Rumina Velshi, présidente et première dirigeante, Commission canadienne de sûreté nucléaire. Discours prononcé à la : 5e Conférence canadienne sur la gestion des déchets nucléaires, le déclassement et la réhabilitation de l’environnement

Discours

– Le texte prononcé fait foi –

INTRODUCTION

Merci beaucoup, et bon après-midi tout le monde.

Je suis heureuse d’avoir l’occasion de me joindre à vous aujourd’hui – et j’attends avec grand intérêt la table ronde à laquelle nous assisterons dans peu de temps avec Kim et Terry.

Avant de commencer, je tiens à souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel des Hatiwendaronk (Hat-i-wen-DA-ronk), des Haudenosaunee (Ho-den-no-CHO-ni), des Anishinaabe (Ah-nish-ih-NAH-bé), et de la Première Nation des Mississaugas de Credit.

En toile de fond, les magnifiques chutes Niagara sont un puissant rappel de l’importance de l’eau pour les peuples autochtones, pour lesquels elle est sacrée et dont on pense qu’elle abrite un esprit.

Ceux d’entre nous qui choisissent de travailler dans le secteur nucléaire sont responsables du maintien d’un équilibre crucial :

d’une part, l’exploitation sûre et fiable des installations nucléaires – pour le plus grand bien de nos villes, de notre pays, et de notre monde, en particulier à l’ère des changements climatiques;

d’autre part, l’élaboration et la mise en œuvre de solutions sûres, responsables et efficaces pour la gestion des déchets radioactifs et le déclassement des installations.

Nous ne devons jamais perdre de vue ces deux impératifs.

Nous devons toujours nous efforcer de progresser sur les deux fronts : rendre les installations meilleures et plus efficaces pour la production d’énergie, et rendre les méthodes et les processus meilleurs et plus efficaces pour la gestion des déchets et des installations vieillissantes.

Dans cette optique, prenons un moment pour comprendre où nous en sommes aujourd’hui.

LES DÉCHETS RADIOACTIFS SONT GÉRÉS EFFICACEMENT

L’automne dernier, le Bureau du vérificateur général – qui surveille le rendement du gouvernement – a publié son rapport sur la gestion des déchets nucléaires de faible et moyenne activité au Canada.

Ceux-ci représentent 99,5 % des déchets radioactifs produits au Canada.

Le vérificateur général a conclu que la CCSN et d’autres organismes ont fait du bon travail pour gérer les déchets nucléaires du Canada, et que notre travail respecte les principales normes internationales visant à protéger l’environnement et les générations actuelles et futures.

Pour les personnes qui ne sont peut-être pas familières avec le travail du vérificateur général, disons simplement que le Bureau accorde rarement les notes les plus élevées.

Ce rapport est donc une évaluation motivante et encourageante d’où nous en sommes aujourd’hui et de notre rendement au cours des dernières années.

Cela dit, les personnes parmi nous qui occupent un rôle de responsabilité dans ce secteur savent que les commentaires positifs ne doivent jamais être interprétés comme une invitation à se reposer sur nos lauriers.

Nous devons toujours rester concentrés sur l’amélioration continue – toujours chercher à nous améliorer dans ce que nous faisons, toujours chercher des pratiques nouvelles et meilleures, et toujours explorer de nouvelles avenues en matière de progrès et d’innovation.

Et en effet, notre travail se poursuit. La Politique en matière de gestion des déchets radioactifs et de déclassement a été mise à jour par Ressources naturelles Canada en mars dernier. Cela aidera le Canada suivre le rythme de l’évolution des points de vue, des pratiques et des technologies.

Pas plus tard que le mois dernier, la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) a soumis au ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, pour son examen, des recommandations relatives à une stratégie intégrée pour les déchets radioactifs.

L’accent a été mis sur l’établissement de principes clés pour aider à combler toute faille dans les plans de stockage à long terme des déchets de faible et de moyenne activité, et des déchets de haute activité hors combustible.

Il s’agit, évidemment, d’une initiative très importante. Et je suis fière du rôle que joue la CCSN dans la gestion efficace des déchets radioactifs.

UNE COMMUNICATION EFFICACE FAVORISE LA CONFIANCE

Mais je veux aussi prendre le temps aujourd’hui de souligner que, si l’établissement de protocoles essentiels à une gestion sûre et responsable est une chose,…

…leur communication efficace à la population canadienne en est une autre.

Et j’espère que nous serons tous d’accord pour dire qu’il reste encore beaucoup à faire dans la manière dont nous communiquons notre rôle, nos actions et nos réussites à la population canadienne.

Lorsque nous nous arrêtons pour réfléchir à l’avenir du secteur nucléaire, nous constatons, plus que jamais, que la mobilisation et l’acceptation des communautés seront essentielles à la réussite des projets proposés.

Ce type de mobilisation et d’acceptation ne sera jamais possible sans l’instauration d’un climat de confiance.

Et la confiance repose sur une communication ouverte, honnête et franche.

En d’autres termes, il est essentiel pour l’avenir du secteur nucléaire d’instaurer un climat de confiance.

La confiance doit se mériter.

L’instauration d’un dialogue authentique est le meilleur moyen à la fois de comprendre les préoccupations des citoyens et des communautés, et de communiquer les raisons pour lesquelles les projets sont sûrs, bien réglementés et bien exploités.

Il ne nous suffit pas de simplement écouter. Il nous faut tenir réellement compte de ce que les gens ont à dire.

Nous ne pouvons pas écarter ou ignorer les craintes et les préoccupations entourant la gestion des déchets radioactifs.

Nous devons reconnaître les risques qui existent et explorer l’éventail complet des options, tout en faisant valoir les arguments fondés sur des données probantes concernant le stockage sûr, et notre bilan de rendement exceptionnel.

C’est ainsi que nous bâtirons une compréhension à long terme.

C’est ainsi que nous ferons entendre, dans le monde de la réglementation, des voix dignes de confiance qui seront à même de communiquer efficacement avec la population canadienne, même en cas de problème.

Dans l’intervalle, les promoteurs et les exploitants doivent gagner la confiance des communautés d’accueil en leur démontrant qu’ils sont compétents et toujours engagés envers la sûreté.

 

LA RÉCONCILIATION DOIT ÊTRE UN ENGAGEMENT MUTUEL

Nulle part ailleurs ce besoin n’est plus important qu’auprès des Nations et communautés autochtones du Canada.

La mobilisation est importante, mais elle ne suffit pas.

Les communautés autochtones doivent être des partenaires dans le processus qui régit tout projet susceptible de les toucher.

C’est la voie des relations significatives à long terme.

Et ces relations seront essentielles pour obtenir l’acceptabilité sociale requise pour la poursuite de projets nucléaires d’importance.

Certaines Nations et communautés autochtones ont clairement fait savoir que leur soutien à l’égard des projets nucléaires à venir – grands ou petits – ne serait possible que lorsqu’une solution acceptable, à long terme, aura été trouvée et approuvée pour la gestion des déchets radioactifs actuels et futurs.

Nous devons entreprendre ce processus de bonne foi.

Notre objectif doit être de veiller à ce que les Nations et communautés autochtones aient confiance en notre engagement envers la sûreté, la protection de la terre et de l’eau, et la durabilité pour l’avenir.

Beaucoup d’entre nous, ici aujourd’hui, se rappelleront le sort du projet de dépôt géologique en profondeur (DGP) proposé par Ontario Power Generation pour le complexe nucléaire de Bruce, à Kincardine.

Ce processus d’une durée exceptionnelle – plus de dix ans de planification – s’est soldé par le rejet du projet par les membres des communautés autochtones concernées.

Certains ont interprété cela comme un signe que la plupart des Nations et communautés autochtones rejetteraient instinctivement et à jamais toute proposition portant sur les déchets radioactifs. Je ne vois pas les choses de cette façon.

Je considère plutôt cette expérience comme un portrait de tout ce qui a changé, et comme une preuve de l’importance d’instaurer un climat de confiance dès le début du processus.

En tant que gardiens de leurs terres, les Autochtones sont aussi motivés que quiconque dans ce pays – et peut-être plus encore – par la nécessité de prendre des mesures afin de réduire notre empreinte carbone pour l’avenir.

Ils reconnaissent que l’énergie nucléaire peut aider le Canada à atteindre ses objectifs de carboneutralité.

Mais, et à juste titre, ils souhaitent être mobilisés et consultés en tant que réels partenaires.

La véritable réconciliation avec les peuples autochtones ne se fera pas du jour au lendemain.

Durant mon mandat à titre de présidente de la CCSN, j’ai saisi chaque occasion de faire en sorte que notre organisation apporte sa contribution, certes modeste, mais essentielle, dans ce parcours.

En ce qui a trait aux questions et à la surveillance en matière de réglementation, nous avons mis l’accent sur le développement d’une consultation, d’une collaboration et d’un partenariat significatif avec les Nations et communautés autochtones. En termes simples : nous voulons faire les choses correctement. Nous voulons jouer un rôle progressiste dans la réconciliation.

Le processus « En savoir plus » de la SGDN portant sur un DGP en est un bon exemple.

La CCSN s’est fait un devoir de dialoguer avec les communautés d’accueil potentielles pour s’assurer qu’elles sont bien informées sur notre rôle et sur la surveillance réglementaire des déchets radioactifs en général.

Des relations se sont construites au fil des années.

De nombreuses questions ont trouvé leurs réponses, et de nombreuses connaissances ont été mises en commun.

Nous avons aussi utilisé notre Programme de financement des participants pour aider les Nations et communautés autochtones à participer de façon plus approfondie et plus nuancée.

Et grâce au financement alloué dans le Budget 2023, nous avons créé un Fonds de soutien aux capacités des parties intéressées et des Autochtones, qui aide les Nations et communautés autochtones à renforcer leur capacité à participer pleinement à nos processus de réglementation, et ce, avant et pendant tout le cycle de vie des installations et des activités nucléaires, y compris la gestion des déchets radioactifs.

Ce degré de mobilisation et de consultation est le type de pratique exemplaire qui peut être suivie ici au Canada, et ailleurs dans le monde.

Et ce n’est pas une voie à sens unique. Une véritable mobilisation nous offre l’occasion de jeter un regard neuf sur nos lois et nos règlements, et de voir où et comment nous pouvons intégrer le savoir autochtone dans nos pratiques.

La CCSN a d’ailleurs déjà commencé à s’adresser aux jeunes.

Ces jeunes cerveaux brillants sont les leaders de demain, et nous tâchons de les encourager à se joindre à la discussion et à s’investir dans notre secteur.

La CCSN a collaboré récemment avec l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE pour la tenue d’un atelier de mentorat au cours duquel des jeunes filles autochtones de 9e année ont eu l’occasion d’en apprendre davantage sur les carrières en STIM.

Nous sommes certainement nombreux ici, aujourd’hui, à attester du fait que les carrières en STIM peuvent être très gratifiantes.

Nous devons veiller à ce qu’un plus grand nombre de femmes et de filles autochtones aient accès à ces possibilités.

 

DES SOLUTIONS POUR LES DÉCHETS RADIOACTIFS

Permettez-moi maintenant d’élargir un peu la perspective.

Le secteur nucléaire au Canada est unique.

Notre engagement à l’égard de la gestion des déchets est évident, car notre secteur est le seul qui applique la réglementation, assure le financement et rend compte de tous ses déchets, tout au long de leur cycle de vie.

Cela signifie qu’il faut tenir compte non seulement des déchets générés par les installations de production d’électricité, mais aussi de ceux provenant des activités minières.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, la Saskatchewan possède les plus riches gisements d’uranium au monde.

Leurs activités sont de tout premier ordre.

Aucun permis d’exploitation de mine d’uranium n’est délivré aujourd’hui sans qu’un promoteur n’ait fourni la preuve qu’il sera en mesure de financer entièrement et de gérer de façon sûre les déchets générés sur le site, y compris le coût de la restauration des lieux une fois l’exploitation terminée.

Si l’on se tourne vers l’avenir, l’un des grands défis auxquels seront confrontés les organismes de réglementation comme la CCSN sera de renforcer la confiance du public envers les petits réacteurs nucléaires, ou PRM. Et cela tient non seulement en ce qui concerne leur exploitation sûre et fiable, mais aussi la capacité des exploitants – et leur obligation – de gérer de manière responsable les déchets radioactifs qui en résultent.

Il s’agira d’un élément essentiel au déploiement efficace des PRM pour contribuer à la sécurité énergétique et à la production d’énergie durable.

De même, tout projet nucléaire à grande échelle devra rallier la confiance du public.

Bien sûr, il n’existe pas de solution universelle à la gestion des déchets radioactifs – que ce soit ici au Canada ou ailleurs dans le monde.

C’est pourquoi il est si important que nous échangions de l’information et que nous apprenions les uns des autres.

LES SOLUTIONS À LONG TERME SONT ESSENTIELLES POUR ALLER DE L’AVANT

L’un de mes rôles au cours des dernières années a été de présider la Commission sur les normes de sûreté de l’AIEA.

À ce titre, j’ai dirigé un groupe de hauts fonctionnaires responsables de l’établissement de normes et de l’élaboration de documents d’application de la réglementation liés à la sûreté des déchets nucléaires, entre autres.

Ainsi, j’ai pu constater personnellement les avantages de la collaboration et du partage des idées en vue de trouver des solutions sûres pour la gestion des déchets radioactifs. 

Mais il nous faut constamment rechercher, développer et mettre en œuvre des solutions adaptées à nos pays respectifs, aux types de déchets que nous produisons, et aux réalités sociales dans lesquelles nous travaillons.

Ainsi, un DGP peut convenir à certaines régions du Canada,

mais il peut ne pas répondre aux besoins d’autres régions du monde.

Trouver la bonne solution pour nos pays respectifs est un aspect essentiel de la planification des projets selon une approche axée sur le cycle de vie.

OCCASIONS DE COLLABORATION, D’INNOVATION ET DE PARTENARIAT

En terminant, je soulignerai l’importante de la perspective. Notre façon d’envisager les choses est importante.

Par exemple, une obligation peut aussi être une occasion.

La gestion des déchets constituera toujours un aspect essentiel du secteur nucléaire.

Il y aura toujours des défis à relever pour gagner et conserver la confiance du public.

Il s’agit d’une obligation, mais cela peut aussi être vu comme une occasion.

Cela peut être l’occasion de mettre en commun des connaissances. D’établir de nouveaux partenariats. De parvenir à des solutions nouvelles et novatrices.

Cela peut être une occasion de progrès – et une meilleure voie à suivre pour tous.

Merci.

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