Méthode d’essai biologique servant à déterminer la toxicité des sédiments à l’aide d’une bactérie luminescente : chapitre 8


Section 6 : Analyse et interprétation des données

6.1 Analyse des données

Il faut calculer la moyenne et l’écart-type des lectures de la bioluminescence des solutions témoins utilisés dans l’étude (v. § 4.6.4, 4.7 et 4.8). Ces valeurs servent à calculer le coefficient de variation de la moyenne des lectures faites sur les solutions témoins. Ce coefficient sert de critère à la présente méthode pour juger de la validité des résultats expérimentaux (§ 4.8).

Une étude effectuée selon la présente méthode de référence devrait englober au moins un échantillon du sédiment d’essai (effectivement ou potentiellement contaminé) ainsi qu’au moins un échantillon de sédiment de référence. En outre, on recommande l’inclusion d’au moins un échantillon de sédiment témoin positif (v. § 4.4 et section 5). Les essais employant au moins un échantillon de sédiment grossier (c’est-à-dire renfermant moins de 20 % de fines) doivent aussi englober au moins un échantillon de sédiment témoin négatif (artificiel ou naturel) ou de sédiment de référence non contaminé, dont la teneur en fines ne diffère pas de plus de 30 % de celle que l’on trouve dans ce sédiment grossier (v. § 6.2). Dans chaque cas, le paramètre statistique à calculer pour chacune de ces matières d’essai, est la CIp.

Sauf indication du contraire, dans le règlement ou à dessein, l’effet ou paramètre mesuré est, dans la présente méthode de référence, la concentration inhibant de moitié la bioluminescence, c’est-à-dire la CI50. Les calculs pour estimer cette CI50 et ses limites de confiance de 95% font partie des versions les plus récentes (à partir de 1999) des progiciels OmniMD(version 1.18 ou l’équivalent) auparavant commercialisés par AZUR Environmental Ltd., maintenant par Strategic Diagnostics Inc. (coordonnées dans le § 2.2)Note de bas de page 13. On trouve aussi des orientations pour estimer la CI50 (ainsi que ses limites de confiance à 95 %) dans Environnement Canada (1992). Il existe d’autres progiciels de statistique permettant ce calcul (EC, 1997b ; 1997c ; 2002b).

Si l’on ne possède ni ordinateur ni logiciel convenable, on peut calculer la CI 50 à l’aide de l’une des deux équations et approches suivantes.

Pour chaque solution fille, on calcule gamma (Γ) [ASTM, 1995], comme suit :

Γ = (It/Ie) - 1

où :

It = la valeur moyenne des lectures des filtrats des solutions témoins ;

Ie = la lecture photométrique d’un filtrat d’une solution fille (e = essai) particulière.

Sur un graphique, on reporte à la main les valeurs gamma de chaque filtrat situées entre 0,02 et 200, et on relie ces points par une courbe ajustée à l’œil. On interprète la CI50 comme la concentration correspondant au gamma de 1,0. On devrait vérifier les points reportés à la main à l’aide des lectures observées, pour éliminer les erreurs de saisie ou les anomalies d’estimation de la CI50. On devrait aussi vérifier le graphique tracé à la main et la CI50 estimée graphiquement au moyen d’un graphique tracé par ordinateur et le calcul informatique de la CI50 (EC, 1992).

On peut aussi calculer la régression linéaire de log C (concentration, sur l’axe des ordonnées) en fonction de log Γ (sur l’axe des abscisses) conformément à la formule de l’ASTM (1995) :

log Γ = b (log C) + log (a)

où b est la pente, tandis que log (a) est le point où la droite de régression coupe l’axe des ordonnées (axe des y) à log Γ = 0, correspondant à Γ = 1. En conséquence, a correspondant à 10log (a) est la CI50.

La CI50 et ses limites de confiance doivent être converties et exprimées en milligrammes de sédiment sec par litre (mg/L). À cette fin, on utilise les données relatives au « poids sec » (v. § 4.6.2) [ASTM, 1995]. On multiplie la CI50 (et les limites supérieures et inférieures de confiance) du sédiment humide par la moyenne des rapports de la masse sèche à la masse humide des sous-échantillons :

CI50 = CI50h × [(S1s/S1h) + (S2s/S2h) + (S3s/S3h)]/3

où :

CI50h est la CI50 calculée (ou ses limites de confiance à 95 %) de l’échantillon de sédiment humide ;

S1s à S3s sont les poids secs des sous-échantillons de sédiment du § 4.6.2 ;

S1h à S3h sont les poids humides correspondants.

On peut accélérer ces calculs en saisissant les masses et les CI50 dans une feuille de calcul et en employant les formules nécessaires.

Pour obtenir des orientations détaillées sur les effets statistiques convenables à mesurer et leur calcul, on devrait consulter Environnement Canada (2002b). Les objectifs de l’analyse des données sont les suivants : quantifier les effets du contaminant sur les organismes exposés à divers échantillons de sédiment d’essai (effectivement ou potentiellement contaminé) ; déterminer si ces effets sont statistiquement différents de ceux qui se manifestent dans un sédiment de référence ; prendre une décision relativement à la toxicité de l’échantillon (§ 6.2). On calcul d’abord la CIp (normalement la CI50) pour chacun des échantillons (y compris ceux qui représentent le sédiment de référence prélevé sur le terrain).

Selon le plan d’expérience et les objectifs de l’étude, on devrait prélever et tester un nombre convenable (typiquement au moins cinq par station, à chaque profondeur à laquelle on s’intéresse) d’échantillons réitérés de sédiments d’essai et de référence prélevés sur le terrain (v. § 4.1). Chaque série d’essais de toxicité doit comprendre au moins trois répétitions de solutions témoins (v. § 4.6 et 4.8), et au moins un sédiment d’essai. Le sédiment d’essai pourrait être représenté par des échantillons réitérés de déblais de dragage provenant d’une profondeur ou d’une station donnée (station d’échantillonnage) à laquelle on s’intéresse, ou des échantillons réitérés de sédiment prélevés sur le terrain, dans une station donnée, située dans un lieu d’immersion en mer ou contiguë. Le sédiment d’essai pourrait aussi être représenté par au moins un sous-échantillon (c’est-à-dire des répétitions de laboratoire) d’un échantillon unique (non réitéré) de sédiment provenant d’une station d’échantillonnage donnée ou d’une profondeur particulière d’un emplacement donné (v. § 4.1). On devrait utiliser le même nombre de répétitions pour chaque variante (chaque sédiment d’essai provenant d’une profondeur donnée dans une station particulière d’échantillonnage) et de chaque échantillon, dans l’essai, chaque fois que c’est possible, pour maximiser la puissance et la robustesse statistiques (EC, 2002b).

6.2 Interprétation des résultats

L’interprétation des résultats ne relève pas nécessairement du seul personnel du laboratoire entreprenant l’essai. Ce pourrait être une tâche partagée avec, notamment, un consultant en environnement ou d’autres personnes compétentes, chargées de l’examen et de l’interprétation des constatations.

Environnement Canada (1999b) donne des conseils utiles pour l’interprétation et l’application des résultats des essais de toxicité employant des échantillons prélevés dans l’environnement. C’est un document à consulter. Au départ, le chercheur devrait examiner les résultats et déterminer s’ils sont valides. Ils doivent satisfaire au critère de validité de l’essai (v. § 4.8). En outre, il est recommandé d’examiner la courbe de la relation entre la dose et la réponse de chaque échantillon du sédiment d’essai, afin de confirmer que la bioluminescence est à peu près directement proportionnelle à la dilution. Sinon (p. ex. si une ou plusieurs données semblent aberrantes par rapport aux autres), on devrait envisager de répéter l’essai pour cet échantillon.

On devrait tenir compte des constatations découlant de l’essai de toxicité de référence réalisé avec le même lot de réactif bactérien que celui de l’essai de toxicité du sédiment (v. section 5) pour l’interprétation de l’étude. Ces résultats, lorsqu’on les compare aux résultats antérieurs du laboratoire avec le même toxique de référence et le même mode opératoire (c’est-à-dire à la carte de contrôle du laboratoire établie pour cet essai de toxicité de référence), donneront une idée de la sensibilité des organismes d’essai de même que de la précision et des performances du laboratoire dans la réalisation d’un essai de toxicité de référence avec V. fischeri.

On devrait prendre en considération toutes les données représentant les caractéristiques physicochimiques connues de chaque échantillon de la matière d’essai (y compris de tout échantillon de sédiment de référence ou de sédiment témoin négatif englobé dans l’étude) dans l’interprétation des résultats. On devrait comparer les données de l’analyse du sédiment entier et de l’eau de porosité (v. § 4.3) à l’influence connue de ces variables sur la production lumineuse de V. fischeri.

Dans les échantillons de déblais de dragage ou de sédiment prélevés sur le terrain, les concentrations d’ammoniaque et/ou de sulfure d’hydrogène dans l’eau de porosité peuvent être élevées. Ce pourrait être attribuable à un apport organique d’origine naturelle, anthropique ou les deux. On devrait tenir compte de l’effet inhibiteur connu de l’ammoniaque (v., par exemple, Tay et al., 1998 et McLeay et al., 2001) et du sulfure d’hydrogène (Brouwer et Murphy, 1995 ; Tay et al., 1998) sur la bioluminescence de V. fischeri, de même que des concentrations mesurées de ces composés dans l’eau de porosité des échantillons d’essai, lorsque l’on examine et interprète les résultats obtenus sur des échantillons de sédiments d’essai et de référence prélevés sur le terrain.

Dans l’examen et l’interprétation des résultats des essais, on devrait prendre en considération les observations de filtrats troubles ou fortement colorés que l’on aura analysés pour déterminer la bioluminescence V. fischeri (v. § 4.8).

Outre la toxicité, un certain nombre de variables peuvent gêner les résultats de la photométrie de la bioluminescence de V. fischeri survivant dans le filtrat de chaque solution fille et d’ainsi confondre l’interprétation des résultats. Les personnes employant cette méthode de référence, et celles qui en interprètent les résultats devraient être sensibles à ces facteurs de confusion et à leurs conséquences avant de décider si les matières d’essai sont toxiques ou non. Les variables qui peuvent gêner la luminescence de V. fischeri dans les filtrats sont notamment (ASTM, 1995 ; Ringwood et al., 1997 ; Tay et al., 1998) :

La taille des grains des sédiments peut être un facteur de confusion important, puisqu’un pourcentage croissant d’argile dans la matière d’essai s’est révélé causer une diminution proportionnelle des CI50 pour V. fischeri récupéré dans des filtrats de sédiment non contaminé. Dans un essai en phase solide employant V. fischeri, les échantillons de sédiment non contaminé, constitués principalement de sables, (p. ex. 0-5 % de fines) ont donné de façon caractéristique une CI50 de 28 000, à moins de 100 000 mg/L (Cook et Wells, 1996 ; Ringwood et al., 1997 ; Tay et al., 1998). Les CI50 présentent une chute brusque (Benton et al., 1995 ; Ringwood et al., 1997) lorsque le pourcentage de fines dans le sédiment non contaminé passe de 5 à environ 20 %, alors que la CI50 pourrait varier de, disons, 5000 à 15 000 mg/L, selon la nature des fines (p. ex. pourcentage d’argiles et de limons) [Ringwood et al., 1997 ; Tay et al., 1998 ; McLeay et al., 2001]. Des taux supérieurs de fines dans le sédiment non contaminé se traduisent typiquement par une stabilisation de la baisse des CI50 associées à l’augmentation du taux de fines. Les essais en phase solide avec V. fischeri en présence de 100 % de kaolin se seraient traduits par des CI50 variant de 1373 à 2450 mg/L (Ringwood et al., 1997 ; Tay et al., 1998). Dans une étude interlaboratoires visant à valider cette méthode de référence, les CI50 obtenues par un échantillon de kaolin à 100 % ont varié de 1765 à 2450 mg/L (McLeay et al., 2001). Ensemble, ces conclusions appuient les nouvelles lignes directrices provisoires, exposées plus loin, pour décider si les échantillons sont toxiques ou non, conformément à l’essai en phase solide employant V. fischeri. Ces nouvelles lignes directrices tiennent compte : du taux de fines dans le sédiment d’essai ; de la brusque inflexion des valeurs lorsque la teneur en fines du sédiment d’essai atteint ou excède 20 % (Ringwood et al., 1997) ; de la capacité d’une prise d’essai constituée à 100 % d’argile d’abaisser la CI50 à 1765 mg/L, à peine, d’après la présente méthode de référence (McLeay et al., 2001).

Dans les alinéas qui suivent, il sera question de deux lignes directrices provisoires pour décider de la toxicité des échantillons dans un sédiment d’essai, d’après la présente méthode de référence. La première, qui a été recommandée et appliquée par Environnement Canada (EC, 1996b ; Porebski et Osborne, 1998), se fonde sur la prémisse selon laquelle tous les échantillons sont toxiques selon la présente méthode d’essai biologique si leur CI50 est inférieure à 1000 mg/L, quelle que soit la granulométrie. La seconde se fonde sur la prémisse selon laquelle les échantillons dont le taux de fines est inférieur à 20 % pourraient être toxiques à une CI50 d’au moins 1000 mg/L, vu que les facteurs de confusion de la granulométrie sont sensiblement diminués dans un sédiment grossier.

La première ligne directrice devrait s’appliquer à tous les échantillons de sédiment d’essai dont le taux de fines est d’au moins 20 %, de même qu’à tout échantillon renfermant moins de 20 % de fines et donnant une CI50 de moins de 1000 mg/L. La seconde devrait s’appliquer à tous les échantillons de sédiment d’essai ayant un taux de fines de moins de 20 %, dont la CI50 est d’au moins 1000 mg/L. Si l’on applique cette seconde ligne directrice provisoire aux échantillons de sédiment ayant un taux de fines inférieur à 20 % et une CI50 d’au moins 1000 mg/L, on peut reconnaître comme toxiques les sédiments grossiers lorsque leur CI50 est sensiblement supérieure à 1000 mg/L. Il est recommandé d’appliquer la seconde ligne directrice à chaque échantillon de sédiment d’essai dont le taux de fines est inférieur à 20 %, sauf si la CI50 est inférieure à 1000 mg/L, auquel cas l’échantillon devrait être considéré comme toxique, et la seconde ligne directrice ne s’applique pas.

Ligne directrice 1

Le sédiment d’essai prélevé dans une station et à une profondeur données est considéré comme toxique si, quelle que soit sa granulométrie, sa CI50 est inférieure à 1000 mg/L.

Ligne directrice 2

Le sédiment d’essai prélevé dans une station et à une profondeur données, dont le taux de fines est de moins de 20 % et dont la CI50 est d’au moins 1000 mg/L, doit être comparé, quant à sa CI50, à un échantillon de sédiment de référence non contaminé ou de sédiment témoin négatif (artificiel ou naturel) dont le taux de fines ne diffère pas de plus de 30 % du sienNote de bas de page 14. D’après cette comparaison, il est toxique si, et seulement si, il remplit les deux conditions suivantes :

  1. sa CI50 est inférieure à la moitié de celle de l’échantillon du sédiment de référence ou du sédiment témoin négatifNote de bas de page 15 ;
  2. sa CI50 et celle du sédiment de référence ou du sédiment témoin négatif diffèrent sensiblement.

Pour ce qui concerne la ligne directrice 2 et la présente méthode de référence, « fines » s’entend de particules (de sédiments) qui ont au plus 0,063 mm de diamètre, c’est-à-dire tous les limons (de 0,004 mm à 0,063 mm) et argiles (de moins de 0,004 mm).

On vérifie s’il est satisfait à la première condition de la ligne directrice 2 à l’aide des exemples suivants de calcul : si la CI50 de l’échantillon de sédiment de référence ou de sédiment témoin négatif utilisé pour juger de la toxicité du sédiment d’essai grossier est de 20 000 mg/L, celle du sédiment d’essai doit être inférieure à 10 000 mg/L. De même, respectivement, si elle est de 5 050 mg/L, la CI50 du sédiment d’essai doit être de moins de 2 025 mg/L.

Il faut éprouver la deuxième condition de la ligne directrice 2, afin de voir si elle est satisfaite par la comparaison, par paires, des valeurs de deux CI50 et de leurs limites de confiance à 95 %, décrite dans Sprague et Fogels (1977), comme moyen de comparer deux CL50 Note de bas de page 16. Lorsque l’on cherche une différence significative, p < 0,05 doit servir comme seuil de distinction de l’effet.

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