Rapport d’évaluation

Sommaire

Une évaluation du triclosan a été réalisée en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE] pour déterminer si cette substance constituait un risque pour les Canadiens et leur environnement. Une réévaluation du triclosan était également prévue par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada en vertu du programme de réévaluation conformément à la Loi sur les produits antiparasitaires (LPA). L'évaluation préliminaire qui a précédé ce rapport d'évaluation comprenait une conclusion proposée pour le triclosan en vertu de la LCPE et de la LPA. Depuis le 31 décembre 2014, les déclarants canadiens ont volontairement cessé la vente de produits antiparasitaires contenant du triclosan. Par conséquent, le triclosan n'est plus homologué comme produit antiparasitaire au Canada en vertu de la LPA. De ce fait, cette évaluation ne comprend pas de conclusion en vertu de la LPA pour ces produits.

Le triclosan [5-chloro-2-(2,4-dichlorophénoxy)phénol] (NE CAS  3380-34-5) est utilisé comme agent de préservation des matériaux et comme agent antimicrobien dans un large éventail de produits utilisé par l'industrie et les consommateurs afin de bloquer la croissance des bactéries, champignons et moisissures, et comme désodorisant.

Le triclosan ne se trouve pas à l’état naturel dans l’environnement. Les sources potentielles d’exposition des Canadiens au triclosan comprennent les produits traités au triclosan ou qui en contiennent et qui sont utilisés par les consommateurs (notamment les cosmétiques, les médicaments en vente libre et les produits de santé naturels) ainsi que la fabrication industrielle ou la formulation de produits contenant du triclosan.

L'exposition de la population générale au triclosan a été caractérisée à l'aide des données disponibles de biosurveillance du triclosan obtenues lors du cycle 2 (2009-2011) de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS), de l'Étude concernant l'utilisation de plastiques et de produits de soins personnels durant la grossesse et des études MIREC (Étude mère-enfant sur les composés chimiques de l'environnement) et MIREC-CD Plus (étude MIREC : biosurveillance et neurodéveloppement à la petite enfance). Ces données couvrent les expositions au triclosan depuis toutes les sources et par toutes les voies potentielles et elles sont considérées être les évaluations les plus précises de l'exposition globale au triclosan de la population générale au Canada. Des expositions similaires ont récemment été relevées lors du cycle 3 (2012-2013) de l'ECMS. Les estimations d'exposition des enfants de moins de trois ans ont été obtenues séparément par une combinaison de données de biosurveillance canadienne (pour les nourrissons et les enfants de trois à cinq ans) et d'estimations supplémentaires tenant compte des expositions potentielles par le lait maternel, la poussière domestique et le contact avec la bouche d'articles de plastique traités au triclosan.

L'examen de la base de données toxicologiques dans son ensemble indique que le foie est l'organe pour lequel le triclosan ingéré est le plus toxique chez les rongeurs et les chiens, la souris étant l'espèce la plus sensible. L'exposition au triclosan produit aussi une baisse légère de la concentration sérique de l'hormone thyroïdienne thyroxine [T4] (mais non de la triiodothyronine [T3], ou thyréostimuline [TSH]) chez le rat, à cause de la perturbation de l'organe cible (le foie) découlant du métabolisme spécifique du triclosan chez les rongeurs. L'évaluation critique de l'ensemble de la base de données montre qu'il n'y a pas d'indication d'effets nocifs sur la fonction thyroïdienne chez les animaux, et les données disponibles sur les humains ne montrent aucune variation dans la concentration des hormones thyroïdiennes ou la fonction hépatique, après une longue exposition à de faibles concentrations de triclosan. En outre, par rapport aux rongeurs, les humains montrent une capacité d'adaptation très supérieure aux variations de concentration de T4. En conséquence, la base de données globale ne révèle pas d'effets du triclosan sur la fonction thyroïdienne, en tant qu'effet critique aux fins de la caractérisation des risques chez l'humain.

Compte tenu des informations actuellement disponibles sur les effets nocifs du triclosan, la base de données révèle une dose sans effet nocif observé (DSENO) de 25 mg/kg(mc)/jour à partir d'une étude de toxicité chez la souris pendant 90 jours. Cette valeur a été prudemment sélectionnée comme pouvant protéger contre certains des effets observés à des doses supérieures chez plusieurs espèces. On considère que cette DSENO prémunit les humains contre les effets potentiels sur le foie (s'il y a lieu) et ceux sur d'autres organes ou systèmes.

Le risque pour la santé humaine de l'exposition au triclosan est évalué en comparant des estimations de l'exposition chez l'humain avec des doses à effets critiques observées lors d'études sur les effets sur la santé réalisées avec des animaux de laboratoire afin de dériver des marges d'exposition. Pour la population générale, la comparaison des apports quotidiens estimés moyens et maximaux et des doses à effets critiques chez la souris (basé sur les effets hépatiques) a donné des marges d'exposition entre 416 et 5 400. Pour les enfants de moins de trois ans, la comparaison des estimations d'exposition agrégées et des doses à effet critiques a produit des marges d'exposition dépassant 3 300. Ces marges d'exposition sont jugées adéquates pour aborder les incertitudes dans les bases de données sur les effets sanitaires de l'exposition au triclosan.

On a réalisé une étude de toutes les informations disponibles sur le potentiel d'induire une résistance microbienne au triclosan. En dépit de la possibilité que des bactéries résistantes au triclosan existent dans le contexte de laboratoires et de cliniques, leur présence n'a pas été documentée à l'extérieur des milieux cliniques (par exemple dans les domiciles, lors de l'utilisation de dentifrice). À partir des informations disponibles, l'induction d'une résistance aux antimicrobiens à partir des concentrations actuelles de triclosan n'a pas été reconnue comme une préoccupation pour la santé humaine.

Le triclosan peut être rejeté dans l'environnement à cause de sa présence dans de nombreux produits de consommation ou en conséquence de la fabrication industrielle d'articles contenant du triclosan. On considère que la présence de triclosan dans des produits constitue une contribution majeure aux rejets de cette substance dans les égouts. Le triclosan rejeté dans les eaux usées atteint les stationsNote de bas de page1de traitement d'eaux usées où, en fonction du type de traitement, il est partiellement retiré. Le triclosan se répand dans les écosystèmes aquatiques par les effluents des stations. Une partie du triclosan se dépose dans les boues pendant le procédé de traitement des eaux usées et peut se propager aux écosystèmes terrestres lorsque l'on amende des terres agricoles avec des biosolides.

Dans l'environnement, des processus abiotiques et biotiques dégradent assez vite le triclosan. Toutefois, il se retrouve partout dans l'environnement puisqu'il est continuellement rejeté dans les eaux de surface par les effluents des stations de traitement d'eaux usées. Ainsi, l'exposition chronique d'organismes au triclosan est prévisible dans les écosystèmes aquatiques, en particulier ceux proches de sources d'effluents. L'exposition des organismes du sol à la substance à la suite de l'épandage de biosolides est également très probable.

Le triclosan est très toxique pour une variété d'organismes aquatiques, tels que les algues, les macrophytes, les invertébrés, les amphibiens et les poissons. Les effets nocifs sont la réduction de la croissance, de la reproduction et de la survie. Il existe des preuves d'effets sur le système endocrinien à des concentrations pertinentes pour l'environnement. Le triclosan peut aussi se bioconcentrer fortement dans les poissons et il existe des preuves de bioaccumulation dans les algues et les invertébrés aquatiques. Le triclosan est aussi fortement toxique pour certains organismes du sol.

Un examen approfondi des données de toxicité disponibles a permis de prédire une concentration sans effet de 376 ng/L dans le milieu aquatique. Ce seuil tient compte des effets de perturbation du système endocrinien chez les poissons et les amphibiens.

L'exposition des organismes aquatiques a été estimée à partir des concentrations mesurées de triclosan dans les eaux de surface réceptrices, dont celles aux points de rejet de l'effluent de la station de traitement ou à proximité. Les mesures de la concentration de triclosan dans les eaux de surface partout au Canada indiquent que cette substance peut avoir des effets nocifs dans les écosystèmes aquatiques.

Les concentrations de triclosan ont été estimées à partir des concentrations mesurées de triclosan dans les biosolides au Canada et à l'aide de paramètres comme la demi-vie du triclosan dans le sol et les taux réglementés d'épandage des biosolides. La caractérisation des risques qui a tenu compte de la forte toxicité du triclosan pour certains organismes du sol indique qu'il n'est pas probable que cette substance aura des effets nocifs étant donné les faibles concentrations prédites dans le sol.

Les produits les plus notables de la transformation du triclosan par le métabolisme, la dégradation ou la chloration sont le méthyltriclosan et certaines dioxines peu chlorées. On estime que les dioxines dérivées du triclosan sont transitoires dans l'environnement et peu toxiques. En contrepartie, le méthyltriclosan a des propriétés semblables à celles du triclosan, notamment une forte toxicité et un potentiel de bioaccumulation. L'exposition chronique au méthyltriclosan est probable dans l'environnement, mais les concentrations détectées sont très inférieures à celles du triclosan.

Le triclosan est toujours présent dans les écosystèmes aquatiques, car il y est continuellement rejeté. Il s'agit d'un produit chimique très puissant qui peut s'accumuler dans les organismes et causer des effets nocifs, même à de faibles concentrations d'exposition dans l'environnement. Le triclosan peut se transformer en méthyltriclosan et en certaines dioxines peu chlorées. Dans l'ensemble, d'après la puissance du triclosan, sa présence répandue et les concentrations d'exposition actuellement observées dans l'environnement au Canada, il est conclu que l'exposition au triclosan est potentiellement nocive pour les écosystèmes aquatiques.

Conclusions en vertu de la LCPE

Selon l’adéquation de la marge d’exposition existante entre les estimations des expositions globales et les doses à effets critiques, il est conclu que le triclosan ne pénètre pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions qui constituent ou pourraient constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines. Il ne satisfait donc pas aux critères du paragraphe 64c) de la LCPE.

À la lumière de tous les éléments de preuve présentés dans ce rapport, le triclosan constitue un risque de dommages aux organismes, mais non à l’intégrité globale de l’environnement. Il est conclu que le triclosan satisfait aux critères de l’alinéa 64a) de la LCPE, car il pénètre ou peut pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique. Toutefois, il est conclu que le triclosan ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 64b) de la LCPE, car il ne pénètre pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions qui constituent ou pourraient constituer un danger pour le milieu naturel essentiel pour la vie.

Par conséquent, il est conclu que le triclosan satisfait à l'un ou à plusieurs des critères énoncés à l'article 64 de la LCPE.

Bien qu'il soit continuellement présent dans l'environnement, on a déterminé que le triclosan ne répondait pas au critère de la persistance énoncé dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE. De même, bien que le triclosan s'accumule dans les organismes à des concentrations pouvant provoquer des effets nocifs, il ne satisfait pas au critère de bioaccumulation énoncé dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE.

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