l’ère numérique.
Cette nouvelle direction générale a été créée pour apporter de nouvelles expertises au Bureau, notamment celles d'experts en sciences des données et de technologues spécialisés dans les outils et technologies en émergence. L’un des objectifs de la création de cette Direction générale est de disposer d’experts internes qui comprennent comment les entreprises utilisent les données et la technologie aujourd’hui. Ils aideront également le Bureau à exploiter les données et les technologies afin que nos enquêtes couvrent plus de terrain en moins de temps.
À cette fin, la Direction générale contribue à approfondir notre compréhension des questions de concurrence autour de l’IA.
Nous sommes en contact avec des experts et nous apprenons rapidement beaucoup de choses. Bientôt, nous publierons un document de discussion en vue d’une consultation publique. Ce travail et les réactions que nous recevrons continueront à affiner notre réflexion.
Les partenariats sont également essentiels. En juin dernier, le Bureau s’est associé au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes pour créer le Forum canadien des organismes de réglementation numérique.
D’une manière générale, les technologies émergentes présentent de nouvelles possibilités et de nouveaux défis au Bureau de la concurrence. Notre ouverture d’esprit se traduira par l’acquisition rapide d’une nouvelle expertise là où ça compte. Nous pourrons ainsi continuer à améliorer la manière dont nous accomplissons notre mandat, en particulier lorsque nous sommes confrontés à de nouvelles questions de concurrence.
Une approche pangouvernementale en matière de concurrence
Bien sûr, il ne suffira pas de moderniser nos lois sur la concurrence et de mieux outiller notre autorité fédérale chargée de l’application de la loi. Cela m’amène donc à la troisième façon fondamentale de renverser la vapeur en matière de concurrence au Canada. Pour apporter des changements vraiment significatifs, nous avons besoin d’une approche pangouvernementale de promotion de la concurrence. Des réflexions cloisonnées et des structures rigides ne résoudront pas le problème. Ce qui le résoudra, c’est que les autorités municipales, provinciales, territoriales et fédérales partent toutes du même principe : nous construisons tous une économie meilleure et plus forte lorsque les politiques gouvernementales sont conçues pour favoriser la concurrence, et non pour la restreindre. Nous pouvons y parvenir si nous le voulons. Si nous continuons à faire de la concurrence une priorité.
La politique gouvernementale influe sur la compétitivité des entreprises au Canada. Elle influence directement le niveau d’intensité concurrentielle dans l’ensemble de l’économie. L’exploration de ce fait était le thème du Sommet canadien de la concurrence, que le Bureau a organisé il y a quelques semaines. Nous y avons entendu des leaders d’opinion issus du monde des affaires, du milieu universitaire, de groupes de réflexion et d’autres gouvernements.
L’une des principales conclusions de notre Sommet est que le Canada doit saisir les occasions de réforme réglementaire en faveur de la concurrence. Il ne faudrait pas les laisser passer. Nous avons entendu parler de l’impact que des politiques gouvernementales de longue date peuvent avoir sur la concurrence – pensons aux restrictions à la propriété étrangère, à la gestion de l’offre et, bien sûr, aux entraves au commerce interprovincial. Nous avons également entendu parler du vaste potentiel et de la nécessité d’accélérer la mise en place de cadres pour un système bancaire ouvert et la portabilité des données afin de débloquer la concurrence dans une économie axée sur les données. Nous devons intégrer les principes de concurrence dans le processus décisionnel des gouvernements.
J’ai déjà parlé de la façon dont, dans les années 1990, l’Australie a relevé un ensemble de défis similaires à ceux auxquels le Canada est confronté aujourd’hui. J’y reviens souvent, car c’est un excellent modèle à bien des égards. Il enseigne comment procéder à une analyse rigoureuse des données, comment examiner attentivement les résultats et comment formuler des recommandations qui se traduisent par une concurrence significative, durable et positive pour l’économie du pays et ses citoyens.
Les choix judicieux qu’ils ont faits alors que la rivière se séparait devant eux ont permis aux ménages australiens de faire des gains de plusieurs milliers de dollars… même encore aujourd’hui. Il y a 30 ans, l’Australie a commencé des réformes pangouvernementales de sa politique de la concurrence. Aujourd’hui, ces réformes sont reconnues comme les plus importantes et les plus réussies de l’histoire de ce pays.
Cette reconnaissance s’est cristallisée dans une étude de 2005 sur l’impact de ces réformes antérieures. Dans son rapport, la Commission de la productivité [en anglais seulement] du gouvernement australien a identifié une augmentation permanente de 2,5 % du PIB du pays à la suite de la réforme de la concurrence. Aujourd’hui, cela représenterait près de 5 000 dollars par ménage. Selon le rapport, il s’agissait d’une estimation prudente, car elle ne tenait pas compte des gains d’efficience dynamique liés à des marchés plus concurrentiels.
Ce que je veux dire, c’est que nous avons tout autant à gagner ici au Canada. Aujourd’hui, nous devons choisir la meilleure façon de stimuler considérablement notre économie et d’accroître la richesse des ménages. Les enjeux sont énormes. Mais les occasions qui s’offrent à nous le sont tout autant.
Nous devons maintenir le cap
Alors que nous continuons à descendre la rivière, nous devons maintenir le cap.
Certains d’entre vous se souviennent peut-être de la première fois que je me suis entretenu avec vous, en mai 2019, après avoir été nommé commissaire. À l’époque, j’avais exposé ma vision de l’organisation et j’avais envisagé les défis que le Bureau devait relever pour aller de l’avant. J’avais évoqué l’inévitabilité des succès et des échecs en cours de route, mais aussi la certitude du changement.
En repensant au chemin que nous avons parcouru ensemble depuis lors, je suis incroyablement fier de l’équipe du Bureau de la concurrence et de tout ce que nous avons accompli ensemble. Jour après jour, l’incroyable équipe du Bureau a fait preuve d’un dévouement et d’un professionnalisme inébranlables dans ses efforts pour protéger et promouvoir la concurrence pour l’ensemble du Canada.
Alors que les parlementaires, les décideurs politiques et les citoyens continuent de donner la priorité à l’importance de la concurrence dans notre économie, je suis très optimiste quant à la direction que nous prenons. Les corrections de trajectoire que nous avons observées sur le front législatif nous ont enhardis et revigorés. Au sein du Bureau, nos investissements dans le personnel, les compétences et les outils nous permettent d’obtenir des résultats plus nombreux et de meilleure qualité pour les Canadiens et Canadiennes.
La rivière se sépare devant nous et nous sommes confrontés à des choix importants. Mais aujourd’hui, nous sommes aussi mieux équipés que jamais pour faire les bons choix, pour rendre notre économie plus forte et plus compétitive, pour le bénéfice durable de toute la population canadienne.
Je vous remercie de m’avoir invité à m’entretenir avec vous aujourd’hui et à échanger des idées sur la manière dont nous pouvons poursuivre nos efforts de manière constructive et voir la concurrence prospérer au Canada… ensemble.
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