Les inondations au Canada : Colombie-Britannique
Dans cette section :
Introduction
Le relief montagneux de la Colombie-Britannique influe grandement sur le climat de cette province et les inondations qui y surviennent. L'air humide de l'océan Pacifique est poussé par les vents dominants d'ouest contre le flanc des montagnes, où il relâche son humidité sous forme de pluie ou de neige. Lorsque les masses d'air atteignent l'intérieur de la province, l'air a perdu la majeure partie de son humidité. De plus, lorsque l'air descend des hautes régions montagneuses vers le bas plateau intérieur, il s'échauffe et s'assèche encore plus par le mécanisme dit d'échauffement adiabatique. Les plaines intérieures ont donc un climat semi-aride. Dans les régions côtières, les inondations sont habituellement causées par la pluie, et parfois par la fonte des neiges. Dans les régions intérieures, plus sèches, les inondations sont provoquées par la fonte des neiges et, parfois, elles sont aggravées par des embâcles fluviaux.
Dans la plupart des régions de la province, les cours d'eau connaissent un fort débit à la fonte des neiges, l'ampleur du débit de pointe dépendant de la profondeur de la neige accumulée et des conditions climatiques du moment. Les crues causées par la fonte des neiges surviennent habituellement de mai à la mi-juillet.
Les inondations importantes survenues en 1948 dans les bassins des fleuves Fraser et Columbia ont été associées à la fonte des neiges. La neige s'est accumulée de façon continue dans les bassins jusqu'à la mi-mai sous l'effet du refroidissement de la température. L'augmentation subite de la température à plusieurs endroits de la province a accéléré la fonte de la neige et provoqué des crues sans précédent dans plusieurs cours d'eau.
Il arrive que des pluies intenses produisent des crues en plein été, de juin jusqu'à la fin de septembre. Ces crues surviennent surtout dans les petits bassins versants et ont habituellement peu d'effets sur les grands cours d'eau.
Il peut également se produire des crues dans les cours d'eau des versants côtiers de la Colombie-Britannique en automne et au début de l'hiver, à la suite de pluies torrentielles. Ces crues peuvent être supérieures à celles qui sont causées par la fonte des neiges au printemps. Ce type de crue est le plus grave lorsque l'hiver a été hâtif et qu'il y a peu de neige au sol, autant à basse qu'à haute altitude. Dès qu'une tempête importante provoque une augmentation de la température, la fonte des neiges en altitude et la pluie causent toutes deux un ruissellement de crue important. Lorsque la neige atteint une épaisseur suffisante, des précipitations considérables peuvent être absorbées sans qu'il n'y ait d'augmentation appréciable du débit des cours d'eau. Il arrive parfois que les tempêtes soient suffisamment fortes pour atteindre la chaîne Côtière et provoquer des inondations dans les bassins à l'est de celle-ci.
Dans les régions montagneuses où les cours d'eau coulent parfois dans des lits fortement pentus, des précipitations abondantes ou des débits élevés peuvent déclencher des torrents de débris. Ces torrents prennent la forme d'une montée rapide des eaux charriant des grosses pierres et des gros débris végétaux, suivis d'une masse liquéfiée de sédiments et de débris organiques. Toute cette masse en mouvement peut racler le lit et les berges du cours d'eau jusqu'au socle rocheux, et ainsi produire un important volume de débris charriés par le torrent.
Les torrents de débris sont un sujet d'inquiétude dans les régions où il y a des cours d'eau en terrains abrupts, sur l'île de Vancouver et la côte ouest de la province. Au pied des montagnes, près de certaines localités sur la rive nord du port de Vancouver (le Lower Mainland), on retrouve des vestiges importants d'anciens torrents de débris. La zone dangereuse s'étend également vers le nord jusqu'au bras de Howe.
De nos jours, les torrents de débris sont surtout dus à de mauvaises méthodes de coupe du bois : les billes forment des barrages dans les rivières de montagne, barrages qui cèdent soudainement lors d'une tempête. Bon nombre des récents torrents de débris dans les ruisseaux de la rive est du bras de Howe ont été provoqués de la sorte. Ils sont aussi causés en bonne partie par des glissements de terrain dus à la saturation des pentes instables.
Un phénomène plus rare mais intriguant est le jökulhlaup, c'est-à-dire une inondation provoquée par le déferlement de l'eau d'un lac retenu par un glacier. Les eaux du lac peuvent s'infiltrer sous le glacier ou passer par-dessus. Ces lacs peuvent demeurer stables pendant un certain temps, puis cèdent soudainement leurs eaux, ou bien ils peuvent se remplir lentement et relâcher leurs eaux en un cycle régulier.
Les crues du fleuve Fraser
Le fleuve Fraser arrose un bassin de 233 000 kilomètres carrés, sur une distance de 1 370 kilomètres, entre sa source dans le parc provincial du Mont-Robson et son embouchure dans le détroit de Georgia. Ce bassin de drainage forme essentiellement un vaste plateau qui recouvre presque tout le centre-sud de la Colombie-Britannique, entouré de vastes chaînes de montagnes qui forment ses extrémités est et ouest. C'est le plus long fleuve de la province, et son débit moyen annuel (calculé sur la période de 1912 à 1988 inclusivement) est de 2 720 mètres cubes par seconde, à la hauteur de Hope, d'où il émerge de ses gorges profondes dans la chaîne Côtière et coule sur un dernier tronçon de 160 kilomètres dans la vallée inférieure du Fraser, jusqu'à la mer.
Pour les habitants des plaines traversées par le fleuve, le principal danger d'inondation est associé aux crues nivales. Certains affluents débordent à la suite des pluies d'automne et d'hiver, mais ces crues sont localisées et ne sont habituellement pas dévastatrices. Il en est de même pour les inondations hivernales provoquées par les embâcles dans les canaux. Près de l'embouchure du Fraser, des marées très hautes peuvent aggraver les inondations, surtout si elles coïncident avec les tempêtes.
Dans le bassin hydrographique du fleuve Fraser, les zones inondables sujettes aux crues nivales occupent seulement environ un demi pour cent du bassin total, mais comprennent la majeure partie de la vallée inférieure du Fraser, des parties des collectivités importantes de l'intérieur que sont Kamloops (sur la rivière Thompson), Prince George et Quesnel, ainsi qu'une partie de la vallée Pemberton (sur la rivière Lillooet). Des tronçons des principales autoroutes et chemins de fer de la province traversent des plaines inondables, où l'on retrouve également deux des plus importants aéroports. La région économique du Lower Mainland, à l'intérieur de la vallée inférieure du Fraser et adjacente à celle-ci, contient plus de la moitié de la population et la plupart des infrastructures industrielles et commerciales de la province, ainsi que les principales installations portuaires de l'Ouest canadien.
La proximité de l'océan, les vents d'ouest dominants qui poussent les masses d'air maritimes au-dessus du bassin, et les chaînes de montagnes qui suivent un axe nord-sud : voilà les principaux éléments géographiques qui influent sur le climat du bassin du fleuve Fraser, qui déterminent les zones de précipitations faibles et abondantes, et qui sont responsables de la variation de la température moyenne annuelle dans la province. Les précipitations et la température sont les facteurs dominants de l'hydrologie du bassin du fleuve Fraser. Chaque printemps, l'augmentation de la température fait fondre la neige tombée en hiver et amorce les crues nivales dans les affluents, qui joignent leurs eaux et font monter le niveau du fleuve.
La température du bassin dépend beaucoup des incursions des masses d'air maritimes et continentales. Les masses d'air froid arctiques peuvent faire chuter la température jusqu'à -46°C dans la partie nord du bassin, et -34°C en certains endroits de la partie sud. Dans la plupart des régions, la température moyenne en janvier est inférieure à -29°C. En été, la température moyenne mensuelle est de 22°C; dans certaines stations de la vallée, on a enregistré des maxima supérieurs à 38°C.
L'altitude est un autre facteur important qui influe sur les températures. En règle générale, c'est en mars que les températures dépassent 0°C dans le sud du bassin, et l'augmentation de température se propage vers le nord et en altitude à mesure que les masses d'air maritime plus chaud déplacent l'air arctique plus froid.
Ce déplacement des masses d'air maritime humide dans le bassin du Fraser provoque des précipitations orographiques abondantes sur les flancs ouest de la chaîne Côtière. Quant aux flancs est dans le bassin, ils sont sous le vent et ainsi abrités des précipitations. Mais à mesure que les masses d'air se déplacent de nouveau vers l'est au-dessus des monts Columbia, les précipitations augmentent de nouveau de façon appréciable.
La plupart des précipitations dans le bassin sont sous forme de pluie. Dans la vallée inférieure du Fraser, la pluie forme 95 % des précipitations, et ce pourcentage tombe à 65 % dans le nord du bassin. Toutefois, il faut souligner que les stations météorologiques sont surtout installées au fond de la vallée, et que les précipitations et le pourcentage de neige augmentent avec l'altitude.
Quelque 75 000 hectares de plaines inondables bordent le fleuve, entre Hope et l'embouchure de la rivière, et de cette superficie, 65 000 hectares sont protégés par une série de petites digues construites des deux côtés du fleuve, entre Agassiz et le détroit de Georgia. La plupart de ces digues protègent les terres agricoles, mais également certaines régions plus peuplées. Chilliwack, Harrison Hot Springs et Agassiz sont toutes protégées par des digues, tout comme certaines parties de Mission et de New Westminster. À l'embouchure du fleuve, les îles Lulu et Sea ainsi que plusieurs petites îles du delta sont ceinturées de digues, qui assurent une protection des zones rurales et urbaines, ainsi que de certaines zones industrielles au sud de Vancouver.
La durée des crues ajoute aux risques d'inondation dans une région endiguée. En effet, les digues se détériorent lorsqu'elles sont soumises à des niveaux d'eau élevés prolongés, et elles offrent alors une protection moins fiable contre les inondations. La protection de la plaine inondable de la vallée inférieure du Fraser dépend des digues lorsque l'eau monte à plus de 5,5 mètres à Mission, et cette condition prévaut habituellement pendant un mois, et plus encore lors des fortes crues nivales. La vitesse des rivières augmente avec le niveau de l'eau, ce qui accroît aussi l'affouillement et l'érosion des berges, d'où un affaiblissement des digues. Lorsque les crues nivales sont fortes, l'augmentation du niveau de l'eau à Mission au-delà de 5,5 mètres et jusqu'à la hauteur de crue dure habituellement de deux à trois semaines. Lorsque les eaux sont au niveau maximal ou presque maximal, l'effet sur les digues est plus prononcé. Dans les années de fortes crues nivales, l'eau à Mission est demeurée à 0,15 mètre en deçà de la hauteur de crue maximale pour des périodes allant de quatre jours à deux semaines.
1894
La plus grande crue du fleuve Fraser au siècle dernier eut lieu en 1894, alors que la plaine inondable était encore au début de son développement et de sa colonisation. La vallée inférieure du Fraser était alors peu peuplée, et les villes de Kamloops, de Prince George et de Quesnel n'étaient que des avant-postes. Cette inondation a été un avertissement des risques que présentait l'occupation de la plaine inondable du fleuve Fraser dans les années à venir.
1948
En 1948, le fleuve Fraser a quitté son lit, et cette crue fut la plus importante depuis 1894. En cinq décennies, la vallée inférieure du Fraser était devenue une région agricole très développée, les industries et les commerces commençaient eux aussi à être bien établis et les banlieues dortoirs avaient fait leur apparition. Deux voies ferrées transcontinentales ainsi que l'autoroute Transcanadienne traversaient toute la vallée; en outre, on venait d'établir sur Sea Island le plus grand aéroport de la province.
Inondation du fleuve Fraser à Mission en 1948.
Le 10 juin 1948, le fleuve Fraser monta jusqu'à 7,6 mètres à Mission. Avant la décrue des eaux, plus d'une douzaine de digues furent éventrées, et plus de 22 000 hectares, soit près du tiers de toute la plaine inondable de la vallée inférieure du Fraser, furent inondés jusqu'à cette profondeur. Les eaux endommagèrent les deux voies ferrées transcontinentales, inondèrent la Transcanadienne et des zones urbaines comme Agassiz, Rosedale et une partie de Mission, et obligèrent de nombreuses industries à cesser ou ralentir leur production. Dans toute la région, l'inondation déposa une couche de limon, de bois à la dérive et d'autres débris.
Les dommages furent estimés à 20 millions de dollars (146,9 millions de dollars de 1998), la plupart des dégâts ayant eu lieu dans la vallée inférieure du Fraser. Les dommages furent mineurs dans les régions de Kamloops, Prince George et Quesnel, en raison du développement encore restreint de ces plaines inondables.
1972
C'est en 1972 qu'eut lieu une autre grave inondation. Les premiers signes d'une inondation printanière possible furent les mesures de la neige tombée en février, mois pendant lequel on enregistra des chutes de neige supérieures à la normale. Les mesures subséquentes indiquèrent également des fortes chutes de neige dans les montagnes. À la mi-mars, le gouvernement provincial avisa son personnel et la Protection civile des risques d'inondation le long du fleuve Fraser. À la mi-avril, des réunions eurent lieu dans le but de coordonner et de planifier les activités des divers organismes devant réagir en cas d'inondation.
Des températures élevées dans les vallées intérieures vers la fin de mai causèrent une fonte rapide des neiges, et de nombreuses rivières à l'intérieur des terres connurent des crues records pendant la deuxième moitié de mai et pendant la première semaine de juin. Afin de protéger les basses terres, on érigea des murailles de sacs de sable dans Prince George et Kamloops. Le 2 juin, plusieurs lotissements furent inondés à Kamloops, et dans un secteur, 150 maisons et 52 maisons mobiles furent inondées à la suite de la rupture d'une digue.
Après un refroidissement qui débuta le 30 mai, la température augmenta et la fonte des neiges reprit de plus belle, et il plut à verse. Les eaux du cours supérieur du Fraser gonflèrent de nouveau jusqu'à un niveau de pointe entre le 11 et le 14 juin. Le 16 juin, le cours inférieur du Fraser atteignit sa crue maximale à Hope, avec un débit instantané maximal de 3 400 mètres cubes par seconde, et une hauteur maximale de 7,1 mètres, bien au-delà du niveau d'alerte de 6,1 mètres.
Cette deuxième et dernière crue de la saison, qui avait été supérieure à la première, amplifia l'inondation dans les zones déjà inondées. Sur le fleuve Fraser, les régions les plus touchées furent Prince George, sur le cours supérieur, et la partie en aval de Hope, dans la vallée inférieure. Les digues furent généralement efficaces et empêchèrent que les dégâts ne soient plus étendus.
Cette inondation causa des dégâts chiffrés à 10 millions de dollars (36,9 millions de dollars de 1998), qui furent surtout localisés à Prince George et Kamloops, en amont, et dans la région de Surrey, en aval dans la vallée inférieure du Fraser.
Un tsunami frappe la côte ouest
Le 27 mars 1964, l'Amérique du Nord connut, sur sa côte ouest, son pire tremblement de terre du siècle. L'épicentre était situé à 1 330 kilomètres au nord de Prince Rupert (Colombie-Britannique) et au large d'Anchorage (Alaska). Le tremblement de terre, d'une intensité de 8,5 sur l'échelle Richter, souleva sur 15 mètres le plancher océanique. On calcula que l'énergie dégagée par le tremblement de terre était équivalente à l'explosion de 32 millions de tonnes de TNT.
La vague créée par le tremblement de terre traversa le golfe d'Alaska à des vitesses atteignant 720 kilomètres/heure. Le tsunami frappa la côte ouest du Canada au moment de la marée haute. C'est dans la baie de Shields, à l'ouest de l'île Graham, qu'on enregistra la vague la plus haute : la crête était 5 mètres plus élevée que la marée maximale normale. Bien que les dommages le long de la côte furent généralisés, c'est Port Alberni qui souffrit le plus.
Pour atteindre Port Alberni, le tsunami dut parcourir les 40 kilomètres du passage Alberni. Dans ce passage, la vague concentra son énergie. La première vague arriva environ 4,5 heures après le tremblement de terre. La vague monta jusqu'à 2,1 mètres au-dessus de la ligne normale de marée, ce qui causa quelques inondations. Lorsque la vague se retira, l'eau du port se retira également, et les bateaux de pêche se retrouvèrent sur le fond. Deux heures plus tard, la seconde vague arrivait, cette fois-ci à 4 mètres au-dessus de la ligne normale de marée. C'est cette deuxième vague qui causa les dommages.
À mesure que l'eau montait, les bateaux étaient arrachés de leurs amarres, et des billes de bois empilées furent déplacées par la vague, et elles en augmentèrent la force destructrice. Les poteaux de téléphone furent fauchés comme du blé et des maisons flottèrent sur 1 kilomètre sur la rivière Somass. Des personnes durent tout simplement ouvrir les portes de leurs maisons pour laisser passer l'eau. Bon nombre des maisons inondées furent envasées. Les voitures et les bateaux furent éparpillés et 69 maisons furent endommagées. On estima que les dégâts aux maisons, commerces et industries se chiffraient entre 2,5 et 3 millions de dollars (de 11,4 à 13,6 millions de dollars de 1998).
À Hot Springs Cove, près du parc national Pacific Rim, 18 des 20 maisons furent jetées bas de leurs fondations. À Bamfield, sur le détroit Barkley, des sous-sols furent inondés.
On n'eut pas à déplorer de perte de vie au Canada. Toutefois, 11 personnes périrent noyées à Crescent City, en Californie, parce qu'elles s'étaient rendues sur les plages pour observer la venue des vagues.
Col Kicking Horse - 1978
En 1978, des flux de débris, qui ont été provoqués par un jökulhlaup provenant du glacier Cathedral, ont détruit trois niveaux de la voie ferrée du Canadien Pacifique, causant le déraillement d'un train de marchandises. Des sections de la route transcanadienne ont aussi été ensevelies sous les débris. Des flux de débris signalés au même endroit au cours d'années précédentes ont également été attribués à des jökulhlaups.
Retour au menu : Les inondations au Canada
Page suivante : Les inondations au Canada - Yukon
Détails de la page
- Date de modification :