Guide de la détermination de l'admissibilité Chapitre 7 - Section 2

7.2.0 Un processus en trois étapes

La législation autorise le versement de prestations dans un cadre défini par la Loi, les Règlements et la jurisprudence. La responsabilité de rendre une décision concernant le motif de cessation d’emploi de façon à décider de l'admissibilité aux prestations a été déléguée à un agent ou à une agente de la Commission. 

Pour en venir à la conclusion qu’un prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, la Commission doit démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que le geste pour lequel le prestataire a perdu son emploi est le même que celui à cause duquel il ne respecte plus une condition essentielle de l’emploi. Pour conclure qu’il y a eu inconduite et confirmer l’exclusion du bénéfice des prestations, le geste en question doit être le véritable motif du congédiement et non simplement une excuse. La décision de l’agent n’est pas arbitraire tout comme elle ne repose pas non plus sur des hypothèses ou sur de vagues allégations. Pour rendre une décision relativement à l’admissibilité, l’agent suit un processus spécifique qui comprend trois étapes.

  1. recueillir les renseignements pertinents auprès de diverses sources (y compris l’employeur et le prestataire);
  2. analyser les renseignements obtenus sans prendre parti;
  3. prendre une décision en s’appuyant sur le poids de la preuve.

7.2.1 1ère étape : recueillir les renseignements pertinents auprès de diverses sources

La Commission a la responsabilité de rassembler tous les renseignements pertinents pour déterminer si une personne a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Ce faisant, la Commission doit, conformément à ce qui est prévu à l’article 51 de la Loi :

  1. offrir au prestataire et à l'employeur la possibilité de donner des renseignements sur les raisons de la cessation d'emploi;
  2. tenir compte de ces renseignements dans sa décision.

Le rôle de l’agent est de recueillir tous les renseignements pertinents afin qu’une décision puisse être prise rapidement, dans le cadre législatif prévu. Cela signifie que toutes les parties intéressées se voient offrir la possibilité de fournir des informations sur les motifs de la cessation d’emploi ainsi que de réfuter, si nécessaire, la version avancée par une autre partie.

La première déclaration concernant la raison de la cessation vient souvent du prestataire puisque celui-ci fournit des renseignements sur le motif de la cessation d’emploi sur sa demande de prestations.

L’agent poursuit alors sa recherche des faits auprès de l’employeur afin de recueillir sa version quant au motif de la cessation d’emploi. Cette étape est suivie d’une réfutation ou de précisions par le prestataire, au besoin, voire d’une recherche des faits auprès de toute autre partie qui pourrait faire la lumière sur la perte d’emploi. Il va de soi que dans la mesure du possible l'on cherchera à obtenir ces renseignements des personnes directement impliquées ou qui ont été les témoins immédiats des événements, particulièrement s'il y a contradiction dans les versions déjà obtenues.

À titre d’exemple, le comptable de l’employeur pourrait avoir préparé le relevé d’emploi et être désigné comme étant la personne-ressource alors que dans les faits, le comptable aura rempli ce document en suivant les consignes de la personne ayant bel et bien congédié le prestataire, en conséquence de quoi l’information dont le comptable disposerait serait indirecte.

L'agent adaptera sa recherche des faits aux circonstances particulières du cas lorsqu'il y a, par exemple, des indications que le congédiement est relié aux traumatismes ou aux événements consécutifs à du harcèlement, des abus ou à la violence. Dans une telle situation, la politique de la Commission consiste à offrir au prestataire la possibilité de s’adresser à un agent du même sexe afin qu’il fournisse l’information nécessaire aux fins du traitement de la demande.

L'agent ne doit pas s'attendre à ce qu’une présumée victime de violence discute ouvertement des événements qui sont survenus, qu'elle puisse faire un compte rendu des gestes posés pour faire régler la situation ou encore qu'elle ait suivi une démarche permettant d’appuyer une demande de prestations d’AE.

L'agent responsable ne cherchera à obtenir que les renseignements de base que le prestataire consent à fournir, tout cela avec discrétion et égards, et peut parfois envisager de recueillir les témoignages d'autres personnes qui, de l'avis du prestataire, connaissent la situation. On ne doit ménager aucun effort pour lui réserver un accueil humain, crédible et réconfortant.

L'agent responsable demandera à l'employeur de fournir les renseignements requis sur la raison de la cessation d'emploi. L'agent responsable prendra sa version sans plus et, en aucun temps à cette étape de la recherche des faits, il ne devra révéler à l'employeur la version donnée par le prestataire, sauf si celle-ci y consent ou si l'employeur en fait ouvertement mention.

Que ce soit l'employeur ou encore la personne qui demande des prestations, l'on s'attend à ce que chacune des parties agisse de bonne foi et présente des renseignements à l'appui de ses allégations.

Les déclarations du prestataire et de l’employeur sont alors examinées et comparées. Toute divergence, contradiction ou tout élément d’information additionnel communiqué ou requis est relevé. Le prestataire ou l’employeur se voit alors offrir la possibilité de réfuter la déclaration de l’autre partie. La réplique finale sera toujours accordée au prestataire. Il ne doit y avoir au dossier aucune allégation qui n’a pas été présentée au prestataire lui accordant la possibilité de s’expliquer ou de clarifier les choses.

Bien que l'agent responsable ne puisse garantir que les renseignements fournis par une personne demeurent confidentiels, il peut toutefois l’informer qu’en vertu de la législation, une immunité est accordée à toute personne qui fournit à la Commission une preuve littérale, orale ou documentaire requise pour décider de l'admissibilité aux prestations (LAE 129).

La Commission ne doit pas s’appuyer sur cette disposition spécifique pour recueillir des faits. L'agent ne doit jamais se prononcer à savoir si cette disposition protège une personne dans une situation particulière donnée. Si la personne fournissant l’information souhaite consulter un avocat sur l'applicabilité de cette disposition avant de divulguer certains renseignements, l'agent responsable lui accordera un délai raisonnable.

Bien qu’une inadmissibilité pour défaut de renseignements peut être imposée, elle ne devrait l’être qu'en dernier recours, une fois que les tentatives raisonnables pour obtenir les renseignements pertinents n'ont pas donné satisfaction. Une inadmissibilité ne doit jamais être invoquée lorsqu’un prestataire qui demande des prestations a agi de bonne foi et révélé tous les renseignements qu'il possédait. Même si la situation demeure ambiguë, que ce soit du fait que l'employeur préfère ne pas divulguer certains faits ou que sa version est différente, l’agent s'en remettra uniquement à la prépondérance de la preuve en prêtant une attention soutenue à la crédibilité des renseignements (section 7.2.3 du Guide).

7.2.1.1 Recherche des faits auprès de l’employeur

Pour déterminer si un prestataire a été congédié en raison d’une inconduite ou non, l’employeur est invité à fournir à la Commission des renseignements sur le motif de la cessation d’emploi en précisant notamment ce qui suit :

  • quelles actions ou omissions ont amené l'employeur à procéder au renvoi de la personne employée (c.-à-d. leur nature exacte, leur contexte, leur historique);
  • pourquoi l'employeur a estimé que ces actions ou omissions nécessitaient le renvoi de cette personne; 
  • si ces actions ou omissions allaient à l'encontre d'une disposition du contrat de travail, d'une politique ou d'une règle établie chez l'employeur ou d'une condition essentielle de l'emploi; 
  • à partir de quels renseignements l'employeur a déterminé que cette personne a fait ces actions ou omissions (c.-à-d. témoignages, enquêtes, rapports, autres sources de renseignements);
  • si cette personne avait été mise au courant au préalable des règles, politiques, exigences ou attentes de l'employeur; 
  • quelles raisons ont été invoquées par cette personne pour expliquer ses actions ou omissions; 
  • quelles sont les raisons du délai dans le contexte où il y a eu un délai relativement long entre le moment où l'employeur a pris connaissance des actions ou omissions et la cessation d'emploi (détails sur les dates concernées devraient être obtenus).

Le fait qu'il s'agisse d'infractions de nature criminelle ou contrevenant à la législation du travail ne change généralement pas la démarche et le questionnement pour ce qui est de recueillir les renseignements relatifs à la cessation d'emploi. Il peut s'avérer difficile en certains cas d'obtenir les renseignements appropriés sur les faits et gestes d'une personne. L'employeur peut être réticent, par exemple, à fournir des renseignements dans l'intervalle du jugement de la Cour ou de la décision de l'arbitre du travail.

L'agent responsable expliquera à l'employeur la nécessité de posséder des renseignements circonstanciés à savoir principalement quels sont les faits et gestes attribués à la personne employée et dans quel contexte les incidents sont survenus. Sauf dans le cas où il y aurait une ordonnance de non publication par la Cour, l'employeur devrait être en mesure de divulguer suffisamment de renseignements sans que cela fasse obstacle aux démarches faites ou aux procédures intentées contre la personne employée; il n'est pas nécessaire par exemple de connaître tous les détails de l'enquête ou encore la liste des noms des personnes désignées comme témoins.

Il se peut dans certains cas que l'employeur n'ait en main que très peu de renseignements comme dans le cas où l'incident est survenu à l'extérieur du milieu de travail. La seule divulgation des chefs d'accusation sans plus ne permet généralement pas d'en savoir suffisamment sur les actions ou omissions attribuées à une personne ou concernant les éléments sur lesquels on s'est appuyé pour alléguer que cette personne a commis ces actes ou omissions (A-130-96 , CUB 76247). Un article de journal relatant les événements et l'implication présumée d'une personne peut constituer une forme manuscrite d'ouï-dire valable selon les circonstances à défaut de renseignements ou de précisions de la part de personnes ayant une connaissance plus directe des événements.

Devant le refus de l’employeur de fournir des renseignements concernant le motif de cessation d’emploi, celui-ci sera informé de la possibilité pour le prestataire de recevoir des prestations.

7.2.1.2 Recherche des faits auprès du prestataire

L’agent obtient du prestataire des renseignements sur le motif de la cessation d’emploi en lui offrant la possibilité de réfuter la déclaration de l’employeur en tentant notamment de déterminer :

  • s’il corrobore ou pas la version donnée par son employeur concernant les raisons de sa cessation d'emploi;
  • ce qu'il a à dire sur les actions ou omissions qui lui sont attribuées et désignées comme étant la cause de son renvoi;
  • s’il connaissait les règles, politiques, attentes ou exigences de l'employeur à ce sujet;
  • s’il savait que ses actions ou omissions pouvait entraîner son congédiement (A-189-09)
  • dans quelles circonstances sont survenues les actions ou omissions qui lui ont été attribuées;
  • s'il y avait des personnes présentes ou qui pourraient témoigner à l'égard de ces événements.

Il se pourrait que dans certains cas le prestataire refuse de préciser le motif de la cessation d’emploi ou de fournir des renseignements au sujet de celle-ci. Puisque le prestataire est tenu, en vertu des dispositions législative de démontrer qu’aucun événement à la cessation n’a pu donner lieu à une exclusion du bénéfice des prestations d’AE, le refus de fournir de tels renseignements pourrait faire en sorte que l’on refuse de verser des prestations (LAE 49(1), LAE 50(5)). Cependant, on ne doit agir de la sorte qu’en dernier recours, une fois que toutes les tentatives raisonnables visant à recueillir des renseignements ont échoué.

7.2.2 2e étape : Analyser les renseignements obtenus sans prendre parti

L’agent déterminera la crédibilité des renseignements en évaluant quelle information est authentique, raisonnable, plausible et basée sur des faits, plutôt que sur de simples présomptions, suppositions ou opinions. Une attention particulière sera accordée à la source des renseignements obtenus. Les affirmations venant d'une personne ayant une connaissance directe des événements prédomineront sur les déclarations d'une autre personne qui n'a pas participé aux événements.

Les déclarations de l'employeur n'ont en soi ni plus ni moins de valeur que celles de la personne qui demande des prestations; toutes les déclarations doivent être examinées objectivement.

Les renseignements obtenus devraient permettre à l'agent responsable de déterminer avec objectivité la raison de la cessation d'emploi, si les actions ou omissions attribuées tiennent plus d'un prétexte, d'une excuse ou si elles ont un lien direct avec la cessation. L'on doit pouvoir retrouver en l'occurrence une relation causale entre l'inconduite et le congédiement.

Ce n’est que lorsque l’agent estime que tous les renseignements pertinents figurent au dossier et que tant le prestataire que l’employeur se sont vu offrir la possibilité de produire leur déclaration et/ou leur réfutation que la décision peut être prise à savoir si le prestataire a été congédié pour inconduite ou pas.

L’agent doit déterminer à quel moment l’information dont il dispose cesse d’être une question de contradiction et devient une question de crédibilité ou de poids de la preuve.

7.2.3 3e étape : Prendre une décision en s’appuyant sur le fardeau de la preuve

L’inconduite ou l’absence d’inconduite n’a pas à être établie au-delà du doute raisonnable, comme c’est le cas en droit criminel. C’est plutôt la norme de droit civil ordinaire de la « prépondérance des probabilités » qui est applicable dans le contexte de la Loi. On retiendra la définition suivante de cette expression :

« … preuve qui a une force probante plus élevée ou qui s’avère plus convaincante que celle qui lui est opposée […] En matière de fardeau de preuve dans le domaine civil, s’entend d’une valeur probante plus élevée, ou d’une preuve plus digne de foi et convaincante. Preuve qui cadre le mieux avec le raisonnement et les probabilités […] Degré de preuve plus probable que le contraire (Black’s Law Dictionary, 5e édition, 1979). »

La décision d’exclure quelqu’un du bénéfice des prestations peut être prise si l’agent est en mesure de répondre oui aux deux questions suivantes :

  1. Les renseignements au dossier incitent-ils à croire que la personne qui demande des prestations a accompli des actions ou des omissions qui sont visées par l'interprétation donnée au mot « inconduite »? 
  2. Les renseignements au dossier incitent-ils à croire que la personne qui demande des prestations a perdu son emploi à cause de ces actions ou omissions? 

7.2.3.1 Bénéfice du doute

Le paragraphe 49(2) de la Loi précise très clairement la marche à suivre en matière d’exclusion, si la preuve soumise tant par le prestataire que par l’employeur semble équivalente : il convient d’accorder le bénéfice du doute au prestataire.

Après avoir recueilli et évalué les renseignements disponibles, l’agent doit retenir la version des faits qui semble la plus digne de foi, dans les circonstances. Dans certains cas, il se pourrait que l’agent estime que les versions des parties sont tout aussi dignes de foi l’une que l’autre, de sorte qu’il lui est impossible de retenir une version plutôt que l’autre.

Le bénéfice du doute n’est pas accordé simplement parce que l’on est en présence de versions contradictoires d’un incident ou d’un événement. L’agent doit tout d’abord établir si une version est ou non plus digne de foi que ne l’est l’autre. Si tel est le cas, la décision doit être rendue sur la base de la version des faits que l’agent estime la plus digne de foi. Si tel n’est pas le cas, le bénéfice du doute doit être donné au prestataire.

La méthode pour déterminer la crédibilité est souvent basée sur les preuves. Par exemple, si l'employeur a les noms des cinq personnes qui ont été témoins d’une altercation, mais que seul le prestataire conteste leur version, la version de l'employeur des événements serait considérée comme la plus crédible car il y a preuve à l’appui (CUB 76736).

Il convient de souligner qu’il se peut que les versions données par les parties, même si elles semblent contradictoires, ne soient pas nécessairement incompatibles, en ce qui a trait à la détermination du motif de la cessation d’emploi. Des versions contradictoires peuvent mener à la même décision concernant le motif de cessation d’emploi.

7.2.4 Éléments à considérer pour conclure qu’il y a inconduite

Pour établir qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer

  • a) que la conduite en cause a contrevenu à la relation employeur-employé;
  • b) que la conduite était intentionnelle;
  • c) qu’il y avait une relation causale entre la prétendue conduite et le congédiement;
  • d) que la conduite que l’on prétend être de l’inconduite ne servait pas tout simplement d’excuse ou de prétexte au congédiement (CUB 41256; A-385-11, A-462-10).

Par conséquent, les faits documentés doivent établir que :

  • est survenu un incident spécifique qui a marqué un point de rupture et à la suite duquel la conduite de l’employé a mené à la perte de son emploi (dans la mesure où il a été congédié ou suspendu);
  • cette conduite a eu un effet réel et négatif sur l’employeur;
  • la conduite a contrevenu à la relation employeur-employé;
  • la conduite était volontaire et/ou intentionnelle de la part du prestataire;
  • la conduite était bel et bien la cause réelle de la perte de l’emploi et non une excuse ou un prétexte.

Dans ce contexte, le terme « conduite » fait référence au comportement personnel. Si la conduite peut prendre la forme d’un geste ou d’une omission, elle présente toujours un caractère volontaire. La conduite ne fait pas référence au bon ou au mauvais comportement. Par conduite, on entend le fait que le comportement est intentionnel et ne résulte pas d’une influence externe. La conduite est un comportement sur lequel la personne concernée exerce un certain contrôle.

7.2.4.1 Incident marquant un point de rupture

La preuve doit démontrer qu’est survenu un incident précis dans le cadre duquel le prestataire a agi ou a omis d’agir conformément aux attentes ou aux consignes de l’employeur. Le fait de se montrer insatisfait ou de formuler de vagues récriminations au sujet de l’attitude ou de la compétence ne constitue pas une preuve de manquement aux devoirs non plus que de comportement inadéquat. Le congédiement ou la suspension doit résulter d’un incident spécifique, ou dans le cas de mesures disciplinaires progressives, d’une série d’événements connexes menant à un incident ultime.

7.2.4.2 Effet défavorable

Pour que l’on puisse conclure qu’il y a eu inconduite, la conduite prétendue par l’employeur doit avoir une incidence directe sur le lien d’emploi et doit contrecarrer, d’une façon quelconque, la capacité de l’employé de s’acquitter de ses fonctions. La prétendue inconduite peut prendre de multiples formes. Elle peut, dans sa forme la plus simple, avoir des répercussions sur la capacité de l’employeur de faire confiance à l’intention de l’employé d’agir dans le respect des lois et l’intérêt de celui-ci. Elle peut également s’avérer beaucoup plus spécifique, comme dans le cas de la perte, par le prestataire, de son permis de conduire, alors que la détention d’un permis de conduire valide constitue une exigence de l’emploi.

7.2.4.3 Rupture du lien employeur-employé

Toute relation d’emploi ou tout lien employeur-employé peut être perçu comme constituant un contrat entre l’employé et l’employeur. Qu’il soit écrit, énoncé de vive voix ou implicite, le contrat repose sur une entente quant aux tâches et aux responsabilités que chaque partie doit à l’égard de l’autre. Chaque partie doit avoir la certitude que l’autre s’acquittera de ses tâches et responsabilités. Ce contrat peut prendre la forme d’une entente non verbale, comme par exemple, l’employé pourrait s’attendre à recevoir, le jour de la paye, un chèque de paye, ou l’employeur pourrait s’attendre, de la part de ses employés, qu’ils se présentent à l’heure dite et qu’ils ne quittent leur travail qu’une fois leur quart terminé.

La rupture du lien employeur-employé peut être imputable à l’une ou l’autre des parties, tout comme elle peut résulter d’un événement externe. En effet, le simple fait qu’il y ait eu rupture de ce lien ne signifie pas pour autant qu’il y a eu inconduite. Par inconduite, on entend que l’employé s’est comporté de telle sorte que le lien employeur-employé n’a pu être préservé. Un employeur pourrait fort bien tolérer un comportement dont la jurisprudence estime qu’il relève de l’inconduite, alors qu’un autre employeur ne le tolérerait pas.

7.2.4.4 Caractère délibéré

Une fois que la Commission établit l’existence d’une conduite ayant mené à une rupture du lien d’emploi dont la responsabilité incombe personnellement au prestataire, elle doit tout de même établir le caractère volontaire, conscient ou délibéré de cette conduite. On considère que le critère du caractère délibéré existe lorsque l’employé a agi (ou a omis d’agir) consciemment. On considère également que le critère du caractère délibéré est respecté lorsque l’acte reproché résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il apparaît être délibéré.

Par caractère délibéré, on entend que la preuve permet raisonnablement de mener à la conclusion que le prestataire savait que la conduite était interdite ou qu’elle témoignait d’un comportement négligent, mais qu’il a néanmoins choisi de poursuivre sur cette voie. Le fait que le prestataire ait ou n’ait pas eu pour objectif de causer un tort à l’employeur n’a aucune importance. En effet, s’agissant du caractère délibéré, l’intention n’a aucune importance (A-296-03, A-51-10; CUB 55140). Par caractère délibéré, on entend simplement que l’employé a agi délibérément, et non sous la contrainte. Dans la mesure où d’autres facteurs expliquent ou atténuent le comportement, il peut être nécessaire de revoir une conclusion allant dans le sens d’une inconduite (A-440-10).

7.2.4.5 Véritable motif de la perte d’emploi (lien de cause à effet)

L’existence d’un lien de cause à effet entre la perte d’emploi et l’incident ultime décrit par l’employeur et/ou le prestataire doit être établie.

Par lien de cause à effet, on entend que le congédiement de l’employé résulte directement des gestes allégués. Il existe un indiscutable lien entre ce que l’employé a fait ou n’a pas fait et son congédiement. La Commission ne peut conclure qu’il y a eu inconduite si un employeur impose des sanctions moins sévères et décide ultérieurement de congédier l’employé après qu’il eut commis la même infraction (A-152-96). À titre d’exemple, si l’employeur suspend un employé trois jours à la fin du mois de mai, puis le congédie à cause du même geste (et non d’une répétition ultérieure de ce même geste), le 31 juillet, on pourrait conclure que le congédiement s’explique par un autre motif. Il serait difficile de démontrer que l’inconduite en mai est à l’origine de la perte de l’emploi, même en présence de tous les autres éléments nécessaires pour que l’on puisse conclure qu’il y a eu inconduite. Si les gestes ont été posés en mai mais que l’employeur n’en a eu vent qu’en juillet et qu’il a congédié l’employé sur-le-champ, il est probable que le congédiement résulte des gestes ou des actions en question. Un retard peut se produire si, avant le congédiement, le prestataire a été suspendu à la suite de l'incident alors que l'employeur a mené une enquête. Dans de tels cas, malgré le retard, une détermination d’inconduite peut être faite.

La notion de congédiement justifié n’est pas la même que celle de congédiement pour inconduite. Dans les deux cas, il peut y avoir un lien direct entre les actions de l’employé et son congédiement (A-875-96, A-1342-92). Bien que l’employeur puisse être justifié de mettre un terme à l’emploi, une simple corrélation entre une action et un congédiement ne permet pas en soi de conduire à une décision d’inconduite.

Il peut survenir qu’un prestataire affirme que son employeur ait utilisé le prétexte d’un incident pour le congédier ou le suspendre de son emploi. Cette seule déclaration du prestataire ne suffira pas à empêcher que le versement de prestations d’AE soit refusé, lorsqu’on est en présence de tous les autres éléments propres à une inconduite. Les employés dont la conduite n’est pas souhaitable sont responsables de leur comportement. S’il est possible que l’employeur ait profité de l’occasion qui s’offrait à lui, la Commission doit néanmoins tenir compte des autres raisons avancées par l’employeur pour choisir de congédier un employé. La seule question qui se pose consiste à déterminer si le congédiement est imputable à un incident relevant de l’inconduite (A-1040-87).

Lorsque le manquement à l’origine de la rupture du lien d’emploi semble être d’ordre relativement mineur, ou en présence d’un décalage important entre l’événement allégué et le congédiement, il se peut que d’autres facteurs soient en cause. La recherche des faits visera à recueillir des éléments de preuve permettant d’établir la véritable raison du congédiement, afin de déterminer s’il y a eu inconduite (A-385-11).

7.2.5 Interprétation du sens de l’inconduite

Le terme « inconduite » n’est pas défini dans les dispositions législatives. Au fil des ans, la jurisprudence a apporté un certain nombre d’éclaircissements à l’interprétation qu’il convient d’en retenir. En conséquence, son sens, pour les fins de la Loi, a évolué en définissant une conduite qui doit avoir été volontaire ou du moins résulter d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur sa capacité à rencontrer les conditions de l’emploi. Le geste doit être volontaire ou délibéré ou résulter d’une insouciance telle qu’il frôle le caractère délibéré (A-381-85, A-1342-92, A-296-03, A-72-02, A-558-12, A-51-10).

En d’autres termes, pour constituer une inconduite au sens de la Loi, les gestes doivent être intentionnels ou négligents au point de constituer un manquement à une obligation découlant explicitement ou implicitement du contrat d’emploi; sinon, il n’y a pas d’inconduite.

L’inconduite ne vise pas simplement l’omission de s’acquitter d’une obligation professionnelle. L’omission doit plutôt être d’une telle gravité que la personne à laquelle incombait la responsabilité de poser le geste pouvait prévoir, dans des circonstances normales, qu’il mènerait à son congédiement ou à sa suspension.

Les employeurs ne partagent pas forcément la même définition de la notion d’inconduite que celle que l’on retrouve dans la jurisprudence et il est parfois difficile de déterminer la cause du congédiement.

Dans bien des cas, l’employeur estime qu’il n’avait d’autre choix que de congédier l’employé du fait que les mesures disciplinaires progressives n’ont pas permis d’en corriger le comportement ou que le degré d’incompétence ou de négligence était tel qu’il convenait de mettre immédiatement fin à son emploi.

Dans certains cas, malgré la meilleure des bonnes volontés, un employé n’est pas capable d’effectuer un travail et est congédié. Il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une inconduite. En effet, d’authentiques lacunes sur le plan des compétences, des aptitudes ou des capacités n’est pas synonyme d’actes délibérés qui témoignent d’un comportement volontaire. De la même façon, un conflit de personnalité entre un employé et un superviseur ne représente pas le caractère délibéré (CUB 36177, CUB 75215). Si la preuve montre que l’employé n’avait pas de problème de rendement mais qu’il ne convenait pas à l’emploi, cela ne signifie pas en soi qu’il y a un caractère délibéré ou une inconduite.

Un comportement inapproprié en milieu de travail peut résulter de l’incompétence, de la négligence ou de l’inconduite, un employeur pouvant considérer que l’une ou l’autre de ces causes constitue un motif de congédiement. Pour ces raisons, tout particulièrement si l’on tient compte des conséquences d’une décision allant dans le sens de l’inconduite en vertu de la Loi, il est impératif de procéder à une recherche des faits et de situer ceux-ci dans le contexte de l’interprétation judiciaire de la notion d’inconduite.

Si un employeur peut fort bien être justifié de congédier une personne, le congédiement n’est pas forcément associé à une inconduite, en vertu de la Loi. Il faut veiller à ce qu’une décision consistant à refuser le versement des prestations ne soit pas prise exclusivement sur le simple fait que l’employeur estime que la conduite en question relève de l’inconduite; ni exclusivement sur l’appréciation subjective des événements retenue par l’employeur (A-732-95).

L’employeur n’est pas tenu de prouver que les actions ou les omissions en cause constituent une inconduite en vertu de la Loi tout comme la Commission n’est pas tenue de s’appuyer sur l’avis de l’employeur qui estime que les actions en question constituaient bel et bien une inconduite.

7.2.5.1 Perte d'emploi due au départ volontaire ou au congédiement

Il n'est pas toujours facile pour l'agent responsable de déterminer dans la pratique si la perte d'emploi est due à un départ volontaire ou à un congédiement. Ainsi confrontée à un choix entre la démission et être congédiée, une personne peut avoir décidé de laisser son emploi pour, à titre d’exemple, préserver l'intégrité de son dossier. À l'inverse, on pourrait estimer qu’une personne désirait quitter son emploi, en n'avisant pas son employeur de son absence prolongée du travail, à titre d’exemple, de sorte que celui-ci a procédé à son congédiement.

Les dispositions de la Loi qui traitent du départ volontaire et du congédiement sont indissolublement liées. Dans les deux cas, le prestataire a agi d’une manière telle qu’en est résulté une perte d’emploi évitable.

Il importe peu qu'il s'agisse d'une perte d'emploi en raison d'une inconduite ou d'un départ non fondé si l'exclusion du bénéfice des prestations se justifie par l'un et l'autre motif; l'agent responsable peut invoquer en ce cas les deux motifs dans l'avis d'exclusion (A-1398-92, A-78-04, A-562-04).

Cela ne signifie pas que l’agente ou l’agent peut simplement déterminer que la perte d’emploi résultait, d’une façon ou d’une autre, des gestes posés par le prestataire ou de ses actions. La Commission doit en effet recueillir et évaluer les faits. La décision finale doit rendre compte des faits pris en considération et établir celle qui du congédiement pour inconduite ou du départ volontaire non fondé constitue l’avenue la plus valable. La décision viserait à déterminer qui a pris l’initiative de la rupture du lien d’emploi et les motifs de cette action.

Il peut y avoir des situations pour lesquelles le motif initial de la raison de la cessation d'emploi a été modifié suite à un règlement de griefs. Cela ne change pas les faits de la cause, ni les événements qui ont donné lieu à la cessation d'emploi (A-291-98, A-319-14).

Il peut y avoir des situations comme celle d’un congédiement déguisé sous la forme d'un départ volontaire lorsque l'employeur, à titre d’exemple, agit manifestement de façon à se débarrasser d'une personne en particulier. Le congédiement déguisé peut correspondre à un employeur qui impose unilatéralement des changements importants aux conditions d’emploi, tels que la réduction du salaire, la rétrogradation, le retrait de dédommagements ou d’avantages ou un transfert dans un autre emplacement de travail. Les employés faisant l’objet de tels changements peuvent décider de quitter volontairement l’emploi. Lorsque tous les faits entourant le cas ont été obtenus, on pourra, dans une telle situation, considérer qu'il s'agissait d'un congédiement déguisé sans inconduite ou que le départ volontaire était justifié.

7.2.5.2 Mesures disciplinaires progressives

Les mesures disciplinaires progressives font référence au processus en vertu duquel un employeur inflige des sanctions de plus en plus sévères, en cas de comportement répété. L’adoption de mesures disciplinaires progressives s’inscrit souvent dans le contexte d’une politique ou de dispositions d’une convention collective écrites, lesquelles décrivent précisément quel processus doit survenir avant que l’employé puisse être congédié. Des éléments probants montrant que l’employeur a tenté de corriger une conduite indésirable et imposé des sanctions de plus en plus sévères à la suite de problèmes répétés peuvent être synonymes de l’application d’un processus de mesures disciplinaires progressives.

Les mesures disciplinaires progressives peuvent représenter un processus relativement long. À titre d’exemple, certains employeurs peuvent suivre des procédures en vertu desquelles ils sont tenus de verser au dossier de l’employé le fait que trois avertissements de vive voix ont été donnés, ceux-ci étant suivis de trois avertissements écrits, d’une suspension et d’un avertissement du fait qu’une nouvelle infraction pourrait mener à un congédiement.

Les politiques en matière de mesures disciplinaires progressives peuvent inclure des mesures destinées à aider tout employé qui souffre de problèmes de toxicomanie ayant des répercussions sur son rendement au travail.

Les éléments usuels des mesures disciplinaires progressives sont les suivants :

  • l’employé est averti du fait qu’un comportement en particulier ne sera pas toléré et il se voit offrir l’occasion de corriger celui-ci;
  • l’employeur met en application des mesures de plus en plus sévères, en cas d’infractions répétées;
  • l’employé est averti du fait que son emploi est en péril.

Il convient de disposer d’éléments de preuve précis pour conclure à des mesures disciplinaires progressives. Sont notamment en cause les suivants :

  • une copie de la politique de l’entreprise;
  • une indication du fait que l’employé a reçu et compris la politique, p. ex. sous la forme d’une confirmation dûment signée (par écrit ou sous forme électronique) de la réception de cette politique;
  • les dates et les détails des infractions antérieures et des mesures disciplinaires infligées;
  • des documents montrant que l’employé s’est vu offrir l’occasion de se défendre ou de donner son point de vue quant à la prétendue inconduite;
  • la date et les détails de l’avertissement final ou ultime;
  • la date et les détails de l’incident final ou ultime et du congédiement.

L’enchaînement des mesures disciplinaires progressives doit viser un comportement spécifique, unique. La preuve doit démontrer que l’employé savait pertinemment qu’un nouvel incident pourrait mener à sa suspension ou à son congédiement ou mènerait indiscutablement à l’une ou l’autre de ces mesures. Dans le cas d’un employé congédié à cause de ses retards mais dont le dernier avertissement remonte à il y a deux ans, il se pourrait que l’on ne puisse établir le caractère volontaire dans le contexte de l’incident final.

La Commission doit déterminer si l’incident final présentait un caractère volontaire. À titre d’exemple, un employé qui se présente en retard au travail parce que son réveille-matin n’a pas bien fonctionné suite à une panne de courant est confronté à une situation sur laquelle il n’avait aucun contrôle. Un tel incident final ne présenterait pas de caractère volontaire. Si l’employeur peut être dans son droit de mettre un terme à l’emploi, le prestataire ne se verra pas forcément refuser le bénéfice des prestations d’emploi, malgré le fait qu’il puisse avoir eu des antécédents en matière de retard.

Certains employeurs se sont dotés d’une politique qui prévoit que le fait de ne pas respecter l’une ou l’autre des trois règles mènera à une suspension ou à un congédiement. Cela signifie qu’à titre d’exemple, un employé pourrait être averti suite à un retard et qu’il ne soit plus jamais, par la suite, en retard. Le même employé pourrait être averti qu’il ne respecte pas le code vestimentaire, après quoi il prendrait l’habitude de se présenter au travail convenablement vêtu. On pourrait ensuite dire à l’employé que toute autre infraction aux règles mènera à son congédiement. L’employé pourrait alors être congédié pour ne pas s’être conformé à une mesure mineure, malgré le fait que l’infraction ne mènerait pas généralement à son congédiement. Il ne s’agit donc pas, dans un tel cas, de l’application de mesures disciplinaires progressives. Dans l’exemple qui précède, la mesure disciplinaire imposée à la suite de chaque infraction a permis de contrôler le comportement. La Commission doit suivre le processus normal afin de déterminer si l’incident final relevait de l’inconduite.

S’il n’y a pas de processus officiel, la preuve doit démontrer la nature des avertissements, en plus de fournir des éclaircissements sur les sanctions qui ont éventuellement été imposées à l’employé. À titre d’exemple, si l’on dit à un employé qu’il doit se présenter au travail à l’heure sans pour autant l’informer des conséquences, pour lui, de ne pas respecter cette consigne, on ne peut conclure que l’employé a compris que le fait d’être en retard constituerait un geste d’une gravité telle qu’il justifierait la perte de son emploi. Lorsque l’employeur n’intervient pas, il donne l’impression de souscrire à la conduite indésirable ou de l’accepter.

Les mesures disciplinaires progressives doivent viser une conduite sur laquelle l’employé exerce un certain contrôle et qui a des répercussions sur le lien avec son emploi (A-416-08).

7.2.5.3 Découverte d’une inconduite après le congédiement

Un employeur peut congédier un employé parce qu’il s’estime insatisfait de son rendement au travail ou à cause d’autres difficultés qui ne constituent pas une inconduite. Suite au congédiement, il se peut que l’employeur découvre que l’employé s’est comporté d’une manière telle que si celui-ci l’avait su, il l’aurait congédié sur-le-champ, parce qu’il s’agissait d’une inconduite. Dans une telle situation, la Commission doit examiner le motif du congédiement. Si l’employeur n’a découvert le comportement inapproprié qu’après qu’il eut congédié l’employé, ce congédiement n’était pas imputable à l’inconduite. Il se peut fort bien que l’employeur ait eu d’autres raisons légitimes de mettre fin au lien qui l’unissait à son employé, mais que l’inconduite découverte après que celui-ci soit parti ne constituait pas la raison pour laquelle le prestataire a été congédié, en conséquence de quoi elle ne peut servir à l’exclure du bénéfice des prestations.

7.2.5.4 Inconduite avant la date de l’embauche

S’il n’est pas obligatoire que l’inconduite soit survenue durant l’emploi, il doit toujours y avoir un lien de cause à effet entre celle-ci et la perte de l’emploi. L’inconduite peut résulter d’un acte ou d’une omission survenue avant le début d’un emploi dont l’employé est ultérieurement congédié, dans des situations où l’inconduite constitue la cause directe du congédiement (A-239-06).

La Loi fait référence à la notion de perte « de n’importe quel emploi » du fait de l’inconduite et ne limite pas l’exclusion du bénéfice des prestations à l’emploi que détenait l’employé au moment où il s’est rendu coupable d’une inconduite. Le lien entre l’emploi et l’inconduite n’est pas temporel, mais plutôt causal (A-875-96, A-732-95, A-236-94, A-352-94, A-96-95, A-462-10, A-337-07).

À titre d’exemple d’une telle situation, on pourrait citer le cas d’un prestataire qui s’est vu accuser d’une infraction au code de la route et qui attendait de comparaître devant les tribunaux. Il a entre-temps accepté un poste de chauffeur pour lequel la détention d’un permis de conduire valide constituait une condition d’emploi. Après que le dossier eut été examiné en Cour provinciale, son permis de conduite a été suspendu pendant une période d’un an. Il a donc dû démissionner de son travail. Dans l’évaluation de sa demande de prestations, on a conclu que le fait que le prestataire n’avait pu conserver son emploi et avait dû démissionner suite à la perte de son permis constituait un manquement à une obligation survenu dans le cadre de son travail et que ce manquement résultait directement de son inconduite.

7.2.5.5 Règlement depuis le congédiement

Dans certaines situations pour lesquelles il aura été établi que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite, l’employeur et celui-ci pourraient convenir, plus tard, d’un règlement à l’amiable. Ils pourraient s’entendre sur un dédommagement financier tout comme ils pourraient modifier le motif de cessation d’emploi initial en considérant que l’employé a démissionné plutôt que d’avoir été congédié, toute référence à un tel congédiement étant supprimée du dossier de l’ex-employé. La question consiste alors à déterminer si de telles ententes ont une incidence sur la décision d’inconduite rendue à l’origine par la Commission et si on pourrait désormais envisager qu’il s’agit d’un départ volontaire.

La réponse est fonction du texte de l’entente. En soi, une entente ne suffit pas pour annuler une conclusion d’inconduite, laquelle est rendue en s’appuyant sur l’ensemble de la preuve au dossier. Pour annuler une décision d’inconduite préalablement rendue, l’entente doit contenir des éléments de preuve qui permettent de contredire en toute légitimité la position d’origine de l’employeur, quant au motif de la cessation d’emploi (A-294-06). L’agent va tenir compte des nouveaux faits, en plus de l’information figurant déjà au dossier, comparer ceux-ci par rapport à la décision initiale et déterminer si l’entente soulève des doutes quant à l’inconduite du prestataire. Si tel est le cas, il s’agit alors d’un cas de départ volontaire (A-170-98).

Une entente qui comprend une clause « sans préjudice » (qui veut généralement dire qu’aucune des deux parties ne s’exprimera sur la question) ne peut généralement être retenue pour démontrer que la perte d'emploi n'était pas due à de l'inconduite et que par conséquent ne constitue pas des faits nouveaux qui peuvent modifier ou avoir une incidence sur la décision d'inconduite initiale (A-233-94, A-45-96).

S’il est établi, sur la foi des faits nouveaux tirés de l’entente, que la perte d’emploi n’est pas imputable à une inconduite, il s’agit plutôt d’un cas de départ volontaire qui donne lieu à une décision fondée sur les consignes que l’on retrouve au chapitre 6 du Guide.

7.2.5.6 Congédiement après une démission

Le régime de l’AE prévoit le versement de prestations régulières aux personnes qui perdent leur emploi malgré le fait qu’elles n’aient commis aucune faute, qui sont disponibles pour travailler et capables de le faire, mais qui n’ont pas encore trouvé un emploi.

La Cour d’appel fédérale a clairement établi que ce sont les circonstances qui prévalaient au moment où le prestataire a quitté son emploi qui importent pour déterminer le motif de cessation d’emploi. Les circonstances qui peuvent être en cause par la suite n’ont aucune incidence sur la raison pour laquelle le prestataire a quitté son emploi (LAE 129).

Lorsqu’un employé donne sa démission et que l’employeur accepte les conditions de celle-ci mais libère l’employé pour cause d’inconduite avant la date de démission convenue pour des raisons non liées à celle-ci, on doit considérer que la raison de cessation d’emploi est due à l’inconduite. Si le prestataire démissionne et est invité à quitter son emploi avant la date d’entrée en vigueur, on considère qu’il s’agit d’un départ volontaire. On trouvera, ci-après, des conseils adaptés à ces divers cas de figure.

7.2.5.6.1 Délai de préavis non travaillé – Délai de préavis non rémunéré

Si un prestataire avise son employeur du fait qu’il quittera son emploi à une date précise et que celui-ci l’invite à partir plus tôt, mais ne continue pas pour autant à le payer pendant ce délai de préavis, on considère que le motif de cessation d’emploi en est un de départ volontaire et non de congédiement puisque le prestataire est celui qui a initié la cessation d’emploi. On trouvera des consignes au chapitre 6 du Guide. Dans les cas où il convient d’exclure le prestataire du bénéfice des prestations, la date d’entrée en vigueur est la date de démission indiquée et non la date à laquelle l’employeur a demandé au prestataire de partir. L’avis de démission doit avoir été présenté officiellement (de vive voix ou par écrit) et il ne doit pas simplement s’agir, de la part du prestataire, d’une déclaration dans laquelle celui-ci indique qu’il prévoit partir ou a entrepris de chercher un autre emploi.

7.2.5.6.2 Délai de préavis non travaillé – Délai de préavis rémunéré

On considère que les situations dans lesquelles l’employeur invite le prestataire à partir immédiatement mais continue de le payer jusqu’à la date de démission demandée par l’employé relèvent du départ volontaire et non du congédiement antérieur au départ volontaire. Dans cette situation également, c’est le prestataire qui a initié la cessation d’emploi, peu importe qu’il continue à travailler ou à recevoir une rémunération. Ces situations sont traitées conformément aux consignes que l’on retrouve au chapitre 6 du Guide.

7.2.5.6.3 Délai de préavis non travaillé – Délai de préavis rémunéré en partie

Les consignes que l’on retrouve au chapitre 6 du Guide prévoient que les situations dans lesquelles un employeur rémunère en partie le prestataire pour son délai de préavis relèvent du départ volontaire. Les exclusions du bénéfice des prestations applicables entrent en vigueur à compter de la date indiquée dans la lettre de démission.

7.2.5.6.4 Congédiement pour inconduite avant la fin du délai de préavis

Lorsqu’un employeur congédie le prestataire avant la date de sa démission, en raison d’une inconduite, les principes relatifs à l’inconduite s’appliquent. Le geste ayant entraîné le congédiement peut être survenu avant ou après que le prestataire ait présenté sa démission. Dans les deux cas, une fois la recherche des faits terminée, on appliquera les principes en matière de décision ou de détermination définis dans le chapitre pertinent du Guide (selon le motif). Si l’inconduite n’est pas établie, on ne peut exclure ultérieurement le prestataire du bénéfice des prestations pour cause de départ volontaire. En effet, la raison pour laquelle le prestataire est en chômage n’est plus à cause d’une démission mais plutôt en raison d’un congédiement.

[ Août 2023 ]

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